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Parlement du Canada

Allocution
de Son Excellence M. François Hollande
président de la République française

devant les deux Chambres du Parlement à la Chambre des communes, à Ottawa
Le lundi 3 novembre 2014

S.E. M. François Hollande (président de la République française):

Monsieur le premier ministre, cher Stephen, monsieur le Président du Sénat, monsieur le Président de la Chambre des communes, mesdames et messieurs les parlementaires, je suis très sensible à l'accueil que vous me réservez.

C'est un grand honneur que vous faites à la France de lui permettre, à travers ma voix, de s'exprimer ici, devant votre Parlement, ce haut lieu de la démocratie, qui a été profané le 22 octobre dernier par une attaque d'inspiration terroriste dont le but ultime était de s'en prendre à l'idée même de liberté, c'est-à-dire ce dont votre Parlement est le symbole.

Je salue le courage de Kevin Vickers, qui est devenu un homme connu partout dans le monde. J'adresse la solidarité de la France, mon pays, au peuple canadien dans l'épreuve qu'il a traversée, et je réaffirme ici que, face au terrorisme, il n'y a pas de place pour le renoncement, pour la concession ou pour la faiblesse. Car le terrorisme menace les valeurs sur lesquelles nos deux nations se sont bâties. C'est pourquoi la France et le Canada agissent ensemble pour prendre leurs responsabilités pour la sécurité du monde.

Mesdames et messieurs, une indéfectible amitié nous lie, Canadiens et Français. Elle s'inscrit dans une longue histoire, que vous avez rappelée, monsieur le premier ministre. Il y a tout juste 400 ans, un Français originaire des Charentes, Samuel de Champlain, remontait le Saint-Laurent depuis l'océan et fondait un nouveau pays, votre pays. Il fut le premier gouverneur général du Canada. Cet anniversaire de la création du Canada, nous le commémorerons et nous le célébrerons aussi pour les 150 ans de la Confédération, en 2017.

France et Canada sont également unis par le sang, par l'alliance qui s'est forgée lors de la succession des deux conflits mondiaux du XXe siècle. Le Canada et Terre-Neuve ont été présents aux côtés de la France, et ce, dès le premier jour des deux conflits, en 1914 comme en 1939.

La France a des cimetières militaires. À Vimy, à Hénin-Beaumont, à Beaumont-Hamel et à Dieppe, dans ces lieux de souvenirs, beaucoup de Français anonymes viennent s'incliner et éprouvent une émotion sans limite en mémoire du sacrifice de ces jeunes Canadiens, vos aînés, qui sont morts pour la France. C'est pourquoi j'ai tenu à honorer près de 600 vétérans canadiens qui ont participé aux débarquements de Normandie et de Provence, en 1944, pour libérer la France et pour libérer l'Europe. Je les ai faits chevaliers de la Légion d'honneur.

Ici même, dans ce Parlement, en juillet 1944 — la guerre n'était pas terminée —, le général de Gaulle affirmait que votre soutien dans ce qu'il appelait « les mauvais jours » était la plus haute preuve qu'il soit possible d'apporter de l'amitié entre la France et le Canada. Cette alliance ne s'est jamais relâchée. Elle a duré durant la guerre froide, lors des conflits de l'ex-Yougoslavie, en Afghanistan, en Libye, aujourd'hui en Afrique de l'Ouest, au Mali, mais également en Irak. Nos aviations combattent ensemble en Irak, non pas pour apporter la guerre, mais bien pour faire prévaloir les idées qui peuvent conduire à la paix.

Nous sommes toujours ensemble quand il s'agit de défendre la démocratie, l'aspiration des peuples à leur émancipation, la dignité humaine et les droits des femmes partout dans le monde. Le Canada et la France appartiennent à la même famille.

Je vais reprendre une de vos formules, monsieur le premier ministre, car je ne me le serais pas permis: le Canada est né en français, et donc il parle français. Cette relation intime englobe l'ensemble du Canada, depuis l'Atlantique et l'ancienne Acadie jusqu'aux dynamiques communautés francophones qui se sont développées aux confins du Pacifique, au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest. C'est toujours un plaisir et une fierté d'entendre parler français dans le monde et d'entendre parler français au Canada.

La Francophonie n'est pas une survivance de l'histoire, c'est un atout pour l'avenir, et les jeunes générations ont compris que le bilinguisme était une chance et que le français, c'est la langue de l'excellence culturelle, mais aussi la langue du développement économique. Bientôt, la Francophonie comptera le tiers des nations représentées à l'ONU, plus de 700 millions de locuteurs dès lors que l'Afrique a fait aussi le choix de la Francophonie. Le français n'appartient pas à la France. Le français, c'est la langue des libertés. Le français incarne des valeurs. Le français défend les droits de l'homme, et c'est pourquoi, d'ailleurs, vous venez de consacrer aux droits de l'homme un musée à Winnipeg, dans votre pays.

Mesdames et messieurs les parlementaires, le Canada et la France ont adopté, l'année dernière à Paris, à l'occasion de la visite du premier ministre, un Programme de coopération renforcée autour de trois priorités. La première était la plus simple à trouver: la croissance. Nous avons besoin de croissance dans les Amériques comme en Europe, et pour avoir de la croissance, il faut faire des échanges commerciaux entre nos deux continents, mais également entre nos deux pays.

Aujourd'hui, les échanges représentent 8 milliards de dollars entre la France et le Canada. La France est le huitième fournisseur du Canada et son neuvième client. Ce n'est pas la place que nous voulons occuper. La France ne revendique pas d'être la première, mais la seconde peut être occupée par d'autres. Nous pouvons donc faire davantage.

Je suis convaincu que l'Accord économique et commercial qui a été signé entre l'Union européenne et le Canada peut contribuer au développement de nos échanges. La France souhaitait cet accord et elle y posait des conditions. Il fallait que soient respectés les principes d'exclusion des services audiovisuels et que soient défendues l'origine et la qualité de nos produits agricoles, et vous étiez également attentifs à ce sujet. Toutefois, maintenant que l'accord est signé, il ne faut plus perdre de temps, il convient de le ratifier et de le mettre en oeuvre.

La France est également présente au Canada, au-delà même de sa langue et de sa culture, par des entreprises. Plus de 550 sont implantées dans votre pays. C'est encore trop peu. J'invite donc beaucoup de chefs d'entreprises — d'ailleurs, ceux qui m'accompagnent en sont convaincus — à investir encore davantage au Canada. Je nous appelle, Canadiens et Français, à multiplier les investissements dans nos pays respectifs. Les réformes que j'ai engagées depuis deux ans et demi en France ouvrent une nouvelle perspective, car elles créent un contexte beaucoup plus favorable pour investir en France. J'ai voulu améliorer l'attractivité de mon pays, simplifier les procédures, alléger le coût du travail et soutenir l'innovation, la recherche et l'éducation, mais si la France fait des efforts, elle ne peut les accomplir seule, et c'est pourquoi l'Europe doit également agir.

Il y a deux ans, lorsque j'ai rencontré le premier ministre canadien, c'était l'image d'une Europe qui ne savait pas encore si elle pourrait préserver sa propre monnaie. Les risques d'éclatement étaient sérieux, des pays menaçaient de quitter l'Union économique et monétaire. Deux ans après, la zone euro est solide et robuste, mais la croissance, elle, est trop faible.

Alors, l'Union européenne se prépare à lancer un grand programme d'investissement public et privé dans les domaines de la transition énergétique, des infrastructures et des nouvelles technologies. J'invite le Canada à saisir aussi ces opportunités, avec son savoir-faire, car nous avons besoin de croissance, nous avons besoin de développement et nous avons besoin de progrès. Nous ne pouvons pas accepter que les jeunes, les plus jeunes, soient les premières victimes d'un système économique. Le premier devoir d'une économie, c'est de fournir à la jeunesse la croyance qu'il est possible de vivre mieux, et c'est aujourd'hui ce que nous avons à faire.

Le monde affronte des menaces nouvelles. Nous les avons évoquées. Nous partageons les mêmes objectifs au sein de l'Alliance atlantique qui contribuent à notre défense collective. Nous travaillons, lorsque c'est nécessaire, à des interventions extérieures. Au Mali, le Canada nous a apporté un soutien décisif dès les premières heures de l'intervention. Et là aussi, pour l'Afrique de l'Ouest, savoir que des peuples qui pouvaient être loin de ces lieux de conflit étaient capables de se réunir pour porter un soutien et une solidarité a créé un lien nouveau entre l'Afrique et les pays qui venaient ainsi en soutien.

Nos deux pays sont également engagés en Irak. J'imagine ce qu'ont pu être les débats ici, dans ce Parlement, sur une intervention en Irak. La France avait refusé d'intervenir en Irak il y a près de 10 ans, parce que ce n'était pas ce que nous pensions juste pour le monde. Mais aujourd'hui, face à un mouvement terroriste qui tue, qui massacre, qui rase des villages, qui met les femmes et les enfants en situation de servage, qui les noie dans les puits, est-ce que nous pourrions rester sans réaction et indifférents, en pensant que cela ne nous concerne pas? Non.

Il y a toujours des doutes quand il y a une opération extérieure, et je les partage. Il y a toujours des interrogations. Combien de temps cela va durer? Est-ce qu'on a véritablement conscience de ce que l'opération va produire? Et si nous voulons travailler ensemble, et il le faut, nous devons nous dire que ce combat-là prendra du temps, qu'il ne se résoudra pas en quelques bombardements, parce que ce ne sont pas des bombardements qui permettent de trouver des solutions politiques, qu'il faudra associer les populations elles-mêmes et leur dire que ce sont elles qui doivent se débarrasser du terrorisme, et que ce sont nous, les nations, qui pouvons leur apporter l'appui et qui devons d'abord montrer le chemin.

Nos deux pays font face à ce qu'on appelle les phénomènes des combattants étrangers: des individus perdus, fanatisés et manipulés. Vous les connaissez maintenant. Le plus souvent, pas toujours, ce sont des convertis qu'on n'avait pas forcément, un moment, identifiés ou décelés comme pouvant basculer. Quand ils partent, ils vivent des situations d'horreur. Nous avons reçu des témoignages de ce qu'ils peuvent regarder ou de ce à quoi même ils peuvent participer. Alors, quand ils reviennent, hantés par ce qu'ils ont pu voir, ils peuvent être tentés de reproduire des massacres dans leur pays d'origine. C'est pourquoi nous devons renforcer notre coopération, celle des services spécialisés, mais dans le strict respect des libertés publiques, car si nous manquons aux libertés publiques, alors c'est une nouvelle victoire du terrorisme contre les démocraties.

Le Canada a voté l'an dernier de nouvelles dispositions législatives contre le terrorisme. La France vient de faire de même: contrôler les réseaux sociaux, interdire les départs, lutter contre les filières et suivre les combattants à leur retour. Mais, je l'ai dit, nous devons aussi chercher des solutions politiques aux conflits, partout, et faire en sorte qu'il puisse y avoir des conférences internationales qui permettent de donner une perspective, y compris à ceux qui combattent. Cette démarche de rechercher en permanence la solution politique, tout en étant ferme sur le respect de nos principes et capables même d'utiliser la force, cette démarche vaut également en Ukraine. Je sais combien le Canada est préoccupé par cette crise. Il y a plus d'un million de Canadiens d'origine ukrainienne qui vivent, dans la douleur et l'appréhension, la mise en cause de l'intégrité territoriale de ce qui était leur pays. Les sanctions, nous les avons prises de manière coordonnée, elles étaient nécessaires, elles sont encore nécessaires, mais elles ne peuvent pas être la seule réponse. L'objectif, c'est de convaincre Moscou et les séparatistes de renoncer à l'escalade et de revenir au dialogue. Il y a eu un protocole qu'on appelle l'accord de Minsk, qui a été signé le 5 septembre de cette année. C'est ce protocole, tout ce protocole, qui doit s'appliquer.

Dans le cadre de ce que j'ai appelé « les rencontres de Normandie », qui avaient finalement eu lieu le jour même où nous célébrions l'anniversaire du Débarquement et qui nous avaient permis, à Angela Merkel et à moi-même, de réunir — c'était la première fois qu'ils se rencontraient — Porochenko comme président de la république d'Ukraine et le président Poutine pour la Russie, c'était la première fois que ce forum pouvait avoir lieu. Il a été suivi par de nombreuses discussions téléphoniques ou rencontres. Je crois à ce format-là, mais il n'a de sens que s'il débouche sur un accord politique.

Il y a eu des élections, d'abord des élections en Ukraine, les seules que nous reconnaissons, et puis il y a eu des consultations dans une toute petite partie de l'Ukraine, mais qui méritent d'être considérées. Ces consultations ne peuvent pas être reconnues comme une séparation, ce sont des élections locales dont les conséquences sont locales et qui appellent le dialogue. J'appelle moi-même le président Poutine à rester dans ce cadre. Il ne s'agit pas de reconnaître des élections qui pourraient mettre en cause l'intégrité territoriale de l'Ukraine.

Mesdames et messieurs, il y a aussi le défi climatique. Ce n'est pas un défi pour les 10 prochaines années, c'est un défi pour le siècle. Ce n'est pas une menace pour un continent ou pour quelques îlots épars dans le monde, non, c'est un défi pour la planète. La température s'est élevée de près d'un degré Celsius depuis 200 ans et pourrait dépasser trois degrés Celsius d'ici la fin de ce siècle avec les conséquences que l'on connaît: la fonte des glaciers et l'élévation du niveau de la mer.

Dans son cinquième rapport de synthèse, paru le 1er novembre, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC, un groupe incontestable, un groupe rassemblant les plus hautes autorités scientifiques, a fait un nouveau constat et il est sans appel: il y a un lien direct entre le réchauffement climatique et les émissions de gaz à effet de serre d'origine humaine. L'inaction conduirait à un scénario catastrophique qui serait inacceptable, qui serait sans doute vivable pour nous, mais invivable pour nos enfants et nos petits-enfants. Il est encore possible de limiter l'élévation à deux degrés de la température de la planète, et c'est déjà beaucoup, si nous sommes capables de réduire de 40 % au moins les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 et, pour certains, 2050.

La conférence sur le climat va se tenir à Paris. Je remercie tous les participants d'avoir fait de Paris le siège de cette conférence, nous étions les seuls candidats.

Il y a deux cas de figure quand il n'y a qu'un seul candidat: c'est que ce n'est pas une vraie élection ou que personne ne veut prendre cette responsabilité. Nous l'avons prise. Nous l'avons prise pour le monde, et nous l'avons prise parce que nous voulons que ceux et celles qui, comme nous, sont conscients qu'il y a un danger puissent être ensemble. Ce n'est pas un danger simplement pour nos propres économies, mais un danger pour nos populations.

La France est capable de parler à tous les pays du monde. C'est un privilège qui tient à notre histoire, à notre diplomatie, à notre culture et à l'image que l'on se fait de nous. Nous sommes membres permanents du Conseil de sécurité, nous parlons à tous les dirigeants du monde. Alors nous leur disons que le rendez-vous est en décembre 2015. Je pense que le Canada, qui connaît aussi ces transformations, qui fait aussi de l'énergie un mode de développement, notamment dans ses territoires de l'Ouest, sera pleinement engagé dans ce combat contre le réchauffement climatique. En effet, le Canada veut protéger l'environnement, notamment en Arctique. Le Canada veut développer dans cette région ce qu'il a de ressources dans le cadre d'un écosystème.

J'ai rencontré les premiers ministres de provinces, notamment du Nord-Ouest. C'est un territoire vaste comme la France, avec 55 000 habitants, un territoire riche de sa nature, de son histoire et aussi de son avenir. C'est aussi pour ces territoires que nous devons réussir la conférence sur le climat.

Il y a une autre menace, et le premier ministre en a parlé, c'est la menace sanitaire, Ebola. Là aussi je salue l'effort du Canada. La France va se concentrer sur la Guinée, pays francophone. Le Canada a décidé de nous rejoindre dans ce dispositif, avec des volontaires francophones. C'est là que la Francophonie peut être aussi utile, car pour soigner, les malades ont besoin de se faire comprendre et les soignants de pouvoir également faire la démonstration, la pédagogie de leurs remèdes.

La réunion que nous avons tenue ce matin même avec les universitaires et chercheurs canadiens et français montre que nous sommes capables, ensemble, de travailler sur le plan scientifique, au plus haut niveau, pour lutter contre le virus, avec des tests, avec la recherche de vaccins. Voilà ce que nous pouvons faire, Français et Canadiens: aller là-bas sur place, pour soigner, et ici, préparer des vaccins et les solutions pour demain.

Lors du prochain sommet de Dakar, qui se tiendra le mois prochain, la France et le Canada seront présents pour donner une nouvelle impulsion à la Francophonie. Lors de ce rendez-vous de Dakar, un nouveau secrétaire-général sera nommé, mais je n'apprends rien à personne ici. Je veux que ce rendez-vous soit utile pour que nous puissions soutenir davantage la jeunesse francophone, protéger davantage le droit des femmes francophones, et que nous puissions aussi développer les technologies nouvelles dans l'ensemble de l'espace francophone. Nous voulons faire une Francophonie qui soit à la fois culturelle — elle l'est —, mais qui puisse être économique.

Le français doit unir les chercheurs, les créateurs et les entrepreneurs pour créer une nouvelle économie, pour tous les pays qui parlent le français ou qui voudraient le parler. La Francophonie, c'est aussi la diversité culturelle. Elle vous est chère, elle nous est chère et elle doit être défendue âprement contre l'uniformité, la marchandisation et la banalisation. Méfions-nous des langues qui ne ressemblent plus à rien, des fausses langues, des langues bâtardes, des langues inventées et des langues qui ne sont même plus écrites. Nous avons aussi à défendre toutes les langues. La Francophonie n'est pas une bataille d'une langue contre une autre, la Francophonie, c'est la bataille de la richesse culturelle du monde.

C'est pourquoi nous les Français, nous admirons votre culture, vos artistes, vos chanteurs, vos cinéastes, vos théâtres et vos créateurs.

La France relève la vitalité artistique du Canada, en français et en anglais. Xavier Dolan, un jeune créateur de 25 ans, s'est illustré tout récemment à Cannes. Dany Laferrière a été reçu à l'Académie française. Alice Munro s'est vu attribuer le prix Nobel de littérature. Alors, chaque fois que vous obtenez un succès, la France, qui est très prétentieuse, pense toujours qu'elle en a une part. Merci!

Le Canada est un pays aussi devenu très attirant pour les Français. Mes compatriotes sont plus de 200 000 à avoir fait le choix d'un séjour plus ou moins durable ici, chez vous. Je considère que ces mouvements contribuent au rayonnement et au développement de la France. Il n'y a rien à craindre. D'ailleurs, la France n'a jamais rien à craindre de la confrontation, de la compétition, mais surtout, de l'ouverture. L'expérience que ces Français acquièrent ici, elle est bénéfique, elle est communicative, et elle est utile au Canada et utile à la France.

Nous voulons donc même l'encourager avec des accords de mobilité, qu'on appelle ici des ententes de mobilité — j'ai compris que c'était le mot. Le mot « entente » est quand même beaucoup plus agréable à entendre qu'« accord ». « Accord », c'est quand on finit par être sur une même ligne; « entente », c'est parce qu'on peut passer toute sa vie ensemble. C'est pourquoi nous voulons multiplier ces accords de permis vacances-travail, de volontariat international en entreprise pour que vous puissiez avoir davantage de jeunes Français ici, et nous, de jeunes Canadiens en France.

Nous voulons aussi être très attractifs pour les étudiants étrangers. Nous sommes d'ailleurs un des pays les plus attractifs pour les étudiants étrangers, mais nous manquons de Canadiens. Sans doute, notre système d'enseignement supérieur n'avait pas été regardé comme pouvant être conforme avec le vôtre. Alors, nous avons fait en sorte, ce matin même, de multiplier les accords entre les universités et entre les instituts de recherche, et d'avoir un haut niveau d'exigence pour que nous ayons plus d'étudiants canadiens en France et plus d'étudiants français au Canada. Ces échanges scientifiques sont pour nous très importants. On a été capable de mettre au point un grand télescope Canada-France-Hawaï pour faire une astronomie de haut niveau et aussi une recherche excellente contre les maladies neurodégénératives. Voilà pourquoi je suis très heureux de faire cette visite d'État.

Je vois le Canada comme un pays ami, mais surtout comme un pays jeune, ouvert et fier de sa diversité. Vous gagnez de la population chaque année. Vous n'avez pas peur de l'immigration. Vous ouvrez aussi largement vos portes parce que vous êtes sûrs de votre modèle d'harmonie et de compromis. Préservez-le, c'est essentiel pour toute nation de pouvoir vivre ensemble. Ce qui fait la force d'une nation, c'est qu'elle peut savoir quel est son destin et quel est son avenir, et gagner de la population. La France a également cette même vitalité démographique. C'est une chance de savoir que nous serons plus nombreux ensemble et que nous pouvons vivre ensemble, dans le respect des autres, mais avec des règles qui doivent être les mêmes pour tous, pour que chacun sache bien quel est le mode de vie que nous voulons respecter.

La France, vous le savez, a une relation exceptionnelle, singulière, avec le Québec, et elle continuera de l'avoir. En même temps, la France veut travailler avec toutes les provinces du Canada. Je l'ai montré en allant en Alberta, et je suis ouvert à toutes les ententes avec toutes les provinces du Canada. Comprenez bien que si on a pour le Québec de l'amour, on a aussi de l'amitié à revendre et à offrir à tout le Canada.

Car ce qui nous unit, et je terminerai là, depuis des siècles et encore aujourd'hui, c'est la culture, la langue et l'économie, sûrement, mais c'est surtout une communauté de valeurs qui fait que nous nous comprenons tout de suite, que nous devinons ce que vous pensez et que vous interprétez toujours de la même manière positive ce que nous pouvons déclarer. Nous avons le respect des personnes.

Nous croyons au progrès, à la justice et aussi à l'exigence de respecter la planète. Je crois à la force de notre amitié, à cette vitalité qui nous anime et aux projets que nous allons bâtir ensemble.

Le Canada occupe une place particulière dans le coeur des Français. Le Canada d'hier nous rendait fiers. Le Canada d'aujourd'hui nous incite encore à être plus proches de vous. Faisons de notre amitié un capital pour nos économies, faisons de notre amitié une garantie pour notre sécurité, et faisons de notre amitié une espérance pour la jeunesse.

Vive le Canada et vive la France!

[Applaudissements]


Source : Débats de la Chambre des communes, volume 147, numéro 137, 2e session, 41e législature, Compte rendu officiel (Hansard), Le lundi 3 novembre 2014