Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) estime que 960 000 réfugiés environ attendent de pouvoir se réinstaller dans un pays tiers1. Selon l’UNHCR, ces réfugiés ne peuvent ni retourner dans leur pays d’origine ni s’intégrer dans leur premier pays d’asile.
La communauté internationale s’est engagée à assurer la réinstallation d’un total de quelque 80 000 réfugiés chaque année. Selon les données historiques, le Canada accueille environ 10 % de ce total, sa cible actuelle étant de 8 à 12 %2. En 2010, le gouvernement s’est engagé à augmenter de 20 % par an (soit 2 500 personnes) le nombre de réfugiés réinstallés de l’étranger. Pour 2015, il a accepté d’accueillir jusqu’à 14 500 réfugiés réinstallés, sur un total de 285 000 nouveaux immigrants3.
Le Canada accueille les réfugiés à réinstaller pour des motifs d’ordre humanitaire. La réinstallation lui permet aussi d’alléger le fardeau qui pèse sur les pays hôtes et de partager la responsabilité relative aux personnes déplacées. En plus de ses engagements concernant la réinstallation des réfugiés, le Canada doit s’acquitter de ses obligations internationales à l’égard des personnes venues au Canada de leur propre chef et dont il est déterminé qu’elles ont besoin de protection (les demandeurs du statut de réfugié ou d’asile)4.
Le présent document donne un aperçu des programmes canadiens de réinstallation des réfugiés en expliquant qui y est admissible et quels sont ces programmes. Il aborde aussi certaines questions d’ordre opérationnel concernant la réinstallation des réfugiés.
Pour être admissible à la réinstallation au Canada à titre de réfugié, il faut satisfaire aux critères énoncés dans la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés des Nations Unies, c’est-à-dire devoir craindre avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques. Il faut également se trouver à l’extérieur du pays dont on a la nationalité ou dans lequel on a sa résidence habituelle et ne pas être en mesure de se réclamer de la protection de ce pays.
En outre, le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés prévoit que les personnes qui se trouvent à l’extérieur de leur pays sont admissibles à la réinstal¬lation à titre de réfugiés dans le cas où « une guerre civile, un conflit armé ou une violation massive des droits de la personne » a pour elles « des conséquences graves et personnelles5 ». Le Règlement prévoit également que le demandeur ne voit aucune possibilité raisonnable de solution durable réalisable dans un délai raisonnable dans un pays autre que le Canada6. Enfin, le demandeur doit normale¬ment montrer qu’il pourra réussir son installation et doit répondre à des critères d’admissibilité en matière d’examen médical et de contrôle de sécurité7.
Les agents de visas de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) dans les bureaux à l’étranger sont généralement chargés de déterminer si une personne est admissible à la réinstallation et si elle n’est pas interdite de territoire. Le cas de certains réfugiés est présenté à CIC par un organisme de recommandation désigné (notamment l’UNHCR), alors que celui d’autres réfugiés l’est par des répondants privés. Les demandes sont en général traitées au cas par cas, sauf lorsqu’un afflux massif de réfugiés (c.-à-d. en raison d’un conflit ou d’un climat de violence généralisée) amène l’UNHCR à déclarer qu’un groupe est composé de réfugiés prima facie8.
Les réfugiés qui se réinstallent au Canada utilisent l’un des moyens suivants :
Le tableau 1 résume les principales différences entre ces programmes.
Programme de réfugiés pris en charge par le gouvernement | Programme d’aide conjointe | Programme de parrainage privé de réfugiés | Programme mixte des réfugiés désignés par les bureaux des visas | |
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Recommandation à CIC | UNHCR | UNHCR | Répondants privésa | UNHCR |
Financement | CIC, au moyen du Programme d’aide à la réinstallation | CIC, au moyen du Programme d’aide à la réinstallation | Répondants privés | CIC et répondants privés, fournissant chacun une aide au revenu pendant 6 mois et les seconds assumant les frais initiaux |
Aide à la réinstallation | Programme d’aide à la réinstallation | Répondants privés | Répondants privés | Répondants privés |
Couverture au titre du Programme fédéral de santé intérimaireb |
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Notes: a. Les réfugiés recommandés par des « groupes de cinq » ou des répondants communau-taires doivent présenter des documents montrant que l’UNHCR ou un gouvernement étranger a déterminé qu’ils étaient des réfugiés.
b. Gouvernement du Canada, Programme fédéral de santé intérimaire : résumé des prestations offertes.
Source: Tableau préparé par l’auteure à partir de Nadine Nasir, Aperçu du Programme de parrainage privé de réfugiés, séminaire sur le Web, Programme de formation sur le parrainage privé des réfugiés, 29 janvier 2015.
Dans le cadre de l’Accord Canada Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains9, le gouvernement du Québec sélectionne des réfugiés dans le bassin des personnes dont la réinstallation a été approuvée par CIC, et il administre son propre programme de parrainage privé10.
Le gouvernement fédéral assume l’entière responsabilité des réfugiés qui passent par le Programme de réfugiés pris en charge par le gouvernement11. Le Programme d’aide à la réinstallation (PAR) de CIC fournit un soutien pour la réinstallation de ces réfugiés au moyen d’un réseau d’organismes de fournisseurs de services, notamment :
des services au point d’entrée, de l’aide pour trouver un logement temporaire, de l’aide pour ouvrir un compte bancaire, une formation relative aux aptitudes à la vie quotidienne, des séances d’orientation et des liens vers le Programme d’établissement et les programmes fédéraux et provinciaux obligatoires12.
Le PAR peut aussi fournir aux réfugiés admissibles un soutien du revenu pour les frais initiaux et les frais courants, en général pour leur première année au Canada13.
Certains réfugiés sélectionnés pour réinstallation par le gouvernement ont besoin d’une aide spéciale. Le gouvernement tente donc de répondre à leurs besoins pen-dant une période de réinstallation plus longue en collaboration avec des répondants privés dans le cadre du Programme d’aide conjointe. Ce programme s’adresse aux réfugiés qui ont besoin d’une aide accrue pour les raisons suivantes :
Le Programme de parrainage privé de réfugiés (PPPR) est un programme de réinstallation unique en son genre, puisque les répondants peuvent recommander à CIC des réfugiés pour réinstallation. Les répondants assument la totalité des coûts financiers pendant la période de réinstallation initiale.
Dans le cadre du PPPR, les répondants privés fournissent une aide financière initiale pour la réinstallation semblable à celle fournie par le PAR ainsi qu’un soutien moral et social. En 2014, le coût total estimé du parrainage d’une seule personne s’élevait à 12 600 $, et celui du parrainage d’une famille de six personnes, à 32 500 $15. Parce que le PPPR fait appel à des ressources privées, il permet à un nombre supérieur de réfugiés de se réinstaller au Canada sans entraîner une augmentation des coûts pour le gouvernement.
Les répondants privés du PPPR16 sont :
La figure 1 compare le nombre de réfugiés réinstallés pris en charge par le gouver-nement au nombre de réfugiés parrainés par des groupes du secteur privé. Comme la plus grande partie de l’augmentation apportée par le gouvernement à la cible en matière de réinstallation concerne le parrainage privé (2 000 réfugiés sur 2 500), les tendances illustrées à la figure 1 devraient se maintenir.
Figure 1 – Nouveaux résidents permanents admis dans le cadre du Programme de réfugiés pris en charge par le gouvernement et du Programme de parrainage privé de réfugiés, 2004-2013
Source: Figure préparée par l’auteure à partir de données tirées de Gouvernement du Canada, Faits et chiffres 2013 – Aperçu de l’immigration : Résidents permanents.
Le Programme mixte des réfugiés désignés par les bureaux des visas20, créé en 2013, s’appuie sur un partenariat entre l’UNHCR, CIC et les répondants privés et vise certaines populations de réfugiés. Ce programme, dont les frais sont partagés avec les répondants privés, a remplacé 1 000 places de réinstallation pour les réfugiés pris en charge par le gouvernement dans le plan annuel des niveaux d’immigration21.
L’UNHCR accorde généralement la priorité à la réinstallation des personnes particu-lièrement vulnérables et de celles qui sont exposées à un risque imminent; l’orga-nisme peut parfois, au besoin, recommander la réinstallation de l’ensemble de la population des réfugiés qui se trouvent dans un pays22. L’UNHCR et la communauté internationale reconnaissent que les places de réinstallation devraient être attribuées à des personnes qui vivent soit un conflit urgent ou une « situation de réfugiés prolongée » dans laquelle elles sont déplacées depuis de nombreuses années.
Le gouvernement du Canada définit les priorités en matière de réinstallation des réfugiés, aussi bien pour les groupes particulièrement vulnérables que pour certaines populations de réfugiés. Par exemple, le gouvernement a depuis de nombreuses années un programme destiné aux femmes en péril23 et il a lancé en 2011 un programme pilote de parrainage conjoint avec le secteur privé pour assurer la réinstallation de réfugiés persécutés en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité sexuelle24.
Au cours des dernières années, le gouvernement est passé d’un programme général de réinstallation à un régime plus ciblé comprenant des engagements pluriannuels à l’égard de groupes de réfugiés particuliers25. Tout récemment, il a annoncé la réinstallation sur trois ans de jusqu’à 10 000 réfugiés venant de la Syrie26. Selon CIC, les engagements pluriannuels visant la réinstallation de groupes donnés permettent des gains d’efficacité sur le plan administratif et une certaine continuité pour les collectivités recevant les réfugiés, qui peuvent alors adapter aux besoins de ces groupes leurs renseignements en matière d’orientation et d’autres mesures de soutien27. Toutefois, des organismes comme l’UNHCR continuent aussi à accorder de l’importance aux programmes de réinstallation généraux, qui font que « la réinstallation réagit bien en tant que mécanisme de protection individuelle28 ».
Les répondants privés peuvent avoir d’autres priorités en matière de réinstallation, parce que les réfugiés recommandés ont souvent de la famille au Canada ou viennent d’une région particulière. Par exemple, les répondants privés ont un intérêt marqué pour l’appui aux réfugiés de l’Afrique de l’Est (qui représentent jusqu’au quart des nouvelles demandes de places de réinstallation)29.
Le programme de réinstallation des réfugiés s’inscrit dans un environnement opéra-tionnel complexe, comme le démontre le fait que CIC n’ait pas atteint son objectif relativement au nombre de réfugiés pris en charge par le gouvernement en 2014. Les problèmes tiennent entre autres à de mauvaises conditions de sécurité, qui empêchent les agents de visas de se rendre dans des camps de réfugiés pour y mener des entrevues et qui parfois entraînent la fermeture d’ambassades, non sans incidence sur les services offerts par CIC sur le terrain. Dans certains cas, l’UNHCR est également aux prises avec des contraintes opérationnelles qui l’empêchent de faire un nombre adéquat de recommandations.
Depuis quelques années, le parrainage privé de réfugiés pour réinstallation s’est heurté à des problèmes opérationnels tels que de longs délais de traitement dans certaines régions et des taux d’approbation relativement faibles. Des changements d’ordre administratif et réglementaire adoptés en 2012 devaient régler ces problèmes à long terme30. Cependant, selon des rapports récents, certains répondants privés seraient toujours préoccupés par les retards de traitement des dossiers; d’autres auraient exprimé de nouvelles préoccupations concernant les changements d’ordre administratif et réglementaire apportés en 2012 et leur responsabilité accrue relative¬ment aux frais médicaux des réfugiés qu’ils parrainent31. Ces rapports laissent entendre que ces problèmes pourraient nuire aux efforts de recrutement et de main¬tien en place des bénévoles, ainsi qu’aux engagements financiers qui assurent la réussite du parrainage privé.
Le gouvernement a annoncé une augmentation de 20 % du nombre de réfugiés sélectionnés à l’étranger pour réinstallation au Canada, soit environ 2 500 personnes de plus par an. Pour atteindre cette cible, il continue de compter sur un certain nom¬bre de partenaires, en particulier l’UNHCR et les répondants privés32. Par ailleurs, le fait de hausser la cible suscite de nouvelles possibilités : la participation de nouveaux acteurs au parrainage privé et le renouvellement de la collaboration de longue date avec les groupes de la société civile.
† Les documents de la série En bref de la Bibliothèque du Parlement sont des survols de sujets d’actualité. Dans certains cas, ils donnent un aperçu de la question et renvoient le lecteur à des documents plus approfondis. Ils sont préparés par le Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque, qui effectue des recherches et fournit des informations et des analyses aux parlementaires, ainsi qu’aux comités du Sénat et de la Chambre des communes et aux associations parlementaires, et ce, de façon objective et impartiale. [ Retour au texte ]
Les afflux massifs concernent souvent des groupes de personnes reconnus comme réfugiés sur une base collective, étant donné que les motifs objectifs de leur fuite et les circonstances dans le pays d’origine sont manifestes. La détermination du statut individuel de réfugié étant irréalisable immédiatement, on a recours à la désignation ou à l’acceptation prima facie du statut de réfugié pour le groupe.(UNHCR, Guide et principes directeurs sur les procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés
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