Au Canada, des situations d’urgence telles que des feux de forêt, des inondations et des tremblements de terre se produisent chaque année. Lorsque de tels événements surviennent, une gestion efficace des mesures d’urgence est essentielle pour protéger la santé et la sécurité des Canadiens et pour assurer le plein rétablissement des collectivités. Pour certaines communautés des Premières Nations vivant dans les réserves, les conditions socioéconomiques, la situation géographique et la fréquence de ces événements rendent particulièrement difficiles la gestion des urgences et le rétablissement.
Le gouvernement fédéral joue un rôle important en ce qui concerne la prestation de services de gestion des urgences aux communautés des Premières Nations. La gestion des urgences dans les réserves a beaucoup retenu l’attention des médias dernièrement, à la suite de plusieurs catastrophes. Ainsi, les conséquences des inondations printanières dans des réserves du Nord de l’Ontario et du Québec ont braqué les projecteurs sur le rôle du gouvernement fédéral en matière de gestion des urgences dans les communautés des Premières Nations.
Le cadre canadien de gestion des urgences, dont il est question plus en détail ci-dessous, définit comme suit une urgence :
Situation présente ou imminente requérant des actions rapides et coordonnées touchant des personnes ou des biens, pour protéger la santé, la sécurité et le bien-être des personnes ou limiter les dommages aux biens ou à l’environnement1.
La présente étude utilisera cette définition générale, qui englobe les urgences d’origine tant naturelle qu’anthropique telles que les incendies, les inondations et les défaillances d’infrastructures.
Ce document décrit d’abord les rôles et responsabilités des gouvernements des Premières Nations, de ceux des provinces et de l’administration fédérale en matière de gestion des urgences dans les réserves. Il passe ensuite en revue l’audit mené en 2013 par le vérificateur général du Canada sur la gestion des urgences dans les réserves, ainsi que les changements apportés par le gouvernement fédéral depuis la publication du rapport d’audit. À l’aide de quelques exemples récents, la dernière partie de l’étude aborde les difficultés et les préoccupations qui subsistent en ce qui concerne la gestion des urgences dans les réserves des Premières Nations.
En 2007, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont élaboré un cadre coordonné de gestion des urgences destiné à être utilisé partout au pays. Le document de Sécurité publique Canada intitulé Un cadre de sécurité civile pour le Canada (le Cadre), qui a été révisé en 20112, décrit en quoi consiste cette approche. Le Cadre définit une « approche tous risques » commune aux fins de la coordination et de l’intégration des activités fédérales, provinciales et territoriales de gestion des urgences, dont la création de plans de gestion des urgences3.
Une approche tous risques en matière de gestion des urgences tient compte du fait que celles ci peuvent être provoquées par la nature, l’être humain ou les deux. L’approche adoptée comporte quatre dimensions interdépendantes qui peuvent s’appliquer à toute urgence, réelle ou potentielle : prévention et atténuation, préparation, intervention et rétablissement4. Ces quatre dimensions sous-tendent les activités de gestion des urgences partout au Canada, y compris dans les réserves des Premières Nations5.
Comme l’indique le Cadre, les activités de prévention et d’atténuation réduisent les risques d’urgences au moyen de mesures comme la construction de digues pour contrer les inondations ou la mise en œuvre de codes du bâtiment pour prévenir les défaillances d’infrastructures. Les activités de préparation comprennent l’établissement de plans de gestion des urgences et la conclusion d’ententes entre gouvernements pour la prestation de services pendant une situation d’urgence. Les activités d’intervention peuvent comprendre la recherche et le sauvetage, l’aide à l’évacuation et les relations publiques. Le rétablissement après une urgence peut consister à reconstruire l’infrastructure nécessaire et à offrir un soutien psychologique aux sinistrés.
Au Canada, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ainsi que les collectivités locales ont tous des responsabilités en matière de gestion des urgences. Les gouvernements provinciaux et territoriaux sont responsables de cette gestion à l’intérieur de leurs frontières. Le gouvernement fédéral coordonne les activités de gestion des urgences au Canada et fournit un appui à la demande des gouvernements provinciaux et territoriaux. Il peut aussi jouer un rôle dans la gestion des urgences dans des domaines relevant de sa compétence. Le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 confère au gouvernement fédéral l’autorité législative en ce qui concerne « les Indiens et les terres réservées pour les Indiens ».
Les sections qui suivent donnent un aperçu du rôle respectif des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ainsi que des Premières Nations pour ce qui est de la gestion des urgences dans les réserves.
La Loi sur la gestion des urgences, adoptée en 2007, définit le rôle des ministères fédéraux en matière de gestion des urgences. Aux termes du paragraphe 6(1), chaque ministre responsable d’une institution fédérale doit, d’une part, déterminer clairement les risques qui sont propres à son secteur de responsabilité ou qui y sont liés, notamment les risques concernant les infrastructures essentielles, et, d’autre part, élaborer et mettre en œuvre un plan de gestion des urgences à l’égard de ces risques6.
Sécurité publique Canada coordonne les activités de gestion des urgences de l’ensemble des gouvernements et a notamment la charge, en outre, de prêter assistance aux provinces et aux territoires en cas d’urgence. Son domaine de compétence s’étendait autrefois aux réserves des Premières Nations, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Conformément à la Loi sur la gestion des urgences, Affaires autochtones et du Nord Canada (AANC)7 et Santé Canada ont tous deux mentionné la gestion des urgences dans les réserves parmi les risques liés à leurs responsabilités ministérielles8.
Le rôle et les responsabilités d’AANC en matière de gestion des urgences dans les réserves sont énoncés dans son Plan national de gestion des urgences, dont la première version a été publiée en 2009. Ce plan est conforme à l’approche tous risques décrite dans le Cadre. Par conséquent, le rôle et les responsabilités d’AANC sont organisés selon les piliers (ou dimensions) de la gestion des urgences, soit la prévention et l’atténuation, la préparation, l’intervention et le rétablissement9.
En ce qui concerne l’appui et le soutien aux activités de gestion des urgences dans les réserves, le Plan national de gestion des urgences précise qu’AANC doit veiller à ce que les Premières Nations aient accès à des services de gestion des urgences comparables à ceux qui sont offerts aux autres résidants des différentes provinces10. Afin d’y parvenir, AANC accorde un appui financier, dans le cadre du Programme d’aide à la gestion des urgences, pour aider les Premières Nations à atténuer les situations d’urgence de même qu’à s’y préparer, à y intervenir et à s’en rétablir11.
AANC est également chargé d’aider les communautés des Premières Nations à élaborer et à mettre à jour des plans d’urgence régionaux et nationaux, ainsi que des plans visant à atténuer le risque que des situations d’urgence se produisent12.
Les gouvernements des provinces et des territoires jouent un rôle important en ce qui concerne la gestion des urgences dans les réserves des Premières Nations. Certains fournissent des services et des ressources tels que l’hébergement et le transport.
AANC négocie des ententes avec les gouvernements des provinces et des territoires pour la prestation de services de gestion des urgences aux communautés des Premières Nations. Ces ententes visent à clarifier les rôles et les responsabilités et à faire en sorte que les Premières Nations reçoivent des services comparables à ceux qui sont offerts aux autres résidants des différentes provinces13. AANC rembourse les coûts admissibles des services de gestion des urgences fournis par les gouvernements des Premières Nations, par les provinces ou les territoires ou par des tierces parties14.
Jusqu’à présent, AANC a conclu des ententes avec l’Alberta, la Saskatchewan et l’Ontario, et signé des protocoles d’entente avec la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse15. Pour les autres provinces et territoires, des négociations pour la prestation de services de gestion sur les réserves sont en cours16.
En 2015, AANC a renouvelé son entente avec l’Alberta sur la gestion des urgences dans les réserves17. En vertu de cette entente, le gouvernement de l’Alberta assure les services pendant les situations d’urgence et peut apporter une aide financière aux Premières Nations pour les activités de rétablissement après une urgence de grande ampleur18. Selon le gouvernement de la province, des agents locaux jouent un rôle clé en coordonnant la prestation des services de la province et de tiers aux Premières Nations dans les réserves. Ces agents locaux fournissent également soutien, assistance et conseils aux Premières Nations pour les aider à dresser et à mettre en œuvre des plans de gestion des urgences19. L’entente renouvelée a fait passer de deux à quatre le nombre des agents locaux affectés aux communautés des Premières Nations20.
Dans le cadre d’une entente avec AANC, le gouvernement de la Saskatchewan s’est engagé à soutenir la gestion des urgences dans les réserves des Premières Nations. À ce titre, il conseille les Premières Nations sur l’élaboration et la mise en œuvre de plans de gestion des urgences21. L’entente permet aux Premières Nations de la Saskatchewan de demander le remboursement de certains frais de gestion des urgences, en application du programme provincial d’aide en cas de catastrophe qu’administre le gouvernement de la Saskatchewan22 . En février 2015, ce dernier a entamé la négociation, avec AANC, d’une entente visant à clarifier la prestation et le financement des services de gestion des urgences dans les réserves23.
En Ontario, une entente entre le gouvernement fédéral, la province et les Premières Nations clarifie les rôles et les responsabilités en matière de gestion des urgences dans les réserves. À la demande d’AANC ou d’une communauté des Premières Nations, le gouvernement de l’Ontario et la Société de services techniques des Premières Nations de l’Ontario24 fourniront leur assistance en matière de mesures et interventions d’urgence25. De plus, le Comité directeur mixte de la gestion des situations d’urgence, composé de représentants des Premières Nations, de ministères fédéraux et provinciaux et de municipalités, élabore actuel-lement un programme de gestion des urgences à l’intention des Premières Nations de l’Ontario26.
AANC et la Colombie-Britannique ont signé un protocole d’entente selon lequel la province est le premier point de contact des Premières Nations en cas d’urgence27. En vertu de cet arrangement, le gouvernement provincial fournit et coordonne les services d’aide aux Premières Nations pendant les situations d’urgence dans les réserves. La Colombie-Britannique convient en outre d’appuyer les activités de rétablissement, à la demande d’AANC ou de l’une des Premières Nations28.
Le 16 avril 2010, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a signé un protocole d’entente avec AANC. Par ce document, la Nouvelle-Écosse et AANC se sont engagés à négocier une entente sur la prestation de services d’intervention en cas d’urgence à plusieurs communautés mi’kmaq de la province29. En date de septembre 2015, aucun renseignement sur l’état des négociations n’avait été rendu public.
Santé Canada joue également un rôle en ce qui concerne la gestion des urgences dans les réserves des Premières Nations, en fournissant des services de soutien et de santé en cas d’urgences sanitaires telles que l’éclosion de maladies. Santé Canada travaille en particulier avec les Premières Nations à établir des plans de pandémie.
Le gouvernement fédéral offre du financement pour les activités de gestion des urgences (prévention, préparation, intervention et rétablissement) à l’intention des communautés des Premières Nations dans les réserves, par l’intermédiaire du Programme d’aide à la gestion des urgences d’AANC30. Ce programme est financé par les crédits d’AANC destinés au poste Infrastructure et capacité. Le budget principal des dépenses de 2015-2016 affecte à ce poste 1,2 milliard de dollars31 , dont 70,2 millions sont attribués, d’après le Rapport sur les plans et les priorités de 2015-2016, aux dépenses prévues au Programme d’aide à la gestion des urgences32.
Avant le 1er avril 2014, Sécurité publique Canada remboursait les coûts admissibles dans le cadre du programme des Accords d’aide financière en cas de catastrophe. AANC versait un financement additionnel destiné aux Premières Nations vivant dans les réserves pour les activités liées à la préparation et au rétablissement33. Sous ce régime, les Premières Nations, des tierces parties, les gouvernements provinciaux et d’autres organismes qui fournissaient des services de gestion des urgences dans les réserves pouvaient demander un remboursement à plus d’un ministère fédéral. Afin de simplifier le processus, le 1er avril 2014, AANC est devenu le seul ministère responsable du remboursement des coûts admissibles pour l’ensemble des activités de gestion des urgences dans les réserves des Premières Nations34 .
Dans le cadre du Programme d’aide à la gestion des urgences, AANC rembourse directement le coût des activités de gestion des urgences dans les réserves aux provinces, aux territoires, aux tierces parties, aux organisations non gouvernementales ou aux gouvernements des Premières Nations qui assurent la prestation des services35. Si la situation d’urgence touche uniquement des terres de réserve, AANC rembourse la totalité des dépenses admissibles au titre de la gestion des urgences. Si la situation ne se limite pas à une réserve des Premières Nations, comme dans le cas d’un vaste feu de forêt, AANC ne rembourse qu’une partie du coût des activités36.
AANC organise les dépenses admissibles en fonction des quatre dimensions (ou piliers) de la gestion des urgences mentionnées ci-dessus. Afin d’atténuer les urgences éventuelles, AANC rembourse, par exemple, le coût des activités de nettoyage, des permis d’utilisation du sol et des études environnementales dans les terres de réserve. Les coûts admissibles au titre de la préparation aux situations d’urgence comprennent les salaires ainsi que l’impression et la distribution de matériel d’information publique. Pendant une situation d’urgence, les dépenses d’intervention admissibles pourraient inclure le matériel utilisé au cours de l’intervention, la location d’équipement particulier et l’hébergement des entrepreneurs ou des consultants. AANC affirme ne pas rembourser les dépenses liées à l’équipement médical ni le coût des travaux de réfection qui profitent à des entreprises37.
AANC précise que les Premières Nations, les tierces parties ou les autres gouver-nements doivent présenter une demande et une proposition de projet en vue d’obtenir le remboursement des coûts liés à l’atténuation des catastrophes et à la préparation aux situations d’urgence38. Par contre, en raison de la nature imprévisible de ces situations, le Ministère affirme ne pas avoir de processus officiel relatif aux demandes de remboursement des dépenses associées aux interventions d’urgence. AANC conclut plutôt des ententes de financement avec les provinces, les sociétés, les autorités locales, les gouvernements des Premières Nations et d’autres organismes fournissant des services d’urgence39.
Étant donné que les situations d’urgence sont souvent de nature locale, le gouvernement de la Première Nation touchée constitue l’intervenant de première ligne en cas d’urgence dans une réserve. Conformément au Programme d’aide à la gestion des urgences d’AANC, il incombe aux gouvernements des Premières Nations de concevoir et de mettre en œuvre des plans de gestion des urgences afin de préparer les communautés à faire face à une situation d’urgence. Ces plans doivent être à jour et prévoir une marche à suivre bien définie en cas d’urgence40.
Comme l’indique Un cadre de sécurité civile pour le Canada, les particuliers ou les municipalités sont les premiers à intervenir en cas d’urgence. L’équivalent s’applique dans les réserves, où les membres des Premières Nations et les gouvernements de bande doivent utiliser les ressources locales pour mener leur intervention. Si la situation dépasse les capacités de la Première Nation, celle-ci peut demander l’aide des gouvernements fédéral et provincial ou territorial ou d’organisations non gouvernementales41. Selon le Plan national de gestion des urgences d’AANC, il revient aux communautés des Premières Nations et au gouvernement provincial ou territorial de déterminer qu’il y a urgence et d’amorcer une intervention. Au besoin et à la demande de la province ou du territoire, AANC coordonne la logistique42.
Certaines Premières Nations ont conclu des ententes de soutien mutuel avec des collectivités voisines pour la prestation de services en cas d’urgence. En juillet 2014, par exemple, le district de Fort St. James et la bande de Nak’azdli ont signé une entente d’aide mutuelle en matière de services de gestion des urgences. En partageant des services comme les pompiers et les premiers intervenants, les deux groupes visent à ce que la gestion des urgences se fasse en collaboration. Quand le district de Fort St. James fournit des services de gestion des urgences à la bande de Nak’azdli, la bande en assume le coût, selon ce que prévoit l’entente, et vice versa. Aux termes de l’entente, le district de Fort St. James coordonne un programme de gestion des urgences, dont les coûts d’administration sont partagés entre les deux parties43.
En 2013, le vérificateur général du Canada a examiné le soutien à la gestion des urgences offert aux communautés des Premières Nations vivant dans les réserves. L’audit a permis de constater que le système actuel de gestion des urgences présente plusieurs problèmes, et le rapport recommande un certain nombre d’améliorations.
D’après AANC, les situations d’urgence qui se produisent le plus souvent dans les réserves sont les inondations, les incendies et les défaillances d’infrastructures à la suite d’une catastrophe naturelle ou d’un accident44. L’audit du vérificateur général du Canada fait observer que les situations d’urgence sont plus fréquentes dans les communautés des Premières Nations en raison de plusieurs facteurs, dont l’isolement et l’emplacement géographique. L’audit de 2013 a relevé plusieurs difficultés auxquelles ces communautés doivent faire face pour intervenir efficacement en cas d’urgence, dont le manque de plans de gestion des urgences, les mauvaises conditions socioéconomiques, les rares perspectives de développement économique et la fréquence des situations d’urgence45.
L’audit a permis de constater que beaucoup de communautés des Premières Nations ne sont pas dotées d’un plan de gestion des urgences, ce qui nuit considérablement à leur capacité d’intervenir efficacement en cas d’urgence. L’audit signale que 506 Premières Nations disposaient d’un tel plan en mars 2013, mais que dans bien des cas, il n’était pas à jour et ne comportait pas d’évaluation des risques auxquels la communauté est exposée. Soixante-sept communautés n’avaient aucun plan de gestion des urgences46. Le vérificateur général du Canada s’est inquiété du fait que ces communautés puissent ne pas être prêtes à affronter des situations d’urgence.
Selon l’audit, 447 situations d’urgence sont survenues dans des réserves au Canada entre le 1er avril 2009 et le 31 mars 2013; elles ont touché 241 communautés47. Bon nombre de celles-ci ont vécu plus d’une telle situation au cours de cette période de quatre ans. En effet, 58 communautés ont vécu des situations d’urgence deux années sur quatre et 21 autres, trois années sur quatre. Trois communautés ont connu des situations d’urgence tous les ans48.
La Base de données canadienne sur les catastrophes est une base de données nationale, administrée par Sécurité publique Canada, qui contient des statistiques sur les catastrophes survenues au Canada. Le terme « catastrophe » y est défini comme un :
[p]hénomène, principalement de nature sociale, qui se produit lorsque la manifestation d’un aléa affecte une collectivité vulnérable d’une façon telle que ses capacités de faire face à la situation sont dépassées et la sécurité, la santé, le bien-être, les biens et l’environnement de la population peuvent être sérieusement altérés49.
Conformément à cette définition, une catastrophe peut être d’origine naturelle ou anthropique. Pour figurer dans la base de données, elle doit satisfaire à au moins l’un des critères établis, c’est-à-dire, notamment, causer la mort de 10 personnes ou plus, toucher 100 personnes ou plus, ou donner lieu à une demande d’aide à l’échelle nationale ou internationale. À titre de point de comparaison avec les statistiques compilées par le vérificateur général du Canada, entre 2009 et 2013, la Base de données canadienne sur les catastrophes a dénombré environ 80 catastrophes50 dans l’ensemble des provinces et des territoires du Canada51.
En ce qui concerne les communautés touchées à répétition par des situations d’urgence, l’audit laisse entendre que certaines peuvent avoir besoin de solutions à long terme pour se rétablir adéquatement. Le rapport souligne que dans de nom-breux cas, AANC et la Première Nation n’ont pas conclu d’entente sur la manière de remédier aux situations d’urgence récurrentes52. En outre, le vérificateur général affirme que beaucoup de Premières Nations se préoccupent de plus en plus de l’incapacité de leurs communautés à se rétablir à la suite de situations d’urgence répétées.
Le rapport du vérificateur général fait état de plusieurs problèmes en ce qui concerne le soutien et l’administration, par AANC, des programmes et services de gestion des urgences à l’intention des Premières Nations dans les réserves. En particulier, l’audit mentionne qu’AANC compte souvent sur des tierces parties ou sur les gouvernements provinciaux ou territoriaux pour fournir les services de gestion des urgences. Or, dans bien des cas, le gouvernement fédéral n’a conclu aucune entente officielle à cette fin avec les provinces ou territoires et les tierces parties, et les rôles et responsabilités de chacun en matière de financement et de normes de service ne sont pas clairement définis.
Au moment de l’audit, le financement de la gestion des urgences était réparti entre plusieurs ministères fédéraux, y compris AANC, Santé Canada et Sécurité publique Canada. Il ressort de l’audit qu’à cause du nombre de ministères concernés, il est difficile pour les provinces, les territoires et les tierces parties de déterminer quelles dépenses sont admissibles à un remboursement.
Par ailleurs, d’après l’audit, le financement annuel destiné par AANC aux services d’urgence dans les réserves n’est pas suffisant pour répondre aux besoins actuels. Il est axé sur l’intervention et le rétablissement, au détriment des activités de prévention et d’atténuation. De 2009-2010 à 2012-2013, environ 63 % du budget du Programme d’aide à la gestion des urgences ont été consacrés aux activités d’intervention et de rétablissement, et seulement 1 % aux activités de prévention et d’atténuation. Quant au reste du budget, 12 % ont été investis dans les activités de préparation, et 24 % dans les services d’incendie53.
Afin d’améliorer la prestation de services aux Premières Nations dans les réserves et de régler les problèmes d’administration du Programme d’aide à la gestion des urgences d’AANC, le rapport d’audit de 2013 formule les recommandations suivantes54 :
Santé Canada et AANC ont répondu à l’audit de 2013 et en ont accepté les recom-mandations. Chacun des ministères a précisé les mesures qu’il prendrait pour améliorer l’administration et la gestion des services de gestion des urgences dans les réserves55.
AANC a déclaré qu’il travaillerait en étroite collaboration avec d’autres ministères (comme Santé Canada et Sécurité publique Canada) ainsi qu’avec les Premières Nations afin de clarifier les rôles et les responsabilités en matière de gestion des urgences dans les réserves. Le Ministère a fait savoir en outre qu’il allait élaborer et conclure des ententes avec les provinces pour la prestation de tels services.
AANC a également indiqué qu’il mettrait à jour ses plans régionaux de gestion des urgences et qu’il continuerait de travailler avec les autres organisations fédérales concernées afin de rationaliser le financement de la gestion des urgences pour les Premières Nations.
Peu après la publication de l’audit de 2013, le gouvernement fédéral a annoncé certains changements pour renforcer la gestion des urgences dans les réserves.
L’intention de modifier la politique et l’administration du Programme d’aide à la gestion des urgences a fait l’objet d’annonces en 2013 et 2014. En novembre 2013, AANC faisait savoir que le Ministère réviserait le Programme afin de préciser quelles seraient les dépenses remboursables56. Au moment de rédiger ces lignes, il est impossible de déterminer si les changements proposés ont été mis en œuvre.
Le 1er avril 2014, AANC a pris le relais de Sécurité publique Canada en ce qui concerne la charge de rembourser aux provinces et aux tierces parties les dépenses liées à leurs activités de gestion des urgences dans les réserves57. Ce changement visait, a-t-on expliqué, à simplifier le financement de ces activités en confiant à un seul ministère le remboursement des dépenses admissibles58.
Plusieurs autres annonces ont fait état de l’octroi d’un financement additionnel pour les activités de gestion des urgences dans les réserves. En novembre 2013, le gouvernement du Canada a annoncé un financement de 19,1 millions de dollars pour la négociation et la mise en œuvre d’ententes avec les provinces et les territoires concernant la prestation de services de gestion des urgences dans les réserves. Ce financement devait aussi appuyer les activités de préparation aux situations d’urgence, en particulier l’élaboration de plans de gestion des urgences pour les communautés des Premières Nations59. Par ailleurs, le Budget supplémentaire des dépenses (C) 2014-2015 affectait 69,1 millions de dollars à la création d’une approche globale de la gestion des urgences dans les réserves et au remboursement des fournisseurs de services d’intervention et de rétablissement60.
AANC affecte des fonds au Programme d’aide à la gestion des urgences sous la rubrique Infrastructure et capacité. Dans le budget principal des dépenses de 2015-2016, 1,2 milliard de dollars lui ont été alloués au poste Infrastructure et capacité. Selon le Rapport sur les plans et les priorités de 2015-2016 d’AANC, les dépenses prévues au titre du Programme d’aide à la gestion des urgences s’établissent à 70 millions de dollars. En 2013-2014, le Ministère a dépensé 79,7 millions de dollars dans le cadre de ce programme61.
Aux dépenses prévues s’ajoutent les annonces d’aide financière pour la gestion des urgences. À titre d’exemple, le budget de 2014 affectait 40 millions de dollars sur cinq ans, à compter de l’exercice 2015-2016, aux activités d’atténuation des catastrophes dans les communautés des Premières Nations62.
En dépit des changements apportés il y a peu à la gestion des urgences dans les réserves, certaines Premières Nations continuent d’éprouver des difficultés. Les situations d’urgence récurrentes, la vulnérabilité aux urgences de nombreuses communautés des Premières Nations et les longs délais de rétablissement continuent de compliquer la gestion des urgences. Le gouvernement fédéral poursuit toutefois ses efforts en vue d’améliorer la préparation aux situations d’urgence au moyen d’ententes, d’initiatives et de financement.
Dans certaines communautés des Premières Nations, les situations d’urgence restent fréquentes. Ainsi, des communautés ont vécu plusieurs situations d’urgence au cours des dernières années; c’est le cas de la Première Nation de Kashechewan, dans le Nord de l’Ontario, qui a dû être évacuée à la suite de graves inondations printanières de 2012, 2013 et 2014, entre autres63. Ces urgences récurrentes ont lourdement détérioré les infrastructures communautaires.
En réponse, AANC a décidé d’employer 360 000 $, en 2015, pour aider les communautés du Nord de l’Ontario, comme la Première Nation de Kashechewan, à se préparer aux inondations du printemps, et pour surveiller le niveau des eaux. En avril 2015, AANC a annoncé l’octroi d’un soutien financier de 75 000 $ au Conseil Mushkegowuk pour l’embauche d’un coordonnateur chargé d’aider les Premières Nations du Nord de l’Ontario, dont celle de Kashechewan, à se préparer aux inondations saisonnières et à gérer la situation64.
Un grand nombre de membres des communautés des Premières Nations n’ont pas encore pu réintégrer leur foyer, quatre ans après les graves inondations survenues au Manitoba en 2011. L’évacuation avait d’abord touché 18 de ces communautés. Selon AANC, au 26 juin 2015, 1 926 membres des Premières Nations ne pouvaient toujours pas rentrer chez eux à cause des dommages causés aux infrastructures communautaires 65.
En 2013, la Croix-Rouge canadienne a effectué une évaluation des besoins à long terme des évacués des inondations de 2011 au Manitoba. Le rapport concluait que l’intervention d’urgence avait été gérée de façon efficace, mais qu’il n’existait pas de plan de rétablissement global pour les communautés des Premières Nations touchées. Cette situation pose problème, d’après l’évaluation, du fait que beaucoup de gens ont dû attendre des années avant de pouvoir rentrer chez eux66.
Le 14 février 2014, AANC annonçait son intention de négocier des règlements d’ensemble avec les Premières Nations en vue de permettre le retour des évacués67. La négociation de règlements définitifs est en cours entre les Premières Nations et le gouvernement du Manitoba. Ces règlements pourraient prévoir des terres de remplacement, des indemnités et la reconstruction d’infrastructures communautaires68. Le budget principal des dépenses de 2015-2016 affectait 40,6 millions de dollars à la négociation et à la mise en œuvre de ces accords.
Certaines Premières Nations demeurent préoccupées par la vulnérabilité de leur communauté aux situations d’urgence. Par exemple, le chef Erwin Redsky, de la Première Nation de Shoal Lake no 40, a déclaré que la dépendance de sa communauté à l’égard d’un service de traversier pourrait entraîner une succession de situations d’urgence69. La Première Nation de Shoal Lake no 40 est située à la frontière entre l’Ontario et le Manitoba, et la réserve compte une population inscrite de 279 personnes. La communauté dépend du traversier pour s’approvisionner en denrées alimentaires, en médicaments et en eau embouteillée, car elle doit faire bouillir son eau depuis 200070. En avril 2015, une panne du traversier a causé une situation d’urgence. En juin, le gouvernement fédéral a annoncé le financement d’une étude de faisabilité en vue de la construction d’une route qui réduirait la dépendance à l’égard du traversier71. Ce projet bénéficie également d’un appui financier du gouvernement du Manitoba et de la Ville de Winnipeg72.
La gestion efficace des urgences, y compris les activités d’atténuation, de préparation, d’intervention et de rétablissement, est essentielle à la santé et à la sécurité des communautés des Premières Nations. Étant donné les préoccupations et les difficultés persistantes dans ce domaine, le gouvernement fédéral continuera de jouer un rôle important en matière de gestion des urgences dans les réserves. À ce titre, il assure notamment un soutien financier et logistique devant permettre aux Premières Nations d’avoir accès à des services comparables à ceux qui sont offerts aux autres résidants des différentes provinces.
Bien qu’AANC ait apporté des changements à la politique et à l’administration de la gestion des urgences dans les réserves des Premières Nations depuis l’audit mené par le vérificateur général du Canada en 2013, des difficultés subsistent pour certaines de ces communautés.
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