La présente publication a été préparée dans le cadre du programme des publications de recherche de la Bibliothèque du Parlement, qui comprend notamment une série de publications lancées en mars 2020 sur la pandémie de la COVID-19. Veuillez noter qu’en raison de la pandémie, toutes les publications de la Bibliothèque seront diffusées en fonction du temps et des ressources disponibles.
Chaque année, le Canada accueille plus de 250 000 résidents permanents. En 2018, il en a accueilli plus de 321 000 1. De plus, un nombre accru de personnes viennent au Canada pour visiter le pays, y étudier ou y travailler temporairement. Les objectifs de la politique canadienne en matière d’immigration sont clairement énoncés dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR). On compte notamment les objectifs suivants :
Afin d’atteindre ces objectifs, le gouvernement établit des politiques et des programmes, notamment dans les domaines suivants :
En outre, de concert avec les provinces et les territoires – avec qui il partage la compétence en matière d’immigration – le gouvernement fédéral fixe, dans le Plan pluriannuel des niveaux d’immigration 4, le nombre d’immigrants qui seront acceptés chaque année dans chacune des catégories. Ce plan prévoit précisément le nombre maximum et minimum d’immigrants et de réfugiés pour chaque catégorie d’immigration permanente et chaque programme pilote instauré. Il est revu annuellement par le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté afin de rajuster les niveaux prévus, au besoin. Il s’agit d’un document de politique important qui précise la manière dont les ressources d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) 5 seront affectées et dévoile la vision qu’a le gouvernement du rôle de l’immigration au sein de la société canadienne.
Le présent document se veut un survol des principaux instruments utilisés dans l’élaboration des politiques d’immigration au Canada. Il décrit, entre autres choses, le cadre législatif fédéral et le partage de la compétence en matière d’immigration entre les différents ordres de gouvernement. Il donne également un aperçu de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) et du rôle des tribunaux en ce qui a trait à l’immigration.
En vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, l’immigration est une compétence partagée entre le fédéral et les provinces 6. Pour ce qui est des territoires, qui ne font pas partie du partage des compétences prévu à cette loi, une compétence en matière d’immigration similaire à celle des provinces leur a été déléguée par voie législative 7.
Du fait de ce caractère partagé de la compétence en matière d’immigration, la collaboration entre les différents ordres de gouvernement s’avère indispensable au bon fonctionnement du système d’immigration dans son ensemble. Des accords en matière d’immigration ont conséquemment été adoptés entre le gouvernement fédéral et l’ensemble des provinces et territoires 8, à l’exception du Nunavut 9.
Dans les provinces autres que le Québec, le gouvernement fédéral est responsable
de formuler les exigences en matière d’admission, de fixer les niveaux nationaux d’immigration, de définir les catégories d’immigration, de prendre des décisions concernant les demandes d’asile présentées au Canada, de réunir les familles et d’établir les critères d’admissibilité pour les programmes d’établissement 10.
Au sein du gouvernement fédéral, l’application de la LIPR relève du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté ainsi que du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Par défaut, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté est responsable d’administrer la LIPR dans les secteurs où aucun responsable n’est désigné 11.
Pour sa part, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile est responsable des volets suivants :
Certains aspects de la LIPR relèvent à la fois du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté et de celui de la Sécurité publique et de la Protection civile 13.
Le ministère de l’Emploi et du Développement social ainsi que le ministre de la Justice jouent également un rôle limité en matière d’immigration. Les responsabilités du ministère de l’Emploi et du Développement social consistent à évaluer les répercussions de l’immigration sur le marché du travail, tandis que celles du ministre de la Justice concernent les avocats spéciaux qui protègent les intérêts des non-citoyens visés par un certificat de sécurité.
La LIPR est la principale loi régissant la politique d’immigration. Elle détermine de manière générale qui peut être admis au Canada et pour quelles raisons, définit les recours qui s’offrent aux personnes qui ne sont pas autorisées à rester au pays et prévoit comment doit s’effectuer le renvoi de ces personnes, le cas échéant. La LIPR établit trois grandes catégories au titre desquelles une personne peut acquérir le statut de résident permanent : regroupement familial, immigration économique et immigration pour des motifs d’ordre humanitaire. En outre, elle définit les exigences concernant les visiteurs et prévoit l’octroi de permis d’études et de permis de travail temporaire.
À titre de loi-cadre, la LIPR ne contient aucun détail quant aux procédures et programmes liés à l’immigration; il s’agit plutôt d’une loi habilitante qui prévoit la prise de règlements pour préciser ces procédures et programmes. Cela signifie que le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR) constitue un important instrument de politique. Par l’intermédiaire de la LIPR, le Parlement a confié au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre des règlements relatifs à l’immigration 14.
Quelques exemples permettent d’illustrer l’importance du RIPR comme instrument de politique. Les articles 78 à 83 du RIPR établissent la grille de sélection des travailleurs qualifiés du volet fédéral – qui constituent une sous-catégorie de l’immigration économique – et précisent la manière dont les points doivent être attribués aux demandeurs en fonction de leurs études, de leurs compétences linguistiques, de leur expérience, de leur âge, de l’existence d’un emploi réservé ou encore de leur capacité d’adaptation 15. Pour sa part, l’article 12.1 du RIPR dresse la liste des demandes au titre de la LIPR pour lesquelles il est nécessaire de fournir des renseignements biométriques (photographie et empreintes digitales), tandis que l’article 12.3 définit la procédure à suivre pour collecter ces renseignements 16.
La prise de règlements est un processus au cadre juridique rigoureux qui nécessite l’enregistrement et la publication des règlements dans la Gazette du Canada 17. De plus, la Directive du Cabinet sur la réglementation prévoit, entre autres choses, que les organismes de réglementation doivent consulter les Canadiens et publier une analyse des répercussions potentielles de chaque initiative de réglementation 18.
Certains règlements en matière d’immigration font l’objet d’un examen parlementaire. Plus précisément, tous les règlements proposés en vertu des dispositions suivantes de la LIPR doivent être présentés au Sénat et à la Chambre des communes, puis renvoyés au comité concerné de chacune des Chambres :
Lors de l’adoption de la LIPR, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté a obtenu le pouvoir de formuler des instructions ministérielles à l’intention des agents d’immigration. En 2008, cet outil de gestion des demandes d’immigration est devenu plus visible et plus important à la suite de modifications législatives 20.
Puisque les instructions ministérielles ne sont pas des textes réglementaires, elles ne sont pas assujetties aux mêmes exigences que les règlements en ce qui concerne la consultation et la publication. Les changements administratifs se font beaucoup plus rapidement à l’aide d’instructions ministérielles qu’à l’aide de lois ou de règlements. Par conséquent, les instructions ministérielles confèrent au ministre et à IRCC plus de flexibilité pour concrétiser les plans pluriannuels des niveaux d’immigration.
L’un des principaux objectifs des instructions ministérielles est d’améliorer l’efficacité du processus de traitement des demandes. Des instructions ministérielles ont donc été utilisées pour fixer des plafonds pour certaines catégories d’immigration, pour suspendre ou reprendre le traitement de demandes et pour retourner des demandes lorsque le plafond est atteint. Au fil du temps, de nouvelles dispositions ont été ajoutées à la LIPR pour qu’il soit possible de formuler des instructions ministérielles visant d’autres objectifs, comme la mise sur pied de programmes pilotes relatifs à de nouvelles catégories d’immigration économique.
Ainsi, plusieurs programmes pilotes ont été introduits dans les dernières années par le biais d’instructions ministérielles 21. Notons, à titre d’exemple :
[d’]offrir la résidence permanente aux travailleurs agricoles non saisonniers possédant une expérience admissible dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires et une offre d’emploi dans des professions et industries agroalimentaires admissibles 26.
La politique canadienne en matière d’immigration est mise en œuvre au moyen de centaines de milliers de décisions prises principalement par les agents d’immigration d’IRCC (au Canada et à l’étranger), les agents de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et les commissaires de la CISR. Pour veiller à l’application uniforme du cadre législatif, des lignes directrices sont établies et diffusées sous forme d’instructions, de bulletins et de guides opérationnels et, dans le cas de la CISR, sous forme de directives du président 27. Bien que ces lignes directrices n’aient pas force de loi, les tribunaux ont déterminé qu’elles sont « “une indication utile de ce qui constitue une interprétation raisonnable du pouvoir” conféré par l’article applicable de la LIPR 28 ».
La CISR est une institution qui joue un rôle important dans le cadre de la politique canadienne en matière d’immigration. Il s’agit d’un tribunal administratif composé de quatre sections, chacune dotée d’un mandat et d’un ensemble de règles distincts 29. Par l’intermédiaire de la CISR, le Canada s’acquitte d’engagements qu’il a pris à l’échelle internationale. En effet, une section de la CISR examine les demandes d’asile soumises au Canada, et une autre entend les appels concernant les décisions relatives au statut de réfugié. En outre, elle joue un rôle important dans l’exécution de la LIPR par l’intermédiaire de la Section de l’immigration, qui tient des audiences sur l’interdiction de territoire et effectue des contrôles des motifs de détention. Pour sa part, la Section d’appel de l’immigration entend les appels des décisions relatives à la catégorie du regroupement familial, aux mesures de renvoi et aux obligations en matière de résidence permanente, ainsi que les appels que le ministre interjette au sujet des décisions de la Section de l’immigration.
Comme les agents d’immigration exercent un pouvoir discrétionnaire qui leur est conféré quant au traitement des demandes d’immigration, les tribunaux ont grandement influencé la manière dont la politique d’immigration est appliquée. Bien que de nombreuses décisions prises en vertu de la LIPR puissent être renvoyées en vue d’un contrôle judiciaire, une autorisation doit être obtenue avant que ce droit puisse être exercé 30. Le demandeur doit convaincre le tribunal que la demande représente une question importante 31. En outre, si la LIPR prévoit un mécanisme de contrôle des décisions, ce mécanisme doit être appliqué avant qu’une demande de contrôle judiciaire puisse être présentée 32.
Le rôle des provinces et des territoires en matière d’immigration n’est pas uniforme et s’est transformé considérablement au fil du temps. Aujourd’hui, la plupart des provinces et des territoires considèrent l’immigration comme partie intégrante de leurs objectifs économiques et, par conséquent, s’acquittent de leurs responsabilités de manière plus proactive.
En vertu de l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains (l’Accord) de 1991, le gouvernement du Québec est responsable de la sélection de tous les immigrants de la catégorie de l’immigration économique qui veulent s’établir sur son territoire 33. En outre, selon l’Accord, le Québec sélectionne, à partir d’un bassin de candidats approuvés par IRCC, les réfugiés qui se réinstalleront dans la province et doit accueillir un pourcentage fixe du nombre total de réfugiés que le Canada accueille. Le Québec est également responsable des programmes d’établissement. Pour aider le Québec à s’acquitter de ces responsabilités, IRCC remet au gouvernement de la province un montant forfaitaire compensatoire déterminé selon une formule établie dans l’Accord.
D’autres provinces assument elles aussi davantage de responsabilités en ce qui a trait à la sélection des immigrants de la catégorie de l’immigration économique, mais leurs responsabilités ne sont pas aussi étendues que celles du Québec. Cette transition découle d’une série d’accords bilatéraux, le premier ayant été conclu en 1996 avec le Manitoba. Bien que les accords entre le gouvernement fédéral et chaque province et territoire diffèrent les uns des autres, chacun prévoit l’établissement d’un programme de candidats des provinces (PCP) qui permet la désignation des immigrants au titre de la catégorie de l’immigration économique 34. Dans le cadre de ces programmes, les provinces et les territoires conçoivent leurs propres programmes d’immigration de la catégorie économique de manière à répondre aux besoins uniques de leur marché du travail. Il incombe tout de même au gouvernement fédéral de déterminer si les personnes désignées peuvent être admises au pays ou non. Le gouvernement fédéral veille également à la conformité des PCP à la LIPR et à la politique d’immigration 35.
À l’heure actuelle, plus de 60 volets sont prévus dans le cadre des divers PCP. Ces volets ciblent certains groupes comme les étudiants, les gens d’affaires ou encore les travailleurs spécialisés 36. La proportion d’immigrants sélectionnés dans le cadre de ces programmes a augmenté, passant de 9,1 % des résidents permanents en 2008 à 17,4 % en 2017 37. Certains éléments des programmes ont été reconnus officiellement dans des accords subséquents au fil de l’évolution des PCP. Le gouvernement fédéral a notamment fixé des exigences linguistiques minimales pour les candidats peu spécialisés et a pris des mesures afin de régler des problèmes touchant à l’intégrité des programmes.
Actuellement, le Québec est la seule province responsable des programmes d’établissement des immigrants sur son territoire. Pendant plus de dix ans, les gouvernements du Manitoba et de la Colombie Britannique ont été responsables de ces programmes sur leur territoire, mais cette compétence leur a été retirée en 2013 et en 2014 respectivement, lorsque le gouvernement fédéral a mis fin aux accords à cet effet 38. Dans toutes les provinces, sauf au Québec, IRCC finance les programmes d’établissement en versant des contributions à plus de 500 fournisseurs de services 39, dans cinq domaines distincts :
Des services de soutien sont également financés par IRCC, comme la garde d’enfants, l’aide au transport, la traduction et l’interprétation, le soutien pour les personnes handicapées et le counseling en cas de crise 41.
L’atteinte des objectifs du Canada en matière d’immigration, énoncés dans la LIPR, relève tant du gouvernement fédéral que des gouvernements provinciaux et territoriaux. En outre, chaque ordre de gouvernement établit ses propres objectifs selon sa sphère de responsabilités.
À l’échelon fédéral, la politique canadienne en matière d’immigration est caractérisée par une loi cadre qui établit les paramètres généraux et accorde un pouvoir discrétionnaire considérable au ministre, lui-même chargé de conseiller le gouverneur en conseil sur la réglementation et de formuler des instructions ministérielles. Un pouvoir discrétionnaire est également conféré aux agents d’immigration, aux agents des services frontaliers et aux commissaires de la CISR qui prennent des décisions concernant les demandes d’immigration. Dans ce contexte, l’examen parlementaire constitue un important moyen de rendre des comptes. Ainsi, le Parlement reçoit le Rapport annuel au Parlement sur l’immigration 42 et étudie les dispositions réglementaires et législatives déposées, tandis que les comités mènent des études sur les activités d’IRCC, de l’ASFC et de la CISR.
† Les documents de la série En bref de la Bibliothèque du Parlement sont des survols de sujets d’actualité. Dans certains cas, ils donnent un aperçu de la question et renvoient le lecteur à des documents plus approfondis. Ils sont préparés par le Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque, qui effectue des recherches et fournit des informations et des analyses aux parlementaires, ainsi qu’aux comités du Sénat et de la Chambre des communes et aux associations parlementaires, et ce, de façon objective et impartiale. [ Retour au texte ]
* Le présent document est une version révisée de Sandra Elgersma, Introduction à la politique d’immigration, publication no 2015-42-F, Ottawa, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 16 novembre 2015.
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