Résumé législatif du Projet de loi S-13

Résumé Législatif
PROJET DE LOI S-13 : LOI MODIFIANT LA LOI SUR LA STATISTIQUE [RELEVÉS DES RECENSEMENTS]
James R. Robertson, Division du droit et du gouvernement
Benjamin R. Dolin, Division du droit et du gouvernement
Publication no 37-2-LS-449-F
PDF 192, (13 Pages) PDF
2003-02-20

TABLE DES MATIÈRES

CONTEXTE

DESCRIPTION ET ANALYSE

COMMENTAIRE


PROJET DE LOI S-13 :  LOI MODIFIANT
LA LOI SUR LA STATISTIQUE [RELEVÉS DES RECENSEMENTS]* 

CONTEXTE

Le projet de loi S‑13 a été présenté par l’honorable sénatrice Sharon Carstairs, leader du gouvernement au Sénat, le 5 février 2003. Après un bref débat, il a été adopté en deuxième lecture le 11 février 2003 et renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Le projet de loi S‑13 vise à permettre aux chercheurs et au public d’avoir accès aux relevés des recensements après une certaine période de temps. Le projet de loi est conçu de manière à dissiper une ambiguïté juridique qui existe actuellement concernant les relevés des recensements faits depuis 1901. Il permettra aux généalogistes et aux spécialistes de la recherche historique de consulter, sous certaines conditions, les relevés des recensements faits entre 1910 et 2003 une fois qu’une période de 92 ans se sera écoulée. Toutes les restrictions concernant l’examen des relevés seront levées 112 ans après le recensement. Le projet de loi contient également une disposition permettant d’éviter tout problème concernant la divulgation des données des recensements futurs.

Depuis un certain nombre d’années, la divulgation des données des recensements faits après 1901 soulève énormément de controverses. Le 7 février 2001, au cours de la 1re session de la 37e législature, l’honorable sénatrice Lorna Milne a présenté le projet de loi S‑12 au Sénat afin de modifier la Loi sur la statistique et la Loi sur les Archives nationales du Canada de manière à autoriser le transfert des dossiers des recensements de Statistique Canada aux Archives nationales, où ces dossiers auraient par la suite pu être consultés par le public. La sénatrice Milne avait présenté ce projet de loi au cours de la législature précédente, et des mesures législatives similaires avaient également été déposées à la Chambre des communes (projets de loi C‑312 et C‑380) au cours de la 1re session de la 37e législature.

Les dossiers du recensement de 1901 et des recensements précédents ont déjà été rendus publics. Les données des recensements de 1891 et 1901 ont été mises à la disposition du public par les Archives nationales 92 ans après leur collecte. Toutefois, en 1998, les dossiers du recensement de 1906 n’ont pas été rendus publics même si 92 ans s’étaient écoulés. Une opinion juridique préparée par le ministère fédéral de la Justice précisait que les recensements ultérieurs – c’est‑à‑dire celui de 1911 et les suivants – avaient été menés après que des changements eurent été apportés à la loi afin de garantir légalement que l’information ne serait pas divulguée. Il était donc possible d’empêcher la divulgation de tout autre dossier de recensement.

Le Comité d’experts sur l’accès aux dossiers historiques du recensement a donc été établi par le ministre de l’Industrie en 1999 afin d’examiner cette question. Ce comité était composé de : M. Richard Van Loon (président), recteur de l’Université Carleton; l’honorable Lorna Marsden, rectrice et vice-chancelière de l’Université York; M. Chad Gaffield, professeur à l’Université d’Ottawa; M. John McCamus, professeur à l’Osgoode Hall Law School; l’honorable Gérard V. LaForest, juge de la Cour suprême du Canada à la retraite(1).

Le Comité d’experts a conclu que personne n’avait eu l’intention d’assujettir les dossiers du recensement à une obligation de confidentialité perpétuelle. Selon lui, le passage du temps diminue les préoccupations des répondants concernant la protection de leur vie privée et, après un délai suffisant, le droit du public d’avoir accès à ces dossiers l’emporte sur le droit des répondants à la protection de leur vie privée. Il a aussi convenu qu’une période de 92 ans constituait un délai suffisant. Le Comité a toutefois tenu compte du fait que le public pourrait interpréter la divulgation des dossiers historiques du recensement comme le non-respect de la garantie de confidentialité donnée par le gouvernement. Il estimait que cette situation pourrait poser d’importants problèmes à Statistique Canada en ce qui concerne les futurs recensements. Par conséquent, il a exhorté le gouvernement à étudier soigneusement cette question et recommandé que lors des prochains recensements, tous les Canadiens soient informés que cette garantie de confidentialité ne vaut que pour une période de 92 ans. Le Comité n’a pas recommandé de demander le consentement individuel des citoyens pour la divulgation future des dossiers de recensement.

Le Comité a établi une distinction pour les dossiers créés avant l’adoption de la Loi de statistique de 1918. Selon lui, une loi n’était pas requise pour les dossiers des recensements qui n’avaient pas encore été rendus publics (c.-à-d. ceux de 1906, 1911 et 1916), compte tenu en particulier du précédent établi par la publication des dossiers des recensements de 1891 et de 1901. Pour le recensement de 1921 et les suivants, le Comité a toutefois souligné que les garanties de confidentialité prévues par la loi de 1918 pourraient être interprétées d’une manière qui rende plus difficile la divulgation des dossiers de ces recensements, et il a indiqué qu’il serait préférable qu’une modification soit apportée à la Loi sur la statistique pour les dossiers des recensements tenus après 1918.

Voici ce que le Comité d’experts précise dans le sommaire de son rapport :

Le Comité est fermement convaincu que la diffusion des dossiers du recensement présente des avantages. Il estime qu’au fil du temps, les inquiétudes relatives à la protection de la vie privée s’apaiseront et que le délai de 92 ans permettra d’éliminer ces préoccupations. Nous sommes persuadés que personne n’a eu l’intention d’imposer une obligation de confidentialité perpétuelle à l’égard des renseignements personnels recueillis dans le cadre du recensement. Nous croyons que la mention du transfert aux Archives nationales laisse également entendre que les dossiers finiront par être du domaine public; c’est pourquoi nous estimons que le fait de procéder à des modifications législatives à cette fin ne constituerait pas une rupture de promesse envers les répondants. Nous sommes d’avis que les précédents historiques et internationaux viennent pleinement appuyer cette position. Le Comité est également conscient de la valeur du recensement et des autres travaux de Statistique Canada et ne désire nullement formuler des recommandations susceptibles de nuire à son travail. C’est pourquoi nous recommandons que soient diffusés après une période de 92 ans les dossiers des recensements tenus avant 1918 et après 2001, tout en conseillant au gouvernement de faire preuve de circonspection quant aux mesures législatives qui pourraient s’avérer nécessaires aux fins de la diffusion des dossiers des recensements tenus entre 1921 et 2001.

L’un des opposants à la diffusion des dossiers des recensements était le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, qui a d’ailleurs présenté un mémoire détaillé au Comité d’experts(2). Le Commissaire d’alors (Bruce Phillips) a soutenu qu’il fallait obtenir le consentement des personnes concernées lorsque l’information devait être divulguée à des fins autres que celles pour lesquelles elle avait été recueillie. Il a souligné que les questionnaires de recensement étaient de plus en plus indiscrets et mentionné que le respect de la vie privée constituait un droit public ayant une grande valeur dans notre société.

Le projet de loi S‑12 de la sénatrice Milne a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie après la deuxième lecture. Le 14 décembre 2001, dans son 12e rapport, le Comité sénatorial renvoyait le projet de loi au Sénat sans amendement, mais avec certaines observations. Le Comité sénatorial soulignait qu’il avait entendu tout un éventail d’opinions concernant le projet de loi. De nombreux témoins et membres du Comité préconisaient la divulgation des dossiers historiques des recensements après une période de 92 ans, mais ne s’accordaient pas pour dire si le projet de loi S‑12 protégeait suffisamment la vie privée des citoyens. Le projet de loi aurait permis à un citoyen de s’opposer à la divulgation des données de recensement qui le concernent, mais le processus prévu aurait exigé qu’il présente une demande à l’archiviste national 91 ans après la collecte des données. En supposant que cette personne ait été toujours vivante, son opposition à la divulgation de ces données n’aurait été jugée fondée que si l’archiviste avait été d’avis que cette divulgation aurait été injustifiée.

Statistique Canada a alors proposé une solution de compromis au Comité sénatorial : permettre un accès plus limité que celui prévu par le projet de loi S‑12. Ainsi, l’accès aux dossiers historiques des recensements ne serait permis qu’à des fins de recherche généalogique sur sa propre famille et à des fins de recherche historique. Seuls les membres de la famille (ou leurs mandataires) ou les personnes effectuant des recherches historiques (évaluées par des pairs sélectionnés par le Conseil de recherches en sciences humaines) auraient accès aux dossiers. Les chercheurs auraient un accès illimité aux documents, mais ne pourraient rendre publics que les renseignements suivants : nom, âge, adresse, état matrimonial et lieu de naissance. De plus, les personnes qui consultent les dossiers seraient tenues de signer un engagement ayant force exécutoire pour attester qu’elles acceptent ces conditions.

Le Comité sénatorial a souligné que, malgré l’obligation de répondre aux questions de recensement faite aux Canadiens par la Loi sur la statistique, Statistique Canada mise sur la collaboration du public et se préoccupe par conséquent de préserver la réputation du système statistique canadien. Or, la réputation de Statistique Canada dans son ensemble repose sur sa capacité à respecter ce que ses représentants ont appelé sa « promesse inconditionnelle de confidentialité ». Le Comité sénatorial a également mentionné un sondage mené par la firme Environics, selon lequel les Canadiens s’inquiètent de ce que l’adoption d’une mesure législative comme le projet de loi S‑12 ne compromette leur collaboration aux recensements à venir. Certains membres du Comité préféraient la solution de compromis au processus prévu dans le projet de loi S‑12, mais ce dernier a été adopté avec dissidence par le Comité.

Le projet de loi S‑12 a ensuite été débattu en troisième lecture au Sénat et renvoyé le 25 mars 2002 au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie pour étude plus approfondie. On estimait alors qu’une période de temps supplémentaire était nécessaire pour parvenir à une conclusion sur les avantages de la solution de compromis et pour permettre au statisticien en chef de répondre aux questions du Comité. Aucun rapport n’a par la suite été présenté par le Comité avant la prorogation de la session.

Voici un résumé de certains des arguments invoqués par les partisans et les détracteurs de la divulgation des dossiers historiques des recensements. Parmi les arguments des partisans de la divulgation, notons les suivants :

  • Sans la divulgation de ces dossiers, les historiens perdront d’importantes données sur notre patrimoine national, et les personnes qui s’intéressent à la généalogie seront privées de renseignements essentiels sur leurs ancêtres.
  • Après un délai de 92 ans, la protection de la vie privée revêt une importance minime par rapport à l’intérêt que présente pour le public l’accès à des dossiers historiques.
  • Aucune garantie perpétuelle de confidentialité n’a jamais été donnée.
  • La plupart des données recueillies lors d’un recensement ne sont pas confidentielles et celles qui le sont, comme les données sur les revenus, perdent probablement leur caractère confidentiel au fil des ans.
  • Malgré les garanties de confidentialité fournies aux répondants, il est également clair qu’il existait une volonté de conserver les renseignements recueillis à l’intention des générations futures (p. ex. ces renseignements sont stockés aux Archives nationales, un organisme qui a toujours eu le mandat de conserver des données pour consultation future).
  • Bon nombre des préoccupations relatives au caractère privé des dossiers de recensement touchent à des questions relativement éphémères, qui présentent peu d’intérêt 92 ans plus tard (p. ex. certains s’inquiétaient de ce que les renseignements puissent être utilisés à des fins fiscales).
  • D’autres pays rendent publics régulièrement des dossiers de recensement sans soulever de controverse (p. ex. en Grande-Bretagne et aux États-Unis, ces dossiers sont rendus publics respectivement 100 et 72 ans plus tard).

Voici certains des arguments invoqués contre la divulgation des dossiers historiques de recensement :

  • Les Canadiens sont tenus par la loi de répondre aux questionnaires de recensement et le font avec l’assurance que ces renseignements demeureront confidentiels. Le désir d’étudier l’histoire ne devrait pas l’emporter sur cette garantie de confidentialité.
  • L’utilisation des renseignements à des fins autres que celles pour lesquelles ils ont été demandés devrait être assujettie au consentement des personnes concernées.
  • Les données de recensement peuvent être très personnelles (religion, situation matrimoniale, problèmes de santé), et nous ne devrions pas décider pour les autres quels renseignements il convient de communiquer.
  • Le droit à la protection de la vie privée ne devrait pas disparaître au moment du décès.
  • Le public peut considérer la divulgation de données du recensement comme une révision rétroactive de la garantie donnée par le gouvernement.
  • Si les répondants s’inquiètent de la confidentialité des renseignements fournis, cette situation peut nuire à la collecte future des données du recensement.

Le 24 janvier 2003, le gouvernement a diffusé en ligne l’ensemble des dossiers du recensement de 1906 sans imposer de restriction. Nonobstant les questions d’ordre juridique, il a été décidé de rendre cette information publique. Il faut souligner ici qu’il s’agissait d’un recensement agricole qui visait trois provinces et qui contenait peu de renseignements confidentiels ou personnels; de plus, comme il s’agissait du premier recensement réalisé en Saskatchewan et en Alberta, il revêtait une certaine importance historique.

DESCRIPTION ET ANALYSE

L’article 1 du projet de loi S‑13 modifie l’article 17 de la Loi sur la statistique. Le nouveau paragraphe 17(4) permet que les relevés des recensements faits entre 1910 et 2003 puissent être examinés à compter de la 92e année suivant la tenue du recensement par toute personne effectuant des recherches généalogiques pour son propre compte ou, sur l’autorisation d’un tiers, pour le compte de celui‑ci, ou encore par toute personne effectuant des recherches historiques approuvées. Les personnes qui désirent examiner ces relevés doivent signer l’engagement réglementaire et s’y conformer. L’approbation de tout projet de recherche historique est subordonnée à l’évaluation de la valeur scientifique et publique de celui‑ci.

Le nouveau paragraphe 17(7) prévoit que le public peut examiner les relevés de tout recensement à compter de la 112e année suivant la tenue du recensement. Quiconque examine les renseignements contenus dans ces relevés peut les communiquer à d’autres.

Le nouveau paragraphe 17(8) vise à éviter les difficultés qui pourraient se poser relativement aux recensements futurs. Il prévoit que quiconque peut examiner les relevés de recensement à compter de la 92e année suivant la tenue du recensement, pourvu que la personne à laquelle se rapportent les renseignements ait consenti à ce qu’ils soient communiqués. Il s’agit essentiellement de faire en sorte qu’on demande à l’avenir aux Canadiens de donner leur consentement pour que leurs questionnaires soient entreposés aux Archives nationales et mis à la disposition du public après 92 ans. S’ils refusent ce consentement, l’information ne sera jamais rendue publique. Il n’y aura pas de procédure en deux étapes dans le cas de ces documents parce que la personne concernée aura donné son consentement au préalable. Certains avaient exprimé des craintes au sujet du projet de loi précédent présenté par le Sénat : ils affirmaient qu’il s’agissait d’une sorte d’« option négative », en ce sens que la personne devait faire quelque chose pour que l’information la concernant soit tenue confidentielle. Or la disposition du projet de loi S‑13 est plus claire et s’inspirera probablement de modèles comme celui qu’utilise l’Australie(3). Il est bien sûr difficile de savoir combien de répondants refuseront leur consentement. Si l’on se fie aux déclarations de revenu des Canadiens qui ont autorisé la communication de leurs renseignements personnels à Élections Canada en vue de l’établissement du Registre des électeurs (liste électorale permanente), le taux de non‑consentement sera probablement très bas. De la même façon, lorsque Statistique Canada a effectué son Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, moins de 5 p. 100 des répondants ont refusé que les renseignements sur leur santé soient communiqués aux autorités locales. Un autre problème qui pourrait se poser relativement à cette disposition est celui de savoir si le chef du ménage, c’est‑à‑dire la personne qui remplit le questionnaire de recensement, peut (ou devrait pouvoir) donner un consentement au nom de tous les membres du ménage.

Le nouveau paragraphe 17(10) prévoit que les relevés de recensement seront transférés aux Archives nationales du Canada après 92 ans.

L’article 2 du projet de loi ajoute à la Loi sur la statistique un nouvel article 17.1,qui autorise le gouverneur en conseil, sur recommandation du ministre responsable et du ministre du Patrimoine canadien, à prendre un règlement pour établir les formulaires des engagements et les catégories de personnes autorisées à approuver des projets de recherche historique. Le formulaire d’engagement peut énoncer des conditions relativement à l’utilisation et à la divulgation des renseignements examinés. Selon le parrain du projet de loi au Sénat, le formulaire à signer sera court, simple et facile à comprendre.

L’article 3 crée, à l’article 35 de la Loi sur la statistique, une nouvelle infraction qui consiste à divulguer sans autorisation des données de recensement. Toute divulgation qui irait à l’encontre de l’engagement signé (dans la période entre 92 et 112 ans après le recensement) pourrait faire l’objet d’une amende maximale de 1 000 $. Aucune peine d’emprisonnement n’est prévue.

L’article 4 énonce que le projet de loi entrera en vigueur au moment de sa promulgation.

COMMENTAIRE

Le projet de loi S‑13 établit de nouvelles conditions relativement à la divulgation des documents de recensement remplis après 1901. Il permet une divulgation limitée au bout de 92 ans et une divulgation totale au bout de 112 ans. Il vise à éclaircir la situation en ce qui concerne les documents de recensement futurs en exigeant le consentement des répondants pour la divulgation éventuelle des données qui les concernent.

À titre comparatif, le projet de loi S‑12 déposé par la sénatrice Milne pendant la session précédente ainsi que d’autres projets de loi d’initiative parlementaire prévoyaient des approches différentes. Le projet de loi S‑12 aurait modifié la Loi sur la statistique en exigeant la préservation des documents de recensement et leur transfert aux Archives nationales dans les 30 ans suivant la tenue du recensement. Il prévoyait également de modifier comme suit la Loi sur les Archives nationales du Canada :

  • Les documents transférés auraient été réputés avoir une importance historique et archivistique permanente.
  • À l’expiration des 92 années civiles suivant l’année d’un recensement, l’archiviste aurait rendu les documents accessibles au public à des fins de recherche historique, généalogique ou scientifique ou à toute autre fin qu’il aurait pu déterminer.
  • Les répondants auraient pu s’opposer à la communication des renseignements qui les concernent pourvu qu’ils le fassent par écrit et a) que l’archiviste reçoive leur opposition écrite au cours de la 92e année civile suivant l’année du recensement; b) que l’opposition contienne suffisamment de détails pour permettre à l’archiviste de déterminer les renseignements personnels qu’elle vise; et c) que l’archiviste estime que la communication de ces renseignements constituerait une atteinte injustifiée à la vie privée de la personne.
  • Si l’archiviste n’avait reçu aucune opposition écrite valable de la part du répondant, celui‑ci aurait été réputé, à l’expiration des 92 années civiles, avoir donné son consentement de façon irrévocable.

Le débat qui a entouré le projet de loi S‑12 et le fait qu’il a été renvoyé au Comité pour pousser l’étude montrent qu’il est difficile de concilier des intérêts contradictoires dans ce domaine. Plusieurs sénateurs étaient d’avis qu’il fallait s’efforcer davantage d’en arriver à un compromis tel que celui proposé par Statistique Canada.

Cette question a fait l’objet de discussions et de débats dans certains secteurs de la société. Les généalogistes et les historiens, par exemple, exercent de fortes pressions pour que les documents des recensements postérieurs à celui de 1901 soient divulgués, alléguant qu’ils sont essentiels à leur travail. Les défenseurs de la vie privée, pour leur part, se disent préoccupés par leur diffusion. D’autres encore s’inquiètent de l’effet que la divulgation des données pourrait avoir sur le déroulement des recensements futurs. Toutes ces vues différentes sont difficiles à concilier.

Le projet de loi S‑12 visait à éviter le risque que les documents de recensement historiques à partir de 1906 ne puissent pas être divulgués ou rendus accessibles, contrairement à ceux des années antérieures. Les arguments en faveur de la « confidentialité contemporaine » sont certes valables, mais on a soutenu que les données perdent de leur caractère délicat avec le temps et que les documents de recensement sont essentiels à la recherche historique et généalogique. Où se termine le droit à la vie privée et où commence le besoin de connaissances historiques? Nos lois actuelles et nos attitudes envers la vie privée et la confidentialité s’appliquent‑elles à des renseignements recueillis il y a près d’un siècle? Au cœur de cette question se trouvent les attitudes changeantes de la société à l’égard de la vie privée ainsi que la nature des garanties données et des attentes créées au moment des anciens recensements. Il est plus difficile de prendre une décision maintenant, car beaucoup de temps s’est écoulé depuis. Il est beaucoup plus facile d’élaborer aujourd’hui des conditions pour les recensements futurs. En même temps, on a soutenu que les décisions prises au sujet de la divulgation des documents de recensement ne devraient pas influer sur les activités présentes ou futures de Statistique Canada et sur ses efforts de collecte de renseignements de nature délicate.

Il semble que le Commissaire à la protection de la vie privée ait été consulté lors de l’élaboration du projet de loi S‑13, mais on ne sait pas s’il l’appuie ni si l’on a bien répondu à toutes ses préoccupations. On ne sait pas non plus quelle forme prendront les règlements, à quoi ressembleront les engagements et quelles sortes de conditions seront imposées. Qui pourra autoriser la recherche historique? Un document d’information propose que ce soit le statisticien en chef, l’archiviste national, les députés et les sénateurs, les maires, les chefs des collectivités des Premières nations ou des conseils de bande, les doyens des universités, les membres du haut clergé, etc. Cette liste est-elle trop ou pas assez longue? Pourquoi a‑t‑on choisi de laisser s’écouler une période de 112 ans avant de permettre une pleine divulgation? On s’est également demandé pourquoi on pouvait lever l’interdiction de divulgation des données personnelles après 112 ans : est-ce en raison du passage du temps, est-ce une question d’ordre pratique ou de facilité, ou est-ce parce que l’on considère que ces renseignements n’exigent pas le même degré de protection? Pourquoi les données du recensement de 1906 ont-elles été divulguées séparément plutôt que conformément aux dispositions du projet de loi S‑12, surtout compte tenu du conseil juridique obtenu au préalable? Quel effet la Loi  sur la protection des renseignements personnels de 1983 a‑t‑elle sur les documents de recensement?

On a critiqué la solution de compromis proposée en 2001 à cause de son caractère trop bureaucratique et impraticable. Il reste à voir si les conditions énoncées dans le projet de loi S‑13 permettront d’atteindre un meilleur équilibre entre les divers intérêts en jeu.


* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.

(2) Voir le mémoire du Commissaire, intitulé Les résultats de recensement, la protection de la vie privée et les questions de gestion publique et daté du 9 février 2000.

(3) Dans la déclaration de consentement du recensement australien (question 50), la question est formulée comme ceci : « Chaque personne faisant partie de ce ménage consent-elle à ce que son nom et son adresse ainsi que d’autres renseignements fournis dans ce formulaire soient conservés aux Archives nationales de l’Australie pour être rendus publics après 99 ans? »


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