Résumé législatif du Projet de loi C-23

Résumé Législatif
Projet de loi C-23 : Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations
Tonina Simeone, Division des affaires politiques et sociales
Publication no 37-3-LS-475-F
PDF 403, (33 Pages) PDF
2004-03-10

TABLE DES MATIÈRES

CONTEXTE

    A.  Faits antérieurs

   B.   Approche législative

   C.  Établissement d’un nouveau cadre institutionnel

DESCRIPTION ET ANALYSE

   A.  Préambule

   B.   Titre et définitions (art. 1 et 2)

   C.  Partie 1 – Pouvoirs financiers des Premières nations (art. 3 à 13)
      1.   Textes législatifs sur les recettes locales (art. 4)
      2.   Marche à suivre pour prendre des textes
            législatifs sur les recettes locales (art. 6 à 8)
      3.   Publication des textes législatifs proposés (art. 5 et 9)
      4.   Protection des intérêts des contribuables (art. 4 et 5)
      5.   Exigences des textes législatifs sur les recettes locales (art. 9 à 13)

   D.  Partie 2 – Commission de la fiscalité des Premières nations (art. 14 à 34)
      1.   Constitution et organisation (art. 15 à 26)
      2.   Autorité déléguée (art. 15 et 16)
      3.   Nomination des commissaires (art. 15 et 18)
      4.   Emplacement (art. 24)
      5.   Mission (art. 27)
      6.   Attributions (art. 28 à 32)

   E.   Partie 3 – Conseil de gestion financière des Premières nations (art. 35 à 54)
      1.   Constitution et organisation (art. 36 à 46)
      2.   Mission (art. 47)
      3.   Attributions (art. 48 à 52)

   F.   Partie 4 – Administration financière des Premières nations (art. 55 à 87)
      1.   Définitions (art. 55)
      2.   Constitution et organisation (art. 56 à 71, art. 73)
      3.   Mission (art. 72)
      4.   Attributions (art. 73 à 85)
      5.   Remboursement de la dette (art. 76 et 84)
      6.   Prêts pour les infrastructures (art. 77 et 78)
      7.   Autres responsabilités (art. 80 à 83, art. 86)

   G.  Partie 5 – Institut de la statistique des Premières nations (art. 88 à 111)
      1.   Définitions (art. 88)
      2.   Constitution et organisation (art. 89 à 101)
      3.   Mission (art. 102)
      4.   Attributions (art. 103 à 105)
      5.   Protection de l’information (art. 101, art. 106 à 110)

   H.  Partie 6 – Gestion et contrôle financiers (art. 112 à 129)

   I.    Partie 7 – Dispositions générales (art. 130 à 138)

   J.    Partie 8 – Dispositions transitoires, modifications corrélatives,
         dispositions de coordination et entrée en vigueur (art. 139 à 155)

COMMENTAIRE


 

PROJET DE LOI C-23 : LOI SUR LA GESTION FINANCIÈRE
ET STATISTIQUE DES PREMIÈRES NATIONS*

Le projet de loi C-23 :Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations, a été présenté à la Chambre des communes et adopté en première lecture le 10 mars 2004.  Il est aussi réputé avoir été lu une deuxième fois, renvoyé à un comité, puis renvoyé par celui-ci à la Chambre des communes à l’étape du rapport le 10 mars 2004(1).

Le projet de loi propose l’établissement d’un cadre institutionnel qui donnera aux Premières nations les outils nécessaires pour régler les questions financières et de développement économique qui touchent les réserves.  Son adoption permettra, entre autres choses, aux gouvernements des Premières nations d’instaurer leur propre financement grâce à des régimes d’imposition foncière et d’emprunt.

Le projet de loi propose la création de quatre institutions financières(2) :

  • L’Administration financière des Premières nations – L’Administration permettra aux Premières nations d’émettre des titres de façon collective et de lever des capitaux à long terme à des taux privilégiés pour les routes, les aqueducs, les égouts et les autres projets d’infrastructure.
  • La Commission de la fiscalité des Premières nations – La Commission remplacera la Commission consultative de la fiscalité indienne.  Elle assumera la responsabilité du processus d’approbation des règlements en matière d’impôts fonciers et de sa rationalisation et aidera à trouver un juste équilibre entre les intérêts de la collectivité et ceux des contribuables dans l’établissement des taux.
  • Le Conseil de gestion financière des Premières nations – Le Conseil établira des normes financières et assurera les services indépendants et professionnels d’évaluation dont ont besoin les Premières nations qui aspirent à se prévaloir du fonds commun d’emprunts de l’Administration financière des Premières nations.
  • L’Institut de la statistique des Premières nations – L’Institut aidera toutes les Premières nations à répondre à leurs besoins en matière de données locales tout en encourageant la participation aux systèmes nationaux intégrés de Statistique Canada et leur utilisation.

Le projet de loi ciblera les mécanismes visant à accroître la capacité des Premières nations à recueillir des fonds grâce à l’imposition des tenures à bail sur les terres de réserve et à l’accès à des prêts à long terme abordables à des fins de développement communautaire.  Contrairement au projet de loi C-7 : Loi sur le gouvernement des premières nations (mort au Feuilleton en novembre 2003), qui se serait appliqué à toutes les Premières nations du Canada, le projet de loi C-23 ne devrait s’appliquer qu’à celles qui choisiront d’y adhérer.

CONTEXTE

   A.  Faits antérieurs

L’établissement d’une nouvelle relation financière entre les Premières nations et le gouvernement du Canada fait l’objet de discussions constantes depuis un certain temps déjà.  En 1983, le rapport du Comité spécial de la Chambre des communes sur l’autonomie politique des Indiens (le rapport Penner) recommandait la redéfinition des relations financières entre le gouvernement du Canada et les Premières nations.  La même recommandation a été formulée par la Commission royale sur les peuples autochtones (CRPA) dans son rapport final de 1996.  De façon générale, les démarches en vue de redéfinir ces relations se sont inscrites dans le cadre d’un mouvement plus vaste axé sur l’autonomie gouvernementale des Autochtones(3).  Le gouvernement fédéral, de même qu’un certain nombre de Premières nations, considère le projet de loi C-23 comme une partie de l’évolution vers une plus grande autonomie économique et politique(4).

   B.  Approche législative

Le projet de loi C-23est le prolongement d’une série de mesures législatives et consultatives qui a débuté il y a 15 ans.  Du point de vue législatif, il fait suite au projet de loi C‑115 (communément désigné sous le nom de « modifications de Kamloops »), adopté en 1988(5).  Cette mesure législative a élargi aux terres cédées conditionnellement et aux terres « désignées » les pouvoirs d’imposition qui étaient consentis aux Premières nations en vertu de la Loi sur les Indiens.  Elle a précisé que ces terres continuaient de faire partie des terres de réserve, ce qui a permis aux Premières nations d’adopter des règlements administratifs pour lever des impôts fonciers sur ces terres(6).  On a donc abandonné le processus de cession conditionnelle des terres pour le remplacer par un processus de « désignation » répondant aux besoins des ententes de location à bail.  Ainsi, les anciennes terres « cédées » qui, par définition, étaient exclues de la réserve, sont devenues « désignées »(7).  Par conséquent, lorsque des terres sont cédées de façon conditionnelle ou « désignées » (p. ex. cédées à bail), aucun intérêt de la bande n’est cédé et la terre conserve son statut de terre de réserve.

On peut dire que ces modifications législatives ont eu un double résultat : d’abord, elles ont permis aux gouvernements des Premières nations de clarifier leur pouvoir de lever des impôts sur les terres de réserve; en second lieu, elles ont accru les pouvoirs d’imposition conférés aux Premières nations et, ainsi, créé de plus grandes possibilités de développement économique(8).

   C.  Établissement d’un nouveau cadre institutionnel

Afin de mettre en place une structure administrative pour la gestion de la nouvelle loi, Affaires indiennes et du Nord Canada (AINC) a créé, au début de 1989, la Commission consultative de la fiscalité indienne (CCFI).  « L’objectif premier de la Commission est de faire des recommandations au ministre des Affaires indiennes (le Ministre) au sujet de l’approbation des règlements fiscaux et de promouvoir l’exercice des nouveaux pouvoirs d’imposition conférés aux Indiens. »(9)  En septembre 2003, 107Premières nations étaient entrées dans le domaine de l’imposition foncière(10).

Durant les années qui ont suivi les modifications de Kamloops, apportées en 1988, un certain nombre d’événements ont renforcé l’appui dont jouissait déjà le projet de restructuration des relations financières entre les Premières nations et le gouvernement fédéral, notamment la conférence du ministère des Finances sur la fiscalité des gouvernements indiens (1991), l’Accord de Charlottetown (1992) et le rapport final de la CRPA (1996).

En 1991, le ministère des Finances entreprenait une révision de sa politique sur la fiscalité indienne et, en 1993, publiait son Document de travail sur la fiscalité des gouvernements indiens.  En 1995, le First Nations Financial Institute (FNFI) était créé à l’instigation de la Première nation Westbank; il était par la suite constitué en vertu d’une loi fédérale.  L’objectif premier du FNFI consistait à offrir des possibilités d’investissement aux Premières nations, afin d’assurer le financement à long terme de leur dette publique.  Avec l’adoption du projet de loi C-23, le FNFI deviendra l’Administration financière des Premières nations.

En 1995, une table ronde réunissant des représentants du ministère des Finances et de l’Assemblée des Premières Nations (APN) menait à l’adoption d’une résolution sur l’imposition.  En effet, l’année suivante, l’Assemblée générale annuelle de l’APN adoptait la résolution 5/96 appuyant l’établissement entre les gouvernements des Premières nations et le gouvernement du Canada de nouvelles relations financières reposant sur les principes de la souplesse, de l’équité, du choix, de l’assurance de services gouvernementaux comparables à ceux des autres gouvernements, de l’incitation économique et de l’efficience.

Le Comité des Chefs sur les relations financières était mis sur pied deux ans plus tard afin de revoir les relations financières entre les gouvernements des Premières nations et le gouvernement fédéral (résolution 49/98 de l’Assemblée générale).  Il recommandait la création d’institutions financières des Premières nations.  En 1999, l’APN a manifesté son appui à cette initiative lorsque les participants à son Assemblée générale annuelle ont appuyé la création de l’Administration financière des Premières nations et appuyé la CCFI dans ses efforts en vue de mettre sur pied la Commission de la fiscalité des Premières nations (résolutions 6/99 et 7/99 de l’Assemblée générale respectivement).

En décembre de la même année, le gouvernement fédéral et l’APN signaient un protocole d’entente prévoyant la création d’une table ronde nationale sur les relations financières, dont l’objectif était d’établir les fondements concrets de ces relations grâce à l’échange d’information, au renforcement des capacités et à l’élaboration de normes.

En 2000, l’APN maintenait son appui à la création de l’Institut de la statistique des Premières nations et du Conseil de gestion financière des Premières nations (résolutions 5/2000 et 6/2000 de la Confédération des nations indiennes respectivement).  L’Assemblée générale appuyait ensuite, dans sa résolution 24/2001, la recommandation du Comité des Chefs touchant l’établissement de quatre nouvelles institutions financières des Premières nations par voie législative au niveau fédéral.  La validité juridique de cette résolution a toutefois soulevé une certaine controverse, d’aucuns estimant qu’elle n’avait pas reçu l’appui de 60 p. 100 des personnes présentes, comme l’exige la charte de l’APN.

Le 15 août 2002, le ministre des Affaires indiennes présentait la loi proposée avec l’intention manifeste d’entreprendre les consultations publiques avant son dépôt à la Chambre(11).  Par la suite, plusieurs Premières nations exprimaient de profondes inquiétudes au sujet du projet de loi tel qu’il était rédigé.  L’APN a alors convoqué une assemblée spéciale des Chefs en novembre 2002 et adopté une résolution rejetant le futur projet de loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations (résolution 30/2002 de l’APN).  Selon cette résolution de l’APN, le projet de loi porte atteinte aux relations historiques entre nations, viole les droits ancestraux et les droits issus de traités et comporte par ailleurs tellement de failles qu’il ne peut être corrigé par de simples amendements.  Une autre résolution dite « de complaisance » a aussi été adoptée (résolution 31/2002 de l’APN) pour reconnaître le droit des Premières nations de conclure des ententes locales et régionales, mais pas dans le contexte d’une loi nationale, toutefois.

Le ministre des Affaires indiennes a déposé le projet de loi C-19 sur la gestion financière et statistique des premières nationsà la Chambre des communes le 2 décembre 2002.  Ce projet de loi, mort au Feuilleton en novembre 2003, a été rétabli avec le numéro C-23 le
10 mars 2004.

DESCRIPTION ET ANALYSE

Le projet de loi C-23 contient un bref préambule et 155 articles répartis en huit parties : Pouvoirs financiers des Premières nations; Commission de la fiscalité des Premières nations; Conseil de gestion financière des Premières nations; Administration financière des Premières nations; Institut de la statistique des Premières nations; Gestion et contrôle financiers; Dispositions générales; Dispositions transitoires, modifications corrélatives, dispositions de coordination et entrée en vigueur.

Par souci de cohérence, le présent résumé législatif suit la présentation du texte législatif et les principales dispositions y sont abordées sous les grandes rubriques que l’on retrouve dans le projet de loi.  Lorsqu’il y a lieu, une analyse des dispositions suit immédiatement la description des articles.  L’essentiel de l’analyse s’inspire des sources suivantes :

  • Chiefs of Ontario.  Briefing Note:  Institutional Fiscal Relations Package (document d’information rédigé par Michael Sherry), 21 avril 2002.
  • Mandell Pinder.  First Nations’ Fiscal and Statistical Management Act Aboriginal Rights Issues, 31 octobre 2002.
  • Fred Lazar.  Comments Regarding the First Nations Fiscal and Statistical Institutions Initiative, Toronto, Schulich School of Business, York University, 25 septembre 2002.
  • Robert Bish.  Comments Regarding the First Nations Fiscal and Statistical Institutions Initiative, Victoria, University of Victoria, School of Public Administration.
  • Ardith Walkem Law Corporation.  Summary and Analysis:  First Nations Fiscal and Statistical Management Act, 25 septembre 2002(12).

   A.  Préambule

Un préambule de 11 paragraphes énonce le contexte et l’intention du Parlement à l’égard du projet de loi.  (Par sa nature, un préambule est une disposition d’interprétation et non de fond, et il peut être utilisé par les tribunaux pour résoudre toute ambiguïté dans la loi.)  Les aspects du préambule du projet de loi C-23 qui méritent d’être soulignés sont les énoncés précisant :

  • que le projet de loi ne s’appliquera qu’aux Premières nations qui choisiront d’exercer une compétence relativement à l’imposition foncière sur les terres de réserve(13);
  • que les recettes fiscales foncières des Premières nations doivent servir au développement de l’infrastructure publique sur les terres de réserve;
  • que l’un des objectifs de la loi est de tenir compte à la fois des intérêts des membres des Premières nations et de ceux des contribuables (non autochtones) qui vivent dans les réserves(14);
  • que la mesure législative proposée a été est en grande partie le résultat d’une initiative des Premières nations du Canada et qu’elle reflète leurs aspirations à établir des institutions par voie législative(15).

Bien qu’il soit mentionné dans le préambule que le projet de loi n’a pas pour but de définir la nature et l’étendue de tout droit à l’autonomie gouvernementale, certains commentateurs ont critiqué le préambule, disant qu’il témoigne d’un parti pris conservateur.  Ils affirment notamment que le langage utilisé traduit une forte approche municipale du gouvernement des Premières nations(16).

   B.  Titre et définitions (art. 1 et 2)(17)

L’article 1 contient le titre abrégé du projet de loi : Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations.

L’article 2 présente une série de définitions générales des termes utilisés dans le projet de loi.

La définition de « première nation » correspond au sens normalement utilisé de bande selon le paragraphe 2(1) de la Loi sur les Indiens(18).

« Membre emprunteur » s’entend d’une Première nation qui a été acceptée comme membre emprunteur par l’Administration financière des Premières nations après qu’un certificat lui a été délivré par le Conseil de gestion financière des Premières nations.

Le « texte législatif sur les recettes locales » s’entend du texte législatif relatif à l’imposition foncière adopté par une Première nation en vertu du paragraphe 4(1) du projet de loi, ainsi qu’aux textes législatifs traitant des dépenses des recettes locales, de la délivrance de permis, des frais de service et des emprunts.  Il est intéressant de noter que cette définition utilise « texte législatif » plutôt que « règlement administratif » (le terme utilisé à l’art. 83 de la Loi sur les Indiens).  Ce changement de terminologie dénote la plus grande autonomie financière conférée aux Premières nations par le projet de loi.  L’approbation ministérielle n’est plus nécessaire lorsqu’une Première nation désire prendre des textes législatifs sur l’imposition foncière.  L’approbation revient à la Commission de la fiscalité des Premières nations(19).

Fait important à signaler, le projet de loi C-23 comporte une disposition interdisant la dérogation (art. 2.1).

   C.  Partie 1 – Pouvoirs financiers des Premières nations (art. 3 à 13)

Cette partie du projet de loi établit les procédures et les exigences administratives générales auxquelles une Première nation doit se plier pour prendre un texte législatif relatif à l’imposition foncière.  Le projet de loi exige qu’elle obtienne au préalable l’approbation du Conseil de gestion financière des Premières nations.  Le principe général énoncé à l’article 3 précise que toute Première nation qui désire prendre un texte législatif sur l’imposition foncière doit d’abord prendre un texte législatif sur la gestion financière.

      1.  Textes législatifs sur les recettes locales (art. 4)

Le paragraphe 4(1) énumère les catégories de rubriques sous lesquelles les Premières nations peuvent prendre des textes législatifs sur les recettes locales.  Elles comprennent, par exemple, des textes législatifs relatifs à l’imposition foncière, l’engagement de dépenses sur les recettes locales, l’emprunt de fonds et les taux d’imposition.

L’alinéa 4(1)a) est probablement la catégorie la plus importante de « textes législatifs sur les recettes locales ».  Il y est question des textes législatifs sur « l’imposition de taxes à des fins locales sur les terres de réserve ».  D’après les commentaires disponibles, plusieurs Premières nations considèrent cette disposition comme trop prescriptive, puisqu’elle prévoit que les recettes fiscales doivent s’appliquer directement à des fins locales, notamment des projets d’infrastructure publique.  D’aucuns ont avancé que, en limitant la capacité des Premières nations de décider elles-mêmes des fins pour lesquelles les recettes fiscales peuvent être dépensées, la disposition va à l’encontre du principe du droit inhérent à l’autonomie gouvernementale.  D’après les Chiefs of Ontario, la prémisse sous‑jacente à cette disposition est la suivante :

Toutes les affaires importantes relatives à l’imposition et aux dépenses de recettes fiscales, particulièrement les affaires se rapportant aux non‑Indiens, vont au-delà de la capacité d’autonomie de chacune des Premières nations […] L’adoption de la Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations signifie que le droit inhérent n’inclut pas la collecte de recettes locales à des fins locales.  Cette interprétation limite énormément le droit inhérent et elle est préjudiciable à toutes les Premières nations, qu’elles participent ou non activement aux mécanismes de la Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations.(20)

Toutes les Premières nations ne partagent pas ce point de vue, et cette disposition est controversée.

      2.   Marche à suivre pour prendre des textes
            législatifs sur les recettes locales (art. 6 à 8)

En vertu du paragraphe 4(2), la Commission de la fiscalité des Premières nations doit approuver tous les textes législatifs sur les recettes locales pris par le conseil d’une Première nation.  Les articles 6 et 7 énoncent l’information qui doit accompagner le texte législatif proposé lorsqu’il est présenté à la Commission.  Avant que la Commission puisse approuver le texte législatif, la Première nation doit avoir pris des textes législatifs sur la gestion financière (voir l’analyse de l’art. 3 ci-dessus).  Le paragraphe 8(2) exige que les textes législatifs sur la gestion financière d’une Première nation soient approuvés par le Conseil de gestion financière des Premières nations.  Ainsi, toute Première nation qui désire prendre des textes législatifs relatifs à l’imposition foncière fait automatiquement intervenir le Conseil de gestion financière des Premières nations en plus de devoir obtenir l’approbation de la Commission de la fiscalité des Premières nations.

Le projet de loi ne précise pas la portée qu’une Première nation doit donner à ses textes législatifs sur la gestion financière pour obtenir l’approbation du Conseil de gestion financière : il n’énonce aucun critère ni aucune exigence explicites.  Pour certains, le projet de loi est un mécanisme qui a pour objet d’assurer la conformité du système de gestion financière d’une Première nation aux systèmes de gestion financière d’autres administrations, en particulier celles des municipalités avoisinantes.  Par conséquent, certaines Premières nations font valoir que les critères appliqués ne tiennent peut-être pas complètement compte des priorités des administrations des diverses Premières nations.

      3.  Publication des textes législatifs proposés (art. 5 et 9)

Le paragraphe 5(1) dispose que les Premières nations doivent donner un préavis de 60 jours relativement à un texte législatif concernanta) l’imposition de taxes à des fins locales sur les terres des réserves, ainsi que sur les intérêts ou les droits d’occupation sur celles-ci, b) l’autorisation de dépenses sur les recettes locales et c) la procédure par laquelle les intérêts des contribuables peuvent être présentés au conseil de la Première nation.

Deux exceptions sont prévues aux alinéas 9a) et b) : un texte législatif fixant le taux d’imposition applicable à la valeur imposable de chaque catégorie de terres, d’intérêts ou de droits et un texte législatif établissant le budget relatif aux dépenses engagées sur les recettes au titre du texte législatif relatif à l’imposition foncière.

Le projet de loi précise la façon dont le préavis obligatoire doit être donné, ainsi que son contenu exact.  En plus de le publier dans un journal local, de l’afficher dans un lieu public situé dans la réserve et de l’envoyer par courrier ordinaire ou électronique à chacun des membres des Premières nations ainsi qu’aux autres parties qui peuvent avoir des droits ou des intérêts à l’égard des terres, le conseil de la Première nation doit faire parvenir l’avis à la Commission de la fiscalité des Premières nations et à chaque gouvernement, organisation et personne qui, de l’avis du conseil, peut être touché par le texte législatif proposé.

En vertu du paragraphe 5(2), une Première nation peut être exemptée de l’obligation du préavis de 60 jours si la Commission de la fiscalité des Premières nations juge que la modification n’est pas importante.

      4.  Protection des intérêts des contribuables (art. 4 et 5)

Il est important de noter que le projet de loi prévoit qu’avant qu’une Première nation puisse prendre un texte législatif relatif à l’imposition foncière, elle doit prendre en compte toute observation présentée par les parties intéressées, y compris les contribuables non autochtones (par. 5(4)).  Cette disposition semble témoigner d’une certaine préoccupation à l’égard des intérêts des contribuables non autochtones dans le projet de loi et du souci de les protéger.  L’article 83 de la Loi sur les Indiens ne prévoit pas de protection explicite à cet égard.  Cette disposition du projet de loi et certaines de ses dispositions connexes ont été critiquées parce qu’elles limitent davantage l’autorité des Premières nations en ce qui concerne la prise de textes législatifs relatifs à l’imposition foncière locale fondés sur leurs priorités.

Le paragraphe 4(4) dispose que tous les textes législatifs pris en vertu de l’alinéa 4(1)a) – textes législatifs relatifs à l’imposition foncière – doivent comprendre un mécanisme d’appel valide.  L’alinéa 4(4)a) dispose que les modalités relatives aux mécanismes d’appel doivent être établies par règlement.

      5.  Exigences des textes législatifs sur les recettes locales (art. 9 à 13)

En vertu de l’article 9, les Premières nations qui désirent prendre des textes législatifs relatifs à l’imposition foncière doivent adopter annuellement (i) un texte législatif sur les taux d’imposition et (ii) un budget autorisant la dépense de recettes locales perçues au titre du texte législatif relatif à l’imposition foncière.  La Commission de la fiscalité des Premières nations a également le pouvoir d’approuver ces textes législatifs pour faire en sorte que les taux d’imposition des Premières nations sont harmonisés avec le système de taxes municipales et que les budgets annuels des dépenses des recettes locales sont appliqués aux services et aux infrastructures locales.  En vertu de l’article 10, dans le cas d’un « membre emprunteur », le budget annuel doit accorder la priorité aux exigences de l’Administration financière des Premières nations (c.-à-d. le paiement des sommes dues à celle-ci).

Le paragraphe 10(1) prévoit qu’un « membre emprunteur » ne peut abroger un texte législatif relatif à l’imposition foncière.

Aux termes du paragraphe 10(2), dans le cas d’un « membre emprunteur », le budget annuel doit accorder la priorité aux exigences de l’Administration financière des premières nations (c.-à-d. le paiement des sommes dues à celle-ci).

Le paragraphe 10(3) dispose de plus que pour respecter ses engagements financiers, le membre emprunteur doit mettre de côté chaque année la partie des recettes locales nécessaire pour s’acquitter de ses obligations financières à l’endroit de l’Administration financière des Premières nations.

L’article 12 dispose que les recettes fiscales foncières doivent être tenues dans un « compte de recettes locales » distinct.  Autrement dit, les recettes locales perçues par une Première nation en vertu du paragraphe 4(1) ne peuvent pas être confondues avec d’autres fonds des Premières nations (p. ex. les transferts gouvernementaux).  L’article 13 exige une vérification annuelle distincte du compte de recettes locales et la mise des résultats à la disposition d’un grand nombre de parties (par. 13(2)), y compris le Ministre, le Conseil de gestion des Premières nations, la Commission de la fiscalité des Premières nations et l’Administration financière des Premières nations.  Les raisons pour lesquelles une Première nation doit soumettre une vérification à l’Administration financière des Premières nations, même si elle n’est pas un « membre emprunteur » ne sont pas claires.

Le paragraphe 12(3) exige qu’un budget des dépenses annuel fondé sur un compte de recettes locales distinct exigé à l’article 9 soit équilibré : les dépenses prévues ne doivent donc pas dépasser les recettes locales estimées au cours d’une année en particulier.  Par conséquent, la loi interdit à une Première nation d’enregistrer un déficit de fonctionnement.

   D.  Partie 2 – Commission de la fiscalité des Premières nations (art. 14 à 34)

      1.  Constitution et organisation (art. 15 à 26)

Cette partie du projet de loi porte principalement sur des questions administratives relatives à la constitution de la Commission, notamment la nomination des commissaires, la durée de leur mandat, le remboursement de leurs dépenses et l’emplacement du siège.

      2.  Autorité déléguée (art. 15 et 16)

En vertu de l’article 15, la Commission a la capacité juridique d’une personne physique et elle peut notamment conclure des contrats, détenir des biens immobiliers, prélever, placer ou emprunter des fonds et ester en justice.

Toutefois, le paragraphe 16(1) dispose que la Commission est mandataire de sa Majesté en ce qui concerne l’agrément des textes législatifs relatifs aux recettes locales.  Actuellement, les règlements administratifs relatifs à l’imposition foncière promulgués en vertu de l’article 83 de la Loi sur les Indiens exigent l’approbation du Ministre.  L’article du projet de loi laisse entendre que la Commission exerce l’autorité déléguée et peut garantir que les textes législatifs approuvés par la Commission ont le statut de règlements fédéraux – et par conséquent, ont priorité sur les autres règlements fédéraux d’une nature plus limitée.  D’après une opinion juridique avancée par Mandell Pinder, cet article permet d’éviter que les textes législatifs des Premières nations soient remis en question sous prétexte d’imposition sans représentation(21).

      3.  Nomination des commissaires (art. 15 et 18)

En vertu du paragraphe 15(1), la Commission est composée de 10 membres ou commissaires, y compris le président et le vice-président.  L’article 17 dispose que le gouverneur en conseil nomme, sur recommandation du Ministre, le président et le vice-président pour un mandat maximal de cinq ans, sous réserve d’une révocation motivée.  L’article 18 prévoit que le gouverneur en conseil nomme, sur recommandation du Ministre, sept autres membres de la Commission (hormis le président et les vice-présidents) pour un mandat d’au plus cinq ans, y compris trois contribuables représentant les groupes résidentiel, commercial et de prestation de services publics (par. 18(2)).

Le dernier commissaire (par. 18(3)) doit être nommé par un « organisme prévu par règlement », mais le projet de loi ne précise pas l’organisme en question.  Cette disposition reflète un thème important du projet de loi, notamment tenir compte des intérêts des contribuables non autochtones et les protéger.

Le paragraphe 18(5) dispose que les commissaires doivent comprendre des membres des Premières nations qui sont « voués à la mise en œuvre du régime d’imposition foncière » des Premières nations.  Toutefois, le projet de loi reste muet concernant la représentation régionale, ne précise pas le nombre de commissaires qui sont membres des communautés des Premières nations, ni si le Ministre peut consulter les Premières nations, ni dans quelle mesure, lorsqu’il choisit les commissaires.

      4.  Emplacement (art. 24)

Sauf si le gouverneur en conseil fixe un autre lieu, l’article 24 prévoit que le siège de la Commission de la fiscalité des Premières nations est situé sur les terres de réserve de la bande Kamloops.  Cette disposition inhabituelle indique que la Commission consultative de la fiscalité indienne (CCFI) existante devient la Commission de la fiscalité des Premières nations.  La CCFI est présidée actuellement par Manny Jules, qui est également ancien chef de la Première nation de Kamloops en Colombie-Britannique.

      5.  Mission (art. 27)

L’article 27 contient neuf alinéas qui énoncent la mission de base de la Commission.  D’après cet article, une mission clé de la Commission consiste à harmoniser le système fiscal des Premières nations du Canada en promouvant une vision commune.  Cette disposition semble indiquer qu’il y a deux niveaux d’harmonisation fiscale : les textes législatifs sur l’imposition locale des Premières nations doivent être en général les mêmes et ils doivent être intégrés dans un cadre fiscal municipal et provincial plus large.

L’alinéa 27b) dispose que régime d’imposition foncière des Premières nations fonctionne de manière à concilier les intérêts des contribuables.  Cette disposition fait ressortir l’accent que met le projet de loi sur l’équilibre à atteindre entre les intérêts des contribuables et ceux des membres des Premières nations(22).

      6.  Attributions (art. 28 à 32)

La Commission réglemente activement les régimes fiscaux des Premières nations, y compris la façon dont les fonds de l’imposition foncière sont dépensés.  L’alinéa 30(1)c) précise que la Commission approuve les textes législatifs relatifs à l’imposition foncière seulement si les fonds produits sont utilisés par les Premières nations pour le financement de projets d’infrastructure destinés à la prestation de services locaux sur les terres de réserve(23).

L’article 29 prévoit que la Commission est habilitée à examiner et à approuver tous les textes législatifs relatifs à l’imposition foncière d’une Première nation, mais qu’avant de donner une telle approbation, elle tient compte des observations présentées par les membres des Premières nations et d’autres parties ayant un intérêt à l’égard des terres de réserve de la Première nation.  Cela pourrait probablement inclure des observations sur la façon dont les recettes fiscales sont dépensées.  Ce niveau de consultation confère un rôle important aux contribuables dans le fonctionnement du régime fiscal des Premières nations.

Selon le paragraphe 30(3), la Commission doit informer l’Administration financière des Premières nations de tout recours en révision judiciaire exercé à l’égard de textes législatifs pris par une Première nation dans le but d’emprunter des fonds (al. 4(1)d)).

L’alinéa 30(1)a) dispose qu’avant d’examiner ou d’approuver un texte législatif relatif à l’imposition foncière, la Commission doit s’assurer que la Première nation a obtenu le certificat voulu du Conseil de gestion financière des Premières nations (voir par. 48(3)).

L’article 31 dispose que la Commission intervient lorsqu’un texte législatif relatif aux recettes locales est remis en question par un membre d’une Première nation ou par le détenteur d’un droit ou d’un intérêt dans les terres de réserve.  Si la Commission détermine qu’un texte législatif d’une Première nation a été « mal ou injustement appliqué » et que la situation n’est pas rectifiée dans un délai précisé par la Commission, elle peut demander au Conseil de gestion financière des Premières nations d’imposer un arrangement de cogestion ou de prendre en charge la gestion des recettes fiscales de la Première nation pour rectifier la situation.  Autrement dit, lorsque le Conseil de gestion financière des Premières nations assume la gestion à titre de tierce partie, il peut modifier ou prendre des textes législatifs relatifs à l’imposition et prendre en charge la réalisation des programmes et la prestation des services qui sont payés sur les recettes locales(24).  Cet aspect du projet de loi a fait l’objet de nombreuses critiques.  Beaucoup de Premières nations considèrent qu’il est indûment dur et qu’il leur laisse peu de possibilités administratives d’appeler de l’intervention(25).

L’article 32 exige que tous les textes législatifs relatifs à l’imposition foncière des Premières nations soient publiés annuellement dans la Gazette des Premières nations.  La publication de la Gazette doit se faire sous les auspices de la Commission.

L’article 33 accorde à la Commission une grande latitude pour établir des « normes » et une « procédure » qui s’appliquent à la prise de textes législatifs sur les recettes locales, y compris leur forme et leur contenu.  Cette disposition pourrait limiter la discrétion dont jouiront des Premières nations dans l’élaboration de leurs textes législatifs relatifs à l’imposition locale.  En outre, le paragraphe 33(2) confère à la Commission l’autorité d’établir des procédures visant à inclure les intérêts des contribuables dans ses décisions.

L’article 34 prévoit que, sur recommandation du Ministre, le gouverneur en conseil peut adopter des règlements relatifs à l’application des lois et à l’attribution des droits et des intérêts dans le cas de taxes ou de frais en souffrance et relatifs à l’appel des procédures d’évaluation.  Ces règlements l’emportent sur les textes législatifs incompatibles des Premières nations relatifs à l’imposition foncière.

   E.  Partie 3 – Conseil de gestion financière des Premières nations (art. 35 à 54)

Le Conseil de gestion financière des Premières nations est chargé de l’évaluation, de la surveillance et de l’agrément de la gestion financière et de l’administration des Premières nations.  En vertu du projet de loi, l’exercice de la compétence du Conseil est volontaire, sauf pour les Premières nations qui ont un régime d’imposition foncière et celles qui désirent participer à l’Administration financière des Premières nations.

      1.  Constitution et organisation (art. 36 à 46)

Contrairement à la Commission de la fiscalité des Premières nations, le Conseil n’est pas mandataire de Sa Majesté (art. 37).  Le paragraphe 36(2) énonce que le Conseil a la capacité d’une personne physique et qu’il peut notamment conclure des contrats, détenir des biens, prélever, placer ou emprunter des fonds et ester en justice.

Un conseil d’administration composé d’au moins neuf et d’au plus 15 conseillers, y compris un président et un vice-président, gère le Conseil (art. 36).

Le président et un minimum de cinq et un maximum de 11 conseillers sont nommés par le gouverneur en conseil, sur recommandation du Ministre, pour un mandat d’au plus cinq ans (art. 38 et par. 39(1)).  L’Association des agents financiers autochtones du Canada(26) nomme d’un à trois autres conseillers (par. 39(2)).  Contrairement aux conseillers nommés par le gouverneur en conseil, ces conseillers occupent le poste à titre amovible.  Autrement dit, ils peuvent être révoqués sans motif.  Le projet de loi ne précise pas la nature de la consultation ni la mesure dans laquelle le Ministre doit consulter les représentants des Premières nations pour faire des nominations au Conseil.  En outre, le projet de loi n’explique pas clairement combien de commissaires représenteront les Premières nations.

      2.  Mission (art. 47)

L’un des principaux rôles obligatoires du Conseil consiste à évaluer la gestion financière et le rendement financier des Premières nations qui désirent faire partie du fonds commun d’emprunt de l’Administration financière des Premières nations (al. 47e), f) et g)).  Seules les Premières nations qui reçoivent un certificat du Conseil peuvent émettre des titres(27).  Le Conseil a également l’autorité de faire appliquer la loi (al. 47h)) en imposant des services de cogestion et de gestion des recettes locales.

Le Conseil a également pour rôle plus large d’aider les Premières nations à développer leur capacité de gestion financière (al. 47a)) et à renforcer leurs relations financières avec d’autres gouvernements et institutions afin d’établir un cadre de responsabilité fiscale partagée (al. 47b)).

L’alinéa 47d) donne au Conseil l’autorité de mettre au point et d’appliquer des critères généraux à l’égard de l’établissement de « cotes de crédit pour les Premières nations ».  On ne sait pas si cette disposition touchera toutes les Premières nations, indépendamment de leur participation à toute institution financière créée par le projet de loi.

      3.  Attributions (art. 48 à 52)

Une fonction clé du Conseil consiste à examiner le système de gestion financière et le rendement d’une Première nation.  Si le Conseil détermine qu’une Première nation respecte les normes établies au paragraphe 53(1) du projet de loi, il l’atteste en délivrant un certificat.

Les textes législatifs d’une Première nation relatifs à l’imposition foncière approuvés par la Commission de la fiscalité des Premières nations et les titres émis avec l’approbation de l’Administration financière des Premières nations ne sont pas autorisés sans un certificat de saine gestion délivré par le Conseil.  Selon le paragraphe 48(7), une décision prise par le Conseil à cet égard est définitive et les Premières nations ne disposent d’aucun mécanisme d’appel.

L’article 49 permet au Conseil d’exiger qu’une Première nation conclue avec lui un arrangement de cogestion ou d’assumer la prise en charge des recettes locales de la Première nation.  La décision d’imposer cette prise en charge plutôt que de conclure un arrangement de cogestion est laissée à l’entière discrétion du Conseil, qui peut imposer la prise en charge :

(i)    s’il reçoit un avis de la Commission de la fiscalité des Premières nations (al. 31(3)b)).

(ii)   s’il reçoit un avis de l’Administration financière des Premières nations (par. 84(4)).

(iii)  s’il détermine qu’il y a un risque grave que la Première nation sera en défaut de s’acquitter d’une obligation envers l’Administration financière des Premières nations(28).

Les pouvoirs de cogestion du Conseil sont énoncés au paragraphe 50(2).  En vertu d’un arrangement de cogestion, le Conseil peut notamment recommander des changements aux textes législatifs sur les recettes, aux dépenses, aux budgets, aux programmes et aux services d’une Première nation.  Selon le paragraphe 50(3), le Conseil a également le pouvoir de mettre fin à ces arrangements s’ils ne sont plus nécessaires ou s’il est d’avis que la prise en charge n’est plus nécessaire.  En vertu du paragraphe 50(4), l’avis du Conseil dans ces cas est définitif et sans appel.  Les Chiefs of Ontario considèrent que cette incapacité pour les Premières nations d’appeler d’une décision prise par le Conseil est alarmante, compte tenu des circonstances éventuellement désastreuses de la prise en charge d’une Première nation, y compris la perspective d’un Conseil non élu qui prend des textes législatifs pour la Première nation pendant une période indéterminée.

Si un arrangement de cogestion s’avère inefficace, le Conseil peut prendre en charge les recettes locales d’une Première nation.  Toutefois, l’article 51 permet également au Conseil de prendre en charge la gestion des recettes locales si, à son avis, il y a un risque que la Première nation soit en défaut de s’acquitter d’une obligation envers l’Administration financière des Premières nations ou sur demande de la Commission de la fiscalité des Premières nations.  Dans le contexte d’une prise en charge, le Conseil agit comme le conseil d’une Première nation.  Le paragraphe 51(2) décrit les pouvoirs conférés au Conseil lorsqu’il prend en charge la gestion des recettes locales.  Une entente de gestion par le Conseil lui confère de vastes pouvoirs, dont le droit exclusif : de prendre des textes législatifs au nom d’une Première nation relativement à l’imposition foncière, à l’engagement de dépenses sur les recettes locales, à l’emprunt de fonds et à l’établissement de taux d’imposition; d’établir la procédure que les contribuables doivent suivre pour être représentés au conseil; et de déléguer le pouvoir de légiférer au nom d’une Première nation à n’importe qui ou à n’importe quel organisme.  Cette autorité est très grande et dépasse les mesures de rectification administrative actuelles(29), parce que le Conseil peut prendre des textes législatifs au nom d’une Première nation qu’il prend en charge.

Le paragraphe 51(2.1) prévoit qu’à défaut du consentement exprès d’une Première nation, le Conseil ne peut déléguer à un tiers aucun autre pouvoir qui n’avait pas encore été délégué au moment où il a pris en charge la gestion des recettes locales d’une Première nation.

Le paragraphe 51(2.2) dispose qu’une Première nation ne peut abroger aucun texte législatif pris par le Conseil pendant la période de prise en charge.

L’article 52 exige qu’une Première nation fournisse au Conseil les renseignements concernant son régime de gestion financière et son rendement financier dont il a besoin pour prendre une décision concernant la cogestion ou la gestion prise en charge par le Conseil.  Cela pourrait probablement inclure une vaste gamme de renseignements financiers sensibles relatifs aux affaires d’une Première nation.

Enfin, l’article 53 établit les domaines où le Conseil peut établir des normes et des procédures, notamment le contenu des textes législatifs sur l’administration financière, les rapports financiers et les procédures de délivrance de certificats et de prise en charge de la gestion.

   F.  Partie 4 – Administration financière des Premières nations (art. 55 à 87)

En général, les gouvernements des Premières nations se heurtent à des restrictions considérables dans leur capacité de réunir des fonds de sources qui leur sont propres pour financer des projets qui exigent de grandes sommes de capital.  Seules, de nombreuses Premières nations sont incapables de réunir de tels fonds et ont besoin d’une source de capital, dont les recettes fiscales foncières futures garantissent la dette.  L’Administration financière des Premières nations permettrait aux Premières nations d’émettre collectivement des titres et de réunir un capital à long terme à des taux préférentiels pour réaliser des projets de route, d’adduction d’eau, d’égout et d’autres projets d’infrastructure.  À l’instar de la Municipal Finance Authority of British Columbia, l’Administration agira comme organisme de financement collectif représentant les ressources en commun (tirées des recettes fiscales foncières) de plusieurs Premières nations(30).

      1.  Définitions (art. 55)

Dans cette partie du projet de loi, le « membre investisseur » s’entend d’une Première nation qui a investi dans un fonds commun de placements à court terme géré par l’Administration.  Cette disposition est révélatrice du fait qu’une des fonctions de l’Administration consiste à fournir des services de placement aux Premières nations participantes, ainsi que des services financiers d’immobilisation(31).

      2.  Constitution et organisation (art. 56 à 71, art. 73)

D’après les articles 56 et 57, l’Administration est établie comme une personne morale sans capital-action constituée des Premières nations participantes.  Contrairement à la Commission de la fiscalité des Premières nations, l’Administration n’est pas un mandataire de Sa Majesté.  Les dépôts et les emprunts sont faits par son entremise.  Certaines incertitudes entourent la nécessité d’une base légale pour l’Administration.  Les tenants du projet de loi font valoir qu’elle assure aux Premières nations une cote de crédit plus élevée et qu’elle pourrait être nécessaire pour que l’Administration puisse émettre des titres.  Les opposants du projet de loi prétendent qu’une base légale pourrait être nécessaire pour l’Administration compte tenu des pouvoirs exécutoires de mise en application et des autres pouvoirs de la Commission de la fiscalité des Premières nations et du Conseil de gestion financière des Premières nations(32).

Un conseil d’administration gère l’Administration.  Ses pouvoirs sont énoncés dans l’article 73.  Ils incluent notamment ceux d’emprunter des fonds, d’émettre des titres, d’en fixer les taux d’intérêt, de déterminer quand et comment ils sont rachetables, etc.

L’article 59 dispose que le conseil d’administration est formé de cinq à 11 administrateurs, dont le président et le vice-président, qui sont élus par les représentants des membres emprunteurs.  Les administrateurs exercent leurs fonctions à temps partiel et leur mandat est d’une durée d’un an (art. 61).  Le conseil d’administration nomme le président-directeur général de l’Administration, qui en est le premier dirigeant (art. 67).  La structure organisationnelle de l’Administration la distingue des trois autres institutions établies en vertu du projet de loi.  Bien que les membres de l’Administration soient des membres emprunteurs et des membres investisseurs, aucun membre investisseur ne siège au conseil d’administration de l’Administration et seuls les représentants des membres emprunteurs peuvent élire les administrateurs (par. 59(3)).

      3.  Mission (art. 72)

L’objet principal de l’Administration consiste à mettre en commun les ressources (obtenues par le truchement des recettes fiscales foncières) des Premières nations de tout le Canada, d’émettre des titres, de lever des fonds à des taux abordables pour les membres emprunteurs et de traiter le remboursement des prêts par les Premières nations.

Dans le cadre de cette mission, il est prévu à l’alinéa 72d) que l’Administration fournira des services de placement à ses membres.  Toutefois, bien que la mission de l’Administration consiste à fournir des fonds d’immobilisation et des services de placement à ses membres, le projet de loi semble pencher en faveur des fonds d’immobilisation.

Comme il a été mentionné plus tôt, l’Administration permettra aux Premières nations d’obtenir un financement à long terme à des taux préférentiels pour établir des immobilisations sur les terres de réserve pour fournir des services locaux (p. ex. des routes, des égouts).  Les emprunts pour d’autres objectifs de la bande ne font pas partie du projet de loi(33).

      4.  Attributions (art. 73 à 85)

En vertu du paragraphe 74(1), toute Première nation peut demander à devenir membre emprunteur de l’Administration.  Le projet de loi ne précise pas de procédure équivalente pour les Premières nations qui désirent demander à devenir membre investisseur.

Le paragraphe 74(2) dispose que l’Administration ne peut accepter une Première nation en qualité de membre emprunteur que si le Conseil de gestion financière des Premières nations lui a délivré le certificat voulu(34).  Cette disposition laisse entendre que les institutions sont reliées et que l’entrée dans un organisme peut déclencher la participation des autres.

L’importance de l’article 75 est notable.  Une Première nation ne peut perdre la qualité de membre emprunteur qu’avec le consentement de tous les autres membres emprunteurs.  Certains observateurs ont critiqué cette disposition parce qu’elle était indûment restrictive.

Les demandes de financement approuvées sont mises en commun par l’Administration et des titres sont émis à des montants suffisants pour répondre aux demandes.

      5.  Remboursement de la dette (art. 76 et 84)

L’Administration a priorité sur tout autre créancier d’une Première nation (art. 76), à l’exception de Sa Majesté.  Si un membre emprunteur omet de faire à l’Administration un paiement ou de satisfaire à toute autre obligation prévue par un accord d’emprunt, l’Administration est tenue, en vertu de l’alinéa 84(1)b), d’envoyer un avis du défaut au Conseil de gestion financière des Premières nations et à la Commission de la fiscalité des Premières nations.  Si le Conseil détermine qu’il existe un « risque grave » qu’une Première nation fasse défaut de respecter ses obligations envers l’AFPN, il peut recommander d’imposer au membre emprunteur un arrangement de cogestion ou la prise en charge de la gestion (comme le prévoient les art. 50 ou 51).  Dans le même ordre d’idées, il est prévu au paragraphe 84(4) que l’Administration peut exiger que le Conseil prenne une de ces deux mesures.

      6.  Prêts pour les infrastructures (art. 77 et 78)

En vertu de l’article 77, l’Administration peut consentir un prêt à long terme(35) à une Première nation pour financer un projet d’infrastructure, mais uniquement moyennant certaines conditions, y compris l’approbation par la Commission de la fiscalité des Premières nations de certains textes législatifs pris en vertu de l’alinéa 4(1)d)(36).  En outre, les prêts payables à l’Administration sur les recettes fiscales foncières doivent être faits de façon telle que l’Administration aura priorité sur tous les autres créanciers.

Aux termes de l’article 78, le membre emprunteur ne peut obtenir de financement à long terme garanti par les recettes fiscales foncières qu’auprès de l’Administration.  On ne sait trop pourquoi cette restriction en matière de financement a été prescrite, mais elle pourrait empêcher les Premières nations de s’adresser à d’autres institutions financières et, peut-être, d’emprunter à de meilleures conditions.

      7.  Autres responsabilités (art. 80 à 83, art. 86)

L’Administration doit constituer un fonds d’amortissement (art. 80), un fonds de réserve pour effectuer des versements (art. 82) et un fonds de bonification du crédit (art. 83).

Le fonds d’amortissement vise à faire en sorte que l’Administration s’acquittera de ses obligations envers les détenteurs de titres qu’elle aura émis (art. 80).  Le fonds de réserve vise le paiement de prêts lorsque les membres emprunteurs n’ont pas les moyens de le faire.

Les sommes contenues dans ces trois fonds ne peuvent être investies que dans des titres du gouvernement ou des placements ou des dépôts garantis (par. 80(3)).  En vertu du paragraphe 82(5), si l’Administration perd de l’argent (manque à gagner), elle peut exiger que les membres emprunteurs versent les montants nécessaires pour renflouer le fonds.

L’article 86 exige que l’Administration présente au Ministre et à ses membres un rapport annuel vérifié de ses activités, y compris les états financiers.

   G.  Partie 5 – Institut de la statistique des Premières nations (art. 88 à 111)

La CRPA a recommandé en 1996 la création d’un Institut statistique des Premières nations, et cette proposition a été appuyée par l’APN.  La création d’un institut statistique avait pour objet de donner aux Premières nations le contrôle des données et de l’information permettant de produire des statistiques et d’obtenir des statistiques d’une plus grande qualité et plus exactes, de sorte que ces dernières puissent être utilisées pour régir la relation financière et faire en sorte que les services des Premières nations soient comparables à ceux des autres gouvernements(37).

      1.  Définitions (art. 88)

Pour l’application de cette partie, « autre groupe autochtone » s’entend d’un groupe autochtone qui était anciennement une bande au sens de la Loi sur les Indiens(38) et qui est partie à un traité, à un accord sur des revendications territoriales ou à un accord sur l’autonomie gouvernementale avec le Canada.  Selon cette définition, les Métis et les Inuits sont exclus, parce qu’ils n’ont jamais été une bande aux sens de la Loi sur les Indiens, malgré les traités, les accords sur les revendications territoriales et les accords sur l’autonomie gouvernementale passés avec le Canada.

      2.  Constitution et organisation (art. 89 à 101)

L’Institut est une société d’État (art. 90) régie par un conseil d’administration composé de 10 à 15 administrateurs, y compris le président et le vice-président (art. 92).  Les administrateurs, y compris le président, sont nommés par le gouverneur en conseil à titre amovible, pour un mandat d’au plus cinq ans.  Le statisticien en chef du Canada est membre du conseil d’administration (par. 92(2)).  L’article 100 prévoit qu’il y a également un statisticien en chef des Premières nations, nommé également à titre amovible par le gouverneur en conseil, sur recommandation du Ministre.

      3.  Mission (art. 102)

D’après le projet de loi, l’Institut a pour mission :

  • de collecter et d’analyser des données sur la situation financière, économique et sociale des membres des Premières nations, d’autres groupes autochtones et des autres personnes qui résident sur les terres de réserve ou sur les terres d’autres groupes autochtones pour faciliter l’élaboration des politiques;
  • de promouvoir la qualité, la cohérence et la compatibilité des statistiques des Premières nations grâce à la collaboration instaurée entre l’Institut et les Premières nations, et les administrations fédérale, provinciales et locales;
  • de doter les gouvernements des Premières nations des outils nécessaires à l’établissement de statistiques.

      4.  Attributions (art. 103 à 105)

L’article 103 énumère les sujets relatifs auxquels l’Institut peut recueillir et analyser des données à des fins statistiques.  Les éléments énumérés comprennent notamment la population, la santé, les finances, l’éducation, l’administration de la justice, le travail et l’emploi, les activités commerciales et industrielles.  Cette information est rendue publiquement disponible de façon telle qu’elle ne puisse être rattachée à un particulier, à une entreprise ou à une organisation identifiables (par. 103(3)).

L’article 104 dispose que l’Institut peut conclure un accord portant sur la communication des renseignements avec d’autres ministères, organismes ou organisations, mais qu’il est tenu d’obtenir au préalable le consentement des répondants, à moins que la loi ne prévoie une mesure différente.

      5.  Protection de l’information (art. 101, art. 106 à 110)

Nonobstant certaines exceptions, les articles 101 et 106 exigent que tous les employés de l’Institut, y compris le statisticien en chef des Premières nations, prêtent serment de ne pas divulguer les renseignements obtenus dans le cadre de leurs fonctions et qui peuvent être liés à un particulier, une Première nation, une entreprise ou une organisation identifiables.  En vertu des articles 109 et 110, une personne qui a fait une telle affirmation et qui communique de tels renseignements est coupable d’une infraction.  L’article 107 précise que les renseignements obtenus par l’Institut ne peuvent servir de preuve dans une procédure, sauf dans des poursuites engagées en vertu du projet de loi.

   H.  Partie 6 – Gestion et contrôle financiers (art. 112 à 129)

Cette partie du projet de loi comporte plusieurs dispositions relatives aux budgets, aux rapports annuels, à la vérification et à la présentation de rapports.

   I.  Partie 7 – Dispositions générales (art. 130 à 138)

Cette partie du projet de loi énonce notamment les lignes directrices sur les conflits d’intérêts (art. 130 à 135).

   J.    Partie 8 – Dispositions transitoires, modifications corrélatives,
         dispositions de coordination et entrée en vigueur (art. 139 à 155)

L’article 139 dispose que les personnes employées par la Commission consultative de la fiscalité indienne doivent se voir offrir un emploi au sein de la Commission de la fiscalité des Premières nations proposée.  Cette disposition confirme le fait que la seconde remplace essentiellement la première.  L’article 140 dispose que les administrateurs de la First Nations Finance Authority continuent de faire partie du conseil d’administration jusqu’à ce que les administrateurs de la nouvelle Administration financière des Premières nations soient élus.

L’article 141 dispose que les règlements administratifs pris en vertu de l’article 83 de la Loi sur les Indiens sont réputés être des textes législatifs pris en vertu des articles 4 ou 8 du projet de loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations, dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec ces articles.  Autrement dit, les Premières nations qui ont pris des règlements administratifs d’imposition en vertu de l’article 83 de la Loi sur les Indiens sont automatiquement régies par le projet de loi à compter du moment où il entre en vigueur, soit à la date ou aux dates fixées par décret (art. 155).

Le paragraphe 142(1) soustrait toutes les Premières nations qui avaient déjà pris des textes législatifs en matière d’impôt foncier en vertu de l’article 83 de la Loi sur les Indiens avant l’entrée en vigueur de l’article 142 à l’obligation de faire approuver leurs textes législatifs sur la gestion financière par l’Administration financière des Premières nations.  Malgré ces dispositions, le paragraphe 142(2) oblige encore le membre emprunteur à faire examiner et approuver ses textes législatifs en matière de gestion financière par le Conseil de gestion financière.

L’article 150 entraînera l’abrogation des alinéas 83(1)a) et 83(1)e) à g), des paragraphes 83(3), (5) et (6) et de l’article 84 de la Loi sur les Indiens.  Ces dispositions de la Loi portent précisément sur les règlements administratifs régissant les fonctions financières, dont l’impôt foncier et les fonctions connexes.

COMMENTAIRE

L’initiative pour la création d’institutions financières des Premières nationsa ses origines dans les modifications de Kamloops de la Loi sur les Indiens, qui datent de 1988.  Elle a été lancée par un groupe de Premières nations de la Colombie-Britannique désireux de clarifier la capacité des Premières nations de lever des impôts fonciers sur toutes les terres de réserve, y compris celles cédées sous condition.  Selon certaines Premières nations, l’ensemble de mesures législatives actuelles, définies à la suite de la conclusion d’un protocole d’entente entre l’AINC et l’APN au terme des activités de la Table nationale de discussion sur les relations financières, profite avant tout à ce petit groupe de Premières nations : seulement quelque 107 Premières nations du Canada, établies majoritairement en Colombie-Britannique et en Alberta, perçoivent actuellement des impôts fonciers.  Par conséquent, peu de Premières nations bénéficient actuellement d’importantes sources de recettes fiscales foncières tirées des intérêts de leurs terres données à bail (p. ex. à des propriétaires de chalets, à des entreprises, etc.).

Par conséquent, le projet de loi n’a pas reçu un appui égal de toutes les Premières nations.  L’opposition est surtout venue des Chiefs of Ontario, de l’Assembly of Manitoba Chiefs, de l’Association of Iroquois and Allied Indians, de Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc. et de la Federation of Saskatchewan Indian Nations ainsi que de plusieurs Premières nations(39).  Chose étonnante, la Union of British Columbia Indian Chiefs a elle aussi critiqué la mesure législative(40).

Bien que la création d’institutions financières soit considérée comme une initiative menée « sous l’impulsion des Premières nations », on la critique en disant qu’elle s’inscrit dans une « série » de lois proposées par le gouvernement(41).  Cette préoccupation se comprend compte tenu des remarques en ce sens faites aux médias par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien(42).  La récente controverse entourant le projet de loi tourne autour de ce point.  Les Chefs qui sont en faveur de la création d’institutions financières ont tenté de persuader les opposants au projet de loi qu’en fait, il ne s’agit pas d’une loi reliée à l’initiative controversée du gouvernement fédéral sur la gouvernance des Premières nations.

Plusieurs Premières nations considèrent que la mesure législative proposée fait partie d’une tentative du gouvernement fédéral de « municipaliser » les gouvernements autochtones(43).  Certains dirigeants sont d’avis qu’elle déroge considérablement aux principes énoncés dans le rapport de 1996 de la CRPA et dans le rapport Penner publié en 1983,qui recommandaient l’établissement de nouvelles relations financières bilatérales et une augmentation des transferts fiscaux aux Premières nations(44).  Ils soutiennent en fait que l’initiative encourage le contraire, c’est-à-dire des directives coûteuses en matière de responsabilité et la production de recettes autonomes grâce aux impôts fonciers sur les terres de réserve.  On considère que ces mesures réduisent la responsabilité du gouvernement fédéral concernant les projets d’immobilisations et qu’elles imposent un fardeau aux gouvernements des Premières nations, qui manquent déjà d’argent.  Donc, au lieu de voir dans les institutions proposées un moyen d’aider les Premières nations à développer leurs économies locales et à accéder aux marchés financiers, les détracteurs du projet de loi les voient comme une tentative du gouvernement de diminuer ses obligations fiduciaires envers les Premières nations.

En novembre 2002, dans le cadre d’une assemblée spéciale de deux jours des Chefs, l’APN adoptait des résolutions rejetant les lois proposées par le gouvernement fédéral.  Reconnaissant que l’initiative pour la création d’institutions financières des Premières nations avait été menée à l’instigation de ces dernières, l’APN adoptait également une « résolution de complaisance » afin d’affirmer qu’elle respecte la conclusion d’ententes aux niveaux local et régional entre le gouvernement fédéral et les Premières nations, à condition que ces ententes ne s’inscrivent pas dans le contexte d’une loi susceptible de toucher toutes les Premières nations désireuses d’exercer leur pouvoir d’imposition.  Malgré l’élection d’un nouveau chef(45), la position officielle de l’APN, soit le rejet du projet de loi, demeure inchangée(46).

Aux séances tenues par le Comité permanent des affaires autochtones de la Chambre des communes en juin 2003 au sujet du projet de loi C-19, la version antérieure du projet de loi C-23, les témoins représentant les organismes nationaux et régionaux des Premières nations et des collectivités isolées de l’ensemble du pays demeuraient divisés concernant le bien‑fondé du projet de loi.  Ceux qui s’y opposaient ont suggéré de le retirer en faveur d’un autre projet de loi qui s’appliquerait exclusivement aux Premières nations souhaitant participer à l’initiative, à la manière du cadre de travail créé par la Loi sur la gestion des terres des premières nations.

Il semblerait que la participation des Premières nations au régime du projet de loi soit facultative.  Par contre, les Premières nations qui ont déjà adopté des règlements administratifs en vertu de l’article 83 de ladite loi seront automatiquement assujetties au régime du projet de loi(47).  La nouvelle loi s’appliquera alors automatiquement à ces Premières nations, peu importe qu’elles aient choisi ou non d’être régies par elle.  Par conséquent, les Premières nations qui ont pris des règlements administratifs sur l’imposition foncière en vertu de la Loi sur les Indiens pourront être tenues d’adhérer à un tout nouveau régime, auquel elles n’ont pas expressément donné leur aval.

Le projet de loi sur la gestion financière et statistique des premières nations n’a que peu attiré l’attention des médias.  Les commentaires éditoriaux disponibles sont favorables, décrivant l’initiative proposée, en dépit des réactions variées qu’elle a suscitées, comme une mesure susceptible de constituer un important jalon du développement des Premières nations(48).



*       Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur.  Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.

La rédaction du présent résumé législatif a été enrichie des observations et suggestions de Carol Hilling, de la Division du droit et du gouvernement de la Direction de la recherche parlementaire.

(1)     Par une motion adoptée le 10 février 2004, la Chambre des communes prévoit le rétablissement à la
3e session de projets de loi qui n’avaient pas reçu la sanction royale au cours de la 2e session de la
37e législature et qui sont morts au Feuilleton à la prorogation du Parlement, le 12 novembre 2003.  Ces projets de loi pourront être rétablis à l’étape du processus législatif à laquelle ils étaient rendus au moment de la prorogation.  Le projet de loi C-23 est la version rétablie du projet de loi C-19, mort au Feuilleton à la fin de la 2e session.

(2)     Parmi ces institutions, c’est la Commission de la fiscalité des Premières nations qui détiendra le plus de pouvoirs.  Elle aura pour mandat d’harmoniser le système fiscal pour les Premières nations du Canada; d’encourager et de soutenir les Premières nations dans leurs efforts en vue de générer des recettes en exerçant des pouvoirs d’imposition; d’établir des normes légiférées et exécutoires pour assurer la transparence et la caution entre les contribuables; d’approuver en temps opportun le règlement fiscal des Premières nations; d’assurer la représentation des intérêts des contribuables au sein de la Commission et de veiller à ce que les décisions prises soient justes (note d’information d’AINC, 23 novembre 2002).

(3)     Voir, par exemple, Robert Bish, Financing Indian Self-Government:  Practice and Principles, Victoria, School of Public Administration, University of Victoria, 1987.

(4)     Plusieurs Premières nations estiment cependant que le projet de loi C-23 déroge aux principes énoncés dans le rapport Penner et par la CRPA.  Selon elles, plutôt que de promouvoir une plus grande autonomie financière, le projet de loi délègue tout simplement le pouvoir d’imposition aux Premières nations et est donc une tentative de « municipaliser » les gouvernements autochtones.

(5)     Projet de loi C-115 : Loi modifiant la Loi sur les Indiens (terres désignées), L.C. 1988, qui modifiait la Loi sur les Indiens, L.R., ch. I-5, modifiée.

(6)     En général, les Premières nations utilisent les sommes tirées de l’imposition des tenures à bail sur les terres de réserve pour financer des programmes et des services que le gouvernement du Canada ne fournit pas.  Le gouvernement a pour politique de ne pas payer le développement des infrastructures dans les réserves où il y a des titulaires non autochtones de tenures à bail.

(7)     Fiscal Realities, La fiscalité des Premières nations et les nouvelles relations financières, Kamloops (C.‑B.), 1997.

(8)     Pour un examen plus détaillé de l’imposition des terres de réserve données à bail et de la responsabilité en matière de services, consulter Robert Bish, Aboriginal Government Taxation and Service Responsibility:  Implementing Self-Government in a Federal System, Victoria, School of Public Administration, University of Victoria, 1993.

(9)     Jonathan R. Kesselman, « Aboriginal Taxation of Non-Aboriginal Residents:  Representation, Discrimination and Accountability in the Context of First Nations Autonomy », Revue fiscale canadienne, vol. 48, no 5, 2000, p. 1537 [traduction].

(10)   Initiative pour la création d’institutions financières des Premières nations – Trousse d’information, printemps-été 2002, p. 28.

(12)   On peut obtenir de l’auteur du présent résumé législatif des copies de ces articles.

(13)   La participation des Premières nations à cette initiative sera facultative.  Cependant, celles qui ont déjà pris des règlements administratifs en vertu de l’article 83 de la Loi sur les Indiens seront automatiquement visées une fois que la loi entrera en vigueur.  Le paragraphe 141(1) du projet de loi C-23 dispose que : « Les règlements administratifs pris en vertu de l’article 83 de la Loi sur les Indiens et qui sont en vigueur à l’entrée en vigueur de l’article 150 sont réputés être des textes législatifs pris en vertu des articles 4 ou 8 [description des textes législatifs sur les recettes locales et des textes législatifs en matière de gestion financière], selon le cas, dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec ces articles, et demeurent en vigueur tant qu’ils ne sont pas remplacés ou abrogés. »

(14)   Il faut se rappeler que les gouvernements des Premières nations ne perçoivent des impôts fonciers qu’auprès des locataires qui ne sont pas membres de la bande, c’est-à-dire pour les terres de réserve données à bail à des non-Autochtones.  Ce paragraphe tente de régler la question de l’imposition foncière des terres de réserve données à bail à des non-membres des Premières nations sans que le gouvernement qui lève les impôts assure pour autant des services aux contribuables.  Le principe invoqué est celui de l’équivalence fiscale, à savoir qu’un groupe de personnes qui paient des impôts devraient en retirer des avantages et avoir leur mot à dire dans les décisions relatives aux impôts et aux services.

(15)   Bien que le projet de loi ait été parrainé par un groupe de Premières nations, il ne faut pas oublier qu’il ne reçoit pas le même appui de toutes les Premières nations du pays.

(16)   À ce sujet, voir Lazar (2002); Chiefs of Ontario, Legal Analysis on First Nations and Statistical Management Act (un document rédigé par Michael Sherry), 21 septembre 2002.

(17)   Les définitions ne sont pas toutes contenues dans cet article du projet de loi.  Diverses notions sont définies lorsqu’il en est question dans le projet de loi.

(18)   Cette définition des Premières nations n’est pas utilisée à la partie 5 du projet de loi, qui traite de l’Institut de la statistique des Premières nations.  Voir en particulier l’explication de l’article 88.

(19)   Ce changement de terminologie a été critiqué comme étant purement superficiel.  D’après l’article 16 du projet de loi, la Commission de la fiscalité des Premières nations est un mandataire de Sa Majesté et à ce titre n’exerce qu’une autorité déléguée.  Dans un mémoire, les Chiefs of Ontario précisent que cette autorité déléguée est contraire au droit inhérent à l’autonomie gouvernementale reconnu et confirmé à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 (Chiefs of Ontario (2002), p. 6).

(20)   Ibid., p. 8 [traduction].

(21)   Mandell Pinder (2002), p. 14.

(22)   Voir également les remarques sur l’article 29.  En outre, en vertu de l’article 5, une Première nation qui prend ou modifie un texte législatif relatif aux recettes locales doit afficher des préavis et tenir des réunions publiques à l’intention de tous les contribuables et prendre en compte les observations que ces derniers présentent au Conseil.  Le projet de loi garantit également que des contribuables siègent à la Commission de la fiscalité des Premières nations, qui a le pouvoir d’approuver tous les textes législatifs relatifs à l’imposition (voir le par. 18(2)).

(23)   Cet aspect du projet de loi fait l’objet d’un bon nombre de critiques de la part de quelques Premières nations, qui font valoir qu’il est indûment restrictif.

(24)   Ardith Walkem (2002), p. 8.  La disposition a été caractérisée par Ardith Walkem comme une mesure draconienne qui permet au Conseil de gestion de prendre des règlements administratifs, en affirmant le faireau nom de la bande, et d’exercer une main-mise complète sur le compte de recettes fiscales (ibid.).

(25)   Chiefs of Ontario (2002), Legal Analysis,p. 27.

(26)   Formée en juillet 1999, l’Association des agents financiers autochtones du Canada a pour but d’aider à parfaire les compétences professionnelles des membres des Premières nations, ainsi que d’offrir un soutien professionnel aux chefs des Premières nations.  Pour plus d’information sur l’Association, voir son site Web.

(27)   On peut se demander dans quelle mesure, le cas échéant, l’approbation des textes législatifs sur l’administration financière des Premières nations par le Conseil conformément au projet de loi C‑23 empêchera celles-ci d’établir des codes d’administration financière en vertu du projet de loi sur la gouvernance des Premières nations.

(28)   Il ne semble pas que le manquement de la Première nation soit nécessaire pour provoquer l’intervention du Conseil.

(29)   En vertu de la politique ou des ententes de financement actuelles du Ministère, il n’existe pas de disposition permettant aux responsables de la prise en charge de prendre ou de modifier des règlements d’imposition au nom d’une bande dans le cadre d’une gestion de redressement.

(30)   Des observateurs ont avancé que l’Administration contribue à l’objectif général de l’administration fédérale de réduire ses obligations financières en établissant un système selon lequel les Premières nations peuvent emprunter sur les recettes futures pour financer des immobilisations, plutôt que de compter sur des fonds fédéraux.  Ainsi, comme les Premières nations commencent à « autofinancer » leurs programmes et services, cela pourrait, de l’avis de certains, se traduire par la réduction des transferts financiers de l’administration fédérale certes, mais aussi par une réduction des obligations fiduciaires de la Couronne à l’égard des Premières nations.

(31)   Voir l’analyse de l’alinéa 72d).

(32)   Chiefs of Ontario (2002), Legal Analysis, p. 35.

(33)   Le sous-alinéa 72a)(i) prescrit que les Premières nations qui empruntent des fonds de l’Administration utilisent ces fonds pour financer des projets d’infrastructure.

(34)   Voir l’analyse du paragraphe 48(3).

(35)   Dans le projet de loi, un prêt à long terme est un prêt consenti pour au moins un an (voir l’art. 55).

(36)   L’alinéa 4(1)d) prévoit des textes législatifs relativement à « l’emprunt de fonds auprès de l’Administration financière des premières nations, y compris l’autorisation de conclure avec elle un accord relatif à un tel emprunt ».

(38)   Il s’agit des bandes dont les terres ne sont plus assujetties à la Loi sur les Indiens, comme celles de la nation nisga’a.

(39)   « Proposed Act Called Wolf in Sheep’s Clothing », The Eastern Door, vol. 11, no 43.  Voir également CBC News, « Chiefs Reject Plan to Allow First Nations to Collect Taxes », 2 décembre 2002.

(40)   Union of British Columbia Indian Chiefs, « Our Land is Our Future », communiqué, 15 août 2002.

(41)   Les autres textes de loi sont le projet de loi C-7 : Loi sur la gouvernance des Premières nations, mort au Feuilleton en novembre 2003, et le projet de loi C-6 : Loi sur le règlement des revendications particulières, qui a reçu la sanction royale le 7 novembre 2003.

(42)   « Deal Reached? », Windspeaker, vol. 20, no 8, décembre 2002.

(43)   Fred Lazar (2002), p. 13.

(44)   Voir Chiefs of Ontario (2002), Briefing Note.

(45)   Lors des élections de juillet 2003, Phil Fontaine a défait Matthew Coon Come et est devenu chef national de l’APN.

(46)   Le 14 octobre 2003, au cours d’une assemblée spéciale de l’APN, une résolution favorable au projet de
loi C-19, la version antérieure du projet de loi C-23, a été défaite par 109 voix contre 65.

(47)   Cependant, en vertu du paragraphe 4(2), les textes législatifs pris en vertu du paragraphe 4(1) sont inopérants tant qu’ils n’ont pas été agréés par la Commission de la fiscalité des Premières nations.

(48)   Doug Cuthand, « Fiscal Management Law Major Native Milestone », The Star Phoenix, 6 décembre 2002.


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