Résumé législatif du Projet de loi C-2

Résumé Législatif
Projet de loi C-2 : Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants et d'autres personnes vulnérables) et la Loi sur la preuve au Canada
Robin MacKay, Division du droit et du gouvernement
Publication no 38-1-LS480-F
PDF 770, (20 Pages) PDF
2004-10-13
Révisée le : 2005-06-16

Déposé le 8 octobre 2004(1), le projet de loi C-2 apporte au Code criminel (le Code) et à la Loi sur la preuve au Canada des modifications qui aideront à « protéger les enfants et d’autres personnes vulnérables contre l’exploitation sexuelle, la violence, la maltraitance et la négligence » et qui apporteront « des aides au témoignage de victimes vulnérables »(2). Le projet de loi vise à réaliser ces objectifs grâce à une approche à trois volets. Premièrement, il aura pour effet d’élargir la portée de certaines infractions actuelles, de limiter la possibilité d’employer certains moyens de défense prévus par la loi et d’accroître les sanctions applicables après reconnaissance de la culpabilité. Deuxièmement, il propose la création de nouvelles infractions relatives au « voyeurisme ». Enfin, il propose différentes réformes de procédure destinées à faciliter le témoignage d’adolescents et à accroître la capacité des tribunaux à tenir compte des besoins des enfants et d’autres témoins vulnérables dans le cadre de diverses poursuites judiciaires.

Contexte

Le projet de loi C-2 représente la réponse du gouvernement à une série de préoccupations publiques formulées récemment. Par exemple, dans une résolution adoptée en 2001, les ministres provinciaux de la Justice ont exhorté leur homologue fédéral à relever l’âge auquel une personne de moins de 18 ans, mais de plus de 14 ans, peut consentir valablement à avoir des relations sexuelles avec un adulte. Cette question et d’autres encore concernant les enfants victimes ont été abordées dans un document de consultation diffusé par le ministère de la Justice en novembre 1999(3). Probablement en guise de solution de rechange au relèvement de l’âge applicable au consentement dans tous les cas, le projet de loi élargit la définition de l’infraction d’« exploitation sexuelle ». À l’heure actuelle, l’article 153 du Code dispose qu’un adulte enfreint la loi s’il a des relations sexuelles avec une personne de plus de 14 ans et de moins de 18 ans s’il est « en situation d’autorité ou de confiance » à l’égard de l’adolescent ou si celui-ci est « en situation de dépendance » à son égard. Si le projet de loi est adopté, tout adulte qui aura des relations sexuelles avec une personne de ce groupe d’âge se rendra coupable d’une infraction s’il est « dans une situation où [il] exploite l’adolescent ». La peine maximale applicable est augmentée pour passer de cinq à dix ans d’emprisonnement et des peines minimales seront infligées. Par ailleurs, les peines maximales prévues pour les infractions aux termes de l’article 215 (manquement au « devoir de fournir les choses nécessaires à l’existence ») et de l’article 218 (« abandon d’un enfant ») passent de deux à cinq ans. Le projet de loi propose également des modifications qui permettront aux enfants et aux autres témoins vulnérables d’avoir plus largement accès à des dispositifs comme des écrans et des systèmes de télévision en circuit fermé et qui élimineront la nécessité de procéder à une vérification de l’habilité préalable à l’accueil du témoignage d’un enfant de moins de 14 ans.

Par suite de l’interprétation large de la « valeur artistique » par la Cour suprême du Canada dans les affaires relatives à la pornographie juvénile, le projet de loi élimine les exemptions actuelles au titre de la « valeur artistique » ou du « but éducatif, scientifique ou médical », n’admettant ainsi qu’un « but légitime lié à l’administration de la justice, à la science, à la médecine, à l’éducation ou aux arts » comme moyen de défense. Le projet de loi précise en outre que le matériel en cause ne doit pas poser de risque indu pour les personnes âgées de moins de 18 ans. Les modifications élargissent également la portée de l’infraction en éliminant la nécessité de faire la preuve que les documents écrits font l’apologie de relations sexuelles illégales avec des enfants. Pour qu’il y ait pornographie juvénile, il suffira désormais que la « caractéristique dominante » d’un document écrit soit la description, « dans un but sexuel », d’activités sexuelles avec une personne de moins de 18 ans qui constituent une infraction aux termes du Code. Le projet de loi ajoute l’infraction d’exhibitionnisme devant un enfant de moins de 14 ans à la liste de celles au titre desquelles le tribunal peut rendre une ordonnance interdisant au contrevenant de se trouver dans des lieux publics généralement fréquentés par des enfants de moins de 14 ans, de chercher un emploi bénévole ou rémunéré le plaçant en situation de confiance au d’autorité à l’égard de personnes de ce groupe d’âge et de communiquer avec elles au moyen d’un ordinateur.

Compte tenu des préoccupations publiques concernant les effets du progrès technologique sur la vie privée, le ministère de la Justice a fait circuler un document de consultation en 2002 pour demander à la population s’il y avait lieu de créer de nouvelles infractions pénales en matière de « voyeurisme » ou d’enregistrement visuel ou sonore secret de citoyens « à des fins sexuelles ou lorsque l’observation ou l’enregistrement constituent une atteinte grave à la vie privée »(4). Le document de consultation rappelle que des interdictions pénales de cette nature ont été proposées dans une motion adoptée en août 2000 à la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada et dans une résolution adoptée en février 2002 par les ministres provinciaux et territoriaux de la Justice(5). Compte tenu des recommandations d’une majorité de répondants au document de consultation, le projet de loi C-2 propose la création de deux nouvelles infractions mixtes de voyeurisme, qui toutes les deux comportent un moyen de défense fondé sur le « bien public »(6).

Description et analyse

   A. Préambule

Le premier paragraphe du préambule explique la raison d’être du projet de loi en rappelant que « la vulnérabilité des enfants à toute forme d’exploitation – notamment la pornographie juvénile, l’exploitation sexuelle, la négligence et l’abus – préoccupe le Parlement du Canada au plus haut point ». Le deuxième paragraphe évoque les obligations du Canada aux termes de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et du Protocole facultatif annexé à la Convention concernant la vente d’enfants, la prostitution d’enfants et la pornographie juvénile. Le troisième paragraphe indique que le Parlement souhaite faciliter la participation des enfants et d’autres témoins vulnérables au système de justice pénale grâce à des dispositifs de protection respectant également les droits des accusés. Enfin, le dernier paragraphe souligne la nécessité de tenir compte des nouvelles technologies qui peuvent faciliter l’exploitation sexuelle et les atteintes à la vie privée.

   B. Consentement des adolescents à des relations sexuelles : infractions et peines

Les articles 2 à 5 du projet de loi élargissent la portée des infractions prévues par le Code en matière de relations sexuelles avec des personnes de moins de 18 ans ou augmentent les peines associées à ces infractions. Plus précisément, l’article 3 modifie les articles 151 et 152 du Code (contacts sexuels et incitation à des contacts sexuels avec une victime de moins de 14 ans) pour faire passer la peine d’emprisonnement maximale de 6 à 18 mois en cas de déclaration de culpabilité par procédure sommaire(7). La peine maximale applicable en cas de déclaration de culpabilité par mise en accusation reste la même dans les deux cas : dix ans d’emprisonnement. Une peine minimale de 45 jours d’emprisonnement sera infligée en cas de déclaration de culpabilité par mise en accusation et de 14 jours, en cas de procédure sommaire.

L’article 4 du projet de loi élargit la portée de l’article 153 du Code (contacts sexuels et incitation à des contacts sexuels avec une victime de moins de 18 ans) pour y inclure toute personne se trouvant « dans une relation où elle exploite l’adolescent ». À l’heure actuelle, l’article 153 ne s’applique qu’aux personnes se trouvant en situation d’autorité ou de confiance par rapport à l’adolescent ou à l’égard desquelles l’adolescent est en situation de dépendance. L’article 4 fait aussi passer la peine maximale applicable de 5 à 10 ans d’emprisonnement en cas de mise en accusation et de 6 à 18 mois en cas de procédure sommaire. De plus, il y aura une peine minimale de 45 jours d’emprisonnement en cas de déclaration de culpabilité par mise en accusation et de 14 jours en cas de procédure sommaire. Un juge peut déduire que l’adolescent est exploité dans une relation en se fondant sur la nature et les circonstances de la relation. Les facteurs dont il peut tenir compte comprennent l’âge de l’adolescent, la différence d’âge entre les parties, l’évolution de la relation et l’emprise ou l’influence de la personne sur l’adolescent.

Pour intégrer la notion de relation d’exploitation dans les dispositions générales relatives au consentement telles qu’elles s’appliquent aux infractions sexuelles, l’article 2 du projet de loi modifie l’article 150.1 du Code pour limiter l’accès aux moyens de défense pour les accusés de moins de 14 ans, et pour ceux de moins de 16 ans qui ont moins de deux ans de plus que le plaignant (lequel a plus de 12 et moins de 14 ans). À l’heure actuelle, l’article 150.1 du Code refuse effectivement aux personnes de moins de 14 ans la possibilité de consentir à des relations sexuelles, sauf si l’accusé a moins de 16 ans, qu’il est de moins de deux ans l’aîné du plaignant et qu’il n’est ni « une personne en situation d’autorité ou de confiance vis-à-vis du plaignant », ni « une personne à l’égard de laquelle celui ci est en situation de dépendance ». La nouvelle disposition législative supprime le moyen de défense fondé sur le consentement si la relation avec le plaignant est de l’ordre de l’« exploitation »(8).

L’article 5 du projet de loi reformule l’article 161 du Code pour allonger la liste des infractions au titre desquelles un tribunal peut interdire à un contrevenant reconnu coupable la présence dans des écoles, sur des terrains de jeux, dans des garderies et dans tout autre lieu public généralement fréquenté par des enfants de moins de 14 ans, la recherche d’un emploi bénévole ou rémunéré le plaçant dans une situation de confiance ou d’autorité à l’égard de personnes de ce groupe d’âge ou la communication avec elles par ordinateur(9). Plus précisément, l’article 5 ajoute l’infraction d’exhibitionnisme devant une victime de moins de 14 ans (par. 173(2)), ainsi qu’un certain nombre d’infractions sexuelles n’apparaissant plus dans le Code, mais qui ont été modifiées ou remplacées par des dispositions ultérieures.

   C. Nouvelle infraction de « voyeurisme »

L’article 6 du projet de loi ajoute une nouvelle infraction de voyeurisme à la partie V (infractions sexuelles) du Code. Compte tenu du document de consultation susmentionné et des commentaires qui ont suivi, le projet de loi considère le voyeurisme à la fois comme une infraction sexuelle et comme une atteinte à la vie privée. Par exemple, l’alinéa 162(1)c) proposé considère comme une infraction de « subrepticement » observer une personne ou de produire un enregistrement visuel de cette personne « dans des circonstances pour lesquelles il existe une attente raisonnable de protection en matière de vie privée », si cela est fait « dans un but sexuel ». Par ailleurs, le paragraphe 162(1) proposé fait de cette même observation ou production d’un enregistrement une infraction a) si cela a lieu dans un endroit où il est « raisonnable de s’attendre » à ce qu’une personne soit nue, expose ses seins, ses organes génitaux ou sa région anale ou se livre à une activité sexuelle explicite ou b) si la personne est dans cet état ou se livre à cette activité et que l’observation ou l’enregistrement est fait dans le dessein d’ainsi observer ou enregistrer la personne. Par conséquent, les actes de voyeurisme pourraient également faire l’objet de poursuites à titre d’atteintes à la vie privée, qu’ils aient des motifs commerciaux, qu’ils aient pour but de harceler la victime ou qu’ils aient d’autres motifs non sexuels.

Le paragraphe 162(2) proposé définit l’expression « enregistrement visuel », tandis que le paragraphe 162(3) proposé soustrait les policiers à l’application de la nouvelle infraction d’atteinte à la vie privée lorsqu’ils se livrent à une surveillance autorisée par les tribunaux. Le paragraphe 162(4) proposé élargit la responsabilité pénale à quiconque « imprime, copie, publie, distribue, met en circulation, vend, annonce, rend accessible » ou a en sa possession ce genre d’enregistrement dans un but de cet ordre, sachant qu’il a été « obtenu par la perpétration de l’infraction » prévue au paragraphe 162(1). Le paragraphe 162(5) proposé fait du voyeurisme une infraction mixte, punissable d’une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement en cas de déclaration de culpabilité par mise en accusation et d’une peine maximale de six mois en cas de déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Enfin, les paragraphes 162(6) et (7) proposés exemptent les actes ayant pour objet de servir le « bien public » et définissent les limites de ce moyen de défense.

   D. Application et exécution

L’article 8 du projet de loi reformule une partie du texte français et élargit la portée du paragraphe 164(1) du Code pour ajouter l’« enregistrement voyeuriste » à la liste des articles qu’un juge peut ordonner de saisir. L’article 8 apporte également les modifications corrélatives aux autres dispositions de l’article 164 et ajoute une définition d’« enregistrement voyeuriste » par renvoi à l’article 162, qui traite de la nouvelle infraction de voyeurisme, décrite plus haut. Par ailleurs, l’article 8 modifie le paragraphe 164(4) pour y inclure l’enregistrement voyeuriste dans la liste des articles qu’un juge peut ordonner de confisquer pour en disposer comme le Procureur général en décidera.

L’article 9 du projet de loi modifie le paragraphe 164.1(1) du Code pour ajouter l’enregistrement voyeuriste à la liste des articles au titre desquels un juge peut ordonner au responsable d’un système informatique de produire un exemplaire électronique, de rendre le produit inaccessible et de fournir les renseignements utiles pour identifier et retrouver la personne qui l’a publié(10). D’autres modifications apportées au paragraphe 164.1(5) ajoutent l’enregistrement voyeuriste à la liste des produits qu’un tribunal peut ordonner de supprimer dans un système informatique dans certaines circonstances. Enfin, l’article 10 du projet de loi ajoute le voyeurisme à la liste des infractions énumérées à l’article 183, pour lesquelles on peut demander l’autorisation d’intercepter des communications privées.

   E. Pornographie juvénile : définition et moyens de défense

À l’heure actuelle, l’article 163.1 du Code considère comme une infraction le fait de posséder des produits de pornographie juvénile, d’y avoir accès, d’en produire, de les imprimer, de les publier, de les transmettre, de les importer, de les exporter, de les distribuer ou de les vendre(11). La peine maximale pour l’accès ou la simple possession est de cinq ans d’emprisonnement sur déclaration de culpabilité par mise en accusation ou de six mois sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Le fait de produire, de publier, d’importer, de distribuer ou de vendre des produits de pornographie juvénile ou de les posséder dans l’un des buts précités est une infraction mixte punissable d’une peine maximale de dix ans d’emprisonnement sur déclaration de culpabilité par mise en accusation. Les dispositions du Code relatives à la pornographie juvénile ont résisté aux contestations en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, mais l’interprétation de la loi par la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Sharpe et son application ultérieure par la Cour suprême de la Colombie Britannique sont une source de préoccupation pour certains(12). Par exemple, la décision de la majorité de la Cour suprême du Canada a créé deux exemptions à l’interdiction de production ou de possession de produits de pornographie juvénile, dont une inclurait les « écrits ou représentations créés par l’accusé seul et conservés par ce dernier exclusivement pour son usage personnel »(13). Ces exemptions s’appuyaient au moins en partie sur la conclusion de la Cour que la production ou la possession de ce genre de produits ne risque guère ou pas de faire du tort aux enfants. Par ailleurs, la Cour suprême du Canada a été très claire : cette exemption ne s’appliquerait pas à l’impression ou à la publication de produits de pornographie juvénile ou à la possession de ce genre de produits dans le but de les publier. La Cour a également estimé que la « valeur artistique » doit être interprétée comme s’entendant de « toute forme d’expression pouvant raisonnablement être considérée comme de l’art » et que « toute valeur artistique objectivement établie, si minime soit-elle, suffit à fonder le moyen de défense ». S’appuyant en partie sur le moyen de défense de la valeur artistique, le juge Shaw de la Cour suprême de la Colombie Britannique a conclu que M. Sharpe n’était pas coupable, à certains égards, de possession de produits imprimés de pornographie juvénile et de possession en vue de la distribution ou de la vente.

Compte tenu de la logique et de la conclusion de l’affaire Sharpe, il ne faut pas s’étonner que le projet de loi C-2 propose de modifier les dispositions relatives à la pornographie juvénile pour élargir l’application de la loi et limiter les moyens de défense opposés à ce type d’accusation. Premièrement, l’article 7 du projet de loi ajoute à la définition de pornographie juvénile l’enregistrement sonore qui préconise ou conseille une activité sexuelle avec une personne âgée de moins de 18 ans, ce qui en fait une infraction aux termes du Code criminel. Ensuite, il redéfinit la pornographie juvénile en ajoutant au paragraphe 163.1(1) du Code une deuxième catégorie : les écrits « dont la caractéristique dominante est la description, dans un but sexuel, d’une activité sexuelle avec une personne âgée de moins de dix-huit ans qui constituerait une infraction à la présente loi ». Par conséquent, les écrits n’auront plus besoin d’inciter à des activités sexuelles illégales avec une personne de moins de 18 ans pour tomber sous le coup de la définition de pornographie juvénile(14). L’article 7 ajoute également à la définition de pornographie juvénile tout enregistrement sonore dont la caractéristique dominante est la description, la présentation ou la simulation, dans un but sexuel, d’une activité sexuelle avec une personne âgée de moins de 18 ans qui constituerait une infraction au Code.

L’article 7 fait passer de 6 à 18 mois l’emprisonnement maximal infligé pour une infraction de pornographie juvénile punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et inflige des peines minimales. Un nouvel article est ajouté au Code pour préciser que le tribunal qui inflige une peine à une personne coupable de pornographie juvénile est tenu de considérer comme circonstance aggravante le fait que cette personne a commis l’infraction dans le dessein de réaliser un profit. L’article 7 remplace également les paragraphes 163.1(6) et (7) du Code pour éliminer les moyens de défense applicables aux produits ayant une « valeur artistique ou un but éducatif, scientifique ou médical ». Il prévoit plutôt un moyen de défense fondé sur « un but légitime lié à l’administration de la justice, à la science, à la médecine, à l’éducation ou aux arts ». En outre, l’acte qui constituerait l’infraction ne doit pas poser de risque indu pour les personnes âgées de moins de 18 ans.

   F. Sanctions

Comme nous l’avons vu, l’article 11 du projet de loi modifie le paragraphe 215(3) du Code pour augmenter la peine maximale applicable à quiconque omet « sans excuse légitime » de fournir « les choses nécessaires à l’existence » de quiconque à qui cette obligation est due, notamment les enfants de moins de 16 ans(15). Cette peine passera du maximum actuel de deux ans à cinq ans d’emprisonnement sur déclaration de culpabilité par mise en accusation ou de 6 à 18 mois sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

De même, l’article 12 du projet de loi modifie l’article 218 du Code pour remplacer le barème des peines applicables à quiconque abandonne ou expose un enfant de moins de dix ans de façon à ce que la vie de cet enfant soit mise en danger ou exposée à l’être ou que sa santé soit compromise de façon permanente ou exposée à l’être. À l’heure actuelle, la peine maximale applicable à l’abandon d’enfant, qui est punissable uniquement par voie de mise en accusation, est de deux ans d’emprisonnement. Le projet de loi C-2 en fait une infraction mixte punissable d’une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement sur déclaration de culpabilité par mise en accusation ou de 18 mois sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

L’article 24 du projet de loi ajoute à la partie Objectifs et principes du Code une disposition enjoignant au tribunal qui impose une peine pour une infraction qui constitue un mauvais traitement à l’égard d’une personne âgée de moins de 18 ans d’accorder une attention particulière aux objectifs de dénonciation et de dissuasion d’un tel comportement. L’article 25 élargit les dispositions de l’alinéa 718.2a) du Code sur la détermination de la peine pour considérer comme une circonstance aggravante le fait que « l’infraction perpétrée par le délinquant constitue un mauvais traitement à l’égard d’une personne âgée de moins de 18 ans ». À l’heure actuelle, le sous alinéa 718.2a)(ii) mentionne précisément les mauvais traitements infligés à l’enfant du contrevenant. Enfin, l’article premier du projet de loi modifie le paragraphe 127(1) du Code pour faire de la désobéissance à une ordonnance légitime d’un tribunal une infraction mixte et non simplement passible d’une mise en accusation, probablement pour faciliter la poursuite lorsqu’une sanction moindre se justifierait.

   G. Besoins des plaignants et des témoins

      1. Non-publication des antécédents sexuels ou des documents personnels

Comme nous l’avons vu, le projet de loi comporte plusieurs modifications procédurales destinées à répondre aux besoins des plaignants et témoins vulnérables, notamment dans la poursuite pour infractions sexuelles. Par exemple, l’article 13 du projet de loi modifie l’article 276.3 pour faire une infraction du fait de « publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit » le contenu d’une demande ou de tout témoignage rendu à une audition pour déterminer l’admissibilité des preuves relatives aux antécédents d’un plaignant au cours du procès relatif à certaines infractions sexuelles. À l’heure actuelle, l’article 276.3 ne fait qu’interdire la publication dans les journaux ou la radiodiffusion. L’article 14 du projet de loi apporte des modifications analogues au paragraphe 278.9(1) au sujet des demandes de production des documents personnels relatifs au plaignant au cours d’un procès relatif à une infraction sexuelle. La nouvelle formulation clarifie le fait que les interdictions s’appliquent à toutes les formes de diffusion électronique, y compris l’Internet.

      2. Procédure et pouvoir spéciaux

         a. Article 15 du projet de loi

Le Code tient compte depuis longtemps du fait qu’il peut être plus pénible de comparaître devant un tribunal pénal pour certains témoins particulièrement vulnérables. C’est pour cette raison et pour permettre au tribunal d’avoir accès à des témoignages aussi complets et valables que possible que l’article 486 du Code a été modifié à plusieurs reprises : il s’agissait de prévoir des règles spéciales destinées à faciliter l’audition en tenant compte des besoins de ces témoins vulnérables. Le projet de loi C-2 propose des modifications qui permettront de structurer ces procédures spéciales de façon plus rationnelle tout en intégrant un certain nombre de changements cumulatifs. Pour ce faire, l’article 15 du projet de loi répartit les questions traitées actuellement dans l’article 486 en sept nouvelles dispositions distinctes.

            1) Exclusion du public

Le nouveau paragraphe 486(1) du Code a trait aux raisons pour lesquelles un juge peut exclure « l’ensemble ou l’un quelconque des membres du public, pour tout ou partie de l’audience », notamment s’il estime que cette mesure est dans l’intérêt de « la bonne administration de la justice ». Le principal changement apporté à cette disposition définit la « bonne administration de la justice » en y incluant les intérêts des témoins de moins de 18 ans dans toutes les instances. À l’heure actuelle, cette définition renvoie aux intérêts des témoins de moins de 18 ans dans les instances relatives à des infractions sexuelles ou à des infractions auxquelles sont associés des actes, des menaces ou des tentatives de violence. Le projet de loi donne donc aux tribunaux une plus grande latitude pour limiter la présence du public lorsque des adolescents témoignent, tout en laissant ouverte la même possibilité pour « la protection des personnes associées au système judiciaire qui prennent part à la procédure ».

            2) Personne de confiance

Le nouvel article 486.1 du Code incorpore et modifie les dispositions actuelles permettant aux tribunaux d’autoriser les témoins de moins de 14 ans ou les témoins atteints d’un handicap physique ou mental à être accompagnés d’une personne de confiance lorsqu’ils témoignent. À l’heure actuelle, ce pouvoir est limité aux instances relatives à des infractions sexuelles ou à des infractions auxquelles sont associés des actes, des menaces ou des tentatives de violence. Le paragraphe 486.1(1) élargit la disposition aux témoins de moins de 18 ans dans toutes les instances. De plus, le juge sera tenu de rendre une ordonnance de ce genre sur demande, sauf s’il « est d’avis que cela nuirait à la bonne administration de la justice ». Le paragraphe 486.1(2) proposé élargit encore plus le pouvoir du tribunal en permettant que ce genre d’ordonnance soit rendue pour protéger un témoin de tout âge, dans le cadre de toute instance, si le juge « est d’avis que cela est nécessaire pour obtenir du témoin un récit complet et franc des faits sur lesquels est fondée l’accusation ». Pour décider en ce sens, le tribunal devra tenir compte de l’âge du témoin, de la présence ou de l’absence de handicap physique ou mental, de la nature de l’infraction, de la nature des relations entre le témoin et l’accusé et de toute autre circonstance jugée utile. Enfin, le paragraphe 486.1(6) proposé dispose que le fait qu’une ordonnance soit ou non rendue ne peut donner lieu à des conclusions défavorables à l’égard de l’accusé.

            3) Témoignage à distance ou avec séparation

À l’heure actuelle, le paragraphe 486(2.1) permet au tribunal, dans le cadre de procès relatifs à la plupart des infractions sexuelles, d’autoriser un témoin de moins de 18 ans ou entravé par un handicap physique ou mental à témoigner en dehors de la salle d’audience ou derrière un écran, si le juge est d’avis « que cela est nécessaire pour obtenir […] un récit complet et franc des faits sur lesquels est fondée l’accusation ». Le nouveau paragraphe 486.2(1) élargit le pouvoir du tribunal en lui permettant de rendre cette ordonnance pour protéger ce genre de témoins dans toutes les instances et en lui faisant obligation de rendre ce genre d’ordonnance sur demande à moins que le juge soit « d’avis que cela nuirait à la bonne administration de la justice ». De plus, le nouveau paragraphe 486.2(2) permet de rendre ce genre d’ordonnance pour protéger tous les témoins si le juge estime que « cela est nécessaire pour obtenir […] un récit complet et franc des faits sur lesquels est fondée l’accusation ». Là encore, le juge décidera en tenant compte de l’âge du témoin, de la présence ou de l’absence d’un handicap physique ou mental, de la nature de l’infraction, de la nature des relations entre le témoin et l’accusé et de toute autre circonstance jugée utile.

            4) Contre interrogatoire par l’accusé

Le nouvel article 486.3 du Code reformule l’actuel paragraphe 486(2.3) qui interdit à un accusé de contre-interroger personnellement un témoin de moins de 18 ans dans les instances relatives à des infractions sexuelles ou à des infractions auxquelles sont associés des actes, des menaces ou des tentatives de violence. Là encore, les modifications apportées au paragraphe 486.3(1) élargissent l’interdiction à toutes les instances où des témoins ont moins de 18 ans, à la demande du procureur ou du témoin, à moins que le juge qui préside soit « d’avis que la bonne administration de la justice l’exige ». La même protection présomptive est accordée par le nouveau paragraphe 486.3(4) aux victimes dans les instances relatives à du harcèlement criminel. Par ailleurs, le nouveau paragraphe 486.3(2) permet aux tribunaux de rendre ce genre d’ordonnance pour des témoins de tout âge, dans le cadre de toute instance, si le juge qui préside est d’avis que « pour obtenir […] un récit complet et franc des faits sur lesquels est fondée l’accusation », il convient de ne pas autoriser l’accusé à contre-interroger personnellement le témoin. Pour en décider, le tribunal est ici encore invité à tenir compte de l’âge du témoin, de la présence ou de l’absence d’un handicap physique ou mental, de la nature de l’infraction, de la nature des relations entre le témoin et l’accusé et de toute autre circonstance jugée utile. Le fait qu’un juge nomme ou non un avocat pour procéder à un contre-interrogatoire en conformité avec cette disposition ne peut donner lieu à des conclusions défavorables.

            5) Publication des renseignements signalétiques

Le nouveau paragraphe 486.4(1) du Code modifie les dispositions actuelles permettant aux tribunaux d’interdire la publication des renseignements permettant d’établir l’identité d’un plaignant ou de témoins dans les instances relatives à la plupart des infractions sexuelles. Le projet de loi ajoute les articles 162 (voyeurisme), 163.1 (pornographie juvénile) et 172.1 (corruption d’enfant) à la liste des infractions susceptibles de donner lieu à ce genre d’ordonnance. Par ailleurs, le nouveau paragraphe 486.4(3) prévoit ce genre d’ordonnance pour protéger un témoin de moins de 18 ans ou une personne faisant l’objet d’une représentation, d’un écrit ou d’un enregistrement qui constitue de la pornographie juvénile, dans le cadre de ce genre d’instance. Comme pour les autres modifications, les nouvelles dispositions rappellent que ce genre d’information ne doit être ni publiée, ni diffusée, ni « transmise » par quelque moyen que ce soit.

Comme le permet désormais le paragraphe 486(4.1), le nouveau paragraphe 486.5(1) permet au tribunal d’interdire la publication des renseignements signalétiques relatifs à une victime ou à un témoin dans toute instance, à la demande d’une victime, d’un témoin ou du procureur, si cette ordonnance est jugée nécessaire à la « bonne administration de la justice ». Une protection analogue est accordée par le paragraphe 486.5(2) à « une personne associée au système judiciaire qui participe à la procédure » dans les instances relatives à certaines infractions sexuelles.

Enfin, le paragraphe 486.6(1) maintient la sanction actuelle réservée aux personnes qui transgressent les ordonnances rendues en vertu des paragraphes précédents, et le paragraphe 486.6(2) rappelle clairement que les interdictions de publication s’appliquent également aux instances relatives aux transgressions de ces ordonnances.

         b. Article 23 du projet de loi

L’article 23 du projet de loi modifie les articles 715.1 et 715.2 du Code pour élargir les circonstances dans lesquelles une victime ou un témoin peut être autorisé à témoigner sous la forme d’un enregistrement vidéo si celui ci est réalisé dans un délai raisonnable après la perpétration de l’infraction alléguée et si la victime ou le témoin confirme dans son témoignage le contenu de l’enregistrement. À l’heure actuelle, cette possibilité n’est accordée qu’aux personnes témoignant dans le cadre d’instances relatives à certaines infractions, surtout sexuelles, lorsque ces personnes avaient moins de 18 ans au moment de la perpétration de l’infraction alléguée (art. 715.1) ou si elles risquent d’éprouver de la difficulté à témoigner en raison d’un handicap physique ou mental (art. 715.2). Les modifications apportées à l’article 715.1 rendent ce genre d’enregistrement recevable dans toute instance criminelle si la victime ou le témoin a moins de 18 ans, « sauf si le juge ou le juge de paix qui préside est d’avis que cela nuirait à la bonne administration de la justice ». De même, les modifications apportées à l’article 715.2 rendent ce genre d’enregistrement recevable dans toute instance où le témoin pourrait avoir de la difficulté à témoigner en raison d’un handicap physique ou mental. Les modifications emploient également une nouvelle terminologie en substituant l’expression « enregistrement vidéo » à « enregistrement magnétoscopique » et le terme « victime » à « plaignant ».

   H. Modifications terminologiques

Les articles 16 à 22 du projet de loi modifient diverses dispositions du Code pour y supprimer les définitions de « journal » et rappeler que les interdictions de publication s’appliquent à « tout moyen » de transmission de l’information. Les dispositions en question sont l’article 487.2 (mandats de perquisition) et les paragraphes 517(1) (mise en liberté provisoire), 539(4) (enquête préliminaire), 542(2) (confession ou admission par l’accusé), 631(6) (identité d’un juré), 648(1) (voir dire) et 672.51(11) (audition de la Commission de révision pour déterminer la décision à rendre).

   I. Loi sur la preuve au Canada

L’article 26 du projet de loi modifie le paragraphe 16(1) de la Loi sur la preuve au Canada pour préciser que l’article 16 s’applique seulement aux témoins proposés qui ont 14 ans ou plus et dont la capacité mentale est mise en question. Si c’est le cas, le tribunal est tenu de faire enquête sur l’habilité du témoin à témoigner. À l’heure actuelle, l’article 16 ordonne de faire enquête sur tout témoin proposé de moins de 14 ans. L’article 27 du projet de loi ajoute également à la Loi sur la preuve au Canada l’article 16.1, qui porte en particulier sur les personnes de moins de 14 ans. Cette disposition précise que toute personne âgée de moins de 14 ans est présumée habile à témoigner et que le nouveau critère à respecter pour admettre le témoignage d’un enfant est sa capacité de comprendre les questions et d’y répondre. Un jeune de moins de 14 ans ne sera pas tenu de prêter serment ou de faire une déclaration solennelle. Il sera plutôt tenu de promettre de dire la vérité. On ne fera pas enquête pour déterminer si le jeune comprend la nature de cette promesse, et son témoignage aura autant de valeur que s’il était fait sous serment.

   J. Examen et rapport au Parlement

Cinq ans après l’entrée en vigueur du projet de loi C-2, un comité du Parlement devra en entreprendre un examen approfondi. Le comité devra remettre au Parlement son rapport, avec ses recommandations, dans les six mois (art. 27.1).

   K. Entrée en vigueur

L’article 28 du projet de loi a pour objet de coordonner l’entrée en vigueur des modifications proposées dans le projet de loi C-2 et celles des dispositions pertinentes de la Loi de 2002 sur la sécurité publique, tandis que l’article 29 du projet de loi prévoit l’entrée en vigueur du projet de loi par décret.

Commentaire

Lorsque le projet de loi C-20, une version antérieure du projet de loi C-2, a été déposé, le ministre de la Justice a décrit les réformes proposées, notamment la création d’une nouvelle infraction (voyeurisme), comme un premier pas important vers la réalisation de « l’engagement public qu’il a pris d’examiner et de réformer le droit pénal afin que ce droit réponde aux préoccupations et aux besoins des Canadiennes et des Canadiens ». Le Ministre estimait également que le projet de loi donne suite « aux engagements clés contenus dans le discours du Trône de 2002 », à savoir de protéger les enfants contre l’exploitation, de rendre plus sévères les sanctions prévues dans les cas de mauvais traitements et de négligence et de prévoir un traitement plus délicat des enfants qui doivent prendre part à des procédures judiciaires à titre de victimes ou de témoins.

Peu de Canadiens s’opposeraient ces objectifs, mais les événements récents et la réaction du public attestent qu’ils ne sont pas du tout d’accord sur les moyens d’y parvenir. Par exemple, certains policiers et parents estiment qu’il ne faut rien de moins qu’interdire tout contact sexuel entre un adulte et un adolescent de moins de 16 ans, voire de moins de 18 ans, pour protéger les adolescents de prédateurs sexuels qui peuvent, par exemple, les inciter à la prostitution. D’autres estiment que le relèvement de l’âge légal du consentement ne fera rien pour régler la question plus pressante de l’aide à apporter aux jeunes déjà engagés dans le commerce sexuel pour leur fournir du counselling et leur trouver un emploi légitime. Le projet de loi C 12, la version qui a précédé le projet de loi C-2, a également été critiqué pour ses modifications procédurales qui risquaient, selon certains, de compromettre injustement la capacité des accusés à assurer leur propre défense.

À la suite de la décision de la Cour suprême de la Colombie Britannique dans l’affaire R. v. Sharpe, l’opposition officielle a invité le gouvernement à présenter une loi relevant l’âge légal du consentement à au moins 16 ans et à interdire la création ou l’usage de produits explicitement sexuels exploitant des enfants ou des produits semblant décrire ou décrivant des enfants engagés dans des activités sexuelles(16). Au cours du débat concernant cette motion, plusieurs députés ont laissé entendre que le moyen de défense fondé sur la « valeur artistique » devrait être assujetti à des limites clairement définies sinon aboli. D’autres ont proposé d’élargir la portée des infractions en matière de pornographie juvénile pour englober plus que les produits faisant la promotion active d’actes illicites perpétrés avec des enfants. Il semble que les modifications proposées dans le projet de loi C-2 répondent à ces deux types de suggestions, mais il reste à voir si les autorités chargées d’exécuter la loi, les groupes d’intérêts et la population en général estimeront que le projet de loi est suffisamment adapté à l’évolution des besoins des enfants et des personnes vulnérables.

Certaines critiques d’un projet de loi antérieur au projet de loi C-2 concernaient le fait que la définition de la pornographie juvénile contiendrait encore des descriptions fictives d’enfants prenant part à une activité sexuelle. On craignait que cela rende le projet de loi vulnérable à une contestation en vertu de la Charte des droits et libertés(17). La Conférence canadienne des arts a dit craindre que la définition proposée pour la pornographie juvénile porte atteinte à la liberté d’expression des artistes au Canada. La même crainte a été exprimée par la Writers Union of Canada et PEN Canada(18). Aux audiences du Comité de la justice de la Chambre des communes, les représentants des groupes d’artistes ont attaqué le projet de loi C-20, une version antérieure du projet de loi C-2, et dit qu’il pourrait faire de certains artistes des criminels et les forcer à montrer comment leurs œuvres servent le bien public, expression qu’ils ont qualifiée de vague et subjective(19). Il reste à voir si le remplacement de l’expression « bien public » par « but légitime » permettra d’apaiser ces préoccupations.

Les réactions au projet de loi C-2 sont partagées. La ministre albertaine des Services aux enfants, Iris Evans, croit que la mesure législative est un « bon projet de loi », particulièrement les articles qui interdisent la publicité de la pornographie juvénile et l’exploitation des enfants de 14 à 18 ans(20). Selon le sergent Darren Eastcott du Service de police d’Edmonton, l’article sur l’exploitation sexuelle constitue une amélioration véritable.(21). En revanche, on dit aussi du projet de loi C-2 qu’il risque de se voir déclarer inconstitutionnel, parce qu’il impose au possesseur de pornographie juvénile le fardeau de démontrer qu’il possède les articles en cause dans un « but légitime »(22). Enfin, certains s’inquiètent de ce que le principe d’expression libre et les activités professionnelles et artistiques légitimes souffrent de l’adoption du projet de loi(23). Quelques personnes ont suggéré de redéfinir la « pornographie juvénile » pour qu’elle cible seulement le matériel qui implique l’abus véritable à l’égard d’un enfant réel. Cette approche recréerait pour les éducateurs, les écrivains et les artistes une atmosphère plus favorable à l’expression libre(24).


*  Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur.  Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.

(1)  Le projet de loi C-2 est semblable au projet de loi C-12, qui a été présenté au cours de la 37e législature et qui est mort au Feuilleton à la dissolution de la 37e législature en mai 2004.

(2)  Ministère de la Justice, communiqué, Ottawa, 8 octobre 2004.

(3)  Voir Les enfants victimes et le système de justice pénal.

(4)  Voyeurisme – Une infraction criminelle : document de consultation, ministère de la Justice, 2002.

(5)  Ibid., p. 3.

(6)  Voyeurisme – Une infraction criminelle : résumé des commentaires, ministère de la Justice,
28 octobre 2002.

(7)  À l’heure actuelle, la peine d’emprisonnement maximale en cas de déclaration de culpabilité par procédure sommaire est de 6 mois, comme le prévoit l’article 787 du Code criminel.

(8)  De même, l’article 2 du projet de loi supprime les obstacles actuels qui s’opposent à la poursuite des personnes de moins de 14 ans pour certaines infractions sexuelles si l’accusé est dans une relation « où [il] exploite le plaignant ».

(9)  La possibilité d’interdire les communications électroniques avec les personnes de moins de 14 ans a été instaurée au cours de la première session de la 37e législature : Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois, L.C. (2002), ch. 13, art. 4.

(10)  Ce pouvoir a été accordé aux tribunaux par la Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois, L.C. (2002), ch. 13, art. 7.

(11)  Par contre, la possession de produits pornographiques ne mettant pas en cause des enfants n’est pas une infraction, bien que le fait de produire, d’imprimer, de publier, de distribuer ou de mettre en circulation ce genre de produit peut constituer une infraction aux termes de l’article 163 si le produit est jugé « obscène ».

(12)  R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45, et R. c. Sharpe, [2002] B.C.J. no 610 (Cour suprême de la C.-B.).

(13)  La seconde exemption s’appliquerait à « tout enregistrement visuel créé par l’accusé ou dans lequel ce dernier figure, qui ne représente aucune activité sexuelle illégale et qui est conservé par l’accusé exclusivement pour son usage personnel ».  Elle avait par exemple pour but de protéger un couple d’adolescents qui auraient créé ensemble des photos sexuellement explicites l’un de l’autre ou des deux et les conserveraient pour leur seul usage personnel.

(14)  Dans l’affaire R. v. Sharpe, [2002] B.C.J. no 610, la Cour suprême de la C.-B. a conclu que les descriptions narratives incriminées n’incitaient pas à ce genre d’activité.

(15)  Le paragraphe 215(1) impose la même obligation de fournir les choses nécessaires à l’existence à un conjoint ou un partenaire de fait ou à toute personne à la charge de l’accusé qui est « incapable à la fois, par suite de détention, d’âge, de maladie, de troubles mentaux ou pour une autre cause, de se soustraire à cette charge [et] de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence ».

(16)  Motion présentée le 23 avril 2002 par le député Larry Spencer (Regina-Lumsden-Lake Centre).

(17)  The London Free Press, 11 décembre 2002, p. A9.

(18)  Le Devoir [Montréal], 22 août 2003, p. B2.

(19)  The StarPhoenix [Saskatoon], 9 octobre 2003, p. C15.

(20)  The Edmonton Sun, 10 octobre 2004, p. 22.

(21)  Ibid.

(22)  The Edmonton Sun, 10 octobre 2004, p. 22.

(23)  The Toronto Star, 18 octobre 2004, p. A22.

(24)  The National Post, 13 avril 2005, p. A20.

 


© Bibliothèque du Parlement