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Le projet de loi C-46 : Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur la concurrence et la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle (titre abrégé : « Loi sur les pouvoirs d’enquête au 21e siècle ») a été déposé le 18 juin 2009 à la Chambre des communes par le ministre de la Justice, l’honorable Robert Douglas Nicholson.
Le projet de loi vise à moderniser certaines infractions du Code criminel (le Code) et de la Loi sur la concurrence en tenant compte des nouvelles technologies de communication et à munir les organismes d’application de la loi de nouveaux outils d’enquête adaptés aux délits informatiques. Afin de faciliter la collaboration avec les organismes d’application de la loi étrangers, le projet de loi modifie également la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle.
Le projet de loi vise à mettre à jour le droit criminel canadien. Plus précisément, les principales modifications du projet de loi consistent :
Plusieurs dispositions du projet de loi s’inspirent des consultations publiques sur l’accès légal tenues par des représentants de Justice Canada, d’Industrie Canada et du Solliciteur général du Canada en 2002 (1), notamment celles relatives aux ordonnances de préservation et de communication.
Le Canada a signé la Convention sur la cybercriminalité du Conseil de l’Europe en novembre 2001, ainsi que son protocole additionnel sur la propagande haineuse en juillet 2005. La Convention criminalise certaines infractions commises à l’aide de systèmes informatiques et prévoit des outils juridiques adaptés aux nouvelles technologies, comme des ordonnances de préservation et de communication (2).
La Convention prévoit également une ordonnance de produire des données relatives aux abonnés (3), qui présente certaines similitudes avec la demande de renseignements sur les abonnés prévue par le projet de loi C-47 (4), déposé en même temps que le projet de loi C-46. La combinaison des projets de loi C-46 et C-47 permettra ainsi au Canada de ratifier la Convention sur la cybercriminalité et son protocole additionnel.
L’infraction actuelle de leurre constitue le fait de communiquer, au moyen d’un ordinateur, avec une personne mineure en vue de faciliter la perpétration d’une infraction sexuelle ou d’un enlèvement (5). L’article 3 du projet de loi remplace l’expression au moyen d’un ordinateur par tout moyen de télécommunication (6). Cette dernière expression, fréquemment utilisée dans le Code, a l’avantage d’inclure toute nouvelle technologie de communication et d’éviter les débats sur le fait que tel ou tel dispositif soit un ordinateur.
L’infraction de leurre criminalise le fait de communiquer directement avec une personne mineure en vue de faciliter la perpétration d’une infraction sexuelle ou d’un enlèvement (7). L’article 4 du projet de loi crée la nouvelle infraction de s’entendre avec une autre personne, en utilisant tout moyen de télécommunication, par exemple Internet, pour perpétrer un enlèvement ou une infraction sexuelle à l’égard d’une personne mineure.
À l’instar de l’infraction de leurre, cette nouvelle infraction est punissable d’un emprisonnement maximal de 10 ans et pourra être utilisée dans le contexte des enquêtes d’infiltration, c’est-à-dire qu’un agent de la paix pourra se faire passer pour une personne avec laquelle le délinquant conclut une entente pour commettre une infraction à l’égard d’un mineur (nouveau par. 172.2(5) du Code).
De plus, une personne reconnue coupable de la nouvelle infraction sera inscrite au registre national des délinquants sexuels (art. 20 du projet de loi) et devra, à moins que le tribunal en décide autrement, soumettre un échantillon d’ADN pour entreposage dans la banque nationale de données génétiques (art. 16 du projet de loi).
Les infractions de propagande haineuse doivent être commises à l’égard d’un « groupe identifiable ». L’article 6 du projet de loi ajoute l’origine nationale à la définition actuelle de « groupe identifiable » (8).
L’article 7 du projet de loi précise que les infractions d’incitation publique à la haine et de fomenter volontairement la haine peuvent être commises par tout moyen de communication et comprennent le fait de rendre accessible du matériel haineux, par exemple en créant un lien hypertexte qui dirigerait les internautes vers un site Web affichant du matériel haineux.
À l’heure actuelle, l’article 327 du Code criminalise la possession, la fabrication et la vente d’un dispositif servant à voler des services de télécommunication. L’article 10 du projet de loi ajoute essentiellement le fait d’importer ou de rendre accessible un tel dispositif. De plus, le projet de loi fait de cet acte criminel une infraction mixte, c’est-à-dire que le poursuivant aura le choix de procéder par mise en accusation ou par voie sommaire.
Selon les dispositions actuelles du Code, seules la propagation d’un virus informatique (9) ou la tentative de propagation constituent une infraction (10). Conformément aux exigences de la Convention sur la cybercriminalité (11), l’article 12 du projet de loi rend illégale la possession d’un virus informatique en vue de commettre une infraction de méfait, ainsi que l’importation et la mise à disposition d’un tel virus.
Les dispositions actuelles du Code qui prévoient les infractions d’envoyer un message sous un faux nom et de transmettre de faux renseignements, des propos indécents ou des messages « harassants » (terminologie actuelle du par. 372(3) du Code, remplacée par « harcelants » dans le projet de loi) font référence à certaines technologies de communication, utilisées pour commettre ces infractions, comme le télégramme, la radio et le téléphone (12). L’article 13 du projet de loi modifie ces infractions en supprimant les références à ces technologies de communication particulières et, pour certaines de ces infractions, en y substituant la référence à tout moyen de télécommunication. Ainsi, des accusations pourront être déposées au motif de ces infractions, peu importe le moyen de transmission ou la technologie utilisée.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit que les infractions consistant à transmettre de faux renseignements, des propos indécents ou des messages harcelants seront désormais des infractions mixtes. Par conséquent, la peine maximale prévue pour les infractions relatives aux communications indécentes et harcelantes augmentera à deux ans d’emprisonnement, dans le cas où le poursuivant aura décidé de procéder par mise en accusation.
Les renseignements sous forme électronique peuvent être détruits ou modifiés facilement et rapidement. L’article 15 du projet de loi ajoute donc au Code un nouvel outil d’enquête pour conserver ce type de preuve, outil qui peut prendre l’une de deux formes : l’ordre ou l’ordonnance de préservation. Un ordre de préservation est donné par un agent de la paix (nouvel art. 487.012 du Code), tandis qu’une ordonnance de préservation est rendue par un juge, sur demande d’un agent de la paix (nouvel art. 487.013 du Code).
L’ordre et l’ordonnance de préservation enjoignent à une personne, par exemple un fournisseur de services de télécommunication (FST), de sauvegarder des « données informatiques » (13) qui sont en « sa possession ou à sa disposition » (14) au moment où l’ordre ou l’ordonnance est reçu. Toutefois, un FST peut toujours préserver et communiquer volontairement des données à un organisme d’application de la loi, même en l’absence d’un ordre ou d’une ordonnance (nouvel art. 487.0195 du Code).
Ce nouvel outil d’enquête se distingue de la mesure de rétention des données, en vigueur dans certains pays (15), qui contraint les FST à recueillir et à conserver des données pendant une période prescrite pour tous leurs abonnés, qu’ils fassent ou non l’objet d’une enquête. À l’opposé, l’ordre et l’ordonnance de préservation ne concernent qu’une télécommunication ou une personne en particulier, dans le cadre d’une enquête policière. L’ordre et l’ordonnance de préservation pourront être donnés à un FST uniquement s’il existe des motifs raisonnables de soupçonner (16) qu’une infraction a été ou sera commise (17) (nouveaux par. 487.012(2) et 487.013(2) du Code). Toutefois, la personne qui est soupçonnée de l’infraction ne peut être contrainte de conserver des données par suite d’un ordre ou d’une ordonnance de préservation (nouveaux par. 487.012(3) et 487.013(5) du Code) (18).
L’ordre et l’ordonnance de préservation représentent des mesures temporaires, c’est-à-dire qu’ils sont généralement en vigueur assez longtemps pour permettre à l’organisme d’application de la loi d’obtenir un mandat de perquisition ou une ordonnance de communication. La durée maximale d’un ordre de préservation est de 21 jours, et l’ordre ne peut être donné qu’une seule fois (nouveaux par. 487.012(4) et (6) du Code), tandis que la durée maximale d’une ordonnance de préservation est de 90 jours (nouveau par. 487.013(6) du Code).
La personne visée par un ordre ou une ordonnance de préservation est tenue de détruire les données informatiques qui ne seraient pas conservées dans le cadre normal de son activité commerciale, après l’expiration de l’ordre ou de l’ordonnance, ou après que les données ont été remises à l’organisme d’application de la loi par suite d’une ordonnance de communication ou d’un mandat de perquisition (nouveaux art. 487.0194 et 487.0199 du Code).
La contravention à un ordre ou à une ordonnance de préservation constitue une infraction punissable, respectivement, d’une amende maximale de 5 000 $ (nouvel art. 487.0197 du Code), ou d’une amende maximale de 250 000 $ et d’un emprisonnement maximal de six mois, ou de l’une de ces peines (nouvel art. 487.0198 du Code).
Délivrée par un juge, une ordonnance de communication est semblable à un mandat de perquisition, à la différence que c’est la personne qui possède l’information qui, sur demande, la communique, au lieu que l’organisme d’application de la loi se rende sur place pour obtenir les renseignements recherchés au moyen d’une perquisition et d’une saisie. Les organismes d’application de la loi, munis d’une ordonnance de communication, peuvent alors, par exemple, obtenir plus facilement des documents se trouvant dans un autre pays.
Le Code prévoit déjà une procédure pour obtenir une ordonnance de communication générale, c’est-à-dire une ordonnance qui s’applique peu importe le type de renseignements qu’un organisme d’application de la loi recherche (19). La délivrance d’une telle ordonnance est basée sur l’existence de motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise. Le Code prévoit également des ordonnances de communication spécifiques, c’est-à-dire qui visent à obtenir certains renseignements précis : des informations bancaires ou des registres d’appels téléphoniques (20). La délivrance des ordonnances de communication spécifiques est basée sur le critère des motifs raisonnables de soupçonner.
L’article 15 du projet de loi crée de nouvelles ordonnances de communication spécifiques – dont la délivrance est basée sur l’existence de motifs raisonnables de soupçonner qu’une infraction a été ou sera commise – permettant à un agent de la paix d’obtenir d’un FST (21) deux types de renseignements : des « données de transmission » (nouvel art. 487.016 du Code) et des « données de localisation » (nouvel art. 487.017 du Code) (22).
Essentiellement, les « données de transmission » sont des données qui indiquent l’origine, la destination, la date, l’heure, la durée, le type et le volume d’une télécommunication (p. ex. un appel téléphonique ou une communication Internet), sans comprendre le contenu de la télécommunication (23). Ce type de données est utile, par exemple, pour retracer tous les FST qui ont participé à la transmission de données afin d’identifier le FST initial et ainsi déterminer l’origine d’une télécommunication (nouvel art. 487.015 du Code). Les « données de localisation » concernent le lieu d’une chose ou d’une personne physique.
Ces nouvelles ordonnances de communication permettent aux organismes d’application de la loi d’obtenir des données de transmission ou de localisation historiques, c’est-à-dire des données qui étaient déjà en la possession du FST au moment où il reçoit l’ordonnance. Pour obtenir ces types de données en temps réel, les organismes d’application de la loi devront être munis d’un mandat.
Une procédure de révision est prévue pour contester tout type d’ordonnance de communication, existante et nouvelle (nouvel art. 487.0193 du Code) (24). La personne qui a reçu une telle ordonnance peut demander à un juge de la révoquer ou de la modifier si la communication est déraisonnable (25) ou révèle des renseignements privilégiés (26). Comme pour l’ordonnance de préservation, la violation d’une ordonnance de communication est punissable d’une amende maximale de 250 000 $ et d’un emprisonnement maximal de six mois, ou de l’une de ces peines (nouvel art. 487.0198 du Code).
À l’heure actuelle, l’article 492.1 du Code permet à un agent de la paix, muni d’un mandat (27), d’installer secrètement un « dispositif de localisation » (28) (p. ex. un dispositif GPS) sur une chose, s’il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu’une infraction a été ou sera commise et que des renseignements utiles à l’enquête policière, notamment sur le lieu où peut se trouver une personne, peuvent être obtenus au moyen d’un tel dispositif.
L’article 21 du projet de loi maintient ce type de mandat, mais établit une distinction entre un mandat pour installer un dispositif de localisation sur une chose, par exemple une automobile, afin d’en suivre les déplacements (nouveau par. 492.1(1) du Code) et un mandat pour installer un tel dispositif sur une chose habituellement portée ou transportée par une personne physique afin de déterminer sa localisation et ses mouvements (nouveau par. 492.1(2) du Code). Le mandat pour suivre les déplacements d’une chose est basé sur le critère actuel des motifs raisonnables de soupçonner, tandis que le mandat pour suivre les déplacements d’une personne physique prévoit un critère plus exigeant, soit l’existence de motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été ou sera commise.
En plus de permettre d’installer un dispositif de localisation, le projet de loi permet aux organismes d’application de la loi d’activer à distance de tels dispositifs se trouvant dans certains types de technologie, comme les téléphones cellulaires ou les GPS dans certaines voitures (nouveau par. 492.1(3) du Code).
La durée maximale d’un mandat pour un dispositif de localisation demeure 60 jours. Toutefois, cette période augmente à un an dans le cas d’une infraction de terrorisme ou d’une infraction de criminalité organisée (nouveaux par. 492.1(5) et (6) du Code) (29).
Actuellement, le paragraphe 492.2(1) du Code permet à un agent de la paix, muni d’un mandat (30), de placer secrètement un enregistreur de numéro sur un téléphone ou une ligne téléphonique, s’il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu’une infraction a été ou sera commise et que des renseignements utiles à l’enquête policière pourraient être obtenus au moyen d’un tel enregistreur. Ainsi, l’organisme d’application de la loi pourra obtenir les numéros de téléphone « entrants et sortants » d’un téléphone sous écoute.
L’article 21 du projet de loi prévoit un mandat qui autorise un agent de la paix à installer et activer un enregistreur de données de transmission (31) (nouvel art. 492.2 du Code). Comme auparavant, un tel mandat permettra aux organismes d’application de la loi d’obtenir des données téléphoniques, mais également des données indiquant l’origine et la destination d’une communication Internet, par exemple. Les services de police pourront donc avoir accès à ces données de transmission en temps réel. Et, à l’instar du mandat pour placer un enregistreur de numéros téléphoniques, le nouveau mandat est basé sur le critère des motifs raisonnables de soupçonner.
Les nouvelles dispositions du Code concernant les ordres et ordonnances de préservation de données informatiques et les ordonnances de communication de données de transmission et d’informations bancaires s’appliqueront à certaines enquêtes menées en vertu de la Loi sur la concurrence. Ainsi, le commissaire de la concurrence pourra se servir de ces nouveaux outils d’enquête pour obtenir des preuves en matière de pratiques commerciales trompeuses et de pratiques restrictives du commerce.
Les articles 28 à 30 du projet de loi modernisent certaines infractions de pratiques commerciales trompeuses – par exemple donner de fausses indications sur un produit ou service et le télémarketing trompeur – en remplaçant la référence au téléphone comme moyen de commettre ces infractions par tout moyen de télécommunication utilisé pour communiquer oralement.
La Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle, adoptée en 1988, confère aux tribunaux canadiens des pouvoirs coercitifs, par exemple en matière d’assignation de témoins et de mandats de perquisition, pour obtenir au Canada, au profit d’un autre État, des preuves qui seront utilisées dans des enquêtes et des poursuites criminelles dirigées par cet autre État. Elle vise à promouvoir la collaboration entre les États en mettant en place un système d’échange de renseignements et d’éléments de preuve (32).
Le projet de loi habilite le commissaire de la concurrence à exécuter des mandats de perquisition délivrés en vertu de la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle.
Le projet de loi prévoit que les ordonnances de communication du Code pour obtenir des informations bancaires, des données de transmission ou de localisation pourront être utilisées par les autorités canadiennes qui reçoivent des demandes d’assistance de leurs partenaires internationaux.
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
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