Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le projet de loi C-49 : Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur les mesures de réforme équitables concernant les réfugiés et la Loi sur la sûreté du transport maritime (titre abrégé : « Loi visant à empêcher les passeurs d’utiliser abusivement le système d’immigration canadien ») a été présenté à la Chambre des communes le 21 octobre 2010 par le ministre de la Sécurité publique, l’honorable Vic Toews.
Ce projet de loi modifie la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés1 et la Loi sur la sûreté du transport maritime2. En particulier, le projet de loi :
La migration irrégulière, qui se produit lorsqu’une personne entre ou réside dans un autre pays sans avoir obtenu l’autorisation légale de l’État hôte, est un aspect de la question des migrations internationales qui fait l’objet d’un débat intense3, parce qu’elle « pose un réel dilemme aux États en plus d’exposer les migrants eux-mêmes à l’insécurité et à la vulnérabilité4 ».
Certains cas récents de nombreux ressortissants étrangers arrivant par bateau et désireux d’obtenir l’asile au Canada ont beaucoup retenu l’attention, notamment les arrivées de l’Ocean Lady, en octobre 2009, et du Sun Sea, en août 20105.
Une tendance se dégage de ces deux événements, à savoir celle d’un nombre croissant de personnes qui sont disposées à verser d’importantes sommes d’argent à des passeurs en échange de leur aide pour entrer au Canada.
L’objectif principal du projet de loi C-49 est de prévenir l’arrivée massive au Canada de migrants irréguliers, en particulier lorsqu’elle met en cause le passage de clandestins.
Le projet de loi C-49 doit être examiné à la lumière des engagements internationaux du Canada, qui sont résumés dans la présente rubrique. Le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer des Nations Unies de même que sa convention d’origine – la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée – traitent de ces questions et proposent un cadre juridique général pour lutter contre ces activités. Les efforts du Canada pour prévenir le passage illégal de migrants et y faire échec sont guidés par la Convention et son Protocole; le Canada a beaucoup contribué à leur libellé et les a ratifiés en 2002. Le trafic de migrants est un crime reconnu internationalement depuis 2004, année où ces textes sont entrés en vigueur.
En droit international, le « trafic illicite de migrants » désigne « le fait d’assurer, afin d’en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel, l’entrée illégale dans un État Partie d’une personne qui n’est ni un ressortissant ni un résident permanent de cet État6 ». Il importe de souligner que même si les expressions « traite de personnes » et « passage de clandestins » ont été utilisées de façon interchangeable au moment des arrivées en question, elles dénotent des infractions très différentes. Le « passage de clandestins » est habituellement une transaction commerciale, qui prend fin à l’arrivée à destination7, tandis que les personnes qui font l’objet de « traite » ne sont pas consentantes et sont considérées comme des « victimes » ou des « survivants »8.
À titre de signataire de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés,adoptée en 1951, et du protocole connexe, le Canada ne peut pas refouler un réfugié vers un territoire où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques. Ces personnes sont considérées comme des réfugiés au sens de la Convention.
Le Canada est également signataire de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants et il a mis en œuvre les obligations découlant de cet instrument international dans son droit et sa pratique internes. En conséquence, au Canada, l’asile est également accordé aux « personnes à protéger » qui risquent – à titre individuel – d’être tuées, torturées ou de subir des traitements ou des peines cruels et inusités.
La Charte canadienne des droits et libertés constitue également un élément important du cadre juridique qui s’applique aux demandeurs d’asile au Canada. En 1985, la Cour suprême du Canada a statué, dans l’affaire Singh c. Ministre de l’Emploi et l’Immigration10, que la Charte protège les demandeurs d’asile; cette décision a joué un rôle important dans l’adoption des normes d’équité procédurale applicables à ces affaires11.
Plusieurs sont d’avis que la loi qui s’applique à l’arrivée soudaine de demandeurs d’asile doit être suffisamment rigoureuse pour dissiper la perception que le Canada ne contrôle pas ses frontières. Même si la Convention relative au statut des réfugiés crée une obligation positive de ne pas imposer de sanction à un réfugié du fait de son entrée ou de son séjour illégaux, si l’intéressé arrive directement d’un territoire où sa vie ou sa liberté était menacée (art. 31), « il n’existe aucune obligation explicite semblable en ce qui concerne l’admission de possibles demandeurs d’asile qui se trouvent à l’extérieur du territoire d’un État partie12 ».
Le gouvernement du Canada craint depuis longtemps que l’absence de contrôle frontalier mine l’appui de la population à l’ensemble des programmes relatifs à l’immigration et aux réfugiés. À l’heure actuelle, divers moyens sont mis en œuvre pour tenter de dissuader de nouveaux demandeurs d’arriver au Canada de façon irrégulière, notamment l’obligation d’obtenir un visa de résident temporaire pour les ressortissants de pays d’où proviennent un grand nombre de demandeurs, l’imposition d’amendes et de frais aux transporteurs qui amènent au Canada des personnes sans documents et la mise en place d’un réseau d’agents de contrôle d’immigration à l’étranger qui collaborent avec les lignes aériennes en vue d’empêcher les personnes sans papiers valides de monter à bord de leurs appareils13.
Entre autres, les arrivées massives posent un défi d’ordre logistique en raison du grand nombre de demandes de statut de réfugié qu’il faut traiter en même temps. Cette situation complique la tâche des agents, qui doivent enquêter sur chaque personne arrivée, y compris sur les passeurs, afin de déterminer si ces personnes présentent un risque pour le Canada, pour des raisons relatives à la criminalité ou à la sécurité nationale, ou si leur situation justifie le fait que le Canada leur offre l’asile. Le Canada n’est pas le seul pays à devoir concilier son engagement à respecter ses obligations internationales à l’égard des demandeurs d’asile et l’exercice de sa prérogative en matière de contrôle des frontières et de mesures de sécurité. La plupart des pays sont confrontés au même dilemme, comme le souligne un rapport préparé pour la Commission mondiale sur les migrations internationales :
[…] le droit des États de contrôler leurs frontières est partie intégrante de la notion de souveraineté, mais le respect des droits humains est aussi une prérogative importante des États. Ces deux principes sont parfois difficiles à concilier et c’est là l’un des principaux dilemmes que pose aux décideurs la migration clandestine14.
C’est dans ce contexte de tiraillements entre deux objectifs stratégiques que s’inscrit le projet de loi C-49.
La version du projet de loi C-49 présentée à la Chambre compte 36 articles.
Nous aborderons dans la présente section du résumé législatif les quatre grands points suivants :
Entre autres choses, le projet de loi crée la nouvelle catégorie de l’« étranger désigné » au sens de la LIPR. Les dispositions à ce sujet visent principalement à dissuader quiconque de recourir à des passeurs pour entrer au Canada. Cette nouvelle catégorie s’applique aux personnes qui arrivent au Canada avec un groupe dont l’arrivée est réputée être une « arrivée irrégulière » aux yeux du Ministre. Il sera possible à l’« étranger désigné » de revendiquer le statut de réfugié ou de demander à être reconnu comme une « personne à protéger ».
L’« étranger désigné » sera assujetti à un nouveau régime de détention automatique obligatoire, à des conditions obligatoires de mise en liberté et à de nouvelles restrictions à l’égard des demandes de résidence permanente, des permis de séjour temporaire et des demandes d’ordre humanitaire, pendant une période d’au moins cinq ans après leur désignation.
Le projet de loi limite aussi la possibilité d’appeler de certaines décisions de la Section d’appel des réfugiés, impose des restrictions à la délivrance de titres de voyage à l’« étranger désigné » et renforce les pouvoirs des agents qui détiennent les personnes soupçonnées de criminalité à leur arrivée au Canada.
La présente section abordera les points suivants :
L’article 4 ajoute à la LIPR deux nouveaux articles, dont le nouvel article 20.1 concernant la désignation de l’« arrivée irrégulière ».
Le nouveau paragraphe 20.1(1) confère au Ministre15 un nouveau pouvoir discrétionnaire qu’il peut exercer dans l’« intérêt public16 », pour ordonner que l’arrivée au Canada d’un groupe de personnes soit désignée comme une « arrivée irrégulière » suivant l’un ou l’autre des deux critères suivants (nouveaux al. 20.1(1)a) et b)) :
Le nouveau paragraphe 20.1(3) prévoit qu’un arrêté du Ministre désignant l’arrivée au Canada d’un groupe de personnes comme une « arrivée irrégulière » n’est pas un texte réglementaire au sens de la Loi sur les textes réglementaires21. Ces désignations doivent toutefois être publiées dans la Gazette du Canada22.
Un ressortissant étranger qui fait partie d’un groupe dont l’arrivée au Canada est désignée par le Ministre comme une « arrivée irrégulière » devient automatiquement un « étranger désigné », sauf s’il détient les documents exigés pour entrer au Canada et que, à la suite d’un contrôle, l’agent est convaincu qu’il n’est pas interdit de territoire.
Le paragraphe 33(1) du projet de loi prévoit qu’une désignation d’« arrivée irrégulière » peut être faite rétroactivement jusqu’au 31 mars 2009.
Le paragraphe 33(2) explicite le paragraphe 33(1) et précise qu’il est entendu qu’une personne qui devient un « étranger désigné » en conséquence d’une désignation rétroactive en vertu du paragraphe 33(1) sera assujettie à l’application intégrale du projet de loi C-49. Le paragraphe 33(3) énonce une exception, qui soustrait la personne à l’application du nouvel alinéa 55(3.1)b)23. Ainsi, toute personne qui devient rétroactivement un « étranger désigné » et qui n’est pas détenue au moment de la désignation ne sera pas automatiquement détenue.
L’article 34 du projet de loi prévoit que l’échéancier applicable au contrôle des motifs de détention s’applique aux personnes nouvellement et rétroactivement désignées comme étant des « étrangers désignés ».
Le paragraphe 9(2) du projet de loi modifie l’article 55 de la LIPR par l’adjonction du nouveau paragraphe 55(3.1). Aux termes de cette nouvelle disposition, une fois que le Ministre a désigné l’arrivée au Canada d’un groupe de personnes comme une « arrivée irrégulière » (nouveau par. 20.1(1)) et que les membres de ce groupe deviennent en conséquence des « étrangers désignés » (conformément au nouveau par. 20.1(2)), l’agent doit, selon le cas :
Le pouvoir d’arrestation sans mandat existe déjà dans différents contextes prévus par la LIPR, et les tribunaux en ont examiné la constitutionnalité dans ces différents contextes. Par exemple, en vertu du paragraphe 55(2) de la LIPR, les agents peuvent procéder à des arrestations s’ils ont « des motifs raisonnables et probables de croire que les suspects font partie de plusieurs catégories de personnes non admissibles […] et qu’ils ne se présenteront pas à une enquête ou à une audience ou encore qu’ils présentent un danger pour la sécurité publique24 ».
La Cour suprême du Canada a formulé récemment des commentaires généraux au sujet de l’arrestation sans mandat, de l’arrestation fondée sur un arrêté du Ministre ou de la détention automatique sous le régime de l’ancien article 82 de la LIPR. S’exprimant pour l’ensemble de la Cour, le juge en chef McLachlin a indiqué : « la primauté du droit n’interdit pas catégoriquement la détention automatique ni la détention fondée sur une décision de l’exécutif »; cependant, les dispositions de la Charte25 concernant d’autres aspects de l’arrestation et de la détention s’appliquent toujours26.
Le projet de loi précise également la durée de la détention des « étrangers désignés ». Plus précisément, l’article 10 du projet de loi modifie l’article 56 de la LIPR en changeant la numérotation de l’article, qui devient le paragraphe 56(1), et en y ajoutant le paragraphe 56(2).
Le nouveau paragraphe 56(2) prévoit la détention d’un « étranger désigné » jusqu’à ce que l’un ou l’autre des événements suivants se produise :
Il sera question de ces dispositions et du régime de contrôle des motifs justifiant la détention des « étrangers désignés » plus loin dans le présent document.
L’article 11 du projet de loi crée un régime distinct pour le contrôle des motifs de détention des « étrangers désignés » en ajoutant l’article 57.1 à la LIPR. Ce nouveau régime diffère des régimes de contrôle déjà prévus dans cette loi pour les résidents permanents, les ressortissants étrangers et les personnes visées par un certificat de sécurité.
Le régime que prévoit actuellement l’article 57 de la LIPR et qui s’applique aux résidents permanents ou aux étrangers comporte :
À chacune des trois étapes du processus de contrôle obligatoire, l’agent responsable doit amener le résident permanent ou l’étranger devant la Section de l’immigration (par. 57(3)). L’expression « au moins une fois » employée à l’article 57 de la LIPR signifie que la Section de l’immigration peut décider d’effectuer des contrôles des motifs justifiant le maintien en détention avant l’expiration du délai de six mois.
Le régime que prévoit actuellement l’article 82 de la LIPR et qui s’applique aux personnes visées par un certificat de sécurité signé par les ministres29 comporte :
L’expression « au moins une fois » employée à l’article 82 de la LIPR signifie que le juge peut décider d’effectuer des contrôles des motifs justifiant le maintien en détention avant l’expiration du délai de six mois.
L’article 11 du projet de loi ajoute une nouvelle procédure de contrôle des motifs de détention qui s’applique uniquement aux « étrangers désignés », et non aux résidents permanents et aux étrangers (par. 57(1) de la LIPR). Le nouveau régime se résume comme suit :
Comme il est exigé pour les contrôles des motifs de détention des résidents permanents et des autres étrangers, à chacune des étapes du processus de contrôle obligatoire qui s’applique aux « étrangers désignés », l’agent responsable doit amener l’« étranger désigné » devant la Section de l’Immigration (nouveau par. 57.1(3)).
Le tableau 1 présente un résumé comparatif des trois régimes :
Contrôles obligatoires des motifs justifiant le maintien en détention |
Régime applicable aux résidents permanents et aux étrangers (art. 57 de la LIPR) |
Régime applicable aux personnes visées par un certificat de sécurité (art. 82 de la LIPR) |
Régime applicable aux « étrangers désignés » (nouvel art. 57.1 de la LIPR créé par le projet de loi C-49) |
---|---|---|---|
Premier contrôle |
Dans les 48 heures suivant le début de la détention (par. 57(1)) | Dans les 48 heures suivant le début de la détention (par. 82(1)) | Douze mois après le début de la détention et pas avant (nouveau par. 57.1(1)) |
Deuxième contrôle |
Dans les sept jours suivant le premier contrôle (par. 57(2)) |
Au cours des six mois suivant le premier contrôle (par. 82(2) ou (3)) | Six mois après le premier contrôle et pas avant (nouveau par. 57.1(2)) |
Contrôles subséquents | Au moins tous les 30 jours après le deuxième contrôle (par. 57(2)) | Au moins une fois tous les six mois après le tout dernier contrôle (par. 82(2) ou (3)) | À l’expiration du délai de six mois après le tout dernier contrôle et pas avant (nouveau par. 57.1(2)) |
Les délais d’attente obligatoires précédant le premier contrôle ainsi que les contrôles subséquents des motifs justifiant le maintien en détention que prévoit le projet de loi relativement aux « étrangers désignés » pourraient soulever des préoccupations liées à la Charte. Ils s’écartent considérablement des délais établis dans les régimes de contrôle des motifs de détention que prévoit actuellement la LIPR et qui s’appliquent à d’autres personnes.
L’article 9 de la Charte renferme une garantie contre la « détention arbitraire » qui comprend le droit à un contrôle de la légalité de la détention fait avec promptitude conformément à l’alinéa 10c) de la Charte. La Cour suprême du Canada a examiné les contraintes de temps reliées aux contrôles des motifs de détention d’étrangers qui sont visés par un certificat de sécurité délivré en vertu de la LIPR30 :
Les étrangers ont, au même titre que les autres, le droit de faire contrôler la légalité de leur détention, que ce soit par habeas corpus ou par un mécanisme d’origine législative […] Bien que le gouvernement souscrive à ce principe, il fait valoir que la période de 120 jours prévue au par. 84(2) permet un examen suffisamment rapide, se fondant à cet égard, comme les juridictions inférieures, sur le fait que les étrangers peuvent à
L’absence de contrôle de la détention des étrangers avant que ne se soient écoulés 120 jours après la confirmation judiciaire du caractère raisonnable du certificat porte atteinte à la protection contre la détention arbitraire garantie par l’art. 9 de la Charte, une garantie qui comprend le droit de faire contrôler promptement la légalité de la détention énoncé à l’al. 10c) de la Charte. Les résidents permanents désignés dans un certificat ont droit à un contrôle automatique dans les 48 heures. L’article 57 de la LIPR fixe le même délai pour le contrôle de la détention des étrangers et des résidents permanents. De plus, le Code criminel exige qu’une personne mise en état d’arrestation avec ou sans mandat comparaisse devant un juge dans un délai de 24 heures ou le plus tôt possible : art. 503(1). Ces dispositions révèlent à quel point la privation de liberté est considérée comme grave et peuvent servir de guide quant aux délais acceptables pour le contrôle de cette privation31.
Les droits prévus par la Charte sont assujettis à des limites qui sont raisonnables et dont la justification peut se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique (art. 1). Dans l’affaire Charkaoui, la Cour suprême a jugé en définitive que l’absence de contrôle prompt de la détention violait l’article 9 et l’alinéa 10c) de la Charte et qu’elle ne pouvait être justifiée au sens de l’article premier32. La Cour a cependant indiqué dans cette affaire que, en présence d’une menace pour la sécurité nationale, une certaine souplesse peut être nécessaire concernant la durée de la détention d’une personne en vertu de la LIPR, mais elle a cependant précisé que « cela ne saurait justifier l’absence totale de possibilité de faire contrôler promptement la détention33 ».
Par ailleurs, dans l’affaire Charkaoui, la Cour suprême a examiné les périodes de détention prolongées sous le régime de la LIRP et sur les responsabilités juridiques qui en découlent. S’exprimant pour l’ensemble de la Cour, la juge en chef a indiqué :
Ces principes m’amènent à conclure que la justice fondamentale visée à l’art. 7 et le droit à la protection contre tous traitements cruels ou inusités garanti par l’art. 12 exigent que la détention d’une personne ou son assujettissement à de sévères conditions de mise en liberté pendant une longue période, en vertu du droit de l’immigration, soient assortis d’un processus valable de contrôle continu qui tienne compte du contexte et des circonstances propres à chaque cas. Cette personne doit avoir la possibilité réelle de contester son maintien en détention ou ses conditions de mise en liberté34.
Dans le projet de loi, la mise en liberté avant le contrôle initial (après 12 mois de détention) peut être accordée seulement si la demande d’asile ou de protection a été réglée ou si le Ministre l’ordonne par arrêté en se fondant sur des circonstances exceptionnelles.
Le paragraphe 12(1) du projet de loi modifie le paragraphe 58(1) de la LIPR. Plus précisément, il modifie les alinéas 58(1)c) et d) et ajoute le nouvel alinéa 58(1)e).
L’article 58 de la LIPR contient une liste des facteurs que la Section de l’immigration doit prendre en considération avant d’ordonner la mise en liberté d’un résident permanent ou d’un étranger. Le projet de loi modifie cette liste.
La Section de l’immigration n’accordera pas la mise en liberté si elle est convaincue que l’un des facteurs suivants s’applique au résident permanent, à l’étranger ou à l’« étranger désigné » (s’il y a lieu) :
Le paragraphe 12(2) du projet de loi modifie l’article 58 de la LIPR en y ajoutant le paragraphe 58(4), qui dispose que lorsqu’elle ordonne la mise en liberté d’un « étranger désigné », la Section de l’immigration impose les conditions prévues par règlement. L’article 61 de la LIPR modifié par le projet de loi prévoit que les types de conditions sont établis par règlement35.
L’imposition de conditions obligatoires aux « étrangers désignés » diffère du régime applicable aux résidents permanents et aux étrangers mis en liberté. L’article 56 de la LIPR actuelle (qui devient le par. 56(1) en vertu du projet de loi) confère à l’agent le pouvoir discrétionnaire de mettre en liberté le résident permanent ou l’étranger avant le premier contrôle de la détention par la Section de l’immigration et d’assortir la mise en liberté des conditions qu’il estime nécessaires36.
Si un « étranger désigné » omet de se conformer aux conditions de sa mise en liberté, l’agent peut, à sa discrétion, refuser d’examiner sa demande en matière d’immigration. Plus précisément, les nouveaux paragraphes 11(1.3), 20.2(3), 24(7) et 25(1.03) disposent que l’agent peut refuser d’examiner une demande de résidence permanente ou de permis de séjour temporaire ou une demande pour circonstances d’ordre humanitaire :
L’article 15 du projet de loi ajoute à la LIPR le nouvel article 98.1. Cette disposition oblige l’« étranger désigné » qui a obtenu la protection au Canada à se rapporter à un agent conformément aux règlements37.
En vertu du nouvel article, l’« étranger désigné » doit répondre véridiquement à toutes les questions de l’agent et lui donner tous les renseignements et documents qu’il demande (nouvel art. 98.1).
Le nouvel article 98.2 dispose que les règlements régissent l’application du nouvel article 98.1.
La nouvelle obligation de se rapporter ne vise pas les personnes qui n’étaient pas auparavant des « étrangers désignés » et qui obtiennent le statut de réfugié aux termes de la LIPR.
Les articles 3, 4, 5 et 6 du projet de loi prévoient un certain nombre de nouvelles restrictions à la capacité d’un « étranger désigné » de présenter une demande de résidence permanente ou de permis de séjour temporaire ou une demande pour considérations humanitaires. Les restrictions décrites au tableau 2 ci-après indiquent que l’« étranger désigné » ne peut présenter ces demandes avant au moins cinq ans. De plus, le projet de loi prévoit la suspension du traitement de ces demandes quand elles émanent d’un étranger qui devient « étranger désigné » après les avoir présentées.
En pratique, ces périodes d’attente ont pour effet que l’« étranger désigné » peut obtenir le statut de réfugié ou celui de personne à protéger, mais ne peut demander la résidence permanente avant cinq ans. L’obligation d’attendre cinq ans avant de pouvoir demander la résidence permanente a aussi pour conséquence pratique que l’« étranger désigné » ne peut pas parrainer les membres de sa famille qui désirent venir au Canada38.
À titre de comparaison, quiconque n’est pas un « étranger désigné » et obtient le statut de réfugié ou de personne à protéger doit demander la résidence permanente dans les 180 jours suivant l’obtention du statut39, après quoi il peut obtenir la résidence permanente et parrainer des membres de sa famille.
Demande de résidence permanente ou de permis de séjour temporaire ou demande pour considérations humanitairesa | Période d’attente avant de pouvoir présenter une demande |
Période pendant laquelle le traitement d’une demande est suspendu | ||
---|---|---|---|---|
L’« étranger désigné » a demandé le statut de réfugié, mais non celui de personne à protéger |
Cinq ans à compter de la date de la décision finale sur la demande | Cinq ans à compter de la date de la décision finale sur la demande | ||
RP : | nouveaux al. 11(1.1)a) et 20.2(1)a) | RP : |
nouveaux al. 11(1.2)a) et 20.2(2)a) |
|
PST : | nouvel al. 24(5)a) | PST : | nouvel al. 24(6)a) | |
CH : | nouvel al. 25(1.01)a) | CH : | nouvel al. 25(1.02)a) | |
L’« étranger désigné » a demandé le statut de personne à protéger | Cinq ans à compter de la date de la décision finale sur la demande | Cinq ans à compter de la date de la décision finale sur la demande | ||
RP : | nouveaux al. 11(1.1)b) et 20.2(1)b) | RP : | nouveaux al. 11(1.2)a) et 20.2(2)b) | |
PST : | nouvel al. 24(5)b) | PST : | nouvel al. 24(6)b) | |
CH : | nouvel al. 25(1.01)b) | CH : | nouvel al. 25(1.02)b) | |
Tous les autres cas | Cinq ans à compter de la date de la déclaration comme « étranger désigné » | Cinq ans à compter de la date de la désignation comme « étranger désigné » | ||
RP : | nouveaux al. 11(1.1)c) et 20.2(1)c) | RP : | nouveaux al. 11(1.2)a) et 20.2(2)c) | |
PST : | nouvel al. 24(5)c) | PST : | nouvel al. 24(6)c) | |
CH : | nouvel al. 25(1.01)c) | CH : | nouvel al. 25(1.02)c) | |
a Dans le présent tableau, RP = résidence permanente, PST = permis de séjour temporaire et CH = considérations humanitaires. [ Return to text ] |
L’article 5 du projet de loi modifie l’article 21 de la LIPR de manière à ce que si le Ministre demande (en vertu de l’actuel par. 108(2) de la LIPR) de retirer l’asile accordé à un étranger, celui-ci ne peut pas devenir résident permanent tant que la décision finale sur la demande du Ministre n’a pas été rendue.
Le projet de loi modifie l’article 110 de la LIPR, qui décrit dans le détail les types de décisions de la Section de la protection des réfugiés (SPR) dont il peut être appelé devant la Section d’appel des réfugiés (SAR)40. (Il convient de noter que cette modification à l’art. 110 s’applique à toutes les personnes qui ont le droit d’appeler de certaines décisions de la SPR – et non seulement aux « étrangers désignés ».)
Le paragraphe 110(1) de la LIPR modifié par le projet de loi permet d’appeler – relativement à une question de droit, de fait ou mixte – de la décision de la SPR d’approuver ou de rejeter une demande d’asile. Le paragraphe 110(2) modifié par le projet de loi crée de nouvelles restrictions relativement aux appels devant la SAR.
Type de décisiona | La LIPR permet-elle d’en appeler devant la SAR? |
Le projet de loi C-49 permet-il d’en appeler devant la SAR |
---|---|---|
Décision de la SPR d’accueillir ou de rejeter une demande d’asile | Oui, en vertu du par. 110(1) de la LIPR | Oui, en vertu du par. 110(1) de la LIPR |
Décision de la SPR d’accueillir ou de rejeter la demande d’asile d’un « étranger désigné » | Sans objet, car la catégorie « étranger désigné » est créée par le projet de loi C-49 | Non, en vertu de l’al. 110(2)a) de la LIPR |
Prononcé de désistement ou de retrait de l’asile | Non, en vertu du par. 110(2) de la LIPR | Non, en vertu du nouvel al. 110(2)b) de la LIPR |
Décision de la SPR de rejeter une demande de retrait de l’asile faite par le Ministre | Oui, en vertu du par. 110(1) de la LIPR | Non, en vertu de l’al. 110(2)c) de la LIPR |
Décision de la SPR d’accueillir une demande de retrait de l’asile faite par le Ministre | Ce type de décision n’étant pas mentionné à l’art. 110 de la LIPR, il ne peut faire l’objet d’un appel devant la SAR | Non, en vertu de l’al. 110(2)c) de la LIPR |
Décision de la SPR de rejeter une demande du Ministre visant à annuler l’accueil d’une demande d’asile | Oui, en vertu du par. 110(1) de la LIPR | Non, en vertu de l’al. 110(2)d) de la LIPR |
Décision de la SPR d’approuver une demande du Ministre visant à annuler l’accueil d’une demande d’asile | Ce type de décision n’étant pas mentionné à l’art. 110 de la LIPR, il ne peut faire l’objet d’un appel devant la SAR | Non, en vertu de l’al. 110(2)d) de la LIPR |
a Dans le présent tableau, LIPR = Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, SAR = Section d’appel des réfugiés, SPR = Section de la protection des réfugiés. [ Return to text ] |
Il importe de noter que même dans les cas où il ne peut être appelé d’une décision de la SPR devant la SAR, une personne ou le Ministre peut (une fois épuisés tous les recours en appel prévus par la LIPR) présenter à la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire à l’égard d’une décision prise dans le cadre de la LIPR et en vertu de l’article 72 de cette loi.
L’article 8 du projet de loi ajoute à la LIPR le nouvel article 31.1, selon lequel un « étranger désigné » n’est réputé « résider régulièrement » au Canada que si sa demande d’asile ou de protection est accueillie et s’il devient résident permanent ou si un permis de résidence temporaire lui est délivré. Il s’ensuit que les « étrangers désignés » ne pourront se prévaloir de l’article 28 de la Convention sur les réfugiés, lequel oblige les États contractants, comme le Canada, à délivrer des titres de voyage de réfugié aux réfugiés qui « résident régulièrement » sur leur territoire.
Le paragraphe 9(1) du projet de loi modifie le paragraphe 55(3) de la LIPR, lequel régit la détention des résidents permanents ou des étrangers à leur entrée au Canada.
À l’heure actuelle, aux termes du paragraphe 55(3) de la LIPR, un agent peut détenir un résident permanent ou un étranger à son entrée au Canada dans l’un ou l’autre des cas suivants :
Le paragraphe 9(1) du projet de loi modifie l’alinéa 55(3)b) de la LIPR en y ajoutant qu’un agent peut aussi détenir un résident permanent ou un étranger au nouveau motif de soupçon d’inadmissibilité pour « grande criminalité, criminalité ou criminalité organisée ».
Le projet de loi modifie et élargit la définition de ce qu’on entend par « organisation d’entrée illégale » dans la LIPR et prévoit de nouvelles peines minimales obligatoires pour la personne reconnue coupable aux termes de cette loid’avoir fait entrer quelqu’un illégalement au Canada. Il ajoute aussi plusieurs facteurs aggravants dont le tribunal devra tenir compte au moment de déterminer les peines à infliger au titre des infractions de « trafic de personnes » et de « débarquement de personnes en mer ».
L’article 117 de la LIPR porte sur l’organisation de l’entrée illégale de personnes au Canada. Il interdit d’organiser l’entrée au Canada de personnes non munies des documents requis ou de les inciter, de les aider ou de les encourager à entrer au Canada, et il prévoit les peines à infliger en pareil cas. Il dispose également qu’aucune poursuite ne peut être engagée sans le consentement du procureur général du Canada pour une des infractions qu’il énonce.
Le projet de loi modifie la définition de ce qu’on entend par « organisation d’entrée illégale » de la façon suivante.
Article 117 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés |
Article 117 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés modifié par le projet de loi C-49 |
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(1) Commet une infraction quiconque sciemment organise l’entrée au Canada d’une ou plusieurs personnes non munies des documents – passeport, visa ou autre – requis par la présente loi ou incite, aide ou encourage une telle personne à entrer au Canada [souligné par les auteures]. | (1) Il est interdit à quiconque d’organiser l’entrée au Canada d’une ou de plusieurs personnes ou de les inciter, aider ou encourager à y entrer en sachant que leur entrée est ou serait en contravention avec la présente loi ou en ne se souciant pas de ce fait [souligné par les auteures]. |
Les tribunaux se sont montrés critiques à l’égard de la portée de la définition de l’organisation d’entrée illégale qui figure actuellement à l’article 117 de la LIPR. Par exemple, le juge Molloy, de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, en a dit ce qui suit au moment d’acquitter des personnes accusées en vertu de cet article :
La Couronne a fait valoir qu’étant donné la façon dont je viens d’interpréter la législation et d’appliquer la loi, il sera pratiquement impossible d’obtenir la condamnation des personnes qui en font entrer illégalement d’autres au Canada. Je sais pertinemment que ce sera difficile, surtout quand les personnes qu’on aura fait entrer ne seront pas appréhendées ou quand l’accusation sera celle de complot et que le crime reproché n’aura pas encore été vraiment commis. Je ne comprends pas pourquoi l’article 117 de la LIPR interdit d’organiser l’entrée illégale à la frontière de personnes seulement lorsqu’elles ne sont pas munies des documents requis, et non pour quelque raison que ce soit. Toutefois, si, à cause du libellé de la loi, il est difficile de poursuivre les contrevenants (ce qui est le cas) et si le méfait est grave (ce qui est également le cas), la solution consiste à modifier la loi, et non à exiger des tribunaux qu’ils l’interprètent comme si elle prévoyait le contraire de ce que dispose manifestement son libellé actuel41.
La définition d’organisation d’entrée illégale modifiée par le projet de loi donne suite à certaines des critiques formulées.
Les paragraphes 117(2) et (3) de la LIPR décrivent les peines maximales prévues pour le fait de faire entrer illégalement moins de 10 personnes (par. 117(2)) et plus de 10 personnes (par. 117(3)) au Canada.
Le projet de loi modifie l’article 117 de la LIPR en y ajoutant les nouveaux paragraphes 117(3.1) et 117(3.2). Ces deux dispositions prévoient une peine minimale obligatoire à l’endroit de la personne reconnue coupable d’avoir fait entrer illégalement moins de 50 personnes (par. 117(3.1)) ou plus de 50 personnes (par. 117(3.2)) si :
(i) l’auteur, en commettant l’infraction, a entraîné la mort d’une personne visée par l’infraction ou des blessures à celle-ci ou a mis en danger sa vie ou sa sécurité;
(ii) l’infraction a été commise au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle ou d’un groupe terroriste ou en association avec l’un ou l’autre ou en vue de tirer un profit.
Dans chaque cas, les peines diffèrent selon que l’une ou l’autre ou les deux conditions s’appliquent.
Les tribunaux se sont déjà prononcés sur la constitutionnalité des peines minimales obligatoires dans le contexte du droit criminel :
Les peines minimales obligatoires [PMO] seraient contraires au principe fondamental de la détermination des peines énoncé à l’article 718.1 du Code criminel – soit que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Les PMO n’autorisent pas un juge à faire d’exception dans des circonstances qui s’y prêteraient.
Cela ne signifie pas nécessairement, cependant, qu’une peine minimale soit inconstitutionnelle. Une PMO peut constituer une peine cruelle et inhabituelle, par conséquent une violation de l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés, s’il est possible que la peine obligatoire, dans une cause particulière ou un cas hypothétique raisonnable, soit « nettement démesurée » au regard de la gravité de l’infraction ou compte tenu des circonstances personnelles du délinquant.
Dans certains cas, la Cour suprême du Canada a invalidé des peines obligatoires qu’elle jugeait trop sévères. Récemment, toutefois, elle a également statué que les juges ne peuvent déroger à l’expression manifeste de la volonté du législateur et réduire une peine en deçà du minimum obligatoire prévu par la loi, sauf circonstances exceptionnelles (R. c. Nasogaluak)42.
L’article 18 du projet de loi modifie l’article 121 de la LIPR, lequel énonce les circonstances aggravantes dont le tribunal doit tenir compte au moment de déterminer les peines à infliger pour trafic de personnes et débarquement de personnes en mer (art. 118 et 119 de la LIPR).
Plus précisément, l’article 18 du projet de loi modifie l’article 121 de la LIPR en y ajoutant les facteurs aggravants que sont le fait de mettre en danger la vie ou la sécurité de personnes en en faisant le trafic ou en les débarquant en mer.
L’article 19 du projet de loi intègre à la LIPR la définition de l’expression « organisation criminelle » qui figure au paragraphe 467.1(1) du Code criminel, soit :
« organisation criminelle » Groupe, quel qu’en soit le mode d’organisation,
a) composé d’au moins trois personnes se trouvant au Canada ou à l’étranger;
b) dont un des objets principaux ou une des activités principales est de commettre ou de faciliter une ou plusieurs infractions graves qui, si elles étaient commises, pourraient lui procurer – ou procurer à une personne qui en fait partie –, directement ou indirectement, un avantage matériel, notamment financier.
La définition ne vise pas le groupe de personnes qui se forme spontanément et au hasard en vue de commettre sur-le-champ une infraction isolée.
L’article 16 de la Loi sur la sûreté du transport maritime (LSTM) confère au ministre des Transports le pouvoir discrétionnaire d’enjoindre à tout bâtiment de ne pas entrer au Canada, de quitter le Canada ou de gagner une autre partie des eaux canadiennes par la route et de la manière qu’il prescrit. Le Ministre peut délivrer une injonction à un bâtiment s’il a des motifs raisonnables de croire que ledit bâtiment constitue une menace pour la sécurité43 des personnes ou des choses, notamment des biens, des bâtiments ou des installations maritimes.
L’article 26 du projet de loi modifie l’article 17 de la LSTM – lequel énonce les peines applicables aux exploitants de bâtiments qui dérogent aux injonctions ministérielles – et il alourdit considérablement les amendes maximales dont sont passibles les personnes physiques ou morales, ainsi que la durée maximale de l’emprisonnement dont sont passibles les personnes physiques.
De plus, l’article 26 du projet de loi établit une nouvelle distinction entre une première infraction et les récidives et prescrit des peines plus lourdes pour la seconde infraction à une injonction ministérielle et les suivantes.
Peines maximales actuelles selon l’article 17 de la Loi sur la sûreté du transport maritime | Peines maximales selon l’article 17 de la Loi sur la sûreté du transport maritime modifié par le projet de loi C-49 | |
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Personne physique, première infraction | Amende maximale de 10 000 $, emprisonnement maximal d’un an, ou les deux | Amende maximale de 200 000 $, emprisonnement maximal d’un an, ou les deux |
Personne physique, récidives | Sans objet : la distinction entre première infraction et récidives est créée par le projet de loi | Amende maximale de 500 000 $, emprisonnement maximal de 2 ans, ou les deux |
Personne morale, première infraction |
Amende maximale de 200 000 $ | Amende maximale de 500 000 $ |
Personne morale, récidives |
Sans objet : la distinction entre première infraction et récidives est créée par le projet de loi | Amende maximale de 1 000 000 $ |
En plus d’augmenter les amendes et les peines maximales prescrites applicables à l’exploitant d’un bâtiment et décrites ci-haut, le projet de loi crée une infraction et établit un nouveau régime de peines à l’égard du bâtiment qui contrevient à une injonction ministérielle. Ainsi, le nouveau paragraphe 17(2) de la LSTM dispose qu’une telle infraction est passible d’une amende maximale de 100 000 $ la première fois et de 200 000 $ en cas de récidive.
L’article 28 du projet de loi modifie la version anglaise de l’article 26 de la LSTM pour que l’infraction consistant à contrevenir à une injonction ministérielle soit comptée comme une infraction distincte chacun des jours où le bâtiment la commet ou continue de la commettre. À l’heure actuelle, le libellé anglais de l’article 26 vise les personnes (physiques ou morales), mais non les bâtiments.
Le projet de loi modifie aussi à maints égards la procédure prévue dans la LSTM de manière à ce qu’il soit possible de poursuivre les bâtiments pour cette nouvelle infraction. L’article 30 du projet de loi modifie l’article 29 de la LSTM en y créant, à l’égard des bâtiments qui contreviennent à la LSTM, le moyen de défense consistant, pour l’exploitant du bâtiment, à « avoir pris toutes les mesures nécessaires pour éviter » de perpétrer l’infraction, défense que le même article met déjà à la disposition des personnes physiques ou morales. L’article 29 du projet de loi modifie l’article 28 de la LSTM pour donner des détails sur les éléments de preuve qui établissent qu’un bâtiment a commis une infraction à cette loi.
Enfin, l’article 31 du projet de loi modifie le paragraphe 31(1) de la LSTM pour qu’il soit possible de mettre un bâtiment à l’amende. Le paragraphe 31(1) modifié dispose qu’en cas de défaut de paiement à la date fixée d’une amende pour une infraction à la LSTM commise par un bâtiment, la déclaration de culpabilité du défaillant peut être enregistrée à la juridiction supérieure de la province où le procès a eu lieu. La LSTM comporte déjà cette disposition à l’endroit des personnes physiques et morales.
L’article 24 du projet de loi, qui modifie l’article 5 de la LSTM en y ajoutant le nouveau paragraphe 5(3), doit être lu dans le contexte de l’article 221 du Règlement sur la sûreté du transport maritime, qui oblige le capitaine d’un bâtiment à transmettre les renseignements préalables à l’arrivée du bâtiment au moins 96 heures avant d’entrer dans les eaux canadiennes44. Le Règlement énumère les renseignements à transmettre avant l’entrée du bâtiment dans les eaux canadiennes45.
L’article 24 du projet de loi énonce aussi les peines auxquelles expose le défaut de transmettre les renseignements requis avant l’entrée d’un bâtiment dans les eaux canadiennes. Les peines que le nouveau paragraphe 5(3) du projet de loi ajoute à la LSTM sont une amende maximale de 75 000 $, un emprisonnement maximal d’un an ou les deux.
Le paragraphe 27(2) du projet de loi modifie l’article 25 de la LSTM en y ajoutant le nouveau paragraphe 25(5).
Aux termes de l’actuel alinéa 25(3)a) de la LSTM, il est interdit de faire sciemment une déclaration fausse ou trompeuse ou de fournir sciemment un renseignement faux ou trompeur à un inspecteur ou à une autre personne chargée de l’application de cette loi.
Le projet de loi prévoit l’application de peines sensiblement plus lourdes aux personnes physiques ou morales qui fournissent des renseignements faux ou trompeurs. Pour les personnes physiques, les peines maximales prescrites au nouveau paragraphe 25(5) sont, pour la première infraction, une amende de 200 000 $, un emprisonnement d’un an ou les deux et, en cas de récidive, une amende de 500 000 $, un emprisonnement de deux ans ou les deux. Pour les personnes morales, l’amende maximale est de 500 000 $ pour la première infraction et de 1 000 000 $ en cas de récidive.
L’article 25 du projet de loi ajoute le nouvel article 5.1 à la LSTM. Cet article confère au ministre des Transports le pouvoir discrétionnaire de communiquer des renseignements au sujet des bâtiments « qui, de l’avis du ministre, peuvent constituer une menace pour la sûreté ou la sécurité du Canada ou des Canadiens » (nouveau par. 5.1(2) de la LSTM). Par ailleurs, selon le nouvel article, le gouverneur en conseil peut, par règlement, régir la communication par le Ministre des renseignements en question à des ministères ou organismes fédéraux (ou à leurs agents) (nouveau par. 5.1(1) de la LSTM).
L’article 22 du projet de loi dispose que les poursuites par voie de procédure sommaire au titre des infractions à la LIPR se prescrivent par cinq ans à compter de la date du fait reproché.
Beaucoup des dispositions du projet de loi entrent en vigueur au moment de la sanction royale. Ce sont les articles 1 à 16, 23 et 32 à 35.
Les articles 17 à 22 et 24 à 31 entreront en vigueur à des dates fixées par décret.
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
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