Résumé législatif du Projet de loi S-5

Résumé Législatif
Résumé législatif du projet de loi S-5 : Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada (réserve à vocation de parc national Nááts’ihch’oh du Canada)
Penny Becklumb, Division de l'économie, des ressources et des affaires internationales
Tim Williams, Division de l'économie, des ressources et des affaires internationales
Publication no 41-2-S5-F
PDF 551, (11 Pages) PDF
2014-05-16
Révisée le : 2015-10-22

1 Contexte

Le projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada (réserve à vocation de parc national Nááts’ihch’oh du Canada) (titre abrégé : « Loi sur la réserve à vocation de parc national Nááts’ihch’oh »), a été présenté par le leader du gouvernement au Sénat le 14 mai 2014.

Le projet de loi modifie la Loi sur les parcs nationaux du Canada1 afin de créer la réserve à vocation de parc (ou « réserve de parc ») national Nááts’ihch’oh (prononcer « Naat-sitch-tchoh ») du Canada dans les Territoires du Nord-Ouest. La réserve de parc, dont la superficie est de 4 895 km2, est située dans le sixième le plus au nord du bassin hydrographique de la rivière Nahanni Sud, dans les Territoires du Nord-Ouest; elle est adjacente, au nord-ouest, à la réserve de parc national Nahanni.

La réserve de parc national Nááts’ihch’oh se trouve entièrement dans le district de Tulita, dans la région désignée du Sahtu2. Elle est créée en tant que réserve de parc plutôt que simple parc conformément à la LPNC, qui prévoit qu’une telle réserve est créée « lorsqu’un peuple autochtone revendique des droits ancestraux sur tout ou partie du territoire d’un projet de parc et que le gouvernement fédéral a accepté d’engager des négociations à cet égard 3 ». C’est « [l]orsque les revendications en cours sont réglées et que tous les accords nécessaires prévoyant l’établissement du parc sont conclus, [que] la réserve de parc reçoit le statut de parc national4. »

Le bassin hydrographique de la rivière Nahanni Sud est un lieu culturel, spirituel et naturel important pour les Premières Nations et les Métis de la région désignée du Sahtu, de la région du Dehcho et de l’est du Yukon. Il abrite plusieurs espèces importantes, dont le grizzly, le caribou des bois, le mouflon de Dall et les populations les plus nordiques du Canada de chèvres des Rocheuses et de marmottes des Rocheuses. Les Dénés du Sahtu et les Métis de la région recommandent depuis longtemps de préserver le territoire proposé pour la future réserve de parc5.

1.1 Vers la création de la réserve à vocation de parc national Nááts’ihch’oh du Canada

La création de la réserve de parc national Nááts’ihch’oh complétera la protection fournie par le système des parcs nationaux à l’écosystème de la grande région Nahanni. La réserve de parc national Nahanni, qui se trouve dans la région du Dehcho, a été créée en 1972, en grande partie pour empêcher la réalisation d’un projet hydroélectrique à Virginia Falls. Au départ, elle couvrait environ un septième de l’écosystème de la grande région Nahanni. À l’époque, les recherches indiquaient que, dans cette région où les terres étaient utilisées à des fins concurrentes et dont l’alimentation en eau provenait de l’extérieur de ses limites, l’agrandissement du parc assurerait mieux l’intégrité écologique de l’écosystème6. En 2009, on a sextuplé la superficie de la réserve de parc national Nahanni dans la région du Dehcho7.

Pour que la protection de l’écosystème de la grande région Nahanni s’étende à la région désignée du Sahtu adjacente, Parcs Canada a entrepris, en 2007, des démarches auprès des Dénés du Sahtu et des Métis du district de Tulita. Le processus de négociation et les exigences relatives à la création d’un nouveau parc ou d’une nouvelle réserve de parc au sein de la région désignée du Sahtu sont présentés au chapitre 16 de l’Entente sur la revendication territoriale globale des Dénés et Métis du Sahtu (1993)8. La création de ces parcs :

a pour objet de préserver et de protéger, au profit des générations futures, des aires naturelles représentatives, d’importance nationale, y compris les ressources fauniques de ces aires, en plus de favoriser, chez le public, la connaissance, l’appréciation et la jouissance de ce patrimoine, tout en protégeant les droits qu’ont les participants, en vertu de la présente entente, d’utiliser ces aires pour y récolter des animaux sauvages et des plantes9.

En plus d’affirmer diverses utilisations et divers droits traditionnels, l’Entente précise que « la poursuite d’activités d’exploration et de mise en valeur visant des minéraux ne peut être autorisée dans les parcs nationaux, sauf si ces activités sont néces-saires à des fins de construction dans le parc concerné 10 ».

Dans le cadre du processus de création d’une réserve de parc conformément à l’Entente, il fallait un plan des répercussions et des avantages pour énoncer « la relation entre les Dénés et les Métis du Sahtu et Parcs Canada relativement à la gestion d’une réserve de parc national11 ». Un protocole d’entente sur la négociation du plan des répercussions et des avantages a été signé en avril 2008.

Bien qu’un certain nombre d’utilisations concurrentes des terres, y compris des activités en pourvoirie et de la chasse sportive, aient été proposées pour la réserve de parc, la question la plus litigieuse concernait les mines et l’exploration minière. Lorsqu’est envisagée la création de parcs nationaux dans les Territoires du Nord Ouest et le Nunavut, le potentiel minier fait l’objet d’un examen au moyen du processus d’évaluation des ressources minérales et énergétiques12. Dans le cas présent, ce processus a mené à la formulation de trois possibilités pour la délimitation de la réserve de parc (voir la figure 1)13.

Figure 1 – Les trois possibilités de délimitation proposées pour la future réserve à vocation de parc national Nááts’ihch’oh

Source: Figure adaptée de Parcs Canada, Projet de réserve de parc national Nááts’ihch’oh : Rapport final – consultations pdf (1.4 Mo, 61 pages), document préparé pour Parcs Canada par Terriplan Consultants, 30 août 2010.

Chacune des trois possibilités avait des conséquences différentes pour la protection du bassin hydrographique et des espèces et le développement du potentiel minier (voir le tableau 1).

Tableau 1 – Conséquences des possibilités de délimitation proposées pour la future réserve à vocation de parc national Nááts’ihch’oh
  Superficie
(km2)
Bassin hydrographique
(% protégé)
Habitat du grizzly
(% protégé)
Habitat du caribou
des bois du cours supérieur
de la Nahanni
(% protégé)
Potentiel minier
à l’extérieur du parc
(% du potentiel)
Possibilité 1 6 450 94 95 81 20
Possibilité 2 5 770 84 85 72 43
Possibilité 3 4 840 70 70 44 70

Source : Tableau adapté de Parcs Canada, Projet de réserve de parc national Nááts’ihch’oh : Rapport final – consultations pdf (1.4 Mo, 61 pages), document préparé pour Parcs Canada par Terriplan Consultants, 30 août 2010.

Au début de 2010 ont eu lieu des consultations publiques sur l’établissement de la réserve de parc, et plus particulièrement sur les trois possibilités relatives à sa délimitation. Au cours des consultations, 70 % des participants se sont dits en faveur de la protection de l’entièreté du bassin hydrographique de la rivière Nahanni Sud, une possibilité qui ne figurait pas parmi celles présentées. Seulement 65 des 1 603 participants se sont prononcés sur l’une des trois possibilités proposées : 60 ont appuyé la première, trois, la deuxième, et deux, la troisième14.

Après avoir étudié les commentaires publics et compte tenu de la conclusion du plan des répercussions et des avantages en mars 2012, le gouvernement a annoncé, le 22 août 2012, la création de la réserve de parc. Les limites retenues étaient celles de la possibilité 3, le gouvernement affirmant que les « avantages économiques, de concert avec l’atteinte d’un équilibre entre la préservation de l’habitat de la faune et la poursuite du développement des ressources naturelles dans le Nord, respectent les principes de la Stratégie pour le Nord du Canada15 ».

Le projet de loi S-5 est l’étape finale de la création de la réserve de parc.

2 Description et analyse

2.1 Établissement de la réserve à vocation de parc national Nááts’ihch’oh du Canada

L’article 6 du projet de loi crée la réserve de parc national en ajoutant son nom et sa description à l’annexe 2 de la Loi sur les parcs nationaux du Canada (LPNC).

2.2 Nouvelles dispositions applicables uniquement à la réserve à vocation de parc national Nááts’ihch’oh du Canada

En règle générale, les dispositions de la LPNC s’appliquent à une réserve à vocation de parc national de la même façon qu’à un parc16. La LPNC contient néanmoins quatre articles aux termes desquels des règles particulières s’appliquent à certaines réserves de parc national existantes17. Le projet de loi modifie la LPNC pour en ajouter un cinquième – l’article 41.4 – qui s’applique uniquement à la réserve de parc national Nááts’ihch’oh. L’article 3 modifie l’article 39 de la LPNC afin de préciser que l’application de ladite loi aux réserves de parc national comme s’il s’agissait de parcs est assujettie à ce nouvel article. L’article 41.4, qui comprend neuf paragraphes, est ajouté à la LPNC par l’article 5 du projet de loi et est décrit ci-dessous.

2.2.1 Routes d’accès à la mine

En prévision de l’aménagement de deux routes d’accès à la mine dans la réserve de parc, le projet de loi donne au ministre responsable de l’Agence Parcs Canada (actuellement le ministre de l’Environnement) les nouveaux pouvoirs voulus pour autoriser les activités relatives à ces routes. En particulier, les nouveaux para-graphes 41.4(1) à 41.4(5) donnent au Ministre le pouvoir de louer les terres situées dans la réserve ou de délivrer des permis d’occupation ou des servitudes à leur égard, et celui de délivrer des permis d’utilisation des terres ou d’utilisation des eaux à l’égard des terres domaniales situées dans la réserve à vocation de parc national Nááts’ihch’oh du Canada, en ce qui concerne les deux routes.

Le projet de loi prévoit que les exigences et pouvoirs légaux relatifs aux permis d’utilisation des terres ou d’utilisation des eaux et établis par certaines dispositions de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie18 s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, à tout permis d’utilisation des terres ou d’utilisation des eaux délivré en vertu des nouvelles dispositions. À l’égard des terres domaniales de la réserve de parc, les autorisations ou les permis existants accordés pour l’utilisation des terres ou l’utilisation des eaux restent valides dans les limites des modalités qui y sont prévues et sont réputés avoir été délivrés en vertu des nouvelles dispositions de la LPNC.

L’article 2 du projet de loi modifie le paragraphe 24(2) de la LPNC pour que le fait de contrevenir à toute condition d’une licence ou d’un permis d’utilisation des terres ou d’utilisation des eaux décrits ci-dessus ou à tout ordre donné en vertu d’une telle licence ou d’un tel permis constitue une infraction. Une disposition actuelle de la LPNC s’applique pour ce qui est de déterminer la pénalité imposée à la personne déclarée coupable d’une telle infraction. Selon que la Couronne procède par procédure sommaire ou par mise en accusation et qu’il s’agit d’un particulier ou d’une société, l’amende maximale se situe entre 25 000 $ et 500 000 $ pour une première infraction.

2.2.2 Prorogation des baux, servitudes et permis d’occupation existants

Certaines personnes détiennent des baux, servitudes ou permis d’occupa¬tion qui leur permettent de réaliser des activités sur les terres de la réserve de parc national et qui leur ont été accordés avant l’entrée en vigueur des mesures de protection visant les terres. Les nouveaux paragraphes 41.4(6) et 41.4(7) de la LPNC assurent la prorogation des baux, servitudes et permis d’occupation existants concernant les terres domaniales situées dans la réserve de parc national. Ces instruments peuvent avoir été délivrés sous le régime d’autres textes législatifs.

Les baux, servitudes et permis d’occupation existants concernant des terres domaniales situées dans la réserve à vocation de parc national demeurent en vigueur conformément à leurs modalités, qui l’emportent sur les dispositions incompatibles de la LPNC. Les baux et permis d’occupation peuvent être renouvelés si leurs modalités le permettent. Dans le cas contraire, ils peuvent être renouvelés conformément à la LPNC.

2.2.3 Création d’un parc

À titre de condition préalable à l’établissement d’un parc, la LPNC exige que le gouvernement fédéral dispose d’un titre incontesté et d’un droit de propriété non grevé de charge sur les terres qui feront partie du parc19. Les nouveaux paragraphes 41.4(8) et 41.4(9) de la LPNC, ajoutés par l’article 5 du projet de loi, disposent que les baux, servitudes, permis d’occupation ou permis ou autorisations d’utilisation des terres ou d’utilisation des eaux concernant des terres domaniales situées dans la réserve de parc national sont réputés ne pas être des charges et ne pas avoir d’incidence sur le titre à l’égard de ces terres. Autrement dit, ces instru-ments n’empêchent pas l’intégration des terres de la réserve de parc à un parc. Si les terres deviennent un parc, les instruments demeurent en vigueur selon leurs modalités.

Lorsque la réserve de parc national Nááts’ihch’oh deviendra un parc, les dispositions qui s’y appliquent de façon unique et qui sont résumées à la partie 2.2 du présent résumé législatif continueront de s’appliquer aux terres de parc.

2.3 Modification relative aux routes d’accès à la mine dans la réserve à vocation de parc national Nahanni du Canada

L’article 4 du projet de loi propose une modification indépendante et de forme au paragraphe 41.1(4) de la LPNC pour ce qui est de la réserve de parc national Nahanni. Plus précisément, il y ajoute des renvois à deux articles de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. La modification a pour effet que les deux articles s’appliquent avec les adaptations nécessaires aux permis d’utilisation des eaux dans l’aire d’agrandissement de 200920 pour les routes d’accès à la mine. Les deux articles concernent le renouvellement, la modification, l’annula¬tion et la cession de permis. Ils ont été ajoutés à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie en 2014 par la Loi sur le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest21.


Notes

*  Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.Retour au texte ]

  1. Loi sur les parcs nationaux du Canada (LPNC), L.C. 2000, ch. 32.[ Retour au texte ]
  2. Parcs Canada, Projet de réserve de parc national Nááts’ihch’oh : Rapport final – consultations pdf (1.4 Mo, 61 pages), document préparé pour Parcs Canada par Terriplan Consultants, 30 août 2010. [ Retour au texte ]
  3. LPNC, par. 4(2).[ Retour au texte ]
  4. Parcs Canada, Proposition d’établissement de la réserve de parc national Nááts’ihch’oh – Une autre étape clé pour la protection de l’écosystème de la grande région Nahanni pdf (518 ko, 4 pages), p. 3. Voir également le par. 6(2) de la LPNC. [ Retour au texte ]
  5. Parcs Canada (2010). [ Retour au texte ]
  6. Parcs Canada, « Écosystème de la grande région Nahanni », Réserve de parc national du Canada Nahanni. [ Retour au texte ]
  7. Ibid. [ Retour au texte ]
  8. Affaires indiennes et du Nord canadien, Entente sur la revendication territoriale globale des Dénés et Métis du Sahtu, vol. 1, Ottawa, 1993. [ Retour au texte ]
  9. Ibid., paragr. 16.1.1, p. 72. [ Retour au texte ]
  10. Ibid., paragr. 16.1.5, p. 72. [ Retour au texte ]
  11. Parcs Canada, Proposition d’établissement de la réserve de parc national Nááts’ihch’oh, p. 2. [ Retour au texte ]
  12. Ressources naturelles Canada, « Évaluation des ressources minérales et énergétiques des terres du Nord canadien visées par des propositions de créer des parcs nationaux », Évaluation des ressources minérales et énergétiques (l’ERME). [ Retour au texte ]
  13. Parcs Canada (2010). [ Retour au texte ]
  14. Ibid. [ Retour au texte ]
  15. Parcs Canada, Réserve de Parc national Nááts’ihch’oh, fiche d’information. La Stratégie pour le nord du Canada comprend quatre domaines prioritaires : exercer la souveraineté canadienne dans l’Arctique; protéger le patrimoine naturel du Canada; promouvoir le développement social et économique; améliorer et décentraliser la gouvernance dans le Nord. (Voir Gouvernement du Canada, Stratégie pour le nord du Canada, 2009.) [ Retour au texte ]
  16. LPNC, art. 39. À noter, toutefois, à l’art. 40 de la même loi : « L’application de la présente loi aux réserves tient compte de l’exploitation traditionnelle des ressources renouvelables par les Autochtones. » [ Retour au texte ]
  17. Les art. 41 à 41.3 de la LPNC établissent des règles uniques pour chacune des réserves de parc à vocation de parc suivantes : Gwaii Haanas, Nahanni et Île-de-Sable. [ Retour au texte ]
  18. Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, L.C. 1998, ch. 25. [ Retour au texte ]
  19. LPNC, par. 5(1) et 6(2). [ Retour au texte ]
  20. L’aire d’agrandissement est la zone de la réserve de parc national qui a été ajoutée en 2009, dont on trouve la description technique aux parties II et III de la description de la réserve de parc national Nahanni du Canada, à l’annexe 2 de la LPNC. [ Retour au texte ]
  21. Loi sur le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest, L.C. 2014, ch. 2, art. 145. [ Retour au texte ]

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