On s’entend généralement pour dire que, plusieurs décennies après son adoption, la Loi sur l’accès à l’information (LAI) doit être mise à jour. La LAI est considérée comme un élément crucial de la transparence et de l’ouverture dont l’administration gouvernementale doit faire preuve pour garantir le bon fonctionnement de la démocratie parlementaire au Canada. En juin 2009, alors qu’il présentait sa plus récente proposition de refonte de la LAI, Robert Marleau, ancien commissaire à l’information du Canada, déclarait ce qui suit :
La Loi sur l’accès à l’information doit être renforcée pour faire face aux impératifs actuels. Même s’il a été établi que la Loi est toujours valable sur le plan du concept et de l’équilibre, il s’avère urgent de la moderniser au point de vue législatif et administratif et de l’harmoniser avec les régimes plus progressifs à l’échelle tant nationale qu’internationale. Les Canadiens s’attendent à un ensemble commun de droits d’accès d’un gouvernement à l’autre 1.
La LAI a été examinée à plusieurs reprises depuis son entrée en vigueur, ce qui a donné lieu à toutes sortes de projets de réforme. Dans le présent document, nous circonscrirons les éléments clés qui ressortent des principales études de la LAI depuis 20 ans et analyserons plus en détail les projets de réforme récents.
La Loi sur l’accès à l’information, en vigueur depuis 1983, donne aux Canadiens un droit général d’accès à l’information conservée sur quelque support que ce soit et relevant des institutions gouvernementales fédérales. Tout citoyen peut demander l’accès à certains renseignements, et, à moins que l’information demandée soit protégée par certaines exceptions définies et limitées, la LAI prévoit qu’il est obligatoire de la communiquer dans un certain délai. Les exceptions sont énoncées dans la LAI : elles ont généralement trait à la protection de la vie privée, à la confidentialité commerciale, à la sécurité nationale et à d’autres cas dans lesquels il est nécessaire de restreindre l’accès pour l’élaboration de politiques. Les documents confidentiels du Cabinet sont soustraits à l’application de la LAI pendant 20 ans après leur création.
Si leur demande d’accès à l’information est rejetée, les demandeurs peuvent adresser une plainte au Commissariat à l’information 2. Ils peuvent également déposer une plainte s’ils estiment qu’on leur a demandé de payer des frais excessifs pour l’information copiée, si l’information ne leur a pas été communiquée dans la langue de leur choix ou encore si le délai de communication ou de traduction du document est déraisonnable. C’est le personnel du Commissariat qui fait enquête sur les plaintes. À titre de protecteur du citoyen, le commissaire a recours à la persuasion pour régler les différends. Après l’enquête, lorsqu’ils ont reçu le rapport du commissaire, les plaignants ont le droit de s’adresser à la Cour fédérale du Canada pour demander l’examen du refus de l’institution qui possède les renseignements, comme prévu par la LAI. Le commissaire n’a pas le pouvoir d’ordonner à un ministère de communiquer des renseignements, mais il peut appuyer un plaignant qui s’adresse à la Cour fédérale pour obtenir la communication de documents.
Depuis l’examen prévu par la loi entrepris en 1986, la LAI a fait l’objet d’un certain nombre d’études importantes. Des résumés de ces études ainsi que plusieurs autres projets de réforme sont présentés ci-dessous en ordre chronologique.
En 1986, trois ans après l’entrée en vigueur de la LAI, le Comité permanent de la justice et du solliciteur général de la Chambre des communes (Comité de la justice) a réalisé un examen exhaustif des dispositions et de l’application de la LAI et de la Loi sur la protection des renseignements personnels. En 1987, le Comité de la justice a déposé au Parlement un rapport unanime intitulé Une question à deux volets : comment améliorer le droit d’accès à l’information tout en renforçant les mesures de protection des renseignements personnels 3, qui contenait plus d’une centaine de recommandations visant à modifier les deux lois. Bon nombre de ces recommandations, restées lettre morte, ont été réitérées récemment dans les rapports issus d’autres examens de la LAI.
Parmi les propositions du Comité de la justice, qui demeurent pertinentes 20 ans plus tard, on comptait les mesures suivantes : prévoir un volet de sensibilisation du public dans le rôle du commissaire à l’information, élargir l’application de la LAI à toutes les institutions fédérales, à moins d’exclusion expresse, et améliorer la formation des coordonnateurs de l’accès et de la protection des renseignements personnels et la reconnaissance législative de leur rôle. Le Comité s’est beaucoup intéressé aux exceptions et a recommandé d’y ajouter un critère discrétionnaire de préjudice dans la plupart des cas.
Le Comité a proposé que l’exclusion des documents du Cabinet soit supprimée et remplacée par une exception qui ne serait pas assujettie à un critère de préjudice 4. L’exception aurait porté, pour une période de 15 ans au lieu des 20 ans actuels, sur tous les documents du Cabinet qui révéleraient la substance des délibérations des ministres. Cette modification, si elle avait été approuvée, aurait été importante, car elle aurait eu pour effet de changer la disposition actuelle (art. 69 de la LAI) qui permet de soustraire les documents du Cabinet à l’examen du commissaire à l’information, de la Cour fédérale du Canada et du public, de sorte que ni le commissaire ni la Cour fédérale ne peuvent les examiner pour déterminer s’il s’agit effectivement de documents confidentiels du Cabinet. Si ces documents étaient exceptés plutôt qu’exclus, le commissaire ou la Cour pourrait faire enquête sur la décision du gouvernement de ne pas les communiquer.
Le Comité de la justice a également recommandé que la LAI soit applicable à toutes les institutions fédérales financées par l’État et à celles qui recueillent des fonds au moyen d’un emprunt à l’État, selon le degré de contrôle exercé par le gouvernement. Il a proposé d’inclure toutes les sociétés d’État et toutes les filiales en propriété exclusive énumérées dans le document du Conseil du Trésor intitulé Rapport annuel au Parlement sur les sociétés d’État et autres sociétés dans lesquelles le Canada détient des intérêts, les organismes dont les membres sont nommés par le gouvernement fédéral, les deux Chambres du Parlement (à l’exclusion des bureaux des députés et des sénateurs), la Bibliothèque du Parlement et d’autres bureaux qui doivent rendre des comptes directement au Parlement 5.
Enfin, le Comité a recommandé d’éliminer les frais de demande et de permettre au commissaire d’autoriser une institution fédérale à rejeter les demandes futiles ou vexatoires.
Dans un rapport antérieur, joint au rapport principal à titre d’annexe B 6, le Comité de la justice avait recommandé de modifier la LAI en abrogeant deux éléments : l’article 24, qui prévoit actuellement une exception obligatoire s’appliquant aux renseignements dont la communication est restreinte en vertu d’une disposition figurant à l’annexe II, et l’annexe II elle‑même. Les dispositions supprimées auraient été remplacées par des exceptions obligatoires visant trois dispositions nécessitant une protection spécifique parce qu’elles ont trait aux documents et aux renseignements relatifs à l’impôt sur le revenu fournis par les particuliers, les personnes morales et les syndicats à des fins statistiques 7.
La réponse du gouvernement, publiée sous le titre Accès et renseignements personnels : les prochaines étapes 8, appuyait en général les modifications administratives, mais non les mesures législatives.
Au cours de l’été 2001, des députés provenant de différents partis ont formé un comité spécial sur l’accès à l’information pour examiner le système fédéral d’accès à l’information. Présidé par le député libéral John Bryden, ce comité a publié son rapport en novembre 2001 sous le titre A Call for Openness 9. Le rapport recommandait 11 mesures pour améliorer les dispositions et l’application de la LAI 10.
Une des raisons pour lesquelles le comité a entrepris cette étude était le fait que le Groupe d’étude de l’accès à l’information (dont il est question un peu plus loin) n’avait pas prévu de consulter la population ou les parlementaires. Évoquant la diversité croissante des mécanismes servant à la réalisation des objectifs d’intérêt public (privatisation, impartition, création d’organismes de services spéciaux, etc.), le comité a proposé une méthode raisonnée pour déterminer quelles institutions fédérales devraient être assujetties à la LAI. Il a recommandé que celle-ci soit applicable à toutes les institutions créées par le Parlement, financées par l’État, régies par celui-ci ou chargées d’un mandat public. Il a également proposé de modifier la LAI pour y inscrire ces principes et pour énumérer dans la liste de l’annexe I toutes les institutions ayant ces caractéristiques, y compris les sociétés d’État, le Parlement (à l’exception des bureaux des parlementaires) et les bureaux qui rendent directement des comptes au Parlement 11.
Bien qu’il ait reconnu le caractère confidentiel des documents du Cabinet, le comité a recommandé de remplacer l’exclusion prévue à l’article 69 par une exception fondée sur un critère discrétionnaire de préjudice pour protéger le secret des délibérations du Cabinet pendant 15 ans après la création des documents. Cela aurait permis au commissaire à l’information et à la Cour fédérale du Canada d’effectuer un examen indépendant des décisions prises à cet égard.
L’exception prévue à l’article 14 concernant les documents associés à la conduite des affaires fédérales-provinciales était d’application trop large selon le comité, qui a proposé d’en rétrécir le champ d’application aux seules délibérations et consultations fédérales-provinciales. Le comité a également recommandé de rétrécir la portée de l’exception relative au secret professionnel et a proposé qu’elle soit non pas objective, mais plutôt assujettie à un critère de préjudice 12, et de la réserver au cas où la personne qui a créé le document l’a fait à titre de conseiller juridique d’une institution dans le contexte d’un litige en cours où possible.
Le comité a recommandé l’inclusion dans la LAI d’une disposition générale sur le « passage du temps » qui prévoirait la communication systématique de tous les documents relevant d’une institution 30 ans après leur création.
Il a par ailleurs proposé une modification prévoyant l’examen exhaustif de la LAI tous les cinq ans par le Parlement et des vérifications régulières de l’observation par les ministères responsables de l’application de la LAI. Il a également abordé le projet de loi C‑36 (Loi antiterroriste) 13. Ce projet de loi, adopté en décembre 2001, mais toujours à l’étude au moment de la publication du rapport du comité, ajoutait à la LAI l’article 69.1, qui exclut tous les documents interdits de publication en vertu d’un certificat délivré aux termes de la Loi sur la preuve au Canada. Le comité aurait préféré que cette disposition soit supprimée, mais a recommandé, si elle devait tout de même être adoptée, de l’assujettir à une disposition de réexamen dans un délai de trois ans.
En août 2000, le président du Conseil du Trésor et le ministre de la Justice ont créé le Groupe d’étude de l’accès à l’information et l’ont chargé d’examiner tous les éléments du cadre de l’accès à l’information, dont la LAI, la réglementation, les politiques et les procédures. Le Groupe d’étude, composé de fonctionnaires et présidé par Andrée Delagrave 14, a créé des comités consultatifs, publié un document de consultation, commandé et publié des études et organisé des consultations. En juin 2002, il a publié un volumineux rapport intitulé Accès à l’information : comment mieux servir les Canadiens 15, qui contenait 139 recommandations.
Le rapport indiquait que les membres du Groupe d’étude s’inquiétaient des répercussions possibles des nouvelles technologies de l’information sur le mode de création, de communication et de stockage de l’information gouvernementale. Ils estimaient que la LAI était solide dans l’ensemble, mais qu’il fallait la moderniser à certains égards. Ils se sont intéressés notamment à un certain nombre d’aspects procéduraux et administratifs de la mise en œuvre de la LAI par le gouvernement.
Les mesures recommandées pour moderniser la LAI comprenaient les suivantes : élargir sa portée en l’appliquant à un plus grand nombre d’institutions fédérales, dont la plupart des hauts fonctionnaires du Parlement, et au Parlement lui-même, avec certaines protections; moderniser les dispositions d’exception et d’exclusion, par exemple en assujettissant les documents confidentiels du Cabinet à la LAI; améliorer la formation et les ressources fournies au personnel responsable de l’accès à l’information; améliorer la gestion de l’information; instaurer une culture favorable à l’accès dans tout le gouvernement. Le Groupe d’étude a également recommandé d’envisager le remplacement du modèle de protecteur du citoyen s’appliquant au Commissariat à l’information par un modèle selon lequel cet organisme aurait des pouvoirs exécutoires.
Le Groupe d’étude a été plus circonspect que les comités antérieurs à l’égard de l’élargissement de l’application de la LAI. Il a recommandé de ne pas l’appliquer à toutes les entités du secteur privé qui pourraient sembler avoir une incidence sur l’intérêt public. Il a proposé de modifier la LAI, sauf si l’inclusion risque d’être « incompatible avec la structure ou le mandat de l’organisation 16 », pour y énoncer les critères par lesquels on déciderait des entités qui y seraient assujetties, notamment les institutions dont le gouvernement nomme la majorité des administrateurs, qu’il finance intégralement ou dans lesquelles il a une participation majoritaire et celles qui exercent des fonctions relevant de la compétence fédérale en matière de santé et de sécurité, d’environnement ou de sécurité économique. Le Groupe d’étude a proposé que la LAI s’applique au Parlement, mais qu’elle exclue tous les renseignements protégés par le privilège parlementaire et les documents personnels et politiques des parlementaires et ceux relatifs à leurs circonscriptions.
Pour ce qui est du traitement des documents confidentiels du Cabinet, le Groupe d’étude a proposé une définition plus étroite de ce qui ne serait pas accessible. Cette définition serait axée sur l’information qui révélerait la substance des affaires traitées par le Cabinet et des délibérations entre les ministres. Tout en proposant que les documents confidentiels du Cabinet ne soient plus exclus de l’application de la LAI, le Groupe d’étude recommandait de les protéger par une exception objective, c’est‑à-dire par l’obligation de garder secrets ces documents et, donc, d’en interdire la communication. Aux termes de la LAI actuelle, il est possible d’obtenir leur communication par suite d’une décision discrétionnaire : les documents confidentiels du Cabinet ne sont pas assujettis à la LAI, mais, si des ministres et le greffier du Conseil privé décident de ne pas les garder secrets, ils peuvent être communiqués. Comme l’a fait valoir le commissaire dans sa réponse au Groupe d’étude (voir plus loin) 17, ce pouvoir discrétionnaire serait perdu si l’on donnait suite à la recommandation du Groupe.
Reprenant une partie des mesures proposées par le Comité de la justice en 1986, le Groupe d’étude a recommandé de faire passer de 20 à 15 ans la période de protection des documents confidentiels du Cabinet et de prévoir l’examen par la Cour fédérale, et non par le commissaire à l’information, des refus de communication de ces documents.
Plutôt que de recommander l’abrogation de l’article 24 (qui soustrait à la communication les documents assujettis à une disposition figurant à l’annexe II de la LAI), comme l’avait fait le Comité de la justice, le Groupe d’étude a proposé de le conserver, mais de réduire considérablement la liste des lois énumérées à l’annexe II en les évaluant en fonction de nouveaux critères qui devraient être élaborés, puis inclus dans la LAI.
En octobre 2002, le commissaire à l’information du Canada d’alors, l’honorable John Reid, a déposé un rapport spécial 18 au Parlement pour répondre au rapport Accès à l’information : comment mieux servir les Canadiens du Groupe d’étude de l’accès à l’information. Il proposait des modifications législatives dans l’annexe A, « Plan directeur pour la réforme », tirée du rapport annuel 2000-2001 de son commissariat. Le commissaire critiquait la procédure et les résultats de l’examen du Groupe d’étude. Il estimait que ce groupe, puisqu’il était composé de fonctionnaires ayant mené des consultations surtout internes, était trop influencé par les gens de « l’intérieur » de l’appareil public et que, par conséquent, les mesures qu’il recommandait affaibliraient le système d’accès à l’information.
Certaines des recommandations du Groupe d’étude qui inquiétaient le plus le commissaire étaient celles qui avaient trait à l’exception et à l’exclusion. Quatre des mesures recommandées auraient augmenté la transparence, surtout l’inclusion des documents confidentiels du Cabinet, mais, selon le commissaire, une quinzaine de propositions auraient élargi le principe du secret. Il s’inquiétait plus particulièrement de la proposition visant à exclure de l’accès à l’information les notes que rédigent les fonctionnaires dans le cadre de leurs fonctions si elles « ne sont pas distribuées ni placées dans un dossier officiel 19 ».
Le commissaire Reid a proposé de prévoir des exceptions plutôt que des exclusions lorsque le secret est justifiable et a ajouté que les exceptions devraient être discrétionnaires et assujetties à un critère de préjudice ainsi qu’au principe de la primauté de l’intérêt public. Il a recommandé que toutes les institutions publiques aussi bien que les institutions privées exerçant un mandat public soient assujetties à la LAI. Il était opposé à la recommandation du Groupe d’étude selon laquelle on devrait refuser à son commissariat le droit de faire enquête sur les plaintes relatives aux documents confidentiels du Cabinet et il était en désaccord avec plusieurs autres propositions qui, selon lui, auraient élargi le principe du secret au Cabinet.
Le commissaire Reid a également critiqué l’augmentation des frais d’accès et les obstacles supplémentaires que les demandeurs auraient à surmonter, estimant qu’il s’agissait de recommandations favorables au système du secret. Dans sa réponse, il a par ailleurs recommandé d’obliger les fonctionnaires, par une mesure législative, à étayer leurs activités professionnelles au moyen de documents et de veiller à ce que ces documents soient inclus en bonne et due forme dans le système institutionnel de gestion des documents. Appuyant les propositions du Groupe d’étude concernant la promotion d’une culture de la transparence dans la fonction publique, il a recommandé que des consultations publiques précèdent la rédaction d’un projet de loi fondé sur le rapport.
Le « Plan directeur pour la réforme » présentait des recommandations en vue d’une réforme du système d’accès à l’information. Il proposait de transformer l’exclusion des documents confidentiels du Cabinet en une exception plus limitée, susceptible d’un examen indépendant; d’élargir l’application de la LAI en y énonçant des critères applicables aux institutions qui devraient y être assujetties; d’abroger l’article 24; et d’instituer des mesures incitatives et des sanctions concernant les délais prévus par la LAI. Le commissaire a reconnu que les critères qu’il proposait à l’égard de l’assujettissement d’autres institutions à la LAI 20 s’appliqueraient aux deux Chambres du Parlement, et il a recommandé que la LAI prévoie une exclusion spécifique pour la Cour suprême du Canada, la Cour fédérale du Canada, la Cour canadienne de l’impôt et les bureaux des députés et des sénateurs.
Le commissaire a également recommandé d’assujettir la LAI au principe général de la primauté de l’intérêt public, pour que la LAI exige que le gouvernement communique, par suite d’une demande d’accès ou non, « tout renseignement pertinent lorsque l’intérêt public l’emporte sur tout intérêt protégé par les exceptions 21 ».
Au cours de l’automne 2003, le président du comité spécial de députés, John Bryden, a tenté d’entreprendre une refonte complète de la LAI au moyen d’un projet de loi d’initiative parlementaire (C‑462) 23, qui est mort au Feuilleton au moment de la dissolution de la 37e législature, en mai 2004. Pat Martin, un député du NPD, a déposé un projet de loi du même genre le 7 octobre 2004 (C‑201) 24. Comme les dispositions de ces deux textes sont presque identiques, nous les considérerons ici comme un seul et même projet.
Le projet de loi aurait changé le titre de la LAI pour « Loi sur la transparence gouvernementale ». Il aurait aussi élargi le champ d’application de la LAI en ajoutant d’autres institutions à l’annexe I 25, qui énumère les institutions visées. L’objet de la LAI aurait également été élargi et aurait mentionné l’obligation du gouvernement fédéral de communiquer des renseignements permettant aux Canadiens d’évaluer l’efficacité du gouvernement et son observation de la Charte canadienne des droits et libertés.
Le projet de loi proposait par ailleurs un certain nombre de modifications aux exceptions prévues par la LAI, et l’article 24 aurait été abrogé. Le commissaire aurait été tenu, dans le cadre de son obligation de rendre compte, de fournir dans son rapport annuel les noms de toutes les institutions fédérales qui n’auraient pas rempli les exigences de la LAI. Un nouvel article aurait érigé en infraction l’obstruction délibérée du droit d’accès à un document relevant d’une institution fédérale.
Une autre disposition nouvelle aurait assujetti les documents confidentiels du Cabinet à la LAI, et ce, au titre d’une exception obligatoire protégeant les documents de moins de 15 ans et l’information sur la substance des délibérations des ministres dans le cadre des décisions du gouvernement ou de l’élaboration des politiques.
En avril 2005, le ministre de la Justice a publié un document de travail intitulé Un cadre compréhensif concernant la réforme de l’accès à l’information 26, dans lequel il demandait au Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes de donner son avis sur une série de questions administratives avant le dépôt d’un projet de loi. Le Comité était invité à s’interroger sur divers points, mais la position du gouvernement était indiquée à certains égards.
Lorsqu’il a présenté le Cadre au Comité en avril 2005, le ministre a indiqué qu’il était d’avis qu’il fallait réviser la LAI, mais qu’il estimait important qu’un comité parlementaire se penche d’abord sur les grandes questions en jeu avant la rédaction d’un avant-projet de loi 27. Au cours de cette réunion et dans le texte du Cadre, le ministre a insisté sur l’importance d’une loi sur la liberté d’information, qui, d’après lui, est « une pierre angulaire d’une culture de gouvernance démocratique faisant appel à l’accessibilité, à la transparence et à l’obligation redditionnelle du gouvernement 28 ». Selon le Cadre, le nouvel environnement technologique dans lequel fonctionne le gouvernement et le nombre croissant de fonctions gouvernementales confiées à des consultants, à des entrepreneurs ou à d’autres organismes de services justifiaient le besoin de moderniser la LAI.
Le Cadre proposait certains changements quant au champ d’application de la LAI et demandait au Comité de consulter la population et de recommander des mesures touchant d’autres éléments. Il retenait dix sociétés d’État mères qui pourraient être incluses sans réforme législative 29 et précisait que l’inclusion de ces entités était déjà en cours 30. Concernant sept autres sociétés d’État, le Cadre indiquait que les exceptions actuelles n’étaient pas suffisantes pour protéger leurs intérêts commerciaux et autres 31. Il signalait également que six de celles-ci pourraient être incluses sans protections supplémentaires, mais que la Société Radio-Canada devrait plutôt être exclue pour garantir l’intégrité journalistique. Il recommandait de ne pas inclure l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada (la 18e société d’État qui pourrait être assujettie à la LAI) et proposait de consulter les provinces en raison du caractère fédéral-provincial de cet organisme.
Pour ce qui est de l’idée d’assujettir des institutions extérieures au gouvernement du Canada, le ministre s’est dit d’accord sur les propositions antérieures visant à élaborer des critères pour désigner les organismes en question et il a précisé que ces critères devraient avoir trait à des caractéristiques stables, par exemple la fonction ou le contrôle gouvernemental, et non à des facteurs variables tels que le financement. Il a aussi rappelé qu’on avait déjà recommandé d’inclure les hauts fonctionnaires du Parlement et le Parlement lui-même, et il a suggéré au Comité de consulter les intéressés pour déterminer la protection particulière dont ils auraient besoin.
Pour ce qui est du droit de demander des documents en vertu de la LAI, le ministre a demandé au Comité d’examiner la question de savoir si ce droit devait être accordé à tous. À l’heure actuelle, la LAI accorde ce droit aux citoyens canadiens, aux résidents permanents et à toute personne se trouvant au Canada, mais non aux étrangers qui se trouvent à l’extérieur du pays. Selon le Cadre, il faudrait examiner les frais associés à l’accès universel si l’on devait envisager un changement dans ce sens.
Dans le Cadre, le ministre a proposé de maintenir l’exclusion des documents confidentiels du Cabinet, mais d’en donner une définition plus étroite 32. Il a cependant recommandé d’accorder au commissaire à l’information le pouvoir de demander à la Cour fédérale de réviser les décisions du gouvernement quand celui‑ci détermine que l’information demandée est visée par la définition des documents confidentiels du Cabinet et n’est donc pas accessible. Le ministre a également suggéré de maintenir la période de protection de 20 ans, au lieu de la faire passer à 15 ans.
Le Cadre ne proposait pas de mesures pour modifier le traitement des documents des bureaux de ministre. Ces documents, que le gouvernement continue d’exclure de l’application de la LAI, sont entre autres les agendas et les calendriers qui ne sont pas produits par des fonctionnaires d’un ministère et qui relèvent plutôt des activités du ministre et du fonctionnement de son propre bureau. Cette interprétation (qui exclut ces documents) a été contestée par le commissaire à l’information devant les tribunaux 33.
Le Cadre mentionnait les recommandations du commissaire et du Groupe d’étude concernant les exceptions de la LAI, y compris celles qui ont trait aux documents communiqués par d’autres gouvernements, aux renseignements qui pourraient porter atteinte à la santé et à la sécurité, aux intérêts économiques du gouvernement, aux renseignements de tiers, aux vérifications provisoires, aux conseils et aux délibérations. Il demandait au Comité de donner son avis sur ces propositions antérieures. Rappelant que la portée de l’exception relative au privilège du secret professionnel est litigieuse, le Cadre indiquait qu’il fallait clarifier les articles 23 et 25 de la LAI, qui ont pour effet conjugué de protéger ces renseignements, mais d’exiger la communication des parties des documents qui peuvent être exclues de l’application de ce privilège.
La nouvelle notion de secret de la médiation a fait l’objet d’un raisonnement semblable à celui qui sous-tend le principe traditionnel du secret professionnel, qui favorise le libre-échange d’information et la négociation en garantissant aux parties que les renseignements fournis resteront confidentiels. Le ministre a proposé dans le Cadre que ce nouveau privilège soit explicitement protégé par la LAI. Il a également demandé au Comité de se prononcer sur les autres formes de privilège que la LAI devrait protéger.
Dans le Cadre, le ministre a dit être disposé à examiner les propositions des projets de loi C‑462 et C‑201 concernant de nouvelles exceptions pour protéger les renseignements qui, s’ils étaient divulgués, pourraient compromettre la préservation, la protection ou la conservation de sites patrimoniaux culturels ou naturels ou accroître le risque d’extinction d’espèces menacées. Il a ajouté que le gouvernement envisageait l’adoption d’une disposition excluant les notes des membres de tribunaux administratifs et commissions durant les procédures quasi judiciaires. La nécessité de cette nouvelle exception est contestée dans un certain nombre des rapports susmentionnés, au motif que ces renseignements sont déjà suffisamment protégés par les exceptions relatives aux renseignements personnels et aux renseignements de tiers.
Le « Plan directeur pour la réforme » du commissaire à l’information et les projets de loi d’initiative parlementaire recommandaient l’abrogation de l’article 24 et de l’annexe II de la LAI. Dans le Cadre, le ministre a appuyé la proposition du Groupe d’étude concernant le maintien de ces dispositions, mais a recommandé que le nombre des dispositions de l’annexe II soit réduit et que des critères soient élaborés pour déterminer les dispositions qu’il convient d’y inclure désormais. Il estimait qu’il y avait lieu d’instituer des normes d’inclusion élevées, associées à des critères précis et à l’obligation pour toute institution désireuse d’ajouter une disposition de justifier le fait que l’information ne peut être suffisamment protégée par les exceptions actuelles.
Le ministre a soulevé un certain nombre de questions de procédure dans le Cadre, notamment les suivantes : Faut-il modifier les frais de demande de base? Le barème des frais devrait-il faire une distinction entre les demandeurs commerciaux et les demandeurs non commerciaux? Comment faut-il traiter les demandes très volumineuses ou les demandes futiles, vexatoires ou abusives? Devrait-on imposer de nouveaux délais administratifs? Les institutions devraient-elles être tenues d’aider les demandeurs à formuler leur requête? Les procédures du Commissariat à l’information non liées à des enquêtes devraient-elles être inscrites dans la LAI? Faut-il modifier la LAI pour codifier certaines procédures afin de garantir l’équité procédurale dans le processus de recours?
Le Cadre, comme le rapport du Groupe d’étude, indiquait qu’il conviendrait peut-être d’envisager un nouveau rôle pour le Commissariat à l’information, qui serait non plus un protecteur du citoyen, mais plutôt un organe quasi judiciaire doté de pouvoirs exécutoires. Il proposait également des mesures non législatives pour améliorer la culture de la transparence dans la fonction publique et l’observation de la LAI par le gouvernement et demandait au Comité de déterminer dans quels secteurs les ressources disponibles seraient le plus utiles.
Plutôt que d’examiner les questions soulevées dans le Cadre, le Comité a demandé au commissaire à l’information John Reid d’élaborer un projet de loi modifiant la LAI. C’est ce que le commissaire a fait, avec l’aide du conseiller législatif de la Chambre des communes. Le projet du commissaire à l’information allait beaucoup plus loin que toutes les propositions antérieures pour ce qui est de la promotion de la transparence 34. Comme les projets de loi C‑462 et C‑201, le projet de loi du commissaire serait intitulé « Loi sur la transparence gouvernementale »; il augmenterait le nombre des institutions assujetties à la LAI, réduirait le champ d’application du principe du secret, élargirait le pouvoir de surveillance du commissaire et des tribunaux et accroîtrait les mesures incitatives favorisant la conformité et les sanctions en cas de non-conformité.
Le projet de loi sur la transparence gouvernementale du commissaire a été entériné par le juge John Gomery dans la deuxième partie du rapport de la Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires (2006), intitulée Rétablir l’imputabilité 35. Tous les éléments du projet examinés ici sont appuyés dans le rapport Gomery, qui lui aussi invite instamment le gouvernement à adopter une loi qui exigerait que les fonctionnaires étayent par des documents toutes les décisions et recommandations du gouvernement et qui érigerait en infraction l’omission de le faire ou la destruction de la documentation, des avis ou des délibérations ayant donné lieu à des décisions 36.
Le projet de loi du commissaire élargirait la portée de la LAI, qui s’appliquerait à toutes les institutions fédérales, à l’exception des tribunaux et des bureaux des députés et des sénateurs. Une nouvelle disposition exigerait que le Cabinet fédéral inclue ce qui suit dans la liste des organismes assujettis à la LAI, qui seraient énumérés à l’annexe II 37 : tous les ministères, tous les organismes financés en totalité ou en partie par des crédits parlementaires ou appartenant en totalité ou en partie au gouvernement fédéral, tous les organismes énumérés aux annexes I à III de la Loi sur la gestion des finances publiques et tous les organismes exerçant un mandat public dans des domaines relevant de la compétence fédérale qui sont essentiels à la protection de l’intérêt public sur les plans de la santé, de la sécurité et de la protection de l’environnement. Les hauts fonctionnaires du Parlement seraient assujettis à la LAI, à savoir le vérificateur général, le directeur général des élections, le commissaire à l’information, le commissaire à la protection de la vie privée et le commissaire aux langues officielles, et ils feraient partie des institutions figurant à l’annexe II de la LAI.
Pour clarifier la question des documents détenus par les bureaux des ministres, dont la Cour d’appel fédérale est actuellement saisie 38, et pour assujettir explicitement ces documents au principe de la communication sous le régime de la LAI, le commissaire propose de modifier la définition d’« institution fédérale » à l’article 3 pour y inclure les bureaux des responsables des ministères et ministères d’État fédéraux.
Le projet de loi élargirait l’objet de la LAI pour y inclure l’obligation des institutions fédérales de rendre des comptes au public, comme le proposaient les projets de loi C‑462 et C-201. Le droit d’accès deviendrait universel : n’importe qui aurait le droit de demander accès à des documents.
Le projet de loi modifierait considérablement les exclusions et exceptions actuelles. Les documents confidentiels du Cabinet ne seraient plus exclus et seraient assujettis à un examen du commissaire à l’information et des tribunaux si le gouvernement revendiquait une exception. Aux termes de l’article 69 du projet de loi, une exception obligatoire protégerait les documents confidentiels du Cabinet pendant 15 ans, mais les documents d’information généraux et les analyses ne seraient protégés que pendant quatre ans après la décision s’y rattachant. Toutes les exceptions seraient assujetties au principe de la primauté de l’intérêt public. Toutes les exceptions objectives actuelles, dont celles qui ont trait au secret professionnel, seraient transformées en exceptions discrétionnaires, sous réserve d’un critère de préjudice. Par exemple, l’exception obligatoire applicable aux documents contenant de l’information communiquée par d’autres gouvernements deviendrait discrétionnaire, c’est-à-dire que le responsable d’une institution pourrait refuser l’accès à des documents dont « la communication […] porterait préjudice aux relations avec ces gouvernements, organisations, administrations ou organismes » (al. 13(1)b)).
Une nouvelle exception permettrait à la Société Radio-Canada de « refuser la communication des documents contenant des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de compromettre l’intégrité ou l’indépendance des activités de collecte de nouvelles ou de programmation de cette institution » (par. 16(4)).
L’article 17 actuel de la LAI prévoit une exception discrétionnaire pour les questions liées à la sécurité. Cette disposition serait élargie et porterait sur les renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement de nuire à la santé physique ou mentale de personnes et « pourrait vraisemblablement accroître le risque d’extinction d’une espèce en voie de disparition ou le risque de dommages à une aire écologique ou un lieu historique sensibles ».
L’article 21 de la LAI, qui prévoit une exception pour les conseils fournis au gouvernement, aurait une portée moindre : il serait limité aux renseignements datant de cinq ans ou moins, sous réserve d’un critère de préjudice. Un nouveau paragraphe 21(2) codifierait certaines orientations fournies par la jurisprudence, en soustrayant à l’exception des documents tels que les enquêtes, les sondages, les vérifications, les rapports définitifs et d’autres documents factuels.
Comme le commissaire l’a systématiquement recommandé, le projet de loi abrogerait l’article 24 et l’annexe II.
Le gouvernement serait tenu de surveiller l’application du programme d’accès à l’information, de recueillir des données statistiques et de rendre compte, tous les ans, du fonctionnement du système. Les coordonnateurs de l’accès à l’information deviendraient, selon les nouvelles dispositions, des « coordonnateurs de la transparence gouvernementale ». Ces coordonnateurs, ainsi que les responsables et les administrateurs généraux des institutions, seraient tenus, dans toute la mesure du possible, de veiller à ce que les droits et obligations énoncés dans la LAI soient respectés et à ce que l’institution s’acquitte de ses responsabilités à cet égard (art. 73.1).
Le projet de loi permettrait aux responsables des institutions d’accorder des délais plus longs pour les demandes volumineuses dans certains cas. Il exigerait que l’institution annule les frais lorsque le responsable de l’institution est réputé avoir refusé l’accès 39 et qu’elle autorise l’annulation des frais lorsque, par exemple, un document a déjà été communiqué, qu’un document a trait à la santé ou sécurité publique ou à la protection du consommateur ou de l’environnement ou que la communication du document est dans l’intérêt public. Les responsables des institutions pourraient également adresser une plainte au commissaire à l’information si une demande est contraire à l’objet de la LAI (al. 30(1)d.2)) et, sur recommandation du commissaire, ils pourraient ne pas tenir compte de ce genre de demande.
Ce projet comporte un élément particulier : l’obligation légale de créer des documents pertinents et l’infraction que serait sa non-observation (art. 2.1 et al. 67(1)c.1)). Comme le commissaire l’a expliqué en octobre 2005 lorsqu’il a rencontré le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes pour présenter ses propositions, cette disposition est nécessaire pour régler le problème croissant de la tenue des dossiers au gouvernement. Il faut prévoir une disposition exigeant que les fonctionnaires conservent les documents nécessaires étant donné que « le droit d’accès ne rime à rien dans une culture orale qui se répand de plus en plus dans l’administration fédérale 40 ». Les institutions fédérales seraient également tenues d’aider les demandeurs à préparer leurs requêtes (par. 2(3)), ce que ne prévoyaient pas les projets de loi C‑462 et C‑201.
L’article 37.1 du projet de loi ajouterait une disposition prévoyant un moyen de défense pour toute personne accusée d’une infraction ou d’un autre acte fautif qui « communique de bonne foi au Commissaire à l’information des renseignements ou des documents afférents à une plainte déposée en vertu de la présente loi ».
Le nouvel article 54 exigerait qu’une majorité correspondant aux deux tiers des députés à la Chambre des communes et des membres du Sénat appuie la nomination d’un commissaire à l’information 41. L’article 60.1 du projet de loi élargirait le rôle du commissaire en matière de sensibilisation du public, de recherche et de défense des droits. Le nouvel article 75 exigerait l’examen parlementaire de l’application de la LAI tous les cinq ans.
Le commissaire n’a pas recommandé que son commissariat passe d’un rôle de protecteur du citoyen à un rôle quasi judiciaire assorti de pouvoirs exécutoires. Il estimait que le modèle du protecteur du citoyen fonctionne efficacement, rappelant que moins de 1 % des plaintes finissent devant les tribunaux et que, selon l’expérience d’autres administrations, le modèle des pouvoirs exécutoires ne réduirait pas le nombre des litiges et n’améliorerait pas les résultats.
Au printemps 2008, deux députés ont déposé des projets de loi très semblables visant à modifier la LAI et à mettre en œuvre les réformes proposées en 2005 par le commissaire à l’information John Reid. Le 29 mai 2008, le député Pat Martin, du NPD, a déposé le projet de loi C‑554 42 : Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information (transparence gouvernementale). Quelques jours plus tard, soit le 2 juin, la députée Carole Lavallée, du Bloc québécois, déposait le projet de loi C-556 43 : Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information (amélioration de l’accès). Les deux projets sont morts au Feuilleton à la dissolution de la 39e législature en septembre 2008. M. Martin a déposé son projet de loi de nouveau à la 40e législature, le 25 février 2009 44, ainsi qu’à la 41e législature, le 29 septembre 2011 45.
Par motion présentée à la Chambre des communes le 15 novembre 2005, les députés ont convenu que la LAI devait être modifiée de manière à :
a) étendre son application à toutes les sociétés d’État, tous les hauts fonctionnaires du Parlement, toutes les fondations et toutes les organisations qui dépensent l’argent des contribuables ou exercent des attributions publiques;
b) prévoir une exclusion pour le secret du Cabinet, susceptible de révision par le Commissaire à l’information;
c) obliger les fonctionnaires à créer les dossiers nécessaires pour étayer leurs actes et leurs décisions;
d) prévoir une dérogation dans l’intérêt de la population en général pour toutes les exemptions […];
e) rendre toutes les exemptions discrétionnaires et les soumettre à un critère subjectif 46.
Le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes n’a pas recommandé de changements particuliers à la LAI dans son septième rapport 47, mais il y expliquait au gouvernement, et notamment au ministre de la Justice, sa position sur l’orientation du travail législatif qu’il y aurait lieu d’entreprendre en vue de la réforme. Préférant ne pas organiser de consultations sur le Cadre publié par le ministre en avril 2005, le Comité a indiqué sa préférence pour des mesures législatives.
Une semaine avant la dissolution de la 38e législature, le Comité a remis son rapport à la Chambre des communes et recommandé au ministre de la Justice de songer à déposer un projet de loi en s’inspirant des dispositions du projet de loi sur la transparence gouvernementale proposé par le commissaire à l’information.
La Loi fédérale sur la responsabilité 48, présentée par le gouvernement en avril 2006, a pris effet en décembre de la même année. Elle modifie la LAI sous trois aspects : en étendant sa portée pour qu’elle s’applique à un plus grand nombre d’institutions fédérales, en y ajoutant de nouvelles exclusions et exceptions et en créant une obligation d’assistance. Nous traitons brièvement de chacun de ces trois aspects 49.
La Loi fédérale sur la responsabilité étend le champ d’application de la LAI à un certain nombre de hauts fonctionnaires du Parlement et de sociétés d’État, de même qu’à la Commission canadienne du blé et à diverses fondations créées en vertu de lois fédérales. Elle modifie aussi les pouvoirs de réglementation prévus par l’article 77 de la LAI afin que d’autres organismes puissent être ajoutés à l’avenir. Selon cette nouvelle disposition, le Cabinet peut désormais établir par règlement les critères en vertu desquels un bureau ou un organisme pourra être ajouté à l’annexe I.
La Loi fédérale sur la responsabilité prévoit aussi de nouvelles exclusions et exceptions se rapportant à l’ajout des hauts fonctionnaires du Parlement, des sociétés d’État et des fondations à la liste des institutions fédérales visées par la LAI. Par exemple, les nouvelles exclusions et exceptions protègent certains types de renseignements recueillis ou produits par les hauts fonctionnaires du Parlement. En vertu de l’article 16.1, la LAI exige maintenant des responsables de certaines institutions fédérales, notamment le vérificateur général du Canada et les commissaires à l’information, à la protection de la vie privée et aux langues officielles, qu’ils refusent de communiquer les renseignements obtenus ou créés dans le cadre d’une enquête, d’un examen ou d’une vérification. L’article 16.3 habilite aussi le directeur général des élections à refuser de communiquer des renseignements liés à des enquêtes, examens ou révisions menés en vertu de la Loi électorale du Canada,sauf si les renseignements doivent être rendus publics en vertu de cette loi.
La Loi fédérale sur la responsabilité dispose en outre que les intérêts économiques de certaines sociétés d’État, dont la Société canadienne des postes, Exportation et développement Canada, l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public et VIA Rail, sont protégés par l’article 18.1, lequel autorise les responsables de ces sociétés à refuser de communiquer des documents contenant des secrets industriels ou des renseignements d’ordre financier, commercial, scientifique ou technique qui appartiennent à la société et que celle-ci a toujours traités comme des renseignements confidentiels.
Une autre exception créée par la Loi fédérale sur la responsabilité se trouve à l’article 22.1 de la LAI, qui autorise les responsables d’institutions fédérales à refuser de rendre publics des documents qui ont moins de 15 ans lorsqu’il s’agit de rapports préliminaires de vérifications internes ou d’autres documents de travail connexes, sauf si le rapport n’est toujours pas publié deux ans après le début de la vérification.
Enfin, cette loi crée une obligation d’assistance en ajoutant le paragraphe 4(2.1) à la LAI, qui exige des institutions qu’elles aident les demandeurs sans égard à leur identité et fassent « tous les efforts raisonnables » pour donner suite aux demandes de manière complète et exacte et fournir les documents sur le support demandé.
En avril 2006, alors même qu’était déposée la Loi fédérale sur la responsabilité, le gouvernement a publié un document de travail intitulé Renforcer la Loi sur l’accès à l’information – Discussion d’idées inhérentes à la réforme de la Loi sur l’accès à l’information 50. Ce document commentait certaines des propositions faites en 2005 par le commissaire à l’information (dans la « Loi sur la transparence gouvernementale ») et d’autres façons d’envisager la réforme. S’il est vrai que la Loi fédérale sur la responsabilité apportait des modifications à la LAI (voir la section sur la Loi fédérale sur la responsabilité ci‑dessus), le gouvernement a indiqué qu’il fallait procéder à des consultations, analyses et études sur les autres propositions avant d’élaborer et de présenter d’autres projets de réforme. Le document de travail faisait justement ressortir l’absence de consultations sur les réformes recommandées et proposait d’engager le dialogue avec tous les intervenants du système : demandeurs, responsables de l’accès, institutions extérieures qui fournissent des renseignements au gouvernement, organismes que l’on envisage d’assujettir à la loi et représentants des institutions susceptibles d’être les plus touchées par les modifications proposées.
On trouvera ci-après un résumé des grandes lignes de ce document de travail :
1. Champ d’application de la LAI : Le document de travail fait ressortir certaines inquiétudes entourant le champ d’application de la LAI, notamment sur la question de savoir quelles institutions devraient être visées et s’il faudrait ajouter des exceptions selon la nature des institutions. Le document indique qu’il faut réfléchir au coût que représente l’élargissement du champ d’application de la LAI et aux répercussions d’une telle décision sur les lois complémentaires que sont la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada.
2. Application de la LAI aux bureaux des ministres, aux députés fédéraux, à la Chambre des communes, au Sénat et à la Bibliothèque du Parlement : Selon le document de travail, le champ d’application de la LAI devrait s’étendre à tous les députés à la Chambre des communes (plutôt qu’aux seuls ministres) afin de ne pas créer deux catégories de parlementaires, soit ceux qui sont visés par la LAI et ceux qui ne le sont pas. Les documents personnels et les documents politiques seraient exclus. Si la portée de la LAI devait être élargie pour s’appliquer à la Chambre des communes, au Sénat et à la Bibliothèque du Parlement, il faudrait songer à protéger (ou exclure) les documents relevant du privilège parlementaire, ceux des partis politiques, ainsi que les documents personnels et politiques. Les documents relatifs à l’administration financière de ces institutions seraient accessibles aux termes de la LAI.
3. Renseignements confidentiels du Cabinet : Le document de travail fait valoir qu’il vaudrait sans doute mieux continuer d’exclure les renseignements confidentiels du Cabinet, ce qui est conforme à l’engagement pris par le gouvernement actuel en vue d’assujettir leur exclusion à l’examen du commissaire à l’information. À cet égard, il serait possible d’intégrer à la LAI un processus de certification et d’examen qui ressemblerait de près à ce que prévoit la Loi sur la preuve au Canada : la certification des renseignements confidentiels du Cabinet ne pourrait être contestée que si les renseignements à l’égard desquels on réclame le privilège ne correspondent pas à la définition donnée par la loi des documents confidentiels du Cabinet, ou si l’on peut démontrer que le greffier a exercé incorrectement son pouvoir discrétionnaire.
4. Régime des exceptions : Le document de travail soulève de nombreuses questions quant aux modifications proposées au régime des exceptions prévu par la LAI. Le commissaire à l’information a en effet proposé trois grandes modifications au régime actuel : transformer la plupart des exceptions obligatoires en exceptions discrétionnaires, ajouter des critères de préjudice et ajouter une disposition générale de primauté de l’intérêt public applicable à toutes les exceptions. Le document de travail fait observer que ces propositions ont suscité des interrogations concernant les effets possibles sur les rapports entre le gouvernement et ses intervenants, sur les activités de base du gouvernement et sur les intervenants tiers eux‑mêmes. Bref, on se demandait dans quelle mesure l’élargissement de l’accès à l’information risquait de faire en sorte que les politiciens, les fonctionnaires, les autres gouvernements et les tiers soient moins disposés à fournir des renseignements confidentiels au gouvernement canadien s’ils savent que ces renseignements sont plus susceptibles d’être révélés au grand jour, ou encore soient moins disposés à exposer franchement leurs idées si elles risquent d’être rendues publiques. Le document de travail suggère de tenir compte de l’opinion de ceux qui pourraient être touchés par les propositions de réforme du commissaire, comme les cadres supérieurs des institutions fédérales.
5. Réforme administrative : Le document de travail est, de manière générale, assez favorable aux propositions de réforme administrative faites par le commissaire à l’information. Par exemple, il reconnaît qu’en modifiant la LAI de manière à rendre l’accès universel, on harmoniserait la loi canadienne avec lois qui existent en Australie, en Irlande, en Nouvelle‑Zélande, au Royaume‑Uni et aux États‑Unis. Il reconnaît aussi que la création d’un registre public de toutes les demandes d’accès à l’information serait utile au gouvernement et à la population pour favoriser la transparence. Il indique toutefois que les diverses propositions entraîneraient des coûts qu’il faudrait envisager plus attentivement. Au sujet des changements dans le barème de frais, le document de travail signale qu’ils devront être clairs afin de ne pas semer la confusion chez les usagers. Il fait aussi remarquer que, pour compenser les augmentations de coûts liées à l’accès universel, on pourrait envisager d’adopter un barème de frais variables prévoyant le recouvrement complet des frais dans le cas de demandeurs étrangers.
6. Obligation d’établir des documents : Le commissaire à l’information avait proposé d’ajouter à la LAI une obligation d’établir des documents, c’est-à-dire de créer des dossiers pour expliquer les décisions ou mesures prises et de prévoir des sanctions pour les cas dans lesquels de tels dossiers ne sont pas produits. Le document note que l’obligation doit être suffisamment précise pour que les fonctionnaires comprennent clairement ce qui est attendu d’eux, surtout si une sanction est appliquée. Que l’obligation soit inscrite dans une loi ou dans une politique, il importe, selon le document, d’offrir aux fonctionnaires une formation suffisante pour qu’ils puissent créer et gérer l’information correctement.
7. Rôle du commissaire à l’information : Le document de travail signale des inquiétudes quant aux propositions du commissaire à l’information visant à élargir la gamme des motifs pour lesquels il peut communiquer des renseignements. On craint surtout qu’une des conséquences involontaires soit la réticence du gouvernement à expliquer clairement au commissaire les motifs qui justifient son refus de communiquer certains documents demandés aux termes de la LAI, de peur que ses observations (qui pourraient elles-mêmes contenir des éléments confidentiels) ne soient divulguées par le commissaire au plaignant ou à tout autre tiers. En ce qui concerne la proposition visant à ajouter à la LAI un nouvel article qui élargirait le mandat du bureau du commissaire à l’information (pour qu’il puisse surveiller l’application de la LAI, commenter les projets de loi ou les propositions de programmes gouvernementaux, s’occuper de la sensibilisation du public et de la formation du secteur public et faire de la recherche sur toute question susceptible d’avoir une incidence sur la réalisation des objectifs de la LAI), le document indique qu’il faudra bien coordonner le rôle du commissaire à l’information et celui du président du Conseil du Trésor, qui s’acquitte de responsabilités semblables.
Après le dépôt par le gouvernement du projet de loi sur la responsabilité et la parution du document de travail sur la réforme de la LAI, le commissaire à l’information a présenté un rapport spécial au Parlement (conformément au par. 39(1) de la LAI) intitulé Réponse au Plan d’action du gouvernement relativement à la réforme de la Loi sur l’accès à l’information 51. Dans ce rapport spécial, le commissaire à l’information critique la perspective adoptée par le gouvernement à l’égard des éléments liés à l’accès à l’information contenus dans l’ensemble de modifications que le gouvernement propose d’apporter à ses règles en matière de responsabilité. Selon lui, bon nombre des changements que le gouvernement avait promis de faire n’ont pas été intégrés à la Loi fédérale sur la responsabilité. Qui plus est, les changements que cette loi apporterait à la LAI augmenteraient le nombre d’institutions visées, mais ne feraient presque rien pour améliorer l’accès public à l’information détenue par ces nouvelles entités. Par ailleurs, le document de travail du gouvernement, bien qu’il ait été publié pour faciliter l’étude et la discussion du projet de réforme de l’accès à l’information, suscite de graves inquiétudes. En définitive, le commissaire indique que : « Si elle est acceptée, la proposition actuelle du gouvernement aura pour effet de réduire la quantité d’information accessible au public, d’affaiblir le rôle de surveillance du Commissaire à l’information et d’accroître la capacité du gouvernement de camoufler des agissements répréhensibles, de se protéger des situations embarrassantes et de contrôler la circulation de l’information destinée aux Canadiens 52. »
En mars 2009, dans la foulée de la publication de son rapport spécial sur les problèmes systémiques touchant le régime d’accès à l’information, le commissaire à l’information d’alors, Robert Marleau, a présenté au Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes 12 recommandations visant à moderniser divers aspects de la LAI 53. De l’avis du commissaire, ces recommandations ne sont que le point de départ d’une réforme plus globale de la LAI.
Voici les recommandations formulées par le commissaire :
Le Comité a étudié ces recommandations et entendu divers témoins. En juin 2009, il a déposé un rapport qui appuyait toutes les recommandations sauf une et, dans la plupart des cas, proposait que le ministre de la Justice envisage de modifier la LAI de manière à mettre en œuvre les recommandations du commissaire 54.
Le Comité a rejeté la recommandation du commissaire voulant que la LAI s’applique aux documents confidentiels du Cabinet. Dans sa réponse, le Comité note que les avis des témoins étaient partagés au sujet de cette recommandation et suggère que le ministre l’étudie en fonction des arguments présentés par les témoins et de l’expérience d’autres administrations.
Le Comité a appuyé la recommandation 2, qui proposait de modifier la LAI de manière à ouvrir à tous le droit de faire une demande d’accès à l’information, mais il a encouragé fortement le ministre à envisager des mécanismes de recouvrement de coûts qui s’appliqueraient tant aux personnes de l’étranger qu’aux utilisateurs commerciaux qui revendent l’information dans un but lucratif. Il a également souscrit à la recommandation 4, qui accorderait au commissaire à l’information le pouvoir discrétionnaire de faire enquête ou non sur des plaintes, mais a tenu à souligner la nécessité d’inscrire l’exercice de ce pouvoir dans un cadre clair et bien défini.
Dans la réponse du gouvernement au rapport du Comité, le ministre de la Justice, l’honorable Rob Nicholson, a indiqué ce qui suit :
La Loi sur l’accès à l’information est une loi robuste. Il est donc essentiel de porter une grande attention à l’incidence que pourraient avoir des modifications aux dispositions législatives sur les activités du programme d’accès à l’information. Les modifications législatives doivent être examinées en tenant compte des options administratives, comme le rehaussement des directives et de la formation, qui peuvent s’avérer aussi efficaces pour atteindre des objectifs d’amélioration continue. C’est d’ailleurs pourquoi le Secrétariat du Conseil du Trésor a entamé un examen complet des politiques et des lignes directrices sur l’accès à l’information en vue de préciser les responsabilités des intervenants du processus en la matière, examen qui a entraîné la rédaction d’une nouvelle Politique sur l’accès à l’information. Nous attendons avec impatience l’occasion de collaborer avec vous et les autres membres du Comité dans le but de continuer à améliorer le programme d’accès à l’information 55.
L’examen des principales propositions de réforme du cadre législatif de l’accès à l’information formulées depuis l’entrée en vigueur de la LAI il y a 26 ans fait ressortir un consensus sur plusieurs points fondamentaux, mais aussi certaines divergences d’opinions importantes.
Les auteurs de la plupart des propositions s’accordent en général pour élargir la portée de la LAI, restreindre les exclusions et les exceptions et réduire ou éliminer les exceptions obligatoires actuellement prévues à l’article 24 et à l’annexe II. Il reste toutefois, à l’égard de ces points d’entente généraux, quelques distinctions importantes, qui sont résumées ci-après :
Dans un bon nombre des propositions que nous avons examinées ici, on recommande de renommer la LAI « Loi sur la transparence gouvernementale » pour bien mettre en relief son objet. Dans le même esprit, on propose d’ajouter à la section « Objet de la loi » l’obligation du gouvernement de communiquer aux Canadiens l’information dont ils ont besoin.
Pour ce qui est de l’élargissement de la portée de la LAI, presque toutes les propositions visent l’accès universel aux documents, et aucune ne rejette expressément l’idée que tous puissent y avoir accès, peu importe où ils se trouvent 56. Selon la majorité des propositions, la plupart des hauts fonctionnaires du Parlement seraient assujettis à la LAI, tout comme le Parlement lui-même, exception faite des bureaux des députés et des sénateurs 57. En 2006, la Loi fédérale sur la responsabilité a réglé en partie la question en disposant que la LAI s’applique aussi aux sociétés d’État et aux hauts fonctionnaires du Parlement. Il y a consensus sur le fait que l’appareil judiciaire ne devrait pas être visé par le droit d’accès 58.
La plupart des auteurs de propositions recommandent de transformer en exception l’exclusion actuelle des documents confidentiels du Cabinet et de faire en sorte que la décision de refuser l’accès puisse être examinée par le commissaire à l’information 59 ou les tribunaux, ou les deux. En 2005, le ministre de la Justice, dans Un cadre compréhensif concernant la réforme de l’accès à l’information, a recommandé de conserver l’exclusion des documents confidentiels du Cabinet, mais d’en donner une définition plus étroite et de permettre à la Cour fédérale de réviser les décisions qui s’y rattachent. En 2006, le ministère de la Justice a proposé, dans son document de travail sur la réforme de la LAI, une approche différente qui consisterait à maintenir l’exclusion, mais à prévoir la possibilité que les décisions soient soumises à l’examen du commissaire à l’information. (Dans le document de travail, le terme « exclusion » s’applique aux documents du Cabinet 60, mais la possibilité d’examen donne à penser que les auteurs privilégient la conversion de l’exclusion en exception.) La plupart des autres propositions 61 auraient eu pour effet d’établir une exception objective obligatoire pour les documents du Cabinet en les protégeant contre la communication. Avant 2006, toutes les propositions, sauf le Cadre de 2005, visaient à protéger les documents confidentiels du Cabinet pendant une période de 15 ans, plutôt qu’une période de 20 ans comme c’est le cas à l’heure actuelle 62. Cette question n’a pas été traitée depuis 2006.
La plupart des propositions recommandent l’abrogation de l’article 24 et de l’annexe II de la LAI. Ni le rapport de 2001 du comité spécial de députés ni celui de 2009 du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes, qui porte sur les correctifs proposés par le commissaire à l’information, n’abordent la question. Seul le ministre de la Justice, dans son cadre de 2005, et le ministère de la Justice, dans son document de travail de 2006, recommandent le maintien des dispositions. Le Cadre propose d’établir des critères pour réduire le nombre de dispositions dans l’annexe II. Quant au document de travail, il propose également des critères et un processus d’examen applicables à l’insertion possible de dispositions dans l’annexe.
Le principe de la primauté de l’intérêt public s’appliquant aux exceptions a d’abord été entériné par le commissaire à l’information John Reid dans la « Loi sur la transparence gouvernementale » qu’il proposait en 2005. Dans son document de travail de 2006, le ministère de la Justice a jugé la proposition du commissaire trop vaste et indiqué que la primauté de l’intérêt public ne devrait pas porter atteinte aux exceptions obligatoires énoncées aux articles 13, 19 et 24 et au paragraphe 16(3) de la LAI ni aux exceptions obligatoires prévues pour les hauts fonctionnaires du Parlement dans la Loi fédérale sur la responsabilité.
Dans son avant-projet de loi de 2005, le commissaire à l’information préconisait la création de l’obligation positive, pour les fonctionnaires, de mettre par écrit leurs décisions, les mesures qu’ils prennent, leurs conseils et leurs recommandations. Il a présenté cette recommandation comme l’une de ses plus importantes, car elle visait à renverser la tendance à la culture orale dans les processus décisionnels de l’administration fédérale, une culture qui, selon lui, nuit à l’objectif de promotion de la transparence qui sous-tend le cadre législatif de l’accès à l’information. Dans son document de travail de 2006, le ministère de la Justice a traité cette question, signalant que l’obligation devra être énoncée clairement pour que les fonctionnaires en comprennent bien la nature, surtout si des sanctions sont infligées en cas de non‑conformité. Sur le plan administratif, le Secrétariat du Conseil du Trésor a publié en juin 2009 une nouvelle directive concernant la tenue de documents 63.
Le Comité de la justice de la Chambre des communes, dans son rapport de 1987, le Groupe d’étude de l’accès à l’information, dans son rapport de 2002 64, et le commissaire à l’information, dans sa « Loi sur la transparence gouvernementale » proposée en 2005, recommandent de reconnaître le rôle du commissaire en matière de sensibilisation du public et le rôle des coordonnateurs de l’accès à l’information. Ils recommandent également que les nouvelles dispositions prévoient l’abolition ou la suspension de certains frais et accordent le pouvoir de rejeter les demandes futiles ou vexatoires. Parmi les 12 correctifs déposés devant le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes en 2009, le commissaire à l’information recommande de modifier la LAI pour qu’elle lui confère le pouvoir discrétionnaire de déterminer si les plaintes doivent faire l’objet d’une enquête. Le Comité a appuyé cette recommandation, mais a insisté pour que ce pouvoir se limite aux plaintes futiles et vexatoires ou aux cas dans lesquels des précédents liés à la plainte ont déjà été établis lors d’une enquête précédente.
La « Loi sur la transparence gouvernementale » proposée en 2005 recommande d’attribuer au commissaire à l’information le pouvoir d’ordonner la communication de renseignements. L’idée de remplacer le rôle de protecteur du citoyen qu’exerce le commissaire par un rôle assorti de pouvoirs exécutoires a été examinée par le Groupe d’étude de l’accès à l’information dans son rapport de juin 2002, et jugée digne d’une consultation ou d’une étude, et a aussi été examinée par le ministre de la Justice dans son cadre de 2005.
Certaines provinces ont donné à leurs commissaires à l’information et à la protection de la vie privée un rôle d’arbitre plutôt que de protecteur du citoyen. Comme l’indique le Cadre, le fait d’attribuer au commissaire à l’information un pouvoir décisionnel quasi judiciaire aurait des incidences sur l’administration du Commissariat, et le gouvernement n’est pas convaincu, jusqu’ici, de la nécessité de ce changement. Lorsqu’il s’est présenté devant le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes en octobre 2005, le commissaire à l’information John Reid abondait dans ce sens, faisant valoir l’argument suivant en faveur de son rôle de protecteur du citoyen :
Rien ne prouve que le pouvoir de rendre des ordonnances renforce le droit d’accès, accélère le processus ou réduise le secret. L’expérience des 22 dernières années montre bien que le modèle de l’ombudsman fonctionne très bien – moins de 1 p. 100 des plaintes se retrouvent devant les tribunaux. Les gouvernements qui ont accordé des pouvoirs de rendre des ordonnances ont largement recours à l’approche de l’ombudsman et réservent les pouvoirs en question aux affaires difficiles, qui ne se présentent pas souvent 65.
Parmi les correctifs proposés en 2009, le commissaire à l’information a recommandé qu’on lui confère un pouvoir exécutoire partiel pour les plaintes administratives. Le Comité a appuyé cette recommandation.
Le comité spécial de députés et le commissaire à l’information, dans la « Loi sur la transparence gouvernementale » qu’il a proposée en 2005, ont tous deux recommandé que la LAI modifiée prévoie un examen parlementaire de son application tous les cinq ans 66. Cette recommandation figure aussi dans les correctifs proposés par le commissaire en 2009 et a été entérinée par le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes dans son rapport de 2009.
Malgré les nombreuses propositions de mise à jour de la Loi sur l’accès à l’information formulées jusqu’ici, aucune réforme d’envergure de la Loi n’a été entreprise. En fait, à l’ouverture de la 41e législature, le gouvernement a décidé d’adopter une approche alternative afin d’améliorer l’accès au gouvernement, par l’entremise d’initiatives de « données ouvertes » et de « gouvernement ouvert ». À ce sujet, le discours du Trône amorçant la 1re session de la 41e législature mentionnait :
Enfin, notre gouvernement veillera à ce que les citoyens, le secteur privé et nos autres partenaires aient un meilleur accès aux rouages gouvernementaux par l’intermédiaire de données ouvertes, d’information ouverte et d’un dialogue ouvert 67.
Les efforts officiels déployés par le gouvernement du Canada pour adopter des pratiques de données ouvertes et de gouvernement ouvert ont commencé à la fin de la 40e législature avec le lancement de l’initiative Gouvernement ouvert, ouvert.gc.ca en mars 2011. À l’époque, le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes menait une étude sur ce sujet 68. Lors de sa comparution devant le Comité le 23 mars 2011, juste avant la dissolution de la 40e législature, l’honorable Stockwell Day, alors président du Conseil du Trésor, a déclaré ce qui suit à propos de l’initiative de gouvernement ouvert : « [c’est] une nouvelle approche visant à publier toute l’information. C’est une initiative qui a déjà été entreprise par d’autres gouvernements. Certains ministères avaient déjà déployé des efforts en ce sens, dans une certaine mesure, et nous avons maintenant mis tous nos efforts en commun 69 ».
À la 1re session de la 41e législature, le 17 avril 2012, l’honorable Tony Clement, président du Conseil du Trésor et ministre responsable de FedNor, a annoncé que le Canada se joignait au Partenariat pour un gouvernement transparent à l’échelle internationale 70. À l’assemblée générale annuelle du Partenariat, tenue au Brésil, le ministre Clément a présenté le Plan d’action du Canada sur le gouvernement ouvert et a souscrit à la déclaration de principes du Partenariat, en tant que dernière étape du processus d’adhésion au Partenariat 71.
Le Plan d’action du Canada sur le gouvernement ouvert ne propose pas de modifications à la Loi sur l’accès à l’information, mais il engage le gouvernement à améliorer l’administration du régime d’accès à l’information :
Afin d’améliorer la qualité du service et la facilité d’accès pour les citoyens et de réduire les coûts de traitement pour les organismes, nous entreprendrons une modernisation et une centralisation des plateformes de l’administration de l’accès à l’information. Au cours de la première année, nous mènerons un projet pilote pour les demandes et leur paiement en ligne dans un certain nombre de ministères qui permettra pour la première fois aux citoyens du Canada de présenter une demande d’accès à l’information et d’en faire le paiement en ligne, le tout dans l’optique d’offrir cette possibilité à l’ensemble des ministères aussitôt que possible. Au cours des deux prochaines années, nous procéderons à la mise en place de l’outil de recherche des sommaires des demandes d’accès à l’information traitées en ligne et nous concentrerons nos efforts sur la conception et la mise en œuvre d’une solution moderne et normalisée d’accès à l’information à l’usage de l’ensemble des ministères et organismes fédéraux 72.
Les commissaires à l’information et à la protection de la vie privée du Canada ont suggéré qu’ils voient dans le Plan d’action du Canada sur le gouvernement ouvert une occasion ratée de réformer de fond en comble la Loi sur l’accès à l’information. Dans une lettre datée de janvier 2012 au ministre Clément, au nom des commissaires à l’information et à la protection de la vie privée du Canada, la commissaire à l’information du Canada, Suzanne Legault, a proposé d’aider le gouvernement à élaborer le Plan d’action. Dans la lettre, elle lui proposait de reconnaître et d’appuyer le lien entre le gouvernement ouvert et la modernisation de la Loi sur l’accès à l’information 73. À ce sujet, la commissaire à l’information a déclaré ce qui suit concernant la relation entre le gouvernement ouvert et la Loi sur l’accès à l’information, dans un discours prononcé au Congrès de l’Association sur l’accès et la protection de l’information, le 25 avril 2012 :
En 2013, la Loi fédérale sur l’accès à l’information aura 30 ans. Depuis 1977, on compte une trentaine de tentatives–infructueuses–visant à la réformer ou à la moderniser. […]
Nos enquêtes, ces dernières années, ont fait ressortir non seulement la vétusté de la loi, mais également un certain nombre de lacunes qui risquent de freiner, voire d’entraver le développement d’un véritable gouvernement ouvert, réceptif aux besoins de ses citoyens, de son économie et au diapason des autres administrations 74.
† Les études générales de la Bibliothèque du Parlement sont des analyses approfondies de questions stratégiques. Elles présentent notamment le contexte historique, des informations à jour et des références, et abordent souvent les questions avant même qu’elles deviennent actuelles. Les études générales sont préparées par le Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque, qui effectue des recherches et fournit des informations et des analyses aux parlementaires ainsi qu’aux comités du Sénat et de la Chambre des communes et aux associations parlementaires, et ce, de façon objective et impartiale. [ Retour au texte ]
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