La qualité et la salubrité des aliments et les normes alimentaires font souvent l’objet de débats tant dans la population que chez les parlementaires. Plusieurs projets de loi d’initiative parlementaire proposant de modifier la Loi sur les aliments et drogues 1 ont été présentés au Parlement au fil des ans afin de répondre à diverses préoccupations relatives à l’étiquetage des aliments, aux produits de santé naturels, aux mises en garde concernant l’alcool, à l’étiquetage obligatoire des aliments génétiquement modifiés et aux aliments provenant d’un animal cloné 2.
En 2011, la valeur totale des exportations canadiennes de produits agroalimentaires et de produits de la mer se chiffrait à 44,4 milliards de dollars, alors que les importations canadiennes de tels produits s’élevaient à 33,8 milliards de dollars 3. En raison de l’expansion du commerce alimentaire mondial et des connaissances de plus en plus poussées des consommateurs en matière alimentaire, les normes internationales relatives aux aliments et à leur salubrité deviennent de plus en plus importantes. En outre, les méthodes de production et de transformation des aliments d’un pays peuvent être jugées inacceptables par les consommateurs d’une autre partie du monde.
Le différend soulevé à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) par le Canada, les États-Unis et l’Argentine et mettant en cause l’Union européenne (UE) au sujet des produits agricoles génétiquement modifiés illustre bien les difficultés commerciales résultant des différences qui existent dans les normes alimentaires et les attitudes des consommateurs 4. Dans ce différend fortement médiatisé, le Canada estimait que certaines mesures prises par l’UE violaient des accords commerciaux internationaux. Le différend est survenu à la suite d’un moratoire décrété par l’UE en octobre 1998 au sujet de l’approbation de certains produits agricoles issus d’organismes génétiquement modifiés et de produits biotechnologiques comme le canola et le maïs 5. Le 15 juillet 2009, le Canada et l’UE ont notifié l’Organe de règlement des différends de l’OMC qu’ils étaient parvenus à une solution convenue d’un commun accord et qu’ils acceptaient d’établir un dialogue bilatéral sur les questions d’intérêt commun concernant l’accès aux marchés pour les produits agricoles issus de la biotechnologie 6.
Afin de s’assurer que les aliments ne posent pas de risques pour la consommation humaine, presque tous les pays se sont dotés d’un système de contrôle alimentaire visant à protéger leur population contre les aliments insalubres, falsifiés ou par ailleurs de mauvaise qualité 7. À l’échelle internationale, la Commission du Codex Alimentarius (la Commission) gère le Codex Alimentarius (le Codex), un recueil de normes alimentaires élaborées et présentées de manière uniforme et codifiée.
« Codex Alimentarius » est une expression latine signifiant « droit alimentaire ». Le Codex établit des normes ou des directives pour divers aliments, qu’ils soient transformés, semi-transformés ou crus, lorsqu’ils sont offerts aux consommateurs. Outre les normes alimentaires, le Codex contient des documents connexes comme des codes d’hygiène et de bonnes pratiques de fabrication, des méthodes d’analyse et d’échantillonnage reconnues, ainsi que des directives et principes généraux. Il comprend également un Code de déontologie du commerce international des denrées alimentaires d’application volontaire.
La Commission, qui est financée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a été créée en 1963 et gère le Programme mixte FAO/OMS sur les normes alimentaires. Le but de ce programme est :
La Commission compte aujourd’hui 185 pays membres, dont le Canada 9. Les organisations internationales peuvent également participer à ses travaux en tant qu’observateurs; cependant, à la différence des pays membres, elles n’ont aucun droit de vote.
Les normes du Codex sont élaborées grâce au travail des divers comités. Elles sont l’aboutissement d’un processus en huit étapes, de la proposition à l’adoption, durant lequel les parties intéressées peuvent faire connaître leur avis 10.
Au Canada, le programme du Codex est géré par un comité interministériel composé de hauts fonctionnaires de Santé Canada, de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA), de l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, d’Affaires étrangères et Commerce international Canada et d’Agriculture et Agroalimentaire Canada 11.
Les normes du Codex sont d’application volontaire et ne lient pas juridiquement les pays membres. Selon les principes généraux du Codex :
[l]a publication du Codex Alimentarius vise à guider et à promouvoir l’élaboration, la mise en œuvre et l’harmonisation de définitions et d’exigences relatives aux produits alimentaires et, de ce fait, à faciliter le commerce international 12.
Le Canada, à l’instar de plusieurs autres pays, possède son propre processus d’approbation national en matière de sécurité des aliments et drogues, et n’adopte pas automatiquement le Codex. Toutefois, lorsqu’il élabore ou révise ses normes alimentaires, le Canada essaie de définir des normes nationales compatibles avec celles du Codex.
Pour les questions relatives à la salubrité des aliments au Canada, Santé Canada et l’ACIA ont des rôles et des responsabilités propres et complémentaires. Santé Canada est responsable de l’élaboration des politiques, normes et règlements relatifs à la salubrité des aliments, tandis que l’ACIA est chargée de l’application des normes de salubrité alimentaire par ses activités d’inspection et de conformité 13. L’ACIA est également responsable de l’administration et de l’application de l’étiquetage des aliments et de certaines questions alimentaires qui ne sont pas reliées à la sécurité des aliments.
Même si les normes du Codex sont d’application volontaire pour les pays membres, le système des échanges commerciaux de l’OMC a considérablement accru le rôle du Codex grâce à l’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (Accord SPS) et à l’Accord sur les obstacles techniques au commerce (Accord OTC). Le Codex constitue aujourd’hui une référence internationale pour tout ce qui touche les normes et la salubrité alimentaires. Il faut souligner aussi que l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) crée également une présomption en faveur des normes du Codex, semblable à celle des accords de l’OMC 14.
L’Accord SPS porte expressément sur les mesures commerciales prises pour protéger la santé des humains, des animaux et des végétaux. Il englobe toutes les mesures ayant pour but de protéger la santé des humains ou des animaux contre les risques de maladies d’origine alimentaire ou végétale, ou pour protéger les animaux et les végétaux contre les parasites ou les maladies. L’Accord limite l’utilisation des mesures sanitaires (santé humaine et animale) et phytosanitaires (protection des végétaux) injustifiées à des fins protectionnistes ou en tant qu’obstacle inutile au commerce international 15.
Tout en reconnaissant aux pays membres le droit de prendre les mesures sanitaires et phytosanitaires nécessaires pour protéger la santé des humains, des animaux et des végétaux sur leur territoire, l’Accord SPS les incite à harmoniser ces mesures avec les normes et directives internationales 16. Conformément à cet accord, les normes du Codex sont considérées comme la référence internationale en matière de salubrité des aliments 17. Qui plus est, les mesures nationales en matière de salubrité alimentaire qui sont fondées sur les normes du Codex sont réputées conformes aux règles de l’OMC 18. Ainsi, les membres de l’OMC sont fortement encouragés à se conformer aux normes du Codex. Ils peuvent toutefois utiliser des normes supérieures aux normes internationales s’ils peuvent fournir une justification scientifique ou si leur décision est fondée sur une évaluation du risque appropriée 19. Bref :
les mesures nationales dérogeant dans un sens ou dans l’autre aux normes reconnues par l’Accord SPS doivent être fondées sur une évaluation du risque, tenir compte des preuves scientifiques disponibles, éviter la discrimination ainsi que les restrictions déguisées au commerce, et être les moins restrictives possible pour le commerce afin d’atteindre le niveau de protection voulu 20.
En 1997-1998, les normes du Codex ont été déterminantes pour le règlement d’un différend soumis à l’OMC par le Canada et la Communauté européenne (CE) 21. Ce différend portait sur l’interdiction décrétée par la CE d’importer de la viande ou des produits carnés provenant d’animaux auxquels certaines hormones de croissance avaient été administrées. Des normes du Codex avaient été établies pour cinq des six hormones en question. Par conséquent, la CE a eu beaucoup de mal à justifier l’imposition d’un niveau de protection supérieur à celui fixé par le Codex. Le Groupe spécial de règlement des différends et l’Organe d’appel de l’OMC ont donc rendu une décision en faveur du Canada.
Le but de l’Accord OTC est de garantir que la réglementation, les normes et les procédures d’essai et d’homologation nationales ne font pas inutilement obstacle au commerce international. Cet accord régit la réglementation et les normes techniques relatives à l’application de conditions en matière de terminologie, de symboles, d’emballage, de mise en marché et d’étiquetage à des produits ou à des méthodes de production. Cet accord utilise aussi les normes du Codex comme référence internationale, bien qu’il n’y fasse pas spécifiquement allusion.
La décision rendue en 2002 par le Groupe spécial et l’Organe d’appel de l’OMC à propos d’un différend entre le Pérou et l’UE montre bien la pertinence des normes du Codex pour ce qui est de l’application de l’Accord OTC 22. Ce différend concernait un règlement de l’UE qui avait réservé le terme « sardine » à certaines espèces de poissons (notamment Sardine pilchardus) présentes dans la mer Méditerranée, à l’exclusion des autres. Ce règlement interdisait en fait au Pérou de commercialiser sa sardine (Sardinops sagax) sous le nom de « sardine » à l’intérieur du territoire de l’UE. En concluant que la législation européenne contrevenait à l’Accord OTC, le Groupe spécial a confirmé que la Norme Codex pour les sardines et produits du type sardines en conserve 23 constituait une « norme internationale pertinente » et qu’elle n’avait pas été utilisée comme base du règlement de l’UE en question 24.
Il est important de souligner que rien n’oblige les pays à adopter les normes du Codex, même s’ils sont membres de la Commission du Codex Alimentarius ou de l’OMC ou des deux. Toutefois, si un différend survient, l’OMC peut prendre des sanctions commerciales contre un pays qui est incapable de justifier une exigence plus stricte et plus restrictive pour le commerce que celle prévue au Codex.
† Les documents de la série En bref de la Bibliothèque du Parlement sont des survols de sujets d’actualité. Dans certains cas, ils donnent un aperçu de la question et renvoient le lecteur à des documents plus approfondis. Ils sont préparés par le Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque, qui effectue des recherches et fournit des informations et des analyses aux parlementaires, ainsi qu’aux comités du Sénat et de la Chambre des communes et aux associations parlementaires, et ce, de façon objective et impartiale. [ Retour au texte ]
* La version originale du présent document a été rédigée par Elizabeth Kuruvila, anciennement de la Bibliothèque du Parlement. [ Retour au textet ]
Afin d’harmoniser le plus largement possible les mesures sanitaires et phytosanitaires, les Membres établiront leurs mesures sanitaires ou phytosanitaires sur la base de normes, directives ou recommandations internationales, dans les cas où il en existe, sauf disposition contraire du présent accord, et en particulier les dispositions du paragraphe 3. [ Retour au texte ]
Normes, directives et recommandations internationales
a) pour l’innocuité des produits alimentaires, les normes, directives et recommandations établies par la Commission du Codex Alimentarius en ce qui concerne les additifs alimentaires, les résidus de médicaments vétérinaires et de pesticides, les contaminants, les méthodes d’analyse et d’échantillonnage, ainsi que les codes et les directives en matière d’hygiène […]. [ Retour au texte ]
Les mesures sanitaires ou phytosanitaires qui sont conformes aux normes, directives ou recommandations internationales seront réputées être nécessaires à la protection de la vie et de la santé des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux, et présumées être compatibles avec les dispositions pertinentes du présent accord et du GATT de 1994. [ Retour au texte ]
Les Membres pourront introduire ou maintenir des mesures sanitaires ou phytosanitaires qui entraînent un niveau de protection sanitaire ou phytosanitaire plus élevé que celui qui serait obtenu avec des mesures fondées sur les normes, directives ou recommandations internationales pertinentes s’il y a une justification scientifique ou si cela est la conséquence du niveau de protection sanitaire ou phytosanitaire qu’un Membre juge approprié conformément aux dispositions pertinentes des paragraphes 1 à 8 de l’article 5. Nonobstant ce qui précède, aucune mesure qui entraîne un niveau de protection sanitaire ou phytosanitaire différent de celui qui serait obtenu avec des mesures fondées sur les normes, directives ou recommandations internationales ne sera incompatible avec une autre disposition du présent accord. [ Retour au texte ]
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