Abstraction faite de quelques exceptions touchant des questions ou des régions particulières, la coopération dans le Nord est un objectif qui, jusqu’à assez récemment, n’avait pas vraiment réussi à s’imposer sur la scène internationale. En fait, la coopération internationale a commencé à progresser rapidement après un discours prononcé en 1987 par le secrétaire général de l’Union soviétique de l’époque, Mikhaïl Gorbatchev, dans lequel il souhaitait la création d’une « zone de paix et de coopération véritable et fructueuse » entre les États de l’Arctique1.
Il existe maintenant une multitude d’organisations officielles, gouvernementales ou non, dont la raison d’être est de gérer diverses questions dans l’Arctique. Bien qu’aucune n’ait de fondement juridique établi, par exemple dans un traité international, elles ont joué un rôle essentiel dans le développement de la coopération dans la région.
Le présent document fournit de l’information sur quelques-unes parmi les plus importantes de ces organisations, notamment le Conseil de l’Arctique et certaines entités canadiennes.
Principal organe de coopération dans l’Arctique, le Conseil de l’Arctique2 (figure 1) a été créé officiellement en 1996 aux termes de la Déclaration d’Ottawa, dont les signataires étaient le Canada, le Danemark (y compris le Groenland et les îles Féroé), les États Unis, la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Russie et la Suède.
Le Conseil sert de tribune intergouvernementale de haut niveau pour promouvoir la coopération, la coordination et l’interaction entre les États circumpolaires sur des questions d’intérêt commun, notamment celles qui concernent le développement durable et la protection de l’environnement.
Sources: Carte produite par la Bibliothèque du Parlement, Ottawa, 2016, à partir de données tirées de Timothy Heleniak, « Arctic Populations and Migration », chap. 2 dans Arctic Human Development Report : Regional Processes and Global Linkages [Rapport sur le développe-ment humain dans l’Arctique ou RDHA], Copenhague (Danemark), Conseil des ministres des pays nordiques, 2014; de Winfried K. Dallmann, Arctic Boundaries Map (frontière de l’arctique selon le RDHA), Norwegian Polar Institute; et de Natural Earth, 1:50m Cultural Vectors et 1:50m Physical Vectors. Logiciel utilisé : Esri, ArcGIS, version 10.3.1. Contient de l’information visée par la Licence du gouvernement ouvert – Canada.
Une assemblée ministérielle du Conseil de l’Arctique a lieu tous les deux ans dans le pays qui assure la présidence du Conseil. Ce pays coordonne la tenue de l’assem-blée ministérielle et celle des réunions semestrielles des Hauts Représentants de l’Arctique. Depuis 2010, des assemblées sont organisées au niveau sous-ministériel les années où ne se tiennent pas d’assemblées ministérielles. La présidence est assumée par un pays entre la fin d’une assemblée ministérielle et la fin de l’assemblée suivante.
Pour la période de 2006 à 2012, les trois pays qui se sont succédé à la présidence (le Danemark la Norvège et la Suède) ont établi une série de priorités et d’objectifs communs. Le Canada a assuré la présidence de 2013 à 20153, suivi des États Unis4. La présidence du Conseil de l’Arctique sera assurée par la Finlande de 2017 à 2019.
Le Conseil de l’Arctique prévoit aussi la participation active et la consultation des communautés et organisations autochtones et d’autres habitants de l’Arctique, notamment en désignant des participants permanents5, dont :
Le Conseil de l’Arctique a ses racines dans la Stratégie de protection de l’environne-ment arctique (SPEA), qui a vu le jour lorsque les huit États de l’Arctique ont signé en 1991 la Déclaration de Rovaniemi6, dont les objectifs sont les suivants :
Le Conseil de l’Arctique a été créé, en partie, pour surveiller et coordonner les pro-grammes établis dans le cadre de la SPEA. Selon la Déclaration de Rovaniemi, ces programmes, souvent désignés par leur acronyme, sont les suivants :
Lorsque le Conseil de l’Arctique a été créé, les programmes de la SPEA sont devenus des « groupes de travail », auxquels deux autres groupes se sont ajoutés :
La Conférence des parlementaires de la région arctique (CPRA)9 se compose de délégations nommées par les parlements nationaux des huit États de l’Arctique et le Parlement européen. La CPRA comprend aussi des participants permanents représentant les peuples autochtones, ainsi que des observateurs. La Conférence se réunit aux ans. La 11e assemblée a eu lieu en 2014 à Whitehorse (Yukon)10, et la 12e assemblée aura lieu en juin 2016, à Oulan-Oude (Russie).
Entre les assemblées, la coopération parlementaire arctique est assurée par le Comité permanent des parlementaires de la région arctique, qui a amorcé ses activités en 199311. La Conférence et le Comité permanent prennent des mesures pour favoriser la coopération dans l’Arctique et, en particulier, font office de tribune parlementaire où discuter de questions liées au travail du Conseil de l’Arctique et faire avancer ces dossiers. Le Comité permanent participe aux travaux du Conseil à titre d’observateur.
Les participants à la troisième Conférence des régions du Nord, qui avait pour thème « La coopération dans un monde en mutation » et qui a eu lieu à Anchorage (Alaska) en 1990, ont demandé la création d’un forum nordique12 qui aurait pour objectif d’améliorer la qualité du processus décisionnel local, national et international relativement aux questions nordiques en permettant aux habitants du Nord de faire valoir leur point de vue à toutes les étapes du processus. Le Forum nordique (FN) a été créé officiellement l’année suivante.
Le FN est dirigé par un conseil d’administration composé des principaux dirigeants politiques des régions membres : gouverneurs, premiers ministres, présidents et maires, dont les premiers ministres de l’Alberta, du Québec, du Nunavut et du Yukon. Les entreprises et les organisations non gouvernementales et sans but lucratif peuvent aussi en être membres.
Le FN a pour objectifs :
Le Cercle arctique13 est une organisation créée par l’Islande le 15 avril 2013. Sa mission consiste à faciliter le dialogue entre les chefs politiques, les chefs d’entreprises, les experts environnementaux, les scientifiques, les représentants autochtones et d’autres intervenants internationaux sur les enjeux liés à l’Arctique.
L’assemblée annuelle du Cercle arctique a eu lieu en octobre à Reykjavík (Islande). De plus, le Cercle arctique organise de petits forums sur des sujets précis, par exemple les forums de 2015 en Alaska et à Singapour, et les forums de 2016 à Québec et au Groenland.
Les quatre États de l’Arctique situés en Europe (Danemark, Finlande, Norvège et Suède) et l’Islande, qui a de solides liens historiques avec l’Europe, sont connus comme les « pays nordiques ». Une bonne part de la coopération entre ces États tient à des enjeux qu’ils ont en commun avec la Russie occidentale, les régions de la mer Baltique et de la mer de Barents et la grande région nordique – y compris les eaux internationales.
La coopération sur les enjeux touchant l’Arctique présente une importance primor-diale dans la région nordique de l’ouest, qui s’étend entre le Groenland et la Norvège, et dans la région de la mer de Barents, au nord de la Norvège, de la Finlande et de la Russie. Par exemple, la mer de Barents contient des déchets radioactifs rejetés par la flotte de l’ère soviétique, fait l’objet de prospections pétrolières et constitue un tronçon de la voie maritime du Nord passant par la Russie, autant de facteurs lourds de conséquences pour l’Arctique.
La politique de la dimension septentrionale de l’Union européenne (UE)14 a été établie à la fin des années 1990 à titre de politique de l’UE pour traiter des questions relatives à la Russie occidentale et accroître la coopération entre l’UE, l’Islande et la Norvège. Depuis, elle est devenue un partenariat multilatéral entre partenaires égaux réunissant l’UE, l’Islande, la Norvège et la Russie. Le Canada et les États Unis y sont des observateurs. En outre, cette politique a donné naissance au Forum de la dimension septentrionale, qui réunit régulièrement des représentants du monde des affaires et de la société civile.
La dimension septentrionale reste centrée sur les relations de l’UE avec la Russie occidentale, étant l’expression régionale des quatre espaces communs de l’UE et de la Russie15 (avec la participation de la Norvège et de l’Islande également). Elle comporte six secteurs prioritaires en matière de coopération :
D’autres conseils régionaux ont été créés pour favoriser la coopération dans le Nord européen, dont certains, comme les suivants, sont partenaires dans la dimension septentrionale :
Parmi les autres organisations interparlementaires nordiques dignes de mention, on note le Conseil nordique21 et le Conseil nordique de l’Ouest22. Le Conseil nordique a été formé en 1952 par des membres des parlements nationaux représentant les pays nordiques et les territoires autonomes. En plus de travailler à des questions de politique au sein de comités et de groupes de partis politiques, le Conseil nordique se réunit en séance plénière avec les ministres des pays nordiques à l’assemblée annuelle du Conseil.
Institué en 1985, le Conseil nordique de l’Ouest est une association interparlemen-taire de la région du Nord-Ouest (Atlantique Nord) comprenant les parlements du Danemark, des îles Féroé, du Groenland et de l’Islande. Il s’intéresse à une variété de questions touchant la région, notamment la gestion des ressources. Il représente en outre la région dans ses interactions avec le Conseil nordique et d’autres organisations nordiques.
Fondé en 1977, le Conseil circumpolaire inuit (CCI)24 constitue maintenant une des principales organisations non gouvernementales internationales représentant quel-que 150 000 Inuits en Alaska, au Canada, en Chukotka (Russie) et au Groenland. Le CCI a le statut consultatif II (maintenant appelé statut consultatif spécial) auprès du Conseil économique et social des Nations Unies, ce qui témoigne de son statut attesté et de sa compétence spéciale dans les questions autochtones. Ses objectifs principaux sont les suivants :
Le CCI tient tous les quatre ans une assemblée générale à laquelle assistent aussi les représentants du Conseil circumpolaire des jeunes Inuits et du Conseil inter-national des aînés. Son président et les huit membres du conseil exécutif sont élus pour un mandat de quatre ans à l’assemblée générale. La plus récente assemblée générale a eu lieu à Inuvik (Territoires du Nord-Ouest), en juillet 2014.
Le Conseil saami25 a été institué en 1956 à titre d’organisation non gouvernementale des organismes saamis membres de la Finlande, de la Norvège, de la Russie et de la Suède. Il a pour objectifs premiers de promouvoir les droits et les intérêts économiques, sociaux et culturels des Saamis dans les quatre pays où ils habitent, et de promouvoir et de protéger l’identité nationale saamie. Ces objectifs sont réalisés au moyen d’ententes entre les États et les organismes représentant le peuple saami, c’est-à-dire les parlements saamis. Le Conseil saami donne des avis et formule des propositions concernant les moyens de subsistance, les droits, la langue et la culture du peuple saami et spécialement les enjeux touchant les Saamis de différents pays26.
L’Inuit Tapiriit Kanatami (ITK, anciennement appelé Inuit Tapirisat du Canada)27 a été fondé en 1971. Il est l’organisation nationale représentant et défendant les intérêts des Inuits du Canada en ce qui concerne un vaste éventail de questions et d’enjeux environnementaux, sociaux, culturels et politiques.
L’Association russe des peuples autochtones du Nord, de la Sibérie et de l’Extrême-Orient (ARPANSEO)28 a été créée en 1990 à l’occasion du premier Congrès des peuples autochtones du Nord. Aujourd’hui, elle compte 41 groupes autochtones et 250 000 personnes représentées par 34 organisations ethniques et régionales.
Elle a pour objectifs de protéger les droits de la personne et les intérêts juridiques des peuples autochtones habitant les régions nordiques, sibériennes et extrême-orientales de la Russie et de promouvoir la recherche de solutions aux problèmes environnementaux, sociaux et économiques aussi bien qu’aux problèmes liés au développement culturel et à l’éducation.
L’ARPANSEO s’emploie d’une façon particulière à garantir la protection des terres ancestrales des Autochtones et de leurs modes de vie traditionnels, de même que de leur droit à l’autonomie gouvernementale conformément aux normes juridiques nationales et internationales.
Composé d’organisations scientifiques nationales s’intéressant à tous les domaines de la recherche arctique, le Comité international des sciences arctiques (CISA)29 a été créé en 1990, a amorcé ses activités en 1991 et comprend maintenant 23 pays membres. Il a pour mission de favoriser, de faciliter et de faire connaître au niveau circumpolaire ou international les recherches interdisciplinaires, fondamentales ou appliquées, menées dans l’Arctique ou portant sur ce dernier, ainsi que de prodiguer des conseils scientifiques sur les questions arctiques.
L’Université de l’Arctique (UArctic)30 est un réseau coopératif d’universités, de collèges et d’autres institutions31 se consacrant à l’éducation supérieure et à la recherche dans le Nord. C’est une institution décentralisée qui a ses locaux dans des institutions membres du Nord circumpolaire, où elle offre ses programmes et exerce ses autres fonctions. Ses membres partagent leurs ressources, leurs installations et leur expertise pour concevoir des programmes d’éducation postsecondaire adaptés et accessibles aux étudiants du Nord.
Son objectif global consiste à susciter le développement d’une région circumpolaire forte et durable en donnant aux habitants et aux communautés du Nord les moyens d’agir par l’éducation et le partage de connaissances. UArctic fait la promotion d’une éducation diversifiée et interdisciplinaire qui se sert des forces combinées du réseau pour relever les défis particuliers de la région circumpolaire. Elle reconnaît le rôle intégral des peuples autochtones dans l’éducation nordique et s’efforce de tenir compte de leurs points de vue dans toutes ses activités.
Le 1er juin 2015, le gouvernement du Canada a mis sur pied Savoir polaire Canada32, une organisation fédérale de recherche qui se concentre sur l’avance-ment en sciences et technologie polaires au Canada. L’organisation réunit les mandats de l’ancienne Commission canadienne des affaires polaires et de la nouvelle Station canadienne de recherche dans l’Extrême-Arctique (SCREA). La SCREA, centre de recherche situé à Cambridge Bay (Nunavut), ouvrira ses portes en 201733.
Savoir polaire Canada a la responsabilité faire progresser les connaissances sur l’Arctique canadien, de promouvoir le développement et la diffusion des connais-sances relatives aux autres régions circumpolaires, y compris l’Antarctique, et d’établir un centre névralgique de recherche scientifique dans l’Arctique canadien.
Créée officiellement en 1981, l’Union internationale pour la santé circumpolaire (UISC)34 est une organisation non gouvernementale qui a des membres, des organismes adhérents et des organismes affiliés un peu partout dans la région circumpolaire. Elle s’intéresse aux problèmes et aux besoins des peuples nordiques en matière de santé.
Ses fonctions comprennent la diffusion de l’information médicale, des résultats de recherche et des solutions apportées à des problèmes de santé et médicaux particuliers et généraux des communautés de l’Arctique. Pour soutenir ses membres et ses organismes affiliés, ainsi que la communauté scientifique et les communautés autochtones, l’UISC a créé des groupes de travail chargés de problèmes de santé précis qui revêtent une certaine importance pour les populations circumpolaires. Elle s’occupe aussi de plusieurs publications et appuie les efforts internationaux en télémédecine et en informatique de la santé.
L’Année polaire internationale (API)35 était un grand programme scientifique centré sur l’Arctique et l’Antarctique. Un aspect important de ses activités est l’important bagage d’information et l’organisation qu’elle a permis de constituer dans les régions polaires. Une des principales initiatives en ce sens est la création d’un réseau d’ob-servation de l’Arctique circumpolaire conçu pour répondre à des besoins sociétaux et scientifiques. Le Conseil de l’Arctique a recommandé la création d’un tel réseau dans sa Déclaration de Salekhard de 2006. Les comités suédois et canadien de l’API avaient été chargés de diriger la mise en œuvre de cette initiative.
L’API était un projet du Conseil international pour la science et de l’Organisation mondiale de la météorologie. Elle s’est inscrite dans le prolongement d’événements semblables survenus en 1882-1883, 1932-1933 et 1957-1958.
Pour traiter de façon complète et égale l’Arctique et l’Antarctique, l’API 2007-2008 s’est déroulée sur deux cycles complets de mars 2007 à mars 2009 et a compté plus de 200 projets faisant intervenir des milliers de scientifiques de plus de 60 pays qui ont examiné un large éventail de questions de recherche d’ordre physique, biologique et social. Le Canada a été l’un des principaux pays participants, le gouvernement fédéral ayant consacré 150 millions de dollars à l’API. La dernière activité de l’API a été une conférence, intitulée De la connaissance à l’action36, qui s’est tenue à Montréal, du 22 au 27 avril 2012.
Dans la foulée de l’appui accordé par les ministres et inscrit dans la déclaration du Conseil de l’Arctique à Nuuk37 en 2011, des travaux sont en cours en vue d’un projet de Décennie polaire internationale.
† Les documents de la série En bref de la Bibliothèque du Parlement sont des survols de sujets d’actualité. Dans certains cas, ils donnent un aperçu de la question et renvoient le lecteur à des documents plus approfondis. Ils sont préparés par le Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque, qui effectue des recherches et fournit des informations et des analyses aux parlementaires, ainsi qu’aux comités du Sénat et de la Chambre des communes et aux associations parlementaires, et ce, de façon objective et impartiale. [ Retour au texte ]
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