Au Canada, le processus de conclusion des traités relève du pouvoir exécutif du gouvernement fédéral, alors que le Parlement du Canada (le « Parlement ») est souvent chargé d’adopter les lois de mise en œuvre des traités internationaux à l’échelon fédéral. Le processus de conclusion des traités se décline en cinq grandes étapes : la négociation, la signature, la ratification, la mise en œuvre et l’entrée en vigueur.
En théorie, c’est le ministre des Affaires étrangères qui est chargé de négocier les traités internationaux au nom du Canada, alors qu’en pratique, c’est Affaires mondiales Canada qui supervise les négociations avec les États étrangers et les organisations internationales, en collaboration avec les autres ministères fédéraux concernés, selon l’objet du traité. La négociation des traités se déroule habituellement à huis clos, quoique dans le cas de traités multilatéraux, les négociations peuvent parfois être plus transparentes et être ouvertes à la société civile.
Lorsque les négociateurs s’entendent sur le libellé d’un accord, le Cabinet doit l’approuver avant que le traité puisse être signé au nom du Canada. Cette signature indique que le Canada approuve en principe le traité et a l’intention d’en respecter les conditions. Une fois le traité signé, le gouvernement fédéral ne doit prendre aucune mesure allant à l’encontre de l’objet du traité ou des fins que vise le traité.
C’est une fois ratifié qu’un traité devient contraignant pour le Canada. Lorsque toutes les formalités relatives à la mise en œuvre et à l’entrée en vigueur du traité ont été réglées, le Cabinet autorise le ministre des Affaires étrangères à ratifier le traité. Bien que l’ensemble du processus de conclusion des traités relève du pouvoir exécutif, c’est à cette étape du processus que le gouvernement fédéral fait participer le Parlement, en déposant les traités et les documents connexes à la Chambre des communes, où ils seront débattus.
En outre, le pouvoir exécutif du gouvernement fédéral ne peut ratifier un traité international avant que les mesures aient été prises pour veiller à ce que les modalités de l’accord soient prises en compte dans les lois canadiennes. Dans certains cas, des lois canadiennes devront être adoptées par le Parlement avant la ratification. Dans d’autres cas, après consultation avec les provinces, les territoires et d’autres intervenants, le gouvernement fédéral pourrait considérer que les lois du Canada sont déjà conformes aux obligations prévues par les traités internationaux.
Les modalités d’entrée en vigueur du traité sont précisées dans le traité lui-même. Il peut être précisé que le traité entre en vigueur à une date précise ou après avoir été ratifié par un certain nombre de pays.
De nombreux mécanismes internationaux existent pour assurer l’application des traités internationaux, allant des tribunaux de commerce aux cours internationales, en passant par les organes de l’Organisation des Nations Unies. Sur le plan national, toutefois, il existe peu de moyens officiels pour vérifier que le gouvernement fédéral se conforme aux traités qu’il a ratifiés. Le Parlement joue un rôle de supervision, en examinant les rapports annuels déposés devant lui et en réalisant des études en comité. Les organisations non gouvernementales et la Commission canadienne des droits de la personne peuvent aussi demander des comptes au gouvernement fédéral, tandis que les tribunaux canadiens interprètent généralement les lois canadiennes en présumant qu’elles sont conformes aux obligations internationales du pays.
Il importe enfin de noter que de nombreux traités internationaux concernent des questions relevant des provinces, même si c’est le gouvernement fédéral qui est chargé du processus de conclusion des traités et de veiller au respect de ses engagements internationaux. Le gouvernement fédéral demande donc fréquemment aux provinces et aux territoires de participer aux processus de négociation des traités pour s’assurer de leur collaboration en matière de mise en œuvre et de conformité.
Au Canada, la négociation, la signature et la ratification de traités internationaux relèvent du pouvoir exécutif du gouvernement fédéral, tandis que le Parlement du Canada (le « Parlement ») est souvent responsable de l’adoption des lois de mise en œuvre de ces traités à l’échelon fédéral. La présente étude examine l’approche que suit le Canada dans la négociation, la signature, la ratification, la mise en œuvre et l’entrée en vigueur des traités internationaux à l’échelon fédéral. On y décrit le pouvoir du Canada en matière d’affaires internationales, le processus de conclusion des traités comme tel, les divers mécanismes de conformité, ainsi que les rapports entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires en ce qui concerne les traités internationaux.
La Loi constitutionnelle de 1867 1 ne circonscrit pas expressément la compétence fédérale ou provinciale en ce qui concerne la conduite des affaires internationales. En 1867, le Canada était encore une colonie de l’Empire britannique, et le Parlement britannique a délégué à la Couronne britannique le pouvoir de représenter le Dominion du Canada sur la scène internationale. Toutefois, même si la Couronne britannique avait le pouvoir de conclure des traités avec des pays étrangers au nom du Canada, le Parlement canadien s’est vu confier la responsabilité de les mettre en œuvre au Canada, en vertu de l’article 132 de la Loi constitutionnelle de 1867.
Au fil des ans, le Canada a acquis de plus en plus d’autonomie en ce qui concerne la conduite de ses affaires étrangères 2, le gouvernement fédéral venant donc à agir de son propre chef dans les discussions relatives à la négociation des conventions et des traités internationaux 3. En 1926, la Déclaration Balfour 4 a conféré au Canada le pouvoir d’établir des relations étrangères et de négocier et de conclure ses propres traités, même si une ratification officielle du gouvernement britannique restait nécessaire dans certains cas. Ce pouvoir a été intégré dans le Statut de Westminster en 1931 et confirmé par la suite en 1947 par les Lettres patentes constituant la charge de Gouverneur général du Canada 5. Comme le gouvernement fédéral était dorénavant investi du plein pouvoir sur les affaires étrangères, l’article 132 de la Loi constitutionnelle de 1867 est tombé en désuétude 6.
Bien qu’aucune disposition constitutionnelle n’attribue explicitement au pouvoir exécutif du gouvernement fédéral une compétence en matière de relations internationales, il est généralement reconnu que l’exercice de ce pouvoir lui est dévolu 7. Dans les pays de tradition britannique comme le Canada, les relations internationales sont une prérogative de la Couronne. Au Canada, le pouvoir exécutif du gouvernement fédéral, à titre de représentant de la souveraine, exerce cette prérogative. Par conséquent, le pouvoir exécutif est le seul organe du gouvernement investi du pouvoir de négocier, de signer et de ratifier des conventions et des traités internationaux 8.
Aux termes de la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, le ministre des Affaires étrangères a la responsabilité de négocier les traités internationaux au nom du Canada 9. Toutefois, en pratique, les négociations avec les États étrangers et les organisations internationales ne sont pas l’apanage d’Affaires mondiales Canada, qui joue plutôt un rôle de supervision, selon le sujet. Par exemple, les négociations sur l’environnement sont généralement menées par Environnement et Changement climatique Canada, celles touchant les questions fiscales, par l’Agence du revenu du Canada, etc. Ce sont les ministres, les sous ministres, les représentants diplomatiques et autres négociateurs qui participent aux négociations.
Si les négociations de traités multilatéraux sont devenues plus transparentes et ouvertes à la participation de la société civile, les négociations de traités bilatéraux et plurilatéraux 10 sont, quant à elles, souvent menées à huis clos. Peu de choses sont révélées concernant leur contenu jusqu’à ce que les parties en arrivent à une entente de principe sur le contenu ou le libellé 11. Néanmoins, au cours des dernières années, le gouvernement du Canada a lancé des consultations avec les intervenants et le public lors de la négociation de certains traités 12. La société civile et le Parlement peuvent aussi s’assurer de faire entendre leurs points de vue au cours des négociations, en publiant des rapports assortis de recommandations précises 13.
Une fois que les négociateurs se sont entendus sur les modalités ou le libellé d’un accord, le ministère responsable, en collaboration avec Affaires mondiales Canada, demande l’approbation du Cabinet, en déposant un mémoire explicatif devant le Cabinet décrivant les détails de l’accord. Le traité peut être signé lorsque l’approbation est accordée 14. Un décret de signature (instrument de pleins pouvoirs) désigne une ou plusieurs personnes investies du pouvoir de signer le traité au nom du Canada 15.
Il faut savoir que la signature d’un traité international n’est pas la dernière étape du processus de conclusion d’un traité. La signature exprime uniquement l’accord de principe d’un pays avec les modalités du traité et son intention de s’y soumettre. Après avoir signé un traité, le Canada doit éviter de prendre des mesures qui vont à l’encontre de l’objet et du but du traité, mais il n’y est pas lié officiellement avant la ratification 16.
Une fois que le Canada est prêt à reconnaître le caractère exécutoire d’un traité international qu’il a signé, un document est préparé pour attester que les formalités d’entrée en vigueur et de mise en œuvre du traité ont été remplies et que le Canada entend être lié par le traité en question. De façon plus officielle, le Cabinet prépare un décret autorisant le ministre des Affaires étrangères à signer un instrument de ratification ou d’adhésion 17. Une fois que l’instrument est déposé auprès de l’instance compétente, le traité est ratifié officiellement. Le Canada est alors lié par le traité dès son entrée en vigueur (si ce n’est déjà fait) 18. Le processus de ratification est donc entièrement mené sous la direction du pouvoir exécutif, quoique le Parlement y ait participé à l’occasion au cours des 90 dernières années. Par exemple, entre 1926 et 1966, seuls les traités jugés suffisamment importants ont été soumis par le pouvoir exécutif au Parlement en vue d’obtenir son approbation avant la ratification 19. Il était également assez fréquent jusqu’en 1999 que le pouvoir exécutif dépose des traités au Parlement après leur ratification 20.
En janvier 2008, le gouvernement fédéral a annoncé une nouvelle politique, mise à jour en novembre 2020, afin d’accroître la participation du Parlement au processus, en prévoyant le dépôt à la Chambre des communes de tous les traités conclus entre le Canada et d’autres États ou entités avant leur ratification 21. Le greffier de la Chambre des communes distribue le texte intégral de l’entente, accompagné d’un mémoire expliquant les principaux enjeux, notamment l’objet, les principales obligations, les intérêts nationaux, les incidences sur les politiques, les répercussions fédérales, provinciales et territoriales, les questions relatives à la mise en œuvre, les réserves ou déclarations prévues et les consultations menées. La Chambre des communes dispose ensuite de 21 jours de séance pour examiner le traité avant que le pouvoir exécutif agisse pour faire entrer en vigueur le traité, que ce soit en procédant à sa ratification à l’échelle internationale ou en prenant des mesures internes, comme l’adoption d’une loi. La Chambre des communes a le pouvoir de débattre du traité et d’adopter une motion recommandant des mesures, y compris la ratification du traité; une telle motion, toutefois, n’a aucune force exécutoire.
En novembre 2020, le gouvernement fédéral a mis à jour sa politique sur le dépôt des traités devant le Parlement afin d’améliorer la communication de l’information pendant les négociations des accords de libre-échange. Avant le début de telles négociations, le gouvernement doit maintenant déposer les documents suivants devant la Chambre des communes :
Le dépôt des traités devant la Chambre des communes demeure un geste de courtoisie de la part du pouvoir exécutif, qui conserve le plein pouvoir de décider de la ratification du traité après l’examen parlementaire. La politique énonce clairement que, dans certaines situations exceptionnelles, le pouvoir exécutif peut être obligé de ratifier un traité avant son dépôt devant le Parlement. Le pouvoir exécutif demande alors au premier ministre d’autoriser une exemption et informe la Chambre des communes du traité dès que possible après la ratification 22.
On ne saurait examiner la ratification au Canada sans aborder la question de la mise en œuvre. Le Canada ne peut ratifier un traité international avant que des mesures aient été mises en place pour s’assurer que les modalités du traité peuvent être mises en œuvre dans les lois canadiennes. Contrairement aux pays qui fonctionnent selon un modèle moniste (p. ex. la France, où un traité, dès que la ratification est approuvée par le Parlement, est exécutoire dans le droit français), le Canada fonctionne selon un modèle dualiste : un traité signé et ratifié par le pouvoir exécutif doit quand même être intégré au droit interne pour être exécuté à l’échelle du pays. La jurisprudence souligne que la transformation d’un texte juridique de droit international en un texte juridique de droit interne n’est pas un processus automatique au Canada 23. Le droit international est entièrement séparé du droit interne, et il peut même parfois y avoir conflit entre les deux.
Il y a deux façons de s’y prendre. Dans certains cas, il est tout à fait évident que des lois canadiennes doivent être adoptées en vue de mettre en œuvre les dispositions d’un traité international. Le cas échéant, les ministres compétents donnent des instructions pour que soit rédigé un projet de loi de mise en œuvre. Une fois approuvé par le Cabinet, le projet de loi est déposé devant le Parlement et suit le processus législatif parlementaire. Il peut parfois arriver que le texte du traité lui même figure en annexe du projet de loi 24. Bien que ni le libellé du traité (dans l’annexe) ni son intention ou son objet ne puissent être modifiés au cours du processus législatif, d’autres modifications n’étant pas incompatibles avec les obligations découlant du traité peuvent être apportées au projet de loi de mise en œuvre 25. Par exemple, le projet de loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange Canada-Colombie a été modifié par le Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes afin d’y inclure de nouvelles dispositions obligeant le ministre du Commerce international à déposer devant le Parlement un rapport annuel sur l’incidence de l’Accord sur les droits de la personne dans les deux pays. De plus, les lois de mise en œuvre renferment habituellement une disposition portant approbation du traité. La plupart du temps, l’approbation est énoncée très simplement, par exemple, par l’expression : « l’Accord est approuvé » (ou une expression semblable) 26. En plus de la loi de mise en œuvre distincte (ou au lieu d’en adopter une), il peut être nécessaire de modifier d’autres lois en vigueur. Par exemple, les accords commerciaux sont généralement mis en œuvre au moyen de modifications apportées au Tarif des douanes, entre autres lois 27.
Parmi les exemples de lois fédérales distinctes mettant en œuvre directement un traité international, citons :
Il est rare qu’une loi de mise en œuvre ne soit pas adoptée par le Parlement, mais la situation peut se produire. Par exemple, en 1988, le Sénat a refusé d’adopter la Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange Canada–États-Unis proposée 30, ce qui a déclenché des élections. Un projet de loi similaire a été adopté peu après au cours de la nouvelle législature.
En revanche, le Canada considère habituellement que de nombreux traités et accords, particulièrement les traités internationaux visant les droits de la personne, ainsi que les accords sur la promotion et la protection des investissements étrangers, ne nécessitent pas de mesures législatives particulières pour leur mise en œuvre. Dans ces situations, le gouvernement déclare que les lois canadiennes sont déjà conformes aux obligations internationales du Canada ou que l’objet du traité ne nécessite pas de nouvelles dispositions législatives. Il peut alors procéder à la ratification sans mesures législatives de mise en œuvre particulières. Le cas échéant, avant la ratification, les fonctionnaires effectuent un examen de la législation existante afin de déterminer si des modifications ou de nouvelles dispositions législatives sont nécessaires pour assurer la conformité avec le traité. Les fonctionnaires du ministère de la Justice consultent alors les autres ministères et organismes fédéraux, les provinces et les territoires ainsi que des organisations non gouvernementales afin de déterminer si la législation existante est conforme au traité international, et de voir si le gouvernement doit ajouter une réserve 31 ou une déclaration d’interprétation au traité afin de préciser la position du Canada à l’égard de certaines questions. Dans les cas où des lois provinciales ou territoriales sont touchées, le pouvoir exécutif attend pour ratifier le traité que toutes les instances canadiennes aient indiqué qu’elles appuient la ratification 32.
Même si le Canada a signé et ratifié un traité, cela ne veut pas nécessairement dire qu’il est en vigueur. La date ou les conditions nécessaires pour l’entrée en vigueur sont fixées dans le traité lui-même ou dans un accord entre les parties, et il s’agit habituellement de la date où les instruments de ratification sont échangés ou déposés. Parfois, le traité fixe une date limite pour la ratification. Par exemple, l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) exigeait que les trois pays signataires terminent le processus de ratification et échangent les instruments de ratification au plus tard le 1er janvier 1994 33. Dans d’autres cas, la date d’entrée en vigueur n’est pas une date civile, mais dépend plutôt de l’accomplissement de formalités précisées dans le traité. Par exemple, un traité peut prévoir qu’il entrera en vigueur une fois qu’il aura été ratifié par un nombre donné de signataires. Ainsi, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer 34 devait être ratifiée par 60 États signataires avant d’entrer en vigueur. Même si 119 États l’avaient signée dès 1982, elle n’a pu entrer en vigueur avant le 16 novembre 1994, soit 12 mois après sa ratification par le 60e État 35. Plus récemment, l’ACEUM est entré en vigueur le 1er juillet 2020, le premier jour du troisième mois après que le dernier des trois pays signataires a transmis aux autres pays la notification les informant qu’il avait accompli ses procédures internes nécessaires à l’entrée en vigueur de l’Accord 36.
Soulignons que la date d’entrée en vigueur dans un pays donné ne correspond pas toujours à la date d’entrée en vigueur du traité lui-même. Un État peut parfois adhérer à un traité après son entrée en vigueur. Dans un tel cas, la date d’entrée en vigueur pour ce pays vient après sa ratification de l’instrument.
L’observation et le caractère exécutoire des traités internationaux constituent un vaste sujet dont on ne peut traiter en détail en quelques paragraphes. En fait, les formes de traités internationaux, les niveaux de force exécutoire et les mécanismes d’exécution sont multiples.
Divers organismes peuvent contribuer à l’exécution des conventions et des traités internationaux aux niveaux international et régional. Par exemple, l’exécution des traités commerciaux peut être assurée par l’Organisation mondiale du commerce 37, qui prévoit diverses instances juridiques pour veiller au respect des règles commerciales, ou par des accords commerciaux bilatéraux ou régionaux prévoyant la création de groupes spéciaux sur une base ad hoc.
Par contre, les traités relatifs aux droits de la personne sont fréquemment assujettis à une forme de surveillance par des organes créés au nom des traités (ou « organes de traités ») des Nations Unies 38. Les observations finales 39 formulées par les organes de traités des Nations Unies concernant le respect de ces instruments par les pays n’ont pas force exécutoire, mais elles exercent néanmoins une importante influence morale.
Les atteintes au droit humanitaire, comme les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, relèvent quant à elles de la Cour pénale internationale 40, qui est investie du pouvoir d’incarcérer des particuliers. La Cour internationale de justice 41 est également chargée de régler les différends juridiques qui lui sont soumis par les États en conformité avec le droit international en général et de donner un avis sur les questions juridiques qui lui sont soumises par des organes des Nations Unies et des organismes spécialisés.
À l’échelon fédéral, il existe peu de mécanismes officiels pour assurer l’observation par le gouvernement fédéral des traités internationaux dont il est signataire. Entre 1915 et 1995, la loi obligeait le ministère des Affaires extérieures à faire rapport chaque année au Parlement des activités de conclusion des traités du Canada, en soumettant notamment une liste des accords conclus au cours de l’année. Cette pratique a pris fin lorsqu’une loi adoptée en 1995 a modifié le nom et le mandat du ministère.
Aujourd’hui, les dispositions législatives de mise en œuvre des traités obligent parfois le gouvernement fédéral à déposer certains rapports ou documents devant le Parlement. Par exemple, l’article 42 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse 42 exige le dépôt devant le Parlement des décrets de mise en œuvre des accords de sécurité sociale que le Canada conclut avec des États étrangers. Ces documents peuvent par la suite être examinés par des comités parlementaires qui pourront formuler des observations ou des recommandations sur le respect des obligations contractées par le Canada en vertu de traités internationaux 43. Même en l’absence de telles dispositions, les comités parlementaires ont un rôle de surveillance à jouer et peuvent décider d’examiner si le gouvernement fédéral respecte ses obligations internationales découlant de traités particuliers et de formuler des recommandations à cet égard. Par exemple, dans son rapport d’avril 2007 intitulé Les enfants : des citoyens sans voix, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a examiné la mesure dans laquelle le gouvernement respectait la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies.
Diverses organisations non gouvernementales d’un bout à l’autre du pays – des groupes de défense des droits de la personne jusqu’aux organismes chargés de surveiller les échanges commerciaux du Canada avec les autres pays – formulent aussi à intervalles réguliers des observations sur le respect des obligations internationales du gouvernement. Le droit international des droits de la personne évolue vers la création de mécanismes de surveillance et de reddition de comptes en vertu des lois nationales 44. Même si, jusqu’ici, aucun organe expressément chargé de surveiller le respect des obligations découlant des traités internationaux n’a été établi au Canada, un certain nombre d’institutions, comme la Commission canadienne des droits de la personne, jouent un rôle important afin que le gouvernement fédéral rende des comptes à cet égard 45.
Enfin, les tribunaux canadiens commencent à jouer un plus grand rôle dans la surveillance de l’observation par le gouvernement fédéral des dispositions des traités qu’il a ratifiés. Les tribunaux se fondent de plus en plus sur la présomption interprétative en common law selon laquelle toute loi adoptée au Canada remplit les obligations juridiques internationales de notre pays, même quand celles-ci ne sont pas explicitement mises en œuvre dans le droit interne. On suppose que le Parlement entend légiférer d’une manière qui honore ses obligations internationales 46.
Des affaires comme Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 47 constituent d’importants exemples de cette présomption interprétative. Dans cette affaire, Mme Baker était une immigrante clandestine ayant fait l’objet d’un avis d’expulsion du Canada. Elle a appelé de cette décision en invoquant des raisons d’ordre humanitaire, affirmant entre autres que son expulsion aurait pour effet de l’obliger à abandonner au Canada ses enfants nés au pays. Citoyenneté et Immigration Canada a alors confirmé la décision relative à l’expulsion, sans toutefois fournir de raison, et la cause a finalement été portée en appel devant la Cour suprême du Canada. La majorité des juges de la Cour suprême du Canada a statué que, même si le Canada n’avait pas intégré la Convention relative aux droits de l’enfant au droit interne, le principe directeur de cet instrument qui fait de l’intérêt supérieur de l’enfant le point principal des décisions touchant les enfants aurait dû s’appliquer dans ce cas particulier. La Cour suprême du Canada a mentionné le rôle important des instruments internationaux en matière de droits de la personne, précisant qu’ils ont une incidence cruciale sur l’interprétation de l’étendue des lois nationales comme la Charte canadienne des droits et libertés 48.
On ne peut examiner le respect par le Canada de ses obligations découlant des traités internationaux sans aborder le rôle des provinces. Bien que le gouvernement fédéral soit le seul autorisé à négocier, à signer et à ratifier les traités internationaux, il n’empêche que nombre de traités portent sur des questions relevant de la compétence provinciale. Au Canada, le Parlement et les assemblées législatives provinciales adoptent des lois dans les domaines dans lesquels ils ont compétence selon la Constitution. Cette répartition des pouvoirs législatifs est prévue principalement aux articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867. Si le consentement provincial n’est pas nécessaire à la ratification, il reste que le gouvernement fédéral a pour politique de consulter les provinces avant de signer des traités qui touchent à des questions relevant de leur compétence 49.
En outre, bien qu’il soit le seul ordre de gouvernement responsable devant la communauté internationale de l’observation des traités qu’il signe, le gouvernement fédéral ne peut pas imposer l’observation des traités internationaux dans des domaines qui échappent à sa compétence. Dans l’arrêt relatif aux conventions de travail de 1937 50, le Comité judiciaire du Conseil privé britannique a affirmé que le fédéral ne peut invoquer la nécessité de donner suite à des engagements internationaux pour justifier un empiétement dans des sphères de compétence provinciale. Quand un traité vise une sphère de compétence provinciale, les dispositions pertinentes ne peuvent être mises en œuvre que par l’assemblée législative provinciale visée. Par conséquent, la mise en œuvre et l’observation de traités relèvent de la responsabilité provinciale et territoriale aussi bien que de la responsabilité fédérale.
Pourtant, malgré le régime constitutionnel du Canada, les articles 26 et 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités tiennent quand même le gouvernement fédéral responsable devant la communauté internationale de la mise en œuvre des traités internationaux conclus par le Canada 51. Dès qu’un traité est ratifié, on présume que le Canada l’exécutera de bonne foi. Un exemple de la nécessité pour le gouvernement fédéral de respecter ses obligations internationales est l’affaire Arieh Hollis Waldman c. Canada 52. Dans cette affaire, un organe de traité des Nations Unies a critiqué le financement par l’Ontario d’un réseau d’écoles catholiques séparées, mais a reproché au gouvernement fédéral d’avoir contrevenu à la disposition du Pacte international relatif aux droits civils et politiques 53 visant à garantir l’égalité – malgré le fait que l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 autorise ce traitement de faveur 54. Un autre exemple plus récent concerne l’ALENA et l’entente de règlement obligeant le gouvernement fédéral à verser une compensation à la société de produits forestiers AbitibiBowater en raison de mesures prises par le gouvernement de Terre Neuve-et-Labrador 55.
Afin de limiter la responsabilité du Canada lorsque les traités visent des sphères de compétence législative provinciale, le Canada peut négocier avec d’autres États l’inclusion d’une « clause fédérale » dans le traité lui-même. La clause informe toutes les parties, à divers degrés selon l’objet du traité et le libellé de ses articles, que le gouvernement du Canada pourrait éprouver des difficultés à mettre en œuvre le traité puisqu’il doit, pour cela, obtenir la collaboration des provinces canadiennes. Les traités contenant une telle clause permettent au gouvernement de s’engager seulement à remplir les obligations internationales qui sont de compétence fédérale et à faire de son mieux pour obtenir la collaboration des provinces. Le gouvernement peut aussi utiliser ce type de clause pour déclarer que le traité s’applique uniquement aux provinces qui l’ont accepté 56.
En revanche, certaines provinces ont mis en application des lois qui visent expressément à donner effet à des traités internationaux en droit provincial 57. Une autre approche consiste à établir dans des accords internationaux des obligations propres aux provinces et territoires. Par exemple, l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne exige de certaines entités des gouvernements provinciaux et territoriaux qu’elles ne discriminent pas les fournisseurs européens dans le processus de passation des marchés publics sous certaines conditions 58.
La méthode suivie au Canada pour négocier, signer, ratifier et mettre en œuvre des traités internationaux ne cesse d’évoluer. Le droit et la Constitution sont presque muets au sujet des pouvoirs à cet égard, lesquels dépendent en grande partie de la prérogative royale, de la tradition et des politiques. La Chambre des communes joue maintenant un plus grand rôle avant la ratification officielle. Ce rôle accru du Parlement est important, mais il convient de se rappeler qu’il découle d’une politique, et non de la loi, et qu’il peut facilement être révoqué ou contourné au besoin. Les comités parlementaires peuvent aussi jouer un rôle lorsqu’il s’agit de s’assurer que le Canada respecte bien les conventions et traités internationaux qu’il a signés. À cette fin, ils peuvent entendre des représentants de la société civile, du milieu des affaires, des universités, du gouvernement et de la communauté internationale et formuler des recommandations afin d’aider le Canada à respecter ses obligations internationales.
Selon l’al. 2(1)d) de la Convention de Vienne sur le droit des traités, l’expression « réserve » s’entend :
d’une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un État quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet État.
ONU, Convention de Vienne sur le droit des traités (315 Ko, 34 pages), 1969, p. 123. Voir aussi la définition de « réserve » donnée dans Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies (HCDH), Human Rights Treaty Bodies – Glossary of technical terms related to the treaty bodies :
[ Retour au texte ]Une réserve est une déclaration d’un État, quel que soit son libellé ou sa désignation, par laquelle il vise à se soustraire à l’application de certaines dispositions d’un traité ou à modifier leur effet juridique. Une réserve peut permettre à un État de participer à un traité multilatéral dont il ne pourrait ou ne voudrait autrement être partie. Un État, au moment de signer, de ratifier, d’accepter, d’approuver un traité ou d’y adhérer, peut formuler une réserve. Quand un État formule une réserve au moment de signer un traité, il doit la confirmer au moment de ratifier, d’accepter ou d’approuver le traité.
Les réserves sont régies par la Convention de Vienne sur le droit des traités et ne peuvent être contraires à l’objet et au but du traité, ce qui signifie qu’un État, au moment de signer, de ratifier, d’accepter, d’approuver un traité ou d’y adhérer, peut formuler une réserve, à moins a) que la réserve ne soit interdite par le traité ou b) que le traité ne prévoit que seules certaines réserves, parmi lesquelles ne figure pas la réserve en question, peuvent être établies. Les autres États parties peuvent formuler des objections à l’égard d’une réserve établie par un État partie. L’État auteur de la réserve peut la retirer en tout temps, et ce, en tout ou en partie [traduction].
Par exemple, les accords commerciaux négociés par le gouvernement fédéral comportent souvent un risque de responsabilité financière résultant des actions des provinces. Les gouvernements provinciaux et territoriaux sont souvent consultés durant les négociations commerciales. Un forum d’échange de renseignements – le Comité fédéral-provincial-territorial sur le commerce (C Commerce) – sert également de mécanisme de consultation entre les divers ordres de gouvernement et les autres acteurs. Pour en savoir plus, voir Patrick Fafard et Patrick Leblond, Twenty-First Century Trade Agreements: Challenges for Canadian Federalism, The Federal Idea, septembre 2012; et Christopher J. Kukucha, The Provinces and Canadian Foreign Trade Policy, 2009, p. 53 à 58. Pour en savoir plus sur les activités du C-Commerce, voir François-Philippe Champagne, ministre du Commerce international, Réponse du gouvernement au septième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international intitulé Les accords de libre-échange : Un levier de prospérité économique (761 Ko, 20 pages), 2017, p. 5; et Affaires mondiales Canada, « Négociation des accords commerciaux du Canada : processus et consultations », Accords de commerce international et administration locale : un guide pour les municipalités canadiennes.
Les droits de la personne relèvent aussi de la compétence fédérale et de la compétence provinciale. Un Comité permanent des fonctionnaires chargés des droits de la personne a été créé pour faciliter les consultations entre les responsables fédéraux, provinciaux et territoriaux relativement à la mise en œuvre et au respect de traités internationaux portant sur les droits de la personne. Cet organe est supervisé par un Comité permanent des hauts fonctionnaires fédéral-provincial-territorial responsables des droits de la personne, qui travaille lui-même sous la direction du Forum des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables des droits de la personne. Voir Gouvernement du Canada, À propos des droits de la personne.
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