Au fil des ans, le rôle du Parlement dans la conduite des affaires étrangères s’est limité principalement à examiner les pouvoirs exercés par l’exécutif dans le cadre de la politique étrangère. Cette situation tient dans une large mesure à la structure constitutionnelle dont le Canada a hérité de la Grande-Bretagne, qui fait en sorte que la conduite des affaires étrangères s’inscrit dans l’exercice de la « prérogative royale » par le Cabinet.
Durant les périodes de crise ou de conflit, ces limites imposées au Parlement par la Constitution ont fait l’objet de débats. En 1999, durant le conflit concernant le Kosovo en Yougoslavie, le gouvernement a prévu des débats à la Chambre des communes sur le déploiement de troupes canadiennes. Il n’a cependant pas cherché à obtenir une résolution parlementaire appuyant la participation du Canada à l’intervention militaire de l’OTAN en Yougoslavie. Plus récemment, le gouvernement a autorisé la tenue à la Chambre des communes, le 10 avril 2006, d’un débat exploratoire sur la participation du Canada à la mission multinationale en Afghanistan longtemps après l’engagement des Forces canadiennes dans les opérations.
Les partisans de cette approche traditionnelle de la participation du Parlement à la politique étrangère soulignent son efficacité : le gouvernement peut réagir aux événements internationaux avec plus de rapidité et de fermeté que si le Parlement devait approuver au préalable les mesures à prendre sur la scène internationale. En effet, il arrive souvent que le Parlement ne siège pas, tandis que le Cabinet peut être convoqué beaucoup plus facilement et continue d’exister même après la dissolution ou la prorogation du Parlement. En outre, l’exécutif est de toute façon tenu de rendre compte au Parlement de ses actions et de ses décisions, et le Parlement doit approuver toute modification que l’on propose d’apporter à la législation canadienne.
Les partisans d’une réforme estiment pour leur part que le statu quo donne un pouvoir trop grand à l’exécutif et que le droit de regard dont dispose actuellement le Parlement est inadéquat : ce dernier ne peut souvent s’en prévaloir qu’après coup, une fois que le Canada s’est engagé sur les plans juridique, politique ou même militaire. Ils font remarquer que les pratiques en vigueur dans d’autres pays – et même des pratiques qui ont déjà eu cours au Canada – donnent un rôle plus important aux législateurs dans la prise de décisions clés telles que la conclusion des traités et les interventions militaires.
La conduite des affaires étrangères (c.-à-d. recevoir et envoyer des représentants diplomatiques, mener des négociations internationales, conclure et approuver des traités et d’autres accords internationaux, et même déclarer la guerre) incombe traditionnellement à la Couronne et fait partie ce que l’on appelle la prérogative royale. Il en va de même pour la question connexe du déploiement des forces militaires du Canada à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières : la Reine (représentée par le Cabinet) est le commandant en chef de toutes les forces armées canadiennes1. Les divers pouvoirs qui continuent de dépendre de la prérogative royale, y compris celui de conduire les affaires étrangères, sont maintenant exercés par le Cabinet.
Par le passé, le pouvoir exécutif en Grande-Bretagne reposait principalement sur la prérogative royale, qui permettait à la Couronne d’exercer des pouvoirs exécutifs considérables de même que des pouvoirs législatifs et judiciaires à l’égard des colonies. Les législatures qui se sont succédé ont cependant, appuyées en cela par des décisions des tribunaux, en Grande-Bretagne et au Canada, supprimé ou modifié graduellement ces privilèges exclusifs. À l’heure actuelle au Canada, la prérogative se confine, dans les faits, à quelques domaines : les affaires étrangères et la conclusion de traités, les immunités et les privilèges, les pouvoirs liés aux forces armées, les situations d’urgence, ainsi que quelques pouvoirs qui concernent le Parlement, tels que la dissolution ou la prorogation. Certains de ces pouvoirs sont même limités par diverses lois adoptées par le Parlement ou à la suite d’interventions des tribunaux.
Les Cabinets provinciaux possèdent certaines prérogatives, mais seul le Cabinet fédéral est autorisé à diriger les affaires étrangères, en vertu d’un pouvoir qui lui a été dévolu à la suite de l’édiction du Statut de Westminster par le Royaume-Uni en 1931; ce texte législatif confirmait les pouvoirs en matière d’affaires étrangères initialement décrits dans la Déclaration Balfour de 1926. Auparavant, le rôle du gouvernement fédéral, précisé à l’article 132 de la Loi constitutionnelle de 1867, se limitait à mettre en œuvre les traités conclus par le Royaume-Uni au nom du Canada. Cet article est maintenant caduc.
Les tribunaux canadiens ont eu l’occasion de se pencher sur la portée de la prérogative concernant les affaires étrangères. Récemment, la Cour suprême a assimilé l’exercice de la prérogative royale dans le domaine des affaires étrangères à une « responsabilité constitutionnelle », mais non sans affirmer que les tribunaux jouissent d’un pouvoir circonscrit de l’examiner pour s’assurer de la constitutionnalité de l’action de l’exécutif2.
La Cour suprême a cherché à établir si le refus du premier ministre de solliciter le rapatriement d’un citoyen canadien détenu par les autorités américaines à Guantanamo Bay pouvait être examiné par un tribunal et quelle devrait être la réparation dans les cas où l’exécutif viole un droit constitutionnel dans l’exercice d’une prérogative royale. Le requérant qui demandait à être rapatrié avait invoqué une violation de ses droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) lorsque des représentants officiels du Canada l’avaient interrogé pendant sa détention à Guantanamo et avaient transmis les renseignements obtenus aux procureurs américains. Il avait fait valoir qu’une réparation fondée sur la Charte aurait été une ordonnance intimant au premier ministre du Canada de demander son rapatriement. Les tribunaux inférieurs étaient de cet avis.
La Cour suprême a jugé que la décision de solliciter le rapatriement constituait un exercice de la prérogative royale en matière de relations étrangères. Elle a confirmé que l’on pourrait vérifier que la manière dont cette prérogative est exercée ne contrevient pas à la Constitution. Elle a aussi confirmé que les droits du requérant garantis par la Charte avaient été violés. Elle a cependant refusé d’ordonner au premier ministre de rapatrier le requérant et a laissé à l’exécutif le soin d’établir la réparation convenable à la lumière de sa responsabilité constitutionnelle de prendre des décisions en matière d’affaires étrangères.
Bien que l’exécutif joue un rôle prépondérant dans la politique étrangère, celui du Parlement demeure digne d’intérêt. Par exemple s’il appartient à l’exécutif de négocier, de conclure et de ratifier des traités, il n’en reste pas moins que depuis plus de 80 ans, le Parlement participe de façon ponctuelle au processus de ratification. Ainsi, de 1926 à 1966, l’exécutif présentait les traités importants au Parlement pour obtenir son approbation avant leur ratification. Jusqu’en 1999, le dépôt des traités au Parlement après leur ratification était aussi une pratique relativement courante.
En janvier 2008, le gouvernement fédéral a annoncé une politique3 visant à renforcer le rôle des parlementaires dans le processus de ratification. Conformément à cette politique, il dépose maintenant à la Chambre des communes tous les traités entre le Canada et d’autres États (ou toute autre entité) avant leur ratification. Le greffier de la Chambre distribue le texte intégral de l’accord accompagné d’une note expliquant les principaux enjeux, y compris les obligations fondamentales, les intérêts du Canada, les facteurs touchant aux relations entre le fédéral et les provinces et territoires, les questions de mise en œuvre, ainsi que la description des réserves ou des déclarations prévues et des consultations entreprises. La Chambre des communes dispose de 21 jours de séance pour examiner le traité avant que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour lui donner effet en le ratifiant ou en prenant d’autres mesures préliminaires, comme la présentation d’un projet de loi. La Chambre est habilitée à débattre le traité et à adopter une motion recommandant sa ratification ou d’autres mesures.
Un tel vote n’a toutefois aucune valeur juridique. La présentation des traités à la Chambre des communes n’est qu’une simple marque de courtoisie de la part de l’exécutif. En effet, celui-ci conserve le pouvoir de ratifier ou non le traité après l’examen parlementaire. De plus, la politique dit clairement que, dans les cas exceptionnels, l’exécutif peut ratifier un traité avant de le présenter au Parlement. Dans ces cas, toutefois, l’exécutif doit demander au premier ministre d’autoriser une exemption et il doit informer la Chambre des communes de l’existence du traité dans les meilleurs délais après sa ratification.
C’est sans doute dans la mise en œuvre des traités que le Parlement joue le rôle le plus déterminant. En effet, bien que l’exécutif ait la haute main sur la négociation, la signature et la ratification des traités, ceux-ci ne prennent effet au pays qu’après leur incorporation dans le droit national. Il s’agit là d’une conséquence de la norme constitutionnelle qui assure la séparation fondamentale entre les pouvoirs exécutif et législatif du gouvernement.
Concrètement, il résulte de cet arrangement constitutionnel que le pouvoir exécutif a compétence pour conclure des traités qui lient le Canada en droit international dans le contexte international. Cependant, ces traités ne modifient pas en eux-mêmes le droit national en vigueur et n’ont aucun effet juridique à l’échelle nationale. S’il en était autrement, le pouvoir exécutif pourrait contourner le principe constitutionnel selon lequel il ne lui appartient pas de faire les lois du pays.
Les traités peuvent être incorporés dans le droit national de deux façons. Dans certains cas, il est très clair qu’une loi est nécessaire à la mise en œuvre des modalités d’un traité international; un projet de loi est alors rédigé en conséquence et déposé devant le Parlement. Toutefois, dans le cas de bien des traités, en particulier les conventions internationales sur les droits de la personne et les accords sur la promotion et la protection des investissements étrangers, une loi de mise en œuvre n’est pas toujours nécessaire. Dans de tels cas, les fonctionnaires procèdent à un examen des lois en vigueur pour déterminer s’il faut les modifier ou créer une nouvelle loi afin de respecter les dispositions du traité. Si aucune modification ni aucune nouvelle loi n’est nécessaire, la ratification peut avoir lieu sans l’adoption d’une mesure législative de mise en œuvre. Cependant, si des lois provinciales ou territoriales sont touchées, l’exécutif ne ratifiera pas le traité avant d’avoir obtenu le consentement de tous les gouvernements du pays.
Il s’agit là d’une complication imposée par le système constitutionnel du Canada : le gouvernement fédéral n’a pas l’exclusivité du pouvoir de mettre en œuvre les traités, mais il le partage avec les provinces. Étant donné que la Constitution n’attribue ni à un ordre de gouvernement ni à l’autre le pouvoir de mettre en œuvre les traités, chacun a compétence lorsque la question abordée par un traité relève d’un champ de compétence législative qui lui a été attribué par les articles 91 ou 92 de la Loi constitutionnelle de 1867. Bien que l’exécutif fédéral puisse ratifier des traités pour l’ensemble du Canada, il lui faut l’approbation des assemblées législatives provinciales pour mettre en œuvre et faire entrer en vigueur au pays un traité touchant l’une des compétences législatives énoncées à l’article 92 de la Loi constitutionnelle de 18674.
Différents mécanismes fédéraux-provinciaux façonnés par le caractère particulier du fédéralisme canadien permettent habituellement de surmonter ces difficultés. Ainsi, avant de conclure un traité touchant une question qui relève de la compétence provinciale, le fédéral établit généralement un mécanisme de consultation et de coopération avec les provinces afin d’éviter les difficultés liées à sa mise en œuvre. Dans les cas où il n’est pas sûr de pouvoir rallier les provinces à sa cause, le fédéral peut tenter de faire inclure dans le traité une clause limitant les obligations des États fédéraux à celles qui touchent les questions relevant de leur compétence législative. Ou alors, une clause qui engage les États fédéraux à faire de leur mieux pour obtenir l’adhésion des provinces au traité.
La procédure d’examen parlementaire donne aux parlementaires des possibilités importantes de prendre part à la politique étrangère. Chaque année, les ministres doivent rendre compte au Parlement en ce qui concerne l’aide officielle au dévelop-pement international. Puisque le gouvernement rend compte directement au Parlement, les ministres chargés de la politique étrangère et leurs fonctionnaires peuvent être appelés à aborder d’importantes questions relatives aux traités, notamment leurs conséquences pour le Canada, la capacité du pays à s’acquitter de ses obligations internationales et la question de savoir si les traités cadrent avec la politique publique en général. Les comités des affaires étrangères du Parlement ont un mandat très large pour ce qui est de se renseigner sur tous les aspects de la politique étrangère et d’examiner les mesures législatives qui leur sont renvoyées, ainsi que les prévisions budgétaires des ministères et des organismes chargés de mettre en œuvre la politique étrangère.
Ce n’est pas là un rôle minime, et différents comités parlementaires ont profité de ces occasions pour s’exprimer sur la politique étrangère du Canada et donner à l’exécutif leur avis sur les traités et d’autres initiatives en matière de politique étrangère. En outre, toutes les modifications qu’il faut apporter à la législation canadienne pour assurer le respect des obligations du Canada aux termes de traités doivent être approuvées au moyen de lois adoptées par le Parlement. Bien sûr, ces occasions se présentent seulement lorsque le Parlement est appelé à adopter des mesures législatives spéciales pour mettre en œuvre des traités. En définitive, le Parlement peut accorder des fonds et sa confiance au gouvernement, ou décider de ne pas le faire.
Les défenseurs d’un rôle élargi pour le Parlement dans les décisions importantes en matière de politique étrangère – par exemple la participation aux conflits à l’étranger (soit comme gardien de la paix ou comme belligérant) ou le fait d’assumer de nouvelles obligations par traité – font remarquer, à juste titre, que son rôle dans ce domaine a déjà été considérable.
La participation du Parlement aux décisions relatives à la politique étrangère semble avoir atteint son apogée sous William Lyon Mackenzie King (1921-1926, 1926-1930 et 1935-1948). Le Canada façonnait alors sa propre politique étrangère indépendamment du Royaume-Uni et le premier ministre King tenait beaucoup à ce que le Parlement constitue la principale tribune où débattre l’orientation des relations extérieures du Canada et prendre des décisions à ce sujet.
Sur la question de la participation militaire à l’étranger, King a déclaré :
C’est au Parlement de décider si, oui ou non, nous devons intervenir dans les guerres qui sévissent sur les divers points du globe. Il n’appartient à aucun particulier ni à aucun groupe de faire quoi que ce soit de nature à porter atteinte aux droits du Parlement dans une question d’un si grand intérêt pour le peuple canadien tout entier5.
Le moment venu, M. King a appliqué ce principe : avant de déclarer officiellement la guerre à l’Allemagne, en septembre 1939, il a demandé et obtenu une résolution conjointe du Parlement en faveur de l’entrée en guerre du Canada, même si la loi ne l’y obligeait pas.
Le Parlement joue également un rôle de premier plan lorsque la politique étrangère comporte des enjeux de sécurité nationale. La loi lui attribue un rôle direct et précis en ce qui concerne les situations d’urgence nationale. À titre d’exemple, la partie VI de la Loi sur les mesures d’urgence dispose que le Parlement doit confirmer toute déclaration de situation de crise faite par le gouverneur en conseil, à savoir un état de guerre, une crise internationale, un sinistre ou un état d’urgence. Cette loi prévoit aussi la création d’un comité d’examen parlementaire (un comité mixte spécial du Parlement) chargé d’examiner ce que fait le Cabinet des pouvoirs d’urgence.
D’autres lois portant sur la sécurité nationale et les situations d’urgence d’une autre nature prévoient une surveillance parlementaire. C’est le cas de la Loi antiterroriste de 2001, qui disposait que le Sénat, la Chambre des communes ou les deux devaient effectuer un examen approfondi de son application dans les trois ans suivant la sanction royale.
La plupart des autres grandes démocraties industrialisées semblent faire participer davantage leurs assemblées législatives nationales à l’approbation des traités. Par exemple, plusieurs pays – la France, l’Allemagne, le Danemark, l’Italie et les États-Unis – sont tenus par leur Constitution d’obtenir l’approbation législative d’au moins certaines catégories d’accords internationaux avant leur ratification. Dans ces pays, toutefois, contrairement au Canada, les traités ratifiés sont généralement incorporés dans la législation nationale sans qu’il soit nécessaire d’adopter des lois de mise en œuvre supplémentaires.
Certains pays dont les traditions constitutionnelles ont des points communs avec celles du Canada ont aussi cherché à officialiser le rôle que leur Parlement joue dans l’examen des traités envisagés.
Au Royaume-Uni, une convention établie dans les années 1920, la Ponsonby Rule, rendait obligatoire le dépôt des accords internationaux devant les deux Chambres du Parlement avant leur ratification. Les conventions de ce type sont des règles que la tradition politique incite les gouvernements à suivre, mais elles n’ont pas de force juridique contraignante. Cependant, la Ponsonby Rule a reçu force de loi en 2010 dans le contexte d’un mouvement de réforme constitutionnelle. La partie 2 de la Constitutional Reform and Governance Act 2010 prévoit désormais le dépôt de la plupart des traités devant les deux Chambres du Parlement 21 jours avant leur ratification, et ils doivent être accompagnés d’un mémoire explicatif portant sur les dispositions du traité et les raisons pour lesquelles la ratification est sollicitée. Si l’une ou l’autre des deux Chambres vote contre la ratification, le gouvernement doit alors présenter une déclaration justifiant sa position. En définitive, la Chambre des communes peut ainsi bloquer indéfiniment la ratification. Si les traités doivent être déposés devant le Parlement, il n’est nullement obligatoire qu’ils fassent l’objet d’un vote ou d’un examen en comité.
En 1996, l’Australie a aussi modifié son processus de conclusion des traités. Selon le processus modifié, il faut :
En 2010, le Parlement européen a obtenu d’importants pouvoirs relativement aux traités négociés par l’Union européenne, et cela, par suite de modifications apportées aux principaux traités de l’Union européenne et de la Communauté européenne par le Traité de Lisbonne, entré en vigueur en décembre 2009. Ce traité modificatif a créé des versions consolidées de deux traités, le Traité sur l’Union européenne et le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Le Parlement européen jouit maintenant d’un droit de veto effectif concernant tout accord international conclu par la Commission européenne sur des questions pour lesquelles l’Union européenne dispose d’une compétence législative exclusive en ce qui concerne les États membres, conformément à l’article 3 du TFUE (p. ex. l’union douanière et la politique commerciale commune).
Selon le titre V de la cinquième partie du TFUE, et l’article 218 en particulier, le Parlement européen doit donner son approbation à la plupart des accords internationaux négociés par la Commission. Dans le cas des autres accords, il doit donner son avis.
Dans de nombreux pays qui n’ont pas un système parlementaire de style britan-nique, l’assemblée législative a un rôle officiel prévu par la loi pour ce qui est des déclarations de guerre. C’est ce que prévoit, par exemple, la Constitution américaine. Pour bien des États, toutefois, la « déclaration de guerre » semble être tombée en désuétude depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Désireux de regagner une certaine influence sur la participation militaire à l’étranger à une époque où les guerres sont menées sans être déclarées, le Congrès américain a adopté la War Powers Act en 1973. Aux termes de cette loi, le Congrès doit adopter une résolution approuvant une action militaire américaine à l’étranger, soit dès le début d’une intervention, soit dans les 60 à 90 jours suivants, sauf si les États-Unis sont attaqués ou font l’objet d’une déclaration de guerre.
L’Allemagne est un autre pays où le Parlement est doté de forts pouvoirs en matière de participation à un conflit. Le Parlement allemand – le Bundestag – doit approuver toutes les décisions visant à envoyer les forces armées du pays à l’étranger dans le cadre de missions militaires.
Au Royaume-Uni, un livre vert intitulé The Governance of Britain et rendu public par le gouvernement en 2007 proposait une réforme de la prérogative royale en ce qui concerne l’envoi des forces armées à l’étranger. Il recommandait que, dans la mesure du possible – mais sans porter préjudice à sa capacité d’assurer la sécurité nationale ni éroder la sécurité ou l’efficacité opérationnelles –, le gouvernement demande l’approbation de la Chambre des communes avant tout déploiement important et extraordinaire des forces armées dans une zone de conflit. Le livre blanc de 2008 sur le renouveau constitutionnel intitulé The Governance of Britain – Constitutional Renewal et le comité mixte sur le projet de loi sur le renouvellement de la Constitution appelaient à la mise en œuvre de cette modification au moyen d’une résolution détaillée, plutôt que d’une loi. Toutefois, le changement n’a pas encore été effectué.
Les appels à un rôle plus actif du Parlement dans les affaires étrangères proviennent de sources diverses. Plusieurs parlementaires ont aussi proposé des mesures législatives pour conférer au Parlement un rôle plus explicite dans l’adoption de lois importantes touchant la politique étrangère.
Pour ce qui est de faire approuver par le Parlement les interventions militaires canadiennes à l’étranger, un projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi C-295 (1re session, 35e législature), présenté par M. Strahl (Fraser Valley), a été rejeté en juin 1995, tout comme l’ont été ensuite d’autres résolutions proposées par MM. Mills (Red Deer) et Duceppe (Laurier–Ste-Marie).
Selon un projet de loi d’initiative parlementaire entré en vigueur en juin 2007, le gouvernement doit présenter des rapports périodiques sur les plans du Canada en matière de changements climatiques; prendre, modifier ou abroger des règlements pour honorer les cibles du Canada aux termes du Protocole de Kyoto en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre; et faire périodiquement rapport des progrès réalisés par le Canada vers l’atteinte de ses objectifs. Cette mesure législative, la Loi de mise en œuvre du Protocole de Kyoto, était au cœur d’une contestation judiciaire, en 20126, de la décision prise par le gouvernement de se retirer du Protocole de Kyoto. Selon l’argumentation proposée, la loi en question empêchait le Canada de se retirer du Protocole, parce qu’elle limitait l’exercice par le Cabinet de la prérogative royale relativement aux traités, en l’occurrence le Protocole de Kyoto. La Cour a rejeté la contestation, affirmant que cette loi n’imposait aucune obligation de fond, seulement l’obligation pour le Cabinet de produire des rapports périodiques concernant les plans relatifs aux changements climatiques. Aucune disposition expresse ou implicite n’avait pour effet de limiter la prérogative du Cabinet en ce qui touche ce traité international précis, y compris la prérogative de s’en retirer.
Par ailleurs, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères a recommandé, dans son rapport d’avril 2000 intitulé La « nouvelle » OTAN et l’évolution du maintien de la paix : conséquences pour le Canada, que le Parlement assume un rôle plus important dans l’examen des nouveaux accords internationaux et dans l’approbation de la participation du Canada aux conflits à l’étranger.
Enfin, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a demandé, dans son rapport de décembre 2001 intitulé Des promesses à tenir : Le respect des obligations du Canada en matière de droits de la personne et dans son rapport d’avril 2007 intitulé Les enfants : des citoyens sans voix, que le Parlement joue un rôle accru en ce qui concerne les obligations internationales du Canada dans le domaine des droits de la personne.
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• La « nouvelle » OTAN et l’évolution du maintien de la paix : conséquences pour le Canada, septième rapport, 2e session, 36e législature, avril 2000. Voir le chapitre VIII, « Le Parlement et les engagements militaires du Canada ».
• Témoignages, 1re session, 36e législature, 1997 à 1999. En particulier, sur le rôle du Parlement et des engagements militaires à l’étranger, voir Témoignages, 1er juin 1999 (Stephen A. Scott, Faculté de droit, Université McGill) et Témoignages, 8 juin 1999 (Kim Richard Nossal, Département de sciences politiques, Université McMaster).
† Les documents de la série En bref de la Bibliothèque du Parlement sont des survols de sujets d’actualité. Dans certains cas, ils donnent un aperçu de la question et renvoient le lecteur à des documents plus approfondis. Ils sont préparés par le Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque, qui effectue des recherches et fournit des informations et des analyses aux parlementaires, ainsi qu’aux comités du Sénat et de la Chambre des communes et aux associations parlementaires, et ce, de façon objective et impartiale. [ Retour au texte ]
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