Une fois qu'un projet de loi a été adopté par le Sénat et la Chambre des communes et qu'il a reçu la sanction royale, il devient une loi fédérale et donc partie intégrante des Lois du Canada. Cependant, une loi n'est pas exécutoire avant d'avoir pris effet1 . Il y a une différence entre la promulgation et l'entrée en vigueur d'une loi. La promulgation est réalisée au moment où le projet de loi reçoit la sanction royale2 , alors que l'entrée en vigueur est le moment où la loi acquiert son caractère obligatoire et sa capacité d'avoir des conséquences juridiques.
La Constitution canadienne ne contient aucune disposition concernant l'entrée en vigueur des lois du Parlement. Selon les règles de la common law héritées du Royaume-Uni, une loi est réputée être entrée en vigueur le premier jour de la session au cours de laquelle elle a été adoptée. Toutefois, cette règle a été modifiée au Royaume-Uni en 17933 , et au Canada, le fédéral, les provinces et les territoires ont maintenant des règles régissant l'entrée en vigueur des lois. Le présent document donne un aperçu de ces règles dans le cas des lois adoptées par le Parlement du Canada.
Les règles relatives à l'entrée en vigueur des lois fédérales émanent de nombreuses sources. Même si la Loi d'interprétation 4 du Canada prévoit des règles par défaut et des règles générales, une loi peut avoir son propre mécanisme d'entrée en vigueur. Les lois du Parlement peuvent entrer en vigueur au moment de la sanction royale, à une date fixée par la loi elle-même ou par décret5 . Avant d'analyser les règles relatives à chaque mécanisme, nous traiterons des dispositions autorisant les mesures préliminaires aux termes d'une loi, avant même son entrée en vigueur.
Aux termes de la Loi d'interprétation, le pouvoir d'agir, notamment de prendre un règlement, peut s'exercer avant l'entrée en vigueur de la loi habilitante. Dans l'intervalle, il n'a d'effet que dans la mesure nécessaire pour permettre à ladite loi de produire ses effets dès son entrée en vigueur7 . Il va sans dire que ces pouvoirs préliminaires peuvent s'exercer uniquement en vertu d'une loi et non des pouvoirs qui pourraient être conférés par un projet de loi que le Parlement n'a pas encore adopté.
La nomination du premier – et actuel – commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique est un exemple de mesures préliminaires prises en application d'une loi, mais avant sa prise d'effet. Le bureau et le poste du commissaire ont été créés par la Loi fédérale sur la responsabilité8 , sanctionnée le 12 décembre 2006. De nouvelles dispositions ajoutées à la Loi sur le Parlement du Canada prévoyaient un mécanisme pour la nomination du commissaire. Il s'agissait d'une nomination faite par le gouverneur en conseil, après consultation auprès des chefs de tous les partis reconnus à la Chambre des communes et approbation par résolution . Même si ces modifications à la Loi sur le Parlement du Canada n'étaient pas encore en vigueur, on a néanmoins amorcé le processus de nomination. Les chefs de tous les partis reconnus ont été consultés. Un certificat de nomination a été déposé à la Chambre des communes le 12 juin 2007 et renvoyé au Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique pour examen. Le 14 juin 2007, le Comité a fait savoir à la Chambre qu'il était favorable à la nomination, et celle-ci a été approuvée par une résolution de la Chambre le 18 juin 2007. Toutes ces mesures préliminaires ont été prises avant l'entrée en vigueur des dispositions créant le bureau et le poste du commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique. Le 29 juin 2007, le gouverneur en conseil a fixé au 9 juillet 2007 la date à laquelle les dispositions de la Loi fédérale sur la responsabilité visant la création du poste de commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique entreraient en vigueur9 . Le même jour, le Cabinet a officiellement recommandé que Mary Dawson soit nommée au poste de commissaire et que la nomination entre en vigueur le 9 juillet 2007.
La sanction royale constitue « l'étape constitutionnelle ultime du processus législatif10 ». Le gouverneur général, au nom de la Reine, approuve un projet de loi qui a été adopté par le Sénat et la Chambre des communes. Dès qu'un projet de loi reçoit la sanction royale, il devient une loi fédérale. Le Greffier des Parlements (c. à-d. le greffier du Sénat) inscrit sur chaque loi la date de la sanction royale, et cette inscription fait partie de la loi11 .
Si une loi ne précise pas sa date d'entrée en vigueur, elle prend effet par défaut le jour où elle reçoit la sanction royale12 . Par exemple, la Loi concernant des paiements à une fiducie établie en vue de fournir du financement à des provinces et à des territoires pour le développement des collectivités13 , qui n'est pas assortie d'une disposition d'entrée en vigueur, a pris effet le jour où elle a reçu la sanction royale, soit le 7 février 2008.
Il arrive qu'une loi prévoie un mécanisme d'entrée en vigueur pour certaines de ses dispositions et non pour d'autres. Le cas échéant, les dispositions dont la date d'entrée en vigueur n'est pas précisée prendront effet au moment où la sanction royale est accordée14 . Par exemple, l'article 64 de la Loi sur la lutte contre les crimes violents15 prévoyait que les dispositions de cette loi, à l'exception des articles 61 à 63, entreraient en vigueur à la date fixée par décret. Par conséquent, les articles 61 à 63 ont pris effet le jour où le projet de loi a reçu la sanction royale.
Même si une disposition peut fixer la date d'entrée en vigueur d'une loi ou de certaines de ses dispositions après la sanction royale, cette disposition entre en vigueur le jour même de la sanction royale16 . Par exemple, l'article 6 de la Loi sur la responsabilité en matière d'aide au développement officielle17 prévoyait que la loi prendrait effet 30 jours après avoir reçu la sanction royale18 . Cette disposition elle même est entrée en vigueur lorsque la loi a été sanctionnée. Cela va de soi : une disposition d'entrée en vigueur doit être exécutoire à la date de prise d'effet préétablie des autres dispositions de la loi pour déclencher leur application.
La disposition d'entrée en vigueur d'une loi peut porter qu'une loi ou certaines de ses dispositions prennent effet à une date préétablie, précédant ou suivant la sanction royale.
Il est courant de donner un effet rétroactif à une loi, ce qui fait en sorte que ses dispositions sont réputées être entrées en vigueur avant d'avoir reçu la sanction royale. Une telle loi, bien qu'elle ne soit pas exécutoire avant d'avoir obtenu la sanction royale, peut s'appliquer, une fois promulguée, à des faits et à des situations précédant cette obtention. La Loi d'exécution du budget de 200819 renferme de telles dispositions20 .
Même si le Parlement du Canada peut adopter des lois qui s'appliquent rétroactivement, ses pouvoirs à cet égard ne sont pas illimités. D'ailleurs, en vertu de l'alinéa 11g) de la Charte canadienne des droits et libertés21 , une personne peut ne pas être déclarée coupable en raison d'une action ou d'une omission qui, au moment où elle est survenue, ne constituait pas une infraction.
Les lois peuvent entrer en vigueur à une date préétablie ultérieure à celle de la sanction royale. Il y a de nombreuses raisons de retarder la prise d'effet d'une loi ou de certaines de ses dispositions, notamment pour donner le temps à la population de s'adapter à la nouvelle loi ou pour permettre au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour appliquer la loi après son entrée en vigueur – par exemple en nommant le titulaire d'une charge, en obtenant des ressources financières ou en élaborant des règlements22 .
La date préétablie d'entrée en vigueur peut être une date fixe établie à l'avance, par exemple, le 1er janvier 2008, ou déterminée en fonction de la date de la sanction royale, par exemple 30 jours après la sanction royale23 .
Dans bien des cas, le fait de fixer la date d'entrée en vigueur signifie qu'une loi devra attendre avant de prendre effet ou qu'elle s'appliquera rétroactivement, selon la date de la sanction royale. Cela tient à ce que le gouvernement veut que les dispositions d'une loi s'appliquent à certains faits à partir d'une date donnée, sans être certain de la date à laquelle la loi sera adoptée par le Parlement. Encore une fois, la Loi sur l'exécution du budget de 2008 renferme des exemples de telles dispositions24 .
La disposition d'entrée en vigueur d'une loi peut autoriser qu'une loi en entier25 ou certaines de ses dispositions26 prennent effet à une ou plusieurs dates fixées par décret. L'entrée en vigueur différée donne au gouvernement de la latitude à ce sujet et plus de temps pour obtenir le consensus ou l'appui à l'égard de la loi avant que celle-ci ne soit exécutoire. Elle permet également au gouvernement de réaliser l'objectif qui sous-tend la loi en employant d'autres moyens pour parvenir aux mêmes fins27 .
Le libellé de la disposition d'entrée en vigueur d'une loi ou de l'une de ses dispositions qui sera appliquée par le gouvernement est important puisqu'il circonscrit sa latitude à cet égard. Si la disposition d'entrée en vigueur se lit comme suit : « La présente loi entre en vigueur à la date fixée par décret », le gouvernement devra ordonner l'entrée en vigueur de la loi dans sa totalité le jour même28 . Toutefois, si la disposition se lit comme suit : « Les dispositions de la présente loi entrent en vigueur à la date ou aux dates fixées par décret », le gouvernement pourra mettre en vigueur des parties, des articles, des paragraphes, des alinéas, etc. d'une loi à différentes dates et au moment qui lui conviendra29 . Cela dit, le droit du gouvernement de mettre en vigueur une loi n'est pas illimité. En effet, dans la décision R. v. United Kingdom(Secretary of State for the Home Department)30 , rendue par la Chambre des lords, celle-ci a statué que même si le gouvernement n'était pas tenu de mettre en vigueur une loi ou certaines de ses dispositions, il lui incombait de considérer de temps à autre l'entrée en vigueur de cette loi. Cependant, la Loi sur l'abrogation des lois31 , entrée en vigueur en 2010, prévoit l'abrogation des lois fédérales – ou les dispositions de ces lois – qui ne sont pas mises en vigueur dans les dix ans suivant la sanction royale32 .
Il arrive que le Parlement délègue au gouvernement le pouvoir de mettre une loi en vigueur, tout en limitant son pouvoir discrétionnaire à cet égard. Par exemple, le Parlement peut disposer que deux lois devront entrer en vigueur le même jour33 .
Le présent document a exposé les mécanismes d'entrée en vigueur les plus fréquemment utilisés pour les lois fédérales. Il convient de noter que l'entrée en vigueur des dispositions d'une même loi peut se faire par étapes et au moyen de divers mécanismes. Même si les règles de common law concernant l'entrée en vigueur des lois ont été remplacées par des règles par défaut prévues en grande partie par la Loi d'interprétation, toute loi adoptée par le Parlement peut préciser, et le fait souvent, son propre mécanisme d'entrée en vigueur. Par conséquent, il est toujours indispensable de tenir compte de la disposition d'entrée en vigueur d'une loi, s'il y a lieu, pour déterminer la date où elle prend effet.
† Les documents de la série En bref de la Bibliothèque du Parlement sont des survols de sujets d’actualité. Dans certains cas, ils donnent un aperçu de la question et renvoient le lecteur à des documents plus approfondis. Ils sont préparés par le Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque, qui effectue des recherches et fournit des informations et des analyses aux parlementaires, ainsi qu’aux comités du Sénat et de la Chambre des communes et aux associations parlementaires, et ce, de façon objective et impartiale. [ Retour au texte ]
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