La présence d’infrastructures de transport aérien, quelle qu’en soit la taille, est généralement considérée comme un atout pour une région. Les collectivités qui disposent de services de transport aérien peuvent en tirer divers avantages : logistique juste à temps, commodité d’accès pour les voyages personnels et d’affaires, et possibilités accrues dans les domaines du tourisme, du vol récréatif et de la formation au pilotage. Un aéroport peut également contribuer au développement et à la diversification de l’économie régionale. Enfin, pour certaines entreprises, comme celles des secteurs du « savoir » ou de la fabrication de produits de grande valeur, l’accès au transport aérien est un facteur très important dans le choix de nouveaux emplacements.
Par contre, pour les gens qui vivent à proximité d’une aire d’atterrissage, le bruit peut être pour le moins dérangeant. Le bruit causé par les aéronefs peut toucher les collectivités de toutes les tailles, qu’il s’agisse de grandes villes munies d’un aéroport international important ou de localités rurales dotées d’une piste privée.
Même si les gros appareils peuvent transporter plus de passagers et que les nouveaux modèles de moteurs sont beaucoup moins bruyants, le bruit causé par les aéronefs devrait aller en s’amplifiant au Canada. En effet, la demande de services de transport aérien croît en même temps que l’économie mondiale, et il devrait en être de même du trafic aérien1. En outre, comme les municipalités peuvent approuver la construction d’ensembles résidentiels à proximité des aéroports – dans la mesure où ils ne présentent pas d’obstacle pour le trafic aérien – il est possible que le nombre de gens vivant près d’aéroports augmente.
En 2001, l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a élaboré des politiques pour les États membres en vue de gérer les effets du bruit des aéronefs sur les populations touchées sans nuire indûment à la croissance du trafic aérien2. L’Assemblée de l’OACI a approuvé, à cet égard, une approche axée principalement sur la réduction du bruit à la source (des appareils moins bruyants), la planification et la gestion améliorées de l’utilisation des terrains, des procédures opérationnelles d’atténuation du bruit et – en dernier recours – la restriction de l’exploitation. L’OACI a également établi des politiques relatives à l’imposition de redevances liées au bruit. Ces dernières seraient imposées aux exploitants qui utilisent des types d’aéronefs plus bruyants.
Le présent document explique comment le ministère fédéral des Transports (Transports Canada) et d’autres intervenants de l’industrie, comme le fournisseur de services de navigation aérienne civile (NAV CANADA) et les exploitants des principaux aéroports du pays, gèrent le bruit des aéronefs au Canada. Le document décrit également des mesures prises ailleurs en vue de réduire l’effet de ce bruit sur les populations concernées.
Au Canada, l’aviation relève de la compétence du gouvernement fédéral. L’industrie est régie par la Loi sur l’aéronautique et le règlement afférent, le Règlement de l’aviation canadien (RAC), qui prévoit des mesures relatives au bruit3. Transports Canada réglemente les activités de l’industrie, applique les règlements sur le bruit des aéronefs, fait enquête quand une infraction est signalée et impose des sanctions pécuniaires lorsqu’il y a bel et bien eu infraction4.
Le RAC comprend des dispositions visant la restriction du bruit des aéronefs, notamment celles du Manuel de navigabilité (RAC, partie V) qui établissent des normes de conception pour les aéronefs5. Selon l’article 507.20, seuls les aéronefs conformes aux normes d’émission de bruit précisées au chapitre 516 du Manuel de navigabilité peuvent recevoir un certificat de conformité acoustique et être autorisés à voler au Canada. Le Manuel de navigabilité incorpore par renvoi les normes internationales d’émission de bruit publiées par l’OACI dans le volume I de l’annexe 16 (Protection de l’environnement) de la Convention relative à l’aviation civile internationale. Dans le cas d’un aéronef qui ne respecte plus les normes d’émission de bruit, le ministre des Transports a le pouvoir de suspendre son certificat de conformité acoustique (RAC, article 507.22).
La partie VI du RAC, « Règles générales d’utilisation et de vol des aéronefs », aide aussi à gérer le bruit des aéronefs6. En vertu de l’article 602.105 du règlement (Critères acoustiques d’utilisation), les aéronefs exploités à un aérodrome canadien ou dans son voisinage doivent se conformer aux procédures d’atténuation du bruit et aux exigences de contrôle du bruit applicables, publiées dans le Canada Air Pilot, une publication sur la navigation destinée aux pilotes. Les procédures d’atténuation et les exigences de contrôle appliquées aux aéroports canadiens peuvent comprendre :
Les procédures d’atténuation et les exigences de contrôle appliquées aux aéroports internationaux de Vancouver, d’Ottawa, de Toronto et de Montréal imposent d’autres restrictions aux vols de nuit. Sont généralement interdits :
L’article 602.106 du RAC (Pistes soumises aux critères acoustiques) interdit aux aéronefs certifiés qui sont exemptés des normes d’émission de bruit applicables de décoller à partir de certaines pistes de neuf aéroports du pays. Au Canada, seuls quelques aéronefs sont exemptés des normes d’émission de bruit applicables. Il s’agit notamment des avions militaires et de certains aéronefs utilisés sur des pistes sans revêtement dans le Nord.
Transports Canada applique le règlement en vue d’atténuer l’effet du bruit des aéronefs sur les collectivités, mais il a aussi d’autres outils à sa disposition. Par exemple, le Ministère a créé un modèle de prévision de l’ambiance sonore à l’appui du processus d’aménagement des terres adjacentes aux aéroports. Ce modèle, qui repose sur les émissions de bruit prévues et réelles, permet de s’assurer qu’aucune construction sensible au bruit ne voit le jour sur les terres en question7. Transports Canada a aussi mis en place un processus grâce auquel les intervenants, tels que les autorités aéroportuaires et les groupes communautaires, peuvent demander des changements aux procédures d’atténuation du bruit et aux exigences de contrôle du bruit appliquées aux aéroports. Les propositions de changement doivent être faites en consultation avec les parties concernées et NAV CANADA, et être approuvées par le ministre des Transports8.
Même si l’alinéa 4.9e) de la Loi sur l’aéronautique permet des règlements concernant l’emplacement des aérodromes, aucun ne s’applique actuellement aux installations non certifiées. Parmi les aérodromes non certifiés, on compte ceux qui sont situés en dehors des zones bâties d’une ville, ceux qui n’offrent pas de service aérien régulier de transport de passagers et ceux qui ne répondent pas aux exigences du RAC parce que le ministre des Transports n’estime pas qu’il soit dans l’intérêt public de les certifier9. Ainsi, il arrive à l’occasion que de petites pistes privées ou des aires d’amerrissage soient aménagées, créant une source de bruit imprévue qui perturbe le voisinage. Lorsque le bruit causé par des aéronefs provient d’un aérodrome non enregistré, qu’il s’agisse d’une surface terrestre ou d’une surface d’eau, et qu’un différend survient, les agents régionaux de Transports Canada peuvent être appelés à faciliter un processus de consultation entre l’exploitant de l’aérodrome et les résidents du secteur.
Une trentaine des aéroports canadiens les plus importants sont gérés et exploités par des sociétés locales sans but lucratif appelées autorités aéroportuaires10. Transports Canada loue l’infrastructure aéroportuaire fédérale à ces autorités, qui en assurent l’exploitation et la gestion conformément à un bail à long terme (par exemple 60 ans). Les autorités aéroportuaires sont notamment responsables de la gestion des effets environnementaux (dont le bruit) de leurs installations sur les collectivités situées à proximité.
Transports Canada exige généralement des autorités aéroportuaires qu’elles surveillent le bruit causé par les aéronefs, qu’elles maintiennent un comité de gestion du bruit comprenant des représentants des populations concernées et qu’elles acceptent les plaintes des résidents du secteur au sujet du bruit. Certaines autorités aéroportuaires sont également tenues d’adopter un plan de gestion du bruit, lequel doit être approuvé par le ministre des Transports, et de produire des rapports sur le sujet. Grâce à la surveillance du bruit et à la réception de plaintes, les autorités aéroportuaires peuvent détecter les cas d’infraction aux procédures d’atténuation du bruit et aux exigences de contrôle du bruit établies et les signaler à Transports Canada.
Les autorités responsables d’un aéroport où les vols de nuit sont assujettis à certaines restrictions (voir la section 2 du présent document) peuvent accorder une exemption à un transporteur aérien si elles déterminent que les avantages économiques d’un vol compensent les effets négatifs sur les résidents. Cette évaluation n’a pas besoin d’être approuvée par le ministre. Parmi les aéroports assujettis à de telles restrictions, l’aéroport international Pearson de Toronto est un cas unique : le nombre d’exemptions aux restrictions sur les vols de nuit qui peuvent être accordées chaque année ne doit pas dépasser une certaine limite, qui est calculée selon une formule précisée dans le bail. Aucune limite du genre n’est imposée aux aéroports de Vancouver, d’Ottawa et de Montréal (les autres aéroports où s’appliquent des restrictions sur les vols de nuit). De façon ponctuelle, lorsque des circonstances imprévues l’exigent – par exemple, en cas de retard dans le contrôle aérien, de problèmes mécaniques ou de mauvaises conditions météorologiques – les autorités aéroportuaires peuvent aussi permettre à un aéronef d’atterrir en dehors des heures du couvre feu.
Depuis 1997, NAV CANADA est propriétaire exploitant du système de navigation aérienne civile (contrôle de la circulation aérienne) du Canada. NAV CANADA n’a pas le mandat de gérer le bruit causé par les aéronefs. Cependant, dans le cadre de ses responsabilités en matière de navigation aérienne, il appuie les efforts déployés à cet égard par Transports Canada et les autorités aéroportuaires.
NAV CANADA est responsable, entre autres, de la mise à jour régulière des procédures d’atténuation du bruit et des exigences de contrôle du bruit appliquées aux aérodromes enregistrés, ainsi que de la publication de ces mises à jour dans le Canada Air Pilot, ouvrage de référence des pilotes. Les contrôleurs de la circulation aérienne de NAV CANADA s’appuient sur ces procédures et ces exigences pour diriger les aéronefs.
En vertu de la Loi sur la commercialisation des services de navigation aérienne civile, NAV CANADA est également autorisé à modifier, de son propre chef, les routes aériennes afin d’améliorer l’efficacité de l’espace aérien11. La modification des routes de départ et d’arrivée peut se répercuter sur l’exposition des collectivités au bruit des aéronefs. En effet, le niveau de bruit peut diminuer ou augmenter, selon le cas. Tant que les modifications des routes n’ont pas d’incidence sur les services de navigation aérienne et qu’elles respectent les procédures d’atténuation du bruit et les exigences de contrôle du bruit établies, NAV CANADA peut les mettre en œuvre sans demander l’approbation du ministre et sans consulter le public12. Les nouvelles procédures de navigation de NAV CANADA qui permettent des opérations en route plus efficaces et des approches caractérisées par une descente constante à partir d’altitudes plus élevées raccourcissent en outre les routes et réduisent le recours aux poussées du réacteur en basse altitude. Grâce à ces mesures d’efficacité, les aéronefs produisent moins de bruit globalement, et le bruit causé par les aéronefs est également amoindri au niveau du sol13.
Les autorités locales peuvent aider à minimiser le nombre de personnes touchées par le bruit des aéronefs en adoptant des règles de zonage plus restrictives à proximité des aéroports. Par exemple, la Ville de Hambourg, en Allemagne, interdit la construction de nouvelles maisons dans les secteurs les plus exposés au bruit provenant de l’aéroport. Dans plusieurs États américains et dans les régions entourant l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle, en France, les autorités exigent également que le niveau de bruit soit divulgué dans le cadre des transactions immobilières14.
Les autorités aéroportuaires peuvent aussi, par le biais de mesures incitatives et de pénalités, encourager les exploitants d’aéronefs à prendre d’autres dispositions pour réduire les émissions de bruit, en plus de répondre aux exigences déjà établies en matière d’atténuation du bruit. L’aéroport Seatac de Seattle et l’aéroport international de Vancouver, par exemple, offrent une récompense et de l’espace publicitaire à la compagnie aérienne qui exploite la flotte la moins bruyante et qui observe les procédures d’atténuation du bruit15. Dans de nombreux pays européens, comme en France, en Allemagne, en Espagne, en Italie et au Royaume Uni, les autorités aéroportuaires procèdent différemment : elles pénalisent les compagnies aériennes qui exploitent des appareils bruyants en leur imposant des frais plus élevés pour l’utilisation de l’aéroport16. Certaines autorités qui gèrent des installations produisant un niveau très intense de bruit pour les populations environnantes, y compris les aéroports de Paris, de Francfort, de Narita et de Chicago, ont investi dans des programmes d’isolation acoustique des résidences et des immeubles publics afin de réduire l’exposition de la population au bruit. Les propriétaires d’un certain nombre d’aéroports importants situés en milieu urbain, notamment au Royaume Uni et en Allemagne, ont même mis en place des programmes d’achat de maison et de déménagement à l’intention des personnes exposées à des niveaux excessifs de bruit causé par les aéronefs17.
Transports Canada et les autorités aéroportuaires sont responsables de la gestion du bruit causé par les aéronefs au Canada. NAV CANADA, le fournisseur de services de navigation aérienne, les soutient dans cette tâche. En vertu de la Loi sur l’aéronautique, Transports Canada établit et applique des règlements qui régissent la certification des aéronefs en vue de leur exploitation au Canada et définissent les exigences à respecter en vue de minimiser le bruit près des aéroports. De plus, les gestionnaires des plus grands aéroports sont tenus de surveiller le bruit des aéronefs, d’accepter les plaintes des personnes vivant à proximité concernant le bruit et de maintenir un comité de gestion du bruit comprenant des représentants des parties concernées. NAV CANADA publie, à l’intention des pilotes, les procédures d’atténuation du bruit et les exigences de contrôle du bruit applicables, et les contrôleurs aériens de l’organisation les observent. L’élaboration, par NAV CANADA, de routes plus précises pour les exploitants d’aéronefs utilisant les aéroports canadiens peut faire augmenter ou diminuer le bruit entendu à certains endroits. En général, les nouvelles routes entraînent une baisse globale du bruit, notamment à faible altitude.
L’approche du Canada en matière de gestion du bruit des aéronefs est en grande partie conforme à l’approche suggérée par l’OACI, qui est axée sur le recours à des appareils moins bruyants, la planification et la gestion améliorées de l’utilisation des terrains, des procédures opérationnelles d’atténuation du bruit et la restriction de l’exploitation aux aéroports. Parmi les autres mesures conformes aux recommandations de l’OACI, mais encore peu appliquées au Canada, notons les initiatives visant à éviter de consacrer les terres situées près des aéroports à des constructions sensibles au bruit, de même que l’obligation de divulguer le niveau de bruit causé par les aéronefs dans le cadre des transactions immobilières. À l’étranger, certaines autorités aéroportuaires imposent des frais d’utilisation supplémentaires aux exploitants des aéronefs certifiés les plus bruyants. Cette pratique est à la fois une mesure de dissuasion et un moyen de financer d’autres mesures d’atténuation du bruit.
† Les documents de la série En bref de la Bibliothèque du Parlement sont des survols de sujets d’actualité. Dans certains cas, ils donnent un aperçu de la question et renvoient le lecteur à des documents plus approfondis. Ils sont préparés par le Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque, qui effectue des recherches et fournit des informations et des analyses aux parlementaires, ainsi qu’aux comités du Sénat et de la Chambre des communes et aux associations parlementaires, et ce, de façon objective et impartiale. [ Retour au texte ]
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