Le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation (le Comité) joue un rôle vital dans le contrôle de la réglementation fédérale par le Parlement. En effet, chaque fois que le Parlement délègue un pouvoir législatif à l'organe exécutif et à des autorités réglementaires, le Comité s'assure que ce pouvoir est exercé correctement et conformément à la loi.
En pratique, le Comité amorce ses travaux après la prise d'un règlement et sa publication dans la Partie II de la Gazette du Canada. Le règlement, une fois publié, est ensuite examiné en fonction de critères qui permettent d'évaluer sa validité et sa valeur juridique de même que son libellé et sa clarté. En général, le Comité ne remet pas en question le bien-fondé des règlements ni la politique qui les sous-tend. S'il détermine qu'un règlement ne respecte pas l'un de ses critères, il échange de la correspondance avec l'autorité réglementaire afin de régler le problème.
Selon l'évolution des dossiers, le Comité peut envisager d'autres mesures que l'échange de correspondance. En plus de tous les pouvoirs conférés aux autres comités permanents, le Comité a en plus la capacité particulière de recommander le désaveu (l'abrogation) d'un règlement, un outil efficace pour tenir les autorités réglementaires responsables de leur utilisation des pouvoirs législatifs qui leur ont été délégués.
Le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation (le Comité) n'est peut‑être pas aussi connu qu'il devrait l'être, compte tenu de l'importance de son travail. L'un des deux seuls comités permanents composés de sénateurs et de députés 1, il a pour fonction de veiller à ce que le pouvoir législatif que le Parlement délègue aux autorités réglementaires soit exercé correctement et conformément à la loi.
À la différence des comités dont l'expertise porte sur un domaine particulier de compétence fédérale, le Comité exerce un mandat qui englobe la totalité de la réglementation fédérale. Il examine la réglementation et les autres textes réglementaires 2 en fonction de critères relatifs à leur légalité et à la procédure plutôt qu'à leur teneur et à la politique qui les sous-tend. Autre différence notable, contrairement aux comités qui examinent les projets de loi qui entreront en vigueur après avoir été approuvés par le Parlement, le Comité examine des règlements qui ont déjà force de loi. Enfin, alors que la charge de travail des autres comités fluctue selon que le Parlement siège ou non, c'est principalement le nombre de règlements pris durant l'année qui détermine celle du Comité, notamment pendant les ajournements de l'été et de l'hiver, même lorsque le Parlement a été dissous ou prorogé.
La présente Étude de la Colline présente un aperçu du travail du Comité compte tenu de son rôle particulier. Elle présente d'abord l'historique et le mandat du Comité, puis l'essentiel du processus d'examen de la réglementation et enfin, le pouvoir du Comité de recommander le désaveu.
En 1968, le Comité spécial sur les instruments statutaires de la Chambre des communes a recommandé d'établir un comité parlementaire chargé d'examiner les décrets-lois 3. Le gouvernement a par la suite adopté la Loi sur les textes réglementaires, qui prévoit que l'une des deux Chambres ou les deux peuvent établir un comité chargé d'étudier et de contrôler les textes réglementaires 4. Le Comité a été établi en vertu de ce pouvoir législatif et il a entamé ses travaux au début des années 1970.
Outre son pouvoir législatif, le Comité est habilité par le Règlement du Sénat du Canada et le Règlement de la Chambre des communes 5. Alors que la tradition voulait que le coprésident du Sénat soit membre du parti au pouvoir, le Règlement de la Chambre des communes exige que le coprésident de la Chambre des communes soit membre du parti qui forme l'Opposition officielle, le premier vice-président, membre du parti au pouvoir, et le second vice-président, membre d'un parti d'opposition autre que celui de l'Opposition officielle 6. Cette formule a pour objectif de favoriser l'objectivité et l'absence de partisanerie dans le fonctionnement du Comité 7.
En plus de l'examen de la réglementation prévu par la loi, le mandat du Comité comprend traditionnellement le pouvoir :
[d']étudier les moyens par lesquels le Parlement peut mieux surveiller le processus de réglementation du gouvernement et plus particulièrement [de] faire enquête et rapport sur :
- les principes et les pratiques qu'il convient d'observer
et la façon dont le contrôle parlementaire devrait être effectué à cet égard;
- dans la rédaction des pouvoirs permettant aux délégués du Parlement de faire des lois subordonnées;
- dans l'adoption des textes réglementaires;
- dans l'utilisation du règlement exécutif – y compris les pouvoirs délégués et la réglementation;
- le rôle, les tâches et les pouvoirs du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation 8.
En conséquence, le Comité dispose d'un « pouvoir d'examen étendu qui lui permet d'enquêter et de faire rapport sur la plupart des aspects du processus réglementaire fédéral 9 ».
Le processus réglementaire s'amorce lorsqu'une autorité réglementaire élabore une politique qui sous-tend un règlement 10. Le ministère de la Justice rédige alors l'ébauche du texte, et le ministre concerné ou le gouverneur en conseil, selon le type de texte, l'examine puis l'approuve. L'ébauche fait ensuite l'objet d'une publication préalable dans la Partie I de la Gazette du Canada et après que les modifications nécessaires y ont été apportées, le texte réglementaire est finalement publié dans la Partie II de la Gazette du Canada 11. C'est seulement à partir de ce moment que le Comité examine le texte à la lumière des critères qu'il a adoptés.
Au début de chaque session, le Comité adopte ses critères, que les deux Chambres approuvent par la suite. À part de légères modifications, ces critères sont demeurés essentiellement inchangés depuis qu'ils ont été proposés en 1969. Ils portent notamment sur de grandes questions de fond, à savoir si les règlements qui sont pris contreviennent à la loi, sont invalides ou entravent les droits et libertés individuels, de même que sur des questions de moindre importance, à savoir si leur libellé comporte des lacunes 12.
Dans de nombreux cas, le texte réglementaire est conforme à tous les critères du Comité, et le dossier qui s'y rapporte est alors clos. Toutefois, si le Comité détermine qu'il contrevient à l'un des critères d'examen ou qu'une explication plus poussée est nécessaire pour quelque raison que ce soit, il adressera à l'autorité réglementaire une lettre dans laquelle il exposera ses préoccupations.
Après avoir reçu la réponse de l'autorité réglementaire sur le fond de la question, le Comité déterminera comment il procédera. Par exemple, si l'autorité réglementaire a donné une explication satisfaisante en réponse à toutes les questions soulevées, le dossier pourrait être fermé. Si l'autorité réglementaire a convenu d'apporter des modifications, le Comité pourrait lui demander un échéancier et suivre le dossier jusqu'à ce que les modifications nécessaires aient été apportées. Cependant, si le Comité estime que la position adoptée par l'autorité réglementaire n'est pas satisfaisante, les parties pourraient s'échanger de la correspondance supplémentaire pour tenter de dénouer l'impasse.
Selon la progression du dossier, des mesures autres que l'échange de correspondance avec l'autorité réglementaire pourraient être envisagées. Ainsi, si le Comité est insatisfait des réponses subséquentes de l'autorité réglementaire ou s'il considère que l'autorité réglementaire tarde trop à apporter les modifications promises, il peut inviter des fonctionnaires de l'autorité réglementaire à se présenter devant lui pour répondre à des questions. Le Comité peut aussi décider d'écrire au ministre responsable pour demander un nouvel examen de la position de l'autorité réglementaire. D'autres possibilités sont de faire rapport au Parlement sur la question 13 ou de recommander le désaveu.
Le Comité est investi d'un pouvoir spécial, celui de recommander le désaveu d'un règlement en tout ou en partie. Certes, ce pouvoir n'est pas utilisé fréquemment, mais il n'en est pas moins important et particulier dans l'histoire du Parlement.
Le Comité a obtenu le pouvoir de recommander le désaveu seulement en 1986, année où une procédure a été adoptée grâce à la modification du Règlement de la Chambre des communes. Cette démarche a eu deux conséquences notables :
[E]lle a privé le Sénat de toute voix au chapitre et elle a limité l'application de la procédure de désaveu aux textes réglementaires pris par le gouverneur en conseil ou par un ministre. Il en a été ainsi parce que la procédure instaurée fonctionnait par résolutions et décrets qui, de nature, ne pouvaient lier que la Chambre. Par conséquent, les règlements pris par les autorités détentrices d'un pouvoir réglementaire délégué par le Parlement (telles le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, l'Office national de l'énergie, les Instituts de recherche en santé du Canada, l'Office des transports du Canada et la Commission canadienne de sûreté nucléaire) ne pouvaient faire l'objet d'un désaveu 14.
Bien que l'on ait eu recours avec succès à ce mécanisme à huit occasions, le Comité a recommandé qu'il soit remplacé par une procédure qui serait prévue par une loi, qui s'appliquerait à tous les décrets-lois fédéraux et qui attribuerait un rôle égal aux deux Chambres du Parlement. En 2003, le Parlement a adopté, à cet égard, un projet de loi d'initiative parlementaire parrainé par un des coprésidents du Comité 15. Ce projet de loi a ajouté à la Loi sur les textes réglementaires l'article 19.1, en vertu duquel le pouvoir de recommander le désaveu s'applique maintenant à tous les règlements dont le Comité est saisi, et les deux Chambres doivent donner leur accord à une résolution de désaveu pour qu'elle prenne effet.
L'article 19.1 de la Loi sur les textes réglementaires prévoit la procédure suivante :
Seul le Comité peut amorcer une procédure de désaveu. Chaque fois qu'il estime qu'un règlement devrait être abrogé en tout ou en partie, le Comité peut présenter aux deux [C]hambres un rapport contenant une résolution à cet effet. Il doit toutefois aviser l'autorité réglementaire de son intention de proposer le désaveu du règlement au moins 30 jours avant de déposer ce rapport. Le Comité ne fait que recommander le désaveu. La recommandation doit ensuite être acceptée par les deux [C]hambres.
Dans les 15 jours de séance suivant la présentation du rapport, un ministre peut présenter une motion proposant de ne pas adopter la résolution de désaveu énoncée dans le rapport. Cette motion peut être présentée à l'une ou l'autre des [C]hambres ou aux deux, mais lorsqu'elle l'est, la [C]hambre qui en est saisie se réunit à 13 heures le mercredi suivant pour l'étudier. Le paragraphe 19.1(7) de la Loi sur les textes réglementaires permet alors un débat d'au plus une heure au cours duquel chaque intervenant dispose d'au plus 10 minutes. À la fin du débat, la motion est mise aux voix. Si elle est rejetée, la résolution est réputée avoir été adoptée par la [C]hambre en question; si, au contraire, la motion est adoptée, la résolution de désaveu annoncée dans le rapport du Comité est réputée avoir été rejetée par la [C]hambre où elle a été présentée. La résolution est soit réputée adoptée 15 jours de séance après la présentation du rapport de désaveu – si un ministre ne présente pas de motion dans les 15 jours de séance suivants – soit réputée adoptée le jour où une telle motion, le cas échéant, est mise aux voix et rejetée par la [C]hambre où elle a été présentée. Pour que le désaveu prenne effet, une résolution doit être adoptée par la Chambre des communes et le Sénat.
Selon le paragraphe 19.1(9) de la Loi sur les textes réglementaires, l'autorité réglementaire doit abroger les dispositions visées dans les 30 jours – ou au terme du délai plus long prévu par la résolution – suivant le jour où la résolution a été adoptée ou est réputée l'avoir été par le Sénat et la Chambre des communes 16.
À ce jour, deux rapports recommandant le désaveu ont été présentés en vertu de l'article 19.1 de la Loi sur les textes réglementaires et tous deux portaient sur la même disposition réglementaire. Dans chaque cas, le rapport a été réputé adopté par le Sénat, mais non par la Chambre des communes qui a voté pour qu'on ne donne pas suite à la résolution de désaveu au motif qu'un projet de loi avait été présenté pour répondre aux préoccupations du Comité 17.
Dans de nombreux cas où le Comité commençait à envisager de recourir au désaveu, il a vu ses préoccupations éliminées après avoir avisé l'autorité réglementaire concernée de son intention de proposer le désaveu. Ainsi, il n'est souvent pas nécessaire d'aller jusqu'à faire adopter un rapport de désaveu.
Parmi les grands principes constitutionnels des démocraties parlementaires figurent la primauté du droit et la souveraineté du Parlement. Le Parlement est la source du pouvoir de réglementation, de sorte que l'organe auquel est délégué un pouvoir législatif ne peut l'exercer que si le Parlement l'y a autorisé et seulement au moment et dans la mesure où il l'y a autorisé 18. En examinant les règlements et les autres textes réglementaires pour vérifier s'ils sont conformes au pouvoir délégué, le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation joue un rôle essentiel en permettant au Parlement d'examiner les lois qui s'appliquent à tous les Canadiens.
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