Les plastiques sont devenus omniprésents dans l’économie mondiale et dans nos vies quotidiennes en raison de leurs propriétés utiles et de leur faible coût. Parallèlement, la durabilité des plastiques, combinée à une mauvaise gestion des déchets, a entraîné l’accumulation dans les sites d’enfouissement et dans l’environnement de quelque 60 % de tous les plastiques jamais produits, qui peuvent durer des centaines d’années. Lorsque les plastiques se décomposent, ils forment des microplastiques, soit de minuscules morceaux de plastique. Les microplastiques peuvent accumuler des polluants persistants lorsqu’ils circulent dans le milieu marin et peuvent entrer dans la chaîne alimentaire humaine par les fruits de mer, le sel marin et l’eau potable. Comme les courants océaniques dispersent les débris plastiques légers loin de leur source, la qualité de l’environnement d’un pays peut être affectée par les déchets plastiques provenant d’autres pays.
Parmi les stratégies déployées aux quatre coins du globe pour réduire les déchets plastiques et la pollution plastique des océans, notons les suivantes :
Au Canada, comme dans bien des pays, la plus importante catégorie de déchets plastiques est celle des emballages. Le volume croissant de plastiques à usage unique, dont les emballages de plastique, est problématique, car ces produits ne sont utilisés que brièvement, sont rarement recyclés et ont tendance à devenir des déchets. La majorité des déchets plastiques du Canada finissent dans des sites d’enfouissement; seulement 9 % sont recyclés. Le recyclage des déchets plastiques n’est souvent pas le choix le plus économique en raison d’un certain nombre de facteurs : la contamination des plastiques envoyés au recyclage; les défis logistiques liés au tri des divers types de plastiques; l’inclusion des plastiques difficiles à recycler dans le flux de déchets; l’utilisation de colorants et d’additifs dans les plastiques, ce qui limite l’utilisation de résine recyclée; les marchés limités des plastiques recyclés; et les faibles coûts des produits pétroliers utilisés dans la fabrication des plastiques conventionnels neufs.
En tant que contributeur au problème mondial de la pollution plastique des océans, le Canada a un rôle à jouer pour en aborder les causes profondes. En 2018, il a profité de sa présidence du Groupe des Sept pour promouvoir la Charte sur les plastiques dans les océans, qui encourage la coopération entre les gouvernements et les entreprises et contient des cibles visant à réduire le flux des matières plastiques dans l’environnement. La prévention est essentielle : la réduction de la quantité de déchets plastiques produits est l’approche privilégiée dans le Plan d’action pancanadien visant l’atteinte de zéro déchet de plastique – Phase 1.
Les images des océans du monde où flottent des tonnes de déchets plastiques et des sites d’enfouissement où s’amoncellent les déchets plastiques suscitent l’indignation publique. C’est peut-être d’autant plus inquiétant que tous les emballages et plastiques à usage unique – utilisés seulement pendant une courte période avant d’être jetés – peuvent ensuite polluer l’environnement et perturber la faune pendant des centaines d’années 1. Selon un sondage réalisé en 2019, 87,2 % des répondants canadiens jugent importantes les répercussions environnementales des emballages alimentaires en plastique à usage unique 2.
Les plastiques font désormais partie intégrante de l’économie mondiale et de notre quotidien. Malheureusement, ils se retrouvent aussi partout dans l’environnement. Selon Environnement et Changement climatique Canada, les détritus de plastique sont présents sur toutes les côtes du Canada et dans les plans d’eau douce, y compris les Grands Lacs 3. Pour s’attaquer à la pollution et aux déchets plastiques, le Canada déploie le Plan d’action pancanadien visant l’atteinte de zéro déchet de plastique – Phase 1 4 et est en train d’en préparer la phase 2. Le Canada se joint à d’autres pays et à diverses organisations pour prendre des mesures visant à réduire la présence des plastiques dans l’environnement. Comme de nombreux acteurs 5 interviennent dans le cycle de vie des produits de plastique dans le monde, il faudra vraisemblablement recourir à un vaste éventail de solutions stratégiques et à une grande collaboration internationale pour réduire réellement la pollution plastique.
Pour comprendre le problème de la pollution plastique dans le monde, il convient d’analyser les raisons pour lesquelles l’utilisation des plastiques et la génération de déchets plastiques connaissent une telle croissance. La présente partie de ce document aborde les caractéristiques des plastiques qui ont entraîné un changement comportemental et qui ont poussé la société à préférer les plastiques aux matières traditionnelles comme le papier, le verre et le métal. Y sont décrits quelques-uns des problèmes propres au recyclage et au compostage des plastiques qui causent la génération de déchets plastiques. Le sort des détritus de plastique une fois qu’ils pénètrent dans les milieux marins y est aussi abordé.
La production et l’utilisation des plastiques ont augmenté de façon exponentielle depuis les débuts de la production à grande échelle dans les années 1950, en raison de leur faible coût et de leurs propriétés utiles 6. Les résines de matière plastique offrent des combinaisons de propriétés bénéfiques que les autres matières n’offrent pas, comme l’isolation, la flexibilité et la résistance aux températures élevées, aux substances chimiques et aux chocs 7. De même, le faible coût des plastiques a favorisé la prolifération des produits de plastique à usage unique jetables. Dans le domaine de la santé, les produits de plastique à usage unique ont stimulé l’innovation et ont fait diminuer le risque de contamination croisée 8. Dans l’industrie alimentaire, les emballages plastiques ont permis de réduire le gaspillage alimentaire et toutes les émissions de gaz à effet de serre (GES) connexes, tandis que le remplacement de matières plus lourdes par les plastiques a fait réduire la quantité de carburant requis pour le transport 9.
En raison de leur durabilité et de leur faible taux de recyclage, on estime que 60 % des plastiques jamais produits s’accumulent dans les sites d’enfouissement ou l’environnement 10. Si la tendance se maintient et que la consommation de plastique par habitant continue de croître à ce rythme, on s’attend à ce que la production de plastique s’intensifie de manière exponentielle jusqu’en 2050 (figure 1). Faute de politique rigoureuse ou de changement de comportement relativement au traitement des déchets plastiques, la majorité des déchets plastiques générés continuera de s’accumuler dans les sites d’enfouissement et de polluer l’environnement.
Source : Programme des Nations Unies pour l’environnement et GRID-Arendal, « Global plastic production and future trends », dans Joan Fabres et al. (dir.), Marine Litter Vital Graphics, 2018. Infographie de Maphoto/Riccardo Pravettoni, adaptation de Peter G. Ryan, « A Brief History of Marine Litter Research », chap. 1 dans Melanie Bergmann, Lars Gutow et Michael Klages (dir.), Marine Anthropogenic Litter (8.96 Mo, 456 pages), Berlin, Springer, 2015; et PlasticsEurope, Plastics – the Facts 2013: An analysis of European latest plastics production, demand and waste data (935 Ko, 40 pages).
Les premières mentions dans la littérature scientifique des conséquences écologiques des déchets plastiques sont apparues dans les années 1960, mais ce n’est qu’à la fin des années 1990 que la pollution plastique des océans s’est mise à recevoir une vaste attention publique avec la médiatisation du « vortex de déchets du Pacifique Nord » 11. En effet, les courants océaniques transportent les débris de plastique qui flottent dans l’eau, de sorte qu’ils s’accumulent dans certaines régions comme celle du Pacifique Nord, comme l’illustre la figure 2.
Note : Un tourbillon (gyre) est un courant marin giratoire de surface. Les microplastiques sont des particules de plastique dont la taille est inférieure à 5 mm.
Source : Programme des Nations Unies pour l’environnement et GRID-Arendal, « Plastic currents », dans Joan Fabres et al. (dir.), Marine Litter Vital Graphics, 2018. Infographie de Maphoto/Riccardo Pravettoni, d’après Erik van Sebille et al., « A global inventory of small floating plastic debris », IOP Science, 8 décembre 2015; et Cooperative Institute for Meteorological Studies.
L’ingestion de plastique ou l’empêtrement dans les débris de plastique peuvent blesser les animaux marins et côtiers et même leur causer la mort 12. Les débris marins de plastique nuisent également aux secteurs du tourisme côtier, des loisirs, de l’expédition et de la pêche 13. Comme les plastiques présents dans les océans d’un pays peuvent facilement dériver jusqu’aux côtes d’autres pays et nuire à la faune, la pollution plastique des océans est un enjeu transfrontalier 14.
Environ 80 % des détritus de plastique qui polluent les milieux marins sont attribuables à une gestion déficiente des déchets plastiques terrestres, notamment aux déversements non gérés, à l’abandon intentionnel de détritus et à la dispersion par le vent des plastiques légers qui s’échappent des bacs de recyclage et des poubelles 15. Les déchets plastiques qui polluent les rivières peuvent se rendre jusqu’à l’océan 16. L’abandon et le rejet en mer d’engins de pêche en plastique sont par ailleurs une autre source de pollution plastique des océans 17. On évalue que les débris de plastique prennent des centaines d’années avant de se décomposer dans l’environnement, selon le type de résine et les conditions environnementales 18.
Au total, entre 4,8 et 12,7 millions de tonnes de plastique entreraient dans les océans du monde chaque année 19. Les scientifiques tirent leur estimation d’un modèle fondé sur les données mondiales des populations vivant dans un rayon de 50 kilomètres d’une côte marine pour calculer la génération de déchets plastiques par habitant et le pourcentage des déchets plastiques mal gérés. Lorsque ce modèle a été utilisé pour évaluer les stratégies potentielles d’atténuation de la pollution plastique des océans, il en est ressorti qu’on pourrait réduire beaucoup la quantité de déchets plastiques entrant dans les océans en investissant dans une infrastructure améliorée de gestion des déchets dans les pays en développement et en réduisant la génération de déchets plastiques dans les pays industrialisés 20.
Les « microplastiques » sont des particules de plastique dont la taille est inférieure à 5 mm 21. Les « microplastiques primaires » sont les particules de plastique fabriquées directement de cette taille (p. ex. les microbilles de plastique), alors que les « microplastiques secondaires » proviennent de la fragmentation d’objets de plastique plus grands 22. Les microfibres qui se détachent des vêtements en tissu synthétique pour être relâchées dans les eaux de lessive, la poussière de pneus et les détritus de plastique en dégradation sont autant de sources de microplastiques secondaires 23.
On trouve des microplastiques dans tous les milieux marins du monde 24. Comme ils sont de la même taille que certaines formes de plancton, les organismes aquatiques, dont certains occupent une place importante dans les pêches commerciales, les ingèrent 25. De même, les humains se trouvent à en ingérer par inadvertance par l’eau potable, les fruits de mer et le sel de mer 26. La consommation de microplastiques pose des risques pour la santé humaine et écologique, surtout à cause des additifs chimiques qu’on trouve dans les plastiques et des polluants persistants qui s’accumulent dans les milieux marins en raison de la circulation des microplastiques 27. Les scientifiques et organismes de recherche réclament donc des études approfondies de qualité contrôlée sur la santé, de même que des études à grande échelle sur les conséquences écologiques des microplastiques pour combler le manque de connaissances sur les risques qu’ils posent 28.
Contrairement au recyclage d’autres matières comme le verre et l’aluminium, le recyclage des plastiques est complexifié par la grande diversité de composition chimique des résines plastiques. Certains types de résines plastiques se recyclent plus facilement que d’autres. Par exemple, les bouteilles de plastique no 1 et no 2 sont acceptées dans presque tous les programmes de recyclage au Canada 29. Bien qu’on trouve également un symbole de recyclage sur le plastique no 6 (polystyrène) – le type de plastique le plus communément utilisé dans la fabrication de couvercles pour les gobelets de café et de contenants en mousse de polystyrène pour les aliments à emporter – celui-ci est difficile à recycler et les programmes de recyclage canadiens ne l’acceptent habituellement pas 30.
Actuellement, le faible prix du pétrole et du gaz utilisés pour produire les nouvelles résines plastiques courantes est tel que la dynamique économique ne favorise pas le recyclage des plastiques ni l’utilisation de résine recyclée 31. Dans un système de recyclage mixte comme celui du « bac bleu », la nécessité de trier les plastiques selon les types de résines et le problème de la contamination résiduelle réduisent beaucoup la rentabilité du recyclage mécanique des plastiques 32. De même, les teintures et additifs qu’on trouve dans les plastiques peuvent faire diminuer la valeur des résines recyclées et nuire à leur utilisation dans certains contextes où les exigences en matière de qualité sont strictes 33. Le recyclage chimique, qui fait intervenir des procédés chimiques pour casser les molécules des polymères et en extraire les composantes de base, est prometteur pour lutter contre ces contaminants, mais il n’en est encore qu’à l’étape de la commercialisation au Canada 34.
Bien que la plupart des plastiques soient hautement résistants à la dégradation par les microbes, certains sont conçus pour être compostables 35. Les plastiques compostables sont prometteurs, particulièrement pour les contenants de plastique difficiles à nettoyer pour le recyclage ou les autres plastiques susceptibles de se retrouver parmi les déchets avec des aliments 36. Cependant, il y a un manque de compréhension et de normalisation concernant les étiquettes « compostable », « biodégradable » et « dégradable » qui apparaissent sur certains produits de plastique 37. Les plastiques qui sont compostables en vertu de conditions particulières dans des installations de compostage commerciales peuvent ne pas être entièrement compostables dans l’environnement ou dans un site d’enfouissement. Afin que les plastiques compostables puissent se biodégrader pleinement dans un laps de temps raisonnablement court, les consommateurs doivent savoir comment en disposer adéquatement et les gestionnaires de déchets, comment les traiter.
Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) fait la mise en garde suivante aux décideurs :
tant qu’il n’y aura pas de définition admise internationalement de la biodégradabilité (dans le milieu marin), l’adoption de produits de plastique présentés comme “biodégradables” ne fera pas diminuer de façon marquée la quantité de plastique qui se retrouve dans l’océan ni le risque de conséquences physiques et chimiques qu’ils comportent pour le milieu marin [TRADUCTION]. 38
Un rapport commandé par Environnement et Changement climatique Canada intitulé Étude économique sur l’industrie, les marchés et les déchets du plastique au Canada 39 rassemble les données colligées par les acteurs de l’industrie, les ordres de gouvernement fédéral, provincial et territorial ainsi que les administrations municipales en vue de brosser un portrait général de la gestion des déchets plastiques au Canada. La partie qui suit présente un aperçu de la production de déchets plastiques au Canada et de leur sort une fois mis au rebut. La question de l’exportation de déchets plastiques aux fins de recyclage est abordée, de même que celle des compétences liées aux déchets plastiques au Canada.
En 2016, le Canada a généré près de 3,3 millions de tonnes de déchets plastiques, dont la plus grande partie, soit 1,54 million de tonnes ou 47 %, provient des emballages (figure 3) 40. Environ 86 % de ces déchets ont abouti dans des sites d’enfouissement, 9 % ont été recyclés, 4 % ont été incinérés pour la récupération d’énergie et 1 % ont été déversés dans l’environnement sous forme de détritus (figure 4) 41. Le taux de recyclage des plastiques de 9 % au Canada correspond au taux de recyclage estimé dans le monde pour tous les déchets plastiques jamais produits (qui est aussi de 9 %) 42.
Note :
a. La catégorie « autres plastiques » comprend des plastiques comme les produits chimiques et les résines, et les plastiques utilisés pour les soins médicaux, dentaires et personnels ainsi que dans les jouets, le mobilier, les articles de sport, les matelas et la machinerie industrielle.
Source : Figure préparée par l’autrice à partir de données tirées de Environnement et Changement climatique Canada, Étude économique sur l’industrie, les marchés et les déchets du plastique au Canada : Rapport sommaire à Environnement et Changement climatique Canada (4.1 Mo, 65 pages), rapport préparé par Deloitte et Cheminfo Services Inc. pour Environnement et Changement climatique Canada, 2019, p. 8.
Source : Figure préparée par l’autrice à partir de données tirées de Environnement et Changement climatique Canada, Étude économique sur l’industrie, les marchés et les déchets du plastique au Canada : Rapport sommaire à Environnement et Changement climatique Canada (4.1 Mo, 65 pages), rapport préparé par Deloitte et Cheminfo Services Inc. pour Environnement et Changement climatique Canada, 2019, p. 3.
Au Canada, la gestion des déchets plastiques est une compétence partagée. Pour ce qui est de l’adoption de lois sur les déchets plastiques, tant le Parlement du Canada que les assemblées législatives des provinces et des territoires peuvent légiférer sur les questions environnementales dans les limites de leurs pouvoirs respectifs 43. Les gouvernements provinciaux et territoriaux ont principalement la responsabilité de réglementer et de surveiller les installations de gestion des déchets, y compris les sites d’enfouissement. La collecte des déchets ménagers, ainsi que les programmes d’élimination et de recyclage des déchets sont habituellement gérés par les administrations municipales directement ou par des entreprises en sous-traitance. Ce sont les municipalités qui prennent les règlements administratifs sur les détritus. Le gouvernement fédéral est pour sa part responsable du déplacement transfrontalier des déchets dangereux, y compris des matières recyclables dangereuses, ainsi que de la prévention de la contamination de l’environnement par des substances toxiques 44.
Comme plusieurs ordres de gouvernement se partagent les responsabilités liées à la gestion des déchets plastiques, la coordination est importante, notamment celle exercée par le Conseil canadien des ministres de l’environnement (CCME).
Comme seulement 1 % des déchets plastiques du Canada sont déversés dans l’environnement, les côtes canadiennes ne sont pas une source mondiale importante de détritus marins de plastique. Cependant, le Canada exporte ses déchets plastiques aux fins de recyclage vers des pays en développement, puisqu’il n’est pas toujours rentable d’en faire le tri et le traitement sur son territoire 45. Les normes locales de gestion des déchets applicables dans les pays qui reçoivent ces importations pourraient faire augmenter le risque que le plastique en provenance du Canada se retrouve dans l’environnement.
En 2018, le Canada a exporté un peu plus de 100 000 tonnes de déchets plastiques à l’étranger, une diminution par rapport aux 150 000 tonnes de déchets exportées en 2016 46. Cette diminution marquée est principalement attribuable au fait que la Chine a adopté des normes supérieures sur l’importation de matières recyclables comme les plastiques. Quand ces normes plus strictes sur la contamination sont entrées en vigueur en 2018, les centres de recyclage de nombreux pays dont le Canada se sont mis en quête de nouveaux marchés, qu’ils ont fini par trouver dans d’autres pays en développement 47. Par exemple, la Malaisie est devenue la deuxième destination la plus populaire pour ces exportations en 2018. Cette année là, la Malaisie a importé plus de 10 000 tonnes de déchets plastiques du Canada, soit 10 fois plus qu’en 2016 48.
En mai 2019, la Malaisie a annoncé qu’elle renverrait 3 000 tonnes de déchets plastiques non recyclables vers leur pays d’origine, dont le Canada 49. Toujours en mai 2019, les gouvernements ont convenu de modifier la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination (Convention de Bâle) afin d’exiger le consentement des pays visés pour l’importation de déchets plastiques mixtes et contaminés 50. La première mouture de la Convention de Bâle a été signée en 1989 afin d’éviter le transfert des déchets des pays industrialisés vers les pays en développement en vue de leur élimination inadéquate à bon marché 51. Au moment où ce document a été rédigé, le Canada n’avait pas encore soutenu l’amendement de mai 2019 52.
Cette partie présente les principales mesures que prend le Canada pour réduire la pollution plastique des océans.
En 2014, un rapport préparé pour le CCME intitulé State of Waste Management in Canada concluait que l’envoi de plastique dans un site d’enfouissement « représente une occasion manquée de valoriser les matières appartenant à cette filière 53 ». Ce rapport faisait ressortir la possibilité de poursuivre l’harmonisation pour homogénéiser les catégories de matières plastiques afin d’améliorer les programmes de détournement des sites d’enfouissement, particulièrement dans les petites provinces canadiennes comme celles de l’Atlantique et les territoires. Selon ce rapport, l’uniformisation des systèmes de recyclage et d’étiquetage des plastiques permettrait aux petites provinces d’établir des programmes de détournement avec d’autres gouvernements « pour pouvoir profiter d’économies d’échelle sur le plan de l’exécution des programmes, des infrastructures communes et des fonctions administratives 54 ».
La Stratégie visant l’atteinte de zéro déchet de plastique a été approuvée en principe en novembre 2018 55. En juin 2019, le CCME a publié le Plan d’action pancanadien visant l’atteinte de zéro déchet de plastique – Phase 1. Comme il est illustré dans la figure 5, ce plan d’action priorise la réduction en prévenant la génération de déchets plastiques en amont. Le mode de gestion des déchets plastiques le moins privilégié par le CCME – la valorisation énergétique – sous-entend de convertir les déchets plastiques en carburant liquide ou solide pour générer du chauffage ou de l’électricité par recyclage chimique ou incinération. L’incinération des déchets plastiques pour en récupérer la valeur énergétique génère des émissions de GES et peut générer l’émission de toxines néfastes pour l’environnement et la santé humaine, selon le type d’incinérateur et le procédé utilisés, ainsi que le contrôle des émissions 56.
Source : Conseil canadien des ministres de l’environnement, Plan d’action pancanadien visant l’atteinte de zéro déchet de plastique – Phase 1 (202 Ko, 10 pages), 2019, p. 2.
La phase 1 de ce plan d’action met l’accent sur la conception des produits de plastique, les systèmes de collecte et la capacité de recyclage et est assortie de dates cibles pour les actions suivantes :
Le CCME reconnaît les propriétés bénéfiques des plastiques, si bien que l’objectif de ce plan d’action n’est pas d’éliminer totalement les plastiques, mais plutôt d’en réduire la consommation et d’améliorer la gestion du cycle de vie des plastiques.
La phase 2 du plan d’action, qui devrait être publiée en 2020, portera principalement sur la réduction de la quantité de déchets plastiques dans les océans, les Grands Lacs et les eaux intérieures du Canada, ainsi que sur la recherche, le nettoyage, la sensibilisation des consommateurs et le lancement d’une action mondiale.
Le gouvernement fédéral a pris des mesures pour interdire la fabrication et l’importation de produits de toilette contenant des microbilles de plastique grâce à l’adoption du Règlement sur les microbilles dans les produits de toilette, en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999). Le Canada est l’un des huit pays dans le monde seulement à s’être doté de lois ou de règlements nationaux pour interdire ces polluants, ce qui fait de lui un chef de file des efforts mondiaux pour interdire les microbilles 58. La Nouvelle-Zélande s’est pour sa part dotée d’une loi encore plus robuste sur les microbilles, puisqu’elle ne régit pas que les microbilles présentes dans les produits de soins personnels (comme les sept autres pays), mais également celles présentes dans les produits ménagers abrasifs et les produits de nettoyage automobiles ou industriels 59.
Pendant sa présidence du Groupe des Sept en 2018, le Canada a travaillé à l’avancement de la Charte sur les plastiques dans les océans (la Charte). En date du 21 novembre 2019, 21 pays, l’Union européenne (UE), ainsi que 64 entreprises et organisations avaient signé la Charte 60. Celle ci contient des engagements en matière de recyclage, de réutilisation et de récupération des plastiques, dans le but d’en empêcher le déversement dans l’environnement. Elle fixe les objectifs suivants :
En signant la Charte, le Canada a promis d’injecter 100 millions de dollars pour aider les pays en développement à réduire leur pollution plastique des océans 61. Cette aide sera particulièrement importante pour les pays côtiers en développement, dont les systèmes de gestion des déchets favorisent le déversement d’un volume élevé de plastiques dans l’environnement 62.
Le Canada est signataire de diverses conventions et initiatives internationales destinées à réduire la pollution des océans, dont la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets et d’autres matières, en plus de participer à diverses mesures dont la campagne du PNUE Océans propres, qui vise à mobiliser les gouvernements, les entreprises et les particuliers afin de les inciter à réduire volontairement leur production et leur consommation de plastiques non récupérables et de plastiques à usage unique 63. En mars 2019, à l’occasion de la quatrième session de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement, les ministres de l’Environnement de 157 pays se sont engagés à réduire considérablement l’utilisation de produits de plastique à usage unique d’ici 2030 et à travailler avec les acteurs du secteur privé afin de trouver des solutions de remplacement abordables et écologiques à ces produits 64.
Les États membres de l’Organisation des Nations Unies (ONU), dont le Canada, ont adopté, en 2015, le Programme de développement durable à l’horizon 2030, qui s’articule autour d’un ensemble d’objectifs de développement durable (ODD) 65. Le PNUE a ainsi établi plusieurs ODD assortis de cibles et d’indicateurs précis pour réduire les sources de pollution plastique des océans et leurs conséquences. Voici quelques-uns de ces objectifs :
Cette partie présente quelques-uns des efforts déployés par les organisations internationales, les autres gouvernements et l’industrie pour réduire la pollution plastique.
L’ONU a publié divers documents (cités tout au long de cette étude générale), qui présentent des analyses scientifiques sur la pollution plastique, ainsi que des solutions stratégiques. En 2018, le PNUE a publié une analyse comparative des mesures prises par les 192 pays du monde pour réduire les déchets provenant des plastiques à usage unique, une analyse intitulée Legal Limits on Single-Use Plastics and Microplastics: A Global Review of National Laws and Regulations. Y sont décrits les efforts des différents pays pour réduire la prévalence des sacs de plastique, des plastiques à usage unique et des microbilles. En effet, les pays prennent diverses mesures réglementaires pour régir les plastiques à la source de la pollution des océans, comme des interdictions ou des restrictions, des taxes, des modèles de responsabilité élargis pour les producteurs, des systèmes de consignation, ainsi que des mandats de recyclage et des incitatifs au recyclage 67.
En juillet 2018, 127 des 192 pays (66 %) avaient leurs propres lois ou règlements nationaux sur les sacs de plastique 68. Bien que le Canada n’ait pas de règlement national sur les sacs de plastique, des mesures à cet égard sont adoptées par les provinces et les municipalités, comme la Plastic Bag Reduction Act (Loi sur la réduction des sacs en plastique) de l’Île du Prince Édouard, la Plastic Bags Reduction Act de la Nouvelle-Écosse et le Règlement interdisant la distribution de certains sacs d’emplettes dans les commerces de détail de la Ville de Montréal 69.
La Commission européenne a adopté la Stratégie européenne sur les matières plastiques dans une économie circulaire (la stratégie de l’UE sur les plastiques) en 2018 70. La stratégie de l’UE sur les plastiques vise à stimuler l’innovation et les investissements dans les solutions circulaires et durables. Elle vise également à améliorer la qualité du recyclage des matières plastiques et la dynamique économique sous-jacente, à réduire les déchets plastiques et les détritus en mer, ainsi qu’à favoriser les efforts internationaux visant à lutter contre la pollution plastique 71.
Afin de mettre en œuvre la stratégie de l’UE sur les plastiques, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté, le 5 juin 2019, une directive sur les plastiques à usage unique 72. Ainsi, les États membres ont deux ans pour mettre cette directive en œuvre et atteindre les objectifs suivants :
Cette directive s’applique aux produits en plastique à usage unique se retrouvant le plus souvent sur les plages européennes, aux produits fabriqués à base de plastique oxodégradable et aux engins de pêche contenant du plastique 74.
Les associations de l’industrie se fixent leurs propres objectifs pour réduire la prévalence des emballages et des déchets plastiques. Par exemple, en 2018, l’Association canadienne de l’industrie des plastiques, l’Association canadienne de l’industrie de la chimie et l’American Chemistry Council se sont engagés, d’abord, à faire en sorte que 100 % des emballages plastiques soient recyclables ou récupérables d’ici 2030, puis à ce que 100 % des emballages plastiques soient réutilisés, recyclés ou récupérés au plus tard en 2040 75. Avec l’initiative de la nouvelle économie des plastiques de la Fondation Ellen MacArthur, les entreprises de boissons ont fait la promesse de rendre les emballages en plastique 100 % réutilisables, recyclables ou compostables d’ici 2025 76.
La réponse mondiale au problème de la pollution plastique des océans évolue rapidement et l’ampleur du problème devient manifeste. Bien qu’il faille encore approfondir les recherches scientifiques pour comprendre les sources et les effets de la pollution plastique et l’efficacité des stratégies d’atténuation, on en sait déjà assez pour que les consommateurs, l’industrie et les gouvernements prennent des mesures afin de lutter contre la pollution plastique.
La production de plastique et la gestion des déchets plastiques ont des conséquences sur les émissions de GES et, par conséquent, sur les changements climatiques. À l’heure actuelle, entre 4 % et 8 % de la production de pétrole et de gaz mondiale sont utilisés pour fabriquer de nouvelles résines plastiques, mais cette proportion devrait passer à 20 % dans le monde d’ici 2050 77. Le recyclage d’une tonne de plastiques évite jusqu’à deux tonnes d’émissions de GES, pourvu qu’il fasse diminuer le besoin de nouvelles résines 78. L’atténuation des changements climatiques est peut-être un sous-produit de la lutte contre certaines sources de pollution plastique.
† Les études générales de la Bibliothèque du Parlement sont des analyses approfondies de questions stratégiques. Elles présentent notamment le contexte historique, des informations à jour et des références, et abordent souvent les questions avant même qu’elles deviennent actuelles. Les études générales sont préparées par le Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque, qui effectue des recherches et fournit des informations et des analyses aux parlementaires ainsi qu’aux comités du Sénat et de la Chambre des communes et aux associations parlementaires, et ce, de façon objective et impartiale. [ Retour au texte ]
Chambre des communes, Comité permanent de l’environnement et du développement durable. La goutte qui fait déborder le verre : réduire la pollution par le plastique au Canada, vingt-et-unième rapport, 1re session, 42e législature, juin 2019.
Environnement et Changement climatique Canada, Le programme scientifique canadien sur les plastiques (1.46 Mo, 27 pages), 2019.
Fondation Ellen MacArthur, Pour une nouvelle économie des plastiques – Repenser l’avenir des plastiques et catalyser l’action (1.35 Mo, 73 pages), 2017.
Programme des Nations Unies pour l’environnement, Marine litter legislation: A Toolkit for Policymakers, 2016.
Programme des Nations Unies pour l’environnement, L’état des plastiques : Journée mondiale de l’environnement perspectives 2018 (1.15 Mo, 20 pages), 2018.
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