En 2017, l'agriculture biologique au Canada représentait un marché de 5,4 milliards de dollars canadiens. Ce modèle agricole est issu d'un ensemble d'écoles de pensée et de mouvements agraires qui se sont construits en opposition à l'industrialisation de l'agriculture à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Au Canada, l'agriculture biologique apparaît dès les années 1950, mais c'est surtout dans les années 1990 et 2000 que sa croissance s'amorce. On compte aujourd'hui plus de 4 000 fermes biologiques réparties dans tout le pays, mais plus particulièrement concentrées au Québec, en Colombie-Britannique et en Saskatchewan. Depuis 1999, les principes de production et de vente des produits biologiques sont encadrés par les normes biologiques canadiennes qui ont force obligatoire depuis la mise en place du Règlement sur les produits biologiques en 2009. Ce cadre réglementaire régit notamment les techniques de production, les principes de gestion de l'exploitation biologique, l'étiquetage, et l'importation des produits biologiques. Il permet d'informer les consommateurs sur les techniques de production employées pour produire les aliments qu'ils consomment, mais il n'existe pas encore de consensus scientifique sur les avantages qu'offrent les produits biologiques par rapport à ceux issus de l'agriculture conventionnelle pour l'environnement, la santé et les revenus des agriculteurs.
L'agriculture biologique est un ensemble de techniques de production agricole qui proscrit notamment l'utilisation de pesticides, d'engrais de synthèse et de la biotechnologie. Elle repose sur des procédés de substitution pour la fertilisation et la protection contre les maladies. L'agriculture biologique est présente au Canada depuis les années 1950 et le nombre de fermes biologiques s'est particulièrement accru à partir des années 1990. Les ventes de produits biologiques ont également augmenté dans les 20 dernières années et elles représentaient un marché de 5,4 milliards de dollars canadiens en 2017 1. La présente étude générale propose un historique de cette pratique et donne un aperçu de son importance dans le système agricole canadien. Elle examine également la réglementation fédérale canadienne et aborde quelques enjeux contemporains liés à ce système de production.
L'agriculture biologique tire son origine de plusieurs mouvements agraires, sociaux ou encore spirituels qui se développent en Europe et en Amérique du Nord au début du XXe siècle, en opposition à la mécanisation de l'agriculture et à l'utilisation à grande échelle d'engrais minéraux. Ces mouvements convergeront plus tard vers le développement de l'agriculture biologique moderne.
Selon Helga Willer et Julia Lernoud de l'Institut de recherche de l'agriculture biologique (FiBL), le concept d'« agriculture naturelle » apparaît dès la fin du XIXe siècle en Allemagne et en Suisse. Ce modèle prône notamment le retour à la terre, l'emploi limité de la machinerie et la couverture permanente du sol. En raison de leurs convictions végétariennes, les tenants de l'agriculture naturelle limitaient également l'utilisation des animaux à la ferme, notamment les animaux de trait. En parallèle, l'Autrichien Rudolf Steiner a développé en 1924 l'agriculture biodynamique, qui proscrit également la machinerie et les engrais minéraux, et se fonde sur des principes ésotériques comme le respect des cycles lunaires dans les cultures 2. Au Royaume-Uni, la Soil Association est fondée en 1946 et représente l'une des premières organisations faisant la promotion de la conservation des sols avec des pratiques telles que les cultures sans labour, le maintien de couvertures végétales sur les sols et la rotation des cultures. Enfin, aux États-Unis, l'érosion importante des sols dans la région des Prairies dans les années 1930, causée notamment par le labour intensif, conduit à l'émergence d'organismes similaires comme les Friends of the Land qui promeuvent des solutions de remplacement au labour, comme l'utilisation de compost sur les cultures.
Jusque dans les années 1970, ces différentes écoles de pensée opéraient de manière largement indépendante et l'utilisation et la définition du concept d'agriculture biologique variaient d'un organisme à l'autre. À l'initiative d'associations représentant ces différents courants de pensée, la Fédération internationale des mouvements d'agriculture biologique (IFOAM) est créée en 1972 afin de consolider le mouvement biologique. L'organisme compte aujourd'hui plus de 750 organisations membres, parmi lesquelles se trouvent des associations de producteurs, de transformateurs et de consommateurs, des instituts de recherche et des entreprises privées, répartis dans plus de 100 pays 3.
Au Canada, l'histoire de l'agriculture biologique reflète ces évolutions à l'échelle mondiale. La Canadian Organic Soil Association est fondée en 1953. Cette organisation faisait la promotion des pratiques de conservation des sols et de biodynamie à travers le pays dans les années 1960. Dans les années 1970, l'Université McGill a développé le programme, intitulé « Ecological Agriculture Projects », qui devient alors un important centre d'information pour les acteurs de la filière. Les premiers organismes de certification sont apparus dans les années 1980 4. Cette institutionnalisation est parachevée avec la mise en place de la première norme biologique canadienne en 1999 et d'une réglementation qui rend le respect de normes obligatoire pour les produits destinés à la vente en 2009. Les normes biologiques et la réglementation qui les encadre sont présentées en détail dans la quatrième section de la présente étude.
Malgré les origines multiples et les différents courants de pensée à l'origine du développement de l'agriculture biologique, des définitions communes se sont progressivement imposées. D'abord, le Comité sur l'étiquetage alimentaire de la Commission du Codex Alimentarius – une organisation chargée de développer des normes alimentaires internationales et qui relève de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) – a établi une norme internationale sur l'agriculture biologique en 1999. Cette norme, qui reflète un consensus international entre plusieurs gouvernements, fournit une description de l'agriculture biologique sur laquelle de nombreuses législations se fondent :
[Les produits biologiques] proviennent d'un système d'exploitation biologique utilisant des pratiques culturales, visant à créer des écosystèmes propres à assurer une productivité durable et à lutter contre les plantes adventices, les organismes nuisibles et les maladies grâce à une diversité de formes de vie interdépendantes, au recyclage des résidus végétaux et animaux, à la sélection et à la rotation des cultures, à la gestion des eaux, au labourage et à la culture 5.
L'IFOAM a parallèlement établi quatre principes fondamentaux de l'agriculture biologique : les principes de santé, d'écologie, d'équité et de précaution 6. En 2008, l'organisation met au point une définition formelle qui illustre ces quatre principes fondamentaux :
L'agriculture biologique est un système de production qui maintient et améliore la santé des sols, des écosystèmes et des personnes. Elle s'appuie sur des processus écologiques, la biodiversité et des cycles adaptés aux conditions locales, plutôt que sur l'utilisation d'intrants ayant des effets adverses. L'agriculture biologique allie tradition, innovation et science au bénéfice de l'environnement commun et promeut des relations justes et une bonne qualité de vie pour tous ceux qui y sont impliqués 7.
La définition de l'IFOAM inclut des objectifs de justice sociale, d'équité et de préservation des traditions qui sont absents de la définition donnée par la Commission du Codex Alimentarius. Ces notions renvoient à des prises de position de l'organisation en faveur de la préservation des ressources génétiques, des savoir-faire traditionnels et de la réduction de la pauvreté.
Au Canada, la norme biologique propose une définition qui comprend tant des aspects environnementaux que des aspects sociaux, mais qui précise toutefois que le respect de l'environnement est l'objectif premier de l'agriculture biologique :
La production biologique est un système de gestion holistique qui vise à maximiser la productivité et à favoriser la santé des diverses communautés de l'agroécosystème, notamment les organismes du sol, les végétaux, les animaux et les êtres humains. Le but premier de la production biologique est de développer des exploitations durables et respectueuses de l'environnement 8.
Selon Statistique Canada, le nombre de fermes déclarant une production biologique 9 a globalement augmenté au cours des 15 dernières années. Le Canada comptait 4 289 fermes biologiques en 2016 alors qu'il n'y en avait que 2 230 en 2001. Cette progression a été observée alors que le nombre total de fermes a décliné sur la même période. Si les fermes déclarant une production biologique représentent une part croissante des fermes canadiennes, elles restent encore marginales, ne représentant que 2,2 % des 193 492 fermes que comptait le Canada en 2016.
Selon les données de l'Organisation canadienne du commerce biologique, le nombre de transformateurs biologiques a connu une croissance parallèle à celui des fermes biologiques sur la même période (figure 1).
Note : L'Institut de recherche de l'agriculture biologique (FiBL) utilise la définition suivante de « producteur biologique » : « Unité de production exploitée sous une direction unique en vue de la production de produits agricoles ».
Sources : Figure préparée par l'auteur à partir de données tirées de FiBL Statistics, Organic operators. Pour la définition de « producteur biologique » (organic producer), voir FiBL Statistics, Information on data and terms of use [traduction].
Si le recensement dénombre des fermes déclarant une production biologique dans toutes les provinces ainsi qu'au Yukon, on constate des variations régionales importantes. Ainsi, en 2016, 62 % des fermes biologiques se situaient dans les trois provinces suivantes : le Québec, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique. Le pourcentage de fermes biologiques varie également en fonction de la province. En 2016, elles représentaient 4,4 % des fermes du Québec et 3,1 % des fermes de la Colombie-Britannique, mais étaient moins bien représentées ailleurs (tableau 1). Certaines provinces disposent de réglementation, de lois ou encore de programmes de soutien à la production biologique qui peuvent expliquer une partie de ces variations régionales 10.
Province ou territoire a | Nombre de fermes biologiques en 2016 | Pourcentage du nombre total de fermes | Évolution du nombre de fermes b 2011-2016 |
---|---|---|---|
Québec | 1 268 | 4,4 % | ↗ 231 |
Saskatchewan | 879 | 2,5 % | ↘ 185 |
Ontario | 854 | 1,7 % | ↗ 80 |
Colombie-Britannique | 550 | 3,1 % | ↘ 19 |
Alberta | 424 | 1,0 % | ↗ 98 |
Manitoba | 161 | 1,1 % | ↘ 19 |
Nouvelle-Écosse | 60 | 1,7 % | → 0 |
Nouveau-Brunswick | 49 | 2,2 % | ↘ 10 |
Île-du-Prince-Édouard | 39 | 2,9 % | ↘ 7 |
Yukon | 8 | 5,6 % | → 0 |
Terre-Neuve-et-Labrador | 5 | 1,2 % | → 0 |
Notes :
Sources : Tableau préparé par l'auteur à partir de données tirées de Statistique Canada, Tableau 32-10-0414-01 – Produits biologiques à la vente; et Statistique Canada, Tableau 32-10-0440-01 – Nombre total de fermes et d'exploitants agricoles.
Le profil des exploitations biologiques contraste légèrement avec celui des exploitations conventionnelles. Comparativement aux autres fermes, il y avait proportionnellement moins de fermes biologiques dirigées exclusivement par des hommes et plus de fermes biologiques dirigées à la fois par des hommes et des femmes en 2016 (figure 2). Par ailleurs, il y avait proportionnellement moins de fermes biologiques dirigées exclusivement par des personnes de plus de 55 ans que d'autres fermes (figure 3). Ces différences pourraient s'expliquer par le caractère relativement récent de l'agriculture biologique au Canada et par les coûts de conversion élevés pour les personnes ayant déjà en place une entreprise en agriculture conventionnelle. Un rapport de l'IFOAM souligne le caractère émancipateur de l'agriculture biologique pour les femmes qui pourrait expliquer leur présence relativement plus importante dans ce type de production au Canada 11.
Source : Figure préparée par l'auteur à partir de données tirées de Statistique Canada, Recensement de l'agriculture de 2016 (données obtenues directement auprès de Statistique Canada).
Source : Figure préparée par l'auteur à partir de données tirées de Statistique Canada, Recensement de l'agriculture de 2016 (données obtenues directement auprès de Statistique Canada).
Selon le rapport annuel de 2020 de l'IFOAM et de l'Institut de recherche de l'agriculture biologique (FiBL) sur l'agriculture biologique, en 2018, le Canada se classait au 11e rang mondial en matière de surfaces consacrées à l'agriculture biologique, derrière des pays comme l'Italie et la Italie, mais devant le Brésil, la Russie et le Italie 12. L'Australie et l'Argentine occupaient la tête de ce classement en grande partie grâce aux surfaces consacrées à l'élevage extensif dans ces pays. Le Canada se classait en queue de peloton des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques en ce qui concerne le pourcentage de sa surface agricole totale consacrée à la production biologique, avec seulement 2 % des terres consacrées à ce type d'agriculture contre 24,6 % pour l'Italie et 19,8 % pour la Suède (figure 4). Le Canada se classe toutefois parmi les pays qui consacrent le plus de terres aux céréales et aux légumineuses biologiques 13.
Sources : Carte préparée par l'auteur à partir de données tirées de Natural Earth,1:110m Cultural Vectors 1:110m Physical Vectors version 4.1.0; et de FiBL Statistics, Data on organic area in worldwide.
Le Canada était le sixième plus grand importateur et le septième exportateur de produits biologiques en 2018, avec des importations d'une valeur de 700 millions de dollars canadiens et des exportations de 666 millions de dollars canadiens. Les États-Unis et l'Italie étaient les deux premiers pays exportateurs de produits biologiques avec plus de 3 milliards de dollars canadiens de vente chacun cette année-là 14.
Les exportations de produits biologiques du Canada ont connu une forte croissance (256 %) entre 2008 et 2012. Cette augmentation coïncide avec l'adoption en 2009 d'une réglementation fédérale contraignante et la conclusion d'une entente d'équivalence avec les États-Unis pour les produits biologiques. Certains auteurs avancent que l'un des objectifs principaux de la réglementation de 2009 était justement de permettre la mise en conformité de la réglementation canadienne avec celle de ses principaux partenaires commerciaux 15.
Avant 1999, l'agriculture biologique était peu encadrée au niveau fédéral et les règles dépendaient des organismes de certification et de la réglementation en place dans certaines provinces. Dès 1993, la Colombie-Britannique disposait d'un régime de certification des produits biologiques, centré autour de l'utilisation du logo « British Columbia Certified Organic ». Le processus de certification était régi par un règlement sur la certification des produits agricoles biologiques, l'Organic Agricultural Products Certification Regulation, qui prévoyait des amendes pour les utilisations frauduleuses de ce logo. Le Québec a adopté une approche distincte dans les années 2000 en réglementant l'utilisation du terme « biologique » qui est alors devenu une « appellation réservée » aux termes de la Loi sur les appellations réservées de 1996. À cette époque, le Québec développe également sa propre norme, les Normes biologiques de référence 16.
En 1999, l'Office des normes générales du Canada établit une norme nationale canadienne sur l'agriculture biologique, Systèmes de production biologique : Principes généraux et normes de gestion 17, qui décrit en détail le cahier des charges que doivent suivre les producteurs biologiques. Toutefois, jusqu'en 2009, cette norme n'avait pas force obligatoire, bien qu'elle fût appliquée par de nombreux organismes de certification, et les affirmations sur le caractère biologique d'un produit n'étaient pas tenues de respecter cette norme au niveau fédéral. Le régime biologique canadien s'est ensuite enrichi de deux autres normes, la première adoptée en 2006 sur les listes de substances permises 18 et la deuxième adoptée en 2012 sur l'aquaculture 19. L'ensemble de ces trois textes constitue les normes biologiques canadiennes.
Les normes biologiques canadiennes proscrivent explicitement certaines pratiques agricoles, comme l'utilisation de techniques de génie génétique, de régulateurs de croissance ou encore de l'irradiation. Les engrais, composts et additifs alimentaires peuvent être permis s'ils ne contiennent que des substances permises listées dans les normes. L'utilisation de médicaments sur les animaux est autorisée, mais cette utilisation doit être justifiée par une nécessité thérapeutique, excluant les utilisations préventives ou visant à accélérer la croissance. De même, l'utilisation d'antibiotiques n'est possible que dans les situations d'urgence, et doit être limitée dans le temps.
Des mesures doivent être prises pour éviter la contamination des cultures par des produits non autorisés ou des semences issues de la biotechnologie en mettant en place des zones tampons entre les zones de cultures biologiques et celles non biologiques. Si des parcelles biologiques et conventionnelles peuvent coexister dans une même exploitation, les normes biologiques canadiennes précisent que l'exploitation doit « viser une conversion complète de sa production ». Une ferme qui continuerait d'avoir une production non biologique doit s'assurer qu'il ne peut pas y avoir de confusion possible entre la part de sa production biologique et celle qui n'est pas biologique. Par exemple, il est interdit de cultiver une même espèce sous forme biologique et non biologique, et les récoltes biologiques doivent être entreposées séparément des récoltes issues d'autres pratiques agricoles 20.
En 2009, le Règlement sur les produits biologiques, pris en vertu de la Loi sur les produits agricoles au Canada 21, vient donner une force obligatoire aux normes biologiques. Ce règlement encadre les processus d'agrément des organismes de certification chargés de faire respecter les normes biologiques canadiennes et précise les modalités encadrant la suspension de ces organismes s'ils enfreignent les règles établies. Le Règlement énonce les règles à suivre pour accorder ou retirer une certification et précise que les organismes de certification doivent également se conformer aux dispositions de deux normes de l'Organisation internationale de normalisation (ISO) sur les mécanismes de certification 22. Le régime réglementaire canadien – en se basant sur des normes établies et mises à jour par des organismes externes – se distingue de la plupart des autres systèmes réglementaires dans le monde comme celui des États-Unis où les règles de la production sont fixées directement par le département de l'Agriculture 23. En 2018, les dispositions du Règlement sur les produits biologiques ont été intégrées au Règlement sur la salubrité des aliments au Canada 24.
Le Règlement encadre aussi l'étiquetage des produits biologiques ainsi que le commerce interprovincial et international des produits biologiques. Il réserve notamment l'utilisation de mentions telles que « produit biologiquement », « cultivé biologiquement » ou « organique » aux produits certifiés biologiques ou aux produits multi-ingrédients qui contiennent au moins 95 % de produits certifiés biologiques. Des produits multi-ingrédients qui contiennent moins de 95 % de produits biologiques peuvent porter la mention « d'ingrédients biologiques » si celle-ci est immédiatement précédé du pourcentage de produits biologiques contenus dans le produit et peuvent mentionner les produits qui sont biologiques dans la liste d'ingrédients. Les emballages doivent également préciser quel est l'organisme certificateur canadien qui a accordé la certification biologique.
La réglementation fédérale s'applique aux produits destinés au commerce interprovincial ou à l'exportation, ainsi qu'à ceux qui portent le logo « Biologique Canada ». Elle ne vise pas les aliments produits et vendus dans une même province ou dans un même territoire 25. Certaines provinces (Colombie-Britannique, Manitoba, Québec, Nouveau‑Brunswick et Nouvelle‑Écosse) ont pallié ce manque en mettant en place leur propre réglementation couvrant la vente de produits biologiques à l'intérieur de leur juridiction 26. De plus, la Colombie‑Britannique et le Québec ont également créé des logos de certification biologique propres à leurs provinces (figure 5).
Logo « Biologique Canada » | Logo « Certified Organic » de la Colombie-Britannique | Logo « BIO Québec » |
---|---|---|
Sources : Gouvernement du Canada, « Utilisation du logo Biologique sur les étiquettes de produits biologiques », Allégations biologiques sur les étiquettes des aliments; Certified Organic Associations of British Columbia, British Columbia Certified Organic Program: Symbol User's Guide (752 KB, 12 pages), août 2012; et Conseil des appellations réservées et des termes valorisants, Guide d'utilisation : Logo BIO Québec (139 KB, 3 pages).
L'importation de produits biologiques au Canada est également couverte par la réglementation fédérale. L'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) a conclu avec des États étrangers des ententes qui reconnaissent l'équivalence de leurs régimes réglementaires biologiques. Ces ententes ne s'appliquent cependant pas aux produits aquacoles. Depuis 2009, le Canada a conclu des ententes de ce genre avec quatre pays et avec l'Union européenne :
Les produits en provenance de pays avec lesquels le Canada n'a pas signé d'entente peuvent être importés en tant que produits biologiques s'ils ont été certifiés par l'un des organismes de certification étrangers accrédités par l'ACIA 27. En décembre 2019, 85 pays et territoires étrangers comptaient au moins un de ces organismes. Ces organismes de certification appliquent les règles du régime canadien et non celui de du pays ou du territoire dans lequel ils sont situés et peuvent autoriser l'utilisation du logo « Biologique Canada ». Quel que soit leur mode de certification, les produits importés doivent également indiquer le nom de l'entité responsable de la certification ainsi que le pays d'origine sur leurs emballages.
Plusieurs études ont tenté d'évaluer l'impact environnemental de l'agriculture biologique, mais leurs résultats sont parfois contradictoires. Des méta-analyses récentes indiquent notamment que les pratiques de conservation des sols mises en place dans le cadre de l'agriculture biologique peuvent être bénéfiques pour la biodiversité. Par exemple, l'usage limité de certains pesticides semble favoriser un accroissement important de l'activité microbienne du sol qui contribue à la préservation de sa structure et de sa fertilité 28. De même, l'utilisation limitée d'engrais minéraux dans ce type d'agriculture permettrait également de réduire le lessivage des nitrates responsables de l'eutrophisation des cours d'eau et des lacs 29. Toutefois, une autre méta-analyse de 2017 avance que si les mesures d'eutrophisation des cours d'eau et des lacs sont rapportées à la quantité de nourriture produite plutôt qu'à la superficie des sols cultivés, l'impact de l'agriculture biologique est plus important que celui de l'agriculture conventionnelle en raison de la dépendance de ce système de production à l'utilisation de lisiers pour assurer la fertilisation des cultures 30.
Les études portant sur la productivité indiquent que le rendement de l'agriculture biologique est de 8 à 25 % plus faible que celui de l'agriculture conventionnelle, selon les types de production 31. Elle nécessite donc de plus grandes surfaces pour produire une même quantité de nourriture, ce qui fait dire à certains auteurs qu'une généralisation de l'agriculture biologique pourrait entraîner une augmentation des terres dédiées à l'agriculture et accroître ainsi l'empreinte environnementale de cette dernière 32. De même, l'utilisation proscrite des herbicides chimiques peut contraindre les producteurs biologiques à travailler davantage le sol pour éliminer les mauvaises herbes, ce qui peut, à terme, favoriser son érosion 33. Ces effets négatifs pourraient toutefois être atténués à l'avenir avec l'amélioration des techniques d'agriculture biologique, notamment le développement de variétés cultivées d'espèces végétales mieux adaptées aux systèmes de production biologique 34.
Au Canada, on constate que les fermes biologiques se concentrent dans certains secteurs de production (figure 6). Il s'agit de secteurs où les écarts de productivité entre l'agriculture biologique et l'agriculture conventionnelle sont les moins importants. Ainsi, proportionnellement, il y a plus de fermes biologiques dans un secteur comme celui de la production en serre, pour lequel on estime que le rendement des légumes de serre biologiques est similaire à celui des légumes de serre conventionnels 35. En revanche, il y a proportionnellement moins de fermes biologiques dans le secteur des céréales où les écarts de rendement sont plus accentués, le rendement d'une production biologique étant généralement inférieur au rendement d'une production conventionnelle dans ce secteur 36.
Source : Figure préparée par l'auteur à partir de données tirées de Statistique Canada, Recensement de l'agriculture de 2016 (données obtenues directement auprès de Statistique Canada).
Les effets positifs sur la santé humaine des produits biologiques sont encore mal connus. Une prévalence moins importante d'allergies et de certaines maladies cardiovasculaires a été observée chez les personnes qui consomment des produits biologiques, mais ces effets pourraient être attribuables aux habitudes de vies plus saines observées chez ces personnes par rapport à celles qui ne consomment pas de produits biologiques. De même, des tests menés sur les animaux ont montré des effets positifs d'une alimentation biologique sur leurs capacités immunitaires, mais il n'a pas été démontré que ces résultats pouvaient être généralisés à l'homme. En limitant l'emploi de pesticides de synthèse, l'agriculture biologique pourrait limiter l'exposition des consommateurs aux résidus de pesticides, mais l'impact sur la santé de cet aspect est mal documenté. Enfin, les restrictions concernant l'utilisation d'antibiotiques dans l'élevage biologique pourraient contribuer à limiter le phénomène de résistance antimicrobienne qui est favorisé par la consommation répétée d'antibiotiques 37.
Les produits biologiques certifiés sont généralement vendus à des prix supérieurs aux produits de l'agriculture conventionnelle, ce qui peut permettre de compenser les rendements plus faibles de l'agriculture biologique et la rendre profitable 38. Afin de bénéficier de ces prix plus élevés, les exploitants doivent faire certifier leur production, ce qui implique une période de transition pendant laquelle l'exploitant doit mettre en œuvre les pratiques biologiques pendant plusieurs années sans pouvoir facturer de prix plus élevés. Enfin, l'agriculture biologique étant plus dépendante de la main-d'œuvre, les problèmes d'accès à la celle-ci peuvent représenter un défi 39.
Au Canada, il est difficile de mesurer l'impact de l'agriculture biologique sur les revenus des producteurs. En 2016, plus de la moitié (53,9 %) des fermes biologiques ont déclaré un revenu brut annuel compris entre 50 000 $ et 500 000 $. Les fermes conventionnelles sont relativement plus représentées que les fermes biologiques dans les tranches de revenus les plus faibles (moins de 50 000 $), mais aussi, dans les plus fortes (plus de 500 000 $) (figure 7). À noter que ces données ne nous renseignent pas sur la causalité de ces écarts de revenus, elles permettent seulement d'établir qu'une différence est observée. Par exemple, il n'est pas possible, avec cette analyse préliminaire, de déterminer si ces écarts sont le résultat ou non d'une conversion à l'agriculture biologique.
Source : Figure préparée par l'auteur à partir de données tirées de Statistique Canada, Recensement de l'agriculture de 2016 (données obtenues directement auprès de Statistique Canada).
L'agriculture biologique au Canada est encore relativement jeune, mais elle occupe une place croissante dans le secteur agricole. Son développement est contingent à celui des normes et de la réglementation canadienne en la matière qui garantissent la cohérence du régime et la fiabilité de l'étiquette biologique pour les consommateurs. L'actualisation des normes biologiques canadiennes qui est effectuée tous les cinq ans représente un élément important pour préserver la cohérence et la confiance des consommateurs dans l'étiquette biologique. Afin de poursuivre sa croissance, le secteur devra démontrer sa pertinence pour atteindre ses objectifs environnementaux et sociétaux à la lumière de l'évolution des connaissances et des innovations technologiques, mais aussi réduire les écarts de rendement et de prix avec l'agriculture conventionnelle.
† Les études générales de la Bibliothèque du Parlement sont des analyses approfondies de questions stratégiques. Elles présentent notamment le contexte historique, des informations à jour et des références, et abordent souvent les questions avant même qu’elles deviennent actuelles. Les études générales sont préparées par le Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque, qui effectue des recherches et fournit des informations et des analyses aux parlementaires ainsi qu’aux comités du Sénat et de la Chambre des communes et aux associations parlementaires, et ce, de façon objective et impartiale. [ Retour au texte ]
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