En 2019, le gouvernement du Canada a mis en œuvre la Stratégie canadienne de lutte contre l'itinérance, Vers un chez soi, pour remplacer la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance. L'initiative Vers un chez‑soi a pour objectif essentiel, entre autres, d'améliorer la compréhension du gouvernement et de la communauté au sujet de l'itinérance en veillant à ce que les communautés disposent des renseignements et des outils dont elles ont besoin pour prévenir et réduire l'itinérance, notamment des analyses de la capacité d'hébergement, des données relatives à l'utilisation des refuges ainsi que des dénombrements ponctuels coordonnés à l'échelle nationale.
Il est primordial de définir et de mesurer l'itinérance afin de comprendre la nature et l'ampleur du problème, de savoir qui sont les personnes concernées et de déterminer une manière de remédier à cette situation. La plupart des définitions de l'itinérance tiennent compte de deux facettes importantes de ce phénomène : la situation spécifique à l'égard du logement et la durée ou la fréquence des épisodes d'itinérance. Les directives de la Stratégie de lutte contre l'itinérance du gouvernement du Canada, qui font partie de l'initiative Vers un chez-soi, donnent une définition de l'itinérance, qui repose en grande partie sur la définition établie en 2012 par l'Observatoire canadien sur l'itinérance.
Malgré la visibilité persistante de l'itinérance au Canada, il est difficile de dénombrer une population sans adresse permanente ni lieu fixe, qui compte beaucoup de « sans‑abri cachés », et qui varie sans cesse puisque des personnes se retrouvent sans abri et d'autres sortent de l'itinérance à tout moment. Au Canada, les gouvernements et d'autres parties prenantes ont tenté de dénombrer la population des sans‑abri, notamment en mesurant la capacité des refuges et les taux de fréquentation de ceux‑ci, et en réalisant des dénombrements ponctuels (qui offrent un instantané de l'itinérance dans une communauté, généralement sur une période de 24 heures).
Plus récemment, le gouvernement fédéral, pour pallier les insuffisances des efforts précédents visant à évaluer l'ampleur de l'itinérance au Canada, a fourni aux communautés des ressources pour appuyer une approche pancanadienne de mesure de l'ampleur de l'itinérance au pays au moyen de dénombrements ponctuels coordonnés à l'échelle nationale. Le premier dénombrement du genre a eu lieu en 2016 dans 32 communautés et le deuxième a eu lieu en 2018 dans plus de 60 communautés. Le troisième dénombrement devait avoir lieu en mars et en avril 2020. De nombreuses municipalités ont dû reporter leur dénombrement ponctuel en raison des mesures de santé publique mises en œuvre pendant la pandémie de COVID‑19.
Le 1er avril 2019, le gouvernement du Canada a mis en œuvre la stratégie canadienne de lutte contre l'itinérance, Vers un chez soi, pour remplacer la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance 1. Dans le cadre de l'initiative Vers un chez‑soi, le gouvernement fournit un soutien et un financement aux communautés désignées (certains centres urbains), aux communautés autochtones, aux communautés territoriales ainsi qu'aux communautés rurales et éloignées du Canada dans le but de prévenir et de réduire l'itinérance 2. L'initiative Vers un chez‑soi vise à atteindre certains objectifs de la Stratégie nationale sur le logement (établie en vertu de la Loi sur la stratégie nationale sur le logement, en juin 2019), comme la réduction de 50 % d'ici 2027-2028 du nombre estimé d'utilisateurs de refuges au Canada qui sont chroniquement sans abri 3.
L'initiative Vers un chez-soi a pour objectif essentiel, entre autres, d'accroître la compréhension du gouvernement et de la communauté au sujet de l'itinérance en veillant à ce que les communautés disposent des renseignements et des outils dont elles ont besoin pour prévenir et réduire l'itinérance, notamment des analyses de la capacité d'hébergement, des données relatives à l'utilisation des refuges ainsi que des dénombrements ponctuels coordonnés à l'échelle nationale 4. Les communautés désignées devront adopter le système d'information sur la gestion de l'itinérance du gouvernement fédéral (Système d'information sur les personnes et les familles sans abri) ou avoir un système comparable en place. Il s'agit de recueillir des données sur les groupes de personnes sans abri et de mesurer les progrès accomplis en vue de la réduction de l'itinérance 5.
La présente étude fait état des définitions canadiennes et internationales de l'itinérance, présente une analyse des approches méthodologiques (y compris les dénombrements ponctuels) pour dénombrer les sans‑abri et évalue l'ampleur de l'itinérance au Canada.
Il n'existe pas de définition unique de l'itinérance, que ce soit au Canada ou à l'étranger, et les défenseurs, les chercheurs et les décideurs politiques ont interprété l'itinérance d'une multitude de façons 6. Il est essentiel de définir et de mesurer l'itinérance afin de comprendre la nature et l'ampleur du problème, de savoir qui sont les personnes concernées et de déterminer une manière de remédier à cette situation 7. En outre, une définition commune procure un avantage particulier, car elle donne aux parties prenantes :
un cadre dans lequel ils pourront comprendre et décrire l'itinérance, et les moyens pour identifier leurs objectifs, leurs stratégies et leurs interventions, ainsi que de mesurer les résultats et les progrès 8.
La plupart des définitions de l'itinérance tiennent compte de deux aspects importants de ce phénomène : la situation spécifique relative au logement et la durée ou la fréquence des épisodes d'itinérance.
L'itinérance est un terme général qui peut englober toute une série de situations relatives au logement. Ces situations se situent sur le spectre des types d'hébergements 9 :
Pour beaucoup, l'itinérance absolue est uniquement la « partie visible de l'iceberg », car les experts estiment qu'un plus grand nombre encore de personnes vivent une situation d'itinérance cachée ou relative avant de se retrouver en situation d'itinérance absolue. Cependant, l'itinérance cachée et l'itinérance relative sont moins visibles et moins facile à mesurer que l'itinérance absolue. Par exemple, selon le Recensement de 2016, 22 190 personnes résidaient habituellement dans des refuges (ce qui témoigne de l'itinérance absolue), pourtant des données de 2014 indiquent que près d'un Canadien sur dix, soit environ 2,3 millions de personnes, s'est trouvé, à un moment ou à un autre de sa vie, en situation d'itinérance cachée 10.
En plus d'aborder les situations relatives au logement, les définitions de l'itinérance contiennent souvent un élément temporel. La fréquence et la durée des épisodes d'itinérance peuvent avoir des conséquences importantes sur la façon de comprendre le problème et d'y remédier. Dans cette optique, voici les trois grandes catégories d'itinérance :
La majorité des personnes qui se retrouvent sans abri le sont de manière temporaire, souvent après un événement ponctuel où elles perdent leur logement pendant moins d'un mois, et parviennent à sortir de l'itinérance par leurs propres moyens, généralement avec peu de soutien 12.
Les diverses définitions de l'itinérance découlent des différents aspects de ce phénomène, comme la situation spécifique relative au logement et la durée ou la fréquence des épisodes d'itinérance.
Certains organismes adoptent une définition plus large de l'itinérance. Par exemple, les Nations Unies incluent le problème du sans-abrisme dans la sphère des droits de l'homme 13.
Des définitions plus concises de l'itinérance sont nécessaires à des fins pratiques, comme pour dénombrer la population sans abri ou fournir des services à celle-ci. Ainsi, la définition utilisée dans le cadre du recensement des sans‑abri (Homeless Count) de la Ville de Vancouver comporte l'élément de temps. Dans son rapport de 2019, la Ville considère comme sans-abri les personnes qui « n'ont pas de logement à elles pour lequel elles paient un loyer et où elles peuvent s'attendre à demeurer pendant au moins 30 jours » 14.
Les directives de la Stratégie de lutte contre l'itinérance du gouvernement du Canada (les directives), qui font partie de l'initiative Vers un chez‑soi de la Stratégie nationale du logement, proposent des définitions de l'itinérance, de l'itinérance chronique et de l'itinérance autochtone 15. L'itinérance y est définie comme suit :
la situation d'une personne ou d'une famille sans adresse ou domicile fixe; conditions de vie d'une personne ou d'une famille n'ayant pas de logement stable, permanent, approprié, ni la possibilité, les moyens et la capacité d'en obtenir un 16.
Il est précisé que l'itinérance est souvent le résultat d'« obstacles dits systémiques ou sociétaux », telles que le « manque de logements abordables et appropriés, [des] problèmes de difficultés financières, [des] problèmes de santé mentale, cognitifs, comportementaux ou physiques vécus par les individus ou les ménages, ou [le] racisme et la discrimination 17. »
Toujours selon les directives, l'itinérance chronique désigne les personnes qui sont actuellement sans abri et qui remplissent l'un des critères suivants :
- [elles] ont été en situation d'itinérance pendant 6 mois (180 jours) ou plus au cours de la dernière année;
- [elles] ont été en situation d'itinérance pendant 18 mois (546 jours) ou plus au cours des 3 dernières années 18.
Les personnes en situation d'itinérance chronique ont vécu différentes situations comme :
- Passer la nuit dans des lieux extérieurs, incluant les endroits publics ou privés sans autorisation ni contrat, ou les endroits non conçus pour l'habitation humaine permanente […].
- Passer la nuit dans un refuge d'urgence, incluant les refuges d'urgence de nuit pour les personnes en situation d'itinérance (incluant les refuges pour des populations spécifiques, par exemple les refuges pour les jeunes, les familles et les nouveaux arrivants), les refuges pour femmes victimes de violence et les refuges d'urgence pour personnes fuyant un désastre naturel ou la destruction de leur hébergement […].
- Demeurer temporairement chez quelqu'un, mais sans garantie de résidence soutenue ou de possibilité immédiate d'accès à un logement permanent, ou vivant dans les logements de location temporaires et à court terme (par exemple les motels) sans droit au maintien dans les lieux 19.
Les peuples autochtones sont surreprésentés dans la population sans abri du Canada 20. Les directives reconnaissent cette situation et donnent une définition particulière de l'itinérance chez les peuples autochtones. Cette définition reconnaît la diversité des peuples autochtones du Canada et inclut les membres des Premières Nations, les Métis et les Inuits, les personnes inscrites et non inscrites, indépendamment de leur statut de résidence ou d'appartenance. En outre, la définition est sujette « à révision en s'appuyant sur la mobilisation et des consultations continues auprès des [peuples a]utochtones 21 ». L'itinérance chez les peuples autochtones est définie comme suit :
[les peuples a]utochtones qui se retrouvent sans logement en raison de la colonisation, de traumatisme ou de conditions sociales, culturelles, économiques et politiques [qui] les mettent en situation de pauvreté. Ne pas avoir de logement inclut : les individus qui alternent entre le logement et l'absence de logement, qui vivent dans la rue, qui sont hébergés temporairement chez des connaissances, qui ont recours aux refuges d'urgence, qui vivent dans des logements inabordables, inadéquats, inférieurs aux normes et non sécuritaires ou qui vivent sans la garantie de sécurité; toute personne, sans égard à l'âge, qui quitte un établissement (comme un hôpital, un centre de traitement en santé mentale et en toxicomanie, une prison, une maison de transition), qui fuit un logement non sécuritaire en raison d'abus dans toutes ses définitions, et tout jeune qui fait la transition de toute forme de soins 22.
Les définitions énoncées dans les directives de la Stratégie de lutte contre l'itinérance reposent en grande partie sur la « Définition canadienne de l'itinérance » produite, en 2012, par l'Observatoire canadien sur l'itinérance (OCI), institut national de recherche axée sur l'itinérance au Canada 23. L'OCI a également établi une typologie complète (voir l'annexe A) pour décrire l'éventail des situations relatives au logement et à l'hébergement des personnes sans abri.
La Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans‑abri (FEANTSA) a créé une typologie de l'itinérance appelée ETHOS (consulter l'annexe B). Selon la FEANTSA, l'itinérance a lieu dans trois « domaines » :
Le fait d'avoir un logement peut être interprété comme : avoir une habitation (ou un espace) adéquate qu'une personne et sa famille peuvent posséder exclusivement (domaine physique); avoir un lieu de vie privée pour entretenir des relations sociales (domaine social); et avoir un titre légal d'occupation (domaine légal) 24.
Selon ce schéma plus complet, l'itinérance se divise en quatre catégories, chacune représentant un éventail de situations relatives au logement :
Selon la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur le droit au logement, une définition de l'itinérance doit aller au-delà de la référence à une « privation d'un logement physique » et inclure « une perte des liens sociaux 25 ».
En février 2020, la Commission des Nations Unies pour le développement social, lors de sa 58e session, a adopté la première résolution des Nations Unies sur le sans‑abrisme 26, qui stipule ce qui suit :
le sans-abrisme ne se résume pas à la seule absence physique de logement, mais [il] est souvent lié à la pauvreté, à l'absence d'emplois productifs et au manque d'accès aux infrastructures, ainsi qu'à d'autres problèmes sociaux comme la perte de tout sentiment d'appartenance 27.
La même résolution enjoint aux États membres :
de collecter des données démographiques ventilées selon l'âge, le sexe et le handicap sur le sans-abrisme et d'établir des catégories de sans-abrisme, en complément des outils de mesure existants; et les encourage à harmoniser la mesure et la collecte des données sur le sans-abrisme afin de permettre l'élaboration de politiques nationales et mondiales 28.
Malgré la visibilité persistante du phénomène de l'itinérance au Canada et les dénombrements ponctuels 29 dans de nombreuses villes du pays, il n'existe toujours pas de statistiques nationales précises sur la taille de la population sans abri. Il est difficile de dénombrer une population sans adresse permanente ni lieu fixe, qui compte bon nombre de « sans‑abri cachés », et dont la taille varie sans cesse en raison des personnes qui se retrouvent sans abri de façon intermittente.
Les dénombrements ponctuels offrent un « aperçu de l'itinérance dans une collectivité sur une période déterminée, généralement 24 heures » 30. La majorité des dénombrements ponctuels mesurent l'itinérance absolue, avec des bénévoles qui interrogent les personnes qui vivent à l'extérieur ou qui ont accès à des services pour sans-abri, tels que les refuges d'urgence. Ces dénombrements procurent deux types de renseignements :
En conséquence, les dénombrements ponctuels successifs peuvent servir à mesurer les progrès vers l'élimination de l'itinérance et à dégager les tendances, telles que l'augmentation ou la diminution de l'itinérance parmi certains groupes de population 31. Par exemple, un rapport d'Emploi et Développement social Canada (EDSC) sur le deuxième dénombrement ponctuel coordonné à l'échelle nationale des sans‑abri dans les communautés canadiennes donne une ventilation par caractéristiques démographiques, notamment l'âge, l'identité sexuelle, l'identité de genre, l'identité autochtone, les nouveaux arrivants au Canada et les anciens combattants 32.
Par le passé, des organismes municipaux ou non gouvernementaux administraient les dénombrements de la population sans abri dans diverses villes canadiennes. En 2001, Statistique Canada a évalué la faisabilité de divers types de dénombrements de sans-abri à l'échelle nationale 33, et a estimé qu'un dénombrement complet des sans‑abri serait d'un coût prohibitif et poserait d'importants défis méthodologiques 34. À ce jour, Statistique Canada a fourni des données relatives à l'itinérance cachée et aux personnes hébergées dans des refuges, y compris les refuges pour femmes victimes de violence, mais pas de « données mensuelles ni annuelles sur le nombre de personnes sans abri au Canada 35 ».
Le gouvernement fédéral reconnaît que l'absence de données fiables peut entraver l'élaboration de mesures efficaces pour prévenir l'itinérance et y remédier. Il a donc adopté une autre approche : fournir des fonds et des ressources pour permettre un dénombrement ponctuel coordonné à l'échelle nationale. Dans le cadre de cette approche, les communautés participantes reçoivent des normes méthodologiques de base, telles que des questions communes de sélection et d'enquête, pour guider la méthode de dénombrement. Les communautés peuvent choisir de poser des questions supplémentaires, par exemple découlant de dénombrements antérieurs ou pour obtenir des renseignements plus précis sur un lieu, mais les questions communes assurent la cohérence du dénombrement 36.
Toutes les communautés sont invitées à prendre part au dénombrement ponctuel coordonné à l'échelle nationale, mais les communautés désignées sont tenues d'effectuer un dénombrement ponctuel dans le cadre des modalités de financement de l'initiative Vers un chez‑soi 37.
Un rapport d'EDSC sur le dénombrement ponctuel de 2016 suggère que « les conclusions du dénombrement ponctuel coordonné pourront aider à véritablement comprendre, à l'échelle du Canada, le phénomène d'itinérance » 38.
La capacité du système de refuges du pays donne une idée de l'importance de la population sans abri au Canada. Le rapport d'EDSC sur la capacité des refuges est un compte rendu descriptif des statistiques sur la capacité des refuges d'urgence pour sans-abri au Canada. Les renseignements proviennent d'une liste nationale des prestataires de services d'EDSC, une liste complète des refuges pour sans-abri au Canada. Selon le Rapport sur la capacité des refuges de 2018, il y a
Statistique Canada recueille également des données limitées relatives au système des refuges. Lors du Recensement de 2016, on dénombrait 995 refuges comptant plus de 22 000 résidents 40.
Au moment du Recensement, près de 7 résidents des refuges sur 10 se trouvaient dans des refuges pour les personnes sans domicile fixe, le quart des résidents (5 365) se trouvaient dans des refuges pour femmes et enfants fuyant une situation de violence et les autres (1 320) se trouvaient dans d'autres types de refuges 41.
Le taux d'occupation des refuges actuels dans un pays peut également aider à déterminer la taille de la population sans abri. L'Étude nationale sur les refuges d'EDSC, analyse continue des tendances relatives à l'utilisation des refuges pour sans-abri au Canada, procure des estimations du nombre de sans-abri à l'échelle nationale 42. La plupart des renseignements de l'Étude sont recueillis dans le Système d'information sur les personnes et les familles sans abri (SISA), projet qui faisait partie de la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance du gouvernement fédéral et qui fait maintenant partie de l'initiative Vers un chez‑soi.
Le SISA est une base de données nationale contenant des renseignements sur les personnes sans abri et les organismes qui leur fournissent des services 43. L'Étude nationale sur les refuges utilise les renseignements anonymisés du SISA provenant d'environ 3 millions de séjours dans plus de 200 refuges d'urgence au Canada, entre 2005 et 2016. Les données de 2016 indiquent qu'en moyenne, plus de 14 000 Canadiens ont dormi dans un refuge d'urgence chaque nuit et que les refuges avaient un taux d'occupation de 91 % 44.
Des organismes municipaux ou non gouvernementaux ont également tenté de dénombrer la population sans abri dans diverses villes canadiennes 45. Par exemple :
Les résultats précités représentent probablement des estimations prudentes de la taille de la population sans abri. En raison des difficultés à mesurer l'itinérance cachée ou relative, il peut se révéler difficile de dénombrer ce groupe. En outre, ces dénombrements estiment la taille d'une population à un moment donné; ils ne déterminent pas le nombre de personnes qui peuvent être sans abri sur une période, comme un mois ou un an, à mesure de l'évolution des situations relatives au logement 49.
En outre, il est généralement admis que les femmes, les familles et les jeunes sont sous-représentés dans les dénombrements ponctuels, car ils sont plus susceptibles d'habiter chez des amis ou de la famille, dans la mesure du possible, plutôt que de vivre dans des refuges ou dans la rue 50.
Comme il a été expliqué plus haut, afin de remédier aux insuffisances des efforts déployés précédemment pour mesurer l'itinérance au Canada, le gouvernement fédéral a fourni aux communautés les ressources nécessaires pour soutenir une approche nationale d'évaluation de l'ampleur de l'itinérance au pays. Le premier dénombrement ponctuel coordonné à l'échelle nationale a eu lieu en 2016 dans 32 communautés à travers le Canada et a porté sur les éléments suivants :
En outre, certaines communautés participantes ont également recensé :
Le deuxième dénombrement, qui a eu lieu en mars et en avril 2018, a été réalisé dans plus de 60 communautés. Au cours de ce dénombrement, on a également recueilli des données relatives aux facteurs suivants :
Selon les résultats publiés en 2019, « au cours d'une nuit donnée », plus de 25 000 personnes étaient « en situation d'itinérance absolue dans des refuges ou dans des lieux extérieurs » dans 61 communautés du Canada et on a observé une hausse de 14 % du nombre de personnes en situation d'itinérance absolue dans les communautés qui avaient également procédé au dénombrement en 2016 52.
Le troisième dénombrement ponctuel coordonné à l'échelle nationale devait avoir lieu en mars et en avril 2020 53. De nombreuses municipalités ont dû reporter leur dénombrement ponctuel en raison des mesures de santé publique mises en place pendant la pandémie de COVID‑19. Selon EDSC, cinq communautés désignées dans le cadre de l'initiative Vers un chez‑soi ont procédé à des dénombrements au cours des deux premières semaines de mars 2020 (avant l'entrée en vigueur des mesures de lutte contre la pandémie) 54. Ainsi, l'agglomération métropolitaine de Vancouver a tenu son dénombrement les 3 et 4 mars 2020, et a publié ses résultats en octobre 2020 55. EDSC a fait savoir aux autres communautés qu'elles pouvaient reporter le dénombrement ponctuel, et leur a suggéré de prévoir une date de dénombrement en mars ou en avril 2021 56.
Il est trop tôt pour savoir de quelle manière la pandémie de COVID‑19 affectera la population sans abri actuelle au Canada, et si elle risque d'entraîner une augmentation du nombre de personnes sans abri. En réponse à la pandémie, EDSC a annoncé un investissement supplémentaire dans l'initiative Vers un chez‑soi, ainsi que des ajustements aux paramètres actuels du programme 57. Un document d'orientation du gouvernement du Canada de juin 2020 destiné aux prestataires de services aux personnes sans abri présente des recommandations sur la manière de faire face à des éclosions de COVID‑19 tant dans les communautés que dans les établissements 58.
Récemment, plusieurs progrès importants ont été réalisés pour aider les intervenants à comprendre et à dénombrer les sans-abri au Canada. La création d'une définition de l'itinérance dans le cadre des Directives de la Stratégie de lutte contre l'itinérance du gouvernement du Canada, qui relèvent de l'initiative Vers un chez‑soi de la Stratégie nationale du logement, devrait permettre aux défenseurs des intérêts des sans-abri, aux chercheurs et aux décideurs politiques d'avoir une compréhension commune de l'itinérance lors de l'examen de ce phénomène et de l'élaboration de méthodes pour y remédier. En outre, avec l'adoption généralisée du dénombrement ponctuel coordonné à l'échelle nationale par le gouvernement fédéral dans les communautés au Canada, des données plus fiables et pouvant être comparées plus facilement seront recueillies et permettront de mieux mesurer les progrès réalisés. Il reste à voir dans quelle mesure la pandémie de COVID‑19 influera sur les efforts déployés pour dénombrer et réduire le nombre de sans-abri au Canada.
* La présente étude générale s’inspire de Havi Echenberg et Hilary Jensen, L’itinérance au Canada : définitions et recensements, publication no 08-30F, Ottawa, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 17 mai 2012.
† Les études générales de la Bibliothèque du Parlement sont des analyses approfondies de questions stratégiques. Elles présentent notamment le contexte historique, des informations à jour et des références, et abordent souvent les questions avant même qu’elles deviennent actuelles. Les études générales sont préparées par le Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque, qui effectue des recherches et fournit des informations et des analyses aux parlementaires ainsi qu’aux comités du Sénat et de la Chambre des communes et aux associations parlementaires, et ce, de façon objective et impartiale. [ Retour au texte ]
Catégorie opérationnelle | Situation de vie | Définition générique | ||
---|---|---|---|---|
1. Personne sans abri | Il s'agit d'une personne qui n'a pas de logement et qui ne fait pas usage des refuges ou des hébergements d'urgence, sauf lorsque les conditions météorologiques sont extrêmes. Dans la plupart des cas, une telle personne reste dans des endroits qui ne sont pas conçus pour l'habitation humaine. | 1.1 | Personne vivant dans des endroits publics ou privés sans autorisation ni contrat |
|
1.2 | Personne vivant dans des endroits non conçus pour l'habitation humaine permanente |
|
||
2. Personne utilisant les refuges d'urgence | Il s'agit d'une personne qui ne peut pas obtenir un logement permanent et qui fait usage des refuges d'urgence et des soutiens du système qui sont généralement offerts à l'utilisateur gratuitement ou pour un coût moindre. Un tel hébergement représente une réponse institutionnelle à l'itinérance fournie par des organismes gouvernementaux, sans but lucratif et confessionnels ou des bénévoles. | 2.1 | Refuge d'urgence de nuit pour les personnes sans abri | Ces installations sont conçues pour répondre aux besoins immédiats des personnes qui sont sans abri. De tels refuges d'urgence à court terme peuvent desservir des sous-populations spécifiques, telles les femmes, les familles, les jeunes ou les autochtones par exemple. Habituellement, les refuges ont très peu de critères d'admissibilité, offrent des dortoirs et des installations partagées, et souvent s'attendent à ce que les clients partent le matin venu. Ces installations peuvent ou non offrir de la nourriture, des vêtements ou d'autres services. Certains refuges d'urgence permettent à leurs clients de rester sur les lieux de façon prolongée, tandis que d'autres offrent des services à court terme et sont conçus pour pouvoir répondre à des besoins spécifiques, comme durant un climat extrême. |
2.2 | Refuge pour personnes et familles affectées par la violence familiale | |||
2.3 | Refuge d'urgence pour personnes fuyant un désastre naturel ou la destruction de leur hébergement en raison d'incendies, d'inondations, etc. | |||
3. Personne logée provisoirement | Cette catégorie décrit les situations dans lesquelles une personne, qui est en théorie sans abri et qui n'a pas de refuge permanent, accède à un hébergement qui n'offre pas de possibilités de permanence. Une personne logée provisoirement peut accéder à des logements temporaires fournis par le gouvernement ou par le secteur sans but lucratif, ou prendra des mesures indépendantes pour accéder à un hébergement à court terme. | 3.1 | Logement transitoire pour sans-abri | Le logement transitoire est une forme de logement temporaire appuyé par les systèmes dont le but est de faire le pont entre l'itinérance sans refuge ou les refuges d'urgence et les logements permanents. |
3.2 | Personne vivant temporairement avec d'autres, mais sans garantie de résidence prolongée ou de possibilité immédiate d'accès à un logement permanent | Souvent appelée « couch surfer », c'est‑à‑dire personne qui passe d'un sofa à l'autre, ou « sans-abri caché », une telle personne reste chez des amis, de la famille, ou même des étrangers. | ||
3.3 | Personne accédant à des logements de location temporaires et à court terme sans droit de séjour permanent | Dans certains cas, une personne sans abri choisit de louer un logement temporaire et demeure dans une chambre de motel, une maison d'hébergement, une maison de chambre, etc. | ||
3.4 | Personne recevant des soins institutionnels sans situation de logement permanente | Une personne qui pourrait devenir sans‑abri après sa sortie d'un établissement carcéral, d'une institution médicale et de santé mentale, d'un programme de traitement en établissement et un centre de gestion du sevrage, d'un établissement pour enfants ou d'un foyer de groupe. | ||
3.5 | Hébergement ou centre d'accueil pour nouveaux immigrants et réfugiés | Avant de se trouver son propre logement, un nouvel immigrant ou un réfugié peut être logé temporairement avant de recevoir un soutien d'établissement et une orientation sur la vie au Canada. | ||
4. Personne à risque d'itinérance | Bien qu'en théorie une telle personne n'est pas un sans‑abri, cette catégorie comprend une personne ou une famille dont la situation de logement actuelle est dangereusement précaire ou instable et qui pourrait se retrouver en situation d'itinérance. Elle vit dans un logement conçu pour l'habitation humaine permanente et qui pourrait potentiellement être permanent (contrairement à un logement provisoire). Cependant, en raison de difficultés externes, de la pauvreté, de la discrimination, d'un manque d'autres logements disponibles et abordables, ou de l'état inadéquat de son logement courant (qui peut être surpeuplé ou ne pas répondre aux normes de la santé et sécurité publiques), le résident risque de se retrouver en situation d'itinérance. | 4.1 | Personne à risque imminent de devenir sans‑abri |
|
4.2 | Individu ou famille logé de manière précaire | Une personne qui connait des difficultés qui peuvent ou non la rendre sans‑abri dans un futur immédiat ou proche. La Société canadienne d'hypothèques et de logement définit un [ménage] à besoin impérieux en matière de logement de la sorte : on dit d'un ménage qu'il éprouve des besoins impérieux en matière de logement si son habitation n'est pas conforme à au moins une des normes d'acceptabilité (qualité, taille et abordabilité) et si 30 % de son revenu total avant impôt était insuffisant pour payer le loyer médian des logements acceptables (répondant aux trois normes d'occupation) situés dans sa localité. |
Source : Tableau préparé par les auteurs à partir de données tirées de l'Observatoire canadien sur l'itinérance : Le Rond‑point de l'itinérance, « Typologie », La définition canadienne de l'itinérance (65 Ko, 5 pages).
Catégorie conceptuelle | Catégorie opérationnelle | Situation de vie | Définition générique | ||
---|---|---|---|---|---|
Personne sans abri | 1 | Personne vivant dans la rue | 1.1 | Espace public ou externe | Qui vit dans la rue ou dans des espaces publics, sans hébergement qui puisse être défini comme local d'habitation |
2 | Personne en hébergement d'urgence | 2.1 | Hébergement d'urgence | Personne sans lieu de résidence habituel qui fait usage des hébergements d'urgence ou des hébergements à bas prix | |
Personne sans logement | 3 | Personne en foyer d'hébergement pour personnes sans domicile | 3.1 | Foyer d'hébergement d'insertion | Quand l'intention est que la durée du séjour soit courte |
3.2 | Logement provisoire | ||||
3.3 | Hébergement de transition avec accompagnement | ||||
4 | Personne en foyer d'hébergement pour femmes | 4.1 | Hébergement pour femmes | Femme hébergée du fait de violences domestiques et quand l'intention est que la durée du séjour soit courte | |
5 | Personne en hébergement pour immigrés | 5.1 | Logement provisoire ou centre d'accueil | Immigrant en hébergement d'accueil ou à court terme du fait de son statut d'immigrant | |
5.2 | Hébergement pour travailleurs migrants | ||||
6 | Personne sortant d'une institution | 6.1 | Institution pénale | Pas de logement disponible avant la libération | |
6.2 | Institution médicale a | Reste plus longtemps que prévu par manque de logement | |||
6.3 | Institution pour enfants ou foyer | Pas de logement identifié (p. ex. au 18e anniversaire) | |||
Logement précaire | 7 | Bénéficiaire d'un accompagnement au logement à plus long terme | 7.1 | Foyer d'hébergement médicalisé destiné aux personnes sans domicile plus âgées | Hébergement de longue durée avec accompagnement pour ex‑sans‑abri (normalement plus d'un an) |
7.2 | Logement accompagné pour ex‑sans‑abri | ||||
8 | Personne en habitat précaire | 8.1 | Provisoirement hébergée dans la famille ou chez des amis | Qui vit dans un logement conventionnel, mais pas le lieu de résidence habituel du fait d'une absence de logement | |
8.2 | Sans bail de (sous-) location | Occupation d'une habitation sans bail légal ou occupation illégale d'un logement | |||
8.3 | Occupation illégale d'un terrain | Occupation d'un terrain sans droit légal | |||
9 | Personne menacée d'expulsion | 9.1 | Application d'une décision d'expulsion (location) | Quand l'avis d'expulsion est opérationnel | |
9.2 | Avis de saisie (propriétaire) | Quand le prêteur possède un avis légal de saisie | |||
10 | Personne menacée de violences domestiques | 10.1 | Incident enregistré par la police | Quand une action de police est prise pour s'assurer d'un lieu sûr pour les victimes de violences domestiques | |
Logement inadéquat | 11 | Personne vivant dans des structures provisoires ou non conventionnelles | 11.1 | Maison-mobile | Pas conçu pour être un lieu de résidence habituel |
11.2 | Construction non conventionnelle | Abri, baraquement ou cabane de fortune | |||
11.3 | Habitat provisoire | Baraque ou cabine de structure semi-permanente | |||
12 | Personne en logement indigne | 12.1 | Logement inhabitable occupé | Défini comme impropre à être habité par la législation nationale ou par les règlements de construction | |
13 | Personne vivant dans conditions de surpeuplement sévère | 13.1 | Norme nationale de surpeuplement la plus élevée | Défini comme excédant les normes nationales de densité en termes d'espace au sol ou de pièces utilisables |
Note : a Inclut les centres de désintoxication, les hôpitaux psychiatriques, etc.
Source : Tableau préparé par les auteurs à partir des données tirées de FEANTSA [Fédération européenne d'associations nationales travaillant avec les sans‑abri], ETHOS : Typologie européenne de l'exclusion liée au logement (762 Ko, 1 page).
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