Les réfugiés fuient leur pays d’origine parce qu’ils craignent, avec raison, d’y être persécutés. Lorsqu’ils arrivent dans un autre pays et qu’ils y demandent l’asile, le droit international interdit qu’on les renvoie là où ils seraient exposés à de graves dangers.
Il va sans dire que les demandes d’asile ne sont pas toutes acceptées. Certains demandeurs d’asile peuvent ne pas satisfaire à la définition juridique d’un réfugié. Il arrive aussi que l’évaluation que fait un pays de certaines demandes d’asile soit erronée ou injuste. Pour toutes sortes de raisons, certains demandeurs d’asile transitent par de nombreux pays et demandent l’asile dans plus d’un pays.
Dans le cas des pays aux normes juridiques semblables, il peut sembler inefficace que chacun évalue séparément les demandes d’asile d’une même personne. Certains pays ont donc conclu un accord prévoyant qu’une personne doit demander l’asile dans le premier pays « sûr » où elle met les pieds. En 2002, le Canada et les États-Unis ont adopté ce type de système lorsqu’ils ont entériné ce qu’on appelle l’Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS ou l’Entente).
Ainsi, en raison de cette entente, la plupart des personnes qui passent par les États Unis pour entrer au Canada ne peuvent donc pas demander l’asile au Canada. Il existe toutefois quelques exceptions, notamment pour les mineurs non accompagnés et pour les proches de résidents permanents et de citoyens canadiens. De plus, jusqu’en mars 2023, l’ETPS ne s’appliquait qu’aux points d’entrée terrestres officiels.
À partir de 2017, davantage de demandeurs d’asile ont commencé à franchir la frontière canadienne à des points d’entrée non officiels, contournant ainsi les règles énoncées dans l’ETPS. Ces personnes pouvaient donc demander l’asile au Canada. Par conséquent, tandis que certains réclamaient qu’on élargisse la portée de l’ETPS afin d’inclure ces demandeurs d’asile, d’autres souhaitaient au contraire qu’on suspende l’Entente afin que le Canada puisse évaluer toutes les demandes d’asile qui lui sont présentées, sans avoir à tenir compte des décisions prises par les États-Unis.
En mars 2023, les gouvernements du Canada et des États-Unis ont annoncé qu’un protocole serait ajouté à l’ETPS afin que celle-ci s’applique à la totalité de la frontière terrestre entre les deux pays (y compris certains plans d’eau) et non plus seulement aux points d’entrée terrestres officiels. Aux termes de l’Entente révisée, les personnes qui franchissent la frontière ailleurs qu’à un point d’entrée officiel ne peuvent pas demander l’asile pendant les 14 jours suivant leur arrivée et peuvent être renvoyées aux États-Unis pendant cette même période, à moins qu’elles puissent se réclamer de l’une des exceptions prévues. Le Protocole additionnel de l’ETPS est entré en vigueur le 25 mars 2023.
En juin 2023, la Cour suprême du Canada (CSC), qui était appelée à se prononcer sur la constitutionnalité de l’ETPS, a conclu que la désignation des États-Unis à titre de tiers pays sûr ne porte pas atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité garanti par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). La CSC a toutefois refusé de dire si cette désignation porte atteinte au droit à l’égalité prévu à l’article 15 de la Charte; cette question est toujours devant les tribunaux.
La coopération canado-américaine en matière de protection des personnes qui demandent le statut de réfugié suscite de nombreux débats depuis quelques décennies 1. La présente Étude de la Colline donne un aperçu de l’Accord entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique pour la coopération en matière d’examen des demandes de statut de réfugiés présentées par des ressortissants de pays tiers, mieux connu comme étant l’Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis (l’Entente ou l’ETPS) 2. Y sont abordés les aspects fondamentaux de cette entente, le contexte historique et international du concept de tiers pays sûr ainsi que les contestations judiciaires auxquelles l’ETPS continue de faire face. Enfin, on y aborde le Protocole additionnel à l’ETPS, qui est entré en vigueur en mars 2023 et qui a entraîné l’élargissement de la portée de l’Entente.
En droit des réfugiés, un « tiers pays sûr 3 » est un pays par lequel une personne a transité et dans lequel elle aurait pu demander l’asile. D’après le gouvernement du Canada, « [s]euls les pays qui respectent les droits de la personne et offrent une solide protection aux demandeurs d’asile peuvent être désignés tiers pays sûrs 4 ».
Dans le cadre de la Déclaration sur la frontière intelligente entre le Canada et les États-Unis et de son plan d’action en 30 points 5, le Canada et les États-Unis ont signé l’ETPS en décembre 2002. Celle-ci est entrée en vigueur en décembre 2004. Elle prévoit que les personnes qui cherchent à obtenir l’asile doivent présenter une demande à cet effet dans le premier de ces deux pays où ils arrivent, à moins qu’une exception soit applicable.
Les exceptions à l’ETPS sont énoncées à l’article 4 et sont regroupées en quatre catégories générales :
Dans le cas des demandeurs d’asile qui entrent au Canada, l’application d’une ou de plusieurs de ces exceptions signifie simplement que c’est le Canada qui évaluera la demande, plutôt que les États-Unis. Précisons que les demandeurs d’asile doivent encore satisfaire à tous les autres critères d’admissibilité 7 prévus dans la législation canadienne en matière d’immigration. Ainsi, un demandeur d’asile ne pourra produire une telle demande au Canada s’il y est interdit de territoire pour motif de sécurité, pour atteinte aux droits de la personne ou internationaux, ou pour criminalité 8. Par conséquent, la personne qui présente une demande au Canada ou aux États-Unis, après avoir bénéficié d’une exception, ne sera pas renvoyée vers un autre pays tant que le gouvernement du pays ayant reçu sa demande n’aura pas rendu de décision sur cette demande.
Avant mars 2023, l’ETPS ne s’appliquait qu’aux demandeurs d’asile qui cherchaient à entrer au Canada à partir d’un point d’entrée terrestre aux États-Unis 9. L’application de cette mesure est très limitée dans les aéroports. Depuis 2001, le gouvernement du Canada compte sur des mesures strictes de contrôle frontalier mises en place à l’étranger afin de limiter l’arrivée sur son territoire par les voies aériennes et marines régulières 10.
Le fondement législatif de l’ETPS est énoncé à l’alinéa 101(1)e) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), où sont énoncés les critères que doit appliquer le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté pour désigner un pays comme tiers pays sûr. À ce jour, les États-Unis sont le seul pays qui ait reçu cette désignation du Canada en vertu de la LIPR.
La LIPR exige l’examen continu, par le gouvernement fédéral, de tous les pays désignés à titre de tiers pays sûrs, et ce, de manière à veiller à ce que les conditions ayant mené à ladite désignation soient toujours réunies 11. Ainsi, une tendance à la violation des droits de la personne par un tiers pays sûr pourrait mener à un changement à sa désignation. Suivant les dernières directives lancées en juin 2015, le ministre doit passer continuellement en revue les facteurs énoncés au paragraphe 102(2) de la LIPR en ce qui concerne les États-Unis 12.
En raison de leur proximité géographique avec les États-Unis et de leur grande interdépendance à l’égard de ce pays, le Canada et le Mexique subissent directement les effets des politiques frontalières américaines qui, dans les années 1990 et au début des années 2000, ont mené à une « vision de la sécurité du périmètre nord-américain 13 ». Si le Mexique a été « jugé inapte à un tel projet 14 », le Canada et les États-Unis ont commencé à examiner la possibilité d’établir un périmètre de sécurité autour des deux pays. Les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis ont accéléré les discussions, fait ressortir l’importance de la sécurité des frontières et soulevé les défis correspondants que représente le fait de veiller également à une circulation efficace des gens à la frontière canado-américaine. Dans une déclaration du Canada et des États-Unis datant de décembre 2001 sur les priorités communes en matière de sécurité, il a été souligné que la mise en œuvre d’une entente sur les tiers pays sûrs découlait d’un engagement à l’égard de la sécurité à la frontière 15. Il y est dit que, en autorisant chaque pays à renvoyer un demandeur d’asile vers l’autre pays pour que celui-ci évalue sa demande d’asile, on permet au système d’octroi de l’asile de se concentrer sur les personnes qui ont véritablement besoin de protection 16.
Le communiqué du gouvernement fédéral annonçant l’entrée en vigueur de l’ETPS en 2004 énonçait l’objectif suivant :
L’Entente vise à établir une mesure de contrôle efficace, laquelle est nécessaire pour améliorer la gestion de l’accès au système d’octroi de l’asile du Canada. De fait, l’Entente permettra un traitement plus ordonné des demandes d’asile et renforcera la confiance du public dans l’intégrité des systèmes d’asile des deux pays 17.
À l’époque, le gouvernement fédéral se préoccupait du nombre de demandeurs d’asile qui arrivaient au Canada en provenance des États-Unis. Il avait alors été constaté qu’environ le tiers de toutes les demandes d’asile produites au Canada de 1995 à 2001 venaient de demandeurs dont on savait qu’ils étaient arrivés des États-Unis ou qu’ils avaient transité par ce pays 18. Les gens sollicitant la protection dans plusieurs pays représentaient aussi un sujet de préoccupation 19 dans un contexte où le gouvernement jugeait que « les systèmes d’asile des pays développés, notamment ceux du Canada et des États-Unis, [étaient soumis] à de fortes pressions 20 ».
Selon des recherches universitaires, les pays ont adopté, surtout depuis la fin de la Guerre froide, des politiques et des mesures migratoires de plus en plus restrictives qui visent à décourager l’arrivée d’étrangers sur leur territoire. Ces politiques et mesures comprennent l’imposition d’obligations de visa et l’externalisation des pratiques de gestion des frontières 21. Le concept de tiers pays sûr démontre que les frontières ne sont pas statiques; elles sont « développées et réoutillées par la prise de décisions juridiques 22 ». Les frontières répondent à des enjeux et à des objectifs stratégiques uniques pour une région et une population données. Le concept de tiers pays sûr s’applique à l’échelle transnationale, d’où l’obligation pour les États de collaborer et d’échanger de l’information dans la mise en œuvre de leurs pratiques d’exécution de la loi en matière migratoire 23.
En réponse aux demandes provenant de tribunaux, d’autorités nationales, d’avocats et d’organisations non gouvernementales, et conformément à sa fonction de supervision 24, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) publie des exposés de principe dans lesquels il décrit les mesures prises et les conditions dans chaque pays. Il précise qu’il ne se prononce pas à savoir si un pays peut être jugé « sûr » ou non, laissant à l’utilisateur de ces exposés le soin de tirer des conclusions 25.
Le HCR a publié en 1996 une analyse du concept de tiers pays sûr. Il y était notamment question des facteurs auxquels devraient s’attarder les pays avant de juger qu’un réfugié peut légitimement être renvoyé vers un pays soi-disant sûr. Au nombre de ces facteurs, mentionnons le fait que le tiers pays a ratifié et respecte les instruments internationaux en matière de droits des réfugiés et de la personne, en particulier, le principe du non-refoulement 26; la volonté du tiers pays de permettre aux demandeurs d’asile de demeurer sur son territoire pendant le traitement de leur demande sur le fond; le fait que le tiers pays se conforme aux normes fondamentales des droits de la personne pour le traitement des demandeurs d’asile et des réfugiés admis; et, enfin, le fait que le tiers pays a démontré sa volonté d’accepter les demandeurs d’asile renvoyés et de porter un jugement de fond équitable sur leur demande 27.
Le HCR a conclu que, lorsque ces facteurs étaient dûment pris en considération, des ententes officielles en la matière pouvaient être avantageuses pour les pays. Ainsi, le concept de tiers pays sûr pourrait « réduire le recours abusif aux procédures d’octroi de l’asile, en particulier dans les demandes multiples, ainsi qu’atténuer le risque d’un effet déstabilisateur des mouvements de demandeurs d’asile en situation irrégulière 28 ». Il y avait toutefois une mise en garde :
l’application unilatérale du concept de tiers pays sûr hors d’un cadre multilatéral de partage des responsabilités peut avoir pour effet de surcharger les pays plus proches des régions d’origine des demandeurs d’asile 29.
Le HCR a rappelé qu’il est dans « l’intérêt de la communauté internationale d’offrir une protection efficace aux réfugiés et de promouvoir et trouver des solutions durables pour eux » en misant sur un partage plus juste et équitable des responsabilités 30.
En 1985, dans l’arrêt Singh c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, les juges de la Cour suprême du Canada (CSC) ont déclaré que le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, prévu à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), s’appliquait à tout être humain qui se trouve au Canada, indépendamment de sa situation en matière d’immigration 31. Ils ont également statué que les demandeurs d’asile ont droit à la tenue d’une audience sur leur demande avant d’être accueillis ou expulsés 32. Ainsi, l’arrêt Singh a mené à une transformation radicale du système d’immigration et d’octroi de l’asile au Canada.
En 1987, le gouvernement fédéral a déposé un train de mesures législatives « qui visait à résoudre les demandes d’asile en attente au Canada et à diminuer le temps nécessaire pour arriver à une décision sur le statut de réfugié d’un demandeur 33 ». Il a également institué la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR), tribunal administratif indépendant appelé à trancher les demandes d’asile.
Dans le cadre de ces mesures législatives, le projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur l’immigration de 1976 et d’autres lois en conséquence, a été déposé à la Chambre des communes. Il introduisait le concept de tiers pays sûr dans la législation canadienne. À l’origine, le projet de loi proposait, en vertu du principe de tiers pays sûr, que les réfugiés arrivant au Canada soient exclus de la procédure de détermination et expulsés s’ils n’étaient pas arrivés au Canada directement de leur État d’origine 34. Cependant, des amendements ont été présentés en vue de
limiter son application aux gens qui seraient effectivement autorisés à retourner dans le pays intermédiaire ou à qui il serait au moins permis de faire trancher leur demande d’asile sur le fond par l’État intermédiaire 35.
Ces amendements visaient à respecter les obligations juridiques internationales du Canada à l’égard des réfugiés, y compris le principe de non-refoulement 36. Le projet de loi C-55 est entré en vigueur en janvier 1989. Il introduisait la notion de tiers pays sûr dans la Loi sur l’immigration de 1976, en permettant au gouvernement fédéral de dresser, dans le cadre d’un futur règlement, la liste des pays qu’il considérait comme sûrs.
De même que le projet de loi C-55 a permis de jeter les bases législatives de la désignation d’un pays comme sûr aux fins de la détermination du statut de réfugié, on a fait valoir qu’il avait « posé les assises d’une extension du droit du “Canada” en ce qui concerne les demandeurs d’asile », en repoussant les frontières du pays et en « empêchant toute détermination du droit d’asile pour un pays jugé sûr ou au nom d’une personne transitant par un tel pays 37 ».
Au début des années 1990, les gouvernements du Canada et des États-Unis ont entrepris de discuter d’un éventuel accord bilatéral sur les tiers pays sûrs. En novembre 1995, ils rendaient public un « avant-projet d’entente “pour la coopération en matière d’examen des revendications du statut de réfugiés présentées par des ressortissants de tiers paysˮ 38 ». Dans une étude consacrée à la question, le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes (le Comité) a reconnu que les milieux de défense des réfugiés s’opposaient à ce projet d’accord, mais en précisant que « les principes sur lesquels repose l’entente sont justes » et dépassent les normes essentielles établies par le HCR 39. De plus, selon le Comité :
les exceptions qui sont assorties aux règles générales, en particulier la reconnaissance de l’importance de la famille et la discrétion que se réserve chaque pays de pouvoir examiner toute revendication qui lui est présentée, laissent suffisamment de souplesse et de place pour permettre aux considérations humanitaires de compenser les irritants éventuels 40 [ITALIQUE DANS LE TEXTE].
Néanmoins, en raison de modifications législatives alors en cours dans le droit de l’asile aux États-Unis et dans le droit de l’immigration et de la protection des réfugiés au Canada, l’achèvement de l’Entente a été retardé 41. En 1996, les États-Unis ont adopté leur loi sur la réforme de l’immigration clandestine et la responsabilité de l’immigrant (Illegal Immigration Reform and Immigrant Responsibility Act). Quant au Canada, sa nouvelle LIPR a reçu la sanction royale le 1er novembre 2001.
Les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis ont mené à un renouvellement des négociations 42. En décembre 2001, le Canada et les États-Unis ont signé la Déclaration sur la frontière intelligente et son plan d’action en 30 points visant à améliorer la sécurité de notre frontière commune, tout en facilitant le passage légitime des gens et des biens 43. Cette déclaration et ce plan d’action permettaient d’entrevoir une entente sur les tiers pays sûrs entre les deux pays. Le même mois, le Comité recommandait que le Canada et les États-Unis continuent à lancer des initiatives communes pour des pratiques sûres, sécuritaires et efficaces à la frontière. Il proposait en outre ce qui suit :
[q]ue, tout en maintenant son engagement dans le cadre de la Convention sur les réfugiés de même que ses normes élevées en matière de protection internationale, le gouvernement du Canada mène des négociations en vue de conclure des accords avec des tiers pays sûrs de première importance, particulièrement les États-Unis 44.
C’est ainsi qu’a vu le jour l’actuelle ETPS, signée en décembre 2002 et mise en œuvre en décembre 2004.
Le Canada et les États-Unis n’étaient pas les seuls pays à rechercher alors ce type d’entente 45. Une des ententes les plus importantes ayant précédé l’ETPS a été l’Accord de Schengen de 1985 auquel ont adhéré au départ la France, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas 46. Cet accord visait à abolir progressivement les contrôles aux frontières communes de ces cinq pays. En ce qui concerne les réfugiés, l’article 29 de l’Accord de Schengen prévoyait qu’un seul de ces pays serait chargé de traiter toute demande d’asile déposée par un étranger et que le pays responsable serait désigné suivant les critères de l’article 30. Si les critères s’avéraient inapplicables, la solution par défaut serait de désigner le pays où la demande avait d’abord été déposée comme responsable de l’évaluation de celle-ci.
Ce concept s’est répandu et a évolué au fil des ans, notamment par le truchement de la Convention de Dublin, qui a été ratifiée au départ par les 15 membres initiaux de l’Union européenne (UE) et qui a pris effet en 1997. En vertu de cette convention, tous les États membres de l’UE étaient désignés comme pays sûrs en ce qui concerne les réfugiés. Elle établissait des critères exhaustifs pour la désignation du pays chargé de l’évaluation d’une demande d’asile. La règle générale était que le premier pays où entrait le demandeur d’asile serait appelé à évaluer la demande. Toutefois, comme pour l’ETPS, à cette règle étaient associées plusieurs exceptions, notamment pour les cas où le demandeur d’asile avait des parents proches dans un autre pays de l’UE. Le but de la Convention de Dublin était de réduire le nombre de demandes d’asile déposées par une même personne dans plusieurs pays, notamment pour des motifs économiques ou autres sans lien avec le besoin de protection du demandeur 47. Depuis l’adoption de cette convention, deux nouvelles versions ont vu le jour, la dernière étant le règlement Dublin III de 2014. Le but demeurait le même, à savoir « désigner le pays de l’UE responsable de l’examen d’une demande d’asile, selon des critères hiérarchisés comme l’unité familiale, la possession de documents de résidence ou de visas, l’entrée ou le séjour en situation irrégulière et l’entrée sans obligation de visa 48 ».
En 2020, la Commission européenne a proposé le Nouveau Pacte sur la migration et l’asile afin de « rendre le dispositif plus efficace, de décourager les abus et de prévenir les mouvements non autorisés », notamment grâce à d’autres formes de solidarité, comme le renforcement des capacités et le soutien opérationnel 49. Même si les critères pour déterminer le pays de l’UE responsable du traitement d’une demande d’asile restaient les mêmes, les États membres de l’UE ont convenu de mettre en œuvre « un mécanisme de solidarité volontaire, simple et prévisible destiné à soutenir » leurs homologues les plus touchés « en proposant des relocalisations, des contributions financières et d’autres mesures de soutien 50 » de façon à réduire les pressions causées par le nombre élevé de demandeurs d’asile, de réfugiés et d’autres migrants.
Enfin, en 2019, les États-Unis ont signé des accords de coopération en matière d’asile avec le Guatemala, le Honduras et le Salvador 51, une première pour les États-Unis depuis la signature de l’ETPS avec le Canada. Au titre de ces nouveaux accords, les États-Unis pouvaient rediriger les dossiers de certains des demandeurs d’asile qui se présentaient à la frontière entre les États-Unis et le Mexique vers le Guatemala, le Honduras et le Salvador, au lieu de les traiter aux États-Unis. Toutefois, après son arrivée en 2021, la nouvelle administration a suspendu les accords et a entamé les démarches pour y mettre fin lorsque la période de préavis prescrite serait écoulée 52.
Depuis l’entrée en vigueur de l’ETPS entre le Canada et les États-Unis en décembre 2004, les deux gouvernements ont dû relever plusieurs défis. Comme le prévoyait l’Entente même, un examen de sa mise en œuvre devait avoir lieu la première année 53. De plus, l’ETPS a fait l’objet de critiques et de plusieurs contestations judiciaires depuis sa mise en application, comme il est expliqué ci-dessous.
L’ETPS exigeait que le Canada et les États-Unis, en collaboration avec le HCR, procèdent à un examen de l’Entente et de sa mise en œuvre au plus tard un an après son entrée en vigueur. Ainsi, le HCR a évalué la mise en œuvre de l’ETPS et déterminé avec quelle efficacité ses objectifs étaient atteints.
Publié en juin 2006, le rapport du HCR portait un jugement généralement favorable sur l’ETPS, mais soulevait aussi certaines questions que les deux pays devaient régler. Les principaux sujets de préoccupation étaient les suivants :
1) le manque de communication entre les deux gouvernements pour les cas problèmes; 2) la pertinence des procédures de réexamen; 3) les retards aux [États-Unis] dans les procédures de détermination de la recevabilité aux termes de l’Entente; 4) à certains égards, le manque de formation en ce qui a trait aux techniques d’entrevue; 5) le caractère inadéquat des conditions de détention aux [États-Unis] auxquelles sont soumis les demandeurs d’asile visés par l’Entente; 6) l’information publique insuffisante et/ou inaccessible en ce qui a trait à l’Entente; et 7) le nombre inadéquat d’employés au Canada pour traiter les demandes d’asile 54.
Le gouvernement du Canada a donné suite aux recommandations du HCR en novembre 2006 en précisant avoir « accepté, en tout ou en partie, 13 des 15 recommandations (nouvelles ou en suspens) formulées par le HCR 55 ». Les deux autres recommandations portaient sur la création d’un « mécanisme d’examen administratif […] aux fins de l’examen des demandes où l’on peut avoir conclu de façon erronée à l’irrecevabilité » et l’élargissement de « l’interprétation de l’article 6 pour ce qui vise […] les personnes vulnérables qui ne sont visées par aucune exception prévue à l’Entente 56 ». Dans les deux cas, le gouvernement a fait valoir que les mécanismes en place étaient suffisants et réussissaient à garantir un processus entier et équitable de détermination du statut de réfugié pour tous les types de demandeurs d’asile. En octobre 2007, le gouvernement fédéral a réitéré, en réaction à une étude parlementaire, que la plupart des recommandations du HCR avaient déjà été appliquées et que d’autres le seraient dans l’avenir 57.
Comme il est précisé dans le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation accompagnant le règlement d’application qui désigne les États-Unis comme tiers pays sûr 58, un certain nombre d’intervenants, plus particulièrement parmi les organisations non gouvernementales, ont constamment manifesté une opposition de principe à l’ETPS. Ils font valoir le fait que les réfugiés devraient avoir le droit de choisir le pays dont ils solliciteront la protection, en faisant remarquer que, dans la Convention relative au statut des réfugiés (Convention sur les réfugiés) des Nations Unies, il n’est pas exigé des réfugiés qu’ils adressent une demande au premier pays sûr où ils arrivent. Pour diverses raisons, un demandeur d’asile peut choisir de solliciter la protection dans un pays autre que celui où il est arrivé en premier. Au nombre de ces motifs, il peut y avoir la présence de membres de la famille étendue ou d’un milieu de soutien ou encore les affinités linguistiques ou culturelles dans le pays sur lequel se porte le choix. En outre, certains pays donnent parfois une interprétation plus large du terme « réfugié » en faveur d’un groupe particulier, comme les personnes qui cherchent l’asile en raison de leur orientation sexuelle 59.
D’autres préoccupations soulevées lors de la publication préalable du règlement d’application portaient sur la question de savoir si les États-Unis sont en fait un pays sûr pour les réfugiés, ainsi que sur la portée étroite perçue des exceptions et la possibilité que l’ETPS incite davantage les gens à entrer de façon irrégulière au Canada. Des modifications ont été apportées aux exceptions dans la version définitive du règlement d’application, mais les autres préoccupations subsistent. Par exemple, un rapport de 2013 préparé pour le Harvard Immigration and Refugee Law Clinical Program révélait que des demandeurs d’asile avaient recours à des passeurs pour mieux contourner l’ETPS entre le Canada et les États-Unis 60.
Des universitaires se sont aussi dits préoccupés par l’Entente, qu’ils voient comme
« repoussant la frontière » jusqu’à une impasse juridique bien distincte où « le Canada cherche à se soustraire à ses obligations juridiques et, ce faisant, affaiblit les protections en droit qui s’offrent aux demandeurs d’asile en vertu des instruments nationaux et internationaux 61 ».
Les défenseurs des ententes de tiers pays sûrs sont d’avis que celles-ci sont nécessaires afin d’empêcher les gens de se lancer dans la « quête du meilleur pays d’asile ». D’après un chercheur du Centre pour une réforme des politiques d’immigration, le concept de tiers pays sûr repose sur le principe suivant :
[S]i quelqu’un fuit son pays d’origine, il devrait demander refuge dans le premier pays sûr qu’il peut atteindre. S’il choisit d’aller ailleurs pour demander l’asile, c’est le signe que son souci premier n’était pas de parvenir en lieu sûr, mais plutôt d’avoir le loisir de solliciter la protection et de demeurer en permanence dans un pays où les prestations sont généreuses, où les taux d’acceptation sont élevés, etc. À cet égard, on peut dire qu’ils sont en « quête du meilleur pays d’asile 62 » .
Cette justification est fondée sur la prémisse selon laquelle la « quête du meilleur pays d’asile » équivaut à manipuler le système international d’octroi de l’asile, et les personnes prêtes à manipuler ainsi le système ne sont pas tout à fait honnêtes ou de bonne foi dans l’expression de leur besoin de protection 63.
De tels intervenants ont fait valoir que le gouvernement du Canada n’était pas allé suffisamment loin avec l’ETPS. Ainsi, il a été évoqué que l’ETPS contenait des failles en raison de ses trop nombreuses exceptions 64. Il a aussi été dit que le gouvernement du Canada devrait conclure des ententes sur les tiers pays sûrs avec d’autres pays comme le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne 65.
Même si dans son examen de l’ETPS, réalisé en 2006, le HCR a conclu que les États Unis respectaient suffisamment leurs obligations internationales à l’égard des réfugiés 66, des défenseurs des réfugiés ont invoqué les différences entre le Canada et les États-Unis pour faire valoir le contraire. Ils se disent préoccupés notamment des conditions de détention des migrants, des restrictions imposées à la capacité des demandeurs d’asile à travailler en attendant leur audience et de l’interprétation qui est faite de la Convention sur les réfugiés et de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants des Nations Unies 67. Divers intervenants ont fait mention des taux différents d’acceptation de demandeurs provenant de certains pays ainsi que de la meilleure protection qu’accorde le Canada aux victimes de persécution fondée sur le sexe 68. Des défenseurs des réfugiés ont également affirmé que les demandeurs d’asile au Canada bénéficient d’un meilleur accès à l’aide juridique ainsi qu’à l’aide sociale 69. Les tribunaux canadiens ont été appelés à se prononcer sur ces préoccupations dans le cadre de nombreuses contestations constitutionnelles.
Après un premier échec en 1989 pour défaut de qualité à agir 70, une autre contestation a été produite en 2004, cette fois par le Conseil canadien pour les réfugiés, Amnistie internationale et le Conseil canadien des Églises, conjointement avec un demandeur d’asile colombien qui se trouvait aux États-Unis 71. Les plaignants ont fait valoir que les dispositions réglementaires désignant les États-Unis comme tiers pays sûr étaient invalides et illégales, principalement parce que les États-Unis ne se conformaient pas à certains aspects des conventions relatives aux réfugiés et à la torture. Elles soutenaient que, de ce fait, l’ETPS allait à l’encontre des principes du droit administratif, de la Charte et du droit international.
En 2007, la Cour fédérale a conclu que la désignation des États-Unis comme tiers pays sûr était inconstitutionnelle 72. La Cour a appuyé sa décision sur une conclusion selon laquelle les États-Unis ne respectaient pas leurs obligations internationales, notamment en matière de non-refoulement, et l’application de la règle des tiers pays sûrs violait sans raison les droits reconnus par la Charte à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne (art. 7), ainsi que le droit à la non-discrimination (art. 15). La Cour a en outre jugé que le Cabinet fédéral avait manqué à son obligation de procéder à un examen continu de la désignation des États-Unis comme tiers pays sûr.
Toutefois, en 2008, la Cour d’appel fédérale a infirmé cette décision, concluant que, aussi longtemps que le Cabinet fédéral tenait dûment compte des quatre facteurs énoncés au paragraphe 102(2) de la LIPR 73 et acceptait que le pays en question soit sûr, la désignation à titre de tiers pays sûr n’était pas susceptible de contrôle par les tribunaux 74. De plus, l’obligation du Cabinet de procéder à un examen continu de l’ETPS doit concerner ces quatre facteurs, et non pas nécessairement la conformité générale des États-Unis au droit international. Enfin, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’aucun fait ne justifiait un examen des prétendues atteintes portées à la Charte, puisque le demandeur d’asile en cause n’avait pas tenté d’entrer au Canada.
La Cour d’appel fédérale a rejeté une autre contestation constitutionnelle de l’ETPS en 2019. Dans l’affaire Kreishan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), des demandeurs d’asile qui faisaient l’objet d’une exception en vertu de l’ETPS et dont la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la CISR avait refusé la demande revendiquaient la possibilité d’appeler des décisions devant la Section d’appel des réfugiés de la CISR 75. La Cour d’appel fédérale a rejeté l’argument, en faisant observer que le droit international n’impose pas de forme particulière d’appel. Elle a ajouté que la question de savoir si certains réfugiés jouissaient d’un processus d’appel plus favorable n’avait rien à voir avec le fait que les droits des demandeurs d’asile faisant l’objet d’une exception en vertu de l’ETPS aient été bafoués ou non.
En 2017, le Conseil canadien pour les réfugiés, le Conseil canadien des Églises et Amnistie internationale Canada, de concert avec une Salvadorienne accompagnée de ses enfants, ont entrepris une autre contestation judiciaire devant la Cour fédérale au sujet de cette même désignation des États-Unis en tant que tiers pays sûr pour les réfugiés 76. Les organismes ont fait valoir le fait que les systèmes d’octroi de l’asile et le régime de détention des immigrants aux États-Unis ne respectaient pas les normes juridiques internationales et canadiennes, plus particulièrement 77. Ils soutenaient également que cette situation créait de grands risques de détention et de renvoi injustifié vers un pays où un demandeur d’asile s’exposerait à la persécution (refoulement) et à d’autres violations de ses droits.
En juillet 2020, la Cour fédérale a donné raison aux plaignants et a conclu que l’ETPS était inconstitutionnelle et qu’elle violait les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne 78. Elle a fait remarquer que les demandeurs d’asile aux points d’entrée terrestres sont privés de tout examen de leur demande sur le fond et sont renvoyés aux États-Unis, où ils risquent la détention automatique et parfois l’isolement cellulaire ou des conditions inhumaines, ce qui leur cause des souffrances physiques et psychologiques. Elle a souligné que l’ETPS devait être une question de « partage des responsabilités », mais qu’elle ne donnait en fait aucune garantie d’accès à un processus équitable de détermination du statut de réfugié. Elle a cité les juges de la CSC qui, dans l’arrêt Suresh c. Canada, ont affirmé que « la garantie relative à la justice fondamentale s’applique même aux atteintes au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne qui sont le fait d’acteurs autres que le gouvernement canadien 79 ».
En avril 2021, le gouvernement fédéral a obtenu gain de cause dans son appel de la décision 80. La Cour d’appel fédérale a indiqué que la demande n’avait pas été présentée adéquatement et ne pouvait donc pas être confirmée.
En décembre 2021, la CSC a autorisé l’appel de cette décision 81 et, en juin 2023, elle a conclu à l’unanimité que les dispositions des lois et des règlements en matière d’immigration sur lesquelles repose l’ETPS ne portent pas atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité garanti par l’article 7 de la Charte 82.
Elle a jugé que la Cour fédérale avait négligé de tenir compte du fait que diverses garanties législatives (appelées « soupapes de sécurité ») présentes dans l’ETPS et dans le droit canadien protègent contre les iniquités fondamentales. Ces garanties comprennent, par exemple, les reports administratifs des mesures de renvoi, les permis de séjour temporaire et les exceptions ministérielles discrétionnaires pour motifs humanitaires ou pour certains groupes visés par différentes politiques publiques temporaires 83. Qui plus est, certains règlements peuvent encadrer de façon plus serrée la manière dont la loi est appliquée afin d’éviter les décisions fondamentalement inéquitables. C’est notamment le cas de l’article 159.6 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui empêche qu’une personne soit renvoyée aux États Unis si elle y est accusée ou si elle y a été reconnue coupable d’infractions passibles de la peine de mort. Ces soupapes de sécurité sont là pour garantir que les atteintes aux droits protégés ne sont ni arbitraires ni fondamentalement inéquitables, même lorsqu’il y a divergence entre le droit canadien et celui des États-Unis.
La CSC a en outre jugé que la conclusion de la Cour fédérale concernant la détention automatique des personnes renvoyées aux États-Unis en vertu de l’ETPS était erronée, dans la mesure où la preuve n’avait pas permis d’établir autre chose qu’un risque de détention discrétionnaire. Elle a par ailleurs estimé que la preuve au dossier ne permettait pas d’étayer la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle la détention donne lieu à un risque « réel et non spéculatif » de refoulement des États-Unis, dans la mesure où il existe des mécanismes qui permettent de présenter une demande d’asile ou de faire appel pendant la détention 84.
Quoi qu’il en soit, la CSC a accueilli partiellement l’appel et renvoyé une partie de l’affaire devant la Cour fédérale au motif que la preuve était insuffisante pour se prononcer sur les questions relatives à l’article 15 de la Charte. En somme, la CSC a jugé que la Cour fédérale n’avait tiré aucune conclusion factuelle relativement aux allégations selon lesquelles les femmes victimes de persécution fondée sur le genre et de violence sexuelle se voient souvent refuser le droit d’asile aux États-Unis, ce qui est contraire à la Convention sur les réfugiés.
Enfin, la CSC a insisté sur le fait que sa décision portait sur la constitutionnalité de la loi elle-même et non sur la conduite administrative. Elle a fait remarquer que les décisions prises par les employés de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) exigent « un examen des plus soucieux » et peuvent faire l’objet de recours par les personnes en cause 85. De même, la CSC a aussi conclu que l’obligation pour le Cabinet d’assurer le suivi de l’examen des facteurs ayant mené à la désignation des États-Unis à titre de tiers pays sûr débordait de l’affaire à l’étude 86.
En mars 2023, les gouvernements du Canada et des États-Unis ont annoncé la signature d’un protocole additionnel à l’ETPS, qui élargit la portée de l’Entente afin que celle-ci s’applique à l’ensemble de la frontière terrestre – et non plus simplement aux points d’entrée officiels. Les personnes qui franchissent la frontière entre ces points d’entrée peuvent être renvoyées aux États-Unis dans un délai de 14 jours à moins qu’elles ne puissent se réclamer de l’une des exceptions prévues.
L’élargissement de l’ETPS est survenu dans un contexte d’augmentation des passages irréguliers à la frontière et d’incertitude quant à l’avenir de l’Entente en raison d’une contestation de sa constitutionnalité actuellement devant les tribunaux. La section suivante décrit brièvement le contenu de cette entente élargie et explique le contexte dans lequel les modifications ont été apportées.
Des préoccupations de longue date concernant l’ETPS ont donné lieu à de nombreux appels à sa suspension de la part de certains, alors que d’autres ont préconisé son application sans égard à la manière dont un demandeur d’asile entre au Canada 87. Par exemple, en 2011, les fonctionnaires d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC, alors appelé Citoyenneté et Immigration Canada) ont désigné les passages irréguliers aux frontières comme un domaine à examiner lors de changements éventuels à apporter à l’ETPS 88.
Pour que l’ETPS puisse être modifiée, les gouvernements du Canada et des États Unis doivent tous deux consentir aux modifications par écrit. En outre, chaque partie peut suspendre unilatéralement l’application de l’ETPS pendant une période maximale de trois mois sur préavis écrit à l’autre partie. Cette suspension peut être renouvelée pour des périodes supplémentaires dont la durée peut atteindre au plus trois mois 89. Des intervenants ont fait valoir que la suspension de cette entente pourrait constituer une épreuve permettant de mesurer les conséquences de son absence 90.
Or, le gouvernement fédéral a clairement fait savoir qu’il envisageait un avenir pour l’ETPS, et il a d’ailleurs soutenu, en 2018, qu’il était « possible de négocier et de rehausser une entente sur les tiers pays sûrs qui fonctionnera plus efficacement à l’avantage des deux pays ». En 2021, le premier ministre a demandé au ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté de travailler avec le gouvernement des États-Unis à la modernisation de l’ETPS 92.
En mars 2023, les gouvernements du Canada et des États-Unis ont annoncé la signature d’un protocole additionnel à l’ETPS qui entraîne la création de nouvelles obligations juridiques internationales contraignantes pour le Canada, de même que la modification de la façon dont les responsabilités de traitement des demandes d’asile présentées par des migrants irréguliers sont partagées avec le gouvernement américain.
Le Protocole additionnel étend également l’application de l’ETPS aux migrants qui traversent la frontière entre les points d’entrée officiels, mais ne s’applique que 14 jours après leur arrivée 93. Ces règles s’appliquent aussi à ceux qui traversent des plans d’eau désignés 94. Bien que les mesures frontalières en place limitent l’accès par voie maritime des traversiers entre le Canada et les États-Unis, des rapports indiquent que des passeurs utilisent les voies navigables pour permettre à des migrants de traverser la frontière canadienne de façon irrégulière 95.
Par ailleurs, le Protocole additionnel précise comment les gouvernements du Canada et des États-Unis entendent respecter le délai de 14 jours et décrit les exigences, ainsi que le fardeau de la présentation connexe, qui s’appliquent lorsqu’un migrant est renvoyé dans son « dernier pays de séjour » pour y présenter une demande d’asile 96.
Le concept de délai de 14 jours tire son origine d’une politique américaine, plus précisément d’un avis publié en 2004 par le département de la Sécurité intérieure. Selon cet avis, le département de la Sécurité intérieure est autorisé à engager un processus de renvoi accéléré à l’encontre de certains ressortissants étrangers (en anglais, « aliens ») se trouvant dans un rayon de moins de 100 miles de toute frontière terrestre internationale des États-Unis, et ce, dans les 14 jours qui suivent leur entrée sur le territoire 97.
Les dispositions du Protocole additionnel ont été intégrées au Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement) 98. Le Règlement actualisé comprend plusieurs modifications aux définitions et aux interprétations qui ont cours dans le droit canadien des réfugiés, notamment en ce qui concerne l’application de l’ETPS et ses exceptions. On y trouve entre autres une nouvelle définition du terme « apatride » (art. 159.1) et une nouvelle interprétation de « demande antérieure », selon laquelle les demandeurs d’asile qui sont d’abord jugés inadmissibles en vertu de l’ETPS peuvent bénéficier d’une exception s’ils se voient refuser la possibilité de rentrer aux États-Unis (art. 159.01).
La modification la plus importante consiste en l’ajout du paragraphe 159.4(1.1) au Règlement, qui prévoit que l’ETPS doit s’appliquer à l’ensemble de la frontière canado-américaine, y compris aux plans d’eau, mais pas dans les cas où un demandeur d’asile aura été au Canada pendant 14 jours, ou s’il peut démontrer que l’une des exceptions prévues par l’Entente s’applique dans sa situation.
Dans le cadre des négociations qui ont abouti à la signature du Protocole additionnel, le gouvernement du Canada a accepté d’accueillir 15 000 migrants d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud par l’intermédiaire des voies officielles en 2023 et en 2024. Selon des médias, ces migrants seront régularisés en tant que réfugiés réinstallés dans le cadre d’un prochain programme spécial 99.
Dans le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation, le gouvernement du Canada a fait valoir que le Protocole additionnel aurait plusieurs avantages, dont celui de renforcer le traitement normalisé des arrivants, d’accroître la confiance du public dans l’intégrité du système d’octroi de l’asile et de réduire « potentiellement le nombre d’arrivées irrégulières » en dissuadant les gens de traverser la frontière de façon irrégulière 100.
Cependant, dans ce résumé, il est également souligné que le Protocole additionnel pourrait exposer davantage les demandeurs d’asile à un risque en les incitant à ne pas se faire repérer pendant 14 jours. Il est possible que tout cela en conduise certains à traverser la frontière dans des régions plus éloignées, ce qui ferait ainsi augmenter le risque d’exposition à des conditions météorologiques extrêmes ainsi qu’au manque d’accès à la nourriture, à l’eau et aux services de base. D’autres pourraient chercher à obtenir l’aide de passeurs, ce qui les exposerait davantage à un risque de traite de personnes ainsi que de violence sexuelle, qui vise souvent de façon disproportionnée les femmes, les filles et les personnes LGBTQI migrantes 101.
Depuis 1989 et l’entrée en vigueur des mesures législatives de 1987 dont il a été question précédemment, le gouvernement fédéral fait le suivi du nombre de demandes d’asile présentées au pays. Ces demandes faites au Canada même peuvent être effectuées à un point d’entrée ou, à l’intérieur du territoire, auprès d’un représentant de l’ASFC ou d’IRCC 102. Les personnes qui traversent la frontière à des points d’entrée non officiels se font généralement intercepter par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et transporter par celle-ci d’abord vers un bureau de l’ASFC, pour qu’on puisse déterminer la recevabilité de leur demande, et ensuite, lorsque celle-ci est acceptée, à la CISR, pour qu’elles puissent y présenter une demande de statut de réfugié 103. La GRC ne prend aucune mesure d’application de la loi « contre les personnes demandant l’asile en vertu de l’article 133 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés 104 ». C’est pourquoi les personnes qui traversent la frontière à des points d’entrée non officiels sont communément qualifiées d’arrivants en situation irrégulière. Comme il a été précisé plus haut, avant mars 2023, l’ETPS s’appliquait seulement aux demandeurs d’asile qui cherchaient à entrer au Canada depuis les États-Unis aux points d’entrée terrestres.
Comme l’illustre la figure 1, le nombre moyen de demandes d’asile présentées chaque année s’est établi à environ 31 684, de 1989 à juin 2023. Le nombre le plus faible a été relevé en 2013 (10 378), et le nombre le plus élevé, en 2022 (91 850). En raison de la pandémie de COVID-19 et de fermetures temporaires de la frontière entre le Canada et les États-Unis entre mars 2020 et novembre 2021 105, le nombre de demandes d’asile reçues au Canada en 2020 et en 2021 était moins élevé (23 695 et 24 910, respectivement) 106.
Notes : La première source ci-dessous ne comporte aucune donnée sur les demandeurs d’asile pour 1988, d’où le début en 1989 de cette série de données. De plus, la série dans cette source s’interrompt en 1998, mais il y a des données d’une version plus récente de la même source. Cette série s’interrompt elle aussi en 2017 et vient d’une source différente. Les données de 2023 ne sont pas complètes. Les sources consultées utilisent les termes « demandeurs du statut de réfugié » et « revendicateurs du statut de réfugié » de façon interchangeable pour désigner les personnes qui ont demandé le statut de réfugié au Canada.
Sources : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Citoyenneté et Immigration Canada, « Canada – Résidents temporaires selon le statut annuel, 1988-2012 », Canada Faits et chiffres : Aperçu de l’immigration – Résidents permanents et temporaires, 2012, p. 52; Gouvernement du Canada, « 10.1. Demandeurs d’asile, selon le sexe, de 1997 à 2017 », Faits et chiffres 2017 – Aperçu de l’immigration – Résidents temporaires; Gouvernement du Canada, Demandes d’asile par année – 2018; Gouvernement du Canada, Demandes d’asile par année – 2019; Gouvernement du Canada, Demandes d’asile par année – 2020; Gouvernement du Canada, Demandes d’asile par année – 2021; et Gouvernement du Canada, Demandes d’asile par année – 2022; et Gouvernement du Canada, Demandes d’asile par année – 2023.
La montée du nombre de demandes présentées au Canada en 2017 et de nouveau en 2022 s’explique en partie par les passages à la frontière canado-américaine par des points d’entrée non officiels.
Bien que la présente Étude de la Colline ne s’attarde pas aux raisons générales 107 et à toute l’incidence 108 de cette augmentation du nombre de demandes d’asile après un passage irrégulier à la frontière, l’une des raisons pour lesquelles cette hausse considérable est importante est le fait qu’elle se répercute sur le fonctionnement de la CISR. En effet, la flambée du nombre de demandes d’asile déférées à la CISR 109 a exercé des pressions sur ses ressources. La CISR peinait déjà à prendre ses décisions dans les délais prescrits et faisait face à un arriéré de demandes 110.
Un examen indépendant de la CISR mené en 2018 a révélé que le respect du délai établi pour la tenue d’une audience n’a été observé que dans 59 % des cas en 2017, alors qu’il avait atteint un sommet de 65 % entre 2014 et 2016. La CISR a indiqué que les retards étaient en grande partie attribuables à des questions de ressources humaines, dont un recrutement insuffisant et une charge de travail plus complexe en raison du nombre important de pays d’origine 111.
Avant 2017, la CISR ne faisait pas de suivi précis des statistiques sur les demandes d’asile présentées par des personnes qui franchissaient la frontière de manière irrégulière. La figure 2 donne un aperçu du nombre de demandes d’asile reçues par la CISR et présentées par des personnes interceptées par la GRC à des points d’entrée non officiels. En 2020 et 2021, la CISR a reçu un moins grand nombre (4 154 et 1 552, respectivement) de demandes d’asile au Canada présentées par des personnes ayant traversé la frontière de manière irrégulière, en raison des fermetures temporaires de la frontière canado-américaine pendant la pandémie de COVID-19 112. Cela a été suivi, en 2022, d’un nombre record de demandeurs d’asile qui ont été arrêtés entre les points d’entrée (39 540) 113. Le nombre le plus important de demandes reçues au cours d’un trimestre a été enregistré de janvier 2023 à mars 2023 (14 192) 114.
Note : La Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) ne dispose que de données partielles pour février 2017 et mars 2017.
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de CISR, « Statistiques relatives aux demandes d’asile présentées par des personnes qui ont franchi la frontière de manière irrégulière par année et trimestre », Statistiques relatives aux personnes arrivées à la suite d’un passage irrégulier à la frontière.
La CISR fait face à des arriérés importants, comme l’illustre la figure 3. Toutefois, bien que la pandémie de COVID-19 et les fermetures temporaires de la frontière canado-américaine aient entraîné une réduction temporaire du nombre de demandes d’asile en attente, cette tendance s’est rapidement inversée en 2022, et un nouveau record a été atteint au début de 2023. De janvier 2023 à mars 2023, la CISR a tranché 2 589 demandes présentées par des migrants en situation irrégulière, tandis que 34 781 demandes étaient toujours en attente dans le système. On ne dispose toutefois pas des chiffres depuis l’entrée en vigueur du Protocole additionnel 115.
Note : La Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) ne dispose que de données partielles pour février 2017 et mars 2017.
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de CISR, « Statistiques relatives aux demandes d’asile présentées par des personnes qui ont franchi la frontière de manière irrégulière par année et trimestre », Statistiques relatives aux personnes arrivées à la suite d’un passage irrégulier à la frontière.
En 2018, la CISR a mis sur pied une équipe spéciale responsable de la réduction du nombre de demandes d’asile peu complexes en attente qui devait se concentrer sur les demandes d’asile qui « peuvent être réglées rapidement par une instruction sur dossier ou par la tenue d’une audience courte 116 ». Pour accroître sa productivité et améliorer son approche en matière de gestion des cas, la CISR a également mis à jour sa politique sur le traitement accéléré des demandes d’asile par la SPR et diffusé des instructions sur la catégorisation des demandes moins complexes à la SPR 117. Ainsi, elle a prévu la tenue d’« audiences courtes et ciblées pour régler les demandes d’asile simples et elle tranche même certaines demandes d’asile sans tenir d’audience lorsque les circonstances le permettent 118 ».
En plus de simplifier ses processus, la CISR a aussi reçu, dans le cadre du budget de 2018, une somme de 74 millions de dollars sur deux ans pour « lui permettre de prendre plus rapidement des décisions au sujet des demandes d’asile, notamment en embauchant 64 décideurs et 185 employés de soutien 119 ». C’est ainsi qu’elle a pu régler « 30 % de plus de demandes d’asile et plus de 60 % d’appels en matière d’asile de plus en 2018-2019 qu’au cours de l’exercice précédent 120 ».
Qui plus est, le gouvernement du Canada a affecté, dans le budget de 2018, une somme approximative de 100 millions de dollars sur deux ans à IRCC, à l’ASFC, à la GRC et à d’autres ministères concernés en réaction aux pressions opérationnelles causées par la migration en situation irrégulière 121. Ces fonds ont contribué à soutenir « la réception de nouvelles demandes d’asile, l’exécution des procédures de contrôle de sécurité préliminaire, le traitement du caractère recevable des demandes, le renvoi des demandeurs d’asile déboutés, et la détention et le renvoi des personnes qui présentent un risque pour la sécurité des Canadiens 122 ».
Le budget de 2019 accordait 208 millions de dollars de plus à la CISR afin qu’elle vise désormais le traitement de 50 000 demandes d’asile par année 123. De leur côté, le Portrait économique et budgétaire de 2020 et le budget de 2022 accordaient aussi des fonds à la CISR afin d’aider le gouvernement fédéral à « soutenir la stabilité et l’intégrité à long terme du système d’octroi de l’asile au Canada 124 ». Ces investissements supplémentaires ont permis de stabiliser la CISR, qui a profité de la pandémie pour réduire son arriéré et le temps d’attente des demandes d’asile et des appels des réfugiés 125.
Par ailleurs, le budget de 2022 accordait à la CISR 600 millions de dollars de financement sur quatre ans et 150 millions de dollars par année, ainsi que des fonds supplémentaires sur deux ans pour le traitement des demandes d’asile supplémentaires 126.
L’ETPS est controversée depuis sa création. Ses partisans soutiennent qu’elle permet au Canada et aux États-Unis de mieux gérer l’accès au processus de détermination du statut de réfugié. Pour leur part, les détracteurs maintiennent que les États-Unis ne sont pas un pays sûr pour les réfugiés, et que le fait de renvoyer les demandeurs d’asile dans ce pays sans pouvoir faire évaluer leur demande dans le cadre du droit canadien des réfugiés porte atteinte aux droits fondamentaux.
L’élargissement récent de l’ETPS vise à accroître l’intégrité du système de détermination du statut de réfugié en permettant de normaliser le traitement des arrivants et de réduire éventuellement leur nombre. Cependant, cette entente élargie risque également d’inciter les demandeurs d’asile à s’exposer davantage à des préjudices importants. Une telle évolution met en évidence les obstacles et l’incertitude auxquels sont confrontés les réfugiés qui espèrent demander l’asile au Canada.
La décision de la CSC a confirmé que la désignation des États-Unis à titre de tiers pays sûr ne viole pas le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité garanti par l’article 7 de la Charte. Elle s’est toutefois abstenue de se prononcer sur l’article 15. En outre, elle a confirmé que des recours administratifs et constitutionnels s’offrent encore aux personnes dont les droits ont été violés en raison d’une mauvaise application du régime législatif et de ses nombreuses soupapes de sécurité. Il est donc probable que l’ETPS fasse l’objet d’autres contestations judiciaires et continue d’alimenter le débat public.
Ruben Zaiotti, « Chapter 9, Beyond Europe: Toward a New Culture of Border Control in North America », Cultures of Border Control: Schengen and the Evolution of European Frontiers, 2011, p. 204 [traduction]. Cette idée est aujourd’hui largement appliquée par le Canada et les É.-U., à la suite de la déclaration sur une vision commune de la sécurité du périmètre et de la compétitivité économique, qui, en 2011, a établi
un nouveau partenariat à long terme qui s’articule autour d’une approche de la sécurité du périmètre et de la compétitivité économique. Cela signifie que les deux pays travailleront ensemble, non seulement à la frontière, mais également par-delà la frontière afin de renforcer la sécurité et d’accélérer la circulation des personnes, des marchandises et des services.
Voir Sécurité publique Canada, Par-delà la frontière : une vision commune de la sécurité du périmètre et de la compétitivité économique.
[ Retour au texte ]Le non-refoulement se définit comme suit :
Interdiction pour les États d’extrader, d’expulser ou de refouler de toute autre manière une personne vers un pays dans lequel sa vie ou sa liberté serait menacée, ou s’il existe des motifs sérieux de croire qu’elle risquerait d’être soumise à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, d’être victime d’une disparition forcée ou de subir un autre préjudice irréparable.
Voir Organisation internationale pour les migrations, « Non-refoulement (principe de) », Termes clés de la migration.
[ Retour au texte ]Plusieurs pays européens ont introduit le concept de tiers pays sûr dans leur législation nationale, dont la Belgique (1980), la Suède (1989) et la Suisse (1979). Voir Gouvernement du Canada, Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis : Partenariat pour la protection – Examen de la première année, novembre 2006, p. 9.
Comme autres exemples, mentionnons l’Australie, qui a adopté un règlement sur les tiers pays sûrs pour des « catégories particulières de demandeurs d’asile » en 1994, et la Tanzanie et l’Afrique du Sud, qui ont pris un règlement sur les pays sûrs en 1998. Le concept est également entré dans la législation nationale de plusieurs pays d’Europe de l’Est et d’anciennes républiques de l’Union soviétique. Voir Agnès Hurwitz, « Chapter 2: Safe Third Country Practices, Readmission, and Extraterritorial Processing », The Collective Responsibility of States to Protect Refugees, 2009, p. 47 à 50 [traduction].
[ Retour au texte ]Voici les facteurs en question :
- le fait que ces pays sont parties à la Convention sur les réfugiés et à la Convention contre la torture;
- leurs politiques et usages en ce qui touche la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention sur les réfugiés et les obligations découlant de la Convention contre la torture;
- leurs antécédents en matière de respect des droits de la personne;
- le fait qu’ils sont ou non parties à un accord avec le Canada concernant le partage de la responsabilité de l’examen des demandes d’asile.
Voir Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, par. 102(2).
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