La Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies fournissent le cadre juridique pour le règlement de l’insolvabilité des particuliers et de la plupart des entreprises, soit par un processus de faillite ou de proposition, soit par un processus de restructuration.
Bien que la pandémie de COVID-19 et les mesures de confinement connexes aient entraîné une grave récession en 2020, le nombre d’entreprises qui ont engagé des procédures en matière d’insolvabilité a considérablement diminué en 2020 et 2021, contrairement à ce que l’on aurait pu raisonnablement supposer. Cette diminution est due en partie aux diverses mesures de soutien et aux programmes de prêts aux entreprises et de liquidités mis en place par les gouvernements. Cependant, bien que le nombre de dossiers d’insolvabilité des entreprises soit demeuré inférieur aux niveaux d’avant la pandémie pendant la majeure partie de 2021 et de 2022, la tendance est depuis à la hausse. La hausse du coût des intrants et des emprunts ainsi que la baisse prévue de la croissance économique à un moment où de nombreuses entreprises sont plus endettées en raison de la pandémie ont ravivé les préoccupations liées au nombre croissant de dossiers d’insolvabilité.
Ce document donne un aperçu du cadre d’insolvabilité des entreprises au Canada, ainsi que des modifications récentes et des changements proposés à la législation. Il examine également les tendances à court et à long terme du nombre de dossiers d’insolvabilité des entreprises, en mettant l’accent sur l’évolution depuis le début de la pandémie de COVID-19.
Le présent document donne un aperçu des lois en matière d’insolvabilité au Canada et traite des récents secteurs de réforme, en mettant l’accent sur les modifications à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (LFI) 1 et à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) 2. Le document examine également les tendances à long terme concernant les dossiers d’insolvabilité des entreprises et l’évolution récente depuis la pandémie de COVID-19.
En vertu de la Loi constitutionnelle de 1867 3, la faillite et l’insolvabilité relèvent de la compétence fédérale 4.
Souvent utilisées de façon interchangeable, les notions de faillite et d’insolvabilité ont des significations différentes en droit canadien 5. En général, l’insolvabilité survient lorsqu’un débiteur est incapable de rembourser ses dettes à leur date d’échéance. Plus précisément, selon l’article 2 de la LFI, une « personne insolvable » est une personne qui réside au Canada ou qui y exerce ses activités ou qui possède des biens au Canada et :
En revanche, la faillite désigne le processus juridique par lequel les actifs d’une personne insolvable sont transférés à un syndic d’insolvabilité agréé qui se charge ensuite de la distribution aux créanciers pour régler les dettes de la personne selon la priorité établie par la loi. Lorsqu’un débiteur dépose son bilan, les créanciers ne sont plus autorisés à intenter des poursuites contre lui pour les dettes impayées.
Les deux principales lois fédérales qui régissent la faillite et l’insolvabilité sont la LFI et la LACC. Le Bureau du surintendant des faillites (BSF) est l’organisme de réglementation fédéral chargé de superviser les procédures en vertu de la LFI et de la LACC et d’assurer le respect de ces lois. Il réglemente également les syndics autorisés en insolvabilité et tient un registre public des documents déposés en vertu de la LFI et de la LACC 6.
Promulguée en 1919, la LFI s’applique aux faillites de particuliers et de personnes morales. En plus d’établir le processus administratif à suivre pour déclarer faillite, la LFI régit l’octroi de permis aux syndics d’insolvabilité et les types d’actifs qui peuvent être vendus ou redistribués aux fins du remboursement des dettes. Elle régit également la façon dont l’actif de l’entreprise en faillite doit être réparti entre différentes catégories de créanciers, ce qu’on appelle souvent l’ordre de priorité. Le tableau 1 présente l’ordre de priorité des réclamations des créanciers en vertu de la LFI.
Type de créance | Description |
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I. Fiducies présumées (par. 67(3)) |
Montant non versé des retenues à la source relativement :
Ces montants sont réputés être détenus en fiducie pour la Couronne et ne pas faire partie des actifs de l’entreprise en faillite. |
II. Fournisseurs impayés (art. 81.1) | Les fournisseurs peuvent récupérer les biens impayés qui ont été livrés 30 jours avant la faillite. |
III. Superpriorités
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IV. Créances garanties | Créances garanties par les actifs du failli qui couvrent la valeur de l’actif. |
V. Créances privilégiées (par. 136(1)) | Créances ordinaires qui doivent être payées avant les créances ordinaires régulières, dans l’ordre établi au paragraphe 136(1). |
VI. Créances non garanties | Toutes les autres créances, acquittées au prorata de leur valeur par rapport à la valeur totale de toutes les autres créances non garanties. |
Note : En ce qui concerne les fiducies présumées, il importe de signaler que les biens détenus en fiducie ne font pas partie des biens du failli et qu’ils ne peuvent donc pas être distribués entre les créanciers. Cette caractéristique des fiducies a permis de légiférer pour que les faillis – particuliers ou personnes morales – paient les gouvernements avant tout autre créancier, car une partie de leurs actifs est réputée être détenue en fiducie à l’avantage des gouvernements. Aux termes de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, seules les fiducies présumées créées pour les retenues d’impôt faites par l’employeur, les cotisations au programme d’assurance-emploi ainsi qu’au Régime de pensions du Canada et au Régime de rentes du Québec, non versées, sont reconnues. Il est à noter qu’en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, le tribunal a le pouvoir discrétionnaire de réaménager l’ordre de priorité des fiducies présumées pour leur accorder un ordre de priorité inférieur. Voir Canada c. Canada North Group Inc., 2021 CSC 30.
Source : Tableau préparé par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. 1985, ch. B-3.
La LFI permet également aux particuliers et aux personnes morales de faire une proposition à leurs créanciers, plutôt que de déclarer faillite. Une proposition est une offre faite par un débiteur à ses créanciers pour leur payer un pourcentage de la dette due ou pour prolonger le délai de paiement de la dette. Une proposition doit être approuvée par le tribunal.
La LACC a été promulguée en 1933 et, contrairement à la LFI, elle ne s’applique qu’aux entreprises ou entreprises affiliées insolvables dont le passif est supérieur à 5 millions de dollars. De plus, la LACC ne s’applique pas à tous les types d’entreprises, notamment aux institutions financières. La LACC vise à permettre aux entreprises de restructurer leurs activités avec l’approbation des diverses catégories de créanciers et sous la supervision du tribunal. Les termes « transaction » ou « arrangement » sont souvent utilisés pour décrire le plan mis de l’avant par l’entreprise pour payer les créanciers et réorganiser ses affaires et ils sont comparables à une proposition en vertu de la LFI. Les procédures prévues par la LACC comprennent la nomination d’un syndic d’insolvabilité autorisé à titre de contrôleur. Le rôle du contrôleur consiste à aider à la préparation du plan d’arrangement, à rédiger des rapports réguliers pour le tribunal sur l’état des procédures et à fournir des renseignements pertinents aux créanciers et au public.
Étant donné qu’il y a un certain chevauchement entre les types de procédures d’insolvabilité offertes aux entreprises dans le cadre de la LFI et de la LACC, le choix de la pertinence d’une procédure en vertu de la LFI ou de la LACC dépend souvent de la structure organisationnelle de l’entreprise insolvable, du montant de la dette exigible et du coût potentiel de la procédure d’insolvabilité. Certaines entreprises insolvables qui ont cessé leurs activités au Canada ont demandé la protection contre les créanciers en vertu de la LACC plutôt que de la LFI. C’est le cas de Target Canada en 2015, par exemple. Selon les experts en insolvabilité, le tribunal a autorisé Target Canada à faire le dépôt d’une procédure sous le régime de la LACC en raison de la complexité de l’insolvabilité et parce que le cadre de la LACC est plus souple que le régime plus rigide et fondé sur des règles de la LFI 7.
Bien que la LFI et la LACC soient les principales lois sur l’insolvabilité, d’autres lois fédérales traitent du même sujet dans des secteurs précis. La Loi sur les liquidations et les restructurations 8 régit l’insolvabilité, la dissolution et la restructuration de toutes les institutions financières sous réglementation fédérale et de certaines institutions financières sous réglementation provinciale, comme les banques, les sociétés de fiducie, les sociétés de prêt et les compagnies d’assurances. La Loi sur la médiation en matière d’endettement agricole 9 aide les agriculteurs insolvables à négocier des ententes avec leurs créanciers. De plus, la partie XV de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) 10 permet à une société constituée en vertu d’une loi fédérale de proposer un arrangement avec ses créanciers dans certaines circonstances.
Enfin, la Loi sur le Programme de protection des salariés 11 traite de certains droits des employés à l’égard des salaires impayés. Cette loi établit un programme dans le cadre duquel on verse aux particuliers des sommes pouvant atteindre 8 278,83 $ en 2023 pour les salaires et les indemnités de vacances impayés qui leur sont dus par l’employeur en faillite ou sous le coup d’une mise sous séquestre en vertu de la LFI 12. Le programme exige que les employés transfèrent leurs réclamations contre l’employeur au gouvernement fédéral afin que ce dernier puisse recouvrer une partie ou la totalité de ses coûts en tant que créancier de l’employeur.
Selon la Banque mondiale, une des façons dont les gouvernements ont renforcé leur marché des prêts après la crise financière mondiale de 2008 a été d’améliorer leurs régimes d’insolvabilité des entreprises 13. Elle souligne que des cadres d’insolvabilité et de règlement de la dette efficaces et prévisibles sont nécessaires pour améliorer l’inclusion financière, faciliter l’accès au crédit et réduire les coûts d’emprunt.
Les récentes modifications apportées au cadre d’insolvabilité des entreprises canadiennes ont mis l’accent sur la restructuration des entreprises insolvables tout en protégeant les réclamations des employés relatives aux salaires impayés. À titre d’exemple, voici quelques-unes des modifications législatives apportées en 2008-2009 à la LFI et à la LACC :
Les modifications législatives apportées en 2019 à la LFI, à la LACC, à la LCSA et à la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension (LNPP) 15 étaient axées sur l’équité des procédures d’insolvabilité. Les modifications comprenaient :
En avril 2023, les réclamations des membres du régime de retraite à prestations déterminées ont été consolidées lorsque le projet de loi C-228, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension 17, a reçu la sanction royale. Le projet de loi modifie la LFI et la LACC afin d’assurer le paiement en priorité des réclamations des créanciers relativement au manque à gagner des régimes à prestations déterminées dans l’éventualité où un employeur deviendrait insolvable. Il modifie également la LNPP de manière à prévoir le dépôt d’un rapport annuel concernant la solvabilité des régimes de pension régis par cette loi. Le projet de loi C-228 constitue l’aboutissement de nombreux projets de loi présentés au Parlement au cours de la dernière décennie qui visaient à améliorer la priorité des réclamations liées au passif non capitalisé des régimes de retraite en cas de faillite.
Depuis 1999, l’incidence de l’insolvabilité des entreprises au Canada a diminué. Le taux d’insolvabilité des entreprises, ou le nombre de dossiers d’insolvabilité des entreprises déposés en vertu de la LFI par 1 000 entreprises, est passé de 5,7 cette année-là (11 601 dossiers) à 0,6 en 2021 (2 480 dossiers), mais est remonté à 0,8 (3 420 dossiers) en 2022, comme le montre la figure 1. L’incidence des deux types d’insolvabilité – faillite et proposition – a diminué au cours de cette période.
Note : Ce chiffre ne comprend pas les dossiers déposés en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC). La collecte de données sur le nombre de dossiers déposés en vertu de la LACC a commencé au quatrième trimestre de 2009.
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Gouvernement du Canada, « Taux annuels d’insolvabilité », base de données, consultée le 28 septembre 2023.
L’insolvabilité des entreprises peut également être divisée par type d’entité, entreprise individuelle ou personne morale. Comme le montre la figure 2, la diminution du taux d’insolvabilité des entreprises est en grande partie attribuable à la diminution du nombre d’entreprises individuelles insolvables, soit les cas où 50 % ou plus des passifs totaux d’une personne insolvable découlent de l’exploitation de son entreprise. En 2001, il y a eu près de 9 000 faillites d’entreprises individuelles et, en 2016, ce nombre avait chuté de près de 90 % pour s’établir à environ 1 000 par année. Au cours de la même période, le nombre de personnes morales insolvables a diminué d’environ 18 %. Par la suite, le nombre d’entreprises individuelles et de personnes morales insolvables a encore diminué en 2020 et 2021, mais est remonté en 2022.
Note : L’insolvabilité d’une entreprise individuelle désigne une situation où 50 % ou plus du total des passifs d’une personne sont le résultat de l’exploitation d’une entreprise.
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Gouvernement du Canada, « Statistiques sur l’insolvabilité historique – annuel (à partir de 1987) », base de données, consultée le 28 septembre 2023.
Cette tendance à la baisse du nombre d’entreprises insolvables peut s’expliquer en partie par le nombre relativement élevé d’entreprises insolvables au Canada au cours des années 1980 et 1990. Cette période a été caractérisée par deux récessions et la mise en œuvre de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis en 1989, puis de l’Accord de libre-échange nord-américain en 1994. Cela a exposé de nombreuses entreprises canadiennes à une concurrence étrangère accrue et entraîné une restructuration de l’activité économique en Amérique du Nord 18.
De plus, la plupart des répondants à un sondage mené en 2016 auprès de syndics d’insolvabilité agréés ont indiqué que le principal facteur ayant contribué à la diminution du nombre de dossiers d’insolvabilité des entreprises au cours des dernières années était le coût exorbitant associé aux processus de faillite ou de proposition pour les petites entreprises. Dans le cas des faillites de personnes morales, par exemple, ces coûts peuvent être dus à l’exigence de tenir une assemblée des créanciers ou de vendre des actifs de faible valeur 19.
Pendant les récessions, de nombreuses entreprises subissent une réduction de leurs revenus ou de leur accès au crédit, ce qui entraîne des procédures d’insolvabilité. Par exemple, pendant la récession de 2008-2009, le nombre de dossiers d’insolvabilité de personnes morales a augmenté de 27 % entre le troisième trimestre de 2008 et le premier trimestre de 2009, comme le montre la figure 3. Le nombre de dossiers d’insolvabilité d’entreprises individuelles a diminué au cours de la période de 2008 à 2009, bien qu’une augmentation de 9 % ait été enregistrée entre le premier et le deuxième trimestre de 2009.
Note : Les données sur le produit intérieur brut réel sont présentées en millions de dollars enchaînés de 2012.
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Gouvernement du Canada, « Statistiques sur l’insolvabilité historique – mensuels (à partir de 1987) », base de données, consultée le 20 décembre 2022; et Statistique Canada, « Tableau 36-10-0104-01 : Produit intérieur brut, en termes de dépenses, Canada, trimestriel ( × 1 000 000) », base de données, consultée le 27 juin 2023.
La pandémie de COVID-19 et les mesures de confinement connexes ayant entraîné un important ralentissement économique, on aurait pu raisonnablement s’attendre à ce que le nombre d’entreprises insolvables augmente en conséquence. Toutefois, comme le montre la figure 4, le nombre de dossiers d’insolvabilité de personnes morales et d’entreprises individuelles a diminué de 55 et de 117 %, respectivement, entre le quatrième trimestre de 2019 et le troisième trimestre de 2021. Ces chiffres ont augmenté au cours des trimestres suivants, en particulier le nombre de dossiers d’insolvabilité des personnes morales, qui est maintenant plus élevé qu’avant la pandémie.
Note : Les données sur le produit intérieur brut réel sont exprimées en millions de dollars enchaînés de 2012.
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Gouvernement du Canada, « Statistiques sur l’insolvabilité historique – mensuels (à partir de 1987) », base de données, consultée le 28 septembre 2023; et Statistique Canada, « Tableau 36-10-0104-01 : Produit intérieur brut, en termes de dépenses, Canada, trimestriel ( × 1 000 000) », base de données, consultée le 28 septembre 2023.
La diminution du nombre de dossiers d’insolvabilité d’entreprise pendant la pandémie de COVID-19 est probablement attribuable – du moins en partie – aux diverses mesures de soutien et aux programmes de prêts et de liquidités aux entreprises mis en place par le gouvernement fédéral, comme la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC) et le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes (CUEC). Le niveau de l’aide gouvernementale fournie est indiqué à la figure 5; il indique le montant des subventions à la production accordées aux entreprises par tous les ordres de gouvernement. Les subventions à la production sont passées de 2,1 milliards de dollars au quatrième trimestre de 2019 à un maximum de 33,1 milliards de dollars au deuxième trimestre de 2020, principalement en raison de la SSUC qui a été versée aux entreprises. Depuis la fin de ces programmes de soutien temporaire, ces subventions sont passées à moins de 5 milliards de dollars par trimestre.
Note : Comme l’indique Statistique Canada, un certain nombre de programmes fédéraux sont inclus dans les subventions à la production, comme la Subvention salariale d’urgence du Canada, la Subvention d’urgence pour le loyer du Canada et la mesure de soutien en cas de confinement pour les entreprises. Voir Statistique Canada, Dépenses du gouvernement fédéral pour les mesures liées à la COVID-19.
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données non rajustées tirées de Statistique Canada, « Tableau 36-10-0477-01 : Revenus, dépenses et solde budgétaire – Administrations publiques (× 1 000 000) », base de données, consultée le 28 septembre 2023.
De plus, la réaction de la Banque du Canada à la pandémie de COVID-19 pourrait avoir contribué à la diminution du nombre de dossiers d’insolvabilité des entreprises. En mars 2020, elle a contribué à maintenir les taux d’intérêt bas en réduisant le taux cible du financement à un jour de 1,75 à 0,25 %, sa limite inférieure effective. La Banque a également établi des programmes d’achat d’actifs pour appuyer le fonctionnement des marchés financiers. Ces mesures ont permis aux entreprises de réduire leurs coûts d’emprunt et de gérer leurs liquidités. La réduction des activités d’exécution de la loi et de recouvrement par les créanciers au début de la pandémie pourrait également avoir aidé les entreprises à éviter ou à retarder le début des procédures d’insolvabilité 20.
Bien que le nombre de dossiers d’insolvabilité des entreprises ait diminué après le début de la pandémie de COVID-19, le nombre de dossiers déposés en vertu de la LACC est passé à 27 au deuxième trimestre de 2020 (voir la figure 6), soit la valeur trimestrielle la plus élevée depuis le quatrième trimestre de 2009, premier trimestre pour lequel ces données ont été recueillies. Au cours de la période de 12 mois se terminant le 31 mars 2021, 58 dépôts de dossiers ont été enregistrés, soit une augmentation de 61 % par rapport à la période de 12 mois précédente. Les trois secteurs avec le plus de dossiers d’insolvabilité au cours de cette période étaient le secteur du commerce de détail (12), le secteur manufacturier (10) et celui de l’extraction minière, exploitation en carrière et extraction de pétrole et de gaz (9) 21. Le nombre de dossiers déposés trimestriellement est revenu aux niveaux d’avant la pandémie au cours des trimestres suivants, mais a commencé à augmenter au quatrième trimestre de 2022, tout comme le nombre de dossiers d’insolvabilité des personnes morales.
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Bureau du surintendant des faillites, Statistiques sur l’insolvabilité et la LACC au Canada, divers trimestres.
En 2021, pour beaucoup d’entreprises, on craignait d’avoir simplement retardé l’inévitable et de voir le nombre de dossiers d’insolvabilité augmenter après la fin des mesures de soutien temporaires liées à la pandémie de COVID-19. Bien que le nombre de dossiers d’insolvabilité d’entreprises soit demeuré inférieur aux niveaux d’avant la pandémie pendant la majeure partie de 2021 et de 2022, il a augmenté depuis le quatrième trimestre de 2022.
En 2022, l’inflation a atteint des niveaux inégalés depuis les années 1980. La Banque du Canada a réagi en relevant à plusieurs reprises son taux cible du financement à un jour, le portant à 5 % en juillet 2023. La hausse du coût des intrants et des emprunts, ainsi que la baisse prévue de la croissance économique à un moment où de nombreuses entreprises sont plus endettées à cause de la pandémie, ont ravivé les préoccupations liées au nombre croissant de dossiers d’insolvabilité. Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), le pourcentage de petites entreprises qui envisagent une faillite ou une fermeture permanente est passé de 14 à 17 % entre janvier et juin 2022 22. De plus, de nombreuses entreprises ont indiqué qu’elles pourraient avoir de la difficulté à rembourser des prêts de soutien temporaires, comme ceux fournis dans le cadre du CUEC. Sur les 62 % d’entreprises qui ont contracté de tels prêts, environ 30 % ont déclaré que le remboursement serait difficile 23.
En fin de compte, les faillites d’entreprises ne représentent qu’une petite partie de l’ensemble des fermetures d’entreprises. Par exemple, les entreprises dont les dettes sont limitées peuvent simplement rembourser les créanciers avant de cesser leurs activités, plutôt que de déclarer faillite. En fait, parmi les petites entreprises qui envisageaient de déclarer faillite ou de fermer définitivement leurs portes en 2022, la FCEI a constaté que seulement 10 % d’entre elles le feraient dans le cadre d’un processus de faillite 24. Compte tenu de cela, il est possible qu’un ralentissement économique en 2023 ou plus tard ne s’accompagne pas d’une augmentation importante des dossiers d’insolvabilité des entreprises, puisque la plupart des entreprises cesseraient tout simplement leurs activités avant de recourir au processus d’insolvabilité.
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