Cat Barker et Claire Petrie (Bibliothèque du Parlement, Australie)
Joanna Dawson et Samantha Godec (Bibliothèque de la Chambre des communes, Royaume-Uni)
Holly Porteous (Bibliothèque du Parlement, Canada)
Pleasance Purser (Bibliothèque du Parlement, Nouvelle-Zélande)
Le 13 décembre 2017
Série des rapports de recherche, 2017-2018† ISSN 2203-5249
Le présent document de recherche est le fruit d'une collaboration entre des chercheurs de l'Australie, du Canada, de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni, qui travaillent tous dans des organisations de recherche soutenant leur parlement national respectif.
Le projet a été dirigé par Cat Barker (Bibliothèque du Parlement, Australie). Les autres collaborateurs sont Claire Petrie (Bibliothèque du Parlement, Australie), Holly Porteous (Bibliothèque du Parlement, Canada), Pleasance Purser (Bibliothèque du Parlement, Nouvelle-Zélande), et Joanna Dawson et Samantha Godec (Bibliothèque de la Chambre des communes, Royaume-Uni).
Les politiques en matière de publication du Congressional Research Service (service de recherche du Congrès, États-Unis) empêchent les États-Unis de participer au projet à l'heure actuelle1. On a inclus dans la section comparative, sur la base de recherches effectuées par Cat Barker et Samantha Godec, des renseignements sur les mécanismes de surveillance américains.
La taille et les pouvoirs des organismes nationaux de sécurité et de renseignement de l'Occident ont augmenté de façon importante depuis les attaques terroristes du 11 septembre. À cause des renseignements révélés par Edward Snowden en 2013 et d'autres réformes apportées aux pouvoirs des organismes de renseignement, y compris celles qui devaient permettre de mieux faire face aux menaces associées au groupe État islamique et aux « combattants étrangers », le cadre de responsabilisation qui s'applique à ces organismes présente un intérêt continu.
Les communautés du renseignement et les cadres de surveillance connexes en Australie, au Canada, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni et aux États-Unis ont évolué pour répondre aux besoins particuliers de ces pays et des contextes précis dans lesquels ils exercent leurs activités. Toutefois, en tant que pays démocratiques occidentaux qui font face à des défis semblables pour ce qui est d'équilibrer l'impératif de la reddition de comptes avec le besoin qu'ont les organismes de renseignement de fonctionner avec un degré de confidentialité, et qui collaborent étroitement et ont une relation étroite en matière de partage de renseignements en vertu des arrangements du Groupe des cinq, ces pays sont des exemples pertinents et utiles pour faire une comparaison2. En septembre 2016, les organismes de surveillance indépendants des cinq pays ont convenu d'établir le Five Eyes Intelligence Oversight and Review Council (conseil de surveillance et d'examen des activités de renseignement du Groupe des cinq) pour faciliter la mise en commun d'expériences et de pratiques exemplaires au chapitre de la surveillance et de l'examen. Les membres du conseil vont se réunir en personne chaque année et au moyen d'une communication électronique sécurisée tous les trimestres3.
Le présent document de recherche fournit d'abord des renseignements sur les communautés du renseignement, les mécanismes clés pour la surveillance de la communauté du renseignement, et tout changement récent apporté aux cadres de surveillance en Australie, au Canada, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni, ou tout examen de ces cadres, par pays. S'ensuit une analyse comparative qui fait ressortir certaines des similitudes et des différences entre ces pays (incluant les États‑Unis) quant aux mécanismes qui existent en matière de surveillance du renseignement.
Dans chaque pays, il y a en place, une surveillance des organismes de renseignement par des instances parlementaires (ou du Congrès), indépendantes ou judiciaires, ou par une combinaison de deux ou trois de ces instances, en plus de la reddition de comptes par le truchement du pouvoir exécutif. Toutefois, il y a des différences dans la nature de ces instances et dans la portée de leurs mandats. En voici des exemples : la mesure dans laquelle les comités du Parlement ou du Congrès peuvent accéder à des documents classifiés, la mesure dans laquelle ils peuvent examiner les activités (par opposition à l'administration, aux dépenses et aux politiques) des organismes de renseignement, et le fait que la surveillance indépendante est principalement centralisée ou distribuée. Dans tous les pays sauf aux États‑Unis, des examens ou des réformes importants des mécanismes de surveillance du renseignement ont été entrepris au cours des cinq dernières années, et d'autres réformes particulières sont actuellement à l'étude en Australie et au Canada. On a bon espoir qu'en mettant en évidence certaines des similitudes et des différences qui existent entre ces systèmes le présent document pourra soutenir les parlementaires dans chacun des pays visés dans le cadre de leur examen des mécanismes actuels et de toute réforme éventuelle.
L'information sur le cadre de surveillance du renseignement de chaque pays porte essentiellement sur les principaux mécanismes en place dans les sphères indépendantes, judiciaires et parlementaires (ou du Congrès). On fournit moins de détails sur les systèmes plus généraux de surveillance par le pouvoir exécutif et d'autres mécanismes redditionnels, comme les vérificateurs généraux, dont la compétence pourrait comprendre les organismes de renseignement, sans y être limitée.
Les organismes présentés pour chaque pays sont ceux qui sont définis ou perçus par le pays comme faisant partie de sa communauté du renseignement au moment de la publication du présent document. Les mécanismes de surveillance décrits sont, sauf indication contraire, ceux qui sont en place au moment de la publication de ce document. Les réformes qui sont envisagées au moment de la publication de ce document sont abordées dans les sections sur les faits nouveaux et les réformes proposées dans chaque pays.
L'Australian Intelligence Community (communauté du renseignement de l'Australie [AIC) comprend les six organismes décrits plus bas. L'AIC fait partie de la communauté de sécurité nationale élargie qui comprend des organismes chargés de l'application de la loi, de la protection frontalière et des politiques4.
L'Australian Security Intelligence Organisation (organisation du renseignement de sécurité de l'Australie [ASIO]) est l'agence nationale du renseignement de sécurité de l'Australie. Son rôle est de cerner les menaces à la sécurité, d'enquêter sur celles-ci et de fournir des conseils à cet égard, et elle relève du procureur général5.
L'Australian Secret Intelligence Service (service du renseignement secret de l'Australie [ASIS]) est l'agence de collecte de renseignements secrets étrangers de l'Australie. Ses fonctions principales sont de recueillir et de distribuer dans l'ensemble du gouvernement australien des renseignements étrangers qui pourraient influer sur les intérêts de l'Australie, de réaliser des activités de contre‑espionnage et d'assurer la liaison auprès d'organismes de renseignement et de sécurité étrangers. L'ASIS relève du ministre des Affaires étrangères6.
L'Office of National Assessments (bureau des évaluations nationales [ONA]) est responsable d'analyser l'information (y compris celle provenant de sources ouvertes) liée à des affaires internationales d'intérêt politique, stratégique ou économique pour l'Australie et de fournir des conseils sur celle-ci. Il joue aussi un rôle dans la coordination et l'évaluation des activités de l'Australie liées au renseignement étranger. L'ONA relève du premier ministre7.
Il y a trois organismes de renseignement au ministère de la Défense, dont deux qui ont des responsabilités qui s'étendent au-delà de ce portefeuille. L'Australian Signals Directorate (direction des renseignements électromagnétiques de l'Australie [ASD], anciennement connue sous le nom de Defence Signals Directorate [DSD]) recueille et analyse des renseignements électromagnétiques étrangers et fournit au gouvernement australien des conseils et des services liés à la sécurité de l'information et des communications8. L'Australian Geospatial-Intelligence Organisation (organisation du renseignement géospatial de l'Australie [AGO]) a pour rôle principal de recueillir et d'analyser des renseignements géospatiaux et des renseignements par imagerie dans le but d'informer le gouvernement au sujet des capacités, des intentions ou des activités d'organisations ou de personnes situées à l'extérieur de l'Australie, d'appuyer les activités de l'Australian Defence Force (force de défense de l'Australie) et de soutenir les fonctions de sécurité nationale d'autorités du Commonwealth et des états9. La Defence Intelligence Organisation (organisation du renseignement de défense [DIO]) évalue et analyse le renseignement sur des pays et des organisations étrangères afin de soutenir les activités, la capacité et l'élaboration de politiques de l'Australian Defence Force, ainsi que la prise de décisions relativement à des questions de défense et de sécurité nationale10.
Deux commissions royales dirigées par le juge Robert Marsden Hope dans les années 1970 et 1980 et d'autres examens majeurs effectués dans les années 1990 et au début des années 2000 ont joué un rôle important pour définir le cadre de surveillance des organismes de renseignement de l'Australie11. Même si l'AIC a grandi depuis et a évolué de façon importante, les principaux mécanismes de surveillance sont pour la plupart demeurés inchangés.
Le Parliamentary Joint Committee on Intelligence and Security (comité mixte du Parlement sur le renseignement et la sécurité [PJCIS]) et l'Inspector-General of Intelligence and Security (inspecteur général du renseignement et de la sécurité [IGIS]) jouent des rôles complémentaires. Le comité surveille l'administration et les dépenses des organismes de renseignement, tandis que l'inspecteur général examine leurs activités opérationnelles. Ces mécanismes permanents sont complétés par des examens externes des organismes de renseignement, le plus récent ayant été effectué en juin 201712. Les changements à apporter aux mécanismes de surveillance recommandés lors du plus récent examen sont décrits plus bas, dans la section intitulée « Faits nouveaux et réformes proposées ».
La surveillance judiciaire des activités liées au renseignement est limitée, les tribunaux participant peu à la délivrance ou à la surveillance de mandats. Le seul tribunal spécialisé est la Security Division of the Administrative Appeals Tribunal (division de la sécurité du tribunal des appels administratifs), qui examine le bien-fondé de la plupart des catégories d'évaluations négatives sur la sécurité émises par l'ASIO13.
Les budgets de l'ASIO, de l'ASIS et de l'ONA sont publiés annuellement dans des états budgétaires des portefeuilles, et les organismes peuvent devoir rendre des comptes dans le cadre d'audiences connexes de comités sénatoriaux (voir plus bas sous la section « Comités sénatoriaux permanents »; l'ASIO est le seul organisme qui témoigne régulièrement lors de ces audiences)14. Toutefois, les fonds supplémentaires consentis à l'ASIO et à l'ASIS dans le budget de 2017‑2018 ne figurent pas dans les totaux inscrits dans les états budgétaires des portefeuilles, et il n'est pas clair si d'autres montants ont également été exclus15.
L'ASIO est le seul organisme qui produit un rapport annuel accessible publiquement, qui est ensuite aussi déposé au Parlement. Une version classifiée du rapport annuel de l'ASIO est fournie au procureur général, qui doit la communiquer au chef de l'opposition16. Tous les organismes de l'AIC font l'objet de vérifications financières et administratives effectuées par l'Australian National Audit Office (bureau national de vérification de l'Australie)17.
L'Independent National Security Legislation Monitor (contrôleur indépendant de la législation sur la sécurité nationale [INSLM]) ne supervise pas les organismes eux-mêmes, mais a une fonction connexe qui consiste à examiner l'application, l'efficacité et les conséquences de la législation relative au contre-terrorisme et à la sécurité nationale, y compris les pouvoirs spéciaux en matière de terrorisme de l'ASIO18.
Le PJCIS a été établi en 1988 et s'appelait alors Parliamentary Joint Committee on the Australian Security Intelligence Organisation19. L'ASIS a été amené sous la direction du comité en 2002, mettant en œuvre une recommandation de la Commission of Inquiry into the Australian Secret Intelligence Service (commission d'enquête sur l'Australian Secret Intelligence Service [Samuels Inquiry]) qui a publié un rapport en 199520. L'ASD a été ajoutée en même temps21. Le PJCIS supervise l'ensemble des six organismes de l'AIC depuis 2005, année où son mandat a été élargi pour inclure l'ONA, la DIO et l'AGO en réponse à une recommandation formulée dans le Report of the Inquiry into Australian Intelligence Agencies (rapport de l'enquête sur les organismes de renseignement de l'Australie [Flood Review]) publié en 200422.
Le PJCIS est établi en vertu de la partie 4 de l'Intelligence Services Act 2001 (loi sur les services du renseignement [ISA 2001]), et des détails supplémentaires sont exposés dans l'annexe 1 de la Loi. L'article 29 définit ce que sont les fonctions du PJCIS, et, de façon tout aussi importante, ce qu'elles ne sont pas. En ce qui concerne la surveillance de l'AIC, les fonctions du PJCIS sont (sous réserve des restrictions énoncées plus bas) les suivantes23 :
On empêche tout particulièrement le PJCIS d'examiner :
Le PJCIS effectue des examens annuels de l'administration et des dépenses des organismes de l'AIC. Ces examens sont fondés sur des renseignements fournis par les organismes de l'AIC, l'IGIS et le vérificateur général dans des mémoires (dont la plupart sont classifiés) et dans le cadre d'audiences à huis clos27. Les rapports produits sur ces examens sont déposés devant chaque Chambre du Parlement et publiés sur le site Web du PJCIS. Ils renferment des commentaires formulés par le PJCIS sur des affaires pertinentes et, parfois, des recommandations précises à l'intention du gouvernement. Par exemple, dans son rapport 2011‑2013, le PJCIS a recommandé que le gouvernement examine l'application continue du dividende de l'efficience et d'autres mesures d'économies pour les organismes de l'AIC et qu'il se penche sur les réformes nécessaires pour équiper l'AIC afin qu'elle puisse relever les défis que présentent les changements technologiques28.
Le PJCIS n'a pas le pouvoir de lancer ses propres enquêtes sur des affaires liées aux activités d'un organisme de l'AIC. Toutefois, il peut, par résolution, demander que le ministre responsable lui renvoie une telle affaire (bien que les ministres puissent rejeter de telles demandes)29. Comme on l'a déjà souligné, les affaires peuvent aussi être renvoyées par une Chambre du Parlement. En pratique, la plupart des enquêtes effectuées par le PJCIS ou ses prédécesseurs relativement à des affaires liées aux activités d'un organisme de l'AIC ont été lancées à la suite d'un renvoi du ministre, et presque toutes ont porté sur des réformes possibles ou proposées de la législation30. Dans les deux cas, une exception notable a été le renvoi au comité mixte du Parlement sur l'ASIO, l'ASIS et la DSD d'une enquête sur le renseignement concernant les armes de destruction massive de l'Iraq. Cette enquête, renvoyée par le Sénat en juin 2003, est une d'à peine trois enquêtes ayant été renvoyées par une Chambre du Parlement au PJCIS ou à un comité qui l'a précédé31. Il semble n'y avoir que deux cas où un ministre a renvoyé une affaire à la demande du PJCIS ou d'un comité précédent : le premier, en février 2000, sur la nature, la portée et le caractère approprié des rapports publics de l'ASIO, et le second, en mars 2015, sur l'autorisation de l'accès aux données de télécommunications afin d'identifier la source d'un journaliste32.
L'ISA 2001 octroie des pouvoirs au PJCIS à l'appui de ses fonctions. Le PJCIS peut demander une séance d'information au responsable d'un organisme de l'AIC ou à l'IGIS33. Il peut aussi exiger d'une personne qu'elle se présente devant lui et fournisse un témoignage ou produise des documents s'il a des motifs raisonnables de croire que la personne est capable de fournir les renseignements ou les documents recherchés, même si ce pouvoir est soumis à certaines contraintes34. Le PJCIS ne peut pas utiliser ce pouvoir à l'égard de l'IGIS ou de n'importe quel employé de l'IGIS35. En ce qui concerne les organismes de l'AIC, le pouvoir ne peut être utilisé qu'à l'égard des responsables des organismes (même si le responsable d'un organisme peut nommer un membre du personnel36). Conformément aux limites de ses fonctions, le PJCIS ne peut obliger qui que ce soit à lui transmettre des renseignements opérationnels de nature délicate ou qui pourraient porter préjudice à la sécurité nationale de l'Australie ou à la conduite de ses relations étrangères37. Un ministre responsable d'un organisme de l'AIC peut délivrer un certificat au PJCIS pour empêcher qu'une personne divulgue des renseignements opérationnels de nature délicate lorsqu'elle est sur le point de produire un document ou qu'elle fournit, ou est sur le point de fournir, un témoignage38.
Le PJCIS a le pouvoir de recevoir des témoignages sous serment ou une affirmation solennelle et, sous réserve des restrictions concernant les renseignements de nature délicate, de divulguer ou de publier des témoignages et le contenu de documents qu'il reçoit39. Il ne peut mener un examen en public qu'avec l'approbation des ministres responsables des organismes de l'AIC40.
Les rapports du PJCIS sur ses examens et ses enquêtes sont déposés au Parlement et sont accessibles au public en ligne, comme le sont les rapports annuels sur ses propres activités qu'il est tenu de produire en vertu de l'ISA 200141.
Le PJCIS doit être formé de cinq sénateurs et six membres de la Chambre des représentants. Il doit aussi être composé d'une majorité de membres du gouvernement et être présidé par un membre du gouvernement. Les membres du PJCIS sont nommés par une résolution de chaque Chambre du Parlement, après la nomination par le premier ministre (pour la Chambre des représentants) et par le leader du gouvernement au Sénat (pour le Sénat). Les mises en candidature doivent se faire après des consultations avec chaque parti non gouvernemental reconnu représenté dans chaque Chambre du Parlement relativement à l'intérêt de s'assurer que la composition du comité reflète la représentation des partis politiques reconnus au Parlement. Les ministres, le Président du Sénat et le Président de la Chambre des représentants ne peuvent pas être nommés au PJCIS. Le PJCIS est rétabli après le début de chaque nouvelle législature, et les nominations s'appliquent généralement pour la durée de la législature42.
De façon générale, le PJCIS et ses prédécesseurs étaient composés de six membres du gouvernement et de cinq membres de l'opposition, mais ils ne comprenaient pas de membres d'autre allégeance43. Cela a attiré la critique des parlementaires d'autre allégeance44.
Le PJCIS est appuyé par un secrétariat fourni par le ministère de la Chambre des représentants, lequel emploie deux personnes qui se consacrent à la recherche. Le personnel de recherche est responsable d'un secrétaire du comité et est soutenu par un membre du personnel administratif; tous deux œuvrent dans le PJCIS et un autre comité. Des membres supplémentaires du personnel de recherche sont affectés dans l'ensemble des comités soutenus par le ministère de la Chambre des représentants, selon les besoins de ces comités à tout moment donné. En vertu d'une entente permanente conclue avec le gouvernement en 2015, le PJCIS soutient aussi les conseillers techniques de son secrétariat envoyés par le ministère du Procureur général et d'autres organismes, y compris l'ASIO. En vertu de l'ISA 2001, tous les employés qui soutiennent le PJCIS doivent faire l'objet d'une enquête de sécurité de même niveau (le plus élevé) et selon la même fréquence que le personnel de l'ASIS45.
Le comité législatif de chaque comité sénatorial permanent examine les prévisions budgétaires des dépenses proposées et des dépenses supplémentaires pour les ministères de la fonction publique et d'autres organismes du Commonwealth, généralement trois fois par an. Les comités tiennent des audiences publiques lors desquelles ils ont l'occasion d'interroger les ministres (ou leurs représentants au Sénat) et les représentants gouvernementaux au sujet de l'administration du gouvernement46.
Ces audiences procurent un moyen supplémentaire d'imposer la responsabilité financière, même si, en pratique, la mesure dans laquelle les organismes de l'AIC sont soumis à un examen minutieux dans le cadre du processus des prévisions budgétaires du Sénat est variable. L'ASIO est le seul organisme de l'AIC qui témoigne de façon régulière, et à part entière, lors des audiences sur les prévisions budgétaires du Sénat47. Les questions liées aux autres organismes de l'AIC ont tendance à être adressées aux ministères qui dirigent le portefeuille48. L'IGIS témoigne aussi durant les prévisions budgétaires du Sénat49.
Le bureau de l'IGIS a été recommandé par la Royal Commission on Australia's Security and Intelligence Agencies (commission royale sur les organismes de sécurité et de renseignement de l'Australie) en 198450. Le commissaire a jugé qu'il serait intéressant d'avoir un organe de surveillance indépendant, pour procurer au public une meilleure assurance que les activités des organismes de l'ACI sont appropriées et pour disculper les organismes ou les obliger à rendre des comptes, selon le cas, si des allégations de conduite inappropriée sont faites51. L'IGIS a été établi par l'Inspector-General of Intelligence and Security Act 1986 (la loi sur l'inspecteur général du renseignement et de la sécurité [IGIS Act]) et a commencé ses activités en février 198752.
L'IGIS est un titulaire de charge publique indépendant nommé par le gouverneur général. De façon générale, le rôle de l'IGIS est « de s'assurer que les organismes agissent de façon légale et appropriée, se conforment aux lignes directrices et directives ministérielles et respectent les droits de la personne53 ».
L'IGIS a plusieurs fonctions principales : des fonctions d'enquête sur les organismes de l'AIC, des fonctions d'enquête sur les affaires liées au renseignement et à la sécurité, des fonctions d'inspection des organismes de l'AIC et des fonctions de divulgation dans l'intérêt du public54.
Les fonctions d'enquête sur les six organismes de l'AIC de l'IGIS varient quelque peu selon les organismes de l'AIC et sont les plus vastes par rapport à l'ASIO55. L'IGIS peut faire enquête sur le respect, par les organismes de l'AIC, des lois australiennes et de toute ligne directrice ou directive donnée par le ministre responsable; le bien-fondé des activités des organismes; tout acte ou toute pratique d'un organisme qui peut être incompatible avec le droit en matière des droits de la personne ou contraire à ce droit; et les procédures des organismes liées à la réparation de griefs de leurs employés56. Le fait qu'une enquête puisse ou non être lancée à la demande du ministre responsable, de la propre initiative de l'IGIS et/ou en réaction à une plainte diffère quelque peu selon les affaires et les organismes. Dans la plupart des cas, l'IGIS peut entreprendre une enquête au moins à la demande du ministre responsable ou de la propre initiative de l'IGIS57. L'IGIS a besoin de l'approbation ministérielle pour enquêter sur une affaire liée à un organisme du Commonwealth qui s'est produite à l'extérieur de l'Australie ou avant l'entrée en vigueur de l'IGIS Act58.
Le premier ministre peut demander que l'IGIS fasse enquête sur une affaire liée à un organisme de l'AIC ou sur une affaire liée au renseignement ou à la sécurité concernant n'importe quel organisme du Commonwealth, et l'IGIS doit généralement répondre à une telle demande59. L'IGIS ne peut pas, de sa propre initiative, faire enquête sur une affaire liée au renseignement ou à la sécurité concernant un organisme qui ne fait pas partie de l'AIC.
L'IGIS peut effectuer des inspections des dossiers des organismes de l'AIC qu'il estime indiquées, pour s'assurer que les organismes agissent légalement, de façon appropriée et conformément aux droits de la personne60. L'IGIS indique que ses inspections lui permettent de « cerner les questions ou les préoccupations avant qu'elles deviennent des problèmes systémiques qui pourraient nécessiter la prise de mesures correctives majeures61 ». Parmi les activités d'inspection de l'IGIS, on compte l'examen des dossiers liés à l'utilisation par l'ASIO de pouvoirs spéciaux, y compris de documents connexes accompagnant des demandes de mandat; l'examen d'autorisations ministérielles délivrées à l'ASIS, à l'AGO et à l'ASD; l'examen de dossiers opérationnels de l'ASIS et de son application des lignes directrices relatives aux armes; et la surveillance du respect de la législation pertinente par les organismes62.
L'IGIS est aussi responsable de surveiller la gestion par les organismes de l'AIC des questions liées à la divulgation dans l'intérêt public et de faire enquête sur de telles questions lorsqu'elles touchent des organismes de l'AIC63.
L'IGIS a des pouvoirs importants, qui se comparent généralement à ceux d'une commission royale, pour soutenir l'exécution de ses fonctions d'enquête, y compris des pouvoirs pour obtenir des renseignements et des documents, recevoir des témoignages et pénétrer dans les locaux des organismes du Commonwealth64. Compte tenu de la nature délicate des affaires et des activités sur lesquelles l'IGIS peut enquêter, les enquêtes doivent être menées en privé65.
L'IGIS doit produire des rapports sur ses enquêtes et les fournir aux responsables des organismes pertinents (à moins que l'affaire ne concerne un responsable d'organisme) et aux ministres responsables66. Des résumés des enquêtes sont généralement inclus dans les rapports annuels de l'IGIS, et des versions non classifiées des rapports d'enquête sont parfois publiées sur le site Web de l'IGIS67. L'actuel et les anciens titulaires de la charge d'IGIS ont reconnu l'importance de rendre publique la plus grande partie possible du travail de l'IGIS dans le respect des contraintes de sécurité68.
Si un responsable d'organisme est intervenu ou propose d'intervenir en réaction à des conclusions ou à des recommandations présentées dans un rapport d'enquête de l'IGIS, il ou elle doit fournir des détails sur une telle intervention à l'IGIS. Si l'IGIS juge qu'une intervention adéquate et appropriée n'a pas eu lieu dans une période raisonnable, il peut préparer un rapport sur la question à l'intention du ministre responsable ou du secrétaire du ministère de la Défense69.
L'IGIS a un plein accès aux renseignements et aux dossiers détenus par les organismes de l'AIC aux fins de l'exécution de ses fonctions d'inspection70. Le ministre responsable doit fournir à l'IGIS des copies de toute ligne directrice ou directive délivrée à l'ASIO, à l'ASIS, à l'AGO et à l'ASD dès que possible71. Les organismes de l'AIC doivent fournir à l'IGIS des exemplaires de rapports fournis à un ministre responsable ou au secrétaire du ministère de la Défense, à la demande de l'IGIS72. Les organismes de l'AIC doivent aussi aviser l'IGIS de l'autorisation et de l'utilisation de pouvoirs particuliers. Par exemple, des copies des mandats d'urgence ou des autorisations accordées par des responsables d'organisme (en remplacement d'un ministre) doivent être fournies, et l'ASIO doit aviser l'IGIS de toute utilisation de la force contre une personne durant l'exécution d'un mandat, de l'autorisation d'une opération de renseignement spéciale et d'affaires liées à ses pouvoirs spéciaux relativement au terrorisme73.
En 2006, l'IGIS a noté que de 60 à 70 % de ses ressources étaient consacrées à des activités d'inspection proactives, et de 30 à 40 %, à des travaux d'enquête74. Des données plus récentes sur la distribution proportionnelle des ressources ne semblent pas avoir été rendues publiques.
L'IGIS est nommé par le gouverneur général, à temps plein ou à temps partiel75. Le premier ministre doit consulter le chef de l'opposition avant de recommander une nomination au gouverneur général76. L'IGIS peut être nommé pour une période pouvant aller jusqu'à cinq ans, et son mandat ne peut pas être reconduit plus de deux fois77. Si une personne a été nommée au poste d'IGIS en tant que juge et qu'elle cesse d'exercer ses fonctions de juge, le gouverneur général peut mettre fin à la nomination de cette personne78. Autrement, le gouverneur général peut mettre fin à la nomination de l'IGIS en raison d'une inconduite ou d'une incapacité physique ou mentale79.
En date du 30 juin 2017, l'IGIS était soutenu par 15 employés permanents de la fonction publique (y compris un IGIS adjoint), dont quatre travaillaient à temps partiel80. Les dépenses prévues au budget de l'IGIS pour 2017‑2018 totalisent 3,32 millions de dollars australiens81. Malheureusement, il n'est pas possible de déterminer la dotation et les ressources de l'IGIS en tant que pourcentage de celles des organismes de l'AIC parce que ces renseignements ne sont pas rendus publics pour les trois organismes de renseignement de défense.
Bien que les fonctions principales de l'IGIS soient demeurées les mêmes au cours des dernières années, les pouvoirs des organismes de l'AIC, plus particulièrement de l'ASIO, ont été élargis durant cette période. Donc, même si la nature du rôle de surveillance de l'IGIS n'a pas changé, l'étendue des pouvoirs qu'il surveille maintenant (et, dans l'environnement de sécurité actuel, l'utilisation accrue possible de certains pouvoirs)82 a exercé des pressions additionnelles en matière de ressources sur l'organisme. Toutefois, l'IGIS a indiqué dans son Annual Report 2015‑16 qu'il a reçu des fonds supplémentaires dans le cadre de la série de mesures du 2014-15 Mid-Year Economic and Fiscal Outlook (perspectives économiques et financières de mi-exercice de 2014‑2015) et qu'il est exempté du dividende de l'efficience depuis 2015‑201683. Il a aussi affirmé que cela permettait le recrutement d'employés supplémentaires « afin que le bureau puisse continuer de fournir un programme de surveillance complet et efficace84 ».
La surveillance judiciaire de l'autorisation des pouvoirs des organismes de l'AIC ou la participation à celle-ci sont limitées. L'autorisation ministérielle est requise pour certaines activités de l'ASIS, de l'AGO et de l'ASD et, sous réserve de l'exception signalée plus bas, les mandats visant l'exercice de pouvoirs par l'ASIO sont délivrés par le procureur général85.
L'ASIO a accès à des pouvoirs spéciaux liés à des infractions de terrorisme, en vertu desquels elle peut obtenir un mandat pour interroger une personne sans détention, pour un maximum de 24 heures (mandats pour interrogatoire), ou pour détenir une personne à des fins d'interrogatoire, pour un maximum de sept jours consécutifs (mandats pour interrogatoire et détention)86. Pour faire une demande d'un tel mandat, le directeur général de l'ASIO doit obtenir le consentement du procureur général, puis demander à une « autorité de délivrance » la délivrance du mandat87. Une autorité de délivrance est un magistrat fédéral actuel ou un juge d'un tribunal fédéral, étatique ou territorial qui a été nommé par le procureur général, même si le procureur général a la capacité de déclarer des personnes faisant partie d'une classe précise comme des autorités de délivrance, peu importe leur position ou leur expertise88. Une fois le mandat délivré, la personne est amenée devant une « autorité désignée » – habituellement un ancien juge de la cour de district ou de la Cour suprême d'un État ou d'un territoire – qui surveille et supervise l'exercice du pouvoir en vertu du mandat89.
Fait important, un juge nommé en tant qu'autorité de délivrance ou qu'autorité désignée agit à titre personnel, et non judiciaire90. Qui plus est, le rôle joué par les deux autorités est limité. Pour délivrer un mandat, une autorité de délivrance doit seulement être convaincue qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'il va grandement contribuer à la collecte de renseignements importants par rapport à une infraction de terrorisme91. L'autorité n'a pas à se demander s'il y a d'autres méthodes efficaces de recueillir les éléments de preuve, ou, dans le cas d'un mandat pour interrogatoire et détention, si la détention est nécessaire. Ce sont des questions que le procureur général prend en considération lorsqu'il consent à la demande de mandat92. Un juge qui agit comme autorité désignée peut superviser et diriger le processus d'interrogation, mais ces pouvoirs sont aussi limités. Par exemple, une autorité désignée ne peut généralement pas donner à l'interrogatoire une direction qui est incompatible avec les modalités d'un mandat93.
Les décisions prises par rapport à des mandats concernant des pouvoirs spéciaux en matière de terrorisme ne sont pas soumises à un examen du bien-fondé, et l'ASIO Act exclut expressément la compétence des tribunaux étatiques et territoriaux pendant que le mandat est en vigueur94. Les décisions prises en vertu de l'ASIO Act, de l'ISA 2001 et d'autres textes législatifs sur le renseignement sont aussi exclues du cadre d'examen judiciaire prévu par la loi énoncé dans l'Administrative Decisions (Judicial Review) Act 197795. Toutefois, une personne peut présenter à la Federal Court of Australia (cour fédérale de l'Australie) ou à la High Court of Australia (cour suprême de l'Australie) une demande de contrôle judiciaire des mesures prises par les agents du Commonwealth pour s'assurer que ces mesures sont exécutées dans le respect des limites législatives et constitutionnelles96.
Le seul tribunal spécialisé qui fournit de la surveillance par rapport à des affaires liées au renseignement est la Security Division of the Administrative Appeals Tribunal (AAT), qui effectue un examen du bien-fondé de la plupart des catégories d'évaluations négatives sur la sécurité faites par l'ASIO97. Les audiences dans cette division se tiennent en privé, et le procureur général peut délivrer un certificat d'intérêt public pour exiger que les renseignements de sécurité nationale de nature délicate ne soient pas divulgués au demandeur98. Le contrôle judiciaire du processus d'évaluation de sécurité par l'ASIO est aussi possible par l'intermédiaire de la Federal Court et de la High Court99.
Les membres du personnel et les agents de l'ASIS, de l'ASD et de l'AGO ont l'immunité pour ce qui est de la responsabilité civile et criminelle concernant les activités menées par les organismes dans le cadre de l'exécution appropriée de leurs fonctions, qui pourraient autrement être interdites en raison des conséquences imprévues de certaines lois australiennes100. Cette immunité ne peut être outrepassée que par d'autres lois du Commonwealth, d'États ou de territoires, si ces lois prévoient expressément le contraire101. De même, les agents de l'ASIO qui participent à une opération de renseignement spéciale ne s'exposent pas à une responsabilité civile ou criminelle relativement à leur conduite durant l'opération ou aux fins de celle‑ci, et conformément au pouvoir accordé dans le cadre de l'opération. Cette immunité comporte des exceptions : c'est le cas d'une conduite qui cause la mort ou des blessures graves, qui constitue de la torture ou qui suppose la perpétration d'une infraction sexuelle, ou dans le cadre de laquelle le participant incite une autre personne à commettre une infraction que l'autre personne n'aurait pas eu l'intention de commettre102.
Les tribunaux australiens ont traduit en justice des agents du renseignement et d'autres personnes auxquelles on a confié des renseignements secrets parce qu'ils ont divulgué sans autorisation de tels renseignements103.
Les tribunaux ont déjà jugé irrecevables des renseignements qu'on a cherché à faire admettre en preuve dans des poursuites criminelles, en raison de l'irrégularité constatée dans le processus d'obtention des renseignements. Un exemple est l'affaire R v. Ul-Haque [2007] NSWSC 1251, où la preuve d'aveux faits par le défendeur à l'ASIO et à des agents de la police fédérale australienne (AFP) dans une poursuite liée à des activités de contre-terrorisme a été exclue par la Supreme Court of New South Wales en vertu de l'article 138 de l'Evidence Act 1995 (Cth) (qui prévoit l'exclusion de preuves obtenues de façon inappropriée ou illégale) et de l'article 84 (qui exclut comme preuve des aveux qui ont été influencés par une conduite violente, oppressive, inhumaine ou dégradante)104. En qualifiant la preuve d'irrecevable, le juge au procès a fortement critiqué la conduite des agents de l'ASIO dans l'affaire, jugeant qu'ils se sont arrogé des pouvoirs illégaux de direction, de contrôle et de détention105. Le procès a par la suite été interrompu106.
Les fonctions du PJCIS et de l'IGIS se complètent plutôt que de se chevaucher, et le PJCIS n'a pas l'autorisation d'aller chercher des « renseignements opérationnels de nature délicate », ce qui signifie que les occasions de coopération entre les deux sont assez limitées. Cependant, quelques renseignements sont communiqués entre eux, principalement de l'IGIS au PJCIS.
Comme on l'a mentionné plus haut, le PJCIS peut demander la tenue de séances d'information à l'IGIS. Dans le cadre de l'examen, par le PJCIS, de l'administration et des dépenses des organismes de l'AIC, l'IGIS présente des observations et fournit un témoignage lors d'audiences. L'IGIS fournit aussi souvent un témoignage dans le cadre d'enquêtes du PJCIS sur des textes législatifs proposés ou examinés qui sont pertinents pour le rôle de surveillance de l'IGIS ou, de façon plus générale, les fonctions des organismes de l'AIC, ainsi que dans le cadre des examens menés par l'INSLM107. Dans son rapport annuel pour 2015‑2016, l'IGIS précise que sa coopération avec l'AAT et l'Australian Information Commissioner (commissaire à l'information de l'Australie) aide à « renforcer la surveillance et à favoriser les bonnes pratiques dans les organismes de l'AIC108 ».
L'INSLM peut consulter l'IGIS lorsqu'il exécute des fonctions en vertu de la législation sur le contre-terrorisme et la sécurité nationale de l'Australie109. Le PJCIS peut renvoyer à l'INSLM une affaire dont il prend connaissance durant l'exécution de ses fonctions110.
Les fonctions du PJCIS ont été graduellement élargies au cours des dernières années, en réaction à ses propres recommandations111. Toutefois, ces changements sont en grande partie liés à des fonctions autres que la surveillance des organismes de l'AIC. Plus précisément, ses fonctions d'examen législatif ont été élargies et une nouvelle fonction a été incluse, soit la surveillance et l'examen des fonctions de lutte contre le terrorisme de la police fédérale australienne112.
La sénatrice de l'opposition Penny Wong a présenté le Parliamentary Joint Committee on Intelligence and Security Amendment Bill 2015 (projet de loi modifiant le comité mixte du Parlement sur le renseignement et la sécurité de 2015) le 10 août 2015. Le projet de loi est devenu caduc avant l'élection fédérale de 2016, mais il a été rétabli dans le Feuilleton des avis le 31 août 2016113. Il modifierait la composition, les fonctions et les pouvoirs du PJCIS.
Le projet de loi permettrait au PJCIS de mener de sa propre initiative des enquêtes sur des affaires liées à au moins un des organismes de l'AIC, pourvu qu'il ait d'abord consulté le ministre responsable. Il n'aurait pas d'incidence sur les restrictions existantes empêchant le PJCIS d'enquêter sur des affaires opérationnelles.
Comme on l'a signalé plus haut, le PJCIS doit actuellement comprendre cinq sénateurs et six membres de la Chambre des représentants, avoir une majorité de membres du gouvernement et un président du gouvernement. Le projet de loi conserverait l'exigence d'une majorité du gouvernement, mais il assouplirait le ratio Sénat/Chambre des représentants, de sorte qu'il y aurait un sénateur et un député de la Chambre des représentants du gouvernement et de l'opposition, et les membres restants pourraient être choisis dans l'une ou l'autre des Chambres du Parlement. Cette modification proposée a pour but de fournir plus de souplesse afin qu'on s'assure que le PJCIS est composé des membres les plus qualifiés. Toutefois, le projet de loi n'exigerait pas de membres d'autre allégeance. Le sénateur australien du Parti vert Nick McKim a affirmé, à l'étape du débat en deuxième lecture, que le Parti vert proposerait un amendement selon lequel un sénateur qui ne fait pas partie du gouvernement ni de l'opposition serait un des 11 membres du PJCIS114.
Parmi d'autres modifications, le projet de loi obligerait aussi l'IGIS à fournir au PJCIS des exemplaires de ses rapports d'enquête dans les trois mois suivant leur transmission au premier ministre ou au ministre responsable, et exigerait l'ajout de l'INSLM et du National Security Adviser (conseiller à la sécurité nationale, au ministère du Premier ministre et du Cabinet) à la liste des titulaires de charge à qui le PJCIS peut demander une séance d'information.
Le plus récent examen indépendant des organismes de l'AIC a été effectué en juin 2017, et une version publique du rapport est parue en juillet 2017115. Le rapport recommandait plusieurs changements concernant la surveillance des organismes de renseignement de l'Australie.
Selon les examinateurs, l'entreprise de renseignement qui soutient la sécurité nationale de l'Australie ne se limite plus aux six organismes de l'AIC et un cadre de référence plus approprié serait une communauté nationale du renseignement composée des six organismes de l'AIC, de l'Australian Criminal Intelligence Commission (commission australienne du renseignement criminel [ACIC]), de l'Australian Transaction Reports and Analysis Centre (centre de rapport et d'analyse sur les transactions de l'Australie [AUSTRAC]) et de parties de la police fédérale australienne et du ministère de l'Immigration et de la Protection des frontières (DIBP)116. Par conséquent, ils ont recommandé que la compétence du PJCIS et de l'IGIS soit élargie afin d'inclure l'AUSTRAC dans son intégralité ainsi que les fonctions de renseignement de la police fédérale australienne, de l'ACIC et du DIBP117.
Les examinateurs ont aussi recommandé ce qui suit :
Bien qu'il ne s'agisse pas d'une recommandation figurant dans le rapport, le jour de la publication du rapport, le premier ministre a aussi annoncé la création d'un nouveau portefeuille des affaires intérieures (qui s'inspire de façon générale du Home Office du Royaume-Uni) qui va permettre de rassembler les organismes chargés de l'immigration, de la protection des frontières, de l'application de la loi et de la sécurité nationale en Australie dans un seul portefeuille119.
Un groupe de travail dirigé par le ministère du Premier ministre et du Cabinet va examiner les recommandations issues de l'examen indépendant, puis gérer en tandem la mise en œuvre de celles qui sont adoptées et l'établissement du portefeuille des affaires intérieures120.
Les activités et les structures du gouvernement du Canada liées au renseignement font intervenir de nombreuses organisations. On en trouve une liste partielle à deux endroits :
Puisque les renseignements sont créés et utilisés à des fins autres que la sécurité nationale, il est probable que ces deux listes ne brossent pas le tableau complet de la communauté de la sécurité et du renseignement du Canada.
Les principaux organismes de collecte de renseignement de sécurité du Canada sont les suivants122 :
Pour se protéger de toute responsabilité prévue dans la partie VI du Code criminel, interdisant l'interception non autorisée de communications privées, le CST demande au ministre de la Défense nationale l'autorisation de mener des activités de collecte de renseignements étrangers et de cyberdéfense en cas de risque inévitable d'une telle interception. Les autorisations ministérielles ne sont valides que pendant un an et sont assorties de certaines conditions que le CST doit respecter.
Même si les ministres de la Sécurité publique et de la Défense nationale sont responsables des activités menées par les organismes de leurs portefeuilles respectifs, c'est au bout du compte le premier ministre qui doit rendre compte au Parlement des questions touchant la sécurité nationale. C'est pourquoi le premier ministre est président du Comité du Cabinet chargé du renseignement et de la gestion des urgences130.
Le conseiller à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre (CSNRPM)131 est à la fois les yeux et les oreilles du premier ministre pour tout ce qui concerne la sécurité et le renseignement. Le CSNRPM assure également la coordination de la communauté fédérale de la sécurité et du renseignement, mais il n'a pour tout outil que sa capacité de persuasion, puisqu'il est titulaire d'un rôle sans pouvoirs légaux. Avec le CSNRPM adjoint, le CSNRPM supervise les activités du Secrétariat de l'évaluation du renseignement et du Secrétariat de la sécurité et du renseignement du Bureau du Conseil privé132.
À l'heure actuelle, le pouvoir exécutif s'appuie sur trois organismes d'experts lorsqu'il faut mener des enquêtes sur des plaintes ou examiner la légitimité des activités des organismes chargés du renseignement et de la sécurité nationale du Canada (une analyse plus détaillée suit) :
Chacun de ces organismes a été établi par la loi. Ils se disent tous indépendants, mais la loi les oblige tous les trois à présenter un rapport annuel au ministre dont ils relèvent133, et ils doivent tous respecter les directives ou les contraintes du pouvoir exécutif134. Après avoir reçu des versions non classifiées de ces rapports, les ministres doivent les présenter à chacune des Chambres du Parlement dans les 15 premiers jours de séance qui suivent.
Aucun des organismes chargés du renseignement et de la sécurité nationale n'a à présenter un rapport annuel au Parlement. Le SCRS prépare néanmoins des rapports publics. Toutefois, ces rapports ne sont pas présentés à date fixe, et le plus récent rapport de l'organisme concerne une période de deux ans. Au fil du temps, ces rapports sont devenus de plus en plus minces, et ils traitent souvent de généralités.
La principale obligation de rapport au Parlement, pour les ministères et organismes fédéraux, a trait aux documents budgétaires135. C'est au moyen du processus budgétaire que les organismes fédéraux demandent au Parlement l'approbation de dépenser des fonds; ils exposent leurs besoins en financement dans le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses. Les ministères et organismes préparent en outre des plans organisationnels où ils fournissent aux parlementaires de plus amples informations sur les objectifs qu'ils espèrent atteindre avec les ressources qui leur seront fournies. À la fin de l'exercice, ils expliquent dans des rapports sur le rendement ministériel comment l'argent a été dépensé et les objectifs qu'ils ont atteints.
Cependant, ni le SCRS ni le CST ne préparent de plans organisationnels ou de rapports sur le rendement. Les parlementaires reçoivent toutefois une information financière générale dans le cadre des budgets principal et supplémentaire des dépenses. Ainsi, exception faite des réponses qu'ils peuvent obtenir en questionnant les responsables pendant les audiences publiques des comités, les parlementaires ne disposent d'aucune information sur les plans, les activités ou les résultats de ces organismes, même s'ils leur accordent un financement important. Lorsque ces organismes demandent des fonds supplémentaires – dont le montant peut être substantiel – en cours d'année, au moyen du Budget supplémentaire des dépenses, ils ne fournissent pour ainsi dire aucune explication. Sans cette information supplémentaire, les parlementaires ont beaucoup de difficulté à assurer une surveillance financière efficace de ces organismes.
Le 22 juin 2017, le projet de loi C-22, Loi constituant le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et modifiant certaines lois en conséquence (ci-après, la Loi sur le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement ou LCPSNR), a reçu la sanction royale136. Cette loi, entrée en vigueur le 6 octobre 2017137, créera un autre corps d'examen exécutif – le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) – qui relèvera du premier ministre. Les membres du CPSNR auront accès à des informations classifiées, y compris des avis juridiques, mais seront astreints au secret à perpétuité.
Certaines personnes ont exprimé leur déception quant à la LCPSNR en soulignant que la création d'un comité de parlementaires, plutôt que d'un comité parlementaire, ne sert qu'à placer le Canada dans la situation où se trouvait le Royaume-Uni en 2012, quand son comité du renseignement et de la sécurité relevait toujours du pouvoir exécutif. Au Canada, l'idée d'un comité d'examen parlementaire, dont les membres pourraient entendre et voir de l'information classifiée, a été évoquée dans de nombreuses commissions d'enquête, la première étant la Commission Mackenzie de 1969, qui se penchait sur l'état du système de sécurité du Canada dans le sillage d'une série de scandales d'espionnage soviétique.
Puisque ni les membres des comités sénatoriaux ni ceux des comités de la Chambre des communes n'ont l'autorisation d'accéder à l'information classifiée, le corps législatif canadien ne peut procéder à un examen exhaustif des activités touchant la sécurité nationale et le renseignement. Le pouvoir législatif s'appuie plutôt sur un certain nombre d'« agents du Parlement » qui peuvent, au besoin, accéder à certaines informations et installations classifiées qui présentent un intérêt dans le cadre de leur mandat respectif. Nommés par décrets138, ces agents effectuent des examens obligatoires et rendent compte de leurs observations au Parlement. Les agents du Parlement travaillent certes dans la confidentialité, mais les rapports qu'ils présentent au Parlement et les témoignages qu'ils peuvent par la suite lui présenter ne doivent pas être classifiés.
Ni le Sénat ni la Chambre des communes n'a créé de comité permanent dont l'unique mandat consiste à examiner les dossiers liés à la sécurité nationale. Au contraire, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense (SECD) et le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes (SECU) traitent les enjeux liés à la sécurité nationale comme faisant partie d'un ensemble plus large de sujets d'étude potentiels. Étant donné leur mandat relativement étendu, ces deux comités traitent généralement des dossiers de sécurité nationale, y compris le renseignement, de façon épisodique.
Les dispositions de la LCPSNR obligeant le Sénat et la Chambre des communes à soumettre les rapports annuels et spéciaux du CPSNR à l'étude de ces deux comités obligeront également le Parlement à s'intéresser plus régulièrement aux questions touchant la sécurité nationale. Toutefois, à moins que l'on réduise la portée du mandat de ces deux comités, rien ne garantit que les rapports du CPSNR seront soumis à un examen et à un débat approfondis.
De temps à autre, on a mis sur pied des comités parlementaires spéciaux pour explorer plus en détail certaines politiques relatives à la sécurité nationale. Il en est ainsi par exemple du Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste, créé en 2004 aux fins de l'examen obligatoire des lois antiterroristes adoptées en 2001. Ce comité a toutefois été dissous en 2013139.
Le CSARS a été créé en 1984 en vertu de la Loi sur le SCRS140. Le CSARS compte un président et au moins deux membres, mais pas plus de quatre membres. Les membres du comité sont tous membres du Conseil privé et ont été nommés par le gouverneur en conseil après la consultation par le premier ministre des chefs des partis de l'opposition. Le CSARS se réunit environ neuf fois par année pour établir ses priorités et passer en revue le travail de son personnel. Selon le paragraphe 39(2) de la Loi sur le SCRS, le CSARS dispose d'un accès illimité à toute l'information que contrôle le SCRS, à l'exclusion des documents confidentiels du Cabinet.
Un directeur exécutif supervise les activités quotidiennes du personnel du CSARS. Avec le budget fédéral de 2017-2018, le CSARS a reçu un peu moins de 1,9 million de dollars canadiens en « financement stratégique » (à savoir un financement temporaire) s'étendant jusqu'en 2019-2020, et il dit qu'il s'en servira pour augmenter son effectif, qui passera de 13,7 à 24,5 postes (en équivalents temps plein) pour les tâches d'examen de la légalité et les enquêtes sur les plaintes141. Comme il s'agit d'un financement temporaire, le CSARS affirme n'avoir d'autre choix, pour pourvoir ces postes, que de s'appuyer sur des options de dotation à court terme, comme les détachements, ce qui constitue pour l'organisation un véritable défi en matière de ressources humaines.
Avant l'élimination du poste d'inspecteur général du SCRS en juin 2012, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, ministre responsable du SCRS, pouvait compter sur le titulaire pour fournir une attestation annuelle du respect des politiques et directives du ministre dans toutes les activités et opérations du Service. Aujourd'hui, c'est le CSARS qui s'acquitte des tâches de l'inspecteur général142.
Si on laisse de côté les fonds non permanents, le budget annuel total du CSARS est aujourd'hui d'environ 2,8 millions de dollars canadiens143. À titre comparatif, le budget annuel du SCRS est d'environ 577 millions de dollars canadiens144.
Le Bureau du commissaire du CST (BCCST) a été créé en juin 1996 par décret. Le CST et le BCCST fonctionnaient par décret avant que la Loi sur la défense nationale soit modifiée, en 2001, pour codifier les autorités et les tâches du CST et du BCCST145.
Le BCCST est dirigé par un juge surnuméraire qui est nommé par le gouverneur en conseil et dont le mandat, en vertu du paragraphe 273.63(2) de la Loi sur la défense nationale, consiste à mener des enquêtes sur les plaintes du public, à traiter ces plaintes et à examiner la légalité des activités du CST. Dans le cas où le commissaire du CST estime que le CST a mené des activités illégales, il doit immédiatement en informer le ministre de la Défense nationale et le procureur général du Canada. Les pouvoirs du commissaire du CST lui sont conférés par la partie II de la Loi sur les enquêtes, et ce dernier a un accès illimité à l'information que détient le CST (à l'exception des documents confidentiels du Cabinet), ainsi qu'aux installations et au personnel du CST. Conformément au paragraphe 273.65(8) de la Loi sur la défense nationale, le commissaire du CST doit examiner les activités du CST menées avec autorisation ministérielle et confirmer cette autorisation dans un rapport annuel qu'il présente au ministre de la Défense nationale.
Le paragraphe 273.63(3) de la Loi sur la défense nationale prévoit ce qui suit :
Le commissaire adresse au ministre, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la fin de chaque exercice, un rapport sur l'exercice de ses activités. Le ministre dépose le rapport devant chacune des chambres du Parlement dans les quinze premiers jours de séance de celle-ci suivant sa réception.
Le commissaire du CST travaille à temps partiel seulement, mais il peut s'appuyer sur un petit effectif de 11,5 employés à temps plein (y compris le directeur exécutif), dont 8,5 (en équivalents temps plein) sont des experts en la matière, responsables des tâches d'examen proprement dites146. Le BCCST reçoit un financement annuel total de 2,1 millions de dollars canadiens, dont une tranche de 1,6 million de dollars canadiens sert aux tâches d'examen. Dans son plan ministériel 2017-2018, le BCCST disait avoir l'intention de demander un financement permanent supplémentaire qui permettrait d'embaucher un employé de plus, pour les tâches d'examen, et de moderniser ses « ressources technologiques147 ». À titre comparatif, le budget annuel total du CST est aujourd'hui de 596 millions de dollars canadiens148.
La Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC (CCETP) a été créée en 2014 par un texte législatif modifiant la Loi sur la GRC149. Cette loi confère à la CCETP le mandat d'examiner les plaintes du public relatives au comportement de membres de la GRC lorsqu'ils sont de service. La CCETP a également le pouvoir de lancer des examens des activités de la GRC dans l'intérêt public, mais elle doit auparavant présenter une justification au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile150. La CCETP compte 67 employés (équivalents temps plein), dont 45 sont affectés aux enquêtes. Son budget annuel total est d'un peu moins de 10 millions de dollars canadiens, et une part de 7,3 millions de dollars canadiens sert aux activités d'examen151. À titre comparatif, le budget annuel total de la GRC est d'environ 3,4 milliards de dollars canadiens152.
Les organismes de sécurité nationale et de renseignement du Canada font l'objet d'une surveillance par plusieurs agents du Parlement. Les comités parlementaires qui examinent les rapports de ces agents peuvent donc aussi examiner les activités des organismes de sécurité nationale et de renseignement. Par exemple, le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes examine les rapports du vérificateur général du Canada, qui, de temps à autre, mène une enquête sur la gestion des programmes du domaine de la sécurité nationale.
De la même façon, le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique de la Chambre des communes (ETHI) examine les rapports du commissaire à la protection de la vie privée du Canada et ceux du commissaire à l'information du Canada, puisque leurs tâches concernent de plus en plus les organismes de sécurité nationale et de renseignement, lesquels sont assujettis à la Loi sur la protection des renseignements personnels et à la Loi sur l'accès à l'information. L'ETHI, dans le cadre de son étude récente de la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada, dont il a déjà été question, a en outre entendu des témoignages fournis directement par des représentants des ministères et organismes concernés de même que des trois organismes d'experts responsables d'examens.
Même si l'examen par le Parlement des activités de sécurité nationale et de renseignement réparti entre plusieurs comités a l'avantage de permettre l'examen des différents enjeux sous de nombreuses perspectives, l'envers de la médaille est qu'il limite la capacité de chaque parlementaire d'acquérir une expertise sur les thèmes traités. Puisqu'ils examinent les organismes de sécurité nationale à partir de données non classifiées et sous un angle étroit, les parlementaires ont de la difficulté à étudier les questions y afférentes de façon réellement exhaustive.
Si l'on veut que ces comités acquièrent les connaissances et l'expertise nécessaires pour demander des comptes aux organismes de sécurité nationale et de renseignement, il faudra replacer les enjeux dans un cadre stratégique; par exemple, il faudrait définir les priorités du Canada au chapitre du renseignement et vérifier régulièrement dans quelle mesure les capacités nationales répondent à ce besoin.
Cependant, le SECD de même que le SECU ont le potentiel d'acquérir cette expertise, puisque leur mandat consiste à examiner les questions de sécurité nationale. Voici une analyse de ces deux comités.
Le Sénat a créé le SECD le 15 mars 2001 et, selon son mandat, ce dernier « peut être saisi de toute question concernant la sécurité nationale et la défense en général, notamment les anciens combattants153 ». Auparavant, le Sénat n'examinait les enjeux liés à la sécurité nationale et au renseignement que dans le contexte de comités spéciaux, par exemple le Comité sénatorial du renseignement, qui s'est réuni en 1987, en 1988 puis une autre fois en 1999 pour étudier les activités de la lutte antiterroriste. Le Comité sénatorial du renseignement avait une particularité : son président a essayé d'inciter les représentants des organismes à répondre avec franchise en leur faisant témoigner à huis clos.
Bien que les ordres de renvoi du SECD puissent changer d'une session à l'autre, ce comité affirme que son large mandat lui permet de se pencher sur les capacités du MDN, des Forces armées canadiennes et de SPC, les relations de travail entre les divers organismes qui s'occupent de la collecte et de l'analyse de renseignements, les mécanismes d'examen des organismes de renseignement ainsi que la sécurité des frontières et des infrastructures essentielles154.
Le SECD s'occupe de dossiers non classifiés. En vertu de l'article 12‑9(2) du Règlement du Sénat du Canada, le SECD peut exiger la comparution de témoins et la production de documents.
Le SECU a été créé grâce à une motion modifiant le Règlement de la Chambre des communes, adoptée le 5 avril 2006. Jusque‑là, tous les dossiers concernant la sécurité publique et nationale étaient renvoyés à un comité qui s'appelait le Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile de la Chambre des communes ou à un de ses sous-comités. Conformément à l'article 104 du Règlement de la Chambre des communes, le SECU comprend 10 membres. À l'heure actuelle, six de ses membres, y compris le président, viennent du parti au pouvoir – le Parti libéral du Canada –, et les quatre autres, des deux partis de l'opposition (trois du Parti conservateur du Canada et un du Nouveau Parti démocratique du Canada). Le président et les deux vice‑présidents (représentant chacun un parti de l'opposition) du SECU sont élus par les membres du Comité.
L'article 108 du Règlement précise le mandat de certains comités permanents et prévoit que ces derniers sont autorisés à se pencher et à faire enquête sur toutes les questions qui leur sont renvoyées par la Chambre des communes et à faire rapport à ce sujet. À titre de comité permanent, le SECU est autorisé à convoquer des personnes et à exiger la production de documents et de dossiers ainsi qu'à déléguer à des sous‑comités la totalité ou une partie de ses pouvoirs. Il peut se réunir pendant que la Chambre siège et pendant les périodes d'ajournement. Le SECU peut également siéger conjointement avec d'autres comités permanents.
Le SECU s'occupe de dossiers non classifiés, et son mandat lui permet d'examiner les politiques et les activités d'un des plus grands portefeuilles ministériels qui soit – SPC – de même que les quelque 140 lois que ce ministère et ses organismes administrent. Plus précisément, le SECU a pour mandat d'examiner les politiques, les programmes et les lois touchant SPC, l'Agence des services frontaliers du Canada, le SCRS, le Service correctionnel du Canada, la Commission des libérations conditionnelles du Canada, la GRC, le CSARS, la CCETP, le Bureau de l'enquêteur correctionnel et le Comité externe d'examen de la GRC155.
Donc, comme on vient de l'évoquer, le SECU examine des enjeux liés à la sécurité nationale, mais il le fait uniquement dans le cadre de dossiers plus vastes qui comprennent des questions touchant le droit criminel, le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de détenus sous responsabilité fédérale, la sécurité des frontières, les services de police et l'application de la loi, la prévention de la criminalité et la gestion des urgences.
Le SECU s'est penché récemment sur la LCPSNR et sur le document de consultation du gouvernement portant sur la sécurité nationale, et a présenté des rapports sur ces sujets. Conformément au Règlement de la Chambre des communes, lorsque le président d'un comité demande que l'on donne suite à un rapport, le gouvernement est tenu de présenter sa réponse dans les 120 jours suivant la présentation du rapport.
Comme nous l'avons indiqué, le Parlement du Canada a adopté le 22 juin 2017 la LCPSNR, créant le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR), chargé d'examiner les enjeux relatifs à la sécurité nationale et au renseignement. L'article 8 de cette loi donne au CPSNR le mandat d'examiner :
- les cadres législatif, réglementaire, stratégique, financier et administratif de la sécurité nationale et du renseignement;
- les activités des ministères liées à la sécurité nationale ou au renseignement, à moins qu'il ne s'agisse d'opérations en cours et que le ministre compétent ne détermine que l'examen porterait atteinte à la sécurité nationale;
- toute question liée à la sécurité nationale ou au renseignement dont il est saisi par un ministre
Selon cette nouvelle loi, après avoir consulté les chefs des groupes parlementaires et des groupes reconnus au Sénat, le premier ministre choisit les membres du CPSNR, qui relèvent du premier ministre. Le 8 janvier 2016, six mois avant le dépôt du projet de loi à la Chambre des communes, le premier ministre a attribué au député David McGuinty un « rôle de direction » au sein du comité et a permis aux organismes de sécurité nationale et de renseignement de mettre M. McGuinty au courant des enjeux importants156. Comme condition de leur nomination au CPSNR, tous les membres seront astreints au secret à perpétuité. Puisque le CPSNR ne sera pas un comité parlementaire, ses membres ne jouiront pas du privilège parlementaire, et cela s'applique aussi à toute divulgation non autorisée qu'ils pourraient faire dans le cadre de leur travail à d'autres titres au Parlement.
Les 11 membres du CPSNR seront des parlementaires en exercice qui n'assument pas de fonctions de ministre ou de secrétaire parlementaire. Le comité peut comprendre jusqu'à trois membres venant du Sénat, et jusqu'à cinq des huit autres membres seront du parti au pouvoir à la Chambre des communes. Le président n'aura droit de vote qu'en cas d'égalité.
À bien des égards, l'étendue de la compétence du CPSNR sera déterminée par sa capacité à obtenir l'information demandée. Par exemple, le texte original de la législation aurait privé le CPSNR de la capacité d'examiner les activités de renseignement de défense en ne lui donnant pas accès aux renseignements concernant les activités de renseignement de défense en cours qui soutiennent des opérations militaires, notamment la nature et la teneur de plans soutenant de telles opérations. Cette proposition a été supprimée de la loi, de même que la proposition qui aurait interdit au CPSNR d'exercer une surveillance directe sur le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE), l'organisme du renseignement financier du Canada. La LCPSNR permet au CPSNR d'accéder aux analyses stratégiques du CANAFE ou à toute autre information que le CANAFE n'a pas communiquée et qui ne révèle pas l'identité de personnes ou d'entités.
En application de la LCPSNR, les membres du comité se verront automatiquement refuser l'accès aux documents confidentiels du Cabinet, aux informations révélant le nom de sources humaines confidentielles actuelles ou prévues, et à l'information relative à une enquête menée par un organisme d'application de la loi qui est susceptible de déboucher sur des poursuites. D'importantes limites seront également imposées au comité quant à l'accès à certains types d'information, en particulier aux renseignements opérationnels spéciaux. Toutefois, si un ministre invoquait la disposition pour refuser au CPSNR l'accès à une information qui est sous le contrôle d'un ministère et à laquelle il aurait pu avoir accès (article 16), le ministre devra informer le comité de sa décision et présenter ses justifications. Dans le cas où l'information refusée est contrôlée par le SCRS, le CST ou la GRC, le ministre concerné devra aussi informer de sa décision l'organisme d'experts qui surveille l'entité concernée et fournir ses justifications. Cette procédure vise à s'assurer que le CPSNR ne pourra pas passer outre au refus du ministre et demander l'accès à l'information à un des organismes d'experts. La LCPSNR cherche à limiter le recours par les ministres à ce pouvoir en demandant au CPSNR de présenter, dans ses rapports annuels, une liste de toutes les décisions de refuser l'accès prises en vertu de l'article 16.
En se concentrant surtout sur les questions d'efficacité, le CPSNR examinera les politiques, l'administration et les activités de l'ensemble de la communauté de la sécurité nationale et du renseignement. De manière générale, il devrait procéder à l'examen ex post (après les faits) des activités de sécurité nationale, mais la LCPSNR prévoit qu'un ministre puisse permettre un examen des activités opérationnelles en cours157.
Le CPSNR sera soutenu par un petit secrétariat dirigé et doté en personnel par un directeur exécutif désigné qui aura le statut de sous‑ministre158. Il n'existe que très peu d'information publique quant au budget du secrétariat du CPSNR. Selon un des tableaux compris dans l'annexe de l'Exposé économique de l'automne 2016 du gouvernement fédéral, il semble toutefois que le secrétariat disposera d'un budget annuel d'environ 3,2 millions de dollars canadiens, ce qui suffira à payer les salaires du directeur exécutif, du personnel des services internes et de trois ou quatre chercheurs159.
L'adoption de la LCPSNRs'inscrit dans toute une série de changements récents apportés aux pouvoirs et au cadre de gouvernance de la communauté de la sécurité et du renseignement du Canada. Certains des changements plus controversés ont été apportés au moment de l'adoption en juin 2015 du projet de loi C‑51, une loi antiterroriste omnibus qui donnait de nouveaux pouvoirs de « réduction de la menace » au SCRS, élargissait le pouvoir du ministre de la Sécurité publique de refuser de communiquer des renseignements touchant la sécurité nationale qui ont servi à établir des certificats de sécurité visés par la section 9 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et prévoyait un échange d'information fortement accru entre les ministères et organismes ayant des responsabilités en matière de sécurité nationale. Le gouvernement actuel, qui est arrivé au pouvoir en octobre 2015, a mené sa campagne en promettant d'annuler les dispositions « problématiques » du projet de loi C‑51160, et il a l'intention de le faire en déposant, le 20 juin 2017, le projet de loi C‑59, Loi concernant des questions de sécurité nationale161.
Si le projet de loi C‑59 était adopté, il modifierait profondément les organismes qui, aujourd'hui, scrutent les organismes de sécurité nationale et de renseignement. Par exemple, le projet de loi C‑59 fusionnerait le CSARS et le BCCST pour former un organisme unique, l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR). La CCETP resterait en place, mais toutes ses tâches liées à la sécurité nationale seraient transférées à l'OSSNR. L'Office, en plus d'examiner les activités du SCRS et du CST, aurait pour mandat (en vertu de l'article 8) d'examiner « les questions liées à la sécurité nationale ou au renseignement dont il est saisi par un ministre ». Cela veut dire que l'étendue des compétences de l'OSSNR serait à peu près équivalente à celle du CPSNR. Enfin, l'OSSNR aurait pour mandat d'examiner non seulement la légitimité des activités liées à la sécurité nationale et au renseignement, mais aussi leur caractère raisonnable et leur nécessité, créant ainsi un mécanisme supplémentaire motivant la modification des lois ou des règlements.
Le projet de loi C‑59 prévoit en outre la création d'un poste de commissaire au renseignement, qui serait confié à un juge à la retraite. Ce dernier aurait pour mandat d'examiner le caractère raisonnable des conclusions sur lesquelles reposent des autorisations accordées par les ministres pour certains types d'activités du CST et certaines déterminations ministérielles touchant la collecte, la conservation, la consultation et l'exploitation d'ensembles de données par le SCRS. Contrairement à l'OSSNR, qui serait un organisme d'examen, le commissaire au renseignement jouerait un rôle de surveillance et pourrait empêcher ou modifier la réalisation de certaines activités planifiées.
En même temps, le projet de loi C‑59 accorderait d'importants nouveaux pouvoirs aux organismes de renseignement du Canada. Par exemple, la Loi sur le SCRS serait modifiée pour créer un régime selon lequel le SCRS serait autorisé à recueillir et à utiliser des ensembles de données concernant des Canadiens, dans la mesure où ces ensembles de données auraient une « pertinence » au regard de l'accomplissement des tâches du SCRS. Ces modifications à la Loi sur le SCRS semblent faire suite à une décision de la Cour fédérale de 2016, dans laquelle le SCRS a été réprimandé pour avoir manqué à son obligation de franchise envers la Cour relativement à sa pratique de collecte et de conservation de métadonnées sur des Canadiens ne faisant l'objet d'aucune enquête162.
Le CST se verrait lui aussi conférer d'importants nouveaux pouvoirs. Selon le mandat habilitant proposé par le projet de loi C‑59, la Loi sur le Centre de la sécurité des télécommunications, le CST sera autorisé à mener des « cyberopérations actives » ciblant des personnes, des États, des organisations ou des groupes terroristes étrangers. Le CST serait également habilité à fournir un soutien technique et opérationnel pour les cyberopérations actives menées dans le contexte de missions militaires. Les Forces canadiennes n'avaient pas jusqu'ici eu l'autorisation de mener des cyberopérations de ce genre.
Pour terminer, le CST pourrait également fournir des conseils et des services visant à protéger les éléments critiques de l'infrastructure d'information, y compris les éléments d'infrastructure appartenant au secteur privé et exploités par celui‑ci, et les systèmes et réseaux utilisés par les parlementaires et les cours fédérales.
Il y a en Nouvelle‑Zélande deux organismes responsables du renseignement et de la sécurité. Le New Zealand Security Intelligence Service (service du renseignement de sécurité de la Nouvelle‑Zélande [NZSIS]) se spécialise dans les activités de renseignement humain. Le Government Communications Security Bureau (bureau de la sécurité des communications du gouvernement [GCSB]) se spécialise dans les activités de renseignement électromagnétique, d'assurance de l'information et de cybersécurité163.
Les deux organismes assument les fonctions suivantes164 :
Les organismes doivent respecter les lois de la Nouvelle‑Zélande et mener leurs activités de manière à faciliter la surveillance démocratique165.
En plus du NZSIS et du GCSB, la New Zealand Intelligence Community (la communauté du renseignement de la Nouvelle‑Zélande) comprend le National Assessments Bureau (bureau des évaluations nationales), qui fait partie du ministère du Premier ministre et du Cabinet. Les forces armées de la Nouvelle‑Zélande ont elles aussi des capacités en matière de renseignement, et toute une gamme d'autres ministères et organismes gouvernementaux, notamment la police nationale, le service des douanes et Immigration New Zealand, ont des unités consacrées au renseignement166.
L'Intelligence and Security Act 2017 (loi sur le renseignement et la sécurité de 2017 [ISA 2017]) a reçu la sanction royale le 28 mars 2017. Cette loi remplace les quatre lois qui s'appliquaient jusque‑là aux organismes de renseignement et de sécurité et à leurs organismes de surveillance, et elle met en œuvre la réponse du gouvernement au récent examen indépendant du renseignement et de la sécurité167.
Une modification apportée en 2013 à la New Zealand Security Intelligence Committee Act 1996 (loi de 1996 sur le comité du renseignement de sécurité de la Nouvelle-Zélande) exige qu'un examen des organismes de renseignement et de sécurité soit effectué tous les cinq à sept ans168. Le rapport concernant le premier examen périodique réalisé a été publié en février 2016169. Les examinateurs avaient notamment pour mandat de déterminer si les mécanismes de surveillance actuels fournissaient une protection suffisante aux niveaux opérationnel, judiciaire et politique pour que l'on puisse s'assurer que les organismes agiraient conformément à la loi et bénéficieraient toujours de la confiance du public170.
L'examen a débouché sur une proposition selon laquelle les organismes de renseignement et de sécurité, leurs organismes de surveillance, voire les organismes d'évaluation du renseignement, devraient être couverts par un seul texte de loi. Cette loi comprendrait un nouveau régime d'autorisation complet exigeant un certain niveau d'autorisation pour toutes les activités des organismes liées au renseignement et à la sécurité qui nécessitent la collecte d'information sur des personnes ou des organisations, et le niveau d'autorisation serait proportionnel au niveau d'intrusion que la collecte suppose. Cette loi entraînerait de plus quelques changements visant à faciliter une surveillance accrue des organismes et une responsabilisation accrue quant à leurs activités171.
Les recommandations formulées à la fin de l'examen, en ce qui a trait à la surveillance, sont notamment les suivantes172 :
L'ISA 2017 englobait la plupart des recommandations de l'examen, mais pas toutes173.
Quelques dispositions de l'ISA 2017 sont entrées en vigueur le 1er avril 2017. Les autres dispositions sont entrées en vigueur le 28 septembre 2017174.
Toutes les activités des organismes de renseignement et de sécurité font l'objet d'une surveillance par le pouvoir exécutif, le parlement, le pouvoir judiciaire et un organisme indépendant. Le premier ministre, à titre de ministre de la Sécurité nationale et du Renseignement, a la responsabilité de diriger le système de la sécurité nationale. Le ministre responsable de chacun des organismes assure la surveillance ministérielle, dans le cadre fixé par le premier ministre175. Les ministres responsables peuvent de manière autonome délivrer certains mandats relatifs au renseignement et doivent collaborer avec le commissaire aux mandats de renseignement, un ancien juge, pour la délivrance des autres types de mandat. L'examen parlementaire des politiques, de l'administration et des dépenses des organismes est effectué par l'ISC. L'IGIS exerce une surveillance indépendante des organismes pour s'assurer qu'ils agissent de façon appropriée et qu'ils travaillent dans la légalité et avec efficacité.
Le NZSIS et le GCSB sont des départements d'État176. Leurs directeurs généraux sont nommés par le State Services Commissioner (commissaire à la fonction publique), qui fait l'examen de leur rendement et peut les renvoyer, conformément à la State Sector Act 1988177. Chaque organisme doit remettre à son ministre responsable un rapport annuel contenant toute l'information que les ministères sont obligés de fournir conformément à la Public Finance Act 1989 (loi sur les finances publiques de 1989) de même que des renseignements supplémentaires sur ses propres activités conformément à l'ISA 2017. Le ministre doit remettre un exemplaire de ce rapport à l'ISC, ainsi qu'un exemplaire au Parlement qui peut avoir été caviardé. Le rapport remis au Parlement doit être publié sur le site Internet de l'organisme concerné178.
L'ISC a été créé en vertu de l'Intelligence and Security Committee Act 1996. Jusque‑là, l'examen parlementaire des organismes de renseignement et de sécurité était réalisé par un comité spécial de l'administration du gouvernement179. La création d'un comité statutaire avait pour objectif d'étendre la surveillance parlementaire exercée sur les organismes tout en tenant compte des considérations relatives à la sécurité nationale180. Le Parlement a conservé son pouvoir de mener des enquêtes sur les organismes, mais, en pratique, la Chambre adopte un ordre sessionnel, pour chaque législature, interdisant qu'un comité spécial procède à l'examen des organismes de renseignement et de sécurité181.
L'ISA 2017 augmente l'interaction entre l'ISC et l'IGIS. L'ISC peut maintenant demander à l'IGIS de mener une enquête visant à établir la conformité avec la loi ou le caractère approprié des activités des organismes. L'ISC examine également, maintenant, le rapport annuel de l'IGIS et en discute avec l'auteur182.
Les fonctions de l'ISC sont les suivantes :
L'ISC n'exerce pas de fonctions touchant :
L'examen des organismes de renseignement et de sécurité doit être effectué tous les cinq à sept ans. Avant de nommer les examinateurs ou de définir les modalités de cet examen, le premier ministre doit consulter l'ISC. Les examinateurs remettent leur rapport à l'ISC; ce dernier, après l'avoir étudié et avoir exclu toute information qui ne peut pas être divulguée, le présentera à la Chambre.
Le directeur général d'un organisme de renseignement et de sécurité doit comparaître devant l'ISC lorsque celui‑ci le convoque. L'ISC peut demander à toute autre personne de comparaître et de fournir un témoignage, ou encore de communiquer un document ou toute autre information dont il pourrait avoir besoin.
Lorsqu'une personne se voit demander par l'ISC de communiquer un document ou une information en sa possession, cette personne peut soit répondre à la demande, soit informer l'ISC du fait que le document ou l'information en question ne peut être communiqué parce que le directeur général de l'organisme concerné juge qu'il s'agit d'une information délicate, au sens de l'ISA 2017. La divulgation d'une information de nature délicate n'est pas interdite dans les cas où le directeur général de l'organisme concerné estime que la divulgation peut être faite en toute sécurité. Les documents et informations de nature délicate doivent être communiqués à l'ISC dans les cas où le premier ministre estime que cette divulgation est souhaitable dans l'intérêt public.
Les délibérations de l'ISC sont des délibérations parlementaires aux fins de l'article 9 du Bill of Rights 1688 (déclaration des droits de 1688) et de la Parliamentary Privilege Act 2014 (loi sur le privilège parlementaire de 2014). Les réunions de l'ISC doivent être convoquées par le président. Elles doivent se dérouler conformément aux règles et aux pratiques de la Chambre des représentants. L'ISC tient ses réunions à huis clos, sauf lorsqu'il procède à un examen financier annuel ou dans les cas où le contraire est décidé à l'unanimité.
L'ISC doit présenter au Parlement un rapport annuel sur ses activités, tout en tenant compte de manière générale des exigences en matière de sécurité. La Chambre peut demander à l'ISC de lui remettre une copie d'une partie ou de l'ensemble de ses documents, y compris les rapports, les éléments de preuve et les conseils fournis à l'ISC, qu'il détient en raison de l'exécution des quatre premières fonctions exposées ci‑dessus. Avant de remettre une copie d'un document quelconque à la Chambre, l'ISC doit en supprimer toute information dont la divulgation à la Chambre est interdite.
L'ISC ne doit pas communiquer au Parlement un rapport contenant :
Sauf dans les cas où il existe des raisons impérieuses de le faire, dans l'intérêt public, l'ISC ne doit pas inclure dans un rapport qu'il présente au Parlement :
L'ISC doit compter de cinq à sept membres, et le nombre est déterminé par le premier ministre, qui consulte le chef de l'opposition. L'ISC doit compter parmi ses membres :
Si l'ISC compte cinq membres, un de ces membres doit être proposé par le chef de l'opposition, et deux, par le premier ministre. S'il compte six ou sept membres, deux membres doivent être proposés par le chef de l'opposition, les autres étant proposés par le premier ministre. Au moment de procéder aux mises en candidature, le chef de l'opposition et le premier ministre doivent tenir compte des exigences en matière de sécurité et de la représentation proportionnelle des partis politiques siégeant au Parlement. Dans l'exercice de ses fonctions de membre de l'ISC, un membre agit en sa capacité officielle de parlementaire.
Le premier ministre doit soumettre à l'approbation de la Chambre le nom des candidats. Si la Chambre refuse une mise en candidature, le premier ministre doit proposer le nom d'un autre membre, proposé par le chef de l'opposition ou le premier ministre, selon le cas, et obtenir son approbation.
L'ISC est présidé par le premier ministre ou, de temps à autre, par un autre membre de l'ISC désigné par le premier ministre.
L'ISC peut compter dans la conduite de ses activités sur le soutien d'agents nommés par le dirigeant principal du ministère du Premier ministre et du Cabinet, avec l'accord de l'ISC.
Le poste d'IGIS est une charge indépendante créée par une loi. Ni le ministre responsable d'un organisme de renseignement et de sécurité, ni le premier ministre ni aucun ministre ne donne à l'IGIS d'orientation concernant la façon dont il doit s'acquitter de ses responsabilités. L'IGIS supervise le NZSIS et le GCSB. Mais l'IGIS n'a aucune compétence sur les fonctions relatives au renseignement et à la sécurité d'autres organismes, notamment le National Assessments Bureau, les services de renseignement des forces armées de la Nouvelle‑Zélande, et les unités du renseignement d'Immigration New Zealand, du service des douanes et de la police nationale183.
La charge d'v a été créée en vertu de l'Inspector‑General of Intelligence and Security Act 1996 (loi sur l'inspecteur général du renseignement et de la sécurité de 1996). Cette nouvelle charge a remplacé celle du Commissioner of Security Appeals (commissaire aux appels relatifs à la sécurité), dont le rôle consistait à mener des enquêtes sur des plaintes relatives au NZSIS. Les compétences de la nouvelle charge ont été étendues au GCSB, et les enquêtes et examens ont été intégrés à ses fonctions. Jusqu'en 2013, cette charge devait être confiée à un ancien juge de la Cour suprême, qui l'occupait à temps partiel184.
Les changements apportés en 2013 visaient à renforcer le rôle de l'IGIS. Des dispositions prévoyaient la nomination d'un inspecteur général adjoint du renseignement et de la sécurité et une augmentation de son effectif. Un conseil consultatif a été mis sur pied pour conseiller l'IGIS, qui n'était plus nécessairement un ancien juge185. L'ISA 2017 supprime l'interdiction pour l'IGIS de mener des enquêtes sur des questions opérationnelles de nature délicate et précise que le titulaire peut examiner les mandats sur des questions de fond de même que sur des motifs procéduraux186.
L'IGIS exerce les fonctions suivantes :
Au moment de mener une enquête, l'IGIS dispose des pouvoirs suivants :
Au moment de mener une enquête ou de procéder à un examen, l'IGIS doit tenir compte de tout énoncé de politique ministériel fournissant une orientation à l'organisme et de la mesure dans laquelle cet organisme a tenu compte de cet énoncé.
À la fin d'une enquête, l'IGIS prépare un rapport où il expose ses conclusions et recommandations. Si l'enquête concernait une plainte, le rapport peut comprendre des recommandations visant à remédier à la plainte, y compris le paiement d'un dédommagement.
L'IGIS doit envoyer son rapport au ministre responsable ainsi qu'au directeur général de l'organisme concerné par l'enquête. Le rapport doit aussi être envoyé au premier ministre, dans le cas où l'enquête a été menée à la demande du premier ministre, ou à l'ISC, si l'enquête a été menée à sa demande.
L'IGIS peut également envoyer un rapport d'enquête à l'ISC dans les cas suivants :
Le ministre responsable doit communiquer sa réponse au rapport à l'IGIS et au directeur général de l'organisme concerné. Si l'enquête a été menée à la demande de l'ISC, le ministre doit également fournir sa réponse à l'ISC, et il peut aussi le faire si l'enquête n'a pas été menée à la demande de l'ISC.
Dans le cas où l'enquête concernait une plainte, l'IGIS doit communiquer ses conclusions au plaignant en les formulant de manière à ne pas porter atteinte à la sécurité ou à la défense de la Nouvelle‑Zélande ni aux relations internationales du gouvernement.
Le rapport d'enquête doit également être publié sur le site Internet de l'IGIS. Certaines restrictions s'appliquent à la divulgation de certaines informations.
L'IGIS doit présenter un rapport annuel portant sur ses activités à chacun des ministres responsables et au premier ministre. Le premier ministre doit soumettre ce rapport au Parlement, accompagné d'une déclaration précisant si des questions qui en ont été exclues. Le premier ministre doit également communiquer au chef de l'opposition un exemplaire du rapport reçu de l'IGIS. L'IGIS doit publier le rapport, tel qu'il a été communiqué au Parlement, sur Internet. L'IGIS peut en tout temps, avec l'accord du premier ministre, fournir un compte rendu de portée générale ou sur un sujet particulier à l'ISC.
L'IGIS est nommé par le gouverneur général sur recommandation de la Chambre des représentants. Avant qu'une recommandation soit faite, le premier ministre doit consulter l'ISC à propos de cette nomination et informer la Chambre des résultats de la consultation. L'IGIS est nommé pour un mandat d'au plus cinq ans et peut obtenir un second mandat d'au plus trois ans.
L'IGIS peut être démis ou suspendu de ses fonctions par le gouverneur général, sur intervention de la Chambre des communes, pour incapacité, faillite, manquement à son devoir, inconduite ou défaut de détenir une habilitation de sécurité appropriée.
En juin 2016, le bureau de l'IGIS était composé de l'inspecteur général, de l'inspecteur général adjoint et de six employés, y compris quatre enquêteurs187.
Les dépenses totales prévues pour 2015‑2016 s'élevaient à 1 498 000 $, soit environ un pour cent du budget prévu du NZSIS et du GCSB188.
Les demandes de délivrance d'un mandat de renseignement doivent être présentées par le directeur général de l'organisme concerné au ministre ayant le pouvoir de l'autoriser, c'est‑à‑dire le ministre responsable de l'organisme, dans le cas d'un mandat de type 2, et au ministre qui peut l'autoriser et à un commissaire aux mandats de renseignement dans le cas d'un mandat de type 1189.
Un mandat de type 1 autorise un organisme à mener une activité qui serait autrement illégale dans le but de recueillir de l'information au sujet d'un citoyen ou d'un résident permanent de la Nouvelle‑Zélande ou de faire toute autre chose qui soit directement liée à cette personne. Un mandat de type 2 autorise un organisme à mener une activité qui serait autrement illégale dans le but de recueillir de l'information, ou de faire toute autre chose, dans les cas où un mandat de type 1 n'est pas requis.
Sur recommandation du premier ministre, le gouverneur général peut nommer jusqu'à trois commissaires aux mandats de renseignement, dont un sera le commissaire en chef. Avant de présenter sa recommandation, le premier ministre doit consulter le chef de l'opposition au sujet de la nomination proposée. Les commissaires aux mandats de renseignement doivent avoir déjà occupé un poste de juge à la Cour suprême190.
Les commissaires exercent les fonctions suivantes :
Le ministre qui peut l'autoriser peut, s'il est convaincu que la situation est urgente et qu'il est nécessaire de le faire, délivrer un mandat de type 1 sans en aviser un commissaire. Un tel mandat expirera après 48 heures, sauf si une demande de mandat a été présentée selon les procédures normales et que le ministre ainsi qu'un commissaire confirment que le mandat de renseignement est urgent. Au moment de délivrer un mandat de renseignement urgent, le ministre qui peut l'autoriser doit immédiatement aviser le commissaire en chef aux mandats de renseignement, qui pourra révoquer le mandat à tout moment pendant la période de validité de 48 heures.
Le Royaume-Uni compte trois services chargés du renseignement et de la sécurité, collectivement appelés « the Agencies191 ». Il s'agit :
De plus, certains ministères abritent des organismes faisant partie de ce qu'on appelle le national intelligence machinery195 (appareil national de renseignement). Il s'agit des organismes suivants :
Au sein du gouvernement, le premier ministre est responsable de l'ensemble des questions ayant trait à la sécurité. Le Home Secretary (ministre de l'Intérieur) est responsable du Security Service; le Foreign and Commonwealth Secretary (ministre des Affaires étrangères et du Commonwealth) est responsable du SIS et du GCHQ; et le Defence Secretary (ministre de la Défense) est responsable du personnel de la Defence Intelligence. Le Parlement a toujours exercé une certaine surveillance des Agencies, dans la mesure où les ministres responsables des divers services de renseignement doivent rendre des comptes au Parlement.
Les activités quotidiennes des Agencies sont supervisées par les chefs de ces organismes. La loi prévoit que chaque chef doit produire annuellement des rapports à l'intention du premier ministre et des ministres respectifs.
Les comptes des Agencies sont soumis à des vérifications par le National Audit Office (bureau national de vérification). Ils sont également communiqués au président du Public Accounts Committee (comité des comptes publics). Les comptes ne sont pas publiés pour des raisons de sécurité nationale. Cependant, l'état financier de l'instrument de financement des Agencies, le Single Intelligence Account, est publié une fois par année196.
L'Intelligence Services Act 1994 (loi de 1994 sur les services de renseignement [ISA 1994]) a donné une base législative au SIS et au GCHQ et a établi l'Intelligence and Security Committee (comité du renseignement et de la sécurité [ISC]). Les membres de l'ISC sont proposés par le premier ministre et nommés par le Parlement, auquel l'ISC rend des comptes. L'ISC a pour fonction d'examiner les dépenses, l'administration, les politiques et les activités des trois principaux organismes de renseignement et de sécurité du Royaume-Uni. À cette fin, ses membres utilisent les données fournies par les ministres et d'autres hauts fonctionnaires afin de produire les rapports du comité. Les membres de l'ISC sont assujettis à l'alinéa 1(1)b) de l'Official Secrets Act 1989 (loi de 1989 sur les secrets officiels) et ont accès à des documents hautement confidentiels dans le cadre de leur travail197.
À la suite de l'adoption de la Justice and Security Act 2013 (loi de 2013 sur la justice et la sécurité [JSA]), l'ISC est devenu un comité parlementaire, ce qui a élargi ses pouvoirs et son mandat. À l'origine, l'ISC était chargé de surveiller le MI5, le MI6 et le GCHQ. À présent, l'ISC s'intéresse également aux activités de la Defence Intelligence et du JIC, ainsi qu'à celles d'organismes d'application de la loi (la police et les douanes et l'accise).
En plus des fonctions ministérielles de nature générale liées aux Agencies, les ministres jouent un rôle précis dans la délivrance de mandats pour certaines activités, par exemple l'interception et l'effraction informatique198. On soutient que cela est nécessaire, vu que les ministres doivent rendre des comptes au sujet de leurs décisions autant au Parlement qu'au public et parce que, pour délivrer un mandat, il faut faire preuve de jugement politique dans le contexte de questions de nature délicate liées à la sécurité nationale et à la politique étrangère.
L'Investigatory Powers Commissioner (commissaire aux pouvoirs d'enquête [IPC]) est chargé d'exercer une surveillance indépendante de l'utilisation de pouvoirs intrusifs par les Agencies. Le commissaire présente un rapport annuel au premier ministre qui est ensuite publié et présenté au Parlement après avoir été caviardé199.
Enfin, les plaintes relatives à l'utilisation illégale de techniques secrètes par les autorités publiques font l'objet d'une enquête avant d'être jugées par l'Investigatory Powers Tribunal (tribunal des pouvoirs d'enquête [IPT]). Le tribunal a été établi en octobre 2000 en vertu de la Regulation of Investigatory Powers Act 2000 (loi de 2000 sur la réglementation des pouvoirs d'enquête [RIPA]) afin de donner un droit de recours à toute personne croyant avoir été victime d'une activité illégale sous le régime de la RIPA ou d'une violation plus générale des droits de la personne à la suite de la violation de la Human Rights Act 1998 (loi de 1998 sur les droits de la personne).
L'Investigatory Powers Act 2016 (loi de 2016 sur les pouvoirs d'enquête [IPA]) a regroupé, justifié et, dans certains cas, étendu les pouvoirs d'enquête des Agencies, de la police et d'autres organismes d'application de la loi200. Une fois son entrée en vigueur complète, la loi aura pour effet d'apporter un certain nombre de modifications importantes aux mécanismes de surveillance, y compris :
L'ISC est chargé de surveiller les dépenses, l'administration, les politiques et les activités des trois organismes de renseignement. Il est également habilité à examiner ou à surveiller d'autres dossiers relatifs au renseignement et à la sécurité, conformément aux protocoles d'entente conclus entre le premier ministre et l'ISC.
L'ISC est habilité à examiner des questions opérationnelles seulement dans les cas suivants :
L'annexe 1 de la JSA établit les pouvoirs de l'ISC relativement à l'accès à l'information et à d'autres questions. L'ISC peut demander aux dirigeants des trois Agencies de lui divulguer de l'information. Les organismes doivent rendre l'information accessible à l'ISC, sauf dans les cas où le ministre y a opposé son veto. Il en va de même pour l'information demandée aux ministères.
Le ministre est autorisé à opposer son veto à la divulgation d'information seulement dans les deux cas suivants :
Auparavant, les dirigeants des Agencies pouvaient refuser de divulguer de l'information s'ils jugeaient que les renseignements étaient de nature délicate.
Conformément au paragraphe 5 de l'annexe 1 de la JSA, un renseignement est jugé de nature délicate dans les cas suivants :
Les renseignements fournis par des témoins à l'ISC ne peuvent pas être utilisés dans le cadre d'actions civiles, disciplinaires ou pénales, à moins que l'information n'ait été fournie de mauvaise foi.
L'ISC doit présenter un rapport annuel au Parlement sur l'exercice de ses fonctions. Il peut également produire d'autres rapports s'il le juge approprié.
Les Agencies peuvent demander que les renseignements de nature délicate soient caviardés dans les rapports dans le cas où leur divulgation pourrait nuire à leurs activités, par exemple si cela serait susceptible de révéler leurs cibles, leurs méthodes, leurs sources ou leurs capacités opérationnelles.
Conformément à l'article 1 de la JSA, la Chambre du Parlement appropriée (la Chambre des communes ou la Chambre des lords) nomme les membres de l'ISC, qui ont été proposés par le premier ministre.
La composition actuelle de l'ISC se trouve sur le site Web.
Le président du comité est élu par les membres. Dominic Grieve, c.r., un ex-procureur général, est le président actuel du comité.
Les membres siègent à l'ISC pour la durée de la législature durant laquelle ils ont été nommés. Un membre peut toutefois être destitué par résolution de la Chambre qui l'a nommé, ou s'il cesse d'être député ou devient ministre. Les membres ont également la possibilité de démissionner de leur propre gré.
Depuis que la JSA a fait de l'ISC un « comité parlementaire », la responsabilité de fournir des ressources incombe principalement au Parlement. Cependant, une disposition a été ajoutée à la JSA afin que le gouvernement fournisse des fonds supplémentaires. Le paragraphe 3 de l'annexe 1 prévoit qu'un ministre de la Couronne peut :
Selon le rapport annuel de 2015-2016, l'ISC est soutenu actuellement par quatre employés de base, six employés affectés à une enquête particulière202 et un enquêteur à temps partiel. Le budget de base de l'ISC a été fixé à 1,3 million de livres, conformément à l'accord conclu avec le ministre des Affaires étrangères au nom du NSC. Ce montant exclut toutefois la sécurité, les TI, les télécommunications, la publication de rapports, les installations, les services publics (eau, gaz, électricité, etc.) et les services organisationnels centralisés. Ces services sont actuellement fournis par le National Security Secretariat et le Cabinet Office203.
L'IPA prévoit l'élimination du régime de surveillance indépendante, comprenant l'Intelligence Services Commissioner (commissaire aux services du renseignement), l'Interception of Communications Commissioner (commissaire à l'interception des communications) et le Surveillance Commissioner (commissaire à la surveillance). Le nouveau poste d'Investigatory Powers Commissioner (commissaire aux pouvoirs d'enquête [IPC]) remplace ces trois postes. Le premier IPC, le juge Fulford de la Chambre des lords, vient d'être nommé pour un mandat de trois ans204.
L'IPC et certains commissaires judiciaires sont nommés par le premier ministre sur recommandation du grand chancelier, du lord juge en chef d'Angleterre et du pays de Galles, du lord président de la Court of Session et du lord juge en chef de l'Irlande du Nord. Le premier ministre doit également consulter les ministres écossais.
Ils seront tenus de surveiller, au moyen de vérifications, d'inspections et d'enquêtes, l'exercice par les autorités publiques de diverses fonctions statutaires, y compris en ce qui concerne205 :
Conformément à l'article 230, le premier ministre peut également ordonner à l'IPC d'examiner d'autres fonctions des Agencies.
L'IPC devra présenter un rapport annuel au premier ministre. L'IPA décrit en détail ce que le rapport doit couvrir, soit :
Conformément à l'article 235, toute personne concernée doit fournir aux commissaires judiciaires les documents, l'information et l'aide nécessaires aux enquêtes, aux inspections ou aux vérifications. Une « personne concernée » peut être, entre autres, tout employé d'une autorité publique, ou un fournisseur de services de télécommunications ou de services postaux qui est visé par une exigence de l'IPA.
Le financement, les installations et le personnel de l'IPC sont prévus par l'article 238. Le ministre décide du financement à accorder en consultation avec l'IPC. Le ministère des Finances (Treasury) doit approuver le nombre des effectifs. Le salaire et les dépenses des commissaires judiciaires sont également fixés par le ministère des Finances.
Les ministres sont chargés de statuer sur les requêtes relatives à l'exécution de certaines activités des Agencies. Cela concerne ce qui suit :
La convention qu'on appelle la doctrine Wilson prévoit que les organismes de renseignement n'intercepteront pas, en temps normal, les communications d'un député.
En 2015, l'IPT a rendu une décision dans une affaire dont l'a saisi Caroline Lucas, députée, et la baronne Jones de Moulsecoombe, à la suite de la divulgation de documents par Edward Snowden. Cette affaire concernait le statut, l'interprétation et l'effet de la doctrine Wilson206.
Le tribunal a conclu que les Agencies doivent se conformer à leurs propres directives relativement à la doctrine, lesquelles ont été divulguées pour la première fois au cours des délibérations. Il est donc clair qu'il faut veiller tout particulièrement à déterminer si l'activité d'interception est nécessaire et proportionnelle. En outre, il faut consulter un conseiller juridique, le chef de la section des mandats et un agent principal des politiques. Le directeur général doit aussi en être informé. Avant de décider de délivrer ou non un mandat, le ministre doit consulter le premier ministre, par l'intermédiaire du secrétaire du Cabinet207.
Les directives mentionnent également que la doctrine Wilson ne s'applique pas à l'interception des communications d'un député d'une administration dotée de compétences propres.
L'article 26 de l'IPA rendrait obligatoire, en vertu de la loi, d'obtenir l'autorisation du premier ministre. Il préciserait également qu'il s'applique aux députés du Parlement écossais, de l'Assemblée nationale du Pays de Galles, de l'Assemblée de l'Irlande du Nord et aux députés britanniques du Parlement européen.
Lorsque les dispositions en question entreront en vigueur, l'IPA introduira un niveau supplémentaire de contrôle judiciaire dans le processus d'émission des mandats aux Agencies.
Présentement, le ministre compétent est le seul responsable de l'octroi des mandats, comme cela a été décrit plus haut. Dans le cadre de la nouvelle procédure, les mandats pourront seulement être exécutés après avoir été examinés par un commissaire judiciaire.
La nouvelle procédure s'appliquera aux mandats suivants :
Les commissaires judiciaires doivent également approuver les décisions concernant le renouvellement ou la modification de ces genres de mandats.
Les commissaires judiciaires seront nommés en tant que membres du bureau de l'IPC. Ils doivent occuper ou avoir occupé de hautes fonctions judiciaires, et ils doivent examiner la décision du ministre à la lumière des principes qui seraient appliqués dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire.
Ces modifications ont soulevé une importante controverse lorsque le projet de loi a été présenté au Parlement. Les questions suivantes en particulier ont été soulevées pendant les débats215 :
La RIPA a établi l'IPT et l'a habilité à enquêter sur les plaintes relatives à l'utilisation de pouvoirs d'enquête par des organismes publics216.
Les procédures de l'IPT font que la plupart de ses activités se déroulent en secret, car on estime que cela est nécessaire pour assurer la confiance et la coopération des Agencies.
Cependant, l'IPT s'est attiré certaines critiques. On lui a reproché d'être indûment opaque et inéquitable sur le plan procédural.
En réaction à certaines de ces critiques, l'IPA prévoit un droit d'appel sur une question de droit tranchée par l'IPT, devant la Court of Appeal (cour d'appel) en Angleterre et au Pays de Galles, ou la Court of Session en Écosse.
L'autorisation d'interjeter appel doit être accordée par l'IPT ou la cour d'appel, au motif qu'une question de principe ou de pratique importante serait soulevée, ou qu'il existe une autre raison convaincante.
Cette disposition n'est pas encore entrée en vigueur, et, à l'heure actuelle, il n'existe aucun moyen d'interjeter appel au Royaume-Uni à l'égard d'une décision de l'IPT. Par conséquent, les demandeurs doivent interjeter appel devant la Cour européenne des droits de l'homme.
Actuellement, il existe un certain nombre de mécanismes de coopération entre les organismes de surveillance. Par exemple, l'Investigatory Powers Commissioner's Office (bureau de l'IPC) a le devoir d'acquiescer à toute demande d'aide émise par l'IPT en lien avec une affaire, que ce soit pour l'enquête, pour l'analyse ou pour la décision. Cela peut comprendre l'opinion du commissaire sur toutes les affaires dont l'IPT est saisi, c'est-à-dire que le tribunal peut tirer profit de l'expertise du commissaire dans la prise de décisions217.
L'IPA comprend un certain nombre de dispositions dont l'objectif est de faciliter la coopération encore plus, soit ce qui suit :
Sauf indication contraire, la présente section du document est fondée sur les renseignements fournis plus haut au sujet des mécanismes de surveillance en place en Australie, au Canada, en Nouvelle‑Zélande et au Royaume-Uni.
Comme cela a été mentionné précédemment, le Congressional Research Service n'a pas été en mesure de participer à la production du présent document. Par conséquent, il n'y a aucune section concernant les États‑Unis en particulier dans le document. Toutefois, la présente section comprend de l'information sur les mécanismes en place aux États-Unis basée sur des recherches effectuées par Cat Barker et Samantha Godec.
Il existe des similitudes notables entre les communautés du renseignement du Groupe des cinq en ce qui a trait à la compétence, aux fonctions et aux règles.
Néanmoins, il y a des différences quant aux organismes qui sont considérés comme faisant partie de la communauté du renseignement.
Certaines des différences entre les communautés du renseignement reflètent simplement les différences dans la nature ou la portée de la collecte et de l'analyse des renseignements. D'autres différences reflètent la façon dont chaque pays a choisi de définir ou de caractériser sa communauté du renseignement.
Même si les mécanismes de surveillance des organismes de renseignement dans les cinq pays n'ont pas évolué au même rythme, il existe des convergences entre eux.
Premièrement, les pouvoirs et les mandats de pratiquement tous les organismes de renseignement sont régis dans une large mesure par un cadre législatif, ce qui a permis de créer des mécanismes de surveillance.
Deuxièmement, même si les organismes de renseignement étaient surveillés surtout par le pouvoir exécutif au départ, chaque pays a graduellement mis au point d'autres mécanismes de surveillance. De façon générale, la majorité des pays ont mis en place au moins un des mécanismes de surveillance suivants en plus de la surveillance effectuée par l'organe exécutif du gouvernement :
Il existe des différences entre les pays quant aux organismes qui font partie de la communauté du renseignement, et cela a un impact sur la surveillance. Par exemple :
Les principaux comités parlementaires/du Congrès et organismes de surveillance indépendants diffèrent aussi, car le mandat de certains concerne des organismes précis et le mandat d'autres concerne des activités précises. Chaque système comporte un certain nombre d'avantages et de risques potentiels. Lorsque le mandat concerne des activités précises, cela veut dire que si d'autres organismes commencent à participer à ces activités, ils pourront être surveillés aussi, mais l'organisme de surveillance risque aussi de ne pas pouvoir examiner en détail le fonctionnement général des organismes. Lorsque le mandat concerne des organismes précis, l'organisme de surveillance peut examiner la totalité des activités des organismes, mais ce genre de mandat peut aussi limiter la capacité de l'organisme de surveillance d'examiner les activités qui dépassent le mandat. Le tableau 1 compare la compétence des principaux organismes.
Parlementaire / du Congrès | Indépendant | |
---|---|---|
Australie | PJCIS : tous les organismes de l'AIC (et les fonctions de lutte contre le terrorisme de la police fédérale australienne) |
IGIS : tous les organismes de l'AIC |
Canada | CPSNR : les activités liées à la sécurité nationale ou au renseignement | SCRS, CST et la GRC |
Nouvelle-Zélande | ISC : NZSIS et GCSB | IGIS : NZSIS et GCSB |
Royaume-Uni | ISC : surveille principalement le MI5, le MI6 et le GCHQ ainsi que d'autres activités gouvernementales liées au renseignement et à la sécurité, conformément au protocole d'entente conclu avec le premier ministre | IPC : fonctions statutaires précises; le premier ministre peut ordonner la surveillance d'autres fonctions des Agencies |
États-Unis | Le Congrès surveille la totalité des organismes de l'USIC (la communauté du renseignement des États-Unis)221 | Inspecteurs généraux, PCLOB et PIAB : tous les organismes de l'USIC222 |
Une question connexe est de savoir si les principaux organismes chargés de la surveillance des organismes de renseignement ont la compétence d'examiner de façon globale des questions liées au renseignement qui vont au-delà des organismes de base. Il s'agit là d'une question clé, étant donné qu'il y a, d'une part, une coopération croissante entre les organismes de renseignement et la communauté de la sécurité nationale en général et, d'autre part, de plus en plus d'échanges de renseignements entre les gouvernements et une utilisation accrue de ces renseignements par divers gouvernements. Les organismes de surveillance peuvent-ils examiner, par exemple, la façon dont un organisme qui ne fait pas partie de la « communauté du renseignement », comme un organisme chargé de protéger les frontières, utilise les renseignements de sécurité?
Le Tableau 2 ci-dessous met en comparaison la mesure dans laquelle les principaux organismes de chaque pays peuvent examiner les questions liées au renseignement à tous les niveaux de leurs gouvernements nationaux respectifs. Dans chaque pays, au moins un des principaux mécanismes de surveillance des organismes de renseignement permet, dans une certaine mesure, d'examiner un ensemble plus vaste de questions liées au renseignement et à la sécurité. Cependant, dans la plupart des cas, ce pouvoir est assorti de restrictions claires. En outre, les comités du Parlement/du Congrès et les organismes indépendants effectuent habituellement différents types de surveillance; donc, dans les cas où seulement un organisme a la compétence d'examiner des questions qui vont au-delà des principaux organismes de la communauté du renseignement, il est difficile d'examiner toutes ces questions comme il faut.
Parlementaire / du Congrès | Indépendant | |
---|---|---|
Australie | PJCIS : seulement les questions liées aux organismes de l'AIC (et certaines fonctions de l'AFP | IGIS : peut seulement examiner les questions liées au renseignement ou à la sécurité concernant un autre organisme ou un autre ministère, à la demande du premier ministre |
Canada | CPSNR : compétence relative aux activités liées à la sécurité nationale ou au renseignement et non à des organismes précis. Cela veut dire que des questions plus générales peuvent être examinées. | CSARS, BCCST, CCETP : chaque organisme a le mandat d'examiner les activités d'un organisme précis. Au moment de la publication du présent document, un projet de loi a été présenté au Parlement en vue de fusionner le CSARS et le BCCST en un seul organisme de surveillance (OSSNR) qui pourrait également examiner les plaintes présentées à la CCETP si cela concerne la sécurité nationale. |
Nouvelle-Zélande | ISC : peut enquêter sur des questions liées à la sécurité ou au renseignement que lui renvoie le premier ministre, pourvu qu'elles ne soient pas directement liées aux activités du NZSIS ou du GCSB | IGIS : seulement les questions liées au NZSIS ou au GCSB |
Royaume-Uni | ISC : peut examiner d'autres activités gouvernementales liées au renseignement ou à la sécurité, conformément au protocole d'entente conclu avec le premier ministre | IPC : la compétence dépend de fonctions statutaires précises des organismes; même si les fonctions comprennent celles des organismes de renseignement et de certains autres organismes, l'IPC n'a pas la compétence d'examiner des questions plus générales |
États-Unis | Le Congrès a la compétence générale d'examiner des questions liées au renseignement224. | Le PIAB et l'inspecteur général de la communauté du renseignement ont une compétence générale. Les activités du PCLOB sont principalement axées sur les questions liées à la protection de la vie privée et aux libertés civiles225. |
Dans tous les pays du Groupe des cinq, la surveillance des organismes de renseignement revient habituellement à l'organe exécutif du gouvernement, et la responsabilité incombe aux ministres compétents et, en dernier lieu, au premier ministre ou au président. Dans les cinq pays, il existe divers organismes d'examen relevant du pouvoir exécutif. La surveillance peut autant viser la période avant le fait que la période après le fait. Outre les organismes d'examen relevant de l'exécutif, en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni, le ministre compétent s'assure que le pouvoir exécutif surveille certains types de mandats et d'autorisations.
En Australie, la responsabilité de surveiller les organismes de renseignement incombe au procureur général, au ministre des Affaires étrangères et au ministre de la Défense et, en dernier lieu, au premier ministre. Les ministres sont responsables d'autoriser l'exécution de certains pouvoirs, y compris les perquisitions, l'interception de communications, l'installation d'appareils de surveillance, l'accès aux données informatiques et la collecte de renseignements sur les citoyens australiens par l'ASIS, l'AGO ou l'ASD.
Au Canada, les ministres de la Sécurité publique et de la Défense nationale, et en dernier lieu, le premier ministre, sont responsables des dossiers de sécurité nationale. Le premier ministre préside le Comité du Cabinet chargé du renseignement et de la gestion des urgences. Outre la responsabilité des ministres, la surveillance des organismes de renseignement est en grande partie effectuée par deux principaux organismes d'examen relevant de l'exécutif, qui sont uniquement habilités à tirer des conclusions et à formuler des recommandations226. Le CSARS examine les activités du SCRS ex post facto. Le CSARS est constitué de membres de divers partis politiques, mais ses fonctions sont définies par des ministres, et il doit leur rendre des comptes. Les activités du CST sont examinées par le commissaire du CST, un juge à la retraite ou à temps partiel, qui peut relever de ministres et qui doit leur rendre des comptes. Afin de recueillir des renseignements étrangers et de mener des activités de cyberdéfense, les activités du CST seront menées sous autorisation ministérielle.
En Nouvelle-Zélande, le premier ministre, en tant que ministre de la Sécurité nationale et du Renseignement est responsable de diriger l'appareil de sécurité nationale. Il incombe au ministre responsable de chaque organisme de renseignement et de sécurité d'exercer une surveillance ministérielle dans le cadre établi par le premier ministre. Les ministres ont la responsabilité unique d'émettre certains mandats et ont la responsabilité conjointe, avec le commissaire aux mandats de renseignement, d'en émettre d'autres.
Au Royaume-Uni, le premier ministre est responsable de la sécurité nationale. Le ministre de l'Intérieur est responsable du MI5, et le ministre des Affaires étrangères et du Commonwealth est responsable du MI6. Le ministre de la Défense est responsable du personnel de la Defence Intelligence. Les ministres compétents ont la responsabilité d'approuver les mandats et les autorisations pour diverses activités, y compris l'ingérence dans les biens, l'effraction informatique, les activités du MI6 ou du GCHQ à l'extérieur des îles Britanniques qui pourraient autrement mener à des poursuites au civil ou au criminel, et les mandats d'interception. L'interception des communications de députés nécessite l'approbation du premier ministre.
Aux États-Unis, le président est responsable de la sécurité nationale, même si la responsabilité en ce qui concerne les organismes distincts de l'USIC est répartie entre plusieurs membres du Cabinet (y compris les secrétaires d'État, de la Défense et de la Sécurité nationale) ainsi que deux fonctionnaires rattachés au Cabinet (les directeurs du renseignement national et de la Central Intelligence Agency (l'agence du renseignement national)227. Au sein de l'EOP, il y a plusieurs mécanismes de surveillance de la communauté du renseignement relevant du pouvoir exécutif, avec la collaboration d'un vaste réseau d'inspecteurs généraux et de conseillers juridiques. Au sein de l'EOP, le President's Intelligence Advisory Board (conseil consultatif du président chargé du renseignement [PIAB]) et le President's Privacy and Civil Liberties Oversight Board (conseil du président chargé de la surveillance de la protection des renseignements personnels et des libertés civiles [PCLOB]) fournissent des conseils au président228. Des commissions indépendantes, nommées soit par le président (p. ex. la commission sur les armes de destruction massive), soit par le Congrès (p. ex. la commission sur les attentats du 11 septembre) peuvent aussi jouer un rôle important dans la surveillance de la communauté du renseignement229.
Dans chaque pays, la répartition des pouvoirs entre différents portefeuilles veut dire que, même si le chef du gouvernement a la responsabilité globale en ce qui concerne les dossiers de sécurité nationale, aucun ministre n'est responsable de l'ensemble des organismes et éléments de l'appareil du renseignement.
Dans chaque pays du Groupe des cinq, à l'exception notable du Canada, un ou plusieurs comités ont été établis par le Parlement ou le Congrès expressément afin d'examiner minutieusement les activités des organismes de renseignement. Le premier pays à avoir établi des comités séparés dont la fonction principale était d'examiner les activités liées au renseignement était les États-Unis, qui a établi par résolution le Senate Select Committee on Intelligence (comité spécial du Sénat sur le renseignement [SSCI]) et le House Permanent Select Committee on Intelligence (comité spécial permanent de la Chambre sur le renseignement [HPSCI]) en 1976 et 1977 respectivement230. Le SSCI et le HPSCI ont été établis, d'une part, afin d'améliorer, dans l'ensemble des comités permanents liés au renseignement, l'intégration des intérêts, des responsabilités et de l'expertise approfondie en matière de renseignement (et non de les remplacer) et, d'autre part, en réaction à l'opinion publique très répandue selon laquelle certains organismes de renseignement abusaient de leur pouvoir231. À la suite du scandale Iran-Contra des années 1980, le Congrès a renforcé sa surveillance en adoptant l'Intelligence Authorization Act of 1991 (loi de 1991 sur l'autorisation du renseignement). L'objectif était que le Congrès soit tenu pleinement et rapidement au courant des activités des organismes de renseignement232.
L'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni ont tous établi des comités similaires par voie statutaire. L'Australie a établi le comité parlementaire mixte sur l'ASIO en 1988. Des réformes législatives ont été effectuées en 1986 pour l'établissement du comité et de l'IGIS233. Le premier ministre de l'époque, quand il a annoncé pour la première fois l'établissement du comité, a mentionné que l'expérience d'autres pays en ce qui concerne la surveillance minutieuse des activités des organismes de sécurité et de renseignement par le Parlement montre que ce genre de comités peut être efficace234. Le mandat du comité a été élargi en 2002 et en 2005. Depuis 2005, le comité surveille les six organismes qui constituent la communauté du renseignement.
Ce qui s'est passé aux États-Unis a aussi influencé le Canada. Cependant, le Canada a toujours rejeté l'idée de renforcer le rôle des parlementaires dans la surveillance des activités du renseignement. Le Canada a plutôt intégré la surveillance des activités du renseignement dans le mandat des comités permanents. L'entrée en vigueur du projet de loi C-22 établira le premier comité parlementaire chargé d'examiner les affaires liées au renseignement, mais ce comité relèvera de l'organe exécutif plutôt que de l'organe parlementaire.
Au Royaume-Uni, l'ISA 1994a établi l'ISC pour permettre aux parlementaires de surveiller les organismes de renseignement. Les pouvoirs et le mandat de l'ISC ont plus tard été élargis en vertu de la JSA. Des spécialistes ont mentionné l'influence potentielle de la Cour européenne des droits de l'homme et le désir d'éviter des décisions défavorables235, ainsi que l'influence des organismes de surveillance parlementaires déjà établis aux États-Unis et en Australie236.
La Nouvelle-Zélande a établi l'ISC en 1996. Ce comité et l'IGIS ont été établis notamment pour renforcer l'harmonisation avec les pratiques et procédures d'obligation redditionnelle en vigueur au Royaume-Uni, en Australie et au Canada relativement aux organismes de renseignement et de sécurité237.
Même si chaque pays, à l'exception du Canada, a établi un comité du Parlement ou du Congrès, les mandats de ces comités ne sont pas les mêmes.
Aux États-Unis, même si chaque comité compétent est restreint dans ce qu'il peut examiner (p. ex. il y a une distinction entre le renseignement militaire et les autres formes de renseignement), il n'y a aucune limite officielle quant à ce que ces comités, ensemble, peuvent examiner relativement aux activités de renseignement relevant du gouvernement des États-Unis.
Au Royaume-Uni, le mandat de l'ISC, même s'il est plus restrictif que celui des comités américains, permet l'examen des politiques, de l'administration et des dépenses des organismes de renseignement ainsi que des activités opérationnelles dans certains cas. L'ISC peut seulement enquêter sur des activités opérationnelles lorsque le premier ministre en fait la demande, lorsque les activités ne sont plus en cours ou lorsque l'information a été divulguée de façon volontaire.
L'ISC en Nouvelle-Zélande et le PJCIS en Australie ne sont pas habilités à examiner les activités opérationnelles. Ces organismes sont chargés d'examiner l'administration et les dépenses des organismes (et dans le cas de l'ISC, les politiques), ainsi que d'autres dossiers renvoyés par l'une des Chambres du Parlement ou par un ministre (en Nouvelle-Zélande, le premier ministre, et en Australie, un ministre responsable d'un organisme de renseignement). En Australie, le PJCIS ne peut pas enquêter sur des plaintes présentées par un particulier à propos des activités d'un organisme de renseignement. En Nouvelle-Zélande, l'ISC peut seulement enquêter sur des plaintes présentées par un particulier à propos des activités d'un organisme lorsque le problème ne peut pas être réglé en vertu d'une autre mesure législative.
Au Canada, le CPSNR aura le pouvoir d'examiner les politiques, l'administration et les dépenses des organismes de renseignement, de façon similaire à l'ISC en Nouvelle-Zélande. Comme ce qui se fait au Royaume-Uni, le CPSNR aura aussi le pouvoir d'examiner les activités pourvu qu'il ne s'agisse pas d'opérations en cours ou que le ministre compétent ne détermine pas que l'examen nuira à la sécurité nationale. Cependant, le CPSNR sera un comité de parlementaires (et non un comité parlementaire) et, par conséquent, relèvera du pouvoir exécutif.
Les comités du Parlement et du Congrès peuvent lancer leurs propres enquêtes :
En Australie et en Nouvelle-Zélande, l'une ou l'autre des Chambres du Parlement, un ministre ou le premier ministre respectivement peuvent demander aux comités d'examiner des dossiers qui, habituellement, ne font pas partie de leur compétence.
Même s'il ne peut pas entreprendre ce genre d'enquête de sa propre initiative, l'ISC de la Nouvelle-Zélande peut demander à l'IGIS d'entreprendre une enquête sur le respect de la loi par un organisme ou sur le bien-fondé des activités de cet organisme. On a recommandé qu'un pouvoir similaire soit accordé au PJCIS en Australie.
Même si le mandat de chaque comité est différent, les pouvoirs dont disposent les comités pour examiner les affaires relevant de leur mandat sont, de façon générale, équivalents.
Le président des États-Unis doit s'assurer que les comités du Congrès sont mis pleinement et rapidement au courant des activités liées au renseignement et avertis dès que possible des programmes de collecte et d'activités secrètes ainsi que de toute activité de renseignement illégale238. Les comités peuvent exiger que des fonctionnaires viennent témoigner dans le cadre d'audiences et demander que de l'information leur soit fournie.
En Australie, en Nouvelle-Zélande ou au Royaume-Uni, les comités ont des pouvoirs similaires pour ce qui est de demander aux dirigeants des organismes de renseignement de produire des documents ou un témoignage. Ils peuvent aussi demander à toute autre personne de fournir un témoignage ou de produire un document pour le comité. Cependant, dans tous les pays, il y a des limites à l'information qui peut être demandée ou exigée en vertu de ces pouvoirs afin de protéger l'information opérationnelle de nature délicate, comme cela est décrit plus bas.
Les comités ont un accès limité aux renseignements de nature délicate. En Australie, le PJCIS ne peut pas exiger qu'une personne ou un organisme divulgue de l'information opérationnelle de nature délicate ou des renseignements qui compromettraient ou pourraient compromettre la sécurité nationale de l'Australie ou ses relations avec d'autres pays. Les ministres peuvent également émettre des certificats empêchant la divulgation de renseignements opérationnels de nature délicate au PJCIS. En Nouvelle-Zélande, les dirigeants des organismes peuvent refuser de divulguer des renseignements de nature délicate. Cependant, le premier ministre peut passer outre au refus d'un dirigeant de divulguer de l'information s'il est dans l'intérêt public que cette information soit divulguée. Au Royaume-Uni, la situation est légèrement différente : les dirigeants des organismes peuvent seulement refuser de divulguer des renseignements à l'ISC si le ministre y oppose son veto. Ce droit de veto ne peut être exercé que si les renseignements sont de nature délicate et ne devraient pas être divulgués, dans l'intérêt de la sécurité nationale, ou si cela contrevient aux directives applicables. Aux États-Unis, un certain nombre de facteurs peuvent avoir une incidence sur la divulgation de renseignements, par exemple la nature délicate de l'information et des facteurs opérationnels. Par exemple, certains avis concernent des questions de nature si délicate que seulement huit membres du Congrès les reçoivent239.
Chaque pays a une forme ou une autre de surveillance indépendante. En Australie et en Nouvelle‑Zélande, cette fonction est assurée par l'IGIS. Au Royaume-Uni, cette fonction incombera au nouvel IPC. Au Canada, l'organe exécutif a confié cette tâche à trois organismes d'examen spécialisés : le CSARS, le CCETP et le BCCST. Si le projet de loi C-59 est adopté, le BCCST et le CSARS seront fusionnés en un seul organisme, l'OSSNR.
Aux États-Unis, il y a un système pangouvernemental d'inspecteurs généraux (IG), qui comprend des IG chargés de surveiller des organismes de renseignement précis et un IG responsable de la communauté du renseignement qui a compétence d'examiner l'ensemble des organismes240. Il y a également deux entités qui conseillent le président, le PIAB et le PCLOB241.
En Australie et en Nouvelle-Zélande, les IGIS sont nommés par le gouverneur général242. Au Royaume-Uni, à l'inverse, l'IPC est nommé par le premier ministre, et aux États-Unis, les membres du PCLOB et du PIAB sont nommés par le président. Il y a plusieurs méthodes de nomination aux États-Unis pour les IG. L'IG de la communauté du renseignement est nommé par le président sur recommandation du Sénat, qui doit donner son consentement, à l'instar d'un grand nombre d'IG chargés de surveiller chacun des organismes et d'autres éléments243.
Au Canada, les membres du CSARS, du CCETP et le commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications sont nommés par le gouverneur en conseil244.
Les mandats de l'IGIS en Australie et en Nouvelle-Zélande sont similaires, et ils diffèrent de celui de l'IPC au Royaume-Uni. Dans les deux pays, l'IGIS est responsable d'examiner les activités opérationnelles des organismes de renseignement afin de veiller à ce qu'elles respectent les lois et soient bien fondées. Aux fins de son mandat, il a le pouvoir de mener des enquêtes sur certaines questions et d'effectuer des inspections. Il peut lancer des enquêtes de sa propre initiative, ou à la demande du ministre compétent ou du premier ministre. En Nouvelle-Zélande, l'ISC peut également demander des enquêtes. Dans les deux pays, l'IGIS a le pouvoir de convoquer et d'interroger des personnes, d'exiger la production de documents et d'entrer dans les bureaux des organismes. Vu les restrictions relativement strictes imposées à la surveillance parlementaire en Australie et en Nouvelle-Zélande, l'IGIS joue un rôle important dans la responsabilisation des organismes dans ces deux pays.
Au Royaume-Uni, le rôle de l'IPC diffère de celui de l'IGIS en Australie et en Nouvelle-Zélande. L'IPC a le mandat d'examiner certaines fonctions statutaires, au lieu d'avoir le pouvoir d'examiner de façon générale les activités des organismes de renseignement (à l'exception de l'examen d'autres fonctions des Agencies si le premier ministre en fait la demande). Plus précisément, l'IPC peut effectuer des vérifications, des inspections et des enquêtes relativement à l'interception des communications, à l'acquisition et à la conservation de données de communications, à l'effraction informatique et à l'acquisition, à la conservation et à l'utilisation d'ensembles de données personnelles. Ces pouvoirs d'examen s'ajoutent aux pouvoirs de l'IPC d'autoriser l'émission de certains types de mandats. On peut ainsi dire qu'il s'agit d'un organisme hybride qui peut à la fois approuver l'émission de mandats avant le fait et examiner certains types d'activités après coup.
Au Canada, les organismes d'examen spécialisés ont le mandat d'enquêter sur les plaintes et d'examiner la légalité des activités des organismes de renseignement et de sécurité nationale du Canada.
Aux États-Unis, les IG responsables d'organismes précis et l'IG de la communauté du renseignement peuvent effectuer des vérifications et des enquêtes relativement aux programmes et aux opérations des organismes couverts par leur mandat. Le PIAB surveille le respect, par la communauté du renseignement américaine, des lois pertinentes, les décrets-lois et les directives présidentielles, alors que le PCLOB est chargé de veiller à ce que les efforts du gouvernement fédéral pour combattre le terrorisme ne soient pas disproportionnés relativement au besoin de protéger la vie privée et les libertés civiles245. Les deux conseils font partie du pouvoir exécutif, mais ils emploient des experts externes pour conserver un certain niveau d'indépendance246.
En outre, l'Australie et le Royaume-Uni ont tous deux des contrôleurs indépendants de la législation – l'INSLM et l'Independent Reviewer of Terrorism Legislation (l'examinateur indépendant des lois sur le terrorisme) respectivement. Dans les deux pays, les contrôleurs indépendants ont le pouvoir d'examiner le fonctionnement et l'efficacité des lois sur la sécurité nationale, et non les organismes eux-mêmes. Cependant, dans l'exercice de leurs fonctions, ils examinent la façon dont les organismes appliquent les lois et peuvent recommander des modifications aux lois, aux processus et aux mécanismes de surveillance247.
Dans le passé, l'organe judiciaire a fait preuve de déférence en ce qui concerne la sécurité nationale. La surveillance judiciaire des organismes de renseignement demeure limitée et diffère entre les cinq pays.
En Australie, l'organe judiciaire participe peu en ce qui concerne les autorisations liées à l'exercice des pouvoirs. Cela revient en grande partie aux ministres. Les décisions prises en vertu des lois régissant les organismes de renseignement sont exclues du cadre législatif applicable aux contrôles judiciaires des décisions exécutives, mais les particuliers ont une certaine marge de manœuvre pour demander un contrôle judiciaire de la légalité de mesures prises par les agents du renseignement. La Security Division of the Administrative Appeals Tribunal peut procéder à un examen du bien-fondé de la plupart des évaluations en matière de sécurité émises par l'ASIO dont le résultat est défavorable (lesquelles sont prises en considération dans toute une série de décisions administratives, par exemple l'annulation d'un passeport), à huis clos.
Au Canada, des juges spécialement désignés à la Cour fédérale approuvent les mandats demandés par le SCRS pour les activités de surveillance électronique et d'autres formes de surveillance. Les juges peuvent également approuver, seulement aux fins de la perturbation de menaces, des mandats permettant au SCRS de violer des lois canadiennes ou de restreindre des droits garantis par la Charte au Canada ou à l'étranger248. Il n'y a pas de surveillance judiciaire du CST, l'organisme canadien de renseignement électromagnétique, qui n'a pas besoin de mandats pour mener ses activités. Toutefois, si le projet de loi C-59 est adopté, certaines autorisations ministérielles proposées relativement au CST seront assujetties à l'approbation d'un nouveau commissaire au renseignement, qui doit être un juge d'une cour supérieure à la retraite.
En Nouvelle-Zélande, un commissaire aux mandats de renseignement, qui doit être un ancien juge de la Cour suprême, a la responsabilité conjointe, avec le ministre compétent, d'émettre des mandats de type 1, qui autorisent un organisme à mener des activités qui, autrement, seraient illégales relativement à un citoyen ou un résident permanent de la Nouvelle-Zélande. La responsabilité pour l'émission de mandats de type 2, qui autorisent des activités qui seraient illégales autrement et qui ne concernent pas des citoyens ou des résidents permanents de la Nouvelle-Zélande, incombe uniquement au ministre compétent et n'exige aucune intervention d'un commissaire.
Au Royaume-Uni et aux États-Unis, des tribunaux spéciaux ont été créés pour traiter les questions liées au renseignement, même si leurs mandats sont distincts. Au Royaume-Uni, l'IPT instruit les plaintes relatives à l'utilisation illégale de techniques secrètes par les autorités publiques et accorde un droit de recours aux victimes d'actes illégaux en leur donnant également un droit d'appel sur une question de droit (mais ce droit d'appel n'était pas en vigueur au moment de la publication du présent document). Aux États-Unis, le Foreign Intelligence Surveillance Court approuve les mandats pour la collecte de renseignement, surveille des programmes de renseignement et émet des ordonnances servant à mener des enquêtes afin de recueillir des renseignements étrangers, y compris la surveillance électronique et les fouilles manuelles249.
Malgré le contrôle judiciaire limité exercé sur les organismes de renseignement, il y a récemment eu des affaires judiciaires impliquant des organismes de renseignement, notamment en ce qui concerne l'échange de renseignements. Depuis 2013, la Cour fédérale du Canada a conclu à deux reprises que le SCRS avait manqué à son obligation de franchise en omettant d'informer la Cour qu'il avait recours à l'aide de partenaires du Groupe des cinq dans l'exécution d'ordonnances de surveillance et lorsqu'il avait omis d'informer la Cour pendant une décennie qu'il conservait des métadonnées recueillies sur des personnes qui n'étaient pas visées par un mandat250. De même, au Royaume-Uni, l'IPT a conclu que l'échange de renseignements entre le Royaume-Uni et les États-Unis contrevenait à la Convention européenne des droits de l'homme en raison du manque de clarté publique sur le cadre juridique relatif à cet échange de renseignements251. En outre, la Cour de justice de l'Union européenne a conclu que des organismes américains, en vertu du Safe Harbour Agreement (accord sur la sphère de sécurité des données) conclu entre l'Union européenne et les États-Unis, accédaient à des données auxquelles ils n'avaient pas le droit d'accéder en vertu des règles de l'Union européenne en matière de protection de la vie privée252. L'échange de renseignements est donc une question qui fait l'objet d'un contrôle judiciaire.
Le pouvoir de conservation de données a également fait l'objet d'un contrôle judiciaire récemment. Au Royaume-Uni, la Cour suprême a récemment conclu que la loi britannique sur la conservation des données en cas d'urgence, la Data Retention and Investigatory Powers Act 2014, violait les règles de l'Union européenne en matière de protection des données, en grande partie en raison des lacunes du régime de surveillance créé par la loi253.
Chacun des pays examinés rend publics certains renseignements sur les crédits budgétaires alloués aux organismes de renseignement, mais aucun d'entre eux ne rend publics les montants alloués à chacun d'eux.
En Australie, les documents budgétaires nationaux comprennent les affectations spécifiques à l'ASIO, l'ASIS et l'ONA (bien qu'il semble que tous les fonds ne soient pas inclus, du moins pour l'ASIO et l'ASIS). Les crédits attribués aux trois organismes du portefeuille de la Défense sont inclus dans le budget du ministère de la Défense.
La situation au Canada et en Nouvelle-Zélande est similaire à celle de l'Australie. Les budgets du SCRS, du CST, de la GRC (dans le cas du Canada), du NZSIS et du GCSB (dans le cas de la Nouvelle-Zélande) sont rendus publics, tandis que d'autres fonds liés au renseignement sont inclus dans les budgets pour des portefeuilles plus vastes, sans toutefois être ventilés.
Au Royaume-Uni, le gouvernement publie un compte unique pour les organismes de renseignement (Single Intelligence Account) qui rend compte du financement total accordé au MI5, au MI6 et au GCHQ (bien que le GCHQ reçoive également un financement dans le cadre du National Cyber Security Programme [programme national de la cybersécurité])254. D'autres fonds liés au renseignement sont inclus dans le budget général du ministère de la Défense.
Le gouvernement des États-Unis publie les budgets totaux alloués aux deux principaux éléments de son budget du renseignement – le National Intelligence Program (programme national du renseignement) et le Military Intelligence Program (programme du renseignement militaire). Cependant, une partie du financement relatif au renseignement ne relève pas de ces programmes255.
Dans une société démocratique, il y aura toujours une certaine tension entre le besoin des organismes de renseignement d'agir avec un degré de confidentialité et le besoin que ces organismes rendent compte de leurs actes. Les cadres élaborés par les cinq pays examinés dans le présent document représentent les compromis trouvés entre ces deux impératifs.
Le présent document de recherche met en relief les différences dans la façon dont chaque pays a choisi de mener ses activités de surveillance de la communauté du renseignement. Ce qui peut fonctionner bien dans un pays ne sera peut-être pas cohérent avec les institutions et les normes d'un autre pays. Les cadres de surveillance reflètent la structure politique de chaque pays ainsi que son histoire et sa culture, et c'est pourquoi il y a des différences particulières. Cependant, chaque pays a élaboré un cadre qui comprend un système de freins et de contrepoids où les divers pouvoirs gouvernementaux jouent un rôle, afin de s'assurer que les organismes sont tenus responsables de leur administration, de leurs dépenses, et de la légalité et du bien-fondé de leurs activités.
Les communautés du renseignement ont évolué pour répondre aux nouveaux défis à mesure qu'ils surviennent, et elles vont continuer à le faire. Il sera important que les mécanismes de surveillance évoluent au même rythme que ces changements, et les pays abordés dans le présent document auront peut-être des leçons à retenir les uns des autres à mesure qu'ils continuent d'examiner et de renforcer leurs mécanismes de surveillance.
† Les études générales de la Bibliothèque du Parlement sont des analyses approfondies de questions stratégiques. Elles présentent notamment le contexte historique, des informations à jour et des références, et abordent souvent les questions avant même qu’elles deviennent actuelles. Les études générales sont préparées par le Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque, qui effectue des recherches et fournit des informations et des analyses aux parlementaires ainsi qu’aux comités du Sénat et de la Chambre des communes et aux associations parlementaires, et ce, de façon objective et impartiale. [ Retour au texte ]
Le paragraphe 273.63(6) de la Loi sur la défense nationale permet au gouverneur en conseil de m'autoriser à me « livrer à toute activité connexe ». L'article 54 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité permet au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de demander au Comité de surveillance « un rapport spécial sur toute question qui relève de sa compétence ». Je suis d'avis que mon Bureau et le Comité de surveillance pourraient, en vertu de ces dispositions, être invités à mener de manière conjointe ou complémentaire une enquête sur certaines activités qui concernent à la fois le Centre et le SCRS.Voir Bureau du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications, « Message du commissaire », Rapport annuel 2011-2012, juin 2012. Pour l'instant, l'article 45.34 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada prévoit que le commissaire de la CCETP, avant de décider d'entreprendre un examen de sa propre initiative, doit présenter une justification au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile lorsqu'il estime que la Commission n'a pas des ressources suffisantes pour faire cet examen, et doit aussi préciser pourquoi l'examen ne répète pas ce qui a déjà été fait dans le cadre d'un autre examen ou d'une autre enquête. [ Retour au texte ]
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