Résumé législatif du Projet de loi C-3

Résumé Législatif
PROJET DE LOI C-3 : LOI MODIFIANT LA LOI ÉLECTORALE DU CANADA ET LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU
Megan Furi, Division du droit et du gouvernement
Publication no 37-3-LS-461-F
PDF 64, (14 Pages) PDF
2004-02-12
Révisée le : 2004-05-18

TABLE DES MATIÈRES

CONTEXTE

DESCRIPTION ET ANALYSE

   A.  Enregistrement et obligation de rendre compte

   B.   Mesures visant à prévenir les abus

DISCUSSION


PROJET DE LOI C-3 : LOI MODIFIANT LA LOI ÉLECTORALE DU CANADA
ET LA LOI DE L’IMPÔT SUR LE REVENU*

 

CONTEXTE

Le projet de loi C-3 : Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi de l’impôt sur le revenu, a été déposé à la Chambre des communes par le leader du gouvernement à la Chambre, l’honorable Jacques Saada, C.P., député, et adopté en première lecture le 10 février 2004(1).   Après avoir franchi toutes les étapes à la Chambre des communes et au Sénat, le projet de loi a reçu la sanction royale le 14 mai 2004.

Le projet de loi avait initialement été présenté à la Chambre avec le numéro C-51 le 2 octobre 2003, au cours de la 2e session de la 37e législature, par le leader d’alors du gouvernement à la Chambre, l’honorable Don Boudria, C.P., député.  Il n’avait pas franchi l’étape de la deuxième lecture lorsque le Parlement a été prorogé le 12 novembre 2003.

Le projet de loi a deux grands objectifs :

  • l’enregistrement et l’obligation de rendre compte des partis;
  • l’adoption de mesures visant à prévenir les abus.

Le projet de loi C-3 a été déposé à la suite de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Figueroa c. Canada (Procureur général), 2003 CSC 37.  Miguel Figueroa est le chef du Parti communiste du Canada, qui a été fondé en 1921 et qui était un parti enregistré en vertu de la Loi électorale du Canada depuis 1974, année où a débuté l’enregistrement des partis politiques.  Lors des élections générales fédérales de 1993, toutefois, le Parti communiste a perdu son statut de parti enregistré et les avantages qui en découlaient parce qu’il n’a pas présenté au moins 50 candidats.  À la suite de sa radiation, le parti a dû liquider ses biens, rembourser toutes ses dettes et remettre ce qui lui restait au directeur général des élections.  À l’époque, plusieurs autres partis ont aussi été radiés pour les mêmes raisons.

Au nom des membres du Parti communiste du Canada, M. Figueroa a intenté une action en justice contre le Procureur général afin de faire reconnaître que plusieurs dispositions de la Loi électorale du Canada étaient contraires à diverses dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés et qu’elles étaient, par conséquent, inopérantes.  Le premier jugement a été prononcé le 10 mars 1999 par la juge Molloy de la Cour de justice de l’Ontario, Division générale.  Elle a statué que le critère selon lequel un parti devait présenter au moins 50 candidats pour pouvoir être un parti politique enregistré au moment d’élections fédérales était contraire à l’article 3(2) de la Charte et ne pouvait se justifier par l’article premier de celle-ci.  Elle a ordonné que les dispositions pertinentes soient modifiées de manière à remplacer « cinquante » par « deux ».  Elle a également déclaré que l’interdiction d’indiquer sur le bulletin de vote l’appartenance politique des candidats qui ne reçoivent pas l’appui d’un parti enregistré contrevenait à l’article 3.

Le Procureur général a interjeté appel de ce jugement et, en août 2000, la Cour d’appel de l’Ontario a rendu une décision unanime dont les motifs ont été rédigés par le juge Doherty.  Celui-ci a jugé que le droit à l’éligibilité garanti par l’article 3 de la Charte avait pour objet une représentation effective.  Les partis politiques améliorent la représentation effective en structurant le choix des électeurs, en fournissant à la population un moyen de s’engager dans la politique et en donnant aux électeurs la possibilité de participer activement au choix du gouvernement de l’État.  Le juge Doherty a fait remarquer que ces rôles exigent un degré élevé de participation au processus électoral.  Par conséquent, un degré de participation significatif est à juste titre une condition préalable qu’un parti doit respecter pour pouvoir profiter des avantages consentis aux partis enregistrés, et le nombre de candidats présentés est une mesure légitime de ce degré de participation.  Bien que le nombre exact à retenir comme mesure ne fasse pas l’unanimité parmi des personnes raisonnables, le tribunal a conclu que l’obligation de présenter 50 candidats était raisonnable.  Il a aussi rejeté les arguments invoqués par M. Figueroa pour soutenir que l’obligation de présenter 50 candidats contrevenait à l’article 15 (droits à l’égalité) et à l’alinéa 2d) (liberté d’association) de la Charte.

Toutefois, le juge Doherty a également statué que les articles de la Loi électorale du Canada prévoyant que seuls les partis enregistrés ont le droit d’indiquer l’appartenance politique de leur candidat sur les bulletins de vote portent atteinte au droit de vote garanti à l’article 3 et que cette atteinte n’est pas justifiée en vertu de l’article premier de la Charte.  Le droit de vote comporte un volet information, et l’indication de l’appartenance politique sur le bulletin de vote constitue une information importante pour les électeurs.  Les dispositions de la Loi visent à éviter d’embrouiller les électeurs ou de les induire en erreur, et le fait d’indiquer sur les bulletins de vote l’appartenance à un parti qui soutient 49 candidats ou moins n’est pas susceptible d’embrouiller les électeurs ou de les induire en erreur.  D’ailleurs, cette information pourrait bien être le seul renseignement dont les électeurs disposent sur les candidats des petits partis.  Ces dispositions de la Loi ont donc été invalidées, mais l’effet de la déclaration d’invalidité a été suspendu pendant six mois pour donner au Parlement le temps de les modifier.  (Comme le Parlement a été dissous en vue de l’élection générale fédérale du 27 novembre 2000, il n’a pas siégé très longtemps pendant ces six mois.)(3)

La décision a été portée en appel devant la Cour suprême du Canada.  En juin 2003, celle-ci a statué que le critère fixant à 50 le nombre minimal de candidats était inconstitutionnel en vertu de l’article 3 de la Charte.  S’exprimant au nom de la majorité, le juge Iacobucci a expliqué que le seuil minimal de 50 candidats porte atteinte au droit de tout citoyen de jouer un rôle significatif dans le processus électoral du fait qu’il enlève aux partis politiques ayant moins de 50 candidats le droit de délivrer des reçus aux fins de l’impôt, de recevoir les fonds électoraux non dépensés et d’inscrire l’appartenance de leurs candidats sur les bulletins de vote.

La Cour a jugé que le fait de retirer le droit de délivrer des reçus aux fins de l’impôt et de conserver les fonds électoraux non dépensés aux candidats des partis qui ne présentent pas au moins 50 candidats porte atteinte au droit des citoyens de jouer un rôle significatif dans le processus électoral.  La Cour a expliqué que le critère relatif au nombre de candidats contrevient à l’article 3 « en diminuant la capacité des membres et des partisans des partis défavorisés de présenter des idées et des opinions dans le débat public auquel donne lieu le processus électoral »(4).  Elle a également statué que le fait de retirer le droit d’inscrire l’appartenance politique sur les bulletins de vote est aussi contraire l’article 3, parce qu’il porte atteinte au droit des citoyens de faire un choix éclairé.  La Cour suprême a suspendu l’effet de sa décision pendant 12 mois, soit jusqu’au 27 juin 2004, afin de permettre au Parlement de modifier ses mesures législatives.

La reconnaissance juridique et l’enregistrement des partis politiques sont deux pratiques relativement récentes.  L’enregistrement a commencé au début des années 1970, à la suite de la refonte de la loi électorale fédérale.  Toutefois, actuellement, la Loi électorale du Canada ne définit ni ne décrit ce qu’est un parti politique.

Pour enregistrer un parti politique en vertu de la loi actuelle, il suffit de présenter une demande comportant certains renseignements et signée par le chef du parti.  Les conditions de base sont assez simples à remplir; par exemple, chaque parti est tenu de nommer un agent principal et un vérificateur.  La Loi prévoit que toute demande doit comporter les noms, adresses et signatures de 100 électeurs membres du parti, afin de vérifier si le parti jouit d’un minimum d’appui.  Elle oblige le directeur général des élections à examiner la demande dès qu’il la reçoit pour déterminer si le parti remplit toutes les conditions d’enregistrement.  En effet, l’enregistrement peut être interdit, par exemple si le nom, ou son abréviation, ou le logo d’un parti risquent d’être confondus avec ceux d’un parti déjà enregistré.  Si la demande est recevable, l’enregistrement est assujetti à la condition suivante : le parti doit soutenir au moins 50 candidats aux élections générales suivantes.  S’il ne le fait pas, il est automatiquement radié, même s’il répond à tous les autres critères d’admissibilité prévus par la Loi.  Soulignons que l’obligation s’arrête à la présentation d’un certain nombre de candidats; il n’est pas nécessaire que ces candidats soient élus ni qu’ils reçoivent un pourcentage minimum des votes.

Un autre élément important est qu’un parti politique peut fort bien soutenir des candidats aux élections sans être enregistré sous le régime de la Loi électorale du Canada.  Cependant, les partis enregistrés doivent se conformer à diverses dispositions de la Loi, notamment l’obligation de produire certains rapports.  À défaut de respecter les obligations que lui impose la Loi, un parti sera radié.

Néanmoins, l’enregistrement confère aux partis des avantages intéressants.  Par exemples, seuls les partis enregistrés ont le droit :

  • de délivrer des reçus aux fins de l’impôt;
  • d’obtenir le remboursement de certaines dépenses d’élection;
  • de disposer de temps d’émission à la radio et à la télévision;
  • de recevoir annuellement les listes électorales tirées du Registre des électeurs.

Actuellement, l’enregistrement confère aussi aux partis le droit exclusif de faire indiquer sur les bulletins de vote les candidats qu’ils soutiennent.  Avant 1970, le nom, l’adresse et la profession ou métier des candidats figuraient sur les bulletins de vote.  Comme il n’était pas prévu d’y indiquer aussi le nom du parti politique qui soutenait les candidats, tout électeur devait savoir, avant d’entrer dans l’isoloir, quel candidat représentait quel parti.  Les risques d’erreur de la part des électeurs étaient nombreux; parfois, il s’agissait d’erreurs involontaires, mais parfois aussi, elles étaient provoquées délibérément par les candidats, par exemple lorsque des candidats portant des patronymes semblables se présentaient dans la même circonscription.  La Loi a été modifiée en 1970 pour que les bulletins de vote indiquent l’appartenance politique des candidats et ne dévoilent plus leur adresse et leur profession.  En plus d’aider les électeurs à faire leur choix, ces modifications correspondaient mieux à la réalité des campagnes électorales modernes.  Elles ont coïncidé avec l’adoption d’une nouvelle Loi électorale du Canada qui, pour la première fois, reconnaissait officiellement les partis.

DESCRIPTION ET ANALYSE

   A.  Enregistrement et obligation de rendre compte

En application de l’arrêt de la Cour suprême du Canada, le projet de loi C‑3 modifie les critères d’enregistrement des partis politiques.  Le premier article du projet de loi porte sur l’adjonction de la définition de « parti politique » dans la Loi électorale du Canada.  Selon cette définition, un parti politique est une organisation « dont l’un des objectifs essentiels consiste à participer aux affaires publiques en soutenant la candidature et en appuyant l’élection d’un ou de plusieurs de ses membres ».

L’article 2 du projet de loi modifie le paragraphe 117(2) de la Loi électorale du Canada en précisant que le nom du parti politique qui appuie un candidat figurera sur le bulletin de vote, sous le nom du candidat si ce parti est enregistré.  Cette modification permet de supprimer l’obligation pour un parti de présenter des candidats dans au moins 12 circonscriptions électorales à une élection générale.  La Cour suprême du Canada a statué que l’obligation de présenter un nombre minimal de candidats était inconstitutionnelle.  Les partis qui ne présentent pas un seul candidat à une élection générale seront toutefois radiés automatiquement.

Le paragraphe 3(3) du projet de loi modifie les critères relatifs à la demande d’enregistrement.  Conformément au nouvel alinéa 366(2)i) proposé, la demande d’un parti doit comporter les noms et adresses de 250 électeurs et la déclaration de ceux-ci, établie selon le formulaire prescrit, attestant qu’ils sont membres du parti et qu’ils appuient la demande d’enregistrement de celui-ci.

Conformément au nouvel alinéa 366(2)j), les partis doivent joindre à leur demande d’enregistrement une déclaration confirmant que l’un des objectifs essentiels du parti consiste à participer aux affaires publiques en soutenant la candidature et en appuyant l’élection d’un ou de plusieurs de ses membres.  Le paragraphe 3(4) du projet de loi autorise le directeur général des élections à demander au chef d’un parti de lui communiquer tous les renseignements utiles pour confirmer les objectifs essentiels du parti.

L’article 4 du projet de loi modifie l’article 368 de la Loi électorale du Canada.  Il prévoit qu’un parti devient admissible à l’enregistrement lorsqu’il a au moins trois dirigeants, en plus de son chef, qu’il a nommé un agent principal et un vérificateur, et que le directeur général des élections est convaincu qu’il a fourni les renseignements exigés au titre du paragraphe 366(2) et que ceux‑ci sont exacts.

Conformément à l’article 370 proposé, le parti admissible est enregistré lorsque la candidature d’au moins une personne soutenue par lui pour une élection a été confirmée, à condition qu’il ait présenté sa demande au moins 60 jours avant la délivrance du bref ordonnant la tenue de l’élection.  Si la demande d’enregistrement a été présentée après cette période de 60 jours, le parti admissible est enregistré pour l’élection générale suivante ou toute élection partielle tenue avant celle-ci, s’il satisfait aux critères d’enregistrement.

L’article 15 du projet de loi prévoit un ajout à l’article 384 qui porte sur la confirmation annuelle des renseignements.  Il prévoit que les partis enregistrés et les partis admissibles produisent auprès du directeur général des élections les noms et adresses de 250 électeurs et les déclarations de ceux-ci attestant qu’ils sont membres du parti.  Les partis doivent fournir cette information tous les trois ans à partir de 2007.  Chaque année, les chefs des partis enregistrés et des partis admissibles doivent produire une déclaration confirmant que leur parti compte parmi ses objectifs essentiels celui qui est mentionné à l’alinéa 366(2)j).

   B.  Mesures visant à prévenir les abus

Le projet de loi C-3 comporte des mesures visant à prévenir les abus par suite des nouvelles dispositions relatives à l’enregistrement.  Par exemple, il incrimine la production délibérée de faux renseignements concernant l’enregistrement d’un parti.  L’article 16 porte qu’il est interdit à tout parti et chef de parti de produire auprès du directeur général des élections des renseignements qu’ils savent faux ou trompeurs.  En vertu du paragraphe 22(2), si une personne est déclarée coupable d’une infraction à la Loi qui donne lieu, même indirectement, à un avantage financier, le tribunal peut lui ordonner de remettre au receveur général une somme qui ne peut être supérieure à cet avantage.  Dans le cas où un parti enregistré ou son agent principal ou l’un de ses agents enregistrés ou dirigeants serait déclaré coupable d’avoir fourni des renseignements faux ou trompeurs, le paragraphe 22(3) permet au tribunal d’ordonner la radiation du parti et la liquidation de ses biens.

L’article 17 du projet de loi interdit de demander ou d’accepter une contribution pour le compte d’un parti enregistré, d’une association enregistrée ou d’un candidat si la contribution doit être cédée à une personne ou à une entité autre qu’un parti enregistré, un candidat, un candidat à la direction ou une association de circonscription.  Ainsi, il est interdit de créer un parti politique dans le seul but de transférer de l’argent ailleurs.

Le projet de loi contient également des dispositions relatives à la radiation.  Le nouveau paragraphe 385.1(1) proposé de la Loi prévoit la radiation d’un parti qui ne soutient aucun candidat à une élection générale.  Un parti peut aussi être radié si le directeur général des élections est convaincu que le parti enregistré ne remplit pas le critère relatif au nombre minimal de membres ou qu’il n’a pas trois dirigeants en plus de son chef.

L’article 23 du projet de loi modifie l’article 521 de la Loi électorale du Canada en y ajoutant des règles relatives à la radiation judiciaire.  S’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un parti enregistré ne compte pas parmi ses objectifs essentiels celui de participer à l’administration des affaires publiques en soutenant la candidature et en appuyant l’élection d’au moins un candidat, le parti recevra un avis écrit lui demandant de démontrer que cela constitue un de ses objectifs essentiels.  Si le parti ne peut le démontrer et qu’un tribunal conclut que le parti n’atteint pas l’objectif de participation aux affaires publiques, ce tribunal peut enjoindre au directeur général des élections de radier le parti; il peut en outre ordonner la liquidation des biens du parti.  Il doit fonder sa décision sur des facteurs se rattachant à l’établissement des objectifs du parti, notamment la constitution et le programme politique du parti, son rapport annuel aux membres, la nature et l’étendue de ses activités, l’utilisation des fonds et le fait que le parti est ou non une entité à but non lucratif.

L’article 25 du projet de loi précise que tout parti politique ayant une demande de radiation en instance ne peut délivrer de reçus aux fins de l’impôt que si la demande est retirée ou rejetée.

L’article 26 ajoute au projet de loi une disposition de temporisation selon laquelle les modifications apportées à la Loi électorale du Canada par le projet de loi C-3 n’auront plus d’effet deux ans après le jour de l’entrée en vigueur du projet de loi C-3 ou, si le Parlement ne siège pas, 90 jours après le début de la session suivante.  Cet article a été ajouté à l’étape du comité pour tenir compte des préoccupations exprimées au Comité.

DISCUSSION

Dans l’arrêt Figueroa, la Cour suprême du Canada dit clairement que le critère des 50 candidatures est contraire à l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés parce qu’il prive certains candidats et leurs partisans de la possibilité de participer utilement au processus démocratique.  S’exprimant au nom de la majorité, le juge Iacobucci a expliqué que même si l’article 3 n’accorde que le droit de voter et de se porter candidat aux élections, il ne faut pas se limiter au texte de la disposition, mais plutôt recourir à une interprétation libérale.  La Cour a majoritairement décidé que l’objet de l’article 3 est la représentation effective et que cette disposition doit être interprétée en fonction du droit de tout citoyen de jouer un rôle significatif dans le processus électoral et non en fonction de l’élection d’une forme de gouvernement en particulier.

S’exprimant au nom de la minorité, le juge LeBel a convenu que le critère des 50 candidats contrevenait au droit de tout citoyen de participer activement au processus électoral.  Il a également fait remarquer que la participation aux élections dans le but d’obtenir une place au sein du Parlement ou d’une assemblée législative est l’une des fonctions principales des partis politiques.  Il n’a pas justifié le maintien d’un critère exigeant la nomination d’un grand nombre de candidats, mais il a conclu ce qui suit :

[L]’obligation de présenter au moins un candidat, et peut-être davantage, pour satisfaire aux conditions d’enregistrement imposées aux partis politiques ne soulève pas de graves inquiétudes sur le plan constitutionnel.  […] La présentation de candidats et la participation à la course électorale constituent des aspects fondamentaux de la vie des partis politiques tenant à leur nature même, par comparaison aux autres types d’associations politiques, les groupes d’intérêts par exemple.(5)

Au cours du débat sur le projet de loi C-51, l’honorable Don Boudria a expliqué que le projet de loi visait le bon équilibre entre le traitement équitable des partis et la nécessité de préserver l’intégrité du processus électoral.  Les critères d’enregistrement des partis feront en sorte que les partis enregistrés soient d’authentiques participants au processus.  Les principaux problèmes soulevés par les partis d’opposition étaient le fait que le gouvernement n’ait pris aucune mesure relative au critère des 50 candidats avant que la décision de la Cour suprême ne l’y oblige et les conséquences qu’un nombre minimal de candidats pouvaient avoir pour les partis marginaux.

Le projet de loi C‑3 a été renvoyé au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes avant la deuxième lecture le 18 février 2004.  Dans son témoignage devant le Comité, Miguel Figueroa, au nom du Parti communiste du Canada, a dit se réjouir du fait que la plupart des dispositions du projet de loi C‑3 étaient conformes à la décision de la Cour suprême, mais il a signalé que le Parti déplorait certains aspects du projet de loi.  M. Figueroa a parlé de certaines craintes à l’égard des dispositions punitives qui permettraient de radier un parti et de liquider ses biens si celui‑ci commettait une infraction reliée directement ou indirectement à de l’abus financier.  Il s’est aussi dit inquiet de ce qu’un tribunal qui examinerait une demande de radiation judiciaire serait habilité à tenir compte de facteurs comme le programme politique du parti, son matériel publicitaire et ses énoncés de principe afin de décider si ce parti a comme objectif fondamental de participer aux affaires publiques.

Lorsque le directeur général des élections, Jean‑Pierre Kingsley, a comparu devant le Comité, il a dit être mal à l’aise à l’idée d’inclure la définition d’un parti politique.  Selon M. Kingsley, cela signifierait que le directeur général des élections devrait aller au-delà des faits, par exemple le nombre de candidats nommés par un parti, et remettre en question le but et les activités non financières des partis politiques.  Il a précisé au Comité que son bureau était capable de mettre en œuvre le projet de loi tel qu’il est rédigé, mais il a suggéré deux autres options.  La première, qui, selon lui, présente plusieurs avantages, consisterait à supprimer la définition d’un parti politique ainsi que les exigences connexes d’ordre administratif et d’application de la loi.  L’autre consisterait à réviser le projet de loi pour accorder aux partis admissibles qui présentent entre 1 et 49 candidats les trois avantages mentionnés par la Cour suprême, à savoir le droit de délivrer des reçus aux fins de l’impôt sur le revenu, le droit d’inscrire le nom du parti sur le bulletin de vote et le droit de recevoir les fonds électoraux non dépensés d’un candidat, mais aucun autre.

Le débat sur le projet de loi C‑3 à la Chambre des communes a révélé que les partis d’opposition l’appuyaient en principe.  Un grand nombre de députés de l’opposition ont affirmé que même s’ils nourrissaient des réserves au sujet du projet de loi, ils comprenaient l’importance d’adopter une mesure législative avant le 27 juin 2004, l’échéance fixée par la Cour suprême.  Les principales préoccupations exprimées avaient trait à la définition d’un parti politique énoncée dans le projet de loi et au seuil de candidats peu élevé.  En ce qui concerne la définition d’un parti politique, certains députés trouvaient ambiguë l’expression « participer aux affaires publiques ».  Des députés ont également fait écho aux points exprimés par M. Kingsley, observant qu’il n’était pas juste de s’attendre à ce que le directeur général des élections, un haut fonctionnaire indépendant nommé par le Parlement, interprète les affaires d’un parti politique pour vérifier si le but fondamental de ce parti est de participer aux affaires publiques.  Pour ce qui est du seuil, les députés ont déploré la réduction du minimum de candidats à un, craignant que ce faible seuil permette à des organisations peu sérieuses pour ce qui est de participer au processus politique d’amasser des fonds et de délivrer des reçus aux fins de l’impôt.

Les mêmes questions ont été soulevées au Sénat au cours du débat et de l’étude en comité.  Le projet de loi C-3 a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le 22 avril 2004.  Les sénateurs membres de ce comité ont entendu un certain nombre de témoignages, notamment ceux d’universitaires et de représentants de certains des petits partis susceptibles d’être touchés par la modification des critères d’enregistrement.  Les témoignages ont aussi soulevé d’autres questions, comme l’incidence de l’arrêt Figueroa sur d’autres dispositions de la Loi électorale du Canada, plus particulièrement en ce qui concerne le financement de partis politiques au moyen des fonds publics.  Selon les témoins, puisque la Cour avait déclaré un critère inconstitutionnel, elle risquait d’en faire de même pour d’autres.  Le Comité a également entendu affirmer que l’adoption du projet de loi C-3 augmenterait vraisemblablement le nombre de partis politiques enregistrés, ce qui pourrait avoir une incidence sur les avantages consentis aux partis enregistrés, notamment le temps d’antenne gratuit.  Il importera que le Parlement examine ces questions lorsqu’il étudiera la législation électorale au cours de la prochaine législature.


*  Avertissement : Par souci de clarté, nous avons formulé les propositions législatives contenues dans le projet de loi comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient entrées en vigueur.  Il ne faut toutefois pas oublier qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.

(1)   Par une motion adoptée le 10 février 2004, la Chambre des communes prévoit le rétablissement à la 3e session de projets de loi qui n’avaient pas reçu la sanction royale au cours de la 2e session de la
37e législature et qui sont morts au Feuilleton à la prorogation du Parlement, le 12 novembre 2003.  Ces projets de loi pourront être rétablis à l’étape du processus législatif à laquelle ils étaient rendus au moment de la prorogation.  Le projet de loi C-3 est la version rétablie du projet de loi C-51, mort au Feuilleton à la fin de la 2e session.

(2)  L’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés porte que : « Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales. »

(3)  Un projet de loi a été présenté au cours de la 1re session de la 37e législature afin de prendre en compte cet aspect de la décision.  Pour en savoir plus, voir : James R. Robertson, Projet de loi C-9 : Modification de la Loi électorale du Canada et de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales (LS‑392F), Ottawa, Direction de la recherche parlementaire, Bibliothèque du Parlement, 9 mars 2001.

(4)   Figueroa c. Canada (Procureur général), 2003 CSC 37, par. 53.

(5)  Figueroa c. Canada (Procureur général), 2003 CSC 37, par. 149.


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