Résumé législatif du Projet de loi C-14

Résumé Législatif
Projet de loi C-14 : Loi sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale du peuple tlicho
Mary C. Hurley, Division du droit et du gouvernement
Publication no 38-1-LS-486-F
PDF 142, (33 Pages) PDF
2004-10-29
Révisée le : 2005-02-22

Table des matières


Introduction

Le projet de loi C-14 : Loi sur les revendications territoriales et l’autonomie gouvernementale du people tlicho, a été déposé et lu pour la première fois à la Chambre des communes le 19 octobre 2004(1).  Il ratifie et donne force de loi à l’accord tripartite sur les revendications territoriales et l’autonomie gouvernementale conclu en août 2003 entre le peuple tlicho de la partie centrale des Territoires du Nord‑Ouest et les gouvernements fédéral et territorial.  Il modifie également la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie de 1998 pour donner au peuple tlicho une place au sein des offices publics des terres et des eaux et d’examen des répercussions environnementales constitués en vertu de cette loi, et comporte aussi des modifications corrélatives à d’autres lois fédérales.

Le projet de loi C-14 a fait l’objet d’un débat en deuxième lecture à la Chambre des communes du 27 octobre au 2 novembre, date à laquelle il a été renvoyé au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord.  Après avoir tenu des audiences du 16 au 30 novembre, le Comité l’a renvoyé sans amendement à la Chambre des communes, où il a été adopté en troisième lecture le 7 décembre.  Le 10 février 2005, il a été adopté tel quel par le Sénat, après une étude sans histoire.  Il a par la suite reçu la sanction royale le 15 février et est devenu le premier chapitre des Lois du Canada de 2005.

Contexte

   A.  Contexte général des négociations portant sur les revendications territoriales globales

Les revendications territoriales globales s’appuient sur la reconnaissance du maintien des titres et droits ancestraux qui n’ont jamais fait l’objet de traités ou d’autres dispositions.  C’est en 1973 que le Canada a, pour la première fois, énoncé une politique en matière de revendications territoriales globales, en grande partie en réponse à l’arrêt Calder c. Procureur général de la Colombie‑Britannique de la Cour suprême du Canada(2).  L’arrêt a confirmé que l’occupation des terres par les peuples autochtones au cours de l’histoire leur donnait des droits juridiques sur ces terres et que ces droits ont survécu à l’installation des Européens.

La reconnaissance et la confirmation, à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, des droits existants, ancestraux ou issus de traités, des peuples autochtones du Canada, y compris ceux acquis au moyen des accords modernes sur les revendications territoriales, ont refaçonné le paysage juridique et constitutionnel dans lequel ces accords devaient être négociés.

Un problème se pose depuis longtemps concernant les revendications globales : la politique fédérale exige que les groupes autochtones cèdent leurs titres sur leurs terres et leurs ressources en échange de droits définis dans un règlement de revendications territoriales.  Les groupes autochtones se sont opposés à la politique.  Dans les faits, ce n’est qu’en 1998 que la première solution de rechange a été mise en œuvre sous forme de « droits modifiés », soit dans l’Accord définitif Nisga’a conclu entre le Canada, la Colombie‑Britannique et le Conseil tribal des Nisga’as.

En 1986, la politique fédérale révisée en matière de revendications territoriales a reconnu l’importance croissante des questions d’autonomie gouvernementale dans les négociations concernant les revendications territoriales(3).  La même année, le gouvernement fédéral a publié sa politique concernant les négociations sur l’autonomie gouvernementale des collectivités.  De nombreux autres faits au cours des années 1980 ont contribué à mettre davantage l’accent sur l’autonomie gouvernementale, y compris, en 1983, le rapport Penner intitulé L’autonomie politique des Indiens au Canada(4), ainsi que les Conférences des premiers ministres sur la Constitution, au cours desquelles l’autonomie gouvernementale des Autochtones était un des thèmes principaux(5).

En 1992, les participants à la ronde de négociations constitutionnelles de Charlottetown, qui a échoué, ont appuyé à l’unanimité l’inclusion dans la Constitution de droits inhérents à l’autonomie gouvernementale(6).  Par la suite, en 1993, un énoncé de politique fédérale sur le règlement des revendications territoriales(7) a confirmé que les accords sur les revendications territoriales globales pourraient comprendre des engagements à négocier l’autonomie gouvernementale et que les négociations portant sur l’autonomie gouvernementale pourraient se dérouler en même temps que celles sur les revendications territoriales.  Même si l’énoncé prévoyait que la reconnaissance constitutionnelle ne serait pas liée aux accords d’autonomie gouvernementale en l’absence d’une modification de la Constitution, il laissait entendre la possibilité d’un changement dans la politique, mentionnant l’engagement pris par le gouvernement conservateur en 1991 de revoir sa politique sur la protection que confère la Constitution à l’égard des ententes d’autonomie gouvernementale négociées avec les revendications globales advenant que le processus constitutionnel échoue(8).

En 1995, un changement de politique s’est produit, lorsque le gouvernement libéral a reconnu le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale à titre de droit ancestral au sens de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982(9).  L’énoncé de politique du gouvernement libéral établissait à l’égard des accords d’autonomie gouvernementale une approche de négociation selon laquelle les droits relatifs à l’autonomie gouvernementale pourraient être protégés en vertu de l’article 35, soit dans de nouveaux traités, soit dans le cadre d’accords sur les revendications territoriales globales, soit en les ajoutant aux traités existants.

Depuis 1973, 17 revendications territoriales globales ont été réglées, dont 14 dans les trois territoires du Nord.  Seuls les deux règlements qui ont été conclus après 1995 étendent expressément la protection prévue à l’article 35 de la Constitution aux droits à l’autonomie gouvernementale et aux droits fonciers dans les mêmes accords.  Il s’agit de l’Accord définitif Nisga’a de 1998, qui a été ratifié par le Parlement en 2000(10), et de l’Accord sur les revendications territoriales et l’autonomie gouvernementale du peuple tlicho de 2003 (l’Accord tlicho ou l’Accord), sur lequel porte le projet de loi C‑14.

   B.  Négociations sur les revendications territoriales des Dénés et des Métis dans les Territoires du Nord‑Ouest jusqu’à ce jour

En 1921, le chef tlicho Monfwi était l’un des signataires autochtones du Traité no 11, le dernier de la série de traités numérotés, visant la plus grande partie du district du Mackenzie et des parties des Territoires du Nord‑Ouest (T.N‑O.) et du Yukon.  Au cours des années qui ont suivi, on n’a pratiquement pas donné suite aux dispositions relatives au droit foncier du Traité no 11 et du Traité no 8 de 1899, visant la région des T.N‑O. au sud du Grand lac des Esclaves.  De plus, les groupes autochtones considéraient ces traités comme des traités de paix et d’amitié plutôt que comme des traités de cession de terres.

Par conséquent, en 1978 le gouvernement fédéral a accepté de négocier avec les Dénés et les Métis conjointement – pour assurer une certaine uniformité des négociations avec les groupes autochtones du Nord – concernant leurs revendications territoriales à l’intérieur du Territoire(11).  Les Dénés et les Métis étaient en faveur d’un règlement négocié tenant compte des activités de développement accrues dans l’ensemble de la région, dans l’espoir qu’une fois les revendications territoriales réglées, ils pourraient tirer profit de ces activités et y participer, tout en préservant leurs droits d’exploiter les ressources fauniques et d’autres ressources.

En 1988, les Dénés et les Métis de la vallée du Mackenzie ont conclu avec le gouvernement fédéral une entente de principe conjointe portant sur leurs revendications territoriales globales.  L’entente finale proposée a été rejetée ultérieurement, principalement en raison de l’opposition de nombreux Dénés sur deux points : l’extinction ou l’abandon de leurs droits fonciers ancestraux prévu dans les dispositions concernant la « certitude », conformément à la politique fédérale relative aux revendications territoriales, et l’absence de dispositions énonçant les droits en matière d’autonomie gouvernementale.  Les dirigeants dénés et métis ont décidé de renégocier une partie de l’entente proposée ou de recourir aux tribunaux pour faire reconnaître leurs droits ancestraux et issus de traités.  Les Gwich’in de la région du delta du Mackenzie, de même que les Dénés et les Métis de la région du Sahtu, en désaccord avec cette position, se sont alors désolidarisés de la revendication conjointe afin de présenter des revendications régionales distinctes.

En 1990, le ministre fédéral des Affaires indiennes a annoncé que le gouvernement négocierait des règlements régionaux avec tous les groupes autochtones des cinq régions de la vallée du Mackenzie qui avaient pris part à la revendication conjointe, en se fondant sur les dispositions de l’entente finale rejetée.  Ainsi, par exemple, toute entente régionale devrait inclure un plan d’évaluation environnementale de la vallée du Mackenzie, ainsi que des mesures de gestion des terres et des eaux à l’échelle de la région.

En 1992, les Gwich’in ont été le premier groupe régional à arriver à un règlement négocié(12).  Les Métis et les Dénés du Sahtu ont conclu une entente en 1994(13).  L’accord du peuple tlicho est le troisième règlement de revendications territoriales régionales conclu dans le même cadre général.  Dans le nouveau contexte de négociations marqué par la politique gouvernementale de 1995 sur les « droits inhérents », il s’agit du premier règlement à étendre aux droits à l’autonomie gouvernementale la protection prévue à l’article 35.

Des négociations en sont à diverses étapes avec les Premières nations des Deh Cho et des Akaitcho (Traité no 8) des Dénés du Deh Cho et de South Slave respectivement, ainsi qu’avec les Métis des Territoires du Nord‑Ouest, anciennement le Conseil tribal des Métis de South Slave.  De plus, les négociations sur l’autonomie gouvernementale avec les Gwich’in et les Inuvialuit de l’Arctique de l’Ouest(14), fondées sur leurs ententes sur les revendications territoriales respectives, sont les premières où deux groupes autochtones différents négocient conjointement une seule entente d’autonomie gouvernementale.  Certaines collectivités du Sahtu continuent à négocier en vue d’arriver à un règlement sur l’autonomie gouvernementale.

   C.  Mise en œuvre de plans de gestion des terres et des ressources

Les ententes des Gwich’in et des Métis et Dénés du Sahtu contiennent des chapitres pratiquement identiques sur la réglementation des eaux et des terres, qui prévoient un système intégré de gestion des terres et des eaux et d’évaluation des répercussions environnementales pour la vallée du Mackenzie(15).  Elles décrivent en termes généraux la composition, le rôle et les sphères de compétence de certaines institutions publiques qui doivent être constituées par voie législative, notamment les offices d’aménagement territorial, des terres et des eaux et d’examen des répercussions environnementales.  Ces institutions ont été officiellement instaurées et leurs mandats et activités sont définis en détail dans la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie (LGRVM)(16).

   D.  Le peuple tlicho

Le peuple tlicho, connu jusqu’en 2002 sous le nom traduit de Dogrib, fait partie de la Nation dénée des Territoires du Nord‑Ouest, avec les Gwich’in, les Sahtu, les Deh Cho et les Akaitcho.

Les Tlichos vivent principalement au sein de quatre collectivités dans la région de North Slave des T.N.‑O. et sont pour la plupart membres des quatre bandes visées par la Loi sur les Indiens résidant dans ces collectivités.  Selon les estimations démographiques en ligne du Bureau des statistiques des T.N‑O. et les renseignements sur les collectivités des Premières nations publiés par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien :

  • Rae-Edzo ou Behchokò, la plus grande des quatre collectivités et la plus rapprochée de Yellowknife, avait une population totale de 1 867 habitants en juillet 2003.  Le nombre total d’inscrits au sens de la Loi sur les Indiens dans la bande des Dogribs de Rae s’élevait à 2 526 en septembre 2004.
  • La population de Whatì s’élevait à 493 habitants, alors que la collectivité de la Première nation Whatì comptait 553 membres inscrits.
  • La population de Rae Lakes ou de Gamètì s’élevait à 298 habitants, et la collectivité de la Première nation Gamètì comptait 313 membres inscrits.
  • La population totale de Wekwètì s’élevait à 148 habitants, et la Première nation Dechi Laot’i comptait 156 membres au sens de la Loi sur les Indiens.

Selon les chiffres, le peuple tlicho compte 3 500 membres inscrits, lesquels ne vivent pas tous au sein des collectivités où les Tlichos représentent la majorité(17).

Le peuple tlicho est reconnu comme un ardent défenseur de sa culture, de sa langue et de ses traditions particulières, ainsi que pour son entrepreneuriat et ses activités de développement économique dans la région de North Slave.  Les deux mines de diamants des T.N.-O. (Diavik et Ekati) sont situées sur le territoire tlicho, ce qui a donné lieu à la négociation d’ententes sur les répercussions et avantages avec le peuple tlicho, ainsi qu’à des garanties en matière de formation et d’emploi pour ses membres.

   E.  L’Accord tlicho

      1.  Négociations et ratification

En 1992, le Conseil des Dogribs visés par le Traité no 11 a déposé la revendication régionale du peuple tlicho.  En 1997, le mandat de négociation fédéral a été élargi à la lumière de la politique de 1995 en matière d’autonomie gouvernementale, et des négociations pour arriver à une entente double sur les revendications territoriales et l’autonomie gouvernementale ont été engagées.  En janvier 2000, les Dogribs ont conclu un accord de principe avec les gouvernements fédéral et territorial.  L’Accord tlicho a été paraphé en mars 2003, ratifié par 84 p. 100 des électeurs tlichos en juin 2003, puis signé par les parties en août 2003.  Conformément aux exigences de l’Accord (chap. 4), l’Assemblée législative des T.N.‑O. a l’a ratifié, en promulguant la Tlicho Land Claims and Self-Government Agreement Act (Loi sur les revendications territoriales et l’autonomie gouvernementale du peuple tlicho, projet de loi 34) en octobre 2003.  De même, le gouvernement fédéral est tenu d’adopter une loi de mise en œuvre, en l’occurrence le projet de loi C‑14, pour que l’Accord entre en vigueur.

      2.  Accords sur le chevauchement territorial

Avant la signature finale de l’Accord, le peuple tlicho et les quatre autres groupes dénés des T.N.‑O. ont conclu des accords visant à diminuer les risques de différends en matière de chevauchement territorial.  Ces accords sont nécessaires pour résoudre les problèmes liés aux frontières concernant les zones de chevauchement ou les territoires traditionnels communs faisant l’objet de revendications.  Les modalités de l’Accord tlicho tiennent compte des accords conclus en 2002 dans ces régions avec les Deh Cho au sud-ouest et les Akaitchos visés par le Traité no 8 à l’est; les ententes conclues avec les Gwich’in et les Dénés et les Métis du Sahtu au nord‑ouest confirment les droits d’exploitation traditionnels dans les zones de chevauchement.

      3.  Aperçu de certaines dispositions

L’Accord tlicho comprend 27 chapitres qui précisent de façon exhaustive les droits, responsabilités et procédés applicables du peuple tlicho par rapport aux terres tlichos et aux terres d’une collectivité tlicho, à la gestion des terres, des eaux et de l’environnement, aux ressources naturelles, à l’exploitation des ressources fauniques, à la fiscalité, au règlement des différends et à plusieurs autres aspects.  Bien qu’un sommaire détaillé du contenu de l’Accord déborde le cadre du présent document, les rubriques qui suivent présentent certaines caractéristiques importantes concernant les terres en vertu de l’Accord, ainsi que les chapitres sur les dispositions générales et le gouvernement.

         a.  Les terres visées par l’Accord

Le territoire traditionnellement occupé par les Tlichos, décrit par le chef Monfwi lors de la signature du Traité no 11 et connu sous le nom de Mowhì Gogha Dè Niitlèè, est encore considéré ainsi par le peuple tlicho et a constitué le fondement des négociations sur les revendications territoriales ce peuple(18).  Ce territoire s’étend jusqu’à ce qu’on connaît aujourd’hui comme le Nunavut au nord‑est, et jusqu’à la zone désignée en vertu de l’entente sur la revendication territoriale des Dénés et Métis du Sahtu au nord‑ouest.  Le peuple tlicho conserve le droit d’exploiter les ressources fauniques dans ces zones de leur territoire de récolte traditionnel, sous réserve des dispositions du chapitre 10 de l’Accord tlicho.  D’autres droits de récolte, par exemple en ce qui concerne les arbres et les plantes, peuvent être exercés uniquement dans la zone du Mowhì Gogha Dè Niitlèè située à l’intérieur des T.N.‑O. (voir les chap. 13 et 14).

La zone où les offices publics constitués par l’Accord auront compétence, y compris l’office des terres et des eaux prévu dans le projet de loi C‑14, s’appelle Wek’èezhìi(19).  Elle est délimitée par le Nunavut et la région désignée du Sahtu, ainsi que par des limites qui ont été convenues avec les Deh Cho et les Dénés d’Akaitcho au sud‑ouest et au sud‑est respectivement.

Les terres tlichos pour lesquelles le gouvernement tlicho détient un titre en fief simple aux termes du chapitre 18 de l’Accord tlicho occupent un bloc unique d’environ 39 000 kilomètres carrés, y compris les ressources du sous‑sol, sous réserve des intérêts mentionnés à l’article 18.1.1 de l’Accord.  C’est à l’intérieur de ces terres que le gouvernement tlicho a le pouvoir de faire des lois(20).  Même si les quatre collectivités tlichos sont situées dans les limites des terres tlichos, elles ne sont pas incluses dans ces dernières.

Les terres d’une collectivité tlicho sur lesquelles les gouvernements des collectivités tlichos détiennent un intérêt en fief simple aux termes du chapitre 9 de l’Accord sont pour la plupart des terres situées à l’intérieur des limites des collectivités.  Ce titre n’inclut pas les parcelles exclues, les mines et minéraux ni les intérêts existant ou les baux consentis avant l’entrée en vigueur de l’Accord.

         b.  Dispositions générales (chap. 2)

Ce chapitre clé contient les dispositions suivantes :

  • L’Accord tlicho est un accord sur les revendications territoriales au sens de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982; cependant, les autres accords prévus conformément à ses modalités n’ont pas ce statut (art. 2.1.1).
  • La Loi sur les Indiens ne s’applique pas aux citoyens tlichos, sauf pour déterminer si un citoyen tlicho est un « Indien » au sens de cette loi (art. 2.2.7), et les terres tlichos au sens du chapitre 1 ne sont ni des « terres réservées pour les Indiens » en vertu du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, ni des « réserves » au sens de la Loi sur les Indiens (art. 2.3.1).
  • La Charte canadienne des droits et libertés s’applique au gouvernement tlicho constitué en vertu du chapitre 7 (art. 2.15.1).
  • Les dispositions de l’Accord n’ont pas pour effet de reconnaître les droits ancestraux ou issus de traités d’un peuple autochtone autre que le peuple tlicho ni de porter atteinte à ces derniers (art. 2.7.1).
  • Le gouvernement tlicho peut accepter de partager les droits visés par l’Accord avec un autre peuple autochtone (art. 2.7.3).
  • Sauf disposition contraire dans l’Accord, les lois fédérales et territoriales s’appliquent au peuple tlicho (art. 2.8.2).
  • En cas d’incompatibilité entre le projet de loi C‑14 ou l’Accord et toute autre loi fédérale, territoriale ou tlicho, le projet de loi C‑14 ou l’Accord prévalent, tandis que l’Accord prévaut en cas d’incompatibilité entre ce dernier et le projet de loi C‑14 (art. 2.8.3, 2.8.4).
  • Sauf dans les cas prévus, l’Accord ne peut être modifié qu’avec le consentement des parties (art. 2.10.1).
  • Les parties peuvent accepter d’entamer des négociations en vue de modifier l’Accord pour y intégrer un droit qui n’est pas un droit foncier proposé par le gouvernement tlicho, et qui n’est pas énoncé dans l’Accord (art. 2.10.2).
  • Le gouvernement doit consulter le Conseil des Dogribs visés par le Traité no 11, ou le gouvernement tlicho le remplaçant, au cours de la planification des institutions de réglementation concernant l’exploitation des ressources fauniques et les terres et les eaux établies en vertu de l’Accord, et de la rédaction de la loi de mise en œuvre ou d’autres mesures législatives visant à assurer la mise en œuvre des dispositions de l’Accord (art. 2.11.1).
  • Sous réserve d’une exception prévue, ni le gouvernement tlicho ni les gouvernements communautaires tlichos ne sont tenus de communiquer un renseignement qu’ils doivent ou peuvent refuser de communiquer aux termes de toute loi fédérale, territoriale ou tlicho sur l’accès à l’information ou la protection des renseignements personnels (art. 2.12.1).

Fait important, l’Accord comporte une solution de rechange aux dispositions prévoyant l’extinction de droits prévues dans les règlements de revendications territoriales antérieurs; cette solution diffère de la notion de « droits modifiés » de l’Accord définitif Nisga’a.  Aux termes de cette solution de rechange en matière de « certitude » :

  • Sous réserve des dispositions relatives à la modification de l’Accord, le peuple tlicho n’exercera ou ne fera valoir aucun droit ancestral ou issu d’un traité autre que les droits énoncés dans l’Accord et les droits issus du Traité no 11 (versements annuels et paiement des salaires des enseignants) (art. 2.6.1).
  • Cette disposition de non-invocation vise à permettre au peuple tlicho d’exercer tous ses droits énoncés dans l’Accord, à permettre à toutes les autres personnes « d’exercer leurs droits, pouvoirs, compétences et privilèges et d’en jouir » et de dégager ces dernières de toute obligation envers le peuple tlicho concernant un droit qu’il ne peut plus faire valoir (art. 2.6.4).
  • Si la disposition de non-exercice ou de non-invocation ne peut être appliquée à l’égard d’un droit foncier, faisant en sorte qu’elle n’atteint pas son objet ou que le gouvernement ou d’autres personnes se trouvent à être redevables au peuple tlicho, celui‑ci « cède ce droit foncier et y renonce dans la mesure nécessaire pour réaliser » l’objet de la disposition (art. 2.6.9).
  • Si la pérennité d’un droit foncier ne pouvant être invoqué ou exercé produit le même résultat, le peuple tlicho cède, de la même façon, ce droit et y renonce (art. 2.6.10).
  • Le peuple tlicho renonce, à l’endroit du gouvernement et de toute autre personne, à toute revendication fondée sur un acte ou une omission qui se serait produit avant la date d’entrée en vigueur de l’Accord et qui pourrait avoir porté atteinte à tout droit foncier tlicho qui constituait, au moment de l’acte ou de l’omission, un droit ancestral ou issu d’un traité (art. 2.6.5).
  • Le peuple tlicho renonce, à l’endroit du gouvernement et de toute autre personne, à toute revendication fondée sur un acte ou une omission qui se serait produit après la date d’entrée en vigueur de l’Accord et qui pourrait avoir porté atteinte à tout droit qu’il ne peut plus faire valoir (art. 2.6.6).
         c.  Gouvernement tlicho (chap. 7)
  • À la date d’entrée en vigueur de l’Accord, le Conseil des Dogribs visés par le Traité no 11 et les quatre bandes des Premières nations visées par la Loi sur les Indiens cessent d’exister et sont remplacés par le gouvernement tlicho (art. 7.14.1).
  • La Constitution du gouvernement tlicho, approuvée par le Conseil des Dogribs visés par le Traité no 11 (art. 7.1.1) et sur laquelle l’accord prévaut (art. 7.1.4), prévoit au moins :
    • le pouvoir, les attributions, la composition, les procédures d’adhésion et la responsabilité des organes directeurs;
    • les mesures de protection des droits de la personne à l’égard des citoyens tlichos et des autres personnes assujetties aux lois tlichos au moins équivalentes à celles énoncées dans la Charte canadienne des droits et libertés;
    • un système de responsabilité gouvernementale envers les citoyens tlichos;
    • la contestation de la validité des lois tlichos par toute personne touchée;
    • la participation des personnes directement touchées par des programmes du gouvernement tlicho au processus décisionnel concernant ces programmes;
    • la possibilité que des personnes qui ne sont pas des citoyens tlichos puissent être nommées ou élues membres des institutions du gouvernement tlicho;
    • la modification de la Constitution par les citoyens tlichos (art. 7.1.2).
  • Le gouvernement tlicho est composé d’au moins un Grand Chef élu par l’ensemble des citoyens tlichos, ainsi que du chef et d’un autre représentant élu de chaque collectivité tlicho (art. 7.1.3).
  • Le gouvernement tlicho peut déléguer ses pouvoirs, sauf celui d’établir des lois (art. 7.3.1), notamment :
    • la modification de la Constitution par les citoyens tlichos (art. 7.1.2).
    • sur l’organisation du gouvernement et sa gestion (art. 7.4.1);
    • sur l’utilisation et la gestion des terres tlichos et des ressources qui s’y trouvent (art. 7.4.2);
    • sur les questions relatives aux poissons et aux habitats des poissons sur les terres tlichos et d’autres éléments concernant la gestion du poisson convenus par le gouvernement et confirmés dans les lois (art. 7.4.3);
    • sur la culture, la langue, la médecine traditionnelle, la formation, l’aide sociale, les services à l’enfance et à la famille, la tutelle pour les citoyens tlichos sur les terres tlichos, l’adoption dans les T.N.‑O., par un citoyen tlicho, d’un mineur qui est citoyen tlicho, l’enseignement primaire et secondaire pour les citoyens tlichos, la célébration des mariages sur les terres tlichos ou dans une collectivité tlicho (art. 7.4.4);
    • sur la taxation directe des citoyens tlichos sur les terres tlichos ou dans une collectivité tlicho (art. 7.4.5);
    • sur l’application des lois tlichos dans ces domaines (art. 7.4.6).
  • Des limites et des conditions s’appliquent au pouvoir législatif du gouvernement tlicho (sect. 7.5), ce dernier étant notamment tenu de consulter le gouvernement avant de promulguer une loi concernant la gestion des terres et certaines questions énoncées à l’article 7.4.4.
  • Sauf dans les cas où leur application est expressément limitée aux citoyens tlichos, les lois adoptées en vertu de la section 7.4 peuvent s’appliquer à des personnes qui ne sont pas des citoyens tlichos (art. 7.5.9).
  • Le pouvoir législatif prévu à la section 7.4 n’inclut pas celui d’établir des lois relatives à la loi criminelle ou à la procédure en matière criminelle, à l’établissement d’un tribunal, à la propriété intellectuelle ou à la radiodiffusion, à certaines questions d’accès, à l’imposition de conditions d’exercice d’un intérêt prescrit dans les terres tlichos, à la réglementation des professions et à d’autres questions (art. 7.5.10).
  • Le pouvoir législatif du gouvernement tlicho est concurrent à celui des gouvernements fédéral et territorial (art. 7.7.1).
  • En cas d’incompatibilité entre une mesure législative fédérale d’application générale au sens du chapitre 1 et une loi tlicho, la première prévaut; toutefois, une loi tlicho prévaut en cas d’incompatibilité avec une autre mesure législative fédérale (art. 7.7.2).
  • Sauf disposition contraire de l’Accord, en cas d’incompatibilité, la loi tlicho prévaut sur toute loi territoriale d’application générale (art. 7.7.3), mais toute loi territoriale qui met en œuvre une obligation internationale du Canada prévaut sur une loi tlicho (art. 7.4.4).
  • Dans la mesure du possible, le gouvernement et le gouvernement tlicho doivent exercer leurs pouvoirs respectifs de manière à coordonner la prestation des services et des programmes (art. 7.9.1), et peuvent également conclure des ententes à cette fin (art. 7.9.3).
  • La première entente de services intergouvernementale de dix ans renouvelable signée par les parties (art. 7.10.1, 7.10.5) et les liant (art. 7.10.9) vise à offrir à toutes les personnes résidant sur les terres tlichos la prestation, par un mécanisme unique, de programmes concernant la santé, l’éducation, l’aide sociale, la famille et d’autres services et programmes sociaux (art. 7.10.2, 7.10.3).
  • La première entente de financement de cinq ans renouvelable signée par le Canada et le Conseil des Dogribs visés par le Traité no 11 et les liant (art. 7.11.1, 7.11.2, 7.11.11) a été négociée en tenant compte notamment de la capacité du gouvernement tlicho de générer des revenus autonomes, des occasions d’économiser et de tout autre financement offert au gouvernement tlicho (art. 7.11.4).
  • L’entente de financement énonce les sommes d’argent que le Canada fournit pour financer le fonctionnement du gouvernement tlicho et de ses institutions, les mécanismes relatifs à la reddition de comptes et les procédures de règlement des différends (art. 7.11.6).
  • Les ententes de services intergouvernementales et les ententes de financement ne font pas partie de l’Accord (art. 7.10.8, 7.11.10).
  • Avant d’accepter d’être lié par un traité international qui peut toucher un droit que l’Accord confère aux Tlichos, le gouvernement du Canada doit offrir au gouvernement tlicho une occasion d’exposer son point de vue au sujet de ce traité (art. 7.13.2).
  • Si le Canada considère qu’une loi tlicho ou une autre activité du gouvernement tlicho l’empêche de s’acquitter d’une obligation légale internationale, le Canada et le gouvernement tlicho doivent discuter des mesures correctrices : s’il y a entente au sujet de l’impossibilité dans laquelle se trouve le Canada de s’acquitter de son obligation, le gouvernement tlicho prend les mesures qui s’imposent pour corriger sa loi (art. 7.13.3).  S’il n’y a pas entente, le différend doit être réglé par arbitrage conformément au chapitre 6 de l’Accord (art. 7.13.4).
         d.  Gouvernements communautaires tlichos (chap. 8)
  • Aux termes de l’Accord, les quatre gouvernements communautaires tlichos doivent être constitués par une mesure législative territoriale(21) (art. 8.1.1), laquelle énonce les limites de la collectivité, l’organisation et les pouvoirs des gouvernements et d’autres aspects de la question (art. 8.1.2).
  • Chaque gouvernement communautaire est composé : d’un Chef qui est citoyen tlicho et a été élu par les citoyens tlichos ayant droit de vote (art. 8.2.4) et d’un nombre pair de conseillers (art. 8.2.1), qui doivent être des électeurs admissibles (art. 8.2.5) et dont au moins la moitié sont des citoyens tlichos (art. 8.2.7).  Seuls les citoyens canadiens ou les résidents permanents du Canada qui répondent aux critères relatifs à l’âge et à la résidence ont droit de vote pour élire un gouvernement communautaire tlicho (art. 8.2.3).
  • Les gouvernements communautaires sont habilités à promulguer des lois concernant leur fonctionnement, l’emprunt de sommes d’argent, l’octroi d’intérêts dans les terres d’une collectivité, et toute question de nature locale et propre à chacune des collectivités, notamment la planification de l’utilisation des terres, l’ordre public, le logement, le transport et la fiscalité (art. 8.4.1); toutefois, ils n’ont pas le pouvoir de promulguer des lois criminelles (art. 8.4.2).
  • En cas d’incompatibilité entre les lois fédérales ou territoriales et les lois établies par un gouvernement communautaire tlicho, les premières prévalent (art. 8.5.1, 8.5.3); en cas d’incompatibilité entre la mesure législative territoriale établissant le gouvernement communautaire et une loi tlicho, la première prévaut (art. 8.5.2); en cas d’incompatibilité, une loi tlicho prévaut sur une loi établie par un gouvernement communautaire tlicho (art. 8.5.4).

Description et analyse

La Loi sur les revendications territoriales et l’autonomie gouvernementale du peuple tlicho compte 111 articles, précédés d’un préambule.  L’exposé qui suit donne un aperçu général de certaines caractéristiques importantes du projet de loi C‑14, notamment certaines modifications proposées à la LGRVM, sans toutefois examiner tous les articles du projet de loi.

   A.  Préambule

Les articles de fond du projet de loi C‑14 sont précédés d’un préambule de six paragraphes qui fera partie du recueil annuel des lois comme partie intégrante de la nouvelle loi.  Les préambules ayant force de loi sont utilisés, y compris dans les lois portant sur les Autochtones, comme moyen de donner un contexte et une justification à une loi et de faire ressortir la raison qu’a le Parlement de l’adopter.  Les préambules servent davantage à interpréter qu’à établir le fond.

Dans le cas présent, le préambule énonce le contexte factuel de la loi proposée, soulignant les processus de négociation, de conclusion et de ratification de l’Accord conclu par les deux autres parties en cause.  Le préambule confirme aussi le statut de l’Accord au sens de l’article 35 de la Constitution et souligne que sa validité dépend de l’adoption d’une loi de ratification fédérale (art. 2.1.2, 4.3.2 de l’Accord).

   B.  Ratification (art. 3)

Le paragraphe 3(1) du projet de loi C‑14 approuve l’Accord, le fait entrer en vigueur, déclare qu’il est valide et reconnaît qu’il a force de loi.  La disposition est identique à son pendant dans la loi de mise en œuvre adoptée par les T.N.‑O. en octobre 2003, dont l’adoption est aussi une condition à la validité de l’Accord (art. 2.1.2, 4.3.1 de l’Accord).  Elle est identique à la disposition correspondante de la Loi sur l’Accord définitif nisga’a de 2000, et assez semblable à celles des lois de ratification antérieures des ententes des Gwich’in et des Dénés et Métis du Sahtu(22), ainsi qu’à celles des lois ratifiant les accords sur les revendications territoriales des Premières nations du Yukon(23) et des Inuvialuits(24).

Le projet de loi C-14 dispose aussi qu’il est entendu :

  • Que les droits et les avantages, ainsi que attributions et les responsabilités énoncés dans l’Accord ont un effet juridique, c’est‑à‑dire que les premiers peuvent être exercés et réalisés et les dernières doivent être exécutées ou assumées (par. 3(2)).  Cela s’applique non seulement aux citoyens tlichos, les principaux détenteurs de droits et d’obligations de l’Accord, mais aussi, par exemple, aux personnes qui ne sont pas des citoyens tlichos, mais qui détiennent un droit d’accès aux terres tlichos conformément au chapitre 19 de l’Accord ou un droit de vote conformément au du chapitre 8, ainsi qu’aux organismes gouvernementaux ayant des obligations aux termes de l’Accord.  La mesure réitère les dispositions semblables ou identiques des lois de ratification antérieures. 
  • Que l’Accord est opposable à toute personne et à tout organisme – c’est-à-dire qu’il peut être appliqué par et à eux – et que tous peuvent s’en prévaloir (par. 3(3)).  Il s’agit d’une variante de la disposition correspondante de la loi de ratification concernant l’Accord nisga’a, où il n’est pas fait mention d’« organisme », et dans la loi de mise en œuvre du Yukon, dans laquelle il est dit que tout accord pertinent a force obligatoire pour toutepersonne et tout organisme qui n’y sont pas parties.  Les lois de mise en œuvre concernant l’entente des Gwich’in et celle des Dénés et Métis du Sahtu ne contiennent aucune disposition de ce genre.  Ces dernières et la loi du Yukon, cependant, précisent que la loi lie Sa Majesté du chef du Canada ou d’une province.  On ne sait pas si une telle mesure, qui ne figure pas non plus dans la Loi sur l’Accord définitif nisga’a, peut avoir été considérée comme redondante à la lumière du paragraphe 3(3).

   C.  Primauté (art. 5)

Comme pour les lois antérieures concernant la ratification des règlements sur les revendications territoriales, le projet de loi C‑14 contient des dispositions relatives à une incompatibilité éventuelle entre ses dispositions (une fois adopté), ou celles de l’Accord, et celles d’autres textes législatifs.  Conformément aux dispositions de l’Accord (art. 2.8.3, 2.8.4 de l’Accord), le projet de loi énonce clairement que les dispositions de l’Accord ou de la nouvelle loi ainsi que de ses règlements l’emportent sur les dispositions incompatibles de toute autre loi ou de tout autre règlement fédéral ou territorial, ainsi que sur toute loi tlicho faite dans le cadre de l’Accord.  En cas d’incompatibilité entre la nouvelle loi et l’Accord, ce dernier, un document protégé par la Constitution, l’emporte. 

   D.  Affectation de fonds (art. 6)

Le projet de loi C‑14 prévoit que seront prélevées sur le Trésor les sommes nécessaires pour satisfaire aux obligations financières contractées par le Canada aux termes de l’Accord.  Les obligations précises dont il est fait mention à l’article 6 sont celles énoncées : au chapitre 9 (Terres d’une collectivité tlicho), lesquelles exigent un paiement unique au gouvernement tlicho tenant lieu de taxes foncières pour les terres situées dans les limites des collectivités tlichos qui étaient réservées au nom de la Direction générale des affaires indiennes pour le logement des Indiens (sect. 9.7 de l’Accord); au chapitre 18 (Terres tlichos), qui prévoit le versement régulier au gouvernement tlicho, de la part du gouvernement, de redevances et de loyers non remboursés pour des intérêts existants sur les terres tlichos (sect. 18.7 de l’Accord); au chapitre 24 (Paiements), en vertu duquel un transfert de fonds totalisant 152 millions de dollars doit être versé sur une période de 14 ans (sect. 24.1 et annexe au chapitre); au chapitre 25 (Redevances minières), qui exige que le gouvernement verse annuellement au gouvernement tlicho une partie des redevances minières qu’il a touchées (art. 25.1.1 de l’Accord); au chapitre 26 (Mesures d’ordre économique), lequel exige que le gouvernement du Canada verse un paiement unique de cinq millions de dollars au gouvernement tlicho pour l’établissement du Fonds d’investissement stratégique pour le développement économique (art. 26.2.1 de l’Accord).

   E.  Accord sur le traitement fiscal (art. 7)

Aux termes de l’Accord tlicho, le gouvernement et le Conseil des Dogribs visés par le Traité no 11 doivent conclure un accord relatif au traitement fiscal du gouvernement tlicho, des sociétés tlichos et des fiducies de capital tlichos, et la loi de mise en œuvre doit prévoir des dispositions donnant effet à cet accord fiscal (art. 27.5.1 de l’Accord).  L’Accord sur le traitement fiscal (ATF) a été conclu et le projet de loi C‑14 répond aux exigences voulant qu’il soit mis en vigueur par voie législative.  L’article 7 donne également force de loi à l’ATF pour la période pendant laquelle il a effet, soit au moins dix ans.  La Loi sur l’Accord définitif nisga’a donne aussi effet à l’accord sur le traitement fiscal conclu entre les parties, sans toutefois déclarer explicitement qu’il a force de loi.  Le projet de loi C‑14 précise que l’ATF ne fait pas partie de l’Accord et n’est pas protégé par l’article 35 de la Constitution (art. 27.5.4 de l’Accord).

   F.  Office des ressources renouvelables du Wekeezhii (art. 8)

Contrairement aux offices de gestion des ressources de la vallée du Mackenzie constitués par la LGRVM conformément aux modalités des ententes sur les revendications territoriales pertinentes, l’office des ressources renouvelables est constitué en tant qu’organisme public par l’Accord tlicho (art. 12.1.2 de l’Accord).  La disposition du projet de loi C‑14 donnant à l’organisme la capacité juridique d’une personne physique, lui permettant ainsi de conclure des contrats et de faire d’autres transactions, reproduit celle de la LGRVM, selon laquelle les offices constitués ont la même capacité (voir l’art. 10 de la LGRVM).

   G.  Règlement (art. 12)

Le gouvernement en conseil est autorisé à « prendre les décrets et les règlements nécessaires à l’application » de l’Accord et de l’ATF.  Un pouvoir général semblable a été conféré par des lois ratifiant les ententes sur les revendications territoriales antérieures.  Le projet de loi ne précise pas quels seront les organismes ou les personnes qui détermineront quels seront les règlements nécessaires ni à quel moment ils le deviendront.

   H.  Procédure judiciaire (art. 9, 10, 14)

Le projet de loi C‑14 prévoit que l’Accord, l’ATF et les lois tlichos seront admis d’office (art. 9 et 10) et que, par conséquent, il n’est pas nécessaire de présenter une preuve de leur existence ou de leur contenu devant le tribunal en cas de litige.  Le projet de loi exige aussi qu’un préavis soit donné aux procureurs généraux du Canada et des T.N.‑O. et au gouvernement tlicho concernant toute procédure judiciaire portant sur une question relative à l’interprétation, à la validité ou à l’applicabilité de l’Accord, ou relative à la validité ou à l’applicabilité d’une loi de ratification fédérale ou d’une loi tlicho (art. 14).

   I.  Modifications apportées à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie (art. 15 à 94)

Comme nous l’avons déjà mentionné, la LGRVM a été adoptée pour mettre en œuvre les dispositions des ententes sur les revendications territoriales des Gwich’in et des Dénés et Métis du Sahtu exigeant la création par voie législative d’organismes gouvernementaux fournissant un système intégré de gestion des terres et des eaux et d’examen des répercussions environnementales dans la vallée du Mackenzie.  Les différentes parties de la LGRVM :

  • énoncent des dispositions générales concernant les offices constitués en vertu de la LGRVM (partie 1);
  • mettent en place un office d’aménagement territorial et un office des terres et des eaux pour les terres visées par les ententes des Gwich’in et des Dénés et Métis du Sahtu (parties 2 et 3);
  • constituent un office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie auquel sont rattachés les offices des Gwich’in et des Dénés et Métis du Sahtu à titre de formations régionales (partie 4);
  • constituent l’Office d’examen des répercussions environnementales de la vallée du Mackenzie (partie 5).

Conformément aux modifications prévues dans le projet de loi C‑14, les modalités du chapitre 22 de l’Accord tlicho concernant la réglementation des terres et des eaux et d’autres questions environnementales, y compris les modalités relatives au rôle précis que devra jouer le gouvernement tlicho à ce sujet, seront également prises en compte dans la LGRVM.

À maint égard, le chapitre 22 ressemble aux chapitres correspondants des ententes antérieures conclues avec les Gwich’in et les Dénés et Métis du Sahtu, par suite de la politique fédérale exigeant que les négociations régionales avec les groupes autochtones de la vallée du Mackenzie comprennent des mesures relatives aux examens des répercussions environnementales et à la gestion des terres et des eaux à l’échelle de la région.  Dans ce contexte, plusieurs des modifications apportées à la LGRVM ne sont que des modifications de forme et de libellé nécessaires pour élargir les processus et mécanismes relatifs aux institutions de cette loi qui régissent déjà les Gwich’in et les Dénés et Métis du Sahtu, afin d’y ajouter les Tlichos.  Dans un certain nombre de cas, les dispositions propres à l’Accord tlicho donnent lieu à des processus modifiés ou nouveaux sous le régime de la LGRVM qui s’appliquent uniquement aux Tlichos(25).  À ce sujet, on examinera plus particulièrement les articles 19 (sur la nomination des membres de l’office), 47 (sur les instructions générales obligatoires du gouvernement tlicho), 78, 84 et 87 à 89 (sur les rapports d’évaluation des répercussions environnementales qui doivent être remis au gouvernement tlicho), et 81 et 86 (sur l’acceptation ou le rejet, de la part du gouvernement tlicho des recommandations contenues dans certains rapports) du projet de loi.

Les paragraphes suivants prennent en considération ces modifications et d’autres modifications apportées à la LGRVM, selon un ordre qui correspond à sa structure.

      1.  Introduction (art. 15 à 19)

         a.  Définitions (art. 15)

Les définitions de « citoyen tlicho », « gouvernement tlicho » et « terres tlichos » ont été ajoutées à l’article 2 au moyen de renvois aux chapitres correspondants de l’Accord.  Certaines définitions existantes sont modifiées, par exemple, la définition d’« administration locale » est élargie afin d’inclure les administrations d’une collectivité tlicho (ou gouvernements communautaires tlichos, selon la terminologie de l’Accord).  La définition de « première nation », qui s’applique actuellement aux Gwich’in, aux Sahtu « ou tout organisme représentant d’autres Dénés ou Métis des régions de North Slave, South Slave ou Deh Cho », y compris le peuple tlicho, est maintenant modifiée pour exclure le peuple tlicho et pouvoir faire mention, au besoin, et ce, n’importe où dans la LGRVM où cela sera nécessaire, du gouvernement tlicho ou de toute autre expression se rapportant au peuple tlicho contenue dans l’Accord.

         b.   Accords avec d’autres groupes autochtones (art. 17)

Le nouvel article 5.1 de la LGRVM tient compte du fait que, conformément à l’Accord, le gouvernement tlicho peut accepter de partager avec un autre peuple autochtone ses droits reconnus dans l’Accord, y compris ceux énoncés dans la LGRVM (art. 2.7.3 de l’Accord).

      2.  Partie 1 : Dispositions générales concernant les offices (art. 19 à 28)

         a.  Membres de l’office (art. 19 à 24)

En vertu de la LGRVM, le ministre fédéral des Affaires indiennes est le seul responsable, à deux exceptions près, de la nomination des membres des offices constitués en vertu de cette loi(26).  Un nombre précisé de membres sont nommés en vertu des parties 2 à 5, soit sur la proposition des Premières nations, soit après consultation de celles‑ci.  Les ententes sur les revendications territoriales des Gwich’in et des Dénés et Métis du Sahtu ne les autorisent pas à nommer les membres de l’office.  L’Accord tlicho confère ce pouvoir dans le cas de l’Office des terres et des eaux du Wekeezhii (art. 22.3.3 de l’Accord).  En conséquence, le projet de loi C‑14 modifie l’article 11 de la LGRVM afin d’ajouter une exception au pouvoir de nomination exclusif du ministre fédéral dans les cas où les membres sont nommés directement par le gouvernement tlicho en vertu du nouveau paragraphe 57.1(2), qui est examiné ci‑après (art. 19 du projet de loi).  De même, en vertu du nouveau paragraphe 12(2.1) de la LGRVM, le ministre fédéral et le gouvernement tlicho nomment conjointement le président de l’Office des terres et des eaux du Wekeezhii (art. 20 du projet de loi, art. 22.3.6 de l’Accord).

Les ententes conclues avec les Gwich’in et les Dénés et Métis du Sahtu prévoient que, dans certaines circonstances, les groupes autochtones faisant une revendication à l’égard d’une région adjacente visée par un règlement sur les revendications territoriales ont le droit d’être représentés au sein des offices des Gwich’in et des Dénés et Métis du Sahtu (art. 24.1.6 et 25.1.6 des ententes respectives).  L’Accord tlicho contient une disposition semblable à celles des accords antérieurs (art. 22.3.4 de l’Accord).  L’article 15 de la LGRVM reconnaît le droit de représentation et énonce des règles concernant la nomination d’une personne à titre de membre spécial.  L’article 22 du projet de loi remplace l’article 15 pour faire en sorte que les offices aient le pouvoir de déterminer la manière de mettre en œuvre les dispositions de leurs traités respectifs octroyant ce droit.  Cette approche est plus conforme au libellé des trois accords.

         b.  Divulgation de renseignements (art. 25)

Le projet de loi C‑14 remplace l’article 22 de la LGRVM pour ajouter le gouvernement tlicho à la liste des gouvernements dont les offices peuvent obtenir des renseignements, et ajouter les lois tlichos à la liste des lois auxquelles ce droit est assujetti.

         c.  Compétence (art. 28)

L’Accord tlicho propose que la Cour suprême des Territoires du Nord‑Ouest exerce une compétence exclusive à l’égard de toute procédure judiciaire concernant l’interprétation ou l’application de l’Accord, notamment à l’égard de la compétence de l’Office d’examen des répercussions environnementales de la vallée du Mackenzie et de l’Office des terres et des eaux du Wekeezhii et, par extension (voir l’art. 22.4.1 de l’Accord), de l’Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie (art. 2.14.1 de l’Accord).  Le paragraphe 32(2) de la LGRVM proposé dans le projet de loi C‑14 confère la compétence exclusive uniquement en ce qui concerne la compétence des offices responsables de toute la vallée du Mackenzie.

      3.  Partie 2 : Aménagement territorial

Aux termes des ententes sur les revendications territoriales des Gwich’in et des Dénés et Métis du Sahtu, la LGRVM a mis sur pied des offices d’aménagement territorial pour les terres désignées qui sont touchées.  L’Accord tlicho n’exige pas que soit constitué un office d’aménagement territorial.  À titre d’accord portant à la fois sur les revendications territoriales et sur l’autonomie gouvernementale, l’Accord octroie au gouvernement tlicho le pouvoir d’établir des lois concernant l’utilisation, la gestion et la protection des terres (art. 7.4.2 de l’Accord).  En conséquence, le projet de loi C‑14 ne modifie pas la partie 2 de la LGRVM.  Toutefois, l’aménagement territorial est visé à l’article 35 du projet de loi, qui est examiné ci‑après.

      4.  Partie 3: Réglementation des terres et des eaux (art. 29 à 54)

         a.  Définitions (art. 29)

Le projet de loi C‑14 introduit l’expression générique « zone de gestion » pour l’application de la partie 3 de la LGRVM (la définition est reconduite pour la partie 4 en vertu de l’art. 55 du projet de loi), en lui donnant le sens de zone à l’égard de laquelle l’office des terres et des eaux a été constitué.  En ce qui concerne le peuple tlicho, la zone de gestion est le Wekeezhii; dans le cas des Gwich’in et des Dénés et Métis du Sahtu, la zone de gestion correspond aux « terres visées par le règlement » décrite à l’annexe A de leur entente respective.

         b.  Office des terres et des eaux du Wekeezhii (OTEW) (art. 31 à 35)

Comme nous l’avons mentionné précédemment, la constitution de l’OTEW à l’article 57.1 proposé de la LGRVM comprend le pouvoir exclusif du gouvernement tlicho de nommer, à l’exclusion du président, 50 p. 100 des membres de l’office, ou deux membres (al. 22.3.3(b) de l’Accord).  Ce droit est assujetti à tout accord, y compris à un accord de chevauchement territorial (art. 2.7.3 de l’Accord) conclu entre le gouvernement tlicho et un autre peuple autochtone.  Un autre aspect unique de l’OTEW découlant de l’Accord tlicho est l’obligation qu’ont le gouvernement et le gouvernement tlicho de se consulter avant de faire leurs nominations à l’OTEW (art. 31 du projet de loi, art. 22.3.5 de l’Accord).

L’article 61 de la LGRVM prévoit que les offices des terres et des eaux existants ne peuvent, en ce qui touche les permis et les licences, procéder à toute délivrance incompatible avec le plan d’aménagement territorial applicable aux termes de la partie 2 de cette loi.  Le projet de loi C‑14 remplace l’article 61 afin d’intégrer l’OTEW dans la LGRVM, avec l’exigence que toute licence ou tout permis délivrés par lui soient conformes au plan d’aménagement territorial établi en vertu des lois fédérales, territoriales ou tlichos (art. 22.5.4 de l’Accord).  Le nouvel article 61.1 prescrit que l’OTEW exerce ses pouvoirs discrétionnaires relativement à l’utilisation des terres conformément aux lois tlichos sur l’aménagement territorial (art. 35 du projet de loi, art. 22.3.16 de l’Accord).

         c.  Indemnisation (art. 44)

Comme l’exigent les ententes des Gwich’in et des Dénés et Métis du Sahtu, les articles 77 à 79 de la LGRVM autorisent les offices des terres et des eaux existants à délivrer des permis relativement à l’utilisation des eaux ou au dépôt de déchets qui pourraient porter atteinte au droit à des eaux non altérées sur les terres des Premières nations, pourvu qu’un accord ait été conclu afin d’indemniser la Première nation touchée pour les pertes ou dommages subis.  Des mesures essentiellement semblables s’appliqueront à l’OTEW en vertu des nouveaux articles 79.1 et 79.2 de la LGRVM (art. 21.5.4 et 21.5.5 de l’Accord).  Une disposition particulière s’applique aux Tlichos en vertu du nouvel article 79.3 : faute d’avoir conclu un accord d’indemnisation, le demandeur et le gouvernement tlicho doivent passer par la médiation avant de demander à l’OTEW de fixer le montant de l’indemnité (art. 22.5.6 de l’Accord).

         d.  Instructions générales obligatoires (art. 47)

L’article 82 de la LGRVM autorise le ministre fédéral, après avoir consulté l’Office des terres et des eaux des Gwich’in ou celui des Première nations du Sahtu, à leur donner par écrit des instructions générales obligatoires relatives à l’exercice de leurs fonctions.  Le projet de loi C‑14 remplace cet article, afin de tenir compte des dispositions particulières de l’Accord tlicho qui demandent à ce que le gouvernement tlicho participe à l’élaboration des instructions.  En conséquence, le ministre est tenu de consulter le gouvernement tlicho avant de donner des instructions générales obligatoires à l’OTEW (art. 22.3.15 de l’Accord).  La LGRVM prévoit aussi, pour le gouvernement tlicho, le pouvoir de donner des instructions générales obligatoires pour ce qui est de l’utilisation des terres tlichos(27), après avoir consulté le ministre fédéral et l’OTEW (art. 22.3.10, 22.3.15 de l’Accord).  Cette mesure est conforme au pouvoir législatif du gouvernement tlicho à l’égard de l’utilisation et de la gestion des terres tlichos.  En cas d’incompatibilité, les instructions générales du gouvernement tlicho prévalent sur celles du ministre (art. 22.3.11 de l’Accord), et les lois fédérales ou territoriales prévalent sur les instructions générales incompatibles du gouvernement tlicho ou du ministre (art. 23.3.12 de l’Accord).

      5.  Partie 4 : Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie (OTEVM) (art. 55 à 63)

Les modifications notables que le projet de loi C‑14 apporte aux articles de cette partie de la LGRVM prévoient que l’OTEW deviendra, comme les offices des Gwich’in et des Premières nations du Sahtu, une formation régionale de l’OTEVM et qu’il conservera sa compétence à l’égard du Wekeezhii (art. 56 du projet de loi, art.. 22.4.1 et 22.4.3 de l’Accord).  Aux termes du nouvel article proposé 109.1, le gouvernement tlicho exerce, en ce qui touche les instructions générales remises à l’office élargi et à l’OTEW, en tant que formation régionale, les attributions qui sont les siennes aux termes de la partie 3 de la LGRVM (art. 63 du projet de loi, art. 22.4.1 de l’Accord).  Le projet de loi C‑14 ajoute l’article 101.1, selon lequel la mission de l’OTEVM est « d’assurer la préservation, la mise en valeur et l’exploitation des terres et des eaux » de la façon la plus avantageuse possible pour les habitants de la vallée du Mackenzie et tous les Canadiens (art. 22.4.4 de l’Accord).  Les dispositions correspondantes des ententes des Gwich’in et des Dénés et Métis du Sahtu à l’égard des objectifs des offices régionaux qui n’avaient pas été inscrites dans une loi font aussi partie de l’article 101.1 (art. 58 du projet de loi).

      6.  Partie 5 : Office d’examen des répercussions environnementales de la vallée du Mackenzie (OEREVM) (art. 64 à 94)

La partie 5 de la LGRVM établit un programme complexe d’examen des répercussions environnementales dans la vallée du Mackenzie.  Nous n’expliquerons pas ici en détail les nombreux processus dont il est question, mais signalerons surtout les modifications importantes apportées à ces processus à la lumière de l’Accord tlicho et les différences à prendre en considération par rapport aux deux ententes régionales antérieures concernant la vallée du Mackenzie.

         a.  Champ d’application (art. 65)

Le projet de loi C‑14 modifie l’article 111 de la LGRVM pour préciser que le plan d’évaluation environnementale de la partie 5 s’applique aux projets de développement qui doivent être réalisés entièrement ou en partie dans la vallée du Mackenzie (art. 22.2.1 de l’Accord).

         b.  Consultation et nominations (art. 74, 77 et 80)

L’Accord tlicho, comme les ententes des Gwich’in et des Dénés et Métis du Sahtu, exige qu’il y ait des consultations pendant le processus d’examen des répercussions environnementales.  Les dispositions de l’Accord tlicho relatives à la consultation sont plus rigoureuses que celles des ententes précédentes (art. 22.2.23, 22.2.24, 22.2.11, 22.2.13 de l’Accord)(28).  Chacun des accords énonce diverses règles à l’égard des candidats présentés par les groupes autochtones pour des nominations aux organismes environnementaux, selon la nature et le lieu du projet de développement (art. 22.2.16, 22.2.17, 22.2.21 de l’Accord)(29).  Avec l’ajout des articles 123.1 et 123.3 par le projet de loi C‑14, la LGRVM disposera expressément que les règles relatives à la consultation et aux nominations prévues dans les accords de revendication territoriale devront être respectées (art. 74).

Aux termes du nouvel article proposé 127.1, l’obligation de consulter avant de terminer l’évaluation environnementale d’un projet visé à l’Accord tlicho s’étend aux Premières nations gwich’in et du Sahtu (art. 77).  Le nouveau paragraphe proposé 130(1.1) met en œuvre la disposition de l’Accord obligeant le ministre à consulter le gouvernement tlicho avant d’ordonner une étude sur les répercussions environnementales d’un projet de développement qui sera réalisé sur les terres tlichos.  Le projet de loi C‑14 n’étend pas cette obligation aux Premières nations gwich’in et du Sahtu concernant les projets de développement sur leurs terres.

         c.  Renvois (art. 76)

L’article 126 de la LGRVM exige que l’OEREVM procède à l’évaluation environnementale notamment des projets qui lui sont soumis par la Première nation des Gwich’in ou celle du Sahtu et qui, de l’avis de la Première nation, est susceptible « d’avoir des répercussions négatives sur l’environnement » dans les limites de sa région désignée.  Ni l’Entente des Gwich’in, ni l’Entente des Dénés et Métis du Sahtu, ni l’Accord tlicho n’imposent que soient prédéterminées les répercussions « négatives » comme condition du renvoi (art. 22.2.9 de l’Accord).  La modification apportée par le projet de loi C‑14 à l’article 126 ajoute le gouvernement tlicho aux groupes autochtones habilités à renvoyer un projet pour examen et retire l’idée des « répercussions négatives » comme condition préalable d’un renvoi par ces trois groupes.  De plus, puisqu’aucun des accords dont les dispositions doivent être mises en œuvre par la LGRVM n’exige l’examen préalable d’un projet avant un renvoi, le projet de loi précise qu’il n’est pas nécessaire que l’examen préalable ait été entrepris ou terminé.  En fait, le libellé de l’Accord tlicho autorise le gouvernement tlicho à soumettre un projet, peu importe qu’il y ait eu ou non examen préliminaire et peu importent les résultats de celui‑ci (art. 22.2.9 de l’Accord).

         d.  Rapports d’évaluation au gouvernement tlicho (art. 78, 84 et 87 à 89)

L’article 78 du projet de loi C‑14 modifie l’article 128 de la LGRVM, pour donner suite à l’exigence de l’Accord tlicho voulant que l’OEREVM fasse un rapport d’évaluation sur les répercussions environnementales d’un projet de développement sur les terres tlichos et le remette au gouvernement tlicho (art. 22.2.27 de l’Accord).  Aucune obligation de ce genre n’existe en vertu des ententes des Gwich’in ou des Dénés et Métis du Sahtu, et le projet de loi n’étend pas cette obligation générale aux Premières nations gwich’in ou du Sahtu.  La LGRVM prévoit que des copies du rapport seront remises aux organismes qui ont effectué le renvoi, ce qui peut inclure ces groupes autochtones.

De même, les articles 84 et 87 à 89 modifient la LGRVM pour qu’elle exige que les rapports des commissions, y compris celles constituées en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, et des formations conjointes chargées d’effectuer l’examen environnemental en vertu de cette loi soient remis au gouvernement tlicho, s’il s’agit de projets de développement à réaliser sur les terres tlichos (art. 22.2.27 de l’Accord).

         e.  Décision du gouvernement tlicho sur les recommandations (art. 81 et 86)

Une autre disposition importante pour le gouvernement tlicho de l’Accord tlicho et des modifications apportées par le projet de loi C‑14 à la LGRVM lui permet d’accepter, de modifier ou de rejeter certaines recommandations faites par les organismes environnementaux.

Au terme de son étude d’un rapport de l’OEREVM recommandant que l’approbation d’un projet de développement sur les terres tlichos soit assujettie à l’imposition de mesures visant à atténuer des répercussions négatives importantes, le gouvernement tlicho est tenu, conformément au nouvel article 131.1 : d’adopter la recommandation ou de la renvoyer à l’Office, d’adopter la recommandation avec modifications ou, enfin, de la rejeter (art. 81);  contrairement au ministre fédéral ou à l’organisme administratif désigné qui étudie une recommandation semblable, le gouvernement tlicho ne peut ordonner la tenue d’un examen de répercussions environnementales.  Le gouvernement tlicho est aussi autorisé à adopter, à modifier ou à rejeter un rapport portant sur les répercussions environnementales d’un projet de développement sur les terres tlichos (art. 86 du projet de loi, art. 22.2.29 de l’Accord).  Ni l’Entente sur la revendication territoriale des Gwich’in, ni celle des Dénés et Métis du Sahtu ne confèrent de pouvoir semblable.

   J.  Dispositions transitoires (art. 95 et 96)

L’article 95 du projet de loi dispose que l’OTEW constitué par l’article 57.1 proposé de la LGRVM n’exercera que ses fonctions administratives pour une période de six mois suivant l’entrée en vigueur du projet de loi C‑14.  Pendant cette période, l’OTEVM exercera ses attributions réelles (art. 95 du projet de loi, art. 22.3.2 de l’Accord).

Selon l’article 96 du projet de loi, sont valides et en vigueur les ordonnances des T.N.‑O. nécessaires pour donner effet à l’Accord tlicho et mettre en œuvre certains de ses chapitres, même si ces ordonnances ont été prises avant l’entrée en vigueur du projet de loi C‑14.  Comme il a été mentionné précédemment, l’Assemblée législative des T.N.‑O. a promulgué des ordonnances visant à donner effet à l’Accord et permettant de constituer les gouvernements communautaires tlichos.

   K.  Modifications corrélatives (art. 97 à 109)

En général, les modifications apportées à huit lois fédérales ne font qu’ajuster leur libellé pour tenir compte des modalités de l’Accord tlicho.  L’article 102 du projet de loi est digne de mention.  Selon le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, le Parlement a le pouvoir législatif exclusif sur les « Indiens et les terres réservées aux Indiens ».  Cependant, à titre exceptionnel, la modification apportée à la Loi sur les Territoires du Nord‑Ouest par l’article 102 habilite l’Assemblée législative des T.N.-O. à prendre des ordonnances concernant les matières visées au paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 pour mettre en œuvre l’Accord tlicho, notamment celles mentionnées à l’article 96 du projet de loi.

   L.  Entrée en vigueur (art. 111)

À l’exception de quatre dispositions de coordination, les articles du projet de loi C‑14 entrent en vigueur à la date fixée par décret.

Commentaire

On n’a noté pratiquement aucune réaction publique au projet de loi C‑14 ou à l’Accord tlicho lui-même au cours de la période qui a suivi immédiatement le dépôt du projet de loi.  Par la suite, quelques éditoriaux et articles ont essentiellement repris les critiques formulées par l’opposition concernant certains aspects de l’Accord durant l’étude du projet de loi à la Chambre des communes.  Ces critiques portaient notamment sur des questions reliées aux éléments suivants : la prétendue création d’un nouvel ordre de gouvernement de même que d’institutions gouvernementales « distinctes »; le climat d’incertitude créé par l’Accord concernant l’application de la Charte au gouvernement tlicho; les conséquences des dispositions sur les obligations légales internationales pour la souveraineté du pays; et des règles confuses en ce qui touche la primauté des lois.  Les partisans du projet de loi C-14 ont répondu que ces préoccupations n’étaient pas fondées, renvoyant aux dispositions de l’Accord permettant de clarifier ces points.  Malgré leurs hésitations, les opposants ont reconnu la bonne foi dont a fait preuve le peuple tlicho durant le long processus de revendication territoriale et ils ont refusé de bloquer l’adoption du projet de loi.

On a également fait état d’un certain mécontentement concernant l’adoption, en octobre 2003, de l’ordonnance des T.N.‑O. donnant effet à l’Accord tlicho.  Certains estimaient que le processus avait été expédié et n’avait pas fait l’objet de suffisamment de consultations publiques, compte tenu de l’importance de l’Accord, qui établira un précédent pour les T.N.‑O.

L’Alliance métis North Slave, qui avait demandé à faire partie du processus de revendication territoriale du peuple tlicho plusieurs années après le début des négociations, s’est opposée à ce que l’Accord soit conclu.  En 2001, l’Alliance a intenté un recours en injonction pour arrêter le processus jusqu’à ce qu’elle soit incluse ou qu’elle puisse négocier elle‑même ses propres revendications territoriales.  Sa demande a été rejetée(30).  L’Alliance a intenté un autre recours en décembre 2003 au sujet d’un certain nombre de questions d’ordre juridique et constitutionnel.  En septembre 2004, un changement au sein de la direction élue de l’Alliance a laissé entrevoir la possibilité d’une diminution de l’opposition à l’égard de l’Accord : le président actuel de l’Alliance a confirmé devant les comités parlementaires qui étudiaient le projet de loi C-14 que le recours était sur le point d’être abandonné.  Selon lui, les droits de l’Alliance pourraient être protégés au moyen d’un mécanisme d’adhésion à l’Accord tlicho qui serait propre aux Métis, ou par des négociations entre le fédéral et les Métis en vue de la conclusion d’un traité.


*       Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur.  Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.

(1)     Au cours de la 3e session de la 37e législature, un projet de loi semblable (C‑31) a été déposé.  Il est mort au Feuilleton lorsque le Parlement a été dissous en mai 2004.  Il avait été renvoyé au Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles, qui ne l’avait pas encore étudié.

(2)     [1973] R.C.S. 313.

(3)     Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Politique des revendications territoriales globales, Ottawa, Ministre des Approvisionnement et Services, 1987, p. 17.

(4)     Chambre des communes, Comité spécial sur l’autonomie politique des Indiens, fascicule no 40, 12 et 20 octobre 1983.

(5)     Ces procédures ont été examinées par Bryan Schwartz dans First Principles, Second Thoughts:  Aboriginal Peoples, Constitutional Reform and Canadian Statecraft, Montréal, Institut de recherche en politiques publiques, 1986.

(6)     Rapport du consensus du 28 août 1992 sur la Constitution, Ottawa, Ministre des Approvisionnements et Services, 1992.

(7)     Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Politique du gouvernement fédéral en vue du règlement des revendications autochtones, Ottawa, 1993.

(8)     Ibid., p. 7.

(9)     L’autonomie gouvernementale des autochtones : L’approche du gouvernement du Canada concernant la mise en oeuvre du droit inhérent des peuples autochtones à l’autonomie gouvernementale et la négociation de cette autonomie, Ottawa, Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux1995.

(10)   Loi sur l’Accord définitif nisga’a, L.C. 2000, ch. 7.

(11)   Les Dénés étaient représentés par la Fraternité des Indiens des Territoires du Nord-Ouest, renommée ultérieurement la Nation dénée, tandis que les Métis étaient représentés par la Métis Association of the Northwest Territories.

(12)   Entente sur la revendication territoriale globale des Gwich’in, Ottawa, Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, 1992, ratifiée par Loi sur le règlement de la revendication territoriale des Gwich’in, L.C. 1992, ch. 53.

(13)   Entente sur la revendication territoriale globale des Déné et Métis du Sahtu, Ottawa, Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, 1993, ratifiée par la Loi sur le règlement de la revendication territoriale des Dénés et Métis du Sahtu, L.C. 1994, ch. 27.

(14)   La région visée par le règlement des Inuits de l’Arctique de l’Ouest en vertu de la Convention définitive des Inuvialuit de 1984 comprend la partie nord‑ouest des T.N.‑O. et sa zone extracôtière, ainsi que la zone adjacente du Yukon.

(15)   Chap. 24 et 25 respectivement.

(16)   L.C. 1998, ch. 25.  Voir le résumé législatif sur la LGRVM (Mary C. Hurley et Jill Wherrett, LS‑302F, Bibliothèque du Parlement, octobre 1998.

(17)   Nous ignorons si des données sont disponibles sur la répartition des résidents autochtones et non autochtones.

(18)   La zone est décrite dans la partie 1 de l’annexe au chap. 1 de l’Accord tlicho.

(19)   La zone est décrite dans la partie 2 de l’annexe au chap. 1.

(20)   Dans certains cas, ainsi qu’il est prévu au chap. 7, le pouvoir législatif du gouvernement tlicho s’étend aux citoyens tlichos et aux questions de culture, sans égard à l’endroit, alors que dans d’autres cas, l’exercice de ce pouvoir peut avoir des répercussions sur l’exploitation des ressources fauniques sur une superficie plus étendue.

(21)   La Tlicho Community Government Act (projet de loi 5) a reçu la sanction royale le 2 juin 2004.

(22)   Voir les notes 12 et 13.  Ces lois ne décrivent pas explicitement les accords comme ayant force de loi.

(23)   Loi sur le règlement des revendications territoriales des premières nations du Yukon, L.C. 1994, ch. 34.

(24)   Loi sur le règlement des revendications des Inuvialuit de la région ouest de l’Arctique, L.C. 1984, ch. 24.

(25)   Parfois, les modifications apportées à la LGRVM et résultant de l’Accord tlicho s’appliquent également aux peuples des Gwich’in et du Sahtu.  Par exemple, les art. 22.3.9 et 22.1.7 de l’Accord prescrivent que dans l’exercice de ses pouvoirs, l’Office des terres et des eaux du Wekeezhii doit tenir compte de l’importance de la conservation et des connaissances traditionnelles.  Le nouvel art. 60.1 proposé par l’art. 35 du projet de loi C‑14 applique cette exigence aux offices des Gwich’in et du Sahtu également.

(26)   Les deux exceptions sont le président et les personnes bénéficiant d’un droit de représentation en vertu d’une entente de revendication territoriale.  En fait, en vertu de l’art. 12 de la LGRVM, le ministre fédéral nomme le président de l’office en le choisissant parmi les candidats proposés par la majorité des membres de celui-ci.  Les membres spéciaux en vertu de l’art. 15 sont nommés à l’office sur proposition des groupes autochtones qui ont un droit de représentation.

(27)   Ces instructions ont force exécutoire, pourvu qu’elles n’entraînent pas de dépassement du budget.

(28)   Voir l’al. 24.3.13(c) de l’Entente des Gwich’in et l’al. 25.3.13(c) de l’Entente des Dénés et Métis du Sahtu.

(29)   Voir l’al. 24.3.2(b) et l’art. 24.3.7 de l’Entente des Gwich’in et l’al. 25.3.2(b) et l’art. 25.3.7 de l’Entente des Dénés et Métis du Sahtu.

(30)   Paul v. Canada (Procureur général), 2001 FCT 1280 (T.D.).

 


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