Résumé législatif du Projet de loi C-40

Résumé Législatif
Projet de loi C-40 : Loi modifiant la Loi sur les grains du Canada et la Loi sur les transports au Canada
Jean-Denis Fréchette, Division de l'économie
Publication no 38-1-LS-505-F
PDF 64, (11 Pages) PDF
2005-05-02

Table des matières


Contexte

Le projet de loi C-40 : Loi modifiant la Loi sur les grains du Canada et la Loi sur les transports au Canada a été présenté à la Chambre des communes le 11 mars 2005 par le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, l’honorable Andy Mitchell.  Il donne suite à une décision de l’Organe des différends de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) concernant la manutention et le transport des grains et des produits céréaliers étrangers importés au Canada.  Le projet de loi a été adopté en deuxième lecture et renvoyé au Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire le 19 avril 2005.

Depuis 1990, les États-Unis ont été à l’origine de 11 examens des politiques et pratiques canadiennes dans le domaine du commerce du blé.  Ils ont formulé diverses accusations contre le Canada, y compris celles d’octroi de subventions, de dumping et de discrimination par les prix (le fait d’imposer des prix plus élevés sur certains marchés et d’en utiliser le produit pour contrebalancer des prix plus bas ailleurs).  Aucun des neuf premiers examens n’a produit de preuve des activités mentionnées.  Les deux derniers sont décrits ci-après.

   A.  L’affaire à l’origine du projet de loi C-40

La première de ces deux dernières causes remonte à la fin de 2002, lorsque la North Dakota Wheat Commission (NDWC) a lancé un recours contre la Commission canadienne du blé (CCB), en faisant valoir que les droits spéciaux de caractère monopolistique et les privilèges accordés à la CCB lui donnaient un avantage concurrentiel sur les producteurs de blé américains.  Après l’échec des négociations entre le Canada et les États-Unis sur la question(2), le représentant américain au Commerce a demandé à l’OMC d’examiner les activités de la CCB.

Les États-Unis ont demandé à l’OMC de se prononcer sur deux points distincts :

  1. la légalité du régime à l’exportation de la CCB;
  2. certaines pratiques présumées discriminatoires concernant le traitement des grains étrangers importés au Canada.

Le 6 avril 2004, le groupe spécial de règlement des différends de l’OMC a rendu publique sa décision finale, intitulée Canada – Mesures concernant les exportations de blé et le traitement des grains importés : Rapports du Groupe spécial.  Sur la question principale de l’exportation du blé, le groupe spécial s’est prononcé en faveur du Canada.  Il a jugé que la CCB est une entité commerciale légale dont le fonctionnement s’appuie de fait sur des principes commerciaux.  Il a rejeté les allégations selon lesquelles le comportement de la CCB avait contrevenu aux obligations commerciales internationales du Canada.  Les États-Unis ont appelé de cette décision, mais ont été déboutés lorsque, le 30 août 2004, l’Organe d’appel de l’OMC a rejeté leur revendication.

Concernant le traitement discriminatoire des grains étrangers, les États‑Unis ont fait valoir que le Canada violait le principe du traitement national de deux manières générales :

  • par sa ségrégation des grains canadiens et étrangers similaires et ses restrictions concernant leur mélange;
  • par ses règles relatives au transport des grains étrangers et canadiens au Canada.

Le groupe spécial de l’OMC a tranché en faveur des États-Unis sur les deux questions de la ségrégation des grains et de leur mélange, mais il a aussi fait observer que le Canada pourrait se conformer à la décision du groupe spécial avec relativement peu de conséquences.  Quant au transport des grains, l’OMC a tranché en faveur du Canada au sujet d’une accusation – les producteurs de grains canadiens peuvent demander un wagon-trémie pour transporter leurs biens, alors que les États-Unis soutiennent que cela équivaut à un traitement discriminatoire – et en faveur des États-Unis au sujet de l’autre – la question du plafond des recettes des chemins de fer.  Le plafond des recettes des chemins de fer, pour l’essentiel, limite les recettes totales que les sociétés de chemins de fer peuvent tirer du transport de grains pendant une année donnée(3).  Les États-Unis ont fait valoir que ce plafond pouvait constituer une subvention déguisée en faveur des producteurs canadiens.  Le groupe spécial de l’OMC en a convenu, tout en faisant remarquer que le plafond n’avait jamais été dépassé et qu’il était si élevé qu’il ne serait probablement jamais atteint.  La décision de l’OMC contre le Canada se fondait sur l’éventualité de cas où les grains canadiens pourraient faire l’objet de coûts de transport ferroviaire moindres que les grains étrangers.  Puisqu’il est improbable que le plafond soit jamais atteint, les conséquences pour l’industrie canadienne sont pour ainsi dire nulles.

Le Canada n’a pas interjeté appel des jugements sur le traitement discriminatoire.  Le 12 novembre 2004, le Canada et les États-Unis se sont entendus sur un délai d’exécution de 10 mois, à compter de la date à laquelle l’Organe de règlement des différends de l’OMC a adopté le rapport du groupe spécial, pour donner suite aux conclusions de ce dernier(4).

   B.  L’affaire relative au blé dur et au blé de force roux de printemps

La deuxième cause américaine contre le blé canadien concerne les recours commerciaux.  En réponse aux pétitions déposées par la NDWC et par la U.S. Durum Growers Association, le secrétariat américain au Commerce (DOC) a amorcé, en octobre 2002, des enquêtes en vue de l’imposition de droits antidumping et compensatoires sur les importations de blé dur et de blé de force roux du printemps du Canada.  Le 4 mars 2003, le DOC a rendu une décision préliminaire concernant les droits compensatoires et a imposé des droits provisoires de 3,94 p. 100 sur les deux variétés de blé.  Le 2 mai 2003, il a rendu une décision préliminaire concernant le dumping et imposé des droits supplémentaires de 8,15 p. 100 sur le blé dur et de 6,12 p. 100 sur le blé de force roux de printemps.

En août 2003, le DOC a rendu publique sa décision finale, portant le taux des droits compensatoires à 5,29 p. 100 pour les deux variétés de blé et celui des droits antidumping à 8,26 p. 100 pour le blé dur et à 8,87 p. 100 pour le blé de force roux de printemps.  Deux mois plus tard, toutefois, la Commission du commerce international (CCI) a conclu que les importations de blé dur ne portaient pas préjudice aux producteurs américains, mais que le contraire était vrai pour le blé de force roux de printemps.  Par conséquent, tous les droits à l’importation ont été supprimés dans le cas du blé dur, mais non dans celui du blé de force roux de printemps.

Le 3 octobre 2003, le Canada a obtenu que soit mené par un groupe spécial de l’ALENA un examen de la décision relative aux droits compensatoires touchant le blé de force roux de printemps, puis, le 24 novembre 2003, la CCB a contesté la décision de préjudice rendue par la CCI.  Le 10 mars 2005, le groupe spécial de l’ALENA a rendu une décision favorable à la CCB en ce qui concerne les droits applicables au blé de force roux de printemps.  Le groupe spécial a donné au DOC 90 jours pour arriver à une nouvelle décision concernant les droits compensatoires reliés aux garanties financières de la CCB; ces droits représentent maintenant 4,94 p. 100 dans le bloc de 14,15 p. 100 de droits de douane globaux touchant les importations aux États-Unis de blé de force roux de printemps du Canada.  Le groupe spécial a toutefois confirmé la décision du DOC d’imposer des droits de 0,35 p. 100 parce que le gouvernement fournit des wagons-trémies, décision qui a été portée en appel par le gouvernement fédéral et ceux de la Saskatchewan et de l’Alberta.  La décision du DOC est attendue le 8 juin 2005, et la décision finale de la CCI relativement à l’existence d’un préjudice, le 7 juin 2005.

Description et analyse

L’article premier du projet de loi abroge l’alinéa 57c) de la Loi sur les grains du Canada.  Selon la pratique actuelle en vertu de cette loi, la Commission canadienne des grains (CCG) doit autoriser l’entrée de tout grain étranger dans une installation agréée.  Un nouveau règlement exigera que les installations agréées fassent rapport à la CCG de l’origine de tous les grains.

L’article 2 abroge l’alinéa 72(1)a) et les paragraphes 72(2) et (3) de la même loi.  Ces dispositions empêchent actuellement le mélange de grains de grades différents dans une installation terminale ou de transbordement.  Par contre, la CCG peut permettre un tel mélange des grains afin de faciliter la vente sur les marchés mondiaux ou nationaux, de maintenir la disponibilité d’espace de stockage ou de permettre le séchage ou le traitement du grain (par. 72(2)).  Encore une fois, un nouveau règlement sera pris, pour exiger des exploitants d’installations agréées qu’ils fassent rapport à la CCG s’ils mélangent des grains canadiens et étrangers et qu’ils indiquent que ces grains sont mélangés.  Le nouveau règlement permettra à la CCG de vérifier que les grains étrangers ou les grains canadiens mélangés aux grains étrangers ne sont pas désignés comme grains canadiens.  Un règlement pris en application du paragraphe 116(1) de la Loi sur les grains du Canada sera adopté pour veiller à ce que l’origine des grains soit indiquée correctement dans le système de manutention du grain.

L’article 56 du Règlement sur les grains du Canada sera également abrogé.  Cet article prévoit une exception permettant aux exploitants d’installations de transbordement de mélanger tout grade de grain de l’Est avec tout autre grade de grain de l’Est et aux exploitants d’installations terminales de mélanger tout grade de grain avec un grade de grain autre que le blé roux de printemps de l’Ouest canadien (CWRS) no 1 ou 2.

L’article 3 modifie l’article 147 de la Loi sur les transports au Canada en changeant la définition de « grain » pour y inclure les grains étrangers admissibles et les produits transformés admissibles importés légalement au Canada aux termes des dispositions relatives au plafond des recettes.  Cette modification s’impose pour rendre le plafond des recettes conforme à l’article III de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT), également appelé « obligation de traitement national ».  Les grains et produits étrangers ne feront donc pas l’objet d’un traitement moins favorable que les grains et produits canadiens.

L’Office des transports du Canada (OTC) détermine chaque année le plafond pour les recettes que le CP et le CN tirent du mouvement du grain de l’Ouest.  Cette politique, mise en œuvre le 1er août 2000, remplace l’ancienne politique de la réglementation des tarifs; elle prévoit un plafond des recettes totales des chemins de fer pour le transport du grain de l’Ouest aussi bien vers les points d’exportation vers l’étranger que vers Thunder Bay ou Armstrong pour expédition vers les marchés intérieurs canadiens de l’Est.  Les plafonds sont calculés à l’aide de la formule prévue à l’article 151 de la Loi sur les transports au Canada.  Chaque année, au plus tard le 31 décembre, l’OTC est tenu de déterminer les plafonds et les recettes tirées du mouvement du grain au cours de la campagne agricole qui s’est terminée le 31 juillet de la même année.

Enfin, l’article 4 dispose que les dispositions du projet de loi entrent en vigueur à la date fixée par décret.

Commentaire

Au cours du débat en deuxième lecture tenu le 18 avril 2005, un député de l’opposition officielle a dit que le Parti conservateur voulait proposer un amendement au projet de loi qui obligerait le gouvernement à entreprendre un examen exhaustif obligatoire de la Loi sur les grains du Canada qui devrait être achevé dans l’année suivant l’entrée en vigueur du projet de loi.  L’examen prendrait en considération les préoccupations des divers intervenants de l’industrie des grains et ouvrirait la voie à une réforme de la CCG.

La date limite de la mise en œuvre de la décision de l’OMC au moyen du processus législatif semble constituer un problème.  Ainsi que nous l’avons mentionné dans la section « Contexte », le Canada et les États-Unis se sont entendus, le 12 novembre 2004, sur un délai d’exécution de 10 mois.  Le gouvernement soutient que si le Canada ne met pas en œuvre ces changements d’ici le 1er août 2005, le pays risque de voir les États-Unis lui imposer des mesures de rétorsion.  Ces mesures prendraient probablement la forme de droits de douane punitifs frappant les exportations canadiennes aux États-Unis, bien qu’il soit difficile de préciser la valeur des échanges commerciaux qui seraient touchés.

Bien que cette affirmation soit exacte, il convient de noter que les rapports commerciaux canado-américains comportent un « risque » constant de mesures de rétorsion imposées par les États-Unis.  Par exemple, la CCB a fait l’objet de 13 enquêtes ou études menées par divers services du gouvernement américain.  Il ne faut pas oublier non plus qu’il arrive de plus en plus fréquemment que des décisions semblables de l’OMC ne soient pas respectées.  D’ailleurs, l’ambassadeur de l’Union européenne auprès de l’OMC, Carlo Trojan, déplore que les États-Unis affichent un bilan assez déprimant pour ce qui est de se plier aux décisions de l’OMC.  Le CATO Institute, qui a son siège à Washington, ajoute que cette tendance à refuser d’obtempérer ou, tout au moins, à atermoyer remet en question la volonté des États-Unis de respecter un système commercial fondé sur des règles.  Si le Canada devait ne pas se conformer à la décision de l’OMC dans les délais prévus, surtout si le processus législatif se heurte à des obstacles normaux, il ne serait pas le seul pays à passer outre aux décisions de l’OMC.


Annexe

Groupe spécial de l’OMC sur le blé : Chronologie des événements

31 mars 2003
Les États-Unis demandent officiellement à un groupe spécial de l’OMC d’examiner les allégations américaines concernant la conformité à l’OMC de : (I) les activités de la CCB relativement aux entreprises commerciales d’État énoncées à l’article XVII du GATT; (ii) certaines politiques touchant l’importation de grains (plafond des recettes ferroviaires, répartition des wagons-trémies, autorisation d’entrée des grains et mélange des grains).

Septembre 2003
Un groupe spécial de l’OMC tient une audience à Genève d’examiner les allégations des États-Unis, les deux parties plaidant leur position devant le groupe spécial.

Décembre 2003
Le groupe spécial de l’OMC rend publique sa décision intérimaire.  Ses conclusions représentent une victoire nette du Canada sur la question de la CCB.  Pour ce qui est des politiques applicables au secteur des grains, le groupe spécial a tranché en faveur du Canada sur la répartition des wagons-trémies et contre le Canada sur le plafond des recettes ferroviaires, l’autorisation d’entrée des grains et le mélange des grains.

10 février 2004
Le groupe spécial de l’OMC rend publique sa décision finale dans l’affaire, laquelle confirme le jugement intérimaire antérieur.  La décision finale n’est communiquée qu’aux parties à l’affaire, dans l’attente de la traduction du document.

6 avril 2004
L’OMC rend public le texte intégralement traduit de la décision finale.

Mai 2004
Les États-Unis donnent avis de leur intention de faire appel de la décision du groupe spécial portant sur la CCB.  Le Canada ne fait pas appel des questions touchant la politique relative au secteur des grains, où il a perdu.

Juillet 2004
L’Organe d’appel de l’OMC tient une audience d’une journée à Genève.

30 août 2004
L’Organe d’appel rend publique sa décision.  Pour l’essentiel, la décision originale du groupe spécial en faveur du Canada.

27 septembre 2004
L’Organe de règlement des différends (ORD) de l’OMC adopte officiellement les rapports du groupe spécial et du mécanisme d’appel sur le différend.

12 novembre 2004
Un accord est conclu entre le Canada et les États-Unis sur un calendrier de 10 mois (à compter du moment de l’adoption par l’ORD de l’OMC) pour donner suite aux conclusions du groupe spécial sur les questions touchant la politique relative au secteur des grains.

1er août 2005
Date limite pour que le Canada applique la décision de l’OMC.

Source : Agriculture et Agroalimentaire Canada
Groupe spécial de l’OMC sur le blé : Chronologie des événements


*    Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur.  Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.

(1)    Le présent résumé législatif a été préparé à l’aide de dossiers établis par Peter Berg et Michael Holden, analystes, Division de l’économie, Service d’information et de recherche parlementaires.

(2)    Afin de demander à un groupe spécial de l’OMC de régler un différend, les parties doivent d’abord tenter d’arriver à un règlement négocié.  Si, après 30 jours, aucun accord n’est conclu, la partie lésée peut tenter d’obtenir un règlement devant l’OMC.

(3)    Les entreprises peuvent déterminer leurs propres tarifs d’expédition, sous réserve de la concurrence avec les autres transporteurs.  Le plafond impose une limite supérieure au total des recettes qu’elles peuvent en tirer.

(4)    On trouvera une chronologie complète des événements à l’annexe A.


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