Résumé législatif du Projet de loi C-60

Résumé Législatif
Projet de loi C-60 : Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur
Sam N.K. Banks, Division du droit et du gouvernement
Andrew Kitching, Division du droit et du gouvernement
Publication no 38-1-LS-512-F
PDF 125, (31 Pages) PDF
2005-09-20

Table des matières


Le projet de loi C-60 : Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur, a été déposé à la Chambre des communes par la ministre du Patrimoine canadien, l’honorable Liza Frulla, et la première lecture a été faite le 20 juin 2005. Le projet de loi apporte des modifications qui touchent à divers aspects de la Loi sur le droit d’auteur (la Loi) et visent principalement les questions de droit d’auteur relatives aux œuvres numériques.

Contexte

Le droit d’auteur est un droit de propriété sur une œuvre. Il donne à l’auteur ou au créateur certains pouvoirs exclusifs, comme le droit de reproduire l’œuvre ou de la communiquer au public. Il s’applique à toutes les œuvres littéraires, dramatiques, musicales et artistiques originales. Au Canada, ces droits sont protégés par la Loi sur le droit d’auteur(1) fédérale. Les auteurs et les créateurs n’obtiennent le droit d’auteur que lorsque leurs idées sont fixées, c’est-à-dire exprimées sous une forme tangible.

Les ordinateurs personnels avec connexion Internet à large bande sont une source de plus en plus importante d’information et de loisirs pour les Canadiens. On peut facilement avoir accès à une bonne partie de ce contenu sur des réseaux de communication poste à poste (appelés P2P), qui permettent à quiconque télécharge le logiciel nécessaire de copier les fichiers numériques d’autres utilisateurs du réseau. Il est difficile de réglementer les réseaux P2P, car les utilisateurs téléchargent les fichiers entre eux, sans passer par un serveur central que l’on pourrait facilement fermer au cas où il aurait distribué du matériel qui viole le droit d’auteur.

Les technologies numériques ont permis une violation généralisée du droit d’auteur sur l’Internet. Le piratage sur des réseaux P2P comme KaZaa et plus récemment sur des réseaux utilisant le logiciel BitTorrent serait à l’origine de la chute des ventes de CD et est considéré comme une menace future pour les ventes d’autres supports comme les DVD. Les établissements d’enseignement et les bibliothèques se débattent avec leurs propres incertitudes concernant la distribution numérique du matériel de leurs programmes ou de leurs collections.

Le combat concernant le droit d’auteur sur l’Internet est mené au niveau politique, devant les tribunaux canadiens et au moyen de technologies comme le cryptage. L’industrie du divertissement et les éditeurs canadiens ont demandé au Parlement d’apporter des réformes profondes à la Loi pour réduire le nombre de copies numériques non autorisées de leurs œuvres sur l’Internet. Les protecteurs des consommateurs et les militants pour la libéralisation de l’Internet répliquent que les mesures proposées bloqueront la libre circulation des idées, compromettront les droits de la protection des renseignements personnels et les libertés civiles des Canadiens et décourageront l’investissement économique dans l’Internet et les nouvelles technologies numériques.

Au Canada, la Loi actuelle a été mise à mal par une série de décisions judiciaires, dont les plus importantes sont les arrêts de la Cour fédérale dans l’affaire BMG Canada Inc. c. John Doe(2) et les arrêts de la Cour suprême du Canada dans les affaires Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Association canadienne des fournisseurs Internet(3) (Tarif 22) et CCH Canadian Limited c. Barreau du Haut-Canada(4). En bref :

  • Dans l’affaire BMG c. John Doe, les compagnies de disques cherchaient à forcer des fournisseurs de services Internet (FSI) à divulguer les noms des clients qui rendaient du matériel illicite disponible sur l’Internet. La Cour fédérale a statué que la loi canadienne permet le téléchargement de fichiers protégés par le droit d’auteur pour usage personnel et la mise de ces fichiers à la disposition d’autres personnes sur des réseaux de communication poste à poste. La Cour d’appel fédérale a confirmé la décision, bien qu’elle ait cité des préoccupations de protection de la vie privée et la faiblesse des preuves des compagnies de disques, plutôt qu’un droit à l’utilisation personnelle des fichiers téléchargés.
  • Dans l’affaire Tarif 22, la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) a demandé à la Commission du droit d’auteur d’imposer des redevances, appelées Tarif 22, aux FSI qui facilitent le transfert d’œuvres publiées sur l’Internet. La cause a finalement abouti devant la Cour suprême du Canada, qui a conclu que les FSI ne peuvent être tenus responsables du téléchargement illégal sur leurs réseaux, car l’alinéa 2.4(1)b) de la Loi prévoit la protection d’une personne ou d’une entreprise qui fournit simplement le moyen de communiquer au public des œuvres protégées par le droit d’auteur.
  • Dans l’affaire CCH Canadian Limited c. Barreau du Haut-Canada, le Barreau du Haut-Canada a été poursuivi par des éditeurs juridiques parce qu’il fournissait un service de photocopie et mettait des photocopieurs libre-service à la disposition des usagers dans sa bibliothèque. La Cour suprême du Canada a statué que les articles de la Loi portant sur « l’utilisation équitable » permettaient aux bibliothèques de mettre des photocopieurs à la disposition des usagers pour faire des copies privées à des fins de recherche d’œuvres qui se trouvent dans les bibliothèques.

La décision du Canada de signer les traités de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) joue également un grand rôle dans le débat. Le Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur (TODA) et le Traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (TOIEP) traitent de questions touchant le droit d’auteur et l’Internet. Les traités comportent des mesures de protection pour les auteurs, les producteurs d’enregistrements sonores et les artistes-interprètes d’œuvres musicales. Le Canada a signé les traités en 1997, mais ne peut les ratifier sans modifier la Loi.

Le projet de loi C-60 est le premier de ce qui sera probablement une série de projets de loi visant à modifier et à mettre à jour la Loi. La dernière modification importante de la Loi a eu lieu en 1997, moment auquel il était difficile de prévoir clairement l’évolution de la situation en raison de la révolution numérique en cours et de la rapidité des changements technologiques concomitants. Afin de déterminer l’efficacité des modifications de 1997, l’article 92 de la Loi a prescrit un examen dans les cinq ans de la proclamation des changements.

Ce processus appelé « examen de l’article 92 » a commencé presque immédiatement après l’entrée en vigueur des changements de 1997, avec des consultations publiques et des documents de consultation portant sur les diverses questions à prendre en compte dans l’examen de l’encadrement canadien des droits d’auteur sur les œuvres numériques.

En 2002, Industrie Canada et le ministère du Patrimoine canadien, qui sont responsables conjointement de la politique sur le droit d’auteur du Canada, ont produit un rapport sur l’examen quinquennal intitulé Stimuler la culture et l’innovation : Rapport sur les dispositions et l’application de la Loi sur le droit d’auteur (« le rapport prévu à l’article 92 »). Ce rapport a relevé 40 grandes questions qui pourraient faire l’objet de mesures législatives et les a classées selon qu’elles devraient être abordées à court, à moyen ou à long terme.

En novembre 2002, le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes a reçu de celle-ci un ordre de renvoi lui demandant de commencer l’examen réglementaire de la Loi. Les premières audiences portant sur le contexte international du droit d’auteur et les questions qui, selon le rapport prévu à l’article 92, pourraient faire l’objet de mesures législatives ont montré la nécessité de mettre en application le TODA et le TOIEP, ce qui, comme nous l’avons mentionné précédemment, impliquerait la modification de la Loi sur le droit d’auteur canadienne. Entre le début des audiences du Comité sur le patrimoine et octobre 2003, il y a eu peu d’indications de l’imminence de tels changements.

Le délai qui semblait s’allonger entre la signature par le Canada des traités de l’OMPI et le dépôt du projet de la loi nécessaire pour leur mise en application a mené le Comité du patrimoine à adopter, en octobre 2003, une motion pour recommander que les ministres du Patrimoine canadien et de l’Industrie ordonnent à leurs représentants de préparer un projet de loi qui permettrait la mise en application des traités de l’OMPI. Le projet de loi devait être prêt le 10 février 2004 pour être soumis au Comité.

Dans sa réponse, la ministre du Patrimoine canadien de l’époque, l’honorable Sheila Copps, a indiqué au Comité, le 6 novembre 2003, qu’elle avait cherché depuis 1999 à faire approuver par le Cabinet la loi de mise en application des traités de l’OMPI. Cependant, aucun échéancier de ratification n’a été fourni. Le ministre de l’Industrie a indiqué, dans une lettre reçue par le Comité le 6 novembre 2003, qu’on demanderait sans tarder au Ministère des conseils sur les propositions de politique traitant de la mise en application des traités de l’OMPI, ainsi que sur les autres questions qui exigent des mesures à court terme.

Le Comité était en voie de conclure la première série d’audiences sur son étude du droit d’auteur quand le Parlement a été prorogé le 12 novembre 2003.

Le 9 mars 2004, au cours d’une audience devant le Comité, la nouvelle ministre du Patrimoine canadien a indiqué que la modernisation de la Loi était une grande priorité et que les ministres du Patrimoine canadien et de l’Industrie déposeraient bientôt devant le Comité un rapport d’étape sur les questions qui exigent des mesures à court terme, y compris les deux traités sur l’OMPI. En conséquence, elle a invité le Comité à lui faire connaître son point de vue sur ces questions afin que le gouvernement puisse arrêter sa position et déposer un projet de loi au Parlement avant la fin de 2004 pour modifier la Loi.

Le 25 mars 2004, la ministre du Patrimoine canadien et le ministre de l’Industrie ont présenté conjointement un Rapport d’étape sur la réforme du droit d’auteur au Comité permanent du patrimoine canadien. Le Comité a examiné le rapport d’étape et a tenu une série de réunions pour examiner six questions à court terme :

  • la copie privée et la ratification de l’OMPI;
  • les œuvres photographiques;
  • la responsabilité des FSI;
  • l’utilisation de matériel Internet à des fins pédagogiques;
  • l’apprentissage assisté par la technologie;
  • les prêts entre bibliothèques.

En mai 2004, le Comité a rendu publiques ses constatations et neuf recommandations dans son Rapport intérimaire sur la réforme du droit d’auteur. Entre autres choses, le Comité formulait les recommandations suivantes :

  • Que le gouvernement du Canada ratifie immédiatement les traités de l’OMPI.
  • Que la Loi sur le droit d’auteur soit modifiée de façon à accorder aux photographes le même droit de paternité d’une œuvre qu’aux autres créateurs.
  • Que la Loi sur le droit d’auteur soit modifiée pour permettre un régime étendu d’attribution de licences pour le matériel Internet utilisé à des fins pédagogiques.
  • Que le gouvernement du Canada mette en place un régime étendu de licences collectives pour faire en sorte que l’utilisation des technologies d’information et de communication par les établissements d’enseignement pour diffuser des œuvres protégées par le droit d’auteur puisse se faire plus efficacement.
  • Que des mesures soient prises pour autoriser la diffusion électronique du matériel protégé par le droit d’auteur directement par les titulaires de droits, pour assurer la diffusion électronique ordonnée et efficace de ce matériel aux usagers des bibliothèques à des fins de recherche ou d’étude privée. Le cas échéant, il faudrait également envisager la mise en œuvre d’un régime étendu de licences collectives.

Au cours d’une audience devant le Comité en novembre 2004, la ministre du Patrimoine canadien a indiqué que la réponse du gouvernement au Rapport intérimaire sur la réforme du droit d’auteur prendrait la forme d’une mesure législative qui, elle l’espérait, serait présentée au Cabinet « avant Noël ».

Quatre mois plus tard, les ministres de l’Industrie et du Patrimoine canadien ont conjointement rendu publique la Déclaration gouvernementale sur les propositions pour la réforme du droit d’auteur, qui énonçait des propositions pour un projet de loi que le gouvernement prévoyait déposer au printemps 2005. Cette déclaration conjointe constituait l’essentiel de la Réponse du gouvernement au Rapport intérimaire sur la réforme du droit d’auteur de mai 2004 du Comité permanent du patrimoine canadien présentée à la Chambre des communes le 24 mars 2005.

Le projet de loi C-60 a été déposé à la Chambre des communes le 20 juin 2005. Une bonne partie du projet de loi met en œuvre des éléments des traités de l’OMPI afin de permettre leur ratification par le Canada. Le projet de loi :

  • accorde des droits supplémentaires aux artistes-interprètes sur leurs enregistrements sonores, y compris le droit de reproduire l’enregistrement, une modification de la durée de protection et des droits moraux sur leurs prestations;
  • prévoit que la mise à disposition sur l’Internet d’une œuvre protégée par le droit d’auteur, où elle peut être téléchargée sur demande par des particuliers est une violation du droit d’auteur;
  • accorde aux titulaires de droits d’auteur la capacité de contrôler la première distribution des œuvres sous une forme tangible;
  • tente de faire en sorte que les mesures de protection techniques, comme le cryptage ou l’information sur le régime des droits sous forme électronique, ne soient pas contournées.

De plus, le projet de loi établit une série de règles supplémentaires concernant le droit d’auteur des œuvres numériques :

  • il crée un régime législatif d’« avis et avis » sous lequel les FSI auraient l’obligation d’aviser les clients qu’ils violent le droit d’auteur et de tenir des renseignements sur ces clients;
  • il crée de nouvelles règles sur la façon dont les bibliothèques et les établissements d’enseignement doivent traiter les versions numériques d’œuvres protégées par le droit d’auteur;
  • il abroge les articles de la Loi qui traitaient les photographies différemment des autres œuvres artistiques.

Description et analyse

A. Ratification du TODA et du TOIEP

1. Droits supplémentaires pour les artistes-interprètes et les producteurs d’enregistrements sonores

L’article premier du projet de loi modifie la définition de « pays signataire » pour inclure les pays parties au TODA, c’est-à-dire les pays qui sont parties au traité de l’OMPI. Il ajoute également les définitions de « pays partie au traité de l’ODA » et « pays partie au traité de l’OIEP », c’est-à-dire des pays qui ont signé respectivement le TODA et le TOIEP.

En vertu de l’article 5 de la Loi sur le droit d’auteur, au Canada, le droit d’auteur s’applique au matériel protégé par le droit d’auteur dans les pays étrangers qui sont membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ou qui ont signé la Convention de Berne sur la propriété intellectuelle. L’article 4 du projet de loi apporte des modifications en ajoutant au régime de droit d’auteur du Canada le matériel protégé par le droit d’auteur dans les pays partis au TODA (signataires de l’OMPI). Les articles sont rétroactifs, ce qui fait que tout matériel dont le droit d’auteur n’a pas expiré devient assujetti à la protection du droit d’auteur au Canada lorsqu’un pays ratifie le traité de l’OMPI.

Le TOIEP traite des « droits connexes », également appelés « droits voisins », pour les artistes-interprètes et les producteurs d’enregistrements sonores. Les droits voisins appartiennent aux artistes-interprètes, aux producteurs et aux diffuseurs qui sont des auxiliaires dans le processus de création intellectuelle, puisqu’ils assistent l’auteur dans la communication de ses œuvres au public. En vertu du paragraphe 15(1) de la Loi, les artistes-interprètes ont actuellement le droit exclusif de communiquer et d’exécuter la prestation en public, et, si la prestation est fixée, d’en reproduire la fixation.

Afin d’assurer la conformité au TOIEP, le projet de loi élargit les droits voisins des artistes-interprètes indiqués dans la Loi. L’article 8 du projet de loi commence à établir les parties importantes des nouveaux droits accordés aux artistes-interprètes relativement à leurs prestations. Le paragraphe 15(1.1) est ajouté à la Loi pour donner aux artistes-interprètes un droit d’auteur plus complet sur leur prestation dans un enregistrement sonore(5), avec des droits supplémentaires d’effectuer le premier transfert de propriété de l’enregistrement sonore et de le mettre à la disposition du public sur demande. Ces droits ne s’appliqueront qu’aux prestations effectuées au Canada, par des Canadiens ou par des ressortissants de pays qui ont ratifié le TOIEP. Les droits moindres accordés par le paragraphe 15(1) actuel continueront à s’appliquer aux ressortissants de pays qui n’ont pas ratifié le TOIEP.

L’article 9 du projet de loi accorde aux artistes-interprètes un droit moral correspondant à leur prestation, mais seulement pour les prestations sonores exécutées en direct ou les enregistrements sonores. Les droits moraux permettront à l’artiste-interprète d’exercer un pouvoir sur l’intégrité de sa prestation et lui donneront le droit d’être associé à la prestation ou de demeurer anonyme. Comme les autres droits moraux, les droits moraux prévus par le projet de loi sont incessibles, mais susceptibles de renonciation. Dans le projet de loi, les nouveaux droits moraux d’un artiste-interprète ne sont pas rétroactifs. Le projet de loi permet la dévolution des droits moraux, au décès de l’artiste-interprète, de la même façon que l’auteur d’une œuvre transmet ses droits moraux. Les articles 16 et 17 du projet de loi apportent des modifications corrélatives pour ajouter les nouveaux droits moraux aux articles généraux sur la violation du droit d’auteur de la Loi.

L’article 10 du projet de loi apporte d’autres modifications nécessaires à la conformité au TOIEP, cette fois en ce qui concerne les producteurs d’enregistrements sonores. La Loi actuelle donne aux producteurs d’enregistrements sonores le droit de publier, de reproduire et de louer leurs enregistrements. Le nouveau paragraphe 18(1.1) prévoit que le droit d’auteur d’un producteur d’enregistrements sonores comprend le droit exclusif du premier transfert de propriété sous une forme tangible, et de mettre l’enregistrement sonore à la disposition du public. En vertu du paragraphe 18(2.1), ces nouveaux droits ne s’appliquent qu’aux Canadiens et aux citoyens ou résidents d’un pays signataire du TOIEP. Le nouveau paragraphe 18(2) ajoute les pays parties au TOIEP aux pays dans lesquels les droits de protection du droit d’auteur existants pour les enregistrements sonores sont accordés.

En vertu du paragraphe 19(1) de la Loi, l’artiste-interprète ou le producteur d’un enregistrement sonore a le droit d’être rémunéré pour une prestation publique ou pour sa communication au public par télécommunication (p. ex. une diffusion radiophonique). L’article 11 du projet de loi modifie ce paragraphe en faisant une exception pour le droit de « mise à disposition » visé aux nouveaux paragraphes 15(1.1) et 18(1.1), mentionnés ci-dessus, et exempte le droit de mise à disposition de la rémunération équitable.

L’article 13 du projet de loi modifie les paragraphes 23(1) à (3) de la Loi pour fixer la durée du droit d’auteur pour une prestation à 50 ans après la fin de l’année civile durant laquelle la prestation a lieu, sauf dans le cas où un enregistrement sonore est fixé ou publié avant l’expiration du droit d’auteur, auquel cas il se poursuit durant 50 ans après la fin de l’année civile durant laquelle la première fixation ou publication a lieu. Pour les signaux de communication, la durée du droit d’auteur est fixée à 50 ans après la fin de l’année civile durant laquelle le signal a été diffusé.

2. Droit de mise à disposition sur demande et droit de première distribution d’une œuvre sous une forme tangible

En vertu de la Loi, le titulaire du droit d’auteur a le droit exclusif de communiquer son œuvre au public. L’article 2 du projet de loi modifie la définition de communication au public donnée à l’alinéa 2.4(1)a) de la Loi pour inclure la mise à disposition de l’œuvre d’une façon qui permet au public d’y avoir accès sur demande. Ce changement est nécessaire pour permettre la ratification par le Canada du TODA et du TOIEP, et sert également à infirmer la décision BMG de la Cour fédérale du Canada, selon laquelle le simple fait de mettre un fichier à disposition dans un dossier commun sur un ordinateur ne constitue pas une communication au public.

En ce qui concerne ce changement, l’article 15 du projet de loi modifie l’article 27 de la Loi en ajoutant un nouveau paragraphe 27(2.1) sur la violation à une étape ultérieure. Ce paragraphe dispose que le fait qu’une personne vende, loue, distribue ou communique une œuvre au public et qu’elle sache, ou doive savoir, que la copie a été faite à des fins privées conformément au paragraphe 80(1) de la Loi constitue une violation du droit d’auteur. Le nouveau paragraphe 27(2.2) établit un régime similaire pour les leçons telles qu’elles sont définies à l’article 30.01 de la Loi.

De plus, le TOIEP exige que l’on accorde aux artistes-interprètes et aux autres titulaires de droit d’auteur le premier droit de distribution de leur matériel sous une forme tangible. L’article 3 du projet de loi modifie le paragraphe 3(1) de la Loi afin de donner ce droit supplémentaire aux titulaires de droit d’auteur. Ce nouveau droit sert à renforcer le droit de distribution existant et à mettre le Canada sur le même pied que les pays dotés d’un régime de droit d’auteur dans lesquels le droit de première distribution est assimilé au droit de vendre la copie originale sous sa forme tangible.

B. Mesures de protection techniques et gestion des droits numériques

L’article premier du projet de loi ajoute les définitions d’« information sur le régime des droits » et de « mesure technique » à la Loi. Ces modifications définissent la portée des nouveaux articles de la Loi qui interdisent le contournement du cryptage et des mesures techniques relatives à l’information sur le régime des droits intégrés dans les médias ou les enregistrements sonores. Les deux termes se rapportent aux mesures de protection du droit d’auteur : une « mesure technique » est intégrée dans une copie physique d’une œuvre – par exemple un DVD ou un CD – pour empêcher la violation du droit d’auteur; « l’information sur le régime des droits » est jointe ou intégrée à toute forme de média numérique, et réglemente (mais n’interdit pas nécessairement) les utilisations de l’œuvre.

L’article 27 du projet de loi ajoute l’article clé sur l’information sur le régime des droits sous forme électronique. Le nouvel article 34.01 permet au titulaire du droit d’auteur de poursuivre pour violation du droit d’auteur toute personne qui, sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur, « supprime ou modifie sciemment toute information sur le régime des droits sous forme électronique qui est jointe ou intégrée à toute forme tangible de l’œuvre, à la prestation ou à l’enregistrement sonore ». La personne ne sera tenue responsable que si la suppression de cette information est reliée à la communication de l’œuvre au public par télécommunication, lorsqu’elle sait ou devrait savoir que cet acte aura pour effet de faciliter la violation du droit d’auteur.

Les personnes qui par la suite vendent, louent, communiquent, distribuent ou importent au Canada des œuvres protégées par le droit d’auteur lorsque l’information sur le régime des droits sous forme électronique a été supprimée sont également responsables de la violation du droit d’auteur.

Le nouveau paragraphe 34.02(1) apporte les mêmes interdictions à la suppression d’une mesure technique protégeant toute forme tangible de l’œuvre. Ce paragraphe empêche la suppression d’une mesure technique intégrée dans un CD ou un DVD, y compris la suppression d’une mesure technique afin de faciliter la copie privée en vertu de l’article 80 de la Loi. Le paragraphe 80(1) de la Loi donne aux consommateurs le droit de faire des copies d’enregistrements musicaux pour utilisation personnelle, par exemple en convertissant des CD en MP3 afin de pouvoir les écouter sur des I-pods sans avoir à payer deux fois la même chanson. La règle anti-contournement prévue au paragraphe 34.02(1) semble rendre le droit de faire des copies personnelles en vertu du paragraphe 80(1) pratiquement inutile, car il est probable que tous les CD et DVD futurs seront protégés par des mesures techniques.

La vente, la location, la distribution ou l’importation subséquente d’une œuvre de laquelle les mesures de protection techniques ont été supprimées constitue également une violation du droit d’auteur.

C. Droit d’auteur et photographie

Les photographes sont traités différemment des autres artistes sous le régime de la Loi : la personne qui prend la photographie n’est souvent pas considérée comme l’auteur de son œuvre. En vertu de l’actuel article 10 de la Loi, le détenteur du négatif initial d’une photographie est l’auteur de la photographie. Par exemple, si un touriste demande à une personne de prendre une photographie de sa famille pendant les vacances, le touriste, en tant que propriétaire du film, possède le droit d’auteur de la photographie. Le paragraphe 13(2) dispose que si la photographie est commandée, le premier titulaire du droit d’auteur est la personne qui commande la photographie, à moins de stipulation contraire.

On justifie habituellement le traitement différent des photographies en disant que les personnes qui commandent des photographies à des fins purement personnelles (comme un souvenir de mariage) devraient, par défaut, avoir le contrôle de ces photographies. On pensait que de telles mesures assureraient la protection de la vie privée et empêcheraient les photographes d’avoir le contrôle des photographies prises lors d’événements uniques. De plus, les agences de presse voulaient également avoir le contrôle des photographies prises par les photographes à la pige.

Les articles 5 et 6 du projet de loi abrogent l’article 10 et le paragraphe 13(2) de la Loi, en assujettissant les photographies aux mêmes règles que les autres œuvres artistiques.

Bien que la différence de traitement des photographies soit en grande partie supprimée, l’article 21 du projet de loi ajoute une disposition restrictive, donnant aux personnes qui ont commandé une photographie à des fins personnelles le droit de l’utiliser à des fins non commerciales, à moins d’entente à l’effet contraire.

D. Responsabilité des fournisseurs de service Internet et cadre législatif « avis et avis »

L’article 20 du projet de loi modifie les articles de la Loi sur la retransmission pour y inclure la fourniture de services réseau. Le nouvel article 31.1 précise que les FSI ne sont pas responsables de la violation du droit d’auteur du seul fait qu’ils fournissent le réseau de communication qui permet à une telle violation d’avoir lieu. De fait, cette disposition codifie l’interprétation judiciaire de la responsabilité des FSI donnée dans l’affaire Tarif 22, mentionnée précédemment. Cette exemption comprend la mise en antémémoire d’un enregistrement ou la fourniture d’une mémoire numérique. Pour se prévaloir de l’exemption relative à la mise en antémémoire, les FSI ne doivent pas modifier le contenu, doivent respecter toutes les restrictions établies par la personne qui a affiché le contenu et ne doivent pas entraver l’obtention licite des données concernant l’utilisation.

Le projet de loi prévoit une autre exemption à la violation du droit d’auteur pour une personne qui héberge par mégarde le contenu sur un réseau en fournissant une mémoire numérique dans laquelle une autre personne entrepose du matériel qui viole le droit d’auteur (par. 31.1(4)). L’immunité ne s’applique pas si la personne qui héberge le contenu sait qu’un tribunal compétent a rendu une décision judiciaire selon laquelle le client qui a stocké le contenu viole le droit d’auteur.

L’article 29 du projet de loi crée le régime « avis et avis », sous lequel les titulaires de droit d’auteur informent les FSI de la présence de contrefacteurs sur leur réseau. Ce régime diffère du régime « avis et retrait » établi aux États-Unis, qui exige que le FSI enlève le contenu chaque fois qu’une violation du droit d’auteur est alléguée, sans ordonnance d’un tribunal. Le système d’avis et retrait avait été envisagé dans le Rapport intérimaire sur la réforme du droit d’auteur de mai 2004, mais rejeté en raison des dangers qu’il posait pour les libertés civiles.

Sous le régime avis et avis, le titulaire d’un droit d’auteur envoie un avis écrit de la prétendue violation au FSI ou au fournisseur de mémoire numérique ou de moteur de recherche. L’avis doit indiquer les renseignements pertinents au sujet du titulaire du droit d’auteur, de l’œuvre protégée par le droit d’auteur, de son emplacement sur le réseau et de la présumée violation. Le FSI a le droit d’exiger des droits (que le Ministre fixe par règlement) pour chaque avis qu’il reçoit, après quoi le FSI est tenu de transmettre l’avis par voie électronique au violateur. Le FSI doit également conserver, durant six mois après la réception de l’avis de violation prétendue, tous les dossiers permettant de déterminer l’identité et le lieu électronique du violateur prétendu. Si le titulaire du droit d’auteur entame des poursuites judiciaires contre la personne, la période de rétention des données s’étend à une année complète.

Un FSI qui ne transmet pas l’avis à son client peut devoir verser des dommages-intérêts jusqu’à concurrence de 5 000 $. S’il omet de conserver les renseignements sur le violateur, il peut devoir verser des dommages-intérêts jusqu’à concurrence de 10 000 $. Cependant, le FSI ne peut être tenu responsable de la violation du droit d’auteur de ses clients.

Le titulaire d’un droit d’auteur a l’injonction pour unique recours contre un moteur de recherche qui met en antémémoire du matériel qui viole le droit d’auteur sur son système et il ne peut réclamer de dommages-intérêts. Cependant, cette disposition ne vaut que si le moteur de recherche ne prend pas un certain nombre de mesures énumérées qui permettraient la violation du droit d’auteur.

E. Reproduction numérique d’œuvres protégées par le droit d’auteur

1. Établissements d’enseignement

L’article 18 du projet de loi ajoute aux exemptions pédagogiques de la Loi un nouvel article sur les leçons. L’article définit la « leçon » et dispose que la communication d’une leçon aux étudiants inscrits à un cours par un établissement d’enseignement ou par une personne qui agit sous son autorité ne constitue pas une violation du droit d’auteur. Cependant, la leçon ne peut pas contenir de matériel qui viole le droit d’auteur. L’établissement d’enseignement ne peut communiquer la leçon après la fin du cours et doit détruire toute fixation dans les 30 jours suivant la fin du cours. Il doit prendre des mesures pour empêcher la distribution du matériel numérique protégé par le droit d’auteur et tenir des registres des dates auxquelles la leçon a été enregistrée et détruite.

Le nouveau paragraphe 30.02(1) permet à un établissement d’enseignement de conclure une entente avec une société de gestion des droits d’auteur. Dans le cadre d’une telle entente, l’établissement peut faire des copies numériques d’œuvres dans le répertoire de la société de gestion des droits d’auteur et les communiquer à ses étudiants à des fins pédagogiques sans violer le droit d’auteur. L’établissement doit verser la même redevance pour la copie numérique que pour une copie imprimée, avec, si possible, les mêmes modalités de licence qui s’appliqueraient à une copie imprimée. L’établissement d’enseignement doit prendre des mesures pour empêcher la reproduction de la version numérique de l’œuvre. Les titulaires de droit d’auteur ont la possibilité de refuser d’appartenir à la société de gestion des droits d’auteur.

Le montant maximum qui peut être réclamé d’un établissement d’enseignement qui viole le droit d’auteur en copiant à l’extérieur du répertoire de la société de gestion des droits d’auteur est la redevance due. Autrement dit, les établissements d’enseignement ne sont pas passibles de dommages-intérêts légaux. De plus, le titulaire d’un droit d’auteur n’a pas le droit de poursuivre un étudiant qui a fait une seule copie de l’œuvre si l’étudiant ne savait pas que la distribution violait le droit d’auteur.

2. Bibliothèques

L’article 19 du projet de loi libéralise, dans une certaine mesure, la distribution de copies numériques d’une œuvre protégée par le droit d’auteur aux usagers des bibliothèques. En vertu des dispositions actuelles de la Loi, les bibliothèques n’ont le droit de fournir que la copie imprimée d’une œuvre, ce qui complique la transmission des collections des bibliothèques dans les endroits éloignés. En vertu du projet de loi, une bibliothèque peut envoyer aux usagers une copie numérique d’une œuvre, à condition de prendre des mesures raisonnables pour empêcher les reproductions numériques et qu’elle soit convaincue que le destinataire n’utilisera pas la copie à d’autres fins que la recherche ou l’étude privée.

F. Modifications corrélatives ou rédactionnelles à la Loi et mesures transitoires

Le projet de loi contient une série d’articles qui apportent des modifications corrélatives et rédactionnelles à la Loi. Dans de nombreux cas, ces articles ne font que mettre à jour la Loi afin d’appliquer les modifications importantes indiquées précédemment.

  • L’article premier du projet de loi modifie la définition de « droits moraux » pour y inclure de nouveaux droits moraux accordés aux artistes-interprètes pour leurs prestations.
  • L’article 7 est une modification rédactionnelle modifiant le titre de la partie II de la Loi, qui traite des droits des artistes-interprètes.
  • L’article 12 apporte une modification rédactionnelle aux paragraphes 22(1) et (2) de la Loi.
  • L’article 14 est rédactionnel et modifie le titre de la partie III de la Loi.
  • Les articles 22, 23 et 24 mettent en place un régime pour indemniser une personne qui a fait un investissement dans une œuvre qui par la suite obtient des droits après l’adoption du projet de loi ou quand un pays devient un « pays signataire ». L’article 22 traite du droit d’auteur et du droit moral des artistes-interprètes et du droit d’auteur pour les enregistrements sonores. L’article 23 s’applique aux pays qui deviennent des pays signataires (sauf les pays parties au TODA). L’article 24 s’applique aux pays signataires qui deviennent parties au TODA (art. 33.1) et aux pays non signataires qui deviennent parties au TODA (art. 33.2).
  • L’article 25 apporte une modification rédactionnelle à l’intertitre « Recours civils » de la Loi.
  • L’article 26 est une modification rédactionnelle qui découle de la définition modifiée de « droits moraux » qui est énoncée à l’article premier du projet de loi.
  • L’article 28 apporte des modifications rédactionnelles pour indiquer clairement que la présomption de droit d’auteur s’applique aux procédures civiles engagées sous le régime de la Loi.
  • L’article 30 apporte des modifications corrélatives au paragraphe 58(1) de la Loi pour inclure les pays parties au TOIEP dans le régime de droit d’auteur.
  • L’article 31 modifie les alinéas 62(1)a) et b) afin de permettre au gouverneur en conseil d’adopter des règlements pour mettre en application les nouvelles parties et les nouveaux droits ajoutés à la Loi.
  • L’article 32 modifie les alinéas 70.1a.1) et b) de la Loi afin de permettre un régime d’octroi de licences pour les droits élargis relatifs aux prestations.
  • L’article 33 permet à la Commission du droit d’auteur de déterminer les indemnités relatives aux droits des artistes-interprètes et des artistes-interprètes étrangers.
  • L’article 34 dispose qu’il n’y a pas de remise en vigueur du droit d’auteur pour les photographies, et les nouveaux articles sur la photographie ne sont pas rétroactifs. Dans les cas où une société est considérée comme l’auteur d’une photographie, le droit d’auteur de la photographie s’étend à la vie de la personne qui a pris la photographie. Les articles sur les photographies commandées ne sont pas rétroactifs, ce qui signifie que les anciennes règles s’appliquent à la paternité des photographies prises avant l’entrée en vigueur du projet de loi.

Le projet de loi entre en vigueur à la date fixée par décret, sauf dans le cas de l’article 30.02 (l’exemption éducative), qui entre en vigueur quand la Loi reçoit la sanction royale ou le 31 décembre 2006, si cette dernière date est postérieure.

Commentaire

Le projet de loi C-60 est l’aboutissement de diverses recommandations de plusieurs études, dont Stimuler la culture et l’innovation : Rapport sur les dispositions et l’application de la Loi sur le droit d’auteur (2002; « le rapport prévu à l’article 92 »), le Rapport d’étape sur la réforme du droit d’auteur (mars 2004), le Rapport intérimaire sur la réforme du droit d’auteur (mai 2004) et la Réponse du gouvernement au Rapport intérimaire sur la réforme du droit d’auteur de mai 2004 du Comité permanent du patrimoine canadien (mars 2005).

Bien que ces études aient relevé beaucoup de points communs dans les questions qui devront être traitées dans la future loi, elles ont parfois présenté des approches différentes de ces questions. Les points communs comprennent le besoin de mettre à jour et de moderniser la Loi sur le droit d’auteur afin de mieux tenir compte du droit d’auteur à l’ère numérique, et le besoin d’apporter des modifications à la Loi pour mettre en application les traités de l’OMPI. De plus, le Rapport intérimaire sur la réforme du droit d’auteur du Comité du patrimoine recommande des modifications à la façon dont les photographies sont traitées en vertu de la Loi,et le projet de loi les met en application.

Comme les études précédentes des questions du droit d’auteur l’ont démontré, les photographies reçoivent actuellement un traitement inéquitable sous le régime de la Loi. Bien que les photographies soient assujetties au droit d’auteur, la paternité et la propriété d’une œuvre peuvent souvent être conférées à une partie qui n’est pas le créateur réel de la photographie. C’est le cas pour les photographies commandées, où la personne qui commande l’œuvre plutôt que le photographe est considérée comme l’auteur. De plus, la durée de protection offerte aux photographies est fréquemment plus courte que celle des autres œuvres artistiques.

En vertu des modifications proposées et ainsi que l’a recommandé le Comité du patrimoine, le photographe est considéré comme l’auteur de ses photographies, et la durée de protection des œuvres photographiques est la vie de l’auteur, plus 50 ans. Cette modification accorde aux photographes les mêmes droits de paternité qu’aux autres créateurs. Le premier titulaire du droit d’auteur des photographies commandées est maintenant le photographe, mais les personnes qui commandent une photographie à des fins personnelles ou domestiques peuvent, à moins d’entente contraire, utiliser cette photographie à des fins personnelles et non commerciales.

Les recommandations contenues dans le Rapport intérimaire sur la réforme du droit d’auteur du Comité du patrimoine ne sont pas toutes prises en compte dans les propositions de modification de la Loi présentées par le gouvernement. Par exemple, bien que le projet de loi propose plusieurs mesures de protection du droit d’auteur requises pour la mise en application des deux traités de l’OMPI et clarifie la responsabilité des FSI concernant le droit d’auteur dans le cadre de leurs seules activités d’intermédiaires – ces deux points sont abordés dans le Rapport intérimaire –, le projet de loi ne va pas jusqu’à appuyer le point de vue du Comité selon lequel les FSI devraient être tenus d’enlever immédiatement le matériel illicite ou d’en bloquer l’accès sur avis du titulaire du droit d’auteur.

Le projet de loi propose plutôt qu’un FSI, lorsqu’il reçoit avis d’un titulaire de droits qu’un de ses abonnés hébergerait ou communiquerait du matériel illicite, doive transmettre cet avis à l’abonné. Le blocage de l’accès à un tel matériel n’est exigé que sur ordonnance d’un tribunal. En vertu des modifications proposées, les FSI ne violent pas le droit d’auteur lorsqu’ils fournissent simplement aux utilisateurs le moyen de transmettre du matériel protégé par le droit d’auteur.

A. Utilisation de matériel Internet à des fins pédagogiques

De même, en ce qui concerne l’utilisation de matériel Internet à des fins pédagogiques, les modifications proposées par le projet de loi ne correspondent pas à l’approche du Comité du patrimoine. Le Comité recommandait que le matériel Internet soit mis à la disposition des établissements d’enseignement selon un régime de droits de licence, mais le gouvernement était d’avis que cette question exige une consultation du public et un examen plus approfondis. Il a donc refusé pour l’instant d’adopter la recommandation du Comité ou d’inclure la question au nombre de celles qui font l’objet du projet de loi.

B. Apprentissage assisté par la technologie

La Loi prévoit actuellement des exemptions particulières qui permettent aux établissements d’enseignement, de la maternelle au postsecondaire, de reproduire du matériel protégé par le droit d’auteur afin de faciliter l’apprentissage. Les exemptions indiquent les circonstances dans lesquelles ce matériel peut être reproduit légalement.

Cependant, plusieurs des exemptions liées à l’enseignement ne s’appliquent pas lorsque des technologies d’information et de communication sont utilisées afin élargir la portée de la salle de classe au-delà de ses limites physiques, comme dans le cas de la formation à distance ou de l’accès à des médias d’enseignement modernes, que ce soit sur le campus ou en dehors de la salle de cours.

Par conséquent, afin de faciliter l’utilisation de l’Internet à des fins pédagogiques, les modifications proposées permettent aux établissements d’enseignement d’utiliser l’Internet pour diffuser de l’enseignement et du matériel de cours aux étudiants à distance, c’est-à-dire à l’extérieur de la salle de classe. Il s’agit, selon la terminologie du projet de loi, de « leçons » « communiquées par télécommunication ».

Les établissements d’enseignement doivent adopter des mesures raisonnables pour s’assurer que le matériel protégé par le droit d’auteur n’est pas mal utilisé. De plus, toutes les leçons communiquées par télécommunication sont sujettes à des restrictions strictes. Une fois le cours terminé, la leçon ne peut être communiquée par télécommunication; autrement dit, elle ne peut être utilisée à nouveau de cette façon. Par ailleurs, les établissements d’enseignement doivent détruire la leçon dans les 30 jours suivant la fin du cours et ont l’obligation de tenir des dossiers qui identifient la leçon et qui indiquent les dates auxquelles elle a été placée sur un support matériel et finalement détruite. Ces dossiers doivent être conservés durant trois ans pour chaque cours communiqué par télécommunication.

Ces modifications proposées ne correspondent pas à la recommandation du Comité voulant que la Loi soit modifiée afin d’instaurer des licences obligatoires pour l’apprentissage assisté par la technologie.

C. Prêts entre bibliothèques

Le Comité et le gouvernement ne s’entendent pas non plus sur la façon d’aborder la question des prêts entre bibliothèques. Le réseau de prêts entre bibliothèques permet aux bibliothèques et aux usagers d’obtenir auprès d’autres bibliothèques des articles qui ne se trouvent pas dans une bibliothèque. En plus de donner aux usagers un meilleur accès au matériel des bibliothèques en général, les prêts entre bibliothèques appuient et facilitent les études et les recherches particulières des usagers des bibliothèques de l’ensemble du Canada et de partout dans le monde. Cette dernière activité se limite principalement aux universités et aux bibliothèques et établissements de recherche.

L’article 30.2 de la Loi permet actuellement à une bibliothèque de faire une copie de certains articles de périodiques pour un usager à des fins de recherche ou d’étude privée. Cet article s’applique à tous les articles publiés dans un périodique savant, scientifique ou technique et aux articles d’autres périodiques publiés depuis plus d’un an. L’article permet en outre à une bibliothèque d’envoyer une copie d’un tel article à une autre bibliothèque afin de répondre à une demande faite par un usager de cette autre bibliothèque. La copie peut être envoyée sous forme électronique à la bibliothèque qui en fait la demande. Cependant, la Loi dispose que l’usager de l’autre bibliothèque ne doit pas recevoir la copie sous forme numérique, mais une seule copie imprimée de l’article demandé.

Les titulaires de droits d’auteur se sont dits préoccupés par le fait que la diffusion électronique de matériel protégé par le droit d’auteur aux usagers des bibliothèques nuira à l’industrie de l’édition et entraînera une perte de revenu. Ils sont également préoccupés par le fait que la diffusion numérique de leurs œuvres entraînera une perte de contrôle sur la diffusion subséquente de leur matériel.

Par conséquent, le Comité a encouragé l’autorisation de la diffusion électronique du matériel protégé par le droit d’auteur directement par les titulaires de droits pour assurer la diffusion électronique ordonnée et efficace de ce matériel aux usagers des bibliothèques à des fins de recherche ou d’étude privée. Le Comité a indiqué en outre que, le cas échéant, il faudrait également envisager l’instauration d’un régime étendu de licences collectives.

Indépendamment du point de vue du comité, les modifications proposées à la Loi permettent la livraison électronique sécurisée de certains matériels protégés par le droit d’auteur directement à l’usager, à condition que des mesures de protection efficaces soient mises en place pour empêcher la mauvaise utilisation du matériel ou du système de prêts entre bibliothèques. Ces mesures de protection comprennent le fait de limiter la communication et la reproduction ultérieures des fichiers numériques et l’utilisation des fichiers numériques à une période qui ne dépasse pas sept jours.

D. Copie privée

Le gouvernement a déclaré que la question de la copie privée exigeait une étude beaucoup plus approfondie et serait abordée au cours des consultations sur les questions à moyen terme. La Loi prévoit actuellement une exemption au droit d’auteur qui permet de faire une copie d’un enregistrement sonore pour usage privé(6). Elle prévoit de plus le paiement d’une redevance par les fabricants et les importateurs de supports d’enregistrement sonore vierges.

Cela signifie qu’une personne qui achète un CD de musique peut faire une copie de cette musique sur un CD vierge ou une cassette vierge pour usage privé non commercial. Habituellement, cette situation se présente quand une personne achète un CD de musique puis en fait une copie pour l’écouter sur un autre appareil, comme un lecteur de cassettes ou un autre lecteur de disques compacts. La redevance payée par les fabricants et les importateurs de supports d’enregistrement sonore vierges vise à indemniser les titulaires de droits d’auteur de la perte d’un paiement de la redevance qu’ils auraient sans cela le droit de toucher pour la copie de leur œuvre.

Cependant, l’arrivée de nouvelles technologies numériques comme les lecteurs MP3 et les programmes informatiques qui permettent de copier, de télécharger et de transférer facilement des fichiers audio soulève des préoccupations particulières. Avant l’ère numérique, le processus de copie de la musique d’un CD vers une cassette prenait beaucoup de temps et en général ne permettait de faire qu’une copie à la fois, ce qui faisait que la création de copies multiples était une activité longue et fastidieuse. De plus, avec le temps et les lectures répétées, la qualité sonore du ruban des cassettes se détériorait.

Les copies numériques présentent peu de ces problèmes. La création et la diffusion de copies multiples d’un fichier sont un processus simple. Par exemple, il est très facile d’envoyer un courriel à de multiples destinataires, qui peuvent ensuite le transmettre à leur tour à d’autres destinataires, et ainsi de suite, et tout cela sans perte d’information.

Le régime de copie privée de la Loi sur le droit d’auteur de1997 ne pouvait pas tenir compte de la facilité avec laquelle les fichiers musicaux peuvent maintenant être copiés et transférés à l’aide de programmes de partage de fichiers poste à poste comme Napster, KaZaa et BitTorrent, ni du nombre de transferts, autant d’occasions où le titulaire du droit d’auteur ne touche pas de redevances.

Bien que le gouvernement ait décidé de classer la question de la copie privée au nombre des questions dont l’étude est prévue à moyen terme, la question connexe du partage des fichiers est abordée directement dans les dispositions sur le droit de « mise à disposition », un des éléments principaux des modifications proposées à la Loi. Cette disposition fait que les producteurs d’enregistrements sonores et les artistes-interprètes ont le droit de contrôler la mise à disposition de leur matériel sur l’Internet. Le projet de loi rend illégal pour toute autre personne que le titulaire du droit d’auteur de placer un fichier musical dans un dossier partagé sur un ordinateur auquel d’autres utilisateurs d’un programme de partage de fichiers ont accès. Il sera donc illégal pour quiconque, sauf le titulaire du droit d’auteur sur ce matériel, de télécharger en amont des fichiers musicaux dans des répertoires partagés en ligne, par exemple au moyen de KaZaa ou de BitTorrent. Le téléchargement en aval de fichiers musicaux pour usage personnel et non commercial demeure légal sous le régime du projet de loi.

Par ailleurs, les modifications proposées disposent que l’altération des mesures de protection techniques destinées à empêcher la violation du droit d’auteur constitue en soi une violation du droit d’auteur. Autrement dit, le déplombage des sceaux de protection du droit d’auteur sur des CD ou des DVD et le contournement des mesures visant à empêcher la copie non autorisée d’enregistrements sonores ou de films sont illégaux.

Les questions relatives au droit d’auteur retiennent beaucoup l’attention des divers groupes d’intérêts chaque fois que des modifications à la Loi sont discutées ou proposées, et le projet de loi C-60 ne fait pas exception : les groupes représentant les créateurs d’œuvres protégées par le droit d’auteur et les utilisateurs de ces œuvres réagissent de façon très différente aux modifications proposées.

Les commentateurs et les journalistes préconisent généralement d’apporter à la Loi sur le droit d’auteur les modifications qui permettront au Canada de ratifier enfin les deux traités de l’OMPI signés en 1997. De plus, peu de gens contestent la nécessité de mettre la Loi à jour pour l’adapter à l’évolution des technologies. Cependant, certains se demandent si on ne va pas un peu trop vite en voulant faire adopter le projet de loi sans une discussion complète des enjeux et proposent que le projet de loi fasse pencher la balance en faveur des créateurs aux dépens de ceux qui désirent avoir accès aux œuvres.

La couverture médiatique a principalement porté sur les questions du partage des fichiers et de la responsabilité des FSI, en accordant une certaine attention aux questions d’accès pour l’enseignement et les bibliothèques(7).

E. Partage de fichiers pour la « mise à disposition » et responsabilité des fournisseurs de service Internet

L’industrie du divertissement considère en général que les modifications proposées sont un pas dans la bonne direction, notamment pour ce qui est des mesures de « mise à disposition » qui traitent du partage des fichiers. L’industrie de la musique a fait du lobbying auprès du Parlement durant plusieurs années et soutenu que le partage des fichiers était à l’origine de la diminution des ventes et des profits. Graham Henderson, président de l’Association de l’industrie canadienne de l’enregistrement (AICE), serait « enchanté » des modifications proposées « puisque l’industrie a subi une “baisse considérable” de ses revenus à cause du partage des fichiers. [Henderson] affirme que le partage des fichiers musicaux a fait disparaître environ 40 p. 100 du marché, soit quelque 506 millions de dollars depuis cinq ans. »(8)

Bien qu’elle soit satisfaite du progrès réalisé sur le partage des fichiers, l’AICE croit que les modifications ne vont pas aussi loin qu’elles le devraient en ce qui concerne la responsabilité des FSI concernant la transmission de matériel protégé par le droit d’auteur sur leurs réseaux et qu’elles n’assurent pas une protection suffisante contre les pirates qui cherchent à déplomber les verrous numériques des CD et DVD(9). Plutôt que le régime « avis et avis » proposé dans le projet de loi C-60, l’AICE préférerait le régime « avis et retrait » de la Digital Millennium Copyright Act de 1998 des États-Unis, qui exige des sites Web qu’ils retirent le matériel soupçonné d’être contrefait sous peine de poursuites.

Ces sentiments sont partagés par l’Association canadienne des distributeurs de films (ACDF), qui est particulièrement déçue des mesures anti-contournement du projet de loi. La question du piratage revêt une importance considérable pour l’ACDF et les développeurs de jeux d’ordinateur. Ces organismes préféreraient que le régime plus strict « avis et retrait » s’applique à la responsabilité des FSI dans les cas de piratage potentiel, ainsi que des pénalités précises et suffisantes pour les personnes qui trafiquent les dispositifs anti-contournement pour contrecarrer les verrous numériques des CD et des DVD.

Par contre, l’Association canadienne des télécommunications par câble (ACTC) est « très heureuse » des propositions concernant la responsabilité des FSI et du régime de plainte « avis et avis »(10). Jay Kerr-Wilson, vice-président des affaires juridiques de l’ACTC, aurait déclaré : « Nous croyons que cela crée un juste équilibre entre les droits des titulaires de droits d’auteur et le fardeau imposé aux FSI. Nous voulons donc conserver la large exemption sur la responsabilité et le système “avis et avis” actuellement proposés dans le projet de loi. »(11)

Pour sa part, la Canadian Advanced Technology Alliance aimerait que le projet de loi soit amendé de façon à pénaliser ceux qui déposent des avis illicites de violation du droit d’auteur : « Sans ce moyen de dissuasion, il pourrait y avoir des plaintes frivoles. Il faut intégrer des contrôles, ce qui représente un changement assez simple – il ne s’agit pas d’une modification majeure de la loi. »(12)

D’un point de vue plus général, certains contestent la nécessité d’une réponse législative au problème du partage des fichiers à la lumière de l’affaire BMG Canada Inc. c. John Doe, qui semble avoir précisé l’illégalité du téléchargement en amont des chansons. Selon un commentateur, comme le droit concernant cette question a été établi par les tribunaux, il n’est pas vraiment nécessaire de présenter maintenant un projet de loi sur cette question. Plutôt que d’apporter des modifications qui pourraient ne pas être nécessaires, il vaudrait mieux tenir d’autres consultations plus complètes sur des questions comme les dommages-intérêts obligatoires prévus par la loi et le régime de redevances pour la copie privée(13).

D’autres se demandent si les modifications ne finiront pas par « punir les utilisateurs légitimes de matériel protégé par le droit d’auteur sans vraiment gêner le partage illégal des fichiers »(14). Un éditorial rappelle qu’un des éléments de l’équilibre en matière de droit d’auteur qui existe entre les créateurs et les utilisateurs est le droit légal établi de longue date d’utiliser des produits qui ont été achetés légitimement. Cette utilisation « équitable » peut, par exemple, inclure des auteurs citant une petite partie d’une source protégée par le droit d’auteur ou des étudiants faisant des enregistrements sonores de différents orchestres jouant la même symphonie dans le cadre d’un travail scolaire. Cette utilisation de « petites parties de matériel protégé par le droit d’auteur est essentielle à l’éducation, à l’art et au débat public »(15) et est permise par la Loi à titre d’exemption à la violation du droit d’auteur.

La Loi actuelle permet la copie d’enregistrements sonores musicaux pour usage privé non commercial, et les modifications proposées la permettent aussi. Cependant, les modifications proposées rendent illégal le contournement des mesures de protection techniques. Par conséquent, il pourrait être possible pour le titulaire de droits d’auteur d’un enregistrement sonore musical de recourir à des mesures de protection techniques afin d’empêcher l’utilisation légale et légitime du matériel.

Certains doutent que les mesures visant à contrer le partage des fichiers atteindront vraiment cet objectif, puisque le partage de fichiers continue de prospérer aux États-Unis malgré les protections du droit d’auteur beaucoup plus fortes de la Digital Millennium Copyright Act. Cette situation pourrait démontrer que ceux qui désirent contourner la protection accordée par le droit d’auteur continueront de le faire malgré les sanctions juridiques(16).

F. Enjeux pédagogiques

La société de gestion des droits d’auteur Access Copyright, un organisme sans but lucratif créé par des éditeurs et des créateurs pour octroyer des licences d’accès du public aux œuvres protégées par le droit d’auteur, s’est dite préoccupée par les dispositions du projet de loi concernant l’utilisation de matériel numérique à des fins pédagogiques. L’organisme est notamment préoccupé par le fait que l’ajout d’une licence obligatoire pour matériel numérique à une licence facultative pour matériel imprimé pourrait priver le titulaire des droits de la possibilité de choisir : « Nous devons encore faire une analyse juridique beaucoup plus approfondie, mais ce que [les modifications] proposent de mettre en place est un système qui ne permettrait pas aux titulaires de droits de choisir s’ils vont ou non permettre l’utilisation numérique de leurs œuvres ni même d’en déterminer le tarif. Il pourrait même y avoir un énoncé dans la Loi qui fixe le tarif. »(17)

En ce qui concerne l’utilisation du matériel Internet à des fins pédagogiques, les utilisateurs du domaine de l’enseignement ont cherché à obtenir une exemption pour les activités courantes comme le téléchargement, l’enregistrement et le partage du matériel qui est accessible au public sur l’Internet. L’exemption était recherchée afin que ces activités puissent être effectuées sans crainte d’enfreindre par mégarde la Loi sur le droit d’auteur.

Cependant, les ministres du Patrimoine canadien et de l’Industrie ont dit que, comme la problématique est complexe et qu’elle soulève de nombreuses questions difficiles, d’autres consultations s’imposent avant qu’elle puisse faire l’objet d’une mesure législative. Par exemple, quel matériel sur l’Internet peut être considéré « accessible au public » et utilisé sans frais? Bien que l’on s’entende sur le principe voulant que « quand il n’y a pas d’attentes de paiement, il ne devrait pas y avoir d’exigence de payer », il faut encore préciser exactement ce qu’est un « matériel accessible au public »(18). Les consultations sur l’utilisation de matériel Internet à des fins pédagogiques doivent commencer à l’automne 2005.

Ce report du traitement des enjeux pédagogiques et une exemption pour les usagers du secteur de l’enseignement de matériel accessible au public dans les modifications du projet de loi à la Loi ont déçu certains membres du milieu de l’éducation. Chris George, porte-parole du Conseil des ministres de l’Éducation du Canada, a déclaré : « Ils n’ont pas écouté ce que les ministres provinciaux considèrent comme une question prioritaire, c’est-à-dire l’utilisation de l’Internet à des fins pédagogiques. Nous avions demandé que cette question soit abordée dans le projet de loi, mais cela n’a pas été fait. »(19)

Ce point de vue est partagé par la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, dont le conseiller en politiques a déclaré : « Nous avons fait beaucoup de lobbying, et longtemps, sur cette question. Le matériel auquel nous cherchons à avoir accès est celui que l’on peut se procurer librement, sans aucune indication d’attente de paiement. Nous sommes disposés à payer si le matériel est crypté ou si son accès nécessite une carte de crédit, ou s’il y a une autre indication de la part du créateur qu’il exige un paiement. »(20)

Se disant frustré que le gouvernement ne se soit pas occupé de cette question malgré des années de consultations, un conseiller de l’Association des universités et collèges du Canada a déclaré :

Nous nous attendions à ce que le gouvernement aborde l’utilisation de l’Internet à des fins pédagogiques et, comme de nombreuses organisations à caractère éducatif nationales, nous sommes très déçus qu’il ne l’ait pas fait dans cette mesure législative […]

Il y a eu des groupes d’étude, des réunions, des groupes de travail, et Industrie Canada a commandé une étude sur l’apprentissage assisté par la technologie, dont les auteurs se sont penchés sur l’utilisation de l’Internet à des fins pédagogiques et ont appuyé la position prise par les organisations à caractère éducatif, à savoir que ceux qui affichent des œuvres sur l’Internet et qui rendent du matériel accessible au public n’ont aucune attente de rémunération quand ces œuvres sont utilisées à des fins pédagogiques […]

Le gouvernement est-il disposé à s’occuper de cette question?(21)

Un commentateur a fait l’observation suivante :

Le nouveau projet de loi sur le droit d’auteur aurait été préparé en tenant énormément compte du point de vue de filiales canadiennes de sociétés américaines, avec l’appui d’un ambassadeur américain insistant. Il pourrait rendre le partage des fichiers musicaux illégal, mais il est plus probable qu’il va faire enrager le milieu de l’enseignement, qui ne pourra pas photocopier des documents ou en extraire des citations durant une période beaucoup plus longue qu’auparavant, à moins d’être prêt à verser d’abord beaucoup d’argent aux titulaires de leur droit d’auteur.

Même sous le régime de la loi actuelle, il est pratiquement impossible de gagner de l’argent avec les publications savantes. Ce qui est inquiétant, c’est que notre propriété intellectuelle la plus importante pourrait disparaître dans la précipitation à satisfaire le désir des sociétés de tirer des profits toujours plus importants de leur propriété intellectuelle.

Le principe de la protection de la propriété intellectuelle est bon, mais la loi rigoureuse des États-Unis a en fait gravement déséquilibré le rapport entre l’utilisation équitable de la propriété intellectuelle et la rentabilité pour ses titulaires. La loi américaine actuelle favorise tellement les désirs des entreprises que le simple fait de posséder la propriété intellectuelle est devenu une industrie en soi. Il existe maintenant des compagnies détentrices de brevets qui existent à seule fin de gagner autant d’argent que possible en exploitant la propriété qu’elles achètent aux inventeurs originaux.

Quand existe une industrie dont le seul intérêt est d’empêcher les autres d’utiliser certaines technologies ou de gagner beaucoup d’argent en octroyant des licences, elle étouffe le développement au lieu de l’encourager.(22)

D’aucuns affirment que le projet de loi pourrait rendre illégales les activités de moteurs de recherche et d’archiveurs comme Google et d’autres outils de repérage(23).

Le projet de loi définit les outils de repérage comme « tout outil permettant de repérer l’information qui est mise à disposition dans l’Internet ou tout autre réseau numérique ». L’article 29 du projet de loi propose de modifier le paragraphe 40.3(1) de la Loi pour que « le titulaire d’un droit d’auteur sur une œuvre ou tout autre objet du droit d’auteur ne dispose que de l’injonction comme recours contre le fournisseur d’outils de repérage qui viole le droit d’auteur du fait qu’il reproduit l’œuvre ou l’autre objet ou en met une reproduction en antémémoire ».

Cela pourrait impliquer que les outils de repérage violeront le droit d’auteur s’ils archivent tout le matériel protégé par le droit d’auteur, et non seulement le matériel qui viole le droit d’auteur. Une étude attentive du sens et des conséquences du libellé de cette modification s’imposera pour clarifier la question.

Conclusion

On s’attend à ce que le projet de loi C-60 soit examiné par un comité législatif spécial, probablement composé de membres du Comité permanent de l’industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie et du Comité permanent du patrimoine canadien, tous deux de la Chambre des communes. Comme un écrivain l’a expliqué : « Les études de la Loi sur le droit d’auteur sont généralement effectuées par le Comité du patrimoine de la Chambre des communes, mais on s’est inquiété de la possibilité que le comité seul n’effectue pas une étude juste du projet de loi. Le gouvernement a maintenant l’intention de créer un comité législatif spécial – chose rare – qui tiendra compte des points de vue des ministères du Patrimoine canadien et de l’Industrie. »(24) Les intervenants de tous les secteurs concernés par le droit d’auteur promettent de se faire entendre pendant les audiences du comité.

En plus des groupes qui représentent les créateurs de matériel protégé par le droit d’auteur et les utilisateurs de ces œuvres, la Clinique d’intérêt public et de politique d’Internet du Canada cherchera à s’assurer que l’opinion du public sera prise en compte et que l’intérêt public sera protégé : « Une des grandes lacunes de la réforme du droit d’auteur au Canada des 20 dernières années est que l’on ne s’est pas assuré de représenter les Canadiens ordinaires. »(25)

Il reste encore beaucoup de travail à faire. Quelle que soit l’importance des propositions du projet de loi C-60 pour réformer la Loi sur le droit d’auteur, il faut se rappeler que ce projet de loi ne représente que la première de trois étapes de la réforme du droit d’auteur. Les questions abordées dans le projet de loi C-60 sont en grande partie celles que le document Stimuler la culture et l’innovation : Rapport sur les dispositions et l’application de la Loi sur le droit d’auteur » classe parmi les questions à court terme. Le gouvernement commencera maintenant à s’occuper des questions à moyen et à long terme.


* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.

(1) L.R. 1985, ch. C-42.

(2) BMG Canada Inc. c. John Doe, [2004] 3 RCF 241 (CFC); (2005 CAF 193) A-203-04, 19 mai 2005.

(3) Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Association canadienne des fournisseurs Internet, [2004] 2 R.C.S. 427.

(4) CCH Canadian Limited c. Barreau du Haut-Canada, [2004] 1 R.C.S. 339, 2004 CSC 13.

(5) Pour une prestation fixée, le par. 15(1) de la Loi accorde actuellement aux artistes-interprètes le droit de reproduire les œuvres qui ont été fixées, conformément à une exception accordée en vertu de la partie III (utilisation équitable) ou de la partie VIII (copie privée) de la Loi. Ces exceptions sont omises dans le nouveau par. 15(1.1), mais elles continueront d’exister en ce qui concerne le droit d’auteur dans la prestation d’un artiste-interprète.

(6) Loi sur le droit d’auteur, art. 80.

(7) Voir, par exemple, « Copyrights and wrongs », éditorial, The Ottawa Citizen, 24 juin 2005, p. A16; M. Andrews, « U.S. court ruling on file sharing is played down », The Vancouver Sun, 28 juin 2005, p. D1; B. Bowman, « Copyright Act changes both right and wrong », The Winnipeg Free Press, 6 juillet 2005, p. B7; K. Harris, « Feds to crack down on net music sharing », The Winnipeg Sun, 22 juin 2005, p. 17; M. Geist, « Canadian copyright law: A missed opportunity for education », The Ottawa Sun, 29 juin 2005, p. F1; A. Pacienza, « Liberals introduce copyright legislation clamping down on music file sharers », The Whitehorse Star, 27 juin 2005, p. 16; « Copyright bill targets file sharing », The Edmonton Journal, 21 juin 2005, p. A5; K. O’Malley, « Industry players react to omnibus Copyright Bill C-60 », The Hill Times, 11 juillet 2005, p. 27; J. Kapica, « Could Googling become illegal? », The Globe and Mail Online Edition, 12 juillet 2005.

(8) Harris (2005) [traduction].

(9) Association de l’industrie canadienne de l’enregistrement, « Music industry says draft law takes key steps to bring Canada into the digital age », 20 juin 2005.

(10) O’Malley (2005).

(11) Ibid.

(12) Ibid., citation de J. Reid, président, Canadian Advanced Technology Alliance [traduction].

(13) « Bill C-60 introduces controversial reforms to Canadian copyright law », Canadian New Media, 24 juin 2005, p. 8.

(14) « Copyrights and wrongs », The Ottawa Citizen (2005) [traduction].

(15) Ibid.[traduction]

(16) Ibid.

(17) K. O’Malley, « Industry players to fight changes to omnibus Copyright Bill », The Hill Times, 18 juillet 2005, p. 16, citant M. Craven, porte-parole de Access Copyright [traduction].

(18) L’honorable David Emerson, ministre de l’Industrie du Canada, et l’honorable Liza Frulla, ministre du Patrimoine canadien et ministre responsable de la Condition féminine, Canadian New Media,
20 juillet 2005, p. 8.

(19) O’Malley, « Industry players to fight changes to omnibus Copyright Bill » (2005) [traduction].

(20) Ibid.[traduction]

(21) Ibid. [traduction]

(22) J. Kapica, « Patents, copyright and signals from the sky », The Globe and Mail Online Edition,
14 juin 2005 [traduction].

(23) Kapica, « Could Googling become illegal? » (2005).

(24) S. Doyle, « Special committee to study new Copyright Act », The Ottawa Citizen, 5 août 2005, p. E1 [traduction].

(25) O’Malley, « Industry players react to omnibus Copyright Bill C-60 » (2005), citant D. Fewer, conseiller juridique, Clinique d’intérêt public et de politique d’Internet du Canada [traduction].


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