Résumé législatif du Projet de loi C-14

Résumé Législatif
Projet de loi C-14 : Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (adoption)
Elizabeth Kuruvila, Division du droit et du gouvernement
Publication no 39-1-LS-528-F
PDF 73, (9 Pages) PDF
2006-05-29
Révisée le : 2007-09-24

Table des matières


Le 15 mai 2006, c’est-à-dire la Journée internationale des familles, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a déposé au Parlement le projet de loi C‑14 : Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (adoption).  Le projet de loi prévoit l’octroi de la citoyenneté aux enfants non canadiens adoptés à l’étranger par des parents canadiens sans exiger qu’ils passent par le statut de résidents permanents. 

Contexte

À l’heure actuelle, tout parent canadien qui adopte un enfant non canadien doit tout d’abord faire une demande de parrainage visant à obtenir pour cet enfant le statut de résident permanent en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR)(1).  Pour obtenir la citoyenneté, l’enfant adoptif, s’il est mineur, doit d’abord passer par le statut de résident permanent sous le régime de la LIPR(2); s’il a 18 ans ou plus, il doit en plus remplir les critères de résidence et d’autres critères prévus par la Loi sur la citoyenneté (LC)(3) avant d’avoir droit à la citoyenneté canadienne(4).  La procédure d’acquisition du statut de résident permanent prend du temps et suppose des frais de traitement importants.  Bref, les citoyens canadiens qui adoptent des enfants à l’étranger doivent entamer une longue procédure pour que leurs enfants acquièrent la citoyenneté canadienne.  Par contre, les enfants nés à l’étranger de parents canadiens ont automatiquement la citoyenneté canadienne(5).  Selon la LC actuelle, les enfants adoptifs sont aussi assujettis aux interdictions relatives aux activités criminelles en vertu de la LC, alors que les enfants biologiques ne le sont pas(6). 

La LC actuelle est telle que les enfants adoptifs sont traités différemment des enfants biologiques nés à l’étranger de citoyens canadiens.  Selon la Cour fédérale, les distinctions juridiques fondées sur l’affiliation par adoption enfreignent les dispositions sur l’égalité des droits de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés(7).  Par ailleurs, toujours selon la LC actuelle, les enfants adoptés par des parents canadiens qui vivent à l’étranger et souhaitent continuer d’y vivre ne peuvent pas devenir des résidents permanents et, par conséquent, acquérir la citoyenneté canadienne(8).

Dans le rapport d’octobre 2005 intitulé Moderniser la loi sur la citoyenneté du Canada : Il est temps d’agir, le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes a recommandé ce qui suit :

Les enfants adoptés par des citoyens canadiens devraient acquérir la citoyenneté canadienne sans obtenir préalablement le statut de résident permanent ou remplir des conditions relatives à la résidence, dans la mesure où leur adoption est authentique et respecte les exigences de la Convention de La Haye sur l’adoption internationale.(9)

Le Comité a également recommandé qu’on puisse faire devant la Cour fédérale un appel basé sur les faits et sur le droit lorsqu’une demande de citoyenneté pour un enfant adoptif est rejetée.

Ce n’est pas la première fois qu’on tente de régler sur le plan législatif le problème de la citoyenneté des enfants adoptifs.  Par exemple, au cours de la 38e législature, le gouvernement a présenté le projet de loi C‑76 : Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (adoption).  Le projet de loi est mort au Feuilleton lorsque le Parlement a été dissous à l’automne 2005.  Le projet de loi C‑18 : Loi relative à la citoyenneté canadienne a été déposé au cours de la deuxième session de la 37e législature et renvoyé au Comité après deuxième lecture.  Il n’a cependant pas été adopté en raison de la prorogation du Parlement.  Avant cela, le projet de loi C‑16, adopté par la Chambre des communes le 30 mai 2000, est mort au Feuilleton du Sénat.

Description et analyse

Le projet de loi C‑14 ne comporte que quatre articles.  L’article premier modifie l’article 3 de la LC pour que les enfants adoptifs qui acquièrent la citoyenneté sans passer par le statut de résidents permanents soient considérés comme des citoyens canadiens.  L’article 2 du projet de loi s’applique aux enfants adoptifs mineurs et aussi à ceux qui sont âgés de 18 ans ou plus : il modifie l’article 5 de la LC et dispose que, sous réserve de certaines conditions, le ministre attribuera la citoyenneté aux enfants adoptés à l’étranger après le 14 février 1977.  L’article 2 contient également une disposition spéciale pour les adoptions relevant de la compétence du Québec.  

A.  La citoyenneté accordée aux mineurs

Sous réserve de la réglementation et sur demande, le ministre attribue la citoyenneté aux enfants mineurs adoptés par des parents canadiens, pourvu que l’adoption satisfasse aux conditions suivantes :

  • elle a été faite dans l’intérêt supérieur de l’enfant;
  • elle a créé un véritable lien affectif parent-enfant entre l’adoptant et l’adopté;
  • elle a été fait conformément au droit du lieu de l’adoption et du pays de résidence de l’adoptant;
  • elle ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège relatifs à l’’immigration ou à la citoyenneté.

Le projet de loi autorise le gouverneur en conseil à prendre des règlements prévoyant les critères applicables pour déterminer si ces conditions sont remplies.  Tout projet de règlement de ce genre doit être déposé devant chaque chambre du Parlement, qui le renvoie à son comité compétent.

B.  La citoyenneté accordée aux enfants adoptifs de 18 ans ou plus

Comme nous l’avons vu, le projet de loi C‑14 accorde le droit à la citoyenneté aux enfants de 18 ans ou plus adoptés par des parents canadiens, sous réserve de certaines conditions.  Dans ce cas, il doit exister un véritable lien affectif parent‑enfant avant que l’enfant ait atteint l’âge de 18 ans et au moment de l’adoption.  Le projet de loi exige également que l’adoption satisfasse aux deux dernières conditions applicables aux mineurs (voir la section A ci‑dessus).  

C.  Les adoptions sous le régime du droit québécois

Lorsque les parents sont assujettis à la législation québécoise régissant l’adoption, l’autorité québécoise responsable de l’adoption internationale doit confirmer par écrit que l’adoption est conforme au droit québécois.  Cette disposition reconnaît les dispositions propres au Code civil québécois en matière d’adoption.  Le Québec est la seule province qui n’officialise pas une adoption tant que l’enfant n’est pas au Canada et ne réside pas avec ses parents adoptifs.  Une adoption relevant de la compétence du Québec n’est considérée officielle que lorsqu’elle est approuvée par la Cour du Québec.

Cette disposition permet d’accorder la citoyenneté aux enfants adoptés à l’étranger avant que l’adoption soit officiellement approuvée par la Cour du Québec.  Sans cela, les parents adoptifs québécois et leurs enfants adoptifs ne seraient pas en mesure de bénéficier des autres nouvelles dispositions du projet de loi en matière de citoyenneté.  

Commentaire

Les médias semblent généralement accueillir favorablement le projet de loi C‑14, comme ils avaient bien reçu les dispositions des projets de loi antérieurs.  Commentant certaines des dispositions de l’ancien projet de loi C‑18, la Section nationale de la citoyenneté et de l’immigration de l’Association du Barreau canadien avait cependant exprimé certaines préoccupations au sujet de l’absence d’une disposition d’appel pour les parents adoptifs.  Selon l’Association, « la loi proposée n’est pas bien conçue si elle prévoit une procédure de contrôle inférieure et défavorise les parents canadiens dans le cas où une demande de citoyenneté serait rejetée ».  À son avis, le rejet d’une demande de citoyenneté (selon le projet de loi C‑18) « ne peut faire l’objet que d’un contrôle judiciaire par la Cour fédérale au lieu de passer par toute la procédure d’appel devant la Division d’appel de l’immigration »(10).

Selon la LC actuelle, lorsqu’une demande de citoyenneté est rejetée, les parents peuvent demander un contrôle judiciaire à la Cour fédérale, et leurs arguments doivent se limiter aux motifs prévus par la Loi sur les cours fédérales(11).  Le projet de loi C‑14 ne modifie pas cette situation.  Par contre, lorsqu’une demande de statut de résident permanent est rejetée, les parents peuvent s’adresser à la Division d’appel de l’immigration, et l’affaire peut être examinée sur le plan des faits et celui du droit.


Notes

*Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur.  Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.
  1. L.C. (2001), ch. 27.
  2. L’al. 5(2)a) de la Loi sur la citoyenneté (LC) se lit comme suit :
    (2)  Le ministre attribue en outre la citoyenneté :
    a) sur demande qui lui est présentée par la personne autorisée par règlement à représenter celui-ci, à l’enfant mineur d’un citoyen qui est résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés
  3. L.R.C. (1985), ch. C-29.
  4. Le par. 5(1) de la LC se lit comme suit :
    (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :
    a) en fait la demande;
    b) est âgée d’au moins dix‑huit ans;
    c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :
    (i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,
    (ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;
    d) a une connaissance suffisante de l’une des langues officielles du Canada;
    e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;
    f) n’est pas sous le coup d’une mesure de renvoi et n’est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l’article 20.
  5. L’al. 3(1)b) de la LC se lit comme suit :
    3(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, a qualité de citoyen toute personne : […]
    (b) née à l’étranger après le 14 février 1977 d’un père ou d’une mère ayant qualité de citoyen au moment de la naissance; […]
  6. Selon l’art. 22 de la LC, la citoyenneté ne peut être accordée en vertu de l’art. 5 dans certaines circonstances.  Par exemple, si une personne est en probation ou en liberté surveillée, si elle est en prison, si elle est accusée de certaines infractions ou si elle subit un procès en raison de certaines infractions, la citoyenneté lui sera refusée.
  7. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Dular, [1998] 2 C.F. 81.
  8. En 2001, cependant, le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration a prise une mesure provisoire spéciale en vertu du par. 5(4) de la LC pour accorder la citoyenneté à ces enfants.
  9. La Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale a été conclue le 29 mai 1993 à La Haye et elle est entrée en vigueur le 1er mai 1995.
  10. Association du Barreau canadien, mémoire adressé au Comité de la citoyenneté et de l’immigration au sujet du projet de loi C‑18, novembre 2002 [traduction]. 
  11. L.R.C. (1985), ch. F-7. Le contrôle judiciaire d’une décision défavorable en matière d’immigration est limité, selon le par. 18.1(4) de la Loi sur les cours fédérales, aux cas où le décideur :
    a)   a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l’exercer;
    b)   n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter;
    c)   a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;
    d)   a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;
    e)   a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages;
    f)    a agi de toute autre façon contraire à la loi.

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