Le projet de loi C-16 : Loi modifiant la Loi électorale du Canada, a été déposé à la Chambre des communes et a fait l’objet d’une première lecture le 30 mai 2006. Il modifie la Loi électorale du Canada en vue d’établir des élections à date fixe au niveau fédéral au Canada. Il prévoit que, sauf dissolution anticipée du Parlement, des élections générales doivent avoir lieu le troisième lundi d’octobre de la quatrième année civile qui suit le jour du scrutin des dernières élections générales, les premières élections générales suivant l’entrée en vigueur du projet de loi devant avoir lieu le lundi 19 octobre 2009.
Après un bref débat à la Chambre des communes, le projet de loi a franchi l’étape de la deuxième lecture et a été renvoyé au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Après avoir entendu plusieurs témoins, le Comité a fait rapport du projet de loi à la Chambre sans amendements. Le projet de loi a franchi l’étape de la troisième lecture à la Chambre des communes le 6 novembre 2006 et il a été présenté au Sénat le même jour. Le Sénat a amendé le projet de loi et a envoyé un message à la Chambre des communes au sujet de cet amendement le 28 mars 2007. La Chambre des communes n’a pas accepté l’amendement proposé par le Sénat et après un nouveau débat, le Sénat a décidé d’y renoncer.
L’idée des élections à date fixe – ou d’élections à intervalles fixes – a été débattue à plusieurs reprises et est devenue de plus en plus populaire ces dernières années. Les élections à date fixe font partie d’un ensemble de mesures générales visant, affirme-t-on, à rendre le Parlement plus responsable et démocratique. Si tant de personnes sont d’accord sur cette mesure, c’est en partie parce que l’on estime qu’il s’agit d’un moyen de neutraliser le cynisme répandu qui existe à l’égard de la politique et des politiciens. C’est peut-être aussi – comme de nombreuses propositions concernant la démocratie participative, à laquelle on l’associe souvent – le reflet de l’influence américaine sur les institutions politiques et les pratiques canadiennes.
L’argument invoqué est que la tenue d’élections à date fixe supprimerait l’avantage indu dont dispose le gouvernement parce qu’il est libre de décider de la date où les élections auront lieu. L’établissement d’une date fixe égaliserait les chances pour tous les participants au processus électoral, en supprimant l’incertitude et la partialité apparente en faveur du parti au pouvoir. Cela faciliterait la planification pour le personnel électoral, les partis politiques et les candidats. En outre, certains soutiennent qu’indirectement, la tenue d’élections à date fixe favoriserait l’assouplissement de la discipline de parti et contribuerait à la libéralisation des votes, puisque le premier ministre et le cabinet ne pourraient plus brandir la tenue d’élections pour garder le caucus dans les rangs. De même, en faisant en sorte que des élections puissent avoir lieu plus tôt dans les situations où, de toute évidence, le gouvernement n’a pas l’appui de la majorité de la Chambre des communes, on préserverait le principe de confiance qui sous-tend le régime du gouvernement parlementaire.
Les détracteurs des élections à date fixe affirment que cette mesure n’est pas conforme aux traditions parlementaires et qu’elle nuirait au fonctionnement efficace du Parlement. Ils soutiennent que le premier ministre doit disposer de la flexibilité et de la liberté nécessaires pour demander la dissolution du Parlement n’importe quand – que ce soit en raison d’une perte de confiance à son égard ou par besoin ou désir de faire renouveler son mandat par l’électorat. Les grandes initiatives stratégiques, à propos desquelles le gouvernement croit que des élections pourraient devoir être tenues, peuvent se présenter en dehors d’une période électorale. Des élections à date fixe pourraient paralyser le gouvernement si la Chambre ne peut fonctionner et si la situation ne peut être résolue de la manière habituelle en déclenchant des élections. Des élections à date fixe soulèvent également la possibilité d’une campagne à l’américaine qui s’étire pendant des mois ou des années, plutôt que durant une courte période. En outre, un gouvernement pourrait devancer la tenue d’élections à date fixe en amenant sa propre défaite par une motion de confiance. En outre, il est incorrect d’affirmer que le régime actuel, dans lequel le premier ministre détermine la date des élections, favorise toujours le parti au pouvoir, de nombreux gouvernements ayant été défaits après avoir déclenché des élections. Enfin, la question de savoir si des élections à date fixe assoupliraient la discipline de parti reste à être débattue.
La Constitution canadienne renferme peu de dispositions sur les élections. L’article 50 de la Loi constitutionnelle de 1867 dit :
La durée de la Chambre des Communes ne sera que de cinq ans, à compter du jour du rapport des brefs d’élection, à moins qu’elle ne soit plus tôt dissoute par le gouverneur général.
L’article 4 de la Charte canadienne des droits et libertés indique ce qui suit :
4. (1) Le mandat maximal de la Chambre des communes et des assemblées législatives est de cinq ans à compter de la date fixée pour le retour des brefs relatifs aux élections générales correspondantes.
(2) Le mandat de la Chambre des communes ou celui d’une assemblée législative peut être prolongé respectivement par le Parlement ou par la législature en question au-delà de cinq ans en cas de guerre, d’invasion ou d’insurrection, réelles ou appréhendées, pourvu que cette prolongation ne fasse pas l’objet d’une opposition exprimée par les voix de plus du tiers des députés de la Chambre des communes ou de l’assemblée législative.
L’article 5 de la Charte ajoute aussi :
Le Parlement et les législatures tiennent une séance au moins une fois tous les douze mois.
La conjugaison de ces dispositions fait qu’en théorie, il pourrait s’écouler presque six ans entre deux élections générales au fédéral. La convention veut, toutefois, que des élections soient déclenchées environ tous les quatre ans. La limite constitutionnelle de cinq ans a été dépassée une seule fois depuis la Confédération (en 1916), et a été presque atteinte seulement à sept autres occasions.
Bien que la Constitution détermine une durée maximale pour le mandat de la Chambre des communes, aucune durée minimale n’est fixée. Les élections sont déclenchées par le gouverneur général, habituellement sur avis du premier ministre, et ce, n’importe quand jusqu’à la fin du mandat de cinq ans.
Il convient également de remarquer que le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867 indique que « les provinces du Canada, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick ont exprimé le désir de contracter une Union Fédérale pour ne former qu’une seule et même Puissance (Dominion) sous la couronne du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande, avec une constitution reposant sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni ». Cette dernière phrase a été interprétée comme ayant importé au Canada la « convention sur la confiance ».
Comme le Comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes (le Comité McGrath) l’a déclaré dans son troisième rapport, de 1985 : « La confiance que la Chambre des communes accorde au parti au pouvoir est au cœur même de ce que nous sommes convenus d’appeler le gouvernement responsable. » Contrairement à un régime présidentiel, qui établit une distinction entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif et qui comporte divers contrôles, dans un régime parlementaire, ces deux pouvoirs sont réunis. Cette forme de gouvernement oblige le cabinet à être responsable de ses actes devant une législature élue, et les ministres sont membres de la législature et doivent lui rendre compte. La notion de gouvernement responsable exige que les ministres de la Couronne agissant individuellement ou collectivement en tant que cabinet soient responsables de leurs actes devant une législature élue.
Conformément à la convention sur la confiance, le pouvoir exécutif, ou le cabinet des ministres, doit posséder la confiance de la majorité de la législature. L’on s’attend à ce qu’un gouvernement défait par suite d’un vote de confiance démissionne ou demande la dissolution du Parlement. Le nouveau gouvernement doit rencontrer la Chambre et faire la preuve qu’il a la confiance ou le soutien de la majorité. Il s’agit là d’une convention, laquelle ne paraît pas dans le texte de la Constitution (bien qu’on puisse affirmer qu’elle en fait partie intégrante), dans une loi ou dans le Règlement de la Chambre des communes, mais qui est au fondement même de la démocratie parlementaire.
Ces dernières années, on a énormément discuté de la discipline de parti et des votes libres, ces deux sujets étant reliés à la question de confiance. Même s’il était vrai que la convention sur la confiance est mal interprétée, ou appliquée trop strictement, au Canada – comme l’affirment de nombreux observateurs –, il n’en demeurerait pas moins que le principe de base veut que le gouvernement possède la confiance de la législature.
Le Parti Réformiste du Canada a inclus l’idée d’élections à date fixe dans son programme dès le début. Les politiciens d’autres partis ont également déclaré qu’ils sont d’accord sur cette idée, et des sondages ont révélé qu’une partie de la population appuie cette proposition. Plusieurs provinces ont songé à tenir des élections à date fixe, et jusqu’à présent, deux d’entre elles ont adopté une loi à cet effet. D’autres groupes ont étudié ou commenté la question des élections à date fixe.
Le Comité spécial mixte du Sénat et de la Chambre des communes sur la Constitution du Canada a été formé en octobre 1970 et a déposé son rapport final en février 1972. Les membres du Comité sont allés aux quatre coins du pays afin d’entendre le témoignage de particuliers et de groupes, et les transcriptions de leurs rencontres remplissent huit gros volumes. Selon l’index des procès-verbaux, la question de « date précise » pour la tenue d’élections a été soulevée à neuf reprises par sept témoins différents. Dans son rapport final de 1972, le Comité spécial mixte a formulé la recommandation suivante :
43. Toute législature de la Chambre des communes devrait rester en fonction pendant quatre ans à partir du jour où les brefs d’élection sont rapportés, sous réserve que, et nonobstant toute prérogative royale, le Gouverneur général ait le pouvoir de dissoudre le Parlement au cours de cette période de quatre ans :1) quand le Gouvernement est défaita)à la suite d’une motion de déficience, ou2)quand la Chambre des communes adopte une résolution demandant la dissolution du Parlement.
b)lors du vote sur un bill particulier ou une partie d’un bill qui, à la suite d’une déclaration antérieure du Gouvernement, doit être considéré comme posant la question de confiance; ou
Le Comité spécial mixte a fait remarquer que toutes les institutions faisaient l’objet d’un examen approfondi, et que la Chambre des communes, en tant que principale institution du gouvernement démocratique canadien, ne faisait pas exception. De nombreux changements avaient été apportés aux règles et aux pratiques de la Chambre dans le but de remédier aux problèmes de fonctionnement courants, et d’autres changements ont été étudiés. Des gens de l’extérieur ont également formulé des critiques au sujet du Parlement, et il a été notamment suggéré que les élections soient tenues à intervalles fixes, ce qui pourrait diminuer le contrôle du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif du gouvernement. Le Comité spécial mixte, bien que sympathique aux demandes d’une réforme parlementaire et électorale, a indiqué qu’il appuyait la préservation des institutions représentatives, même s’il n’acceptait pas pour autant le statuquo. Un des deux changements constitutionnels auxquels le Comité a donné son appui était la durée fixe des législatures.
En 1984, une étude intitulée The Question of Confidence in Responsible Government a été préparée par Eugene Forsey et Graham Eglington pour le Comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes. Une section de cette étude était intitulée « A Fixed Term for the House of Commons? No! » (Un mandat fixe pour la Chambre des communes? Non!) et débattait de certaines questions contenues dans la proposition. Comme le titre l’indique, les auteurs étaient résolument contre l’idée d’élections à date fixe, affirmant que cette mesure obligerait à modifier la Constitution afin d’abolir le pouvoir de la Couronne de dissoudre le Parlement dans toutes circonstances ou dans des circonstances précises. En outre, ils s’opposaient au fond même de la proposition : même s’ils reconnaissaient que les avantages devant découler d’un mandat de durée fixe pour la Chambre des communes semblaient attrayants, ils affirmaient que la stabilité et la responsabilisation pourraient être en conflit et contribuer davantage à la domination du pouvoir exécutif de la Chambre.
La Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis (souvent appelée « Commission Lortie » du nom de son président, Pierre Lortie) a été nommée en 1989 afin d’entreprendre une étude exhaustive des lois électorales au Canada. Dans un sommaire des questions soulevées durant les audiences de la Commission, on a fait remarquer qu’aux États-Unis des élections sont tenues à date fixe tous les deux ou quatre ans, tandis qu’au Canada, les élections ont lieu à la demande du gouvernement ou si le Parlement est dissous parce que le gouvernement a perdu un vote de confiance de la Chambre des communes. Selon le sommaire, une douzaine d’intervenants ont demandé que les élections fédérales soient tenues à date fixe, habituellement tous les quatre ans. Le sommaire poursuit :
L’argument en faveur de la tenue des élections fédérales à date fixe repose essentiellement sur la plus grande facilité d’administrer et d’organiser les élections et sur la production de meilleures listes électorales. Un ou deux intervenants ont laissé entendre que la tenue des élections à date fixe était aussi plus démocratique parce que cela enlève au parti au pouvoir la possibilité de déclencher les élections au moment qui lui est le plus favorable.
Dans son rapport de 1992, la Commission a abordé très brièvement la question des élections à date fixe. Elle a souligné que des mandats de durée fixe sont plus courants dans les régimes autres que parlementaires, où il existe habituellement une division entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Bien qu’elle ait indiqué qu’un mandat de durée fixe pour la Chambre des communes diminuerait l’avantage potentiel dont jouit le parti au pouvoir de choisir le moment le plus favorable en vue de déclencher des élections, ce qui par conséquent serait plus juste pour les autres partis, la Commission a eu l’impression que la proposition en faveur de mandats de durée fixe présentait plusieurs difficultés importantes. La Commission a examiné les diverses questions, mais n’a pas clairement accepté ou rejeté le principe d’élections à date fixe ou de mandats de durée déterminée. En outre, elle n’a pas formulé de recommandations au sujet de la proposition.
En 1994, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a reçu de la Chambre des communes un ordre de renvoi visant l’étude de différentes questions, dont les « élections à date fixe ». Dans son rapport, déposé à la Chambre le 9 décembre 1994, le Comité a constaté qu’aucun des témoins n’avait soulevé la question de l’établissement de dates fixes pour les élections, mais que les membres avaient examiné les arguments favorables et défavorables à une telle proposition. Les membres du Comité sont arrivés à la conclusion suivante : « Le Comité n’est pas prêt pour le moment à formuler de recommandations concernant l’idée de tenir des élections à date fixe. »
Plusieurs projets de loi émanant des députés et proposant la tenue d’élections à intervalles réguliers ont été déposés au fil des ans à la Chambre des communes. Le premier remonte au moins à 1970, année où le député Doug Rowland a présenté le projet de loi C-206, dont le libellé ressemble beaucoup à la recommandation du Comité spécial mixte dont il était membre. Pour sa part, le député Ron Stewart a déposé le projet de loi C-483 en 1980. Le député Elwin Hermanson a présenté, en 1996, le projet de loi C-250 qui, contrairement aux autres, a fait l’objet d’un débat et d’un vote à la deuxième lecture, mais a finalement été rejeté. Le député Jim Pankiw a déposé différents projets de loi entre 1998 et 2004. Stephen Harper, député et chef de l’opposition à l’époque, a présenté le projet de loi C-512 le 1er avril 2004.
La législature de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et de Terre-Neuve-et-Labrador ont édicté des lois qui fixent des élections générales à intervalle de quatre ans.
La Colombie-Britannique a été la première province canadienne à adopter une telle loi. La Constitution (Fixed Election Dates) Amendment Act, 2001 fixait au 17 mai 2005 la tenue de ce qui devait alors être la prochaine élection. Elle disposait, en outre, que toutes les élections subséquentes auraient lieu le deuxième mardi de mai tous les quatre ans. Cette loi ne modifiait pas la convention sur la confiance.
En Ontario, la Loi de 2005 modifiant des lois en ce qui concerne les élections prévoit la tenue d’élections générales le 4 octobre 2007 et d’élections subséquentes le premier jeudi d’octobre tous les quatre ans. Comme en Colombie-Britannique, les règles de l’Ontario autorisent la dissolution de la législature à la suite d’un vote de censure à l’égard du gouvernement. Les deux provinces ont inclus dans leurs lois respectives un article portant que la nouvelle loi n’a aucune incidence sur la prérogative royale.
En décembre 2004, Terre-Neuve-et-Labrador a apporté à la House of Assembly Act des modifications prévoyant la tenue d’élections générales dans la province à date fixe. La première date à cet égard a été fixée au deuxième mardi d’octobre 2007; les élections subséquentes se dérouleront tous les quatre ans. Le projet de loi prévoyait également le déclenchement d’élections partielles dans un délai de 60 jours après qu’un siège devient vacant et leur tenue dans les 30 jours suivant la délivrance d’un bref. Il disposait en outre que lorsqu’un nouveau chef est assermenté comme premier ministre, des élections doivent avoir lieu dans un délai de 12 mois.
L’article premier du projet de loi C-16 intercale un nouvel article dans la Loi électorale du Canada, juste avant l’intertitre « Brefs » précédant l’article 57. L’article 56.1 proposé – sous l’intertitre « Date des élections générales » – commence par un paragraphe qui fait valoir que l’article n’a pas pour effet de porter atteinte aux pouvoirs du gouverneur général, notamment celui de dissoudre le Parlement lorsqu’il le juge opportun.
Le paragraphe 56.1(2) proposé énonce ensuite la principale disposition du projet de loi : sous réserve du paragraphe 56.1(1), les élections générales ont lieu le troisième lundi d’octobre de la quatrième année civile qui suit le jour du scrutin de la dernière élection générale, la première élection générale suivant l’entrée en vigueur de l’article devant avoir lieu le lundi 19 octobre 2009. (Les dernières élections générales fédérales ont eu lieu le 23 janvier 2006.)
L’article 56.2 proposé prévoit que le directeur général des élections pourra recommander un autre jour, si le jour fixé pour le scrutin ne convient pas à cette fin, par exemple si la date visée coïncide avec un jour revêtant une importance culturelle ou religieuse ou avec la tenue d’une élection provinciale ou municipale.
À l’étape de la troisième lecture au Sénat, cet article a été amendé par l’ajout de « la tenue d’un référendum fédéral, provincial ou municipal » en tant que raison pour laquelle le directeur général des élections pourrait recommander une nouvelle date de scrutin. La Chambre des communes n’a pas accepté cet amendement et a renvoyé le projet de loi au Sénat. Celui-ci n’a pas insisté pour qu’on adopte cet amendement, et après un court débat, a décidé d’y renoncer.
Le directeur général des élections peut choisir un autre jour, soit le mardi qui suit le jour qui serait normalement le jour du scrutin, soit le lundi suivant. Il en fait la recommandation au gouverneur en conseil et publie, « sans délai », le jour recommandé dans la Gazette du Canada. Si le gouverneur en conseil accepte la recommandation, il prend un décret y donnant effet, et le décret est lui aussi publié sans délai dans la Gazette du Canada. Aucun décret portant sur un jour de rechange ne peut être pris après le 1er août de l’année pendant laquelle l’élection générale doit être tenue.
Les articles 2 et 3 du projet de loi apportent des modifications consécutives à la Loi électorale du Canada.
Au Canada, les élections générales fédérales peuvent, à l’heure actuelle, avoir lieu n’importe quand. Dans le cas d’un gouvernement minoritaire, cela signifie qu’elles peuvent être déclenchées après seulement quelques mois, comme c’est arrivé en 1979, pour le gouvernement progressiste conservateur de Joe Clark, ou en 2005, pour le gouvernement libéral de Paul Martin. Quant aux gouvernements majoritaires, cela signifie que des élections peuvent avoir lieu après trois ans seulement ou encore être retardées jusqu’à la fin de la cinquième année. L’expérience montre que des problèmes sont rattachés à la tenue d’élections trop fréquentes ou trop peu fréquentes. Les gouvernements qui ont semblé s’être accrochés au pouvoir ou avoir attendu trop longtemps le moment favorable à la tenue d’élections ont été renversés, tout comme les gouvernements qu’on a jugés trop opportunistes en raison du déclenchement d’un scrutin hâtif.
Bien des gens estiment que des élections à date fixe – ou des mandats de durée fixe – constitueraient une amélioration, en ce qu’elles retireraient au parti ministériel le pouvoir de déclencher des élections. Au cours du dernier siècle, la tendance a été d’établir un régime électoral non partisan, qui ne relève pas de la classe politique ni du Parlement. Les limites des circonscriptions électorales sont fixées par des commissions indépendantes et c’est un organisme indépendant qui administre les élections, en l’occurrence Élections Canada. Le déclenchement d’une élection est une anomalie, puisqu’il demeure une décision politique prise par le gouvernement au pouvoir.
Comme nous l’avons mentionné précédemment, l’idée des élections à date fixe ou des mandats de durée fixe pour la Chambre des communes a été débattue à différentes reprises ces dernières années. Voici quelques-uns des arguments invoqués par les partisans et par les détracteurs de cette idée.
Voici les raisons invoquées pour la tenue d’élections à date fixe :
À l’encontre de ces motifs, les détracteurs font mention de différents inconvénients rattachés à la tenue d’élections à date fixe, dont les suivants :
D’aucuns ont fait valoir que tout changement de cette nature ne pourrait être effectué que par voie constitutionnelle. De l’avis d’Eugene Forsey et de Graham Eglington, l’élection de la Chambre des communes pour un mandat de durée fixe donnerait lieu à l’abolition du pouvoir de la Couronne de dissoudre le Parlement, que ce soit dans toutes les situations ou exception faite de circonstances établies. Selon eux, il faudrait absolument procéder par modification constitutionnelle, ce qui nécessiterait le consentement unanime de la Chambre des communes et de toutes les provinces (quoique d’autres aient laissé entendre qu’une telle modification pourrait être apportée avec l’appui des deux tiers des provinces représentant au moins la moitié de la population). Étant donné le mode de fonctionnement similaire des gouvernements fédéral et provinciaux du Canada, il est probable que toute modification au palier fédéral devra s’accompagner de modifications au palier provincial.
Les partisans de la tenue d’élections à date fixe soutiennent, pour leur part, qu’il suffirait d’adopter une loi fédérale, bien que cette loi puisse être modifiée ou abrogée par des législatures subséquentes. En général, cette façon de procéder ne limiterait pas explicitement ou implicitement le droit du gouverneur général de déclencher des élections, sur avis du premier ministre. Ainsi, dans les différents projets de loi émanant des députés qui ont été déposés à la Chambre des communes, les députés ont en général ajouté un article pour éviter d’éventuelles contradictions entre l’idée de tenir des élections à date fixe et la prérogative royale. L’article, présenté sous une forme ou une autre, peut indiquer implicitement que le projet de loi n’a pas pour effet d’abroger la prérogative royale. C’est ce qu’a fait le député Jim Pankiw, dans le projet de loi C-429 : l’article 2 porte que « le premier ministre recommande au gouverneur général d’ordonner la tenue d’une élection générale […] », ce qui implique que le gouverneur général conserverait son rôle traditionnel. Stephen Harper, député, a eu recours à une autre solution dans le projet de loi C-512, dont l’article 2 est libellé comme suit : « La présente loi n’a pas pour effet de porter atteinte au pouvoir du gouverneur général de dissoudre le Parlement lorsqu’il le juge opportun. » Ces deux exemples contrastent vivement avec le texte du projet de loi déposé en 1970 par le député Doug Rowland. Ce projet de loi aurait modifié les Lois de 1867 à 1965 sur l’Amérique du Nord britannique. Selon ses notes explicatives, il avait pour objet :
d’abolir le pouvoir royal de dissolution en vue de réduire le pouvoir arbitraire du premier ministre et d’accroître l’indépendance du simple député. À cette fin, un mandat fixe de quatre ans est prévu pour chaque Législature, sous réserve de la tenue d’une élection à une date antérieure si le gouvernement est défait sur une motion spécifique dite de défiance […]
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