Le projet de loi C-21 : Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les armes à feu (non-enregistrement des armes à feu ni prohibées ni à autorisation restreinte) a été lu pour la première fois à la Chambre des communes le 19 juin 2006 (1). Il vise principalement à supprimer l’obligation d’obtenir un certificat d’enregistrement à l’égard des armes à feu sans restrictions (2) (c.-à-d. les armes d’épaule, les carabines, les fusils de chasse, etc.).
En vertu du projet de loi C-21, le directeur de l’enregistrement des armes à feu (le « directeur ») ne délivrera plus de certificats d’enregistrement pour les armes à feu sans restrictions et ne tiendra plus de dossiers à leur sujet. Les dispositions de la Loi sur les armes à feu (la LAF) relatives à l’expiration et à la révocation des certificats d’enregistrement sont modifiées en conséquence, tout comme celles qui portent sur la documentation nécessaire en cas de prêt, d’importation ou d’exportation d’armes à feu sans restrictions. Même si les certificats d’enregistrement ne seront plus nécessaires lors de la cession (c.-à-d. la vente ou le don) d’une arme à feu, la personne qui cédera une arme à feu sans restrictions devra demander l’autorisation du contrôleur des armes à feu, qui vérifiera que le cessionnaire est autorisé à posséder l’arme.
Étant donné qu’un certificat d’enregistrement ne sera plus exigé pour pouvoir posséder une arme à feu sans restrictions, certaines infractions prévues dans la LAF sont modifiées ou abrogées. Le Code criminel (le Code) est également modifié pour que le fait de ne pas posséder de certificat d’enregistrement pour une arme à feu sans restrictions ne crée pas une infraction relative à la possession non autorisée d’une arme à feu et ne permette pas à la police de saisir l’arme à feu.
Même si le projet loi C-21 supprime le besoin d’être titulaire d’un certificat d’enregistrement pour les armes à feu sans restrictions, il ne modifie pas l’exigence que tous les particuliers soient titulaires d’un permis de possession d’arme à feu, et donc la vérification des antécédents et l’obligation de suivre un cours sur la sécurité des armes à feu (3). De plus, le projet de loi C-21 permettra de prendre des règlements pour obliger les entreprises d’armes à feu à tenir des registres sur les opérations visant des armes à feu sans restrictions.
Le Canada légifère en matière de possession et d’utilisation d’armes à feu depuis 1877; le Code prévoyait un système de permis pour le port des petites armes à l’échelle du pays en 1892. Depuis 1934, toutes les armes de poing doivent être enregistrées. Un registre centralisé des armes à feu à autorisation restreinte a vu le jour en 1951, sous l’égide de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Le système de classement actuellement utilisé pour les armes prohibées, les armes à autorisation restreinte (y compris les armes de poing de tout genre) et les armes d’épaule sans restrictions a été établi en 1968.
En 1977, un certain nombre de modifications au Code ont amélioré ce régime de façon importante (5). L’ajout le plus marquant a été la création d’une autorisation d’acquisition d’arme à feu, désignée par l’acronyme AAAF; il s’agit d’un système de sélection des personnes qui désirent faire l’acquisition d’une arme à feu de n’importe quel genre, dont les carabines et les fusils de chasse, qui sont des armes sans restrictions. Un nouveau régime administratif, qui faisait appel à des préposés aux armes à feu locaux et à des chefs provinciaux des préposés aux armes à feu, nommés par les provinces, a aussi été établi. D’autres modifications, dont de nouveaux pouvoirs de réglementation, ont été adoptées en 1991 (6) .
En 1995, le Parlement a adopté la Loi sur les armes à feu (8), dont la plupart des dispositions sont entrées en vigueur en décembre 1998. Cette loi a été et demeure très controversée, en particulier en ce qui concerne l’obligation d’être titulaire d’un permis et d’un certificat d’enregistrement pour toutes les armes à feu. La LAF complète la partie III du Code, qui contient toujours les infractions relatives aux armes à feu.
Depuis le 1er janvier 2001, tous les particuliers sont tenus de détenir un permis d’armes à feu afin de pouvoir posséder ou acquérir légalement une arme à feu et acheter des munitions. Cette exigence ne changera pas avec le projet de loi C-21. Les règles d’admissibilité sont énoncées dans la LAF, et tous les requérants doivent subir une vérification des antécédents établissant qu’ils ne constituent pas un risque.
Le permis énonce la classe d’armes à feu pour laquelle il est valide : sans restrictions, à autorisation restreinte ou prohibées (voir les définitions ci-dessous à la rubrique « Description et analyse »). Pour les propriétaires adultes d’armes à feu, les deux types de permis ont une durée de cinq ans et doivent ensuite être renouvelés. Un « permis de possession seulement » s’applique à ceux qui possédaient légalement une arme à feu lorsque la LAF est entrée en vigueur le 1er décembre 1998 et qui ne prévoient pas en acquérir de nouvelles. Les conditions de ce permis sont moins strictes; ainsi, il n’est pas nécessaire de suivre un cours sur la sécurité des armes à feu. Toutefois, il fallait demander ce permis avant le 1er janvier 2001 et il faut le renouveler avant son expiration. Ceux qui ne sont pas déjà titulaires d’un permis de possession seulement ou qui laissent leur permis expirer doivent obtenir un « permis de possession et d’acquisition ». Ces permis sont également exigés de tous ceux qui veulent acquérir une arme à feu.
Selon la LAF, toutes les armes à feu, y compris les fusils et les carabines, devaient être enregistrées au plus tard le 1er janvier 2003. Il est devenu nécessaire d’obtenir pour chaque arme à feu un certificat d’enregistrement distinct, qui est valide tant que le particulier possède l’arme à feu et que cette dernière demeure une arme à feu. Toutes les cessions d’armes à feu effectuées après le 1er décembre 1998 devaient également être approuvées et un nouveau certificat d’enregistrement devait être délivré au nouveau propriétaire. C’est l’exigence d’enregistrer les armes à feu sans restrictions qu’élimine le projet de loi C-21.
Même si les dispositions de la LAF relatives aux permis et à l’enregistrement ont la plus grande incidence sur les propriétaires individuels d’armes à feu, la LAF et son règlement portent sur de nombreuses autres activités relatives aux armes à feu. Par exemple, des dispositions portent sur l’entreposage, l’exposition, le transport et le maniement des armes à feu, les entreprises d’armes à feu, l’exportation et l’importation d’armes à feu, les autorisations de transport ou de port d’armes à feu à autorisation restreinte ou d’armes à feu prohibées, les conditions de la cession d’une arme à feu, les expositions d’armes à feu, les clubs de tir et les champs de tir.
Le projet de loi permettra de prendre des règlements afin de rétablir l’exigence que les commerçants tiennent des registres sur la vente, l’achat ou la disposition d’armes à feu sans restrictions. Les commerçants devaient tenir ces registres avant 1995 (9), mais la LAF avait remplacé cette exigence par l’obligation d’informer le directeur de toutes les cessions d’armes à feu et autres transactions, afin qu’un nouveau certificat d’enregistrement puisse être délivré. Puisque le projet de loi élimine la nécessité d’un certificat d’enregistrement pour une arme à feu sans restrictions, le gouvernement a annoncé son intention d’exiger à nouveau que les commerçants tiennent certains registres (10).
Le nouveau gouvernement a apporté des changements non législatifs au Programme canadien des armes à feu, et un rapport de la vérificatrice générale a porté sur ce programme.
En mai 2006, le gouvernement a pris une série de mesures administratives et réglementaires concernant le Programme des armes à feu, dont le transfert à nouveau de la responsabilité de la LAF et de son règlement à la GRC, qui a pris le relais de l’organisme indépendant, le Centre canadien des armes à feu (CCAF) (11). Le budget de fonctionnement annuel du programme a été réduit de 10 millions de dollars, et certaines dispenses et certains remboursements de droits ont été établis (12). Le gouvernement a aussi éliminé la nécessité d’une vérification physique des armes à feu sans restrictions, et établi une période d’amnistie d’un an afin de protéger les propriétaires qui sont ou ont été titulaires d’un permis de possession d’arme à feu sans restrictions contre des sanctions liées au fait qu’ils ne seraient pas titulaires d’un permis ou d’un certificat d’enregistrement en règle. L’amnistie leur donne jusqu’au 17 mai 2007 pour se conformer à toutes les lois et à tous les règlements (13).
En mai 2006 également, le Bureau de la vérificatrice générale du Canada publiait un rapport, dont le chapitre 4 examinait le Programme canadien des armes à feu (14). Le Bureau faisait remarquer que le coût du Programme canadien des armes à feu jusqu’en mars 2005 était de 946 millions de dollars et que le financement annuel était alors établi à 82,3 millions de dollars. Il faisait observer que le CCAF avait fait des progrès satisfaisants dans la mise en œuvre d’une recommandation de 2002 sur la communication de l’information financière, sauf en ce qui concerne la comptabilisation de deux gros montants relatifs au Système canadien d’information relativement aux armes à feu (SCIRAF). La gestion opérationnelle s’était grandement améliorée depuis que le CCAF était devenu un ministère distinct en 2003, en particulier en ce qui concerne le traitement d’un grand nombre de demandes et la mise en place de l’infrastructure nécessaire pour que le Centre soit considéré comme un ministère distinct. La gestion des contrats s’était améliorée, mais certains problèmes demeuraient.
Le rapport de la vérificatrice générale exprimait également des préoccupations au sujet de la qualité des données dans le SCIRAF (p. ex. adresses des clients et numéros de série des armes à feu). De plus, le CCAF ne connaissait pas l’état de 62 p. 100 des armes à feu dont le certificat d’enregistrement a été révoqué entre juillet et octobre 2005 en raison de l’expiration du permis. Il se fiait à la police locale pour faire observer les révocations, mais il y avait un manque de communication entre la police et le CCAF. Enfin, la vérificatrice générale constatait des retards et une escalade des coûts liés à la mise en place d’une deuxième phase du SCIRAF, en raison principalement de changements législatifs.
Le projet de loi C-21 élimine la nécessité d’enregistrer les armes à feu qui ne sont ni prohibées ni à autorisation restreinte. Le Code définit une « arme à feu prohibée » comme suit :
On peut posséder certaines armes à feu qui sont maintenant prohibées si on avait enregistré une telle arme à feu avant qu’elle devienne prohibée et si on est titulaire sans interruption depuis le 1er décembre 1998 d’un certificat d’enregistrement valide pour ce type d’arme à feu prohibée. Il s’agit alors d’un droit acquis au sens de la LAF.
Une « arme à feu à autorisation restreinte » désigne :
Les armes à feu à autorisation restreinte sont permises seulement à des fins autorisées telles que le tir à la cible et la collection.
Les armes à feu qui ne sont ni prohibées ni à autorisation restreinte sont communément appelées des armes « sans restrictions ». On les appelle aussi « armes d’épaule », un terme non législatif employé pour désigner les fusils et les carabines (c.-à-d. les fusils de chasse). Afin de faciliter la lecture, le terme « sans restrictions » sera utilisé dans la description et l’analyse qui suivent.
Le projet de loi modifie le Code pour que le fait de ne pas détenir de certificat d’enregistrement pour une arme à feu sans restrictions ne constitue pas une infraction relative à la possession non autorisée d’une arme à feu et ne permette pas à la police de saisir une arme à feu.
Selon l’article 91 du Code, commet une infraction quiconque a en sa possession une arme à feu sans détenir le permis et le certificat d’enregistrement connexes. Le projet de loi modifie cet article de façon à ce que l’absence de certificat d’enregistrement constitue une infraction pour une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte, mais non pour une arme à feu sans restrictions (par. 1(1)) (17). Le fait de ne pas posséder de permis demeurera une infraction, peu importe le type d’arme à feu.
La personne qui entre en possession d’une arme à feu d’une façon prévue par la loi (p. ex. par héritage) peut éviter la responsabilité pénale en disposant de l’arme à feu ou en obtenant un permis et un certificat d’enregistrement. Le projet de loi modifie en outre l’article 91 du Code afin qu’il soit nécessaire d’obtenir un certificat d’enregistrement uniquement dans le cas d’une arme prohibée ou à autorisation restreinte (par. 1(2)). Il abroge également une disposition qui dégage de toute responsabilité criminelle la personne ne détenant pas de certificat d’enregistrement pour une arme à feu sans restrictions, si elle possède un permis et a emprunté l’arme à feu pour subvenir à ses besoins par la chasse, notamment à la trappe (par. 1(3)). L’exception devient inutile en vertu du projet de loi, puisqu’un certificat d’enregistrement ne sera plus exigé pour aucune arme à feu sans restrictions.
Selon l’article 92 du Code, la possession d’une arme à feu est une infraction quand on sait qu’on n’est pas titulaire d’un permis et d’un certificat d’enregistrement. Cette infraction est plus grave que celle prévue à l’article 91, étant donné l’intention coupable, ou la forme d’élément moral. Le projet de loi apporte des modifications afin qu’aucune infraction ne soit commise quand on n’est pas titulaire d’un certificat d’enregistrement pour une arme à feu sans restrictions. Une personne qui devient en possession d’une arme à feu sans restrictions doit seulement obtenir un permis pour éviter la responsabilité, et l’exception désormais inutile pour certains chasseurs et trappeurs est abrogée (art. 2). Une autre disposition est abrogée, puisqu’elle n’est plus pertinente après l’abrogation de l’article 112 de la LAF (voir art. 25).
Le projet de loi modifie l’article 93 du Code, concernant la possession d’une arme à feu dans un lieu non autorisé, en supprimant le renvoi à l’article 98, une disposition transitoire désormais inutile (art. 3; le même changement est apporté par les art. 1, 2, 4 et 5).
Selon l’article 94 du Code, l’occupation d’une automobile est une infraction quand on sait que s’y trouve une arme à feu non autorisée, sauf si un occupant du véhicule est titulaire du permis, de l’autorisation et du certificat d’enregistrement nécessaires, ou si l’on a des motifs raisonnables de croire qu’un autre occupant l’est. Le projet de loi modifie cet article pour que la possession d’un certificat d’enregistrement ne soit exigée que dans le cas des armes à feu prohibées ou à autorisation restreinte (art. 4). Il précise également que, pour l’application du droit pénal, la nécessité de posséder une autorisation (p. ex. de transport) (18) ne s’applique qu’aux armes à feu prohibées et à autorisation restreinte. De plus, une disposition est abrogée, parce qu’une exception n’est plus nécessaire pour permettre à certains chasseurs et trappeurs de transporter une arme à feu sans restrictions dans un véhicule sans certificat d’enregistrement.
Le projet de loi modifie l’article 95 du Code, concernant la possession non autorisée d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte sans munition, en supprimant le renvoi à l’article 98, qui devient inutile (art. 5) (19). Aucun autre changement n’est requis, puisque l’infraction ne s’applique pas aux armes à feu sans restrictions.
L’article 117.03 du Code permet à la police de saisir une arme à feu si une personne est incapable de présenter un permis et un certificat d’enregistrement, à moins qu’elle soit autorisée autrement à posséder l’arme à feu, ou soit sous la surveillance d’une autre personne pouvant légalement posséder l’arme à feu. Le projet de loi modifie cette disposition pour que la saisie soit permise en cas d’incapacité de présenter un certificat d’enregistrement pour une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte, mais pas pour une arme à feu sans restrictions (art. 6). La saisie fondée sur l’incapacité de présenter un permis continue de s’appliquer pour toutes les armes à feu.
L’article 117.03 du Code est également modifié pour que, lorsqu’une personne souhaite réclamer dans un délai de 14 jours une arme à feu saisie, la présentation d’un certificat d’enregistrement ne soit plus nécessaire pour réclamer une arme à feu sans restrictions, mais le demeure pour réclamer une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte (20).
Le projet de loi modifie plusieurs dispositions de la LAF, principalement pour refléter le fait que les certificats d’enregistrement ne seront plus exigés pour les armes à feu sans restrictions.
Selon le projet de loi, l’article 4 de la LAF dispose maintenant que, pour permettre la possession d’une arme à feu en des circonstances qui ne donnent pas lieu à une infraction pénale, la loi prévoit des permis pour toutes les armes à feu, mais des autorisations et des certificats d’enregistrement uniquement pour les armes à feu prohibées et à autorisation restreinte (art. 7) (21).
En cas de cession d’une arme à feu sans restrictions à un particulier, le projet de loi élimine la nécessité d’obtenir un nouveau certificat d’enregistrement et donc l’obligation que le cédant informe le directeur de la cession (art. 8 ) (22). Toutefois, le cédant d’une arme à feu sans restrictions, tout comme dans le cas d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte, doit maintenant informer le contrôleur des armes à feu (CAF) de la cession afin d’obtenir une autorisation. Le gouvernement a déclaré que cette mesure aidera à faire en sorte que les armes n’aboutissent pas dans les mains d’individus qui ne devraient pas y avoir accès, comme des criminels reconnus, et qu’elle aidera également les enquêteurs à identifier les propriétaires d’armes volées ou à mener des enquêtes criminelles (23).
Par conséquent, la cession d’une arme à feu sera assujettie à l’article 27 de la LAF, qui est modifié par la suppression de la mention des armes à feu prohibées et à autorisation restreinte (art. 9). À l’heure actuelle, pour toutes les armes à feu, le CAF doit vérifier, à l’égard du cessionnaire, s’il est titulaire d’un permis, s’il y est toujours admissible et si le permis autorise l’acquisition de l’arme à feu en cause. Le CAF n’est toujours tenu d’aviser le directeur de son autorisation que pour les armes à feu prohibées et à autorisation restreinte, puisque ces cessions seront les seules qui nécessiteront la délivrance de nouveaux certificats d’enregistrement.
En ce qui concerne le prêt d’une arme à feu au titulaire du permis nécessaire, le certificat d’enregistrement doit aussi être livré uniquement pour les armes à feu prohibées et à autorisation restreinte, étant donné que des certificats ne sont plus exigés pour les armes à feu sans restrictions (art. 10). Une modification semblable est apportée en cas de prêt d’une arme à feu à Sa Majesté du chef, à une force policière ou à une municipalité (art. 11).
Lorsqu’un non-résident sans permis souhaite importer une arme à feu autre qu’une arme à feu prohibée, il doit convaincre l’agent des services frontaliers qu’il est titulaire d’un certificat d’enregistrement dans le cas d’une arme à feu à autorisation restreinte, mais pas dans le cas d’une arme à feu sans restrictions (art. 12). Lorsque l’agent des services frontaliers atteste la déclaration de l’arme à feu et l’autorisation de transport du non-résident, cette déclaration a valeur de permis de possession à l’égard de l’arme à feu en question et de certificat d’enregistrement d’une arme à feu à autorisation restreinte (art. 13). La période pendant laquelle le non-résident peut posséder l’arme à feu ne change pas (24).
Lorsqu’un titulaire de permis souhaite exporter une arme à feu, il doit présenter à l’agent des services frontaliers un certificat d’enregistrement (en plus des autres documents exigés), mais seulement pour une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte (art. 14). De même, lorsqu’il rentre au pays avec l’arme à feu, il doit convaincre l’agent des services frontaliers qu’il est titulaire d’un certificat d’enregistrement uniquement dans le cas d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte (art. 15).
Lorsqu’un titulaire de permis souhaite importer une arme à feu autre qu’une arme à feu prohibée, pour laquelle un certificat d’enregistrement n’a pas encore été délivré, il peut le faire à condition que l’agent des services frontaliers soit convaincu que les conditions requises sont remplies et qu’il atteste l’autorisation de transport de l’arme à feu. L’autorisation attestée a valeur de certificat d’enregistrement jusqu’à ce que le nouveau certificat d’enregistrement soit délivré. Le projet de loi apporte une modification pour que cette disposition relative aux certificats d’enregistrement ne s’applique qu’aux armes à feu à autorisation restreinte (art. 16).
Enfin, le projet de loi prévoit que, lorsqu’une entreprise souhaite obtenir une autorisation d’exportation d’une arme à feu, elle doit être titulaire d’un certificat d’enregistrement uniquement dans le cas d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte (art. 17) (25).
Le projet de loi modifie l’article 60 de la LAF afin d’indiquer que le directeur est chargé de délivrer les certificats d’enregistrement uniquement pour les armes à feu prohibées et à autorisation restreinte (art. 18) (26). Il précise également que les autorisations d’importation et d’exportation s’appliquent à toutes les armes à feu.
L’article 66 de la LAF, qui régit l’expiration d’un certificat d’enregistrement, est modifié de manière à ce qu’il ne s’applique qu’aux armes à feu prohibées et à autorisation restreinte (art. 19). L’article 71, concernant la révocation d’un certificat d’enregistrement pour toute raison valable, est modifié de manière semblable (art. 20), tout comme l’article 72, qui régit la notification de la révocation d’un certificat d’enregistrement (art. 21) (27).
L’article 83 de la LAF est modifié afin d’obliger le directeur à tenir un registre des certificats d’enregistrement et des demandes de certificats d’enregistrement, pour les armes à feu prohibées et à autorisation restreinte, mais pas pour les armes à feu sans restrictions (art. 22).
L’article 105 de la LAF est modifié afin qu’un inspecteur puisse ordonner à une personne de présenter une arme à feu en vue de s’assurer que cette personne est titulaire d’un certificat d’enregistrement, uniquement dans le cas d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte (art. 23).
Le projet de loi ajoute le nouvel alinéa 117m.1) à la LAF afin de permettre de prendre des règlements au sujet des registres que les entreprises doivent tenir (puis détruire) relativement aux armes à feu sans restrictions (par. 27(1)). Le gouvernement a indiqué son intention de prendre un règlement pour que les entreprises tiennent des registres sur toutes les transactions portant sur la vente, l’achat ou la disposition des armes à feu sans restrictions, afin d’aider les enquêteurs à retracer les propriétaires d’armes à feu volées ou des armes ayant servi à commettre un crime (28). L’alinéa 117o) de la LAF est modifié afin de permettre de prendre des règlements qui établissent des infractions relatives à la tenue ou à la destruction de ces registres (par. 27(2)). On peut supposer que le gouvernement prendra de nouveaux règlements d’application des alinéas 117m.1) et o) après l’adoption du projet de loi.
L’article 119 de la LAF est modifié pour qu’il ne soit pas nécessaire de déposer au Parlement les règlements d’application du nouvel alinéa 117m.1) si le ministre fédéral estime qu’ils sont urgents (art. 28). L’article 109 de la LAF est modifié afin de prévoir une peine lorsqu’une infraction constitue une contravention aux nouveaux règlements permis (art. 24) (29).
L’article 112 de la LAF prévoit actuellement une infraction moins grave que celles prévues aux articles 91 et 92 du Code lorsqu’une personne n’ayant pas antérieurement commis une infraction relative à la possession d’une arme à feu sans restrictions est sans certificat d’enregistrement. Puisque les certificats d’enregistrement ne sont plus exigés pour les armes à feu sans restrictions en vertu du projet de loi, l’article 112 est abrogé (art. 25), et le renvoi à l’article 112 dans l’article 115 est supprimé en conséquence (art. 26) (30). Enfin, l’infraction relative au refus de restituer une arme à feu à un agent de la paix après la révocation d’un document requis est modifiée dans l’article 114, pour que la révocation d’un certificat d’enregistrement ne s’applique qu’aux armes à feu prohibées et à autorisation restreinte (art. 26 également).
Les articles 29 et 30 coordonnent certaines modifications, selon l’ordre dans lequel les dispositions particulières du projet de loi C-21, du projet de loi C-10 (31) actuellement à l’étude au Parlement et des modifications à la LAF adoptées en en 2003 (32) entreront en vigueur.
Les dispositions du projet de loi C-21 (sauf les dispositions de coordination ci-dessus) entrent en vigueur à la date ou aux dates fixées par décret (art. 31).
Même avant le dépôt du projet de loi C-21, les observateurs ont exprimé des points de vue divergents sur les mesures législatives attendues. Certains ont affirmé que l’abolition du registre des armes à feu serait contraire au message général du gouvernement au sujet de la lutte contre la criminalité et que ses détracteurs comprendraient donc la police, des responsables de la santé publique et des groupes contre la violence familiale (33). À l’inverse, les organisations d’armes à feu se sont réjouies de la disparition des sanctions pénales prévues lorsque des citoyens normalement respectueux de la loi se retrouvent par inadvertance sans la documentation requise pour leurs armes à feu (34).
Durant une conférence annonçant le projet de loi, le ministre de la Sécurité publique a déclaré : « Il n’est devenu que trop évident au cours des dernières années que les efforts déployés pour tenter de retracer toutes les armes d’épaule au Canada ont été inefficaces, coûteux et inutiles et qu’ils n’ont pas permis de réduire les actes criminels commis à l’aide d’une arme à feu […] Les chasseurs de canards, les agriculteurs et les propriétaires d’armes à feu respectueux de la loi ne constituent pas une menace pour les Canadiens. Les criminels, si. » (35) Des observateurs ont fait remarquer que le registre des armes à feu n’a pas empêché les récents meurtres qui ont fait les manchettes, notamment quatre agents de la GRC en Alberta en mars 2005, une adolescente de Toronto en décembre 2005, un policier de Laval en décembre 2005, et deux constables de la GRC en Saskatchewan en juillet 2006 (36). Par ailleurs, les partisans du contrôle des armes à feu ont invoqué ces tragédies pour justifier le renforcement et non l’affaiblissement du registre des armes à feu (37).
Après le dépôt du projet de loi C-21, le ministre de la Sécurité publique a reçu une pétition de la Fédération des contribuables canadiens contenant les noms de 28 000 personnes demandant son adoption rapide (38). Le projet de loi a aussi été appuyé par l’Ontario Federation of Anglers and Hunters (39), la Canadian Shooting Sports (40) et le solliciteur général de l’Alberta (41). Par contre, la Coalition pour le contrôle des armes à feu (42) et le ministre de la Sécurité publique du Québec (43) sont contre le démantèlement du registre des armes à feu. Même si quelques députés de partis de l’opposition appuient le projet de loi, la plupart des députés bloquistes, libéraux et néo-démocrates sont contre (44). Le rétablissement intégral du registre des armes à feu a été demandé par les membres de l’opposition (qui constituent la majorité) du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes (45).
Des organisations policières, comme l’Association canadienne des chefs de police, sont généralement en faveur du maintien du registre des armes à feu, puisque la police l’interroge jusqu’à 5 000 fois par jour pour déterminer si une arme pourrait être utilisée dans diverses situations, comme une barricade ou la violence familiale (46). D’autres ont cependant fait observer que ce nombre d’interrogations est trompeur, étant donné que toute interrogation dans le système du Centre d’information de la police canadienne (CIPC), quelle qu’en soit la cause, déclenche automatiquement une interrogation dans le registre des armes à feu (47). D’autres encore ont également soutenu que la police ne peut pas être certaine qu’il n’y a pas d’armes à feu lorsqu’elle doit intervenir, puisqu’il y a des erreurs dans la base de données et qu’un grand nombre de personnes n’ont pas enregistré leurs armes (48).
Les partisans du projet de loi C-21 ont affirmé qu’il y a eu peu de meurtres et de vols à main armée perpétrés au Canada avec des armes d’épaule enregistrées, et que la sécurité publique restera protégée par les règles sur l’entreposage et le transport ainsi que par l’obligation d’avoir un permis pour acheter une arme à feu ou des munitions (49). Ils ont également fait remarquer que pour veiller à ce que les armes à feu n’aboutissent pas dans les mains de personnes dangereuses ou irresponsables, le projet de loi maintient l’obligation d’enregistrer toutes les armes de poing, ainsi que de posséder un permis, et donc les vérifications de sécurité et des antécédents, quel que soit le type d’arme à feu (50).
Malgré l’appui général au projet de loi par les propriétaires d’armes à feu, certains craignent que l’obligation prévue dans la loi que les individus obtiennent une autorisation avant de céder une arme à feu, et que les entreprises tiennent des registres sur les ventes d’armes à feu sans restrictions, équivaut à un enregistrement déguisé (51). D’autres ont soutenu que le projet de loi ne va pas assez loin. En particulier, ils affirment qu’il faudrait abolir tous les permis et tous les enregistrements d’armes à feu et les remplacer par un registre des personnes qui ne sont pas autorisées à posséder une arme à feu, comme les criminels et les personnes considérées trop dangereuses pour posséder une arme à feu (52). Autrement dit, le registre des armes à feu existant est inefficace parce qu’il n’a aucune incidence sur le comportement des criminels (53).
Selon l’estimation du ministre de la Sécurité publique, le projet de loi soustrairait de cinq à six millions de personnes à l’obligation d’enregistrer leurs armes à feu (54). Le projet de loi a été proposé en partie pour contrer l’escalade des coûts du registre des armes à feu, qui sont passés d’une estimation de deux millions de dollars au départ à plus d’un milliard de dollars (55). Toutefois, les partisans du registre des armes à feu ont imputé les dépassements de coûts aux opposants au registre, qui ont forcé le gouvernement à prendre des mesures contre les propriétaires d’armes à feu qui n’étaient pas en règle et à intenter des poursuites ou à se défendre dans des contestations judiciaires et des procès très onéreux (56). Ils affirment également que les bogues informatiques et les problèmes administratifs ont maintenant été résolus, de sorte qu’il n’est pas logique d’abolir le registre maintenant (57). Ils ont soutenu en outre que l’élimination de l’obligation d’enregistrer les armes à feu sans restrictions fera économiser seulement 10 millions de dollars par an, et que le gouvernement perdra 22,7 millions de dollars de revenus par an s’il cesse d’exiger la plupart des droits relatifs à l’enregistrement (58). Une perte prévue d’emplois au principal centre des armes à feu centre à Miramichi, au Nouveau-Brunswick, est également une possibilité si le projet de loi est adopté (59).
L’information et les statistiques utilisées pour évaluer l’efficacité du registre des armes à feu du Canada comme moyen de réduire la criminalité, et donc le bien-fondé du projet de loi, sont incohérentes et contradictoires. Certains soutiennent que le taux d’actes criminels graves a diminué deux fois plus vite aux États-Unis qu’au Canada, même si les Américains respectueux de la loi sont légalement autorisés à porter des armes de poing dissimulées, parce qu’on insiste dans ce pays sur des taux d’arrestation plus élevés et des peines d’emprisonnement plus longues (60). D’autres ont soutenu au contraire que, parce que les armes d’épaule sont les armes que l’on retrouve le plus souvent dans les foyers, le registre des armes à feu a permis de réduire la violence familiale, les suicides et les accidents (61). D’après une récente étude suisse, une diminution des blessures et des décès causés par une arme à feu depuis 1995 montre que le Canada pourrait économiser jusqu’à 1,4 milliard de dollars par an en coûts reliés à la violence (62).
La difficulté d’évaluer l’efficacité du registre des armes à feu du Canada comme moyen de réduire la criminalité et la violence a été résumée avec justesse dans un article paru récemment dans un journal. Il indiquait qu’une étude de Statistique Canada avait révélé que les décès liés aux armes à feu ont diminué depuis 25 ans. Toutefois, l’étude était incapable d’établir un lien entre ce déclin et les mesures de contrôle des armes à feu, puisque ces mesures existaient, sous une forme ou une autre, au Canada pendant la plus grande partie du siècle dernier (63).
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