Le projet de loi C-31 : Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi sur l’emploi dans la fonction publique a été déposé à la Chambre des communes par le leader du gouvernement à la Chambre des communes et ministre de la réforme démocratique d’alors, l’honorable Rob Nicholson, C.P., député, et a été adopté en première lecture le 24 octobre 2006.
Le projet de loi apporte diverses modifications à la Loi électorale du Canada (LEC) et des modifications complémentaires à une autre loi. Les changements proposés par le gouvernement dans le projet de loi donnent suite à une série de recommandations formulées par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre dans son 13e rapport, intitulé Améliorer l’intégrité du processus électoral : Recommandations de modifications législatives et déposé en juin 2006. Le Comité a formulé ses recommandations pendant qu’il étudiait les recommandations de modifications législatives contenues dans le rapport du directeur général des élections (DGE) sur la 38e élection générale, produit conformément à l’article 535 de la LEC et déposé à la Chambre le 29 septembre 2005(1).
Dans son examen des recommandations du DGE et des éléments qui, à son avis, nécessitent une réforme, le Comité s’est laissé inspirer par trois grands thèmes connexes :
Chacun de ces thèmes rappelle la nécessité de maintenir et de renforcer l’intégrité du processus électoral. Le Comité a exprimé ainsi son objectif :
L’intégrité du processus électoral est essentielle à la bonne marche de notre démocratie. Sans tous les contrôles voulus pour vérifier que ceux qui votent ont effectivement le droit de voter, pour prévenir les pratiques électorales frauduleuses et pour garantir aux électeurs admissibles qu’ils ne perdront pas leur droit de vote ou ne seront pas entravés dans son exercice, tout le processus électoral serait affaibli.(2)
Le Comité a accepté, en tout ou en partie, bon nombre des recommandations du DGE. Dans sa réponse au rapport du Comité(3), le gouvernement a accepté plusieurs des recommandations du Comité et propose maintenant des modifications à la LEC en vue de les mettre en œuvre.
Les modifications proposées dans le projet de loi portent sur divers aspects de la gestion et de la conduite d’une élection et visent différentes parties de la LEC, notamment la collecte de données en vue de maintenir le Registre national des électeurs, l’inscription des électeurs, l’identification aux bureaux de scrutin, l’accès aux bureaux de scrutin et la campagne électorale.
Dans le but de structurer notre présentation, nous avons regroupé en quatre parties les modifications apportées par le projet de loi : Registre national des électeurs; listes électorales révisées; déroulement du scrutin; et questions opérationnelles.
Le Registre national des électeurs est établi et administré par le DGE en vertu de la partie 4 de la LEC. Comme nous l’avons dit plus haut, l’intégrité et l’exactitude du Registre des électeurs sont l’un des trois thèmes qui ont inspiré le Comité dans sa réflexion, en plus des recommandations de réforme législative du DGE. Le Comité a accueilli plusieurs des recommandations visant à améliorer l’exactitude des renseignements contenus dans le Registre des électeurs. En réponse à cet appui, le gouvernement a proposé plusieurs modifications à la LEC touchant le Registre des électeurs.
Une des recommandations faites par le DGE portait sur l’attribution d’un identificateur unique, personnel et permanent à chaque personne inscrite au Registre des électeurs(4). La commissaire à la protection de la vie privée, Jennifer Stoddart, dans son témoignage devant le Comité, a exprimé certaines réserves sur l’idée d’attribuer un chiffre aux particuliers, mais elle a indiqué que le recours à des numéros aléatoires tenus hors de la portée du gouvernement permettrait de dissiper toute préoccupation au sujet de la protection de la vie privée. Le Comité a aussi recommandé de ne pas utiliser le numéro d’assurance sociale comme identificateur, en raison des nombreux renseignements de nature très personnelle qui lui sont associés.
Le gouvernement a souscrit à cette recommandation et a proposé l’adjonction du paragraphe 44(2.1) à la LEC (voir l’art. 4 du projet de loi), ce qui obligera le DGE à attribuer un identificateur personnel à chaque nom figurant au Registre des électeurs(5). L’amendement ne précise cependant pas si le numéro d’assurance sociale pourra être utilisé.
Une modification connexe au paragraphe 45(2) de la LEC prévoit que l’identificateur personnel sera inclus dans la liste électorale électronique envoyée aux députés de chaque circonscription, ainsi qu’à chaque parti enregistré y ayant présenté un candidat lors de la dernière élection (art. 5 du projet de loi). Cette liste comportera, pour chaque électeur, son nom, son prénom, ses adresses municipale et postale, ainsi que l’identificateur unique qui lui a été attribué (paragraphe 44(2.1)). Ces listes devront être envoyées au plus tard le 15 novembre de chaque année, et non plus le 15 octobre, ainsi que le prévoit le libellé actuel (par. 45(1) de la LEC). Si le 15 novembre tombe pendant la période électorale ou lorsque le scrutin d’une élection générale est tenu dans les six mois précédant cette date, les listes ne sont pas tenues d’être communiquées (par. 45(3) de la LEC)(6). La modification du paragraphe 45(3) de la LEC prolongeant la période à six mois a été demandée par le DGE et appuyée par le Comité.
À l’heure actuelle, le DGE peut utiliser l’information obtenue de diverses sources pour mettre à jour le Registre des électeurs, soit les renseignements fournis par l’électeur, les renseignements détenus par les ministères, si l’électeur consent à leur communication, et les renseignements détenus en vertu d’une loi provinciale nommée à l’annexe 2 de la LEC. Cette dernière source comprend notamment des renseignements comme le numéro de permis de conduire et d’immatriculation de véhicule, les données de l’état civil et les renseignements des élections provinciales. Le DGE a demandé que la LEC soit modifiée pour qu’il puisse non seulement utiliser ces sources d’information pour mettre à jour le Registre, mais aussi conserver et intégrer ces renseignements. Le nouveau paragraphe 46(1.1) de la LEC facilite l’utilisation de ces renseignements (art. 6 du projet de loi). Il autorise le DGE à conserver les renseignements recueillis en vertu d’une loi provinciale nommée à l’annexe 2 de la LEC pour permettre « la corrélation entre les renseignements qui seront recueillis subséquemment » et ceux qui figurent au Registre des électeurs.
La LEC autorise l’échange de renseignements entre les gouvernements provinciaux et Élections Canada, et cette communication est facilitée par des accords conclus entre le DGE et ses homologues provinciaux. L’article 55 de la LEC permet au DGE de conclure des accords avec les autorités provinciales chargées des élections afin de leur communiquer les renseignements contenus dans le Registre des électeurs. Par contre, il n’est pas autorisé à communiquer les sources, les données préliminaires ou d’autres données qui n’ont pas encore été intégrées au Registre. Ces données sont utiles pour mettre à jour non seulement les registres provinciaux des électeurs, mais aussi le Registre national, étant donné que les provinces communiquent en retour leurs données au DGE.
Le DGE et le Comité ont recommandé que la LEC soit modifiée afin de donner au DGE le pouvoir de communiquer toutes les données. L’article 9 du projet de loi, par conséquent, accroît la portée des renseignements que le DGE peut communiquer à ses homologues provinciaux. Ainsi, il sera possible de communiquer les renseignements énumérés au paragraphe 44(2) de la LEC, notamment la date de naissance d’un électeur, son sexe ainsi que l’identificateur qui lui a été attribué conformément à l’article 4 du projet de loi (par. 44(2.1) de la LEC), si le DGE « a l’intention d’inclure » ces renseignements au Registre des électeurs(7).
Une modification connexe vise à clarifier le fait que les autorités provinciales peuvent utiliser leurs listes électorales même si celles-ci renferment des renseignements provenant du Registre des électeurs. Le paragraphe 10(2) du projet de loi modifie l’alinéa 56e) de la LEC en énonçant explicitement que le fait d’utiliser sciemment un renseignement personnel tiré du Registre des électeurs conformément aux conditions d’un accord conclu par le DGE en vertu de l’article 55 de la LEC ne constitue pas une infraction. La portée des renseignements a aussi été élargie pour inclure tout renseignement « tiré » du Registre des électeurs. La disposition en vigueur ne faisait mention que des renseignements « figurant au Registre des électeurs ». Le nouveau libellé vise les renseignements qui ne figurent pas encore ou qui n’ont pas été intégrés au Registre des électeurs.
Les déclarations de revenu au fédéral constituent une source importante d’information qu’Élections Canada utilise pour tenir à jour le Registre des électeurs.
Le DGE juge que les déclarations de revenus sont des outils indispensables, car les renseignements qu’elles contiennent sont plus à jour que ceux tirés de la plupart des autres sources. L’Agence du revenu du Canada recueille ces renseignements et les communique à Élections Canada si le contribuable a indiqué qu’il y consent en cochant une case sur la première page de sa déclaration générale de revenu.
Cependant, une des lacunes de ce processus est que des contribuables non canadiens peuvent consentir à la communication de leurs renseignements personnels pour qu’ils soient versés au Registre des électeurs. Ainsi, ces contribuables peuvent voir leur nom ajouté au Registre des électeurs sans avoir qualité d’électeur. Selon l’article 3 de la LEC, ont qualité d’électeurs les citoyens canadiens âgés de 18 ans et plus. En réponse à une recommandation du DGE, appuyée par le Comité, le projet de loi ajoute l’article 46.1 à la LEC pour autoriser le ministre du Revenu national à modifier le formulaire de déclaration de revenus afin que les contribuables puissent y indiquer s’ils sont citoyens canadiens (art. 7 du projet de loi).
En réponse aux préoccupations soulevées par le DGE et partagées par le Comité au sujet des électeurs décédés dont le nom figure encore au Registre des électeurs, le projet de loi ajoute l’article 46.2 à la LEC. Cette modification autorise expressément l’Agence du revenu du Canada à communiquer à Élections Canada des renseignements sur un contribuable décédé, si celui-ci y avait déjà consenti en cochant la case à cet effet dans sa déclaration de revenus (art. 7 du projet de loi).
La LEC autorise les directeurs du scrutin à mettre à jour le Registre des électeurs à partir des renseignements qu’ils reçoivent dans le cadre des attributions qui leur sont conférées pendant une élection. Le DGE a recommandé qu’ils soient autorisés à poursuivre ce travail entre les périodes électorales(8). Le projet de loi ajoute donc l’article 47.1 à la LEC à cette fin (art. 8 du projet de loi).
La partie 7 de la LEC fixe le cadre de révision des listes électorales mises à la disposition des directeurs du scrutin et des candidats pendant une élection. Les listes électorales sont établies à partir du Registre des électeurs pour chaque section de vote d’une circonscription. Le projet de loi C-31 apporte plusieurs modifications à la partie 7 afin d’accroître l’accessibilité de ces listes, d’améliorer leur exactitude et de les distribuer plus souvent en période électorale.
L’article 93 de la LEC prévoit que les listes électorales préliminaires sont envoyées aux directeurs du scrutin de chaque section de vote d’une circonscription. L’article 13 du projet de loi prévoit qu’une copie de ces listes sous forme électronique est envoyée à chaque parti enregistré ou admissible qui en fait la demande. Les listes électorales préliminaires comporteront également, selon une modification apportée au paragraphe 93(2), l’identificateur de l’électeur attribué conformément à l’article 4 du projet de loi, en plus du nom et de l’adresse municipale de l’électeur.
À l’heure actuelle, les directeurs du scrutin mettent à jour les listes électorales préliminaires à partir des renseignements qu’ils obtiennent des électeurs au cours de l’élection. Le libellé actuel de la LEC ne précise pas si les listes électorales préliminaires peuvent être mises à jour à partir des renseignements fournis par Élections Canada et tirées du Registre des électeurs. Le DGE a fait remarquer qu’une mise à jour substantielle du Registre des électeurs a lieu immédiatement avant et après l’envoi des listes électorales préliminaires aux directeurs du scrutin. Par conséquent, ces mises à jour ne sont pas intégrées aux listes électorales préliminaires(9). Pour combler cette lacune, l’article 15 du projet de loi ajoute l’article 99.1 à la LEC pour autoriser expressément les directeurs du scrutin à utiliser les renseignements tirés du Registre des électeurs pour mettre à jour les listes électorales préliminaires. L’article 16 du projet de loi ajoute à la LEC le paragraphe 101(1.1), lequel propose de mettre les données à jour du Registre des électeurs à la disposition des directeurs du scrutin après que les listes électorales préliminaires leur ont été envoyées.
Aux termes de la LEC, les directeurs du scrutin dressent les listes électorales « préliminaires » « dans les meilleurs délais » après la délivrance des brefs d’élection (art. 93 de la LEC), les listes « révisées », le 11e jour précédant le jour du scrutin pour utilisation au bureau de vote par anticipation (art. 105 de la LEC), et les listes « officielles », le troisième jour précédant le jour du scrutin (art. 106 de la LEC). Pour que les listes électorales renferment les renseignements les plus à jour tirés du Registre des électeurs et des révisions faites par les directeurs du scrutin pendant la période électorale, le projet de loi exige qu’une liste révisée supplémentaire soit dressée par les directeurs du scrutin et remise, sous forme électronique, aux candidats le 19e jour précédant le jour du scrutin, après la clôture des nominations (art. 17 du projet de loi, art. 104.1 de la LEC).
Les paragraphes 107(2) et (3) de la LEC sont modifiés pour que les listes électorales révisées et officielles produites par les directeurs du scrutin à l’intention des scrutateurs pour la tenue du scrutin dans chaque section de vote comportent la date de naissance de l’électeur (art. 18 du projet de loi). Par suite d’un amendement adopté à l’étape du Comité à la Chambre des communes, la date de naissance de l’électeur aurait figuré sur les listes remises aux candidats. Dans la version du projet de loi adoptée en deuxième lecture, la date de naissance n’aurait été divulguée qu’aux fonctionnaires électoraux. Cette modification faisait suite aux recommandations du DGE et du Comité. Le DGE a recommandé seulement l’ajout de l’année de naissance. Le Comité, toutefois, souhaitait faire plus et a recommandé d’ajouter la date de naissance complète, étant donné qu’elle pourrait servir à prévenir la fraude électorale, surtout lorsqu’un électeur éventuel se présente à un bureau de vote sans avoir les pièces d’identité requises(10). Cependant, par suite d’une modification au projet de loi apportée à l’étape de l’étude en comité au Sénat, la date de naissance ou le sexe de l’électeur ne figureront pas sur les listes fournies aux candidats.
La partie 9 de la LEC décrit la procédure et les règles applicables au déroulement du scrutin. Les parties qui la précèdent portent sur la préparation du scrutin. Les modifications contenues dans le projet de loi et concernant le déroulement du scrutin visent à donner suite à deux des grands points dégagés par le Comité au cours de son examen des recommandations du DGE : l’identification des électeurs et la fraude électorale (de la part des électeurs).
Durant ses délibérations, le Comité a été surpris d’apprendre que rien n’oblige un électeur à confirmer son identité lorsqu’il se présente à un bureau de scrutin : pourvu que son nom figure sur la liste électorale, il a le droit de voter. En cas de doute sur l’identité d’une personne ou sur son habilité à voter au bureau de scrutin, le fonctionnaire des élections, les représentants des candidats ou les candidats eux-mêmes peuvent lui demander de prouver son identité (art. 144 de la LEC). Si tel est le cas, l’électeur doit « fournir une preuve suffisante de son identité et de sa résidence ». La LEC, cependant, est muette sur ce qui constitue « une preuve suffisante »(11).
De plus, si l’électeur éventuel ne peut fournir de preuve suffisante de son identité ou de sa résidence, il peut tout de même voter s’il prête le serment prescrit (art. 144(2) de la LEC). De l’avis du Comité, cette absence d’une preuve d’identité appropriée est une lacune importante du processus électoral qui pourrait favoriser la fraude par des électeurs.
En réponse aux préoccupations du Comité, le gouvernement a proposé, à l’article 21 du projet de loi, plusieurs modifications qui tiennent largement compte des recommandations détaillées du Comité(12). Cet article modifie l’article 143 de la LEC, pour que celui-ci prévoie que l’électeur fournisse une pièce d’identité délivrée par un gouvernement ou une administration canadiens et comportant sa photographie, son nom et son adresse (al. 143(2)a) de la LEC). De même, l’électeur peut présenter deux pièces d’identité permettant d’établir son nom, l’une d’elles au moins devant permettre d’établir son adresse, si celles-ci ont été approuvées par le DGE (al. 143(2)b) de la LEC). Les pièces d’identité ainsi autorisées peuvent l’être indépendamment de leur auteur (par. 143(2.1) de la LEC). Selon les modifications, le DGE doit, chaque année et dans les trois jours suivant la délivrance du bref d’élection, publier la liste des pièces d’identité qui peuvent être fournies à la place d’une pièce d’identité avec photographie délivrée par un gouvernement ou une administration (par. 143(7) de la LEC).
En réponse aux inquiétudes exprimées par un certain nombre de témoins au cours des réunions du Comité de la Chambre des communes, le projet de loi a été amendé pour qu’un document délivré par le gouvernement du Canada certifiant qu’une personne est inscrite à titre d’Indien sous le régime de la Loi sur les Indiens constitue une pièce d’identité autorisée pour l’application de l’alinéa 143(2)b) (art. 143(2.2) de la LEC).
Les nouvelles exigences en matière de pièces d’identité seront préalablement communiquées aux électeurs au moyen de la carte d’information de l’électeur, intitulée dans la LEC « avis de confirmation d’inscription ». L’article 14(2) du projet de loi modifie le paragraphe 95(2) de la LEC afin d’indiquer que la carte d’information de l’électeur informera l’électeur de son obligation d’établir son identité et sa résidence avant d’être admis à voter.
Si l’électeur ne peut s’identifier convenablement, il peut prêter le serment prescrit, à condition qu’un autre électeur dont le nom figure sur la liste électorale de la même section de vote et qui présente les pièces d’identité mentionnées au paragraphe précédent de la Loi (par. 143(3) de la LEC) lui serve de répondant. Le répondant doit agir sous serment.
Le projet de loi exige que la personne devant laquelle le serment doit être prêté avise l’intéressé qui n’a pu présenter les pièces d’identité exigées des conditions à remplir pour acquérir la qualité d’électeur et de la peine dont est passible quiconque vote ou tente de voter sachant qu’il n’a pas la qualité d’électeur (art. 143.1 de la LEC).
La disposition initiale sur l’obligation de prêter serment lorsqu’un fonctionnaire électoral doute de la qualité d’électeur d’une personne (ancien par. 144(2) de la LEC) a été conservée, mais quelque peu modifiée. L’article modifié (art. 144 de la LEC) permet au fonctionnaire électoral, au candidat ou à son représentant de demander à l’électeur de prêter serment s’il a des « doutes raisonnables » sur sa qualité d’électeur, même si l’électeur présente la pièce d’identité exigée.
Pour éviter ce que l’on appelle parfois la pratique des « répondants en série », on modifie la Loi pour interdire à un électeur de répondre de plus d’un électeur (par. 143(5) de la LEC). En outre, un électeur dont un autre électeur s’est porté répondant ne peut lui-même agir comme répondant (par. 143(6) de la LEC). Cette modification donne suite à la critique sévère faite par le Comité de cette pratique, après avoir entendu parler d’abus possibles de son utilisation(13).
L’interdiction de répondre d’un électeur est intégrée dans la LEC par modification des dispositions d’application de cette loi. Les paragraphes 38(1) à (3) du projet de loi modifient le paragraphe 489(2) de la LEC en créant l’infraction qui consiste pour un électeur à répondre de plus d’un électeur ou à agir lui-même à titre de répondant si un autre électeur a répondu de lui.
À l’heure actuelle, une personne dont le nom ne figure pas sur la liste électorale peut s’inscrire pour voter le jour du scrutin, à condition de présenter une « preuve suffisante de son identité et de sa résidence ». La personne peut également prêter serment, si un électeur dont le nom figure sur la liste électorale de la même section de vote répond d’elle sous serment (art. 161 de la LEC).
Le paragraphe 26(1) du projet de loi modifie l’article 161 de la LEC de façon à ce que les exigences de preuve d’identité pour l’inscription des électeurs un jour d’élection soient les mêmes qu’à l’article 21 (modifiant le par. 143(2) de la LEC). C’est donc dire que quiconque souhaite s’inscrire le jour du scrutin doit présenter une pièce d’identité délivrée par un gouvernement et comportant sa photographie, son nom et son adresse (al. 143(2)a) de la LEC). L’électeur peut également présenter deux pièces d’identité autorisées par le DGE (al. 143(2)b) de la LEC). S’il ne peut fournir les pièces d’identité requises, l’électeur peut prêter serment, à condition d’être accompagné d’une personne dont le nom figure sur la liste électorale de la même section de vote et qui peut présenter les pièces d’identité visées aux alinéas 143(2)a) ou b) de la LEC et répond de l’électeur sous serment. La pratique des répondants en série est interdite dans ce cas aussi (par. 26(2) du projet de loi, par. 161(6) et (7) de la LEC).
Dans Parachever le cycle, le DGE a recommandé plusieurs mesures pour améliorer l’accès aux bureaux de scrutin. Le Comité s’est dit d’accord sur la plupart de ces recommandations et en a formulé d’autres.
Il arrive qu’un électeur soit transféré à un autre bureau de scrutin après avoir reçu la carte d’information de l’électeur, qui informe ce dernier du bureau de scrutin où il doit se rendre pour exercer son droit de vote. Le DGE recommande que l’électeur puisse recevoir un certificat de transfert lui permettant d’exercer son droit de vote au bureau de scrutin initial, inscrit sur la carte d’information de l’électeur(14). L’article 24 du projet de loi ajoute le paragraphe 158(4) à la LEC pour permettre cette mesure.
L’article 159 de la LEC permet à l’électeur ayant une limitation fonctionnelle de recevoir un certificat de transfert pour exercer son droit de vote à un bureau de scrutin doté d’un accès de plain-pied, si celui auquel il est affecté n’en a pas. Toutefois, la disposition exige que la demande de certificat de transfert soit faite avant 22 h le vendredi précédant le jour du scrutin. Le DGE recommande la suppression du délai, parce qu’il brime le droit de vote des électeurs qui ne sont pas au courant de cette limite. Par conséquent, l’article 25 du projet de loi modifie le paragraphe 159(2) pour supprimer le délai.
L’article 162 de LEC établit la liste des diverses tâches dont doivent s’acquitter les greffiers du scrutin. Ceux-ci doivent notamment indiquer sur les formulaires prescrits qui a voté, si l’électeur a exercé son droit de vote mais ne figurait pas sur la liste électorale et, le cas échéant, s’il a été nécessaire que ce dernier prête serment. L’article 28 du projet de loi dispose que les greffiers du scrutin fourniront aux représentants des candidats, à intervalles minimaux de 30 minutes, l’identité des électeurs qui ont voté, à l’exception des électeurs qui se sont inscrits le jour même où ils ont voté. Cet article semble avoir été ajouté pour permettre aux représentants des candidats de toujours savoir si les partisans éventuels de leur candidat sont bien venus voter. L’idée de ce mode de rapport vient du Québec, où existe le système des « cartes de bingo », selon lequel les fonctionnaires électoraux cochent tout simplement, sur un formulaire ressemblant à une carte de bingo, le numéro qui figure sur la liste électorale en regard du nom des candidats qui ont voté.
La partie 10 de la LEC énonce les exigences concernant l’établissement des bureaux de vote par anticipation et le déroulement du vote par anticipation. Dans Parachever le cycle, le DGE souligne que le nombre d’électeurs ayant voté par anticipation est passé de 750 000 en 2000 à 1 250 000 en 2004(15). Le DGE recommande plusieurs mesures pour faciliter l’établissement et le fonctionnement des bureaux de vote par anticipation.
La LEC prévoyait que deux sections de vote ou plus doivent être desservies par un bureau de vote par anticipation (art. 168 de la LEC). Cela créait des difficultés aux électeurs des circonscriptions étendues, rurales ou éloignées qui souhaitaient voter par anticipation. Pour donner suite à une recommandation du DGE, appuyée par le Comité, l’article 29 du projet de loi modifie l’article 168 de façon à ce qu’un bureau de vote par anticipation puisse desservir une seule section de vote.
Comme pour l’inscription à un bureau de scrutin le jour du scrutin, il existe des procédures spéciales à suivre pour s’inscrire à un bureau de vote par anticipation. L’article 30 du projet de loi modifie l’article 169 de la LEC pour faire en sorte que les procédures d’inscription aux bureaux de vote par anticipation soient les mêmes que pour l’inscription le jour du scrutin. Le paragraphe 169(2) proposé répète le processus énoncé à l’article 26 du projet de loi (par. 161(1), (6) et (7) de la LEC). (Voir la section C.2 ci-dessus, « Procédures spéciales d’inscription le jour du scrutin ».)
Une série d’autres amendements vise à donner au DGE les moyens de tenir des élections plus efficacement et d’aider les candidats à mener leur campagne électorale.
La LEC accorde au DGE le pouvoir d’adapter les dispositions de la LEC, sous réserve des exceptions énoncées, en cas d’urgence ou de circonstance imprévue.
Ce pouvoir, toutefois, ne peut être exercé qu’en période électorale. Selon le DGE, ce pouvoir est très utile pour répondre à diverses situations au cours d’une élection, notamment la nécessité de délivrer des certificats de transfert à des électeurs avisés d’exercer leur droit de vote au bureau de scrutin qui n’est pas le leur, de permettre à des détenus sous responsabilité fédérale de voter, et de prolonger la période de vote par bulletin spécial pour les militaires des forces armées postés à des endroits inaccessibles.
Le DGE recommande une prolongation du pouvoir d’adaptation pour une période de 90 jours après le retour du bref, parce qu’une partie importante et critique du travail électoral, par exemple la validation des résultats, a lieu après le retour du bref. Les amendements à la LEC proposent de prolonger la période d’adaptation, mais à 30 jours seulement, selon la recommandation du Comité (art. 2 du projet de loi, par. 17(1) de la LEC).
Élections Canada fait appel à un grand nombre d’employés temporaires et occasionnels pour la préparation, la conduite et le compte rendu d’une élection. La durée d’emploi de ces employés, toutefois, est visée par le paragraphe 50(2) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP), qui limite à 90 jours ouvrables le nombre de jours qu’ils peuvent travailler par année civile, dans un même ministère ou autre administration(16). D’après le DGE, cette limite nuit à l’embauche et au maintien de travailleurs compétents et nuit au déroulement efficace d’une élection. Par conséquent, il recommande que le pouvoir d’embaucher des travailleurs temporaires ou occasionnels pour une élection soit retiré de la LEFPet ajouté à la LEC, sans limiter la durée de l’emploi. Il a souligné que les fonctionnaires électoraux, au sens de l’article 22 de la LEC, sont embauchés séparément en vertu de la LEC, plutôt qu’en vertu de la LEFP(17).
Le Comité, quoique sympathique aux préoccupations du DGE, était disposé à recommander simplement la prolongation de la durée d’emploi des employés temporaires à 125 jours ouvrables par année civile. De son côté, le gouvernement, à l’article 41 du projet de loi, proposait de modifier le paragraphe 50(2) de la LEFP pour permettre la prolongation de la durée maximale au moyen d’un règlement pris par la Commission de la fonction publique. Finalement, un amendement qui a été adopté au Sénat a fixé à 165 jours la durée du mandat des employés temporaires.
La LEC actuelle ne précise pas si le fonctionnaire électoral peut avoir accès à un immeuble à logements multiples ou à un ensemble résidentiel protégé en vue d’exercer ses fonctions électorales. Le libellé de l’article 43 de la LEC est général en ce sens qu’il interdit à quiconque d’entraver volontairement l’action d’un fonctionnaire électoral dans l’exercice de ses fonctions. Le DGE a souligné, dans Parachever le cycle, que des propriétaires ou d’autres personnes chargées d’immeubles à logements multiples empêchent parfois les fonctionnaires électoraux de faire leur travail, en refusant de les laisser entrer, particulièrement lors des révisions ciblées, qui sont essentielles à la mise à jour du Registre national des électeurs(18).
Cette lacune est comblée par la création du paragraphe 43.1 de la LEC (art. 3 du projet de loi), qui accorde au personnel électoral l’accès à ces immeubles. Cette nouvelle disposition exige que le fonctionnaire électoral ait accès aux immeubles à appartements ou d’habitation en copropriété et à d’autres immeubles à logements multiples ainsi qu’aux ensembles résidentiels protégés entre 9 h et 21 h en vue d’exercer ses fonctions officielles. Selon la nouvelle disposition (art. 3 du projet de loi, par. 43.1(2) de la LEC), on peut refuser l’accès au fonctionnaire électoral seulement si ses activités peuvent mettre en danger la santé physique ou affective des résidants de l’immeuble.
Une modification complémentaire à celle définie à l’article 3 du projet de loi accorde au candidat et à son représentant un meilleur accès aux endroits publics et privés dans le cadre de la campagne électorale. À l’heure actuelle, l’article 81 de la LEC permet au candidat ou à son représentant d’avoir accès aux immeubles à appartements ou d’habitation en copropriété et à d’autres immeubles à logements multiples lors d’une élection, entre 9 h et 21 h. L’article 11 (alinéa 81(1)a) étend expressément cet accès aux ensembles résidentiels protégés.
Le DGE recommande que les partis politiques et les candidats aient un meilleur accès aux lieux normalement ouverts au public, mais qui sont des propriétés privées, comme les centres commerciaux. Le Comité appuie cette recommandation. L’article 12 du projet de loi crée le paragraphe 81.1(1) de la LEC pour permettre au candidat et à son représentant de faire campagne à l’intérieur ou autour du bâtiment, du terrain, de la voie publique ou « autre lieu » normalement ouvert sans frais au public. Ces lieux comprennent tout lieu à usage commercial, culturel, historique, éducatif, religieux, officiel, ludique ou récréatif(19). Toutefois, cette disposition ne s’applique pas si les activités de campagne sont « incompatibles avec la sécurité publique ou la fonction ou destination principale du lieu » (par. 81.1(2) de la LEC).
Le projet de loi entrera en vigueur par étapes. Les articles 3, 6, 8 et 9, le paragraphe 10(2), ainsi que les articles 11, 12, 14 à 16, 20 à 27, 28 (concernant les modifications aux alinéas 162f), g) et i), 29 à 33 (nouveau déroulement du scrutin et nouvelles exigences en matière d’identification), et 35 à 39 entreront en vigueur deux mois après la date de la sanction royale, à moins que, avant cette date, le DGE ait publié, dans la Gazette du Canada, un avis portant que les préparatifs nécessaires à l’entrée en vigueur des modifications ont été faits. Un amendement qui a été adopté par le Sénat à l’étape de l’étude en comité prévoit que ces articles entreront en vigueur malgré la disposition générale de mise en vigueur du paragraphe 554(1) de la Loi électorale du Canada.
Les articles premier (nouvelles définitions du par. 2(1) de la LEC), 4 (identificateur unique), 5, 7, le paragraphe 10(1), les articles 13, 17 à 19 (distribution des listes électorales) et 34 entreront en vigueur dix mois après la date de la sanction royale, à moins que le DGE publie dans la Gazette du Canada un avis portant que les préparatifs nécessaires à l’entrée en vigueur des modifications ont été faits.
Les paragraphes 162i.1) et i.2) de la Loi électorale du Canada (listes des électeurs qui ont voté fournies au représentant du candidat) entreront en vigueur six mois après la sanction royale, à moins que le DGE n’indique, par un avis publié dans la Gazette du Canada, que les préparatifs nécessaires à la mise en vigueur des amendements ont été faits.
L’article 40, qui modifie la LEFP, entrera en vigueur à la date de la sanction royale (puisque le projet de loi ne dit rien sur l’entrée en vigueur de cette disposition).
Le projet de loi C-31 est une étape importante de la mise en œuvre d’importantes réformes que réclame le DGE depuis des années(20). Certaines portent sur des questions pratiques ou opérationnelles concernant le déroulement d’une élection; d’autres abordent des préoccupations fondamentales à propos de l’exercice du droit de vote et de l’exactitude de l’information sur l’électeur, qui sont essentielles à l’intégrité même du processus électoral.
Le projet de loi ne comprend pas toutes les modifications demandées par le DGE. Certaines, comme le fait de limiter le droit des employés d’Élections Canada de faire la grève, bien qu’appuyées par le Comité, nécessitaient, selon le gouvernement, davantage de consultations avec les intervenants, notamment les syndicats et les employés visés. D’autres réformes, comme la répartition plus équitable du temps d’antenne gratuit ou payant pendant les élections, que le Comité appuie, n’ont pas été incluses dans le projet de loi. Dans sa réponse au rapport du Comité, le gouvernement a expliqué qu’il était impossible pour le moment de donner suite à toutes les recommandations de modifier la LEC, parce qu’il lui faut consulter davantage les intervenants ou faire les études qui s’imposent.
Le projet de loi ne porte pas sur la réforme des fonds électoraux. Cette omission reflète le désir du Comité d’entamer une étude complète des fonds électoraux après réception du second rapport du DGE sur les effets du projet de loi C-24, entré en vigueur le 1er janvier 2004 (L.C. 2003, ch. 19)(21). Dans Parachever le cycle, le DGE signale qu’il déposera un second rapport, qui portera cette fois sur l’application des réformes du financement politique découlant du projet de loi C-24.
Lorsqu’il a comparu devant le Comité, le 23 novembre 2006, M. Nicholson a commenté les trois principales questions qui sont ressorties lors du débat en deuxième lecture à la Chambre : l’identification de l’électeur, la date de naissance sur la liste électorale et les identificateurs personnels uniques. Selon lui, les nouvelles exigences d’identification de l’électeur représentent une approche équilibrée : en offrant trois options – pièce d’identité avec photographie, autre pièce d’identité approuvée, serment –, le projet de loi tente de maintenir l’accessibilité au vote, tout en protégeant l’intégrité du processus de scrutin.
Quant aux identificateurs uniques, M. Nicholson a indiqué qu’il serait disposé à accepter un renforcement du libellé du projet de loi pour veiller à ce que seul le DGE soit autorisé à attribuer ces numéros. De fait, les amendements au projet de loi proposés par le gouvernement et par le Bloc Québécois à la suite de l’étude du projet de loi par le Comité de la Chambre des communes font que le texte de loi prévoit très clairement que c’est le DGE qui doit attribuer ces numéros. Enfin, à propos de la date de naissance qui apparaîtrait sur la liste électorale, M. Nicholson a insisté sur le fait que sa proposition respecte la vie privée des gens tout en fournissant un outil de plus pour vérifier l’identité. Selon la version du projet de loi adoptée en deuxième lecture par la Chambre des communes, la date de naissance n’aurait pas figuré sur la liste électorale remise au candidat ou à son représentant; seuls les scrutateurs et les autres fonctionnaires électoraux y auraient eu accès aux bureaux de scrutin. Cependant, le projet de loi a été amendé à l’étape du comité pour que cette information soit également fournie au candidat ou à son représentant.
Cet amendement a fait l’objet de critiques vigoureuses de la part de Jennifer Stoddart, commissaire à la protection de la vie privée du Canada. Dans une lettre adressée au député Paul Dewar le 15 février 2007, la commissaire s’est déclarée préoccupée par la communication des dates de naissance aux politiciens et à leurs représentants. Elle se demande si la communication de cette information permettra vraiment de protéger ou d’accroître l’intégrité du processus électoral. Elle ajoute que la raison donnée pour justifier cet amendement, à savoir le ciblage des électeurs, n’est pas une utilisation à laquelle s’attend raisonnablement la personne qui s’inscrit sur la liste électorale, ni une utilisation compatible avec la protection de l’intégrité du système électoral.
Un amendement adopté par le Sénat à l’étape de l’étude en comité faisait écho à ces inquiétudes en supprimant la date de naissance de l’électeur des listes fournies aux candidats. La Chambre des communes a adopté cet amendement.
© Bibliothèque du Parlement