Résumé législatif du Projet de loi C-53

Résumé Législatif
Projet de loi C-53 : Loi sur le règlement des différends internationaux relatifs aux investissements
Elizabeth Kuruvila, Division du droit et du gouvernement
Publication no 39-1-LS-556-F
PDF 64, (8 Pages) PDF
2007-05-28

Table des matières


Contexte

Le 30 mars 2007, le ministre des Affaires étrangères a déposé à la Chambre des communes le projet de loi C-53 : Loi de mise en œuvre de la Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d’autres États (Convention du CIRDI).  La Convention du CIRDI(1), qui institue un mécanisme de règlement des différends internationaux, est entrée en vigueur le 14 octobre 1966.  Le 9 mai 2007, elle comptait 156 pays signataires, dont 144 l’avaient ratifiée(2).  Le Canada en est le plus récent signataire (15 décembre 2006).

La Convention du CIRDI institue le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements.  Situé à Washington, le CIRDI a des liens étroits avec la Banque mondiale.  Il a pour objet « d’offrir des moyens de conciliation et d’arbitrage pour régler les différends relatifs aux investissements » qui opposent des États contractants (des États parties à la Convention) à des ressortissants d’autres États contractants, conformément aux dispositions de la Convention(3).  Aux termes de l’article 25 de la Convention, le CIRDI a compétence sur les différends d’ordre juridique entre un État contractant et un ressortissant d’un autre État contractant « qui sont en relation directe avec un investissement » s’il y a consentement écrit des parties.  Autrement dit, la Convention permet aux pays membres du CIRDI et aux investisseurs étrangers qui opèrent dans ces pays de régler leurs différends.

Un des aspects importants de la Convention tient à ce qu’elle prévoit la reconnaissance et l’exécution des sentences rendues par les tribunaux du CIRDI.  Celles-ci sont exécutoires pour les États parties à la Convention, lesquels doivent assurer l’exécution des obligations pécuniaires imposées par les tribunaux du CIRDI comme si elles étaient contenues dans le jugement définitif d’un de leurs propres tribunaux(4).

La multiplication des investissements transfrontaliers associée à la mondialisation a aussi entraîné une augmentation du nombre et de la complexité des différends à ce sujet entre investisseurs étrangers et gouvernements hôtes.  En règle générale, les investisseurs étrangers préfèrent recourir à un mécanisme international de règlement des différends reconnu plutôt que de passer par le système judiciaire intérieur des pays.  La ratification de la Convention du CIRDI par le Canada permettra aux Canadiens qui investissent dans d’autres États membres du CIRDI de se prévaloir du mécanisme de règlement des différends, sous réserve de certaines conditions.  Les investisseurs étrangers actifs au Canada pourront en faire autant(5).

Plusieurs des partenaires commerciaux du Canada, comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la Chine, le Japon, l’Allemagne, la France et le Chili, ont déjà ratifié la Convention.  D’autres en revanche, comme le Brésil, l’Inde et le Mexique, n’en sont pas signataires(6).

Description et analyse

Le projet de loi C-53 a pour titre abrégé « Loi sur le règlement des différends internationaux relatifs aux investissements » (art. 1).

Il entre en vigueur à la date fixée par décret (art. 12), bien que ses dispositions s’appliquent aux sentences rendues, aux accords d’arbitrage conclus et aux procédures de conciliation entamées sous le régime de la Convention avant ou après l’entrée en vigueur de la loi (art. 4).

Un tribunal supérieur d’une province a compétence pour reconnaître et exécuter une sentence rendue par un tribunal du CIRDI et doit, sur demande, reconnaître et exécuter toute sentence comme s’il s’agissait de son propre jugement définitif (art. 8).  Une sentence rendue par un tribunal du CIRDI n’est susceptible d’aucun recours autre que ceux prévus par la Convention (art. 7).

L’article 9 exclut la possibilité de recours locaux relativement à des affaires ayant fait l’objet d’un arbitrage aux termes de la Convention du CIRDI.  À moins qu’un accord d’arbitrage conclu sous le régime de la Convention prévoie le contraire, aucun tribunal judiciaire ou administratif canadien ne peut ordonner la prise de mesures provisoires conservatoires pour protéger ou préserver les intérêts d’une partie avant ou durant une instance d’arbitrage aux termes de la Convention du CIRDI.  De même, aucun tribunal judiciaire ou administratif canadien ne peut trancher une question visée par l’accord.

Sauf convention contraire des parties à une procédure de conciliation engagée sous le régime de la Convention du CIRDI, il est interdit d’avoir recours aux opinions, déclarations ou offres de règlement d’une partie dans le cadre d’une autre procédure, notamment une instance portée devant un tribunal judiciaire ou administratif ou un arbitre.  De la même manière, le procès-verbal ou les recommandations d’une commission de conciliation constituée aux termes de la Convention ne peuvent pas être utilisés dans d’autres procédures (art. 10).

Aux termes de la Convention, chaque partie contractante peut désigner quatre personnes qui figureront sur la liste des conciliateurs et quatre autres sur la liste des arbitres(7).  L’article 11 du projet de loi porte que le gouverneur en conseil peut désigner des personnes qui figureront sur la liste des conciliateurs et sur la liste des arbitres.

En cas d’incompatibilité, les dispositions du projet de loi ou de la Convention l’emportent sur la Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères des Nations Unies et sa loi de mise en œuvre(8) et sur la Loi sur l’arbitrage commercial(9).

L’article 5 du projet de loi porte que le CIRDI possède la capacité d’une personne physique.  Il atteste les privilèges et immunités du CIRDI aux termes de la Convention, par exemple le fait que le CIRDI, ses biens, ses avoirs et ses revenus sont exonérés de tous impôts et droits de douane.  L’article 5 confère par ailleurs certains privilèges et immunités au président et aux membres du Conseil administratif, ainsi qu’à d’autres personnes comme des avocats et les témoins.  Les dispositions de la loi lient la Couronne fédérale (art. 6).

Commentaires

Le projet de loi C-53 n’a pas suscité beaucoup d’intérêt dans les médias.  Dans un communiqué publié le 30 mars 2007, le ministre des Affaires étrangères a déclaré : « En appliquant cette Convention, qui a été adoptée par 143 autres pays, [le gouvernement] prend les mesures nécessaires pour offrir aux investisseurs canadiens un outil additionnel pour régler efficacement les différends relatifs aux investissements. »(10)  Dans le même communiqué, le ministre du Commerce international note : « La Convention du CIRDI contribuera à la prospérité du Canada en offrant une protection supplémentaire aux investisseurs canadiens et en renforçant l’image d’un Canada ouvert à l’investissement à l’étranger. »(11)  À la Chambre des communes, le projet de loi a reçu l’appui du Parti libéral et du Bloc québécois(12).

Pour que la Convention puisse être ratifiée et mise en œuvre, il faut que des lois habilitantes soient adoptées au niveau fédéral et au niveau des provinces et des territoires.  La Colombie-Britannique, Terre-Neuve-et-Labrador, le Nunavut, l’Ontario et la Saskatchewan ont déjà adopté les lois voulues.  Le gouvernement fédéral a fait savoir qu’il « continuera à tenter d’obtenir le soutien des provinces et des territoires avant la ratification »(13).


Notes

* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.
  1. Le Groupe de la Banque mondiale, Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, Convention et règlements du CIRDI.
  2. Le Groupe de la Banque mondiale, Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, « List of Contracting States and other Signatories of the Convention », 9 mai 2007.
  3. Convention du CIRDI, art. 1.
  4. Convention du CIRDI, art. 54.
  5. Même si le Canada n’a pas encore ratifié la Convention, il fait appel au Règlement du Mécanisme supplémentaire, adopté par le conseil administratif du CIRDI.  Ce règlement autorise le Secrétariat du CIRDI à administrer certaines procédures entre États et ressortissants d’autres États qui ne tombent pas dans le champ d’application de la Convention du CIRDI.
  6. Il est intéressant de noter que l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) établit un mécanisme aux termes duquel les investisseurs d’un pays membre de l’ALENA peut, dans certains cas, demander directement un recours contre le gouvernement d’un autre État membre par la voie de l’arbitrage.  L’ALENA énonce certaines procédures générales concernant l’arbitrage, mais précise que celui-ci doit être mené conformément à la Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d’autres États, au Règlement du Mécanisme supplémentaire du CIRDI ou aux règles d’arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI).
  7. Convention du CIRDI, art. 13.
  8. Loi sur la Convention des Nations Unies concernant les sentences arbitrales étrangères, L.R.C. 1985, ch. 16 (2esuppl.).  Cette Convention est un mécanisme d’arbitrage international reconnu qui exige que les tribunaux nationaux exécutent les accords d’arbitrage quand les questions dont ils sont saisis relèvent d’un tel accord.  Les parties à cette convention doivent aussi reconnaître et exécuter les sentences rendues dans d’autres États, sous réserve de certaines exceptions.
  9. L.R.C., 1985, ch. 17 (2e suppl.).  Cette loi donne force de loi au Code d’arbitrage commercial, lequel repose sur la Loi type sur l’arbitrage commercial international adoptée par la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international le 21 juin 1985.
  10. Affaires étrangères et Commerce international Canada, Le ministre MacKay dépose un projet de loi visant à protéger l’investissement canadien à l’étranger, communiqué, Ottawa, 30 mars 2007).
  11. Ibid.
  12. Chambre des communes, Débats, 15 mai 2007.
  13. Affaires étrangères et Commerce international Canada (2007).

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