Le projet de loi C-2 : Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence a été déposé et adopté en première lecture à la Chambre des communes le 18 octobre 2007. Ce projet de loi, dont le titre abrégé est « Loi sur la lutte contre les crimes violents », combine cinq projets de loi qui ont été traités séparément pendant la première session de la 39e législature. Les cinq catégories de mesures législatives créeront deux nouvelles infractions visant les armes à feu et prévoiront le rehaussement des peines minimales d’emprisonnement pour les infractions graves mettant en jeu des armes à feu, renverseront le fardeau de la preuve du régime de remise en liberté sous caution pour les personnes accusées d’infractions graves mettant en jeu des armes à feu ou d’autres armes réglementées, rendront plus facile la détermination que quelqu’un est un délinquant dangereux, faciliteront la détection et l’enquête des cas de conduite avec capacités affaiblies par l’effet d’une drogue et relèveront les peines minimales prévues pour la conduite avec capacités affaiblies, et feront passer de 14 à 16 ans l’âge de consentement à une activité sexuelle(1).
Les dispositions du projet de loi C-2 au sujet des peines minimales d’emprisonnement pour les infractions graves mettant en jeu les armes à feu proviennent du projet de loi C-10 : Loi modifiant le Code criminel (peines minimales pour les infractions mettant en jeu des armes à feu) et une autre loi en conséquence, qui a été déposé et adopté en première lecture à la Chambre des communes le 4 mai 2006, puis adopté en deuxième lecture et renvoyé au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes (le Comité de la Chambre) le 13 juin 2006. Ses objectifs principaux étaient d’augmenter les peines d’emprisonnement minimales obligatoires pour les personnes qui commettent des infractions graves ou répétées mettant en jeu des armes à feu et de créer les nouvelles infractions d’introduction par effraction pour voler une arme à feu et de vol qualifié visant une arme à feu(3). Le projet de loi C-10 a été présenté au Sénat le 30 mai 2007.
Le Code criminel (le Code) compte environ 40 infractions punissables d’une peine d’emprisonnement minimale obligatoire, y compris le meurtre, la conduite avec facultés affaiblies et diverses infractions sexuelles à l’égard d’enfants(4). Au Canada, les peines minimales pour les infractions mettant en jeu des armes à feu ont été édictées pour la première fois en 1977(5). La loi imposait une peine de prison additionnelle obligatoire d’au moins un an lorsqu’une arme à feu était utilisée lors de la perpétration d’un acte criminel(6). En 1995, de nouvelles modifications au Code ont établi des peines minimales obligatoires de quatre ans pour certaines infractions graves commises avec usage d’armes à feu, telles que la tentative de meurtre, l’agression sexuelle, l’enlèvement et le vol qualifié(7). Lorsqu’une personne commet certaines infractions mettant en jeu une arme à feu, ou une infraction mettant en jeu une arme à feu, une arme ou un autre objet qu’il lui est interdit de posséder à ce moment, elle doit aussi faire l’objet d’une ordonnance d’interdiction obligatoire(8).
Les peines minimales obligatoires sont généralement incompatibles avec le principe fondamental qu’une peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant(9), car elles ne permettent pas au juge de faire d’exception dans les cas appropriés. Il ne s’ensuit toutefois pas nécessairement qu’une peine minimale est inconstitutionnelle. Une peine minimale obligatoire peut constituer une peine cruelle et inusitée, en violation de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte)(10), s’il se peut, pour une question particulière ou un cas hypothétique raisonnable, que la peine obligatoire soit « exagérément disproportionnée » au vu de la gravité de l’infraction ou des caractéristiques personnelles du contrevenant.
Par exemple, la Cour suprême du Canada a conclu en 1987 qu’une peine d’emprisonnement minimale obligatoire de sept ans pour importation ou exportation de stupéfiants constituait une peine cruelle et inusitée, parce qu’elle ne prenait pas en compte la nature et la quantité de la substance, la raison de l’infraction ou l’absence de quelque condamnation antérieure(11). La disposition applicable a donc été déclarée inopérante. Par contre, la peine minimale obligatoire actuelle de quatre ans pour négligence criminelle causant la mort avec usage d’une arme à feu a été confirmée par la Cour suprême en 2000 au motif qu’une telle infraction témoigne nécessairement d’une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui(12).
Selon une étude publiée en 2002, les recherches n’appuient pas en général l’utilisation des peines minimales obligatoires à des fins de dissuasion ou de réduction de la disparité des peines(13). Cela étant dit, les données étaient peu conséquentes et peu claires dans le contexte des infractions relatives aux armes à feu. Par exemple, contrairement à ce qui se passe pour les infractions relatives aux drogues ou à la conduite avec facultés affaiblies, l’utilisation des peines minimales obligatoires semble avoir une certaine mesure d’incidence positive sur la réduction des crimes mettant en jeu des armes à feu(14).
Une étude de 1983 a conclu, d’une part, qu’il s’était produit une diminution des vols qualifiés et des homicides commis avec usage d’arme à feu à la suite de l’entrée en vigueur des peines minimales en 1977, mais qu’il y a peut-être eu un accroissement des infractions ne mettant pas en jeu des armes à feu, et d’autre part, que les peines minimales ne constituaient qu’un élément de la loi(15). Selon l’étude, il n’était pas possible de conclure à un rapport direct de cause à effet entre les peines minimales et le recul des taux de criminalité, car des dispositions de sélection pour déterminer qui pouvait posséder ou acquérir une arme à feu auraient pu constituer un facteur.
En 1995, de nouvelles modifications au Code prévoyaient des peines minimales obligatoires de quatre ans pour certaines infractions commises avec usage d’une arme à feu. Cependant, Statistique Canada a établi en 1999 et 2000 que le nombre des cas était trop faible pour avoir une incidence notable sur les tendances globales en matière de détermination de la peine(16). Il ne semble pas y avoir eu d’étude exhaustive, jusqu’à maintenant, des répercussions des modifications de 1995.
Certaines données tendent à démontrer que les peines minimales obligatoires ont été efficaces dans le contexte des crimes mettant en jeu des armes à feu aux États-Unis, quoique les résultats soient dans l’ensemble partagés. Selon une étude parue en 1992 sur l’alourdissement des peines obligatoires à l’égard des infractions avec usage d’arme à feu (peine d’emprisonnement obligatoire additionnelle) dans six grandes villes des États-Unis (Détroit, Jacksonville, Tampa, Miami, Philadelphie et Pittsburgh), les dispositions en question ont eu un effet dissuasif sur les homicides, mais non sur les autres crimes avec violence(17). Cependant, des études portant sur des lois similaires au Michigan (1983) et en Floride (1984) n’ont pas permis d’établir que ces lois avaient empêché la perpétration de crimes avec usage d’armes à feu(18).
Une étude de 1981 sur une loi de 1975 du Massachusetts qui prévoyait l’imposition de peines d’emprisonnement obligatoires pour la possession sans permis d’une arme de poing a conclu que cette loi avait eu un effet dissuasif efficace sur les crimes mettant en jeu des armes à feu à Boston, du moins à court terme(19). Selon une étude de 1984 sur une loi de 1974 de l’Arizona qui prévoyait une peine minimale d’emprisonnement additionnelle pour les infractions avec usage d’arme à feu, les délinquants ont commis moins de vols qualifiés avec usage d’arme à feu à la suite de l’alourdissement des peines pour usage d’arme à feu(20). L’adoption de la loi avait été suivie de « de réductions très importantes des vols qualifiés avec usage d’arme à feu dans deux importants comtés, sans qu’aucun indice porte à croire à des augmentations corrélatives d’autres vols qualifiés ou d’autres crimes contre la propriété »(21).
Plus récemment, à Richmond, en Virginie, une initiative de 1997 intitulée « Project Exile » établissait notamment une peine minimale obligatoire de cinq ans pour certains crimes mettant en jeu une arme à feu. Durant les dix premiers mois de 1998, comparativement à la même période de l’année précédente, le nombre total d’homicides commis dans la ville a baissé de 36 p. 100 et le nombre d’homicides avec usage d’arme à feu, de 41 p. 100(22).
Les peines minimales obligatoires constituent un sous-ensemble des peines criminelles en général. Les études portant sur les effets globaux des peines d’emprisonnement sur les taux de criminalité et sur la récidive peuvent donc être utiles. Selon une méta-analyse effectuée au Canada, les taux de récidive ne diffèrent guère, peu importe la durée de l’incarcération ou le fait que le délinquant ait reçu une peine d’emprisonnement ou une sanction communautaire. En fait, l’emprisonnement a produit une légère augmentation de la récidive(23). Dans une méta-analyse de suivi portant sur les délinquants adolescents, de sexe féminin et appartenant à une minorité, les auteurs ont provisoirement conclu que « des indications […] tendent à associer un accroissement de la durée d’incarcération à une légère augmentation de la récidive »(24).
Les peines minimales obligatoires ne donnent pas nécessairement lieu à des sanctions sévères et uniformes comme on l’avait prévu, ou encore elles peuvent entraîner des effets incidents. Le prononcé possible d’une peine obligatoire entraîne parfois la suspension ou le retrait des accusations, ou encore une négociation de plaidoyer en vue de faire modifier les chefs d’accusation parce que le procureur de la Couronne juge la peine trop sévère. Il en résulte que la décision relative à la détermination de la peine appropriée est transférée du juge au procureur de la Couronne(25).
Lorsqu’une accusation est maintenue à l’égard d’une infraction punissable d’une peine minimale, l’accusé n’a pas avantage à plaider coupable, ce qui accroît le risque d’un procès coûteux. Les procès peuvent aussi donner lieu au refus du jury de déclarer coupable un accusé passible d’une peine obligatoire considérée trop sévère(26). Il se peut également qu’un juge inflige à l’accusé une peine moins sévère pour les autres chefs d’accusation, afin de contrebalancer la peine minimale liée à une accusation donnée(27). Selon une enquête menée auprès de juges canadiens, un peu plus de la moitié d’entre eux étaient d’avis que les dispositions législatives sur les peines obligatoires nuisaient à leur capacité d’imposer une peine juste(28).
Les périodes d’emprisonnement plus longues font augmenter les coûts du système carcéral, qui ne sont pas nécessairement compensés par la réduction de la criminalité et de la récidive(29). Outre les coûts directs de l’emprisonnement, il faut aussi calculer un coût de renonciation dans la mesure où il y a moins de fonds publics à affecter aux mesures d’application de la loi, aux programmes communautaires et aux initiatives de prévention du crime. Enfin, les peines minimales obligatoires peuvent avoir un effet préjudiciable sur les défendeurs issus des groupes minoritaires, qui sont peut-être plus susceptibles de faire l’objet d’accusations pour des infractions punissables d’une peine minimale(30). Par exemple, des études réalisées en Australie ont établi que les délinquants autochtones sont, de manière disproportionnée, condamnés à des peines minimales obligatoires, ce qui a donné lieu à l’abrogation de certaines dispositions sur la détermination de la peine(31).
Le projet de loi C-2 alourdit les peines minimales d’emprisonnement qui doivent être imposées pour certaines infractions relatives à des armes à feu, en particulier les infractions commises avec une arme à feu à autorisation restreinte ou une arme à feu prohibée, ayant un lien avec une organisation criminelle, ou commises par une personne ayant déjà été déclarée coupable d’infraction mettant en jeu une arme à feu. Le tableau 1 résume les modifications en comparant les peines minimales actuellement en vigueur sous le régime du Code à celles qui sont proposées dans le projet de loi.
Infraction (et renvoi à la disposition du Code criminel) | Peine minimale d’emprisonnement en vigueur | Peine minimale d’emprisonnement prévue par le projet de loi C-10 |
---|---|---|
Usage d’une arme à feu ou d’une fausse arme à feu lors de la perpétration d’un acte criminel(32), lors d’une tentative de commettre un acte criminel ou lors de la fuite qui suit (art. 85) : par. 3(2) | 1 an (1re infraction) 3 ans (en cas de récidive) |
Aucune modification(33) |
Possession sans autorisation d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte, chargée ou avec des munitions facilement accessibles (art. 95) : art. 8 | 1 an (mais Seulement si le procureur de la Couronne décide de procéder par mise en accusation)(34) |
3 ans (1re infraction) 5 ans (en cas de récidive) Dans tous les cas, le procureur de la Couronne conserve la possibilité de procéder par voie sommaire; la peine maximale est d’un an (pas de peine minimale) |
Introduction par effraction pour voler une arme à feu (nouvel art. 98) : art. 9 | Non applicable (nouvelle infraction) |
Pas de peine minimale (la peine maximale est l’emprisonnement à perpétuité) |
Vol qualifié visant une arme à feu (nouvel art. 98.1) : art. 9 | Non applicable (nouvelle infraction) |
Pas de peine minimale (la peine maximale est l’emprisonnement à perpétuité) |
Trafic ou possession en vue du trafic d’une arme à feu, d’une arme prohibée, d’une arme à autorisation restreinte, d’un dispositif prohibé, de munitions ou de munitions prohibées (art. 99 et 100) : art. 10 et 11 | 1 an | Pour une arme à feu, un dispositif prohibé, des munitions ou des munitions prohibées : 3 ans (1re infraction) 5 ans (en cas de récidive) Pour une arme prohibée ou à autorisation restreinte : 1 an |
Importation ou exportation d’une arme à feu, d’une arme prohibée, d’une arme à autorisation restreinte, d’un dispositif prohibé, de munitions prohibées, de quelque élément ou pièce conçu pour une arme à feu automatique, sachant que cela n’est pas autorisé (art. 103) : art. 12 | 1 an | Pour une arme à feu, un dispositif prohibé ou des munitions prohibées : 3 ans (1re infraction) 5 ans (en cas de récidive) Pour une arme prohibée ou à autorisation restreinte, quelque élément ou pièce conçu pour une arme à feu automatique : 1 an |
Usage d’une arme à feu lors de la perpétration d’une tentative de meurtre (art. 239), fait de décharger une arme à feu avec intention (art. 244), agression sexuelle armée (art. 272), agression sexuelle grave (art. 273), enlèvement (art. 279), prise d’otage (art. 279.1), vol qualifié (art. 344) et extorsion (art. 346) : art. 16 à 17 et 28 à 33 | 4 ans (cette peine minimale comprend la peine pour l’infraction sous-jacente) | 4 ans (sauf dans le cas ci-dessous) Pour une arme à feu à autorisation restreinte ou prohibée, ou s’il existe un lien entre l’usage d’une arme à feu quelconque et une organisation criminelle : 5 ans (1re infraction) 7 ans (2e infraction et toute récidive subséquente) |
Les peines minimales obligatoires plus lourdes prévues en cas de récidives s’appliquent non seulement lorsque la personne a déjà commis l’infraction reprochée, mais aussi lorsqu’elle a commis certaines autres infractions. Pour la détermination de la peine applicable à l’égard de toutes les infractions du tableau précédent, sauf les huit figurant à la dernière ligne (soit l’usage d’une arme à feu lors de la perpétration d’une tentative de meurtre, etc.), le délinquant est réputé avoir récidivé s’il a commis l’une ou l’autre des infractions du tableau précédent, une infraction relative aux armes à feu visée par trois autres articles au Code (art. 96, 102 et 117.01(1)), une négligence criminelle causant la mort avec usage d’une arme à feu au sens de l’article 220 du Code ou un homicide involontaire coupable avec usage d’arme à feu au sens de l’article 236 du Code (art. 2).
Pour les huit infractions les plus graves qui figurent à la dernière ligne du tableau 1, le délinquant est réputé avoir récidivé s’il a commis l’une ou l’autre des huit infractions les plus graves, une négligence criminelle entraînant la mort avec usage d’une arme à feu, un homicide involontaire coupable avec usage d’une arme à feu, ou l’usage d’une arme à feu ou d’une fausse arme à feu lors de la perpétration d’un acte criminel ou de la fuite qui la suit au sens de l’article 85 du Code (art. 16 à 17 et 28 à 33).
Pour toute détermination d’une peine sous le régime du projet de loi, il n’est pas tenu compte des condamnations précédant de plus de dix ans la condamnation à laquelle la peine s’applique, compte non tenu du temps passé sous garde. Par ailleurs, il est tenu compte de l’ordre des déclarations de culpabilité et non de l’ordre de perpétration des infractions (voir les dernières dispositions prescrites par les art. 2, 16 à 17, et 28 à 33). Cela signifie que dans le cas d’une personne qui, par exemple, aurait importé illégalement une arme à feu et s’en serait servi par la suite pour commettre une tentative de meurtre, mais qui aurait été condamnée d’abord pour l’usage d’une arme à feu, la « deuxième infraction » serait l’importation. En conséquence, la personne aurait reçu une peine minimale de cinq ans (deuxième infraction pour une accusation d’importation) plutôt que de sept ans (deuxième infraction pour une accusation d’usage d’une arme à feu dans le but de commettre une tentative de meurtre).
L’article 9 du projet de loi ajoute au Code deux nouvelles infractions mettant en jeu une arme à feu, l’une étant l’introduction avec effraction pour voler une arme à feu (nouvel art. 98 du Code) et l’autre, le vol qualifié visant une arme à feu (nouvel art. 98.1 du Code). La première infraction s’applique lorsqu’une personne s’introduit dans un lieu par effraction avec l’intention d’y voler une arme à feu (même si elle n’en vole pas réellement une), s’introduit en un lieu par effraction et vole une arme à feu (même si elle n’avait pas au départ l’intention d’en voler une), ou sort d’un lieu par effraction après y avoir volé ou avoir eu l’intention d’y voler une arme à feu. « Effraction » s’entend du fait soit de briser quelque partie intérieure ou extérieure d’une chose, soit d’ouvrir toute chose employée ou destinée à être employée pour fermer ou pour couvrir une ouverture intérieure ou extérieure (art. 321 du Code). « Lieu » s’entend de tout bâtiment ou construction, véhicule à moteur, navire, aéronef, matériel ferroviaire, contenant ou remorque. Il est aussi précisé qu’une personne est réputée s’être introduite dès qu’une partie de son corps ou d’un instrument qu’elle utilise se trouve à l’intérieur de la chose dans laquelle elle veut s’introduire et qu’une personne est réputée s’être introduite par effraction si elle est parvenue à entrer au moyen d’une menace ou d’un artifice ou par collusion avec une personne se trouvant à l’intérieur ou si elle s’est introduite sans justification ou excuse légitime par une ouverture permanente ou temporaire.
Le vol qualifié visant une arme à feu s’applique à quiconque commet un vol qualifié soit avec l’intention de voler une arme à feu, soit au cours duquel il vole une arme à feu (même sans en avoir eu initialement l’intention). Un vol qualifié est le fait de quiconque : vole en employant la violence ou des menaces de violence contre une personne ou des biens; vole en blessant, battant ou frappant une personne ou en se portant à des actes de violence contre elle; se livre à des voies de fait sur une personne avec l’intention de la voler; ou vole une personne en étant muni d’une arme offensive ou d’une imitation d’une telle arme (art. 343 du Code).
Les deux nouvelles infractions prévues par le projet de loi s’ajoutent à la liste des infractions à l’article 183 du Code, à l’égard desquelles la police est autorisée à intercepter une communication (art. 15 du projet de loi). Les mentions d’introduction par effraction pour voler une arme à feu et de vol qualifié visant une arme à feu s’ajoutent à un article du Code en vertu duquel le tribunal qui détermine la peine est tenu de considérer comme circonstance aggravante le fait que le délinquant savait qu’une maison d’habitation était occupée ou qu’il ne s’en souciait pas, ou qu’il a employé la violence ou des menaces de violence contre une personne ou des biens (art. 34 du projet de loi). Enfin, le paragraphe 662(6) du Code est modifié de manière à indiquer que lorsqu’une personne est accusée d’avoir volé une arme à feu au cours d’une introduction par effraction, mais que le vol ne peut pas être démontré, la personne peut néanmoins être reconnue coupable d’introduction par effraction pour voler une arme à feu, même si elle n’a pas été accusée de cette infraction (art. 38 du projet de loi).
L’article 98 du Code était une disposition transitoire adoptée en même temps que les modifications de 1995 relatives aux armes à feu. Désormais inutile, il a été remplacé par d’autres dispositions dans le projet de loi. Les mentions de l’ancien article 98 ont été supprimées des articles 91 à 95 du Code (art. 4 à 8)(35).
L’article 244 du Code a été reformulé (art. 17). La nature de l’infraction qui y est décrite est essentiellement la même, soit de décharger une arme à feu contre qui que ce soit dans l’intention de blesser une personne, de mettre sa vie en danger ou d’éviter de se faire arrêter ou détenir, sauf qu’on la désigne maintenant au moyen de l’expression « décharger une arme à feu avec une intention particulière », au lieu de « causer intentionnellement des lésions corporelles – arme à feu », probablement parce que, pour qu’il y ait infraction, il n’est pas nécessaire qu’il y ait des lésions corporelles. La nouvelle désignation est insérée à deux endroits dans le Code (par. 3(1) et art. 35). L’infraction de prise d’otage est aussi reformulée sans que cela n’entraîne de conséquences ou de modifications sensibles ailleurs (art. 31).
En raison des modifications aux peines minimales imposées pour agression sexuelle grave selon le type d’arme à feu utilisée et selon qu’il y a eu ou non participation d’une organisation criminelle (voir l’art. 29), on fait une distinction entre « agression sexuelle grave – usage d’une arme à feu » et « agression sexuelle grave – usage d’une arme à autorisation restreinte, d’une arme prohibée ou de toute arme en association avec une organisation criminelle ». La désignation de cette infraction est modifiée en conséquence dans un autre article du Code (art. 36 du projet de loi).
Une modification corrélative est apportée à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition(36) en fonction de la nouvelle désignation de l’infraction, soit « décharger une arme à feu avec une intention particulière » (art. 57). Une disposition de coordination apporte une modification similaire, pour tenir compte de la possibilité que soit le projet de loi C-2 soit une autre loi(37) entre en vigueur en premier (art. 63).
Les dispositions du projet de loi C-2 sur l’accroissement de l’âge de consentement proviennent du projet de loi C-22 : Loi modifiant le Code criminel (âge de protection) et la Loi sur le casier judiciaire en conséquence, qui a été déposé et adopté en première lecture à la Chambre des communes le 22 juin 2006 et a été adopté par la Chambre le 4 mai 2007. Ses objectifs principaux étaient de modifier le Code criminel (le Code)(39) pour faire passer de 14 à 16 ans l’âge du consentement à une activité sexuelle de nature non exploitante. L’âge actuel du consentement sera maintenu à 18 ans pour toute activité sexuelle de nature exploitante, c’est-à-dire où intervient la prostitution, la pornographie ou toute relation de confiance, d’autorité ou de dépendance, ou toute autre situation où la jeune personne est exploitée. Le projet de loi C-22 a été adopté en deuxième lecture au Sénat le 20 juin 2007.
L’âge du consentement est l’âge auquel le droit pénal reconnaît la capacité juridique d’une jeune personne à consentir à des relations sexuelles. En deçà de cet âge, toute relation sexuelle avec un adolescent, du simple toucher sexuel au rapport sexuel proprement dit, est interdite. Jusqu’en 1890, seules les fillettes de moins de 12 ans étaient juridiquement inaptes à consentir à des relations sexuelles, après quoi l’âge limite a été fixé à 14 ans, et il est resté tel depuis(40). Lorsque le Code a été refondu en 1892, la stricte interdiction de toute relation sexuelle a été conservée pour les adolescentes de moins de 14 ans, si elles n’étaient pas mariées à l’accusé. À l’époque, le droit a également été consolidé pour que la conviction de l’accusé au sujet de l’âge de l’adolescente soit considérée comme sans valeur. L’âge limite de 14 ans est resté tel jusqu’à nos jours, à une rare exception près pour les activités sexuelles consensuelles entre adolescents ayant moins de deux ans de différence d’âge.
Le droit pénal canadien prévoit également une protection relative contre l’exploitation sexuelle pour les femmes de plus de 14 ans. Ainsi, la séduction d’une adolescente de plus de 12 ans et de moins de 16 ans qui était « de mœurs antérieurement chastes » est devenue une infraction en 1886. Retenue dans le Code de 1892 à l’égard des filles âgées de 14 à 16 ans, cette infraction y est demeurée jusqu’en 1920, année où on l’a modifiée pour interdire « les rapports sexuels ». Après 1920, la question de savoir qui était le plus à « blâmer » est devenue un élément pouvant entraîner l’acquittement, mais l’infraction est restée en vigueur jusqu’en 1988.
Outre les infractions ci-dessus, la « séduction » d’une adolescente de moins de 18 ans « sous promesse de mariage » est devenue une infraction au Canada en 1886. Cette disposition a été modifiée en 1887, portant l’âge requis à 21 ans. En 1920, la « séduction », sans mention d’une promesse de mariage, est devenue une infraction dans le cas d’adolescentes « de mœurs antérieurement chastes » âgées de 16 à 18 ans. Il est donc clair qu’il n’y a jamais eu d’interdiction totale de rapports sexuels avec des jeunes filles âgées de plus de 14 ans.
Le Rapport du Comité sur les infractions sexuelles à l’égard des enfants et des jeunes (Rapport Badgley) a été publié en 1984. Il comportait de nombreuses recommandations concernant le traitement des infractions sexuelles contre des enfants et semble avoir été à l’origine de beaucoup des infractions qui figurent aujourd’hui dans la partie V du Code. Par exemple, la neuvième recommandation proposait une définition de la personne en situation de confiance qui a été ultérieurement adoptée dans un certain nombre d’infractions, dont l’exploitation sexuelle.
Après la publication du Rapport Badgley, le projet de loi C-15 de 1988 a modifié le Code afin d’abroger les infractions concernant la séduction et les rapports sexuels illicites. De nouvelles infractions ont cependant été créées, dites de « contacts sexuels » et d’« incitation à des contacts sexuels », pour interdire aux adultes presque n’importe quelle forme de contact sexuel avec des garçons ou des filles de moins de 14 ans, qu’il y ait ou non consentement. C’est aussi à cette époque qu’a été introduite l’infraction d’« exploitation sexuelle », dont se rend coupable tout adulte qui se livre à tout contact sexuel avec un jeune de 14 à 18 ans – garçon ou fille – à l’égard duquel il est en situation de confiance ou d’autorité.
On a expliqué de diverses manières les modifications apportées au Code en 1988. On estimait, entre autres, que le traitement des filles et des garçons était inégal, puisque les infractions antérieures avaient strictement trait aux victimes de sexe féminin. Par ailleurs, l’infraction de rapports sexuels illicites ne protégeait pas les jeunes filles d’autres formes de contacts sexuels. De plus, l’absence de protection des adolescentes de 14 à 16 ans qui n’étaient pas de mœurs chastes ou qui étaient susceptibles d’être blâmées était considérée comme une grave lacune dans la capacité du droit à protéger les adolescentes contre la grossesse. Le type d’examen dont une plaignante pouvait faire l’objet concernant la preuve de la chasteté de ses mœurs a peut-être contribué au fait que peu d’accusations ont été portées aux termes de cette disposition avant son abrogation.
Exception faite des infractions de sodomie et de grossière indécence, l’âge du consentement au Canada n’a jamais dépassé 14 ans, quoique des lois antérieures aient permis de poursuivre des hommes jugés coupables de s’être livrés à des rapports sexuels avec une femme de moins de 21 ans dans certains cas. L’âge applicable aux relations homosexuelles est énoncé à l’article 159 du Code, selon lequel l’âge du consentement à des relations anales est de 18 ans, à moins qu’il s’agisse d’un acte privé entre époux.
Indépendamment de la question juridique, des études sur les habitudes des jeunes Canadiens attestent qu’ils se livrent à des activités sexuelles. Le rapport publié en 2003 par le Conseil des ministres de l’Éducation du Canada sous le titre Étude sur les jeunes, la santé sexuelle, le VIH et le sida au Canada(41) révèle que l’âge moyen de la première relation sexuelle selon les membres de l’échantillon (élèves de 7e, 9e et 11e années) est de 14,1 ans chez les garçons et de 14,5 ans chez les filles. Par ailleurs, les raisons citées par les jeunes qui ne se livrent pas à des activités sexuelles sont le plus souvent qu’ils « ne sont pas prêts » ou qu’ils « n’en ont pas eu l’occasion ». Le point de vue négatif de la famille ou des pairs n’entre pas vraiment en ligne de compte de la décision de ne pas avoir de rapports sexuels. On peut donc se demander si une modification de l’âge du consentement dans le Code aurait un quelconque effet sur les activités sexuelles des jeunes Canadiens.
L’âge du consentement aux relations sexuelles est très variable dans le monde. Il varie également au sein des pays, comme au Canada, selon la région ou les circonstances. C’est au Mexique que l’âge est le moins élevé, soit 12 ans(42). Toutefois, dans ce pays, le droit fédéral tient compte de la différence d’âge entre les partenaires et il peut être infirmé par des lois régionales. Au Japon, l’âge du consentement est de 13 ans, bien que la loi préfectorale puisse infirmer la loi fédérale pour instituer l’âge de 18 ans. L’âge du consentement est également de 13 ans en Argentine, en Corée du Sud, en Espagne, au Nigeria et en Syrie. Il est de 14 ans dans beaucoup de pays, dont l’Allemagne, la Bulgarie, le Chili, la Chine, la Colombie, la Croatie, la Hongrie, l’Islande, l’Italie, le Pérou et le Portugal.
Aux États-Unis, l’âge du consentement se situe dans la fourchette de 14 à 18 ans, mais semble le plus souvent être de 16 ou de 18 ans. Dans certains États, il peut être inférieur si la différence d’âge entre les partenaires est faible ou si le partenaire le plus âgé a moins d’un certain âge (généralement 18 ou 21 ans). Dans la plupart des États australiens, l’âge du consentement est de 16 ans, tout comme en Belgique, en Finlande (sous réserve d’une disposition de proximité d’âge), à Hong Kong, aux Pays-Bas, en Norvège, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni, en Russie, à Singapour et en Ukraine. Les pays qui ont fixé l’âge du consentement à 18 ans sont l’Égypte, Haïti, Malte, la République dominicaine et le Vietnam. L’âge peut varier selon le sexe et dépendre également du fait que les partenaires sont mariés. La limite d’âge peut être inférieure si les partenaires sont à peu près du même âge. Enfin, il faut tenir compte du fait que toutes les limites d’âge ci-dessus ne s’appliquent qu’aux relations hétérosexuelles. Dans beaucoup de pays, les relations homosexuelles sont, selon le cas, interdites ou assujetties à des limites d’âge différentes (souvent supérieures).
Le Code ne pénalise pas les relations sexuelles consensuelles sans caractère d’exploitation avec ou entre des personnes de 14 ans ou plus, à moins qu’elles s’inscrivent dans une relation de confiance ou de dépendance, auquel cas les relations sexuelles avec des personnes de 14 à 18 ans peuvent être considérées comme une infraction, même s’il y a consentement. Même les relations sexuelles consensuelles avec des personnes de 12 à 14 ans peuvent ne pas être considérées comme une infraction si la personne accusée a moins de 16 ans et que la différence d’âge avec le plaignant n’est pas supérieure à deux ans. Les relations anales font exception : les personnes non mariées de moins de 18 ans ne peuvent légalement y consentir, quoique la Cour d’appel de l’Ontario(43) et la Cour d’appel du Québec(44) aient invalidé la disposition applicable du Code.
Les articles 151 et 152 du Code interdisent à peu près toutes les formes de rapports sexuels avec des enfants de moins de 14 ans, et le consentement n’est pas un moyen de défense utilisable dans ce cas comme dans le cas de toutes les infractions d’agression sexuelle à l’égard de victimes de sexe masculin ou féminin âgées de moins de 14 ans. La peine maximale pour « contacts sexuels » ou « incitation à des contacts sexuels » est de dix ans d’emprisonnement en cas de mise en accusation, les deux infractions étant passibles de peines minimales d’emprisonnement, de sorte qu’elles ne peuvent donner lieu à des condamnations avec sursis.
L’article 153 du Code interdit l’« exploitation sexuelle » d’un « adolescent », lequel est défini comme une personne de 14 à 18 ans. Il y a exploitation sexuelle lorsque l’accusé est en relation de confiance ou d’autorité avec le plaignant, que celui-ci est dans une relation de dépendance avec l’accusé ou que la relation vise à exploiter l’adolescent. Pour déterminer si la relation est de nature exploitante, le juge est invité à tenir compte de l’âge de l’adolescent, de la différence d’âge entre la personne accusée et l’adolescent, de l’évolution de la relation et du degré de contrôle ou d’influence de l’accusé à l’égard de l’adolescent. Le consentement n’entre pas en ligne de compte dans ce genre de relation. La peine maximale est de dix ans d’emprisonnement en cas de mise en accusation. Une peine minimale est applicable à ce type d’infraction, de sorte que l’accusé ne peut bénéficier d’une condamnation avec sursis.
L’âge de 14 ans s’applique à un certain nombre d’autres infractions sexuelles prévues dans le Code, notamment la bestialité (par. 160(3)), le père, la mère ou le tuteur qui amène un enfant à commettre des actes sexuels (al. 170a)), tout responsable d’un lieu qui incite un enfant à commettre des actes sexuels (al. 171a)), le leurre (al. 172.1(1)c)), les actions indécentes (par. 173(2)) et l’enlèvement d’enfant au Canada (al. 273.3(1)a)). Cette limite d’âge s’applique également à l’obtention d’une ordonnance d’interdiction en vertu du paragraphe 161(1) et d’une caution en vertu du paragraphe 810.1(1), si l’on craint qu’une infraction sexuelle risque d’être commise à l’égard d’une personne de moins de 14 ans.
Une autre catégorie d’infraction sexuelle peut être considérée comme relevant de l’exploitation, et l’âge applicable est alors de 18 ans. Nous avons déjà analysé l’infraction d’« exploitation sexuelle » au sens de l’article 153 du Code. Le consentement d’une personne de moins de 18 ans n’est pas un moyen de défense dans ce cas. Il y a aussi la pornographie juvénile, qui, au sens de l’article 163.1 du Code, consiste, en partie, en une représentation visuelle montrant une personne de moins de 18 ans ou présentée comme telle s’adonnant à des activités sexuelles explicites. La simple possession de produits de pornographie juvénile est une infraction, tout comme la production, l’impression, la publication et la transmission de ces produits. La prostitution est une troisième forme d’exploitation sexuelle. Les infractions qui s’y rattachent sont énumérées à l’article 212 du Code (dans le cas d’une personne âgée de moins de 18 ans, vivre des produits de la prostitution de cette personne et proxénétisme).
L’article 150.1 du Code prévoit une série de règles applicables à des articles énumérés du Code pour éviter qu’un accusé invoque le consentement d’un plaignant dont l’âge est inférieur à un certain seuil. Il permet également à l’accusé de se défendre en affirmant qu’il a commis une erreur, s’il y a lieu. Il prévoit que le consentement d’un plaignant de moins de 14 ans n’est pas un moyen de défense pour les infractions d’agression sexuelle (art. 271 à 273) et qu’il n’en est pas un, quel que soit l’âge du plaignant, pour toutes les autres infractions énumérées, par exemple l’exploitation sexuelle (art. 153). Il y a cependant une exception à cette règle générale. Le consentement peut être un moyen de défense pour les contacts sexuels (art. 151), l’incitation aux contacts sexuels (art. 152), l’outrage à la pudeur à l’égard d’une personne de moins de 14 ans (par. 173(2)) ou l’agression sexuelle (art. 271) si le plaignant est âgé de 12 à 14 ans et sous réserve d’autres conditions, à savoir que l’accusé soit âgé de 12 à 16 ans, que la différence d’âge ne soit pas supérieure à deux ans, que l’accusé ne soit pas dans une relation de confiance à l’égard du plaignant ou que celui-ci ne soit pas dans une relation de dépendance à l’égard de l’accusé et que la relation entre les deux ne soit pas de nature exploitante à l’égard du plaignant.
L’article 150.1 limite également les circonstances dans lesquelles une erreur de fait à l’égard de l’âge du plaignant peut être considérée comme une excuse. La disposition prévoit une liste d’infractions pour lesquelles l’erreur de fait peut être une excuse si l’accusé croyait que le plaignant avait plus de 14 ans. Une autre liste prévoit les infractions pour lesquelles l’erreur de fait sera une excuse si l’accusé croyait que le plaignant avait plus de 18 ans. Pour invoquer cette excuse, toutefois, l’accusé doit avoir pris toutes les mesures raisonnables pour s’assurer de l’âge du plaignant. Il doit faire la preuve des mesures qu’il a prises et prouver que c’est tout ce qu’on pouvait raisonnablement exiger de lui dans les circonstances.
L’article 13 du projet de loi modifie le paragraphe 150.1(1) pour prévoir que le consentement d’un plaignant âgé de moins de 16 ans (plutôt que de 14 ans) n’est pas un moyen de défense dans les infractions d’agression sexuelle (art. 271 à 273). Pour certaines infractions où le plaignant est âgé de 12 à 14 ans, le projet de loi modifie le paragraphe 150.1(2) pour supprimer l’exigence que l’accusé soit âgé de 12 à 16 ans. Le projet de loi prévoit simplement que la différence d’âge entre l’accusé et le plaignant doit être au plus de deux ans.
Le nouveau paragraphe 150.1(2.1) énonce de nouvelles règles pour les infractions de contacts sexuels (art. 151), d’incitation aux contacts sexuels (art. 152), d’outrage à la pudeur à l’égard d’une personne de moins de 14 ans (par. 173(2)) et d’agression sexuelle (art. 271), si le plaignant est âgé de 14 à 16 ans. Dans ce cas, le consentement du plaignant peut être un moyen de défense pourvu que certaines conditions soient remplies, à savoir que la différence d’âge ne soit pas supérieure à cinq ans (exception de proximité d’âge), que l’accusé ne soit pas en situation de confiance ou d’autorité à l’égard du plaignant, que celui-ci ne soit pas dans une relation de dépendance à l’égard de l’accusé, que la relation ne soit pas de nature exploitante, ou que l’accusé soit marié au plaignant.
Le nouveau paragraphe 150.1(2.2) prévoit des mesures transitoires pour l’accusé visé par le paragraphe 150.1(2.1) lorsque la différence d’âge est supérieure à cinq ans. Dans ce cas, le consentement du plaignant à l’activité en cause peut être un moyen de défense si, au moment de l’entrée en vigueur de la disposition, certaines conditions sont remplies. L’accusé peut utiliser la défense qu’il y a une union de fait, ou une cohabitation dans le cadre d’une relation conjugale depuis moins d’un an et présence d’un enfant ou grossesse à la suite de la relation. Par ailleurs, l’accusé ne doit pas être en situation de confiance ou d’autorité à l’égard du plaignant, celui-ci ne doit pas être dans une relation de dépendance à l’égard de l’accusé et la relation ne doit pas être de nature exploitante.
Le nouveau paragraphe 150.1(6) dit clairement que l’accusé ne peut pas invoquer l’erreur de fait concernant l’âge du plaignant comme moyen de défense à moins qu’il ait pris toutes les mesures raisonnables pour vérifier l’âge du plaignant. Les paragraphes 150.1(4) et 150.1(5) actuels emploient déjà ce vocabulaire pour les infractions actuelles où la limite d’âge est de 14 ou de 18 ans.
L’article 172.1 du Code prévoit l’infraction qui consiste à employer un système informatique pour leurrer les enfants afin de leur faire commettre certaines infractions sexuelles. L’article énumère diverses infractions sexuelles selon l’âge de l’enfant. Il y a infraction si l’enfant a moins d’un certain âge limite ou si l’accusé croyait que l’enfant avait moins de cet âge. Le paragraphe 172.1(3) instaure une présomption réfutable selon laquelle l’accusé croyait que l’enfant avait moins de l’âge limite s’il y a preuve que l’enfant a été représenté à l’accusé comme ayant moins de cet âge. Le fait que l’accusé croyait que l’enfant avait plus que cet âge n’est pas un moyen de défense, à moins qu’il ait pris toutes les mesures raisonnables pour vérifier l’âge de l’enfant.
Le nouvel alinéa 172.1(1)b) fixe à 16 ans l’âge limite applicable à l’infraction de faciliter la perpétration d’une infraction aux termes de l’article 151 (contacts sexuels), de l’article 152 (incitation aux contacts sexuels), du paragraphe 160(3) (bestialité en présence d’un adolescent) ou du paragraphe 173(2) (exhibition devant un adolescent). Ces infractions sont ajoutées à une liste antérieure ne touchant que l’article 280 (enlèvement d’une personne de moins de 16 ans). L’âge limite applicable aux quatre infractions ajoutées passe de 14 à 16 ans (voir ci-dessous) : par conséquent, commet maintenant une infraction quiconque emploie un système informatique pour faciliter la perpétration de ces infractions si le plaignant a moins de 16 ans.
Puisque l’âge limite est désormais de 16 ans, l’alinéa 172.1(1)c) est modifié pour supprimer la mention de l’âge de 14 ans concernant les infractions en vertu des articles 151 et 152 et des paragraphes 160(3) et 173(2). Ainsi, le fait de leurrer une personne de moins de 14 ans au moyen d’un système informatique ne sera désormais une infraction que si le but est de faciliter la perpétration d’une infraction en vertu de l’article 281 (enlèvement d’une personne de moins de 14 ans).
L’article 54 est la principale disposition du projet de loi concernant l’âge du consentement, car il a pour effet de faire passer l’âge du consentement de 14 à 16 ans. Il vise à remplacer les mots « quatorze ans » par « seize ans » dans les dispositions suivantes :
Selon la Loi sur le casier judiciaire(45), la réhabilitation entraîne le classement du dossier ou du relevé de la condamnation de l’intéressé à part des autres dossiers judiciaires. Ce dossier ne peut être communiqué à quiconque, ni son existence, ni le fait que l’intéressé a été déclaré coupable, à moins que le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile y consente. Il y a une exception à cette exigence de non-communication lorsqu’une personne qui a obtenu sa réhabilitation pose sa candidature à un poste rémunéré ou bénévole si ce poste la place en relation d’autorité ou de confiance avec des enfants ou des personnes vulnérables. Si le candidat consent à la vérification, l’information relative à sa culpabilité à l’égard de certaines infractions peut être communiquée, pourvu que cette information ne soit employée que pour l’évaluation de sa candidature.
L’article 58 du projet de loi modifie l’annexe de la Loi sur le casier judiciaire, c’est-à-dire la liste des infractions sexuelles au sujet desquelles il est possible de communiquer de l’information sur la culpabilité dans les circonstances mentionnées ci-dessus. Ainsi, les articles 151, 152 et 153 décrivent désormais les infractions consistant respectivement à avoir des contacts sexuels avec une personne de moins de 16 (et non de 14) ans, à inciter une personne de moins de 16 ans à avoir des contacts sexuels et à exploiter sexuellement des personnes de 16 à 18 ans. D’autres modifications apportées à l’annexe feront passer l’âge limite de 14 à 16 ans pour les infractions commises en vertu du paragraphe 160(3) (bestialité) et pour le fait d’amener hors du Canada une personne de moins de 16 ans ou de 16 à 18 ans dans le but de commettre l’une des infractions énumérées. Ces modifications ont pour effet que le casier judiciaire de toute personne reconnue coupable des infractions redéfinies peut être communiqué à un employeur ou un superviseur bénévole potentiels si la personne pose sa candidature à un poste la mettant en relation avec des enfants ou d’autres personnes vulnérables.
Les dispositions au sujet de la conduite avec facultés affaiblies par la drogue du projet de loi C-2 proviennent du projet de loi C-32 de la première session de la 39e législature, qui a été déposé le 21 novembre 2006 et a fait l’objet d’un rapport accompagné d’amendements de la part du Comité permanent de la justice et des droits de la personne le 20 juin 2007.
Le projet de loi C-2 apporte des modifications au Code criminel (le Code) et à d’autres lois afin d’assurer la mise en œuvre d’un système plus rigoureux d’infractions relatives à la conduite avec facultés affaiblies par des drogues. Pour l’instant, l’alinéa 253a) du Code dispose que la conduite d’un véhicule avec des facultés affaiblies par l’alcool ou une drogue, ou une combinaison d’alcool et de drogue, constitue une infraction. L’alinéa 253b) dispose que le fait de conduire quand l’alcoolémie dépasse la limite prescrite par la loi constitue une infraction, mais aucune limite de ce genre n’existe pour les drogues. Par conséquent, bien que la conduite avec facultés affaiblies par des drogues constitue un acte criminel, les policiers disposent de peu de moyens prévus par la loi pour déterminer qu’un tel acte a été commis. À l’heure actuelle, ils se fient à des symptômes non quantifiables, tels qu’un comportement erratique au volant et des témoignages. Les tests de dépistage de drogue ne sont admis en cour que si le conducteur s’y est soumis de son plein gré.
Le projet de loi renforce l’application des dispositions de la loi relatives à la drogue en donnant aux policiers le pouvoir d’imposer des tests physiques de sobriété et le prélèvement d’échantillons de substances corporelles pour les enquêtes en application de l’alinéa 253a). De tels tests permettraient d’évaluer l’affaiblissement des facultés par les drogues illicites et les médicaments en vente libre et délivrés sur ordonnance. En premier lieu, les policiers seront autorisés à administrer des tests de sobriété normalisés (TSN) le long de la route s’ils ont des motifs raisonnables de croire que le conducteur est sous l’effet d’une drogue. Ces tests incluent des évaluations physiques de la sobriété, notamment à l’aide de tests de division de l’attention qui servent à vérifier la capacité du conducteur d’effectuer des tâches multiples. Si le conducteur échoue, le policier a alors des motifs raisonnables de croire qu’il s’est rendu coupable de conduite avec facultés affaiblies et peut l’accompagner à un poste de police pour lui faire subir une évaluation par un expert en reconnaissance de drogues (ERD), qui inclut une combinaison d’entrevues et d’observations de l’état physique du conducteur. Si l’ERD détermine qu’une catégorie particulière de drogues cause l’affaiblissement des facultés, le projet de loi permet aux policiers d’obtenir des échantillons de salive, d’urine ou de sang. Aucune accusation ne peut être portée sans la confirmation, par des épreuves toxicologiques, des résultats préliminaires de l’évaluation de l’ERD, mais ces résultats peuvent être produits comme preuve en cas de poursuites pour conduite avec facultés affaiblies. Enfin, le refus d’un conducteur de se soumettre à une évaluation physique de la sobriété ou au prélèvement d’un échantillon de substances corporelles constitue un acte criminel punissable en vertu des mêmes dispositions qui s’appliquent actuellement au refus de subir un alcootest ou un test de dépistage sanguin.
Le projet de loi alourdit aussi les peines liées à la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool et les drogues aux termes du paragraphe 255(1) du Code, et crée de nouvelles infractions liées à la conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort ou des lésions corporelles : conduite avec une alcoolémie supérieure à 80 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang et ayant causé la mort (prison à perpétuité) ou des lésions corporelles (dix ans d’emprisonnement); et refus de se soumettre à un prélèvement d’haleine, de salive, d’urine ou de sang lorsque l’accusé savait ou aurait dû savoir que sa conduite avait causé un accident ayant entraîné la mort (prison à perpétuité) ou des lésions corporelles (dix ans d’emprisonnement).
Enfin, en ce qui concerne la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool, le projet de loi limite les contestations en cour du résultat du test d’alcoolémie. Alors que le défendeur pouvait auparavant demander à des témoins d’attester qu’il avait bu seulement de petites quantités d’alcool, ou qu’il avait bu à un rythme auquel l’alcool consommé aurait été absorbé et éliminé par le corps de l’accusé, le projet de loi limite le recours à « toute preuve contraire » aux preuves tendant à démontrer le mauvais fonctionnement ou l’utilisation incorrecte de l’alcootest approuvé et le fait que l’alcoolémie de l’accusé ne dépassait pas 80 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang au moment où l’infraction alléguée aurait été commise.
Le Parlement s’est penché sur la conduite avec facultés affaiblies par des drogues en mai 1999, quand le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a déposé le rapport Vers l’élimination de la conduite avec facultés affaiblies(47). Le Comité y soulignait le fait que les drogues jouent un rôle dans certains accidents de la route mortels et que l’incidence de la conduite avec facultés affaiblies par les drogues est sous-estimée, car les lois actuelles n’accordent aux policiers aucun moyen facile de dépister les drogues. Le Comité a souligné le besoin d’adopter de meilleures mesures pour dépister les cas de conduite avec facultés affaiblies par des drogues et obtenir les preuves nécessaires pour faire condamner les contrevenants.
Toutefois, le Comité a signalé plusieurs obstacles à cet objectif. Ainsi, le Code exige que le policier ait des « motifs raisonnables » de croire qu’une personne a les facultés affaiblies avant d’administrer des tests; le Comité a souligné que le Parlement devrait définir clairement la nature des « motifs raisonnables », si le refus de se soumettre à des tests devenait un acte criminel. En outre, il semble n’exister aucun test non invasif unique permettant de déceler la présence de drogues susceptibles d’affaiblir les facultés du conducteur. En fin de compte, il faudrait probablement obtenir un échantillon de sang. Le Comité a approuvé l’évaluation par un ERD, mais a ajouté que les provinces avaient le dernier mot en matière de formation dans ce domaine. De plus, le Comité a insisté sur le besoin de tenir compte des conséquences du dépistage de drogues dans le contexte de la Charte, puisque les tests proposés peuvent être plus invasifs et prendre plus de temps que ceux utilisés pour mesurer l’alcoolémie.
Le Comité a fait deux recommandations sur la conduite avec facultés affaiblies par des drogues. Il a d’abord recommandé que l’article 256 du Code soit modifié pour permettre aux juges d’autoriser le prélèvement d’un échantillon de sang pour le dépistage d’alcool ou de drogues, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un délit de conduite avec facultés affaiblies a été commis. Il a aussi recommandé que le ministre de la Justice consulte les provinces et territoires afin de proposer des mesures législatives pour recueillir de meilleures preuves contre les conducteurs soupçonnés d’avoir les facultés affaiblies par des drogues.
En septembre 2002, le Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites a déposé un rapport intitulé Le cannabis : Positions pour un régime de politique publique pour le Canada(48), selon lequel entre 5 et 12 p. 100 des conducteurs pourraient conduire sous l’influence du cannabis et ce pourcentage monterait à plus de 20 p. 100 lorsqu’on considère seulement les jeunes hommes de moins de 25 ans. Selon le Comité, le cannabis seul, surtout à faible dose, a peu d’effet sur les capacités mises en jeu par la conduite d’un véhicule et, par conséquent, ne présente pas de risque pour la circulation routière. Toutefois, bien que le cannabis mène à un style de conduite plus prudent, il a tout de même un effet négatif sur le temps de décision et le maintien de la trajectoire, et le conducteur a plus de mal à rester dans sa voie. En outre, selon les tests de dépistage, une proportion importante de conducteurs avec facultés affaiblies ont consommé à la fois du cannabis et de l’alcool, et les effets du cannabis alliés à ceux de l’alcool sont plus importants que ceux de l’alcool seul.
Le Comité du Sénat a également souligné qu’il n’existait aucune méthode fiable, non invasive et rapide de dépistage des drogues le long de la route. L’analyse sanguine reste le meilleur moyen de dépister le cannabis. Il est impossible de conclure à un usage récent à partir d’un échantillon d’urine. La salive pourrait être une méthode, mais il n’existe dans le commerce aucun test rapide assez fiable. Toutefois, la méthode de reconnaissance visuelle employée par les policiers a donné des résultats satisfaisants par le passé. Le Comité a souligné qu’il était essentiel de mener d’autres études, afin de mettre au point un outil de dépistage rapide et d’en savoir plus sur les habitudes de conduite automobile des consommateurs de cannabis.
À titre de recommandation finale à propos de la nécessité d’interdire la conduite avec facultés affaiblies, le Comité a proposé deux modifications au Code : réduire l’alcoolémie permise à 40 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang quand l’alcool a été consommé en combinaison avec des drogues, particulièrement le cannabis, et accueillir comme preuve le témoignage de policiers formés à reconnaître les personnes qui conduisent des véhicules sous l’influence de drogues.
En réponse aux recommandations de 1999 du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, le Groupe de travail du ministère de la Justice sur la conduite avec facultés affaiblies a procédé à des consultations poussées auprès des provinces et des territoires sur la question et, en octobre 2003, il a publié Conduite avec facultés affaiblies par les drogues : Document de consultation(49). Compte tenu des préoccupations soulevées par le fait que beaucoup de conducteurs aux facultés affaiblies par des drogues ne se plient pas de plein gré au dépistage en vertu du régime actuel, le Groupe de travail a souligné le besoin d’instaurer par voie législative un régime qui permettrait aux policiers d’obliger les conducteurs soupçonnés d’avoir les facultés affaiblies à se soumettre au dépistage.
Le Groupe de travail a décrit deux grandes solutions. La première était d’établir une limite légale de drogue dans l’organisme. Toutefois, il a admis qu’une limite de zéro ne serait peut-être pas indiquée, car certains conducteurs pourraient avoir du cannabis dans leur organisme sans avoir les facultés affaiblies, parce qu’ils en auraient consommé plusieurs semaines auparavant.
La deuxième solution était de légiférer au sujet de la capacité des policiers d’exiger des tests de dépistage des drogues. En décrivant, à quelques exceptions près, un régime analogue à celui proposé dans le projet de loi C-2, le Groupe de travail a proposé qu’un policier expert agréé en TSN puisse exiger un test physique de sobriété ou prélève un échantillon de salive ou de sueur le long de la route, s’il a des motifs raisonnables de croire qu’un conducteur a les facultés affaiblies par des drogues. Des résultats positifs constitueraient un motif raisonnable pour faire une évaluation par un ERD à un poste de police. Un policier pourrait alors exiger un échantillon de substance corporelle (sang, urine, salive) à des fins de confirmation, s’il a un motif raisonnable de croire que le conducteur a commis une infraction au sens de l’alinéa 253a) en ayant consommé une drogue ou une combinaison de drogues et d’alcool au cours des trois heures précédentes. Le témoignage de l’ERD et les résultats des tests de dépistage seraient tous admissibles comme preuves, et le refus de se soumettre à de tels tests constituerait une infraction aux termes du Code.
Toutefois, le Groupe de travail a également souligné que, dans le contexte de la Charte, le législateur devra étudier à fond les dispositions actuelles du Code qui permettent d’exiger des échantillons d’haleine ou d’ADN à utiliser comme preuves et qui ont déjà résisté à des contestations judiciaires. Le législateur devra aussi tenir compte du moment, au cours du processus, où le suspect doit être informé de son droit de consulter un avocat.
Le dernier rapport parlementaire sur la conduite avec facultés affaiblies par des drogues, celui publié par le Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou de médicaments (projet de loi C-38) de la Chambre des communes, remonte à l’automne 2003(50). Les auteurs recommandaient au Parlement d’élaborer une stratégie relative à la conduite avec facultés affaiblies par des drogues après avoir examiné un projet de loi qui proposait de décriminaliser la possession de petites quantités de marijuana. Le 26 avril 2004, un projet de loi a été déposé à la Chambre des communes et devait apporter au Code des modifications relatives à la conduite avec les facultés affaiblies. Il a ensuite été renvoyé au Comité pour étude avant la deuxième lecture, mais est mort au Feuilleton en mai 2004 avec le déclenchement des élections. Le gouvernement suivant a déposé le projet de loi C-16, essentiellement semblable, à la Chambre des communes le 1er novembre 2004. Le Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile a renvoyé ce projet de loi amendé à la Chambre des communes avant la deuxième lecture le 14 novembre 2005, mais le projet de loi est lui aussi mort au Feuilleton quand des élections ont été déclenchées à la fin de novembre 2005. Enfin, le 21 novembre 2006, le présent gouvernement a déposé le projet de loi C-32, essentiellement semblable, à la Chambre des communes. Ce projet de loi a fait l’objet d’un rapport accompagné d’amendements de la part du Comité permanent de la justice et des droits de la personne le 20 juin 2007, mais il est mort au Feuilleton à la prorogation du Parlement en septembre 2007.
Bien que l’évaluation par un ERD ne soit pas encore prévue au Code, cette forme de dépistage est déjà répandue dans la plupart des États américains, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Allemagne, en Norvège et en Suède. Même au Canada, les services de police recourent déjà au dépistage par des ERD au Québec, en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario, en Nouvelle-Écosse et au Manitoba, mais seulement dans les cas où le conducteur y consent. Ces tests ont résisté à des contestations judiciaires qui ont été portées jusque devant la Cour suprême des États-Unis(51). Un coordonnateur national des ERD collabore actuellement avec les organismes d’application de la loi du pays et élabore un cadre opérationnel des ERD au Canada. En novembre 2004, on comptait 1 794 policiers formés pour administrer sur place les tests de sobriété normalisés (TSN) et 106 policiers étaient des ERD agréés(52).
Si on regarde la portée première des dispositions législatives proposées, les articles 18 et 19 du projet de loi fournissent certaines précisions préliminaires pour étayer les nouvelles dispositions du Code sur la conduite avec facultés affaiblies par des drogues. L’article 18 attribue un nouveau numéro à l’article 253 du Code, la principale disposition sur la conduite avec facultés affaiblies, qui devient le paragraphe 253(1), et ajoute le paragraphe 253(2), qui précise que l’expression « affaiblie par l’effet de l’alcool ou d’une drogue » inclut l’affaiblissement par l’effet combiné de l’alcool et d’une drogue.
Les paragraphes 19(1) et (2) du projet de loi modifient les définitions du paragraphe 254(1) du Code en étendant leur application aux nouvelles dispositions du projet de loi, et pour ajouter la définition de l’« agent évaluateur », c’est-à-dire un agent de la paix qui possède les qualités prévues par règlement pour effectuer des évaluations d’ERD.
Les fondements du nouveau régime de dépistage en cas de conduite avec facultés affaiblies sont énoncés au paragraphe 19(3) du projet de loi, qui précise la terminologie employée aux paragraphes 254(2) à (6) du Code et en élargit la portée.
Le paragraphe 254(2) décrit maintenant la première étape du dépistage en cas de conduite avec facultés affaiblies (c.-à-d. le TSN) et dispose qu’un agent de la paix qui, le long de la route, a des raisons de soupçonner qu’une personne a dans son organisme de l’alcool ou de la drogue et que, dans les trois heures précédentes, elle a conduit un véhicule, peut ordonner à cette personne a) de se soumettre immédiatement à un TSN prévu par règlement pour déterminer si des tests de dépistage plus poussés de l’alcool et des drogues doivent être administrés, et b) dans le cas de l’alcool, de fournir immédiatement un échantillon d’haleine. Pour plus de sûreté, l’agent de la paix peut filmer le TSN sur vidéo.
La nouvelle version du paragraphe 254(3) reprend les termes de la version actuelle en disposant qu’un agent de la paix peut exiger un échantillon d’haleine ou de sang, s’il a des motifs raisonnables de croire qu’une personne a été au volant en état d’ébriété au cours des trois heures précédentes.
Les paragraphes 254(3.1) à (3.4) sont nouveaux. Le paragraphe 254(3.1) décrit la seconde étape du dépistage de l’affaiblissement des facultés par des drogues (c.-à-d. l’évaluation par un ERD), à laquelle on passe généralement quand un suspect échoue au TSN. Un agent de la paix qui a des motifs raisonnables de croire qu’une personne a, au cours des trois dernières heures, conduit un véhicule alors que ses facultés étaient affaiblies par une drogue ou par une combinaison d’alcool et de drogue, peut exiger, dans les meilleurs délais, que cette personne subisse une évaluation d’ERD(53) à un poste de police. L’agent de la paix peut enregistrer cette évaluation sur vidéo.
Complétant ces dispositions, le paragraphe 254(3.3) dispose que l’ERD peut, dans les meilleurs délais, exiger un échantillon d’haleine, s’il a des motifs raisonnables de soupçonner la présence d’alcool dans l’organisme de l’individu et si l’agent de la paix qui a effectué l’arrestation n’a pas demandé de test le long de la route en vertu des paragraphes 254(2) ou (3).
Le paragraphe 254(3.4) décrit la dernière étape du dépistage en cas de conduite avec facultés affaiblies : le prélèvement d’un échantillon de substances corporelles. Dans les meilleurs délais suivant la fin de l’évaluation par l’ERD, si ce dernier a des motifs raisonnables de croire que la capacité de la personne de conduire un véhicule est affaiblie par l’effet d’une drogue ou par l’effet combiné de l’alcool et d’une drogue, il peut lui ordonner de fournir un échantillon de salive, d’urine ou de sang.
Enfin, les paragraphes 254(4) à (6) ne sont que réitérés ou clarifiés à la lumière des nouvelles dispositions. Plus particulièrement, le paragraphe 254(4) dispose que des échantillons de sang ne peuvent être prélevés que par un médecin ou un technicien qui est convaincu que ces prélèvements ne risquent pas de mettre en danger la vie ou la santé de l’individu. L’article 23 du projet de loi met à jour l’ancien paragraphe 257(2) pour faire en sorte que ni le médecin ni le technicien ne soient coupables d’un acte criminel ou passibles de poursuites au civil pour avoir prélevé ou fait prélever un échantillon de sang en vertu des paragraphes 254(3) ou (3.4), et pour tout geste nécessaire posé avec des soins et une habilité raisonnables.
Puisque les modalités précises des tests prévus par l’article 254 ne sont pas décrites dans le Code, l’article 20 du projet de loi crée l’article 254.1, qui permet au gouverneur en conseil de réglementer les compétences et la formation des ERD et de prescrire des épreuves de coordination des mouvements (c.-à-d. le TSN), ainsi que les tests et les méthodes d’évaluation par des ERD.
Comme le prévoit déjà le paragraphe 254(5) du Code au sujet du « refus d’obtempérer » relatif à l’alcootest, le refus par un conducteur de se soumettre à des tests de dépistage de drogue sera dorénavant considéré comme un acte criminel. Le paragraphe 255(4) dispose qu’une personne déclarée coupable d’une infraction prévue à l’article 253 ou au paragraphe 254(5) est réputée être déclarée coupable d’une infraction subséquente, si elle a déjà été déclarée coupable d’une infraction prévue à l’une de ces dispositions.
Les paragraphes 21(1) et (2) du projet de loi augmentent les peines prévues pour les infractions de conduite avec facultés affaiblies par l’alcool ou une drogue figurant au paragraphe 255(1). Pour une première infraction, l’amende minimale passe de 600 $ à 1 000 $; pour une deuxième infraction, la peine de prison minimale passe de 14 à 30 jours; et pour chaque peine subséquente, la peine de prison minimale passe de 90 à 120 jours. Lorsque l’infraction est punissable par procédure sommaire, la peine de prison maximale passe de six à 18 mois.
Le paragraphe 21(3) du projet de loi précise le libellé relatif aux peines prévues à l’article 255, en tenant compte des nouvelles dispositions sur la conduite avec facultés affaiblies par les drogues. Les paragraphes 255(2) et (3) prévoient toujours que la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool ou des drogues, une infraction prévue à l’alinéa 253(1)a), peut entraîner un emprisonnement maximal de dix ans lorsqu’elle cause des lésions corporelles, et l’emprisonnement à perpétuité lorsqu’elle cause la mort. Deux nouvelles infractions de conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles ou la mort sont ajoutées avec les mêmes peines : conduire avec une alcoolémie de plus de 80 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang aux termes de l’alinéa 253(1)b) et causer la mort (emprisonnement à vie) ou des lésions corporelles (dix ans d’emprisonnement); et refuser de fournir un échantillon d’haleine, de salive, d’urine ou de sang alors que l’accusé savait ou aurait dû savoir que sa conduite a causé un accident ayant entraîné la mort (prison à perpétuité) ou des lésions corporelles (dix ans d’emprisonnement).
Les articles 22 et 24 du projet de loi précisent le libellé du paragraphe 256(5) et de l’article 258 du Code en y intégrant les nouvelles dispositions relatives à la conduite avec facultés affaiblies par des drogues. L’article 22 met à jour le paragraphe 256(5), qui prévoit toujours que, lorsqu’est exécuté un mandat prévu au paragraphe 256(1) en vue d’obtenir un prélèvement sanguin, l’agent de paix doit donner copie du document à la personne qui fait l’objet du prélèvement.
Les articles 24 et 25 du projet de loi portent sur la capacité qu’ont les procureurs d’utiliser les résultats des examens comme preuve dans le cadre de poursuites. Aucune accusation ne sera portée à moins que le rapport d’analyse toxicologique confirme l’évaluation préliminaire de l’ERD. Les paragraphes 24(2) à (8) du projet de loi, qui précisent le libellé concernant la procédure et la preuve, mettent à jour le paragraphe 258(1) en y intégrant les nouvelles dispositions relatives aux examens de dépistage de drogues et font en sorte que les résultats de ces analyses puissent servir de preuve dans des poursuites pour conduite avec facultés affaiblies par des drogues, comme c’est actuellement le cas pour la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool. Essentiellement, les résultats des analyses d’haleine, de sang, d’urine ou d’autres substances corporelles peuvent être admis comme preuve, même si l’accusé n’a pas été averti avant le prélèvement de l’échantillon qu’il n’est pas obligé de consentir au prélèvement ou que les résultats de l’examen peuvent servir de preuve.
Les paragraphes 24(3) à (6) du projet de loi actualisent le paragraphe 258(1) pour limiter au résultat du test d’alcoolémie les contestations devant le tribunal. Alors qu’avant le défendeur pouvait demander à des témoins d’attester qu’il avait bu seulement de petites quantités d’alcool, ou qu’il avait bu à un rythme auquel l’alcool consommé aurait été absorbé et éliminé par le corps de l’accusé, le projet de loi limite le recours à « toute preuve du contraire » aux preuves tendant à démontrer que l’ivressomètre fonctionnait mal ou a été mal utilisé, qu’à cause de cela l’alcoolémie de l’accusé a été établie à plus de 80 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang et qu’elle ne dépassait pas 80 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang au moment de l’infraction. Le paragraphe 24(6) fait en sorte que la signature du technicien qui atteste le relevé de l’ivressomètre soit une preuve suffisante des faits allégués dans le relevé et qu’il ne soit pas nécessaire de prouver l’authenticité de la signature ou la qualité officielle du signataire. Essentiellement, le relevé d’alcootest imprimé par l’ivressomètre qui confirme son bon état de fonctionnement est admis comme preuve.
Le paragraphe 24(9) du projet de loi, qui précise le libellé des paragraphes 258(2) à (6) en y intégrant les nouvelles dispositions, prévoit qu’à moins que la personne ne soit tenue de fournir un échantillon aux termes de l’alinéa 254(2)b) ou des paragraphes 254(3), (3.3) ou (3.4), le refus d’obtempérer n’est pas admissible au procès, pas plus qu’il ne peut y faire l’objet d’un commentaire. Le fait de refuser d’obtempérer à la demande de fournir un échantillon faite en vertu de l’article 254 est admissible en preuve lors d’un procès en ce qui concerne une infraction prévue à l’alinéa 253(1)a), et le tribunal pourrait en tirer une conclusion défavorable. Si, au moment où un échantillon est prélevé, un autre échantillon est pris et conservé, le juge peut permettre l’examen d’un échantillon à la demande de l’accusé, sous réserve de toutes les conditions voulues pour faire en sorte que l’échantillon soit conservé aux fins de la procédure dans le cadre de laquelle il a été pris. L’échantillon de sang de l’accusé qui est prélevé pour mesurer l’alcoolémie aux termes du paragraphe 254(3) ou de l’article 256, ou autrement avec le consentement de l’accusé, peut être soumis à des examens pour détecter la présence de drogues dans le sang. Enfin, l’accusé peut exiger, pour contre-interrogatoire, la présence du médecin, de l’analyste ou du technicien qui a signé un certificat décrit au paragraphe 258(1).
L’article 25 du projet de loi ajoute une nouvelle disposition au Code concernant l’utilisation non autorisée des échantillons. Le nouveau paragraphe 258.1(1) dispose qu’il est interdit d’utiliser les échantillons prélevés aux termes de l’alinéa 254(2)b), des paragraphes 254(3), (3.3) ou (3.4) ou de l’article 256, ou prélevés avec le consentement de l’accusé et à la demande d’un agent de la paix, ou les échantillons médicaux prélevés avec son consentement et subséquemment saisis en vertu d’un mandat, à d’autres fins que les analyses qui y sont prévues. Le paragraphe 258.1(2) prévoit que les résultats des examens et l’analyse de l’échantillon prélevé aux termes des paragraphes 254(2) à (3.4) ou de l’article 256, ou prélevé avec le consentement de l’accusé à la demande d’un agent de la paix, ou les échantillons médicaux prélevés avec son consentement et subséquemment saisis en vertu d’un mandat, ne peuvent être communiqués ou utilisés que dans le cadre d’une enquête relative à une infraction prévue soit à un des articles 220, 221, 236 et 249 à 255, soit dans la Loi sur l’aéronautique, soit dans la Loi sur la sécurité ferroviaire en matière de consommation de drogues ou d’alcool,soit dans une loi provinciale. Toutefois, les résultats des épreuves de coordination physique, des évaluations effectuées par un ERD ou des analyses mentionnées au paragraphe 258.1(2) peuvent être communiqués à la personne en cause et, s’ils sont dépersonnalisés, à toute autre personne à des fins de recherche ou de statistique. Enfin, les restrictions ci-dessus ne s’appliquent pas aux personnes qui, à des fins médicales, se servent d’échantillons qui sont subséquemment saisis en vertu d’un mandat (nouveau par. 258.1(3)) Aux termes du nouveau paragraphe 258.1(4), quiconque contrevient aux paragraphes 258.1(1) et (2) commet une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
L’article 26 du projet de loi modifie l’article 259 du Code pour que toute personne conduisant un véhicule à moteur au Canada lorsque cela lui est interdit en vertu de l’article 259 se rende coupable d’une infraction pour laquelle un juge est tenu d’imposer une ordonnance interdisant à l’accusé de conduire un véhicule, un bateau, un aéronef ou du matériel ferroviaire. En plus de la période pendant laquelle l’accusé pourrait être incarcéré, dans le cas d’une première infraction, l’ordonnance est de un à trois ans; dans le cas d’une deuxième infraction, elle est de deux à cinq ans; et pour toute infraction subséquente, elle est d’au moins trois ans. Cet article fait en sorte que les nouvelles infractions pour conduite avec facultés affaiblies causant la mort ou des lésions corporelles (par. 255(2.1) à (3.2)) puissent aussi faire l’objet d’une telle ordonnance.
L’article 27 du projet de loi ajoute un nouveau paragraphe 261(1.1) au Code pour faire en sorte qu’en cas d’appel à la Cour suprême du Canada, seul un juge de la cour dont le jugement est porté en appel puisse suspendre une ordonnance rendue aux termes des paragraphes 259(1) ou (2).
Les changements apportés au Code dans le projet de loi exigent aussi des modifications corrélatives à d’autres lois afin d’y inclure les nouvelles dispositions relatives au dépistage de drogues.
Ainsi, l’article 55 du projet de loi modifie la Loi sur l’aéronautique, dont l’article 8.6 disposera dorénavant qu’un échantillon dénotant la présence d’alcool ou de drogue dans l’organisme et prélevé sous le régime du Code est admissible en preuve dans les poursuites intentées au titre de la Loi sur l’aéronautique. L’article 258 du Code, à l’exception de l’alinéa 258(1)a), s’applique, compte tenu des adaptations nécessaires.
L’article 59 du projet de loi modifie la Loi sur les douanes. Le paragraphe 163.5(2) de cette loi est en effet modifié de manière à conférer à l’agent des douanes les pouvoirs d’un agent de la paix prévus aux articles 254 et 256 du Code. Si le prélèvement d’un échantillon d’haleine ou de sang ou l’évaluation par un ERD s’impose, la personne peut être tenue d’accompagner à cette fin un agent de la paix.
L’article 60 du projet de loi modifie la Loi sur la sécurité ferroviaire, dont le paragraphe 41(7) est modifié de manière à prévoir que l’échantillon relatif à la présence d’alcool ou de drogue dans l’organisme prélevé sous le régime du Code est admissible en preuve dans toute poursuite intentée au titre de la Loi sur la sécurité ferroviaire pour violation des règles ou règlements concernant la consommation d’alcool ou de drogue. L’article 258 du Code s’applique, compte tenu des modifications nécessaires.
Les dispositions au sujet de la mise en liberté en cas d’infractions mettant en jeu une arme à feu ou une autre arme réglementée proviennent du projet de loi C-35 : Loi modifiant le Code criminel (renversement du fardeau de la preuve relativement à la mise en liberté en cas d’infraction mettant en jeu une arme à feu), qui a été déposé et adopté en première lecture à la Chambre des communes le 23 novembre 2006 et a été adopté par la Chambre sans amendement le 5 juin 2007. Le but du projet de loi était de restreindre la mise en liberté provisoire par voie judiciaire d’une personne inculpée de certaines infractions impliquant une arme à feu ou une autre arme réglementée. Avant la prorogation du Parlement, il avait été déposé en première lecture au Sénat le 5 juin 2007.
Les dispositions du projet de loi visent à restreindre, pendant les procédures criminelles, la mise en liberté provisoire par voie judiciaire(55) d’une personne inculpée de certaines infractions impliquant une arme à feu ou une autre arme réglementée. Afin d’atteindre cet objectif, le projet de loi apporte deux modifications au Code criminel (le Code) :
Les dispositions du projet de loi s’appliquent uniquement aux prévenus qui ont été mis sous garde par les agents de la paix à la suite de l’arrestation. Les règles du Code permettant aux agents de la paix de mettre en liberté une personne qui a été arrêtée sont donc inchangées(56). Les dispositions du projet de loi ne concernent que la décision d’un juge, lors de l’enquête sur le cautionnement, de continuer à détenir provisoirement un prévenu ou de le mettre en liberté.
En 1869, une loi fédérale rendait discrétionnaire la mise en liberté sous caution pour toutes les infractions(57). Les facteurs dont tenaient compte les tribunaux pour décider s’ils devaient ou non accorder la remise en liberté étaient la nécessité de contraindre le prévenu à se présenter à son procès, la nature de l’infraction, la sévérité de la peine, la preuve pesant contre le prévenu et la moralité de ce dernier(58).
En 1972, la Loi sur la réforme du cautionnement(59) a codifié les motifs pouvant justifier la détention provisoire d’un prévenu :
Quelques années plus tard, la Loi de 1975 modifiant le Code criminel(61) a renversé le fardeau de la preuve dans les cas où un prévenu était inculpé :
Le juge ordonnera donc la détention du prévenu, à moins que celui-ci prouve qu’il devrait plutôt être remis en liberté pendant les procédures criminelles.
Au début des années 1990, la Loi modifiant le Code criminel et le Tarif des douanes en conséquence(63) a introduit la possibilité pour le juge d’assujettir la remise en liberté provisoire d’une condition de ne pas posséder d’arme à feu, de munitions ou de substance explosive(64). Cette condition pouvait être imposée si le prévenu était inculpé d’une infraction impliquant de la violence ou relative aux stupéfiants.
En 1992, la Cour suprême du Canada a reconnu la validité des dispositions portant renversement du fardeau de la preuve relatives aux stupéfiants(65) (arrêt R. c. Pearson(66)) et à la commission d’une autre infraction pendant la mise en liberté sous caution (arrêt R. c. Morales(67)). La Cour avait alors examiné ces dispositions en regard de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), dont l’alinéa 11e) prévoit que tout inculpé a le droit « de ne pas être privé sans juste cause d’une mise en liberté assortie d’un cautionnement raisonnable ».
Les lois sur le crime organisé(68), en 1997 et 2001, ainsi que la Loi antiterroriste(69), en 2001, ont renversé le fardeau de la preuve dans le cas où un prévenu était inculpé d’une infraction de gangstérisme ou de terrorisme(70).
D’entrée de jeu, il faut remarquer que l’agent de la paix peut mettre en liberté une personne qui a été arrêtée avec ou sans mandat(71), sauf dans le cas du meurtre (72). Des conditions de mise en liberté, comme l’interdiction de posséder des armes à feu, pourront alors être imposées(73). Si le prévenu ne respecte pas les conditions, il pourra être incarcéré(74).
De façon générale, l’agent de la paix pourra toutefois maintenir sous garde la personne arrêtée jusqu’à l’enquête sur le cautionnement, si cela est nécessaire afin :
Si le prévenu a été mis sous garde par les agents de la paix à la suite de l’arrestation, en principe, le juge doit, à l’étape de l’enquête sur le cautionnement, le mettre en liberté en lui faisant signer une promesse sans condition(76).
De façon générale, le poursuivant doit justifier l’imposition de conditions de mise en liberté ou le maintien du prévenu sous garde pendant les procédures pour que le juge puisse rendre une de ces décisions.
Le juge peut assortir la remise en liberté de certaines conditions. Par exemple, le prévenu devra :
Le juge peut également imposer toute condition raisonnable qu’il estime appropriée, par exemple un couvre-feu ou une interdiction de ne pas consommer de l’alcool ou des drogues.
Dans le cas d’une infraction impliquant de la violence contre une personne ou de certaines infractions spécifiées(78), le juge devra, afin d’assurer la sécurité du prévenu, de la victime ou de toute autre personne, interdire au prévenu de posséder une arme à feu ou une autre arme réglementée(79).
En plus des conditions mentionnées ci-dessus, le juge peut exiger un cautionnement par tierce partie, mais sans dépôt d’argent ou de valeur(80). Ce n’est que si le prévenu réside à l’extérieur de la province ou à plus de 200 kilomètres du lieu où il est sous garde ou, encore, si le poursuivant y consent que le juge peut imposer un dépôt d’argent ou de valeur.
Sauf pour les infractions pour lesquelles le législateur a prévu un renversement du fardeau de la preuve, le poursuivant doit faire la preuve de certains éléments pour que le juge puisse ordonner la détention du prévenu pendant les procédures.
Les éléments qui peuvent justifier la détention du prévenu sont prévus au paragraphe 515(10) du Code. Ainsi, la détention du prévenu doit être nécessaire :
Pour certaines infractions précises, le Code prévoit, aux paragraphes 515(6) et 515(11), que le prévenu sera détenu pendant les procédures. Il pourra toutefois être mis en liberté s’il prouve que sa détention est injustifiée dans les circonstances. Ainsi, le fardeau de preuve passe du poursuivant au prévenu, si celui-ci est inculpé d’une des infractions suivantes :
S’il veut être mis en liberté, le prévenu devra prouver que sa détention est injustifiée à l’égard des trois motifs du paragraphe 515(10) du Code énumérés plus haut.
Il est à noter que la Cour suprême du Canada a affirmé que la présomption d’innocence garantie par l’article 7 de la Charte s’applique à toutes les étapes du processus pénal, dont l’enquête sur le cautionnement(84). L’alinéa 11e) de la Charte protège le droit du prévenu « de ne pas être privé sans juste cause d’une mise en liberté »(85).
Comme nous l’avons dit plus haut, la Cour suprême a reconnu la validité constitutionnelle des dispositions actuelles qui renversent le fardeau de preuve dans le cas des infractions relatives aux stupéfiants(86) et des infractions commises pendant la mise en liberté sous caution(87).
À l’égard des infractions relatives aux drogues, la Cour a jugé qu’il s’agissait d’infractions bien particulières qui exigeaient donc des règles spéciales. Elle s’est exprimée comme suit :
La majorité des infractions ne sont pas commises systématiquement. Par contre, le trafic des stupéfiants est une activité systématique, pratiquée d’ordinaire dans un cadre commercial très sophistiqué. Il s’agit souvent d’une entreprise et d’un mode de vie. C’est une activité très lucrative, ce qui pousse fortement le contrevenant à poursuivre son activité criminelle même après son arrestation et sa mise en liberté sous caution. Vu ces circonstances, le processus normal d’arrestation et de mise en liberté sous caution ne sera normalement pas efficace pour mettre un terme à l’activité criminelle […] Un autre caractère particulier des infractions qui font l’objet de l’al. 515(6)d) [trafic, importation et exportation de stupéfiants] est le danger marqué que le prévenu se soustraie à la justice.(88)
Le renversement serait donc permis, mais pour des infractions bien précises où il a été prouvé que le système normal de la remise en liberté sous caution ne fonctionne pas adéquatement(89).
En résumé, un renversement du fardeau de la preuve pourrait se justifier dans le cas d’infractions précises pour lesquelles, généralement, les personnes inculpées s’esquiveront, constitueront un danger pour la sécurité du public ou porteront atteinte à la confiance dans l’administration de la justice. Il est à noter qu’en cas de renversement du fardeau, le prévenu aura toujours la possibilité d’être mis en liberté s’il prouve que la détention, dans son cas particulier, n’est pas justifiée.
Le prévenu et le poursuivant(90) peuvent, en tout temps avant le procès, demander la révision de l’ordonnance en s’adressant à un juge de la cour supérieure. Par exemple, le prévenu pourrait faire assouplir ses conditions de mise en liberté ou faire annuler l’ordonnance de détention. Dans le cas où le prévenu est inculpé d’une infraction énumérée à l’article 469 du Code (dont le meurtre fait partie), il devra présenter sa demande de révision à la cour d’appel sur autorisation du juge en chef(91).
En présence de faits nouveaux, un juge pourra, sur présentation de motifs justificatifs, annuler toute ordonnance de mise en liberté ou de détention provisoire, et ce, à tout moment, par exemple au procès ou à la fin de l’enquête préliminaire(92).
Par ailleurs, si le prévenu ne respecte pas les conditions de sa mise en liberté provisoire, il pourra être incarcéré à la suite d’une audition et d’une ordonnance d’un juge(93).
Aux sept catégories d’infraction actuellement prévues au Code pour lesquelles il appartient au prévenu de prouver que sa détention provisoire n’est pas justifiée(94), le paragraphe 37(2) du projet de loi ajoute certaines infractions reliées aux armes à feu ou aux autres armes réglementées(95). Il s’agit des 12 actes criminels suivants :
Ainsi, si un prévenu est inculpé de l’un de ces actes criminels, le juge ordonnera sa détention, à moins que le prévenu prouve, selon les critères du paragraphe 515(10) du Code, qu’il devrait plutôt être remis en liberté pendant les procédures criminelles.
Observons, par ailleurs, que pour huit des actes criminels impliquant une arme à feu mentionnés dans le projet de loi, le Code prévoit une peine minimale d’emprisonnement de quatre ans(97).
Enfin, le projet de loi ne prévoit pas de renversement du fardeau de la preuve dans le cas de la négligence criminelle causant la mort ou de l’homicide involontaire coupable impliquant une arme à feu ou une autre arme réglementée, à moins que le prévenu ne soit visé par une ordonnance d’interdiction de posséder de tels objets.
Le paragraphe 37(5) du projet de loi ajoute deux facteurs que le juge doit prendre en compte dans sa décision de remettre un prévenu en liberté ou de le garder en détention pendant les procédures criminelles.
À l’heure actuelle, les éléments que le juge doit considérer avant de rendre sa décision sont prévus au paragraphe 515(10) du Code. De façon générale, il s’agit du risque que le prévenu ne se représente pas au tribunal, de la protection du public et de la confiance du public envers l’administration de la justice.
Le projet de loi prévoit que le juge qui déterminera si la détention du prévenu est nécessaire pour ne pas miner la confiance du public envers l’administration de la justice devra, entre autres, prendre en considération le fait que le prévenu :
Remarquons, enfin, que le paragraphe 37(5) du projet de loi supprime les premiers mots de l’alinéa 515(10)c) du Code, qui permettent de détenir un prévenu pour « une autre juste cause ». La Cour suprême avait jugé cette expression inconstitutionnelle dans l’arrêt R. c. Hall(98).
Les dispositions au sujet des délinquants dangereux et des engagements de ne pas troubler l’ordre public proviennent du projet de loi C-27 : Loi modifiant le Code criminel (délinquants dangereux et engagement de ne pas troubler l’ordre public), qui a été déposé et adopté en première lecture à la Chambre des communes le 17 octobre 2006 et adopté en deuxième lecture et renvoyé à un comité législatif le 4 mai 2007. Le but du projet de loi – et des dispositions correspondantes dans le projet de loi C-2 – était de faciliter la déclaration que certaines personnes condamnées sont des délinquants dangereux. Un amendement présent dans le projet de loi C-2, mais non dans le projet de loi C-27, est la possibilité d’infliger une peine d’emprisonnement d’une durée indéterminée dans le cas d’une violation d’une ordonnance de surveillance de longue durée. Notons que le projet de loi C-2 conserve la présomption de délinquant dangereux dans le cas de trois infractions primaires qui étaient prévues par le projet de loi C-27. Avant la prorogation du Parlement, le comité législatif avait tenu six réunions relativement à l’étude du projet de loi C-27.
Les dispositions du projet de loi s’attaquent de deux façons aux délinquants qui ont commis une ou plusieurs infractions avec violence ou de nature sexuelle. D’une part, il resserre, pour les récidivistes, les règles qui s’appliquent aux délinquants dangereux. D’autre part, il prolonge la durée de l’engagement de ne pas troubler l’ordre public et en clarifie les conditions afin de prévenir une récidive éventuelle. Plus précisément, le projet de loi apporte les modifications suivantes au Code criminel :
Les dispositions applicables aux délinquants présentant un risque élevé de récidive sont prévues à la partie XXIV du Code. Il est important de remarquer que ces règles s’appliquent à l’étape de la détermination de la peine.
L’objectif principal de ce régime est donc de protéger le public des délinquants qui ont commis des « sévices graves à la personne »(101) (délinquants dangereux (102) ou délinquants à contrôler(103)) ou une infraction de nature sexuelle(104) (délinquants à contrôler) et continuent de constituer une menace pour la société (105). Soulignons qu’une forte proportion de ces criminels ont commis une infraction d’ordre sexuel. En effet, dans environ 82 et 76,5 p. 100 des cas respectivement, l’infraction qui a donné lieu à la déclaration de délinquant dangereux ou de délinquant à contrôler (« l’infraction sous-jacente ») était de nature sexuelle(106).
À l’intérieur de ce groupe très restreint, les délinquants dangereux sont, par définition, considérés comme étant à risque plus élevé que les délinquants à contrôler et, contrairement à ce qui se vérifie à l’égard de ces derniers(107), aucun traitement ne peut être envisagé pour maîtriser ce risque au sein de la collectivité(108). Ainsi, un délinquant à contrôler pourra, après s’être vu imposer une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus (autre qu’une peine à perpétuité)(109), être remis en liberté en respectant les conditions d’une ordonnance de surveillance de longue durée(110); par contre, un délinquant dangereux devra purger une peine d’emprisonnement pour une période indéterminée(111).
En réponse aux recommandations faites en 1938 par la Commission Archambault(112), une première loi concernant les repris de justice a été adoptée au Canada en 1947(113). Un « repris de justice » était une personne reconnue coupable de trois actes criminels. Un délinquant de ce type et, plus tard, un délinquant « atteint de psychopathie sexuelle criminelle »(114) pouvaient être détenus indéfiniment. On critiquait, par contre, le fait que les règles visaient également des délinquants non dangereux(115) et qu’elles exigeaient la récidive comme condition d’application(116).
Estimant que le régime applicable ne permettait pas d’assurer adéquatement la protection du public, la Loi de 1977 modifiant le droit pénal(117) a fait table rase et promulgué les règles actuelles à l’égard des délinquants dangereux. En 1997, le projet de loi C-55 a introduit la catégorie des délinquants à contrôler, afin de pouvoir surveiller à long terme dans la collectivité les délinquants qui, bien qu’ils présentent un risque de récidive, ne peuvent être qualifiés de délinquants dangereux (118).
Entre 1978 et avril 2006, 403 criminels ont été déclarés délinquants dangereux(119). En juillet 2006, on en retrouvait 333 dans la population carcérale et 18 avaient reçu une libération conditionnelle supervisée(120). Si en moyenne environ 14 personnes par an ont été déclarées délinquants dangereux, soulignons que ce nombre a, de façon générale, augmenté ces dernières années, passant de huit (de 1978 à 1987) à 22 délinquants par an (de 1995 à 2004)(121). Selon des données relevées en avril 2006, il n’y avait aucune femme dans cette catégorie, tandis que la population d’Autochtones comptait pour 21 p. 100 des délinquants dangereux(122).
Du 1er août 1997 au 9 avril 2006, 384 criminels ont été déclarés délinquants à contrôler, soit en moyenne environ 43 par an(123). À la dernière de ces dates, il y avait quatre femmes parmi ces délinquants. Remarquons que, d’après des données de 2001, le nombre de délinquants à contrôler n’a cessé d’augmenter depuis l’entrée en vigueur des dispositions en 1997(124).
Quatre-vingt-treize pour cent des délinquants dangereux et 98 p. 100 des délinquants à contrôler possèdent au moins une condamnation antérieure en tant qu’adultes(125). De nombreux délinquants dangereux et délinquants à contrôler sont des criminels d’habitude. Au moment de la déclaration, 45 p. 100 des délinquants dangereux et 26 p. 100 des délinquants à contrôler avaient à leur actif 15 condamnations antérieures ou davantage en tant qu’adultes(126). Et ce cycle de criminalité a bien souvent commencé à un jeune âge. D’après une étude menée en 1996, 75 p. 100 des délinquants dangereux possédaient un dossier de jeune contrevenant et 96,6 p. 100 avaient commis des actes sexuels par contrainte avant l’âge de 16 ans(127). Chez les adultes, l’âge moyen à la première condamnation est de 22 (délinquant dangereux) ou de 25 ans (délinquant à contrôler)(128). Par contre, l’âge moyen au moment de la déclaration est d’environ 40 ans(129).
Lorsque l’infraction sous-jacente n’est pas d’ordre sexuel(130) – notamment, une agression sexuelle ou un acte de pédophilie –, elle est néanmoins grave(131) et implique de la violence et des mesures d’intimidation(132). On pense particulièrement aux agressions armées(133) ou aux actes d’enlèvement et de séquestration.
Lorsqu’ils ont commis leurs infractions antérieures, la plupart des délinquants dangereux et des délinquants à contrôler ont fait trois victimes ou plus (134). Les victimes de sexe féminin sont beaucoup plus nombreuses(135). Et si les études démontrent que la majorité des délinquants dangereux (49 p. 100) et des délinquants à contrôler (61 p. 100) s’en sont pris à des enfants(136) et que le meilleur facteur prédictif de la récidive d’ordre sexuel est la préférence pour les enfants(137), il n’est pas surprenant d’apprendre que 98 p. 100 des délinquants dangereux et 90 p. 100 des délinquants à contrôler sont classés à risque élevé de récidive. Observons que la majorité des délinquants dangereux emprisonnés sont placés en isolement protecteur ou en isolement préventif(138).
Avant qu’un substitut du procureur général présente une demande de déclaration de délinquant dangereux ou de délinquant à contrôler, des experts en justice pénale et en santé mentale doivent évaluer le comportement du délinquant afin d’établir un diagnostic psychologique(139). Dans le cas d’un délinquant sexuel, on déterminera également les préférences et déviances sexuelles. Cette évaluation, d’une période maximale de 60 jours, portera sur les critères raisonnables de dangerosité(140) et sur la possibilité de contrôler le délinquant dans la collectivité. Le rapport d’évaluation sera déposé en preuve et les experts pourront témoigner en cour.
Le procureur de la Couronne doit obtenir le consentement du procureur général de la province et donner au délinquant un préavis d’au moins sept jours francs avant la date d’audition de la demande(141). Cet avis doit contenir les motifs justifiant la demande de déclaration.
Selon qu’il s’agit d’une demande de déclaration de délinquant dangereux ou de délinquant à contrôler, le poursuivant devra faire la preuve, hors de tout doute raisonnable, d’éléments bien précis(142). Il devra ainsi convaincre un juge siégeant sans jury(143) que le délinquant représente un risque élevé de récidive.
Dans le cas d’un délinquant dangereux, le juge devra, en premier lieu, être convaincu que l’infraction sous-jacente constitue des sévices graves à la personne(144). Actuellement, deux courants jurisprudentiels s’opposent sur la question de savoir si l’infraction sous-jacente en vertu de l’alinéa 752a) du Code doit comprendre un degré élevé de violence et de dangerosité(145). Selon le premier courant, l’infraction sous-jacente doit comporter un degré de violence ou de dangerosité objectivement sérieux(146). Selon le deuxième courant – appuyé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Currie(147) –, il faut plutôt mettre l’accent sur la conduite antérieure du délinquant et, par conséquent, il n’est pas nécessaire que l’infraction sous-jacente comporte un degré élevé de violence. Il suffit que l’infraction sous-jacente corresponde à la définition de sévices graves à la personne du Code.
En deuxième lieu, après avoir prouvé que l’infraction sous-jacente constitue des sévices graves à la personne, le poursuivant devra démontrer que le délinquant représente un danger pour la société(148). Pour le faire, il devra prouver que le délinquant démontre une indifférence marquée quant aux conséquences de ses actes(149), que son comportement est si brutal qu’il ne peut être maîtrisé(150) ou, encore, que le délinquant est incapable de contrôler ses actes ou ses impulsions sexuelles et qu’il causera, vraisemblablement(151), la mort ou d’autres sévices s’il n’est pas incarcéré préventivement(152).
Dans le cas d’un délinquant à contrôler, l’infraction sous-jacente doit, avant tout, être soit des sévices graves à la personne, soit une infraction de nature sexuelle visée à l’alinéa 753.1(2)a) du Code. Le juge devra ensuite être convaincu qu’il y a lieu d’imposer une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus (autre qu’une peine à perpétuité(153)), que le délinquant présente un risque élevé de récidive et qu’il existe une possibilité réelle de maîtriser ce risque au sein de la collectivité (154).
Dans les deux cas, une preuve concernant la moralité ou la réputation du délinquant peut être admise en cour(155). Et si la présence d’antécédents criminels n’est pas essentielle pour conclure qu’il s’agit d’un délinquant dangereux ou d’un délinquant à contrôler(156), la plupart d’entre eux possèdent un casier judiciaire. Par ailleurs, le poursuivant pourra également faire la preuve d’un comportement qui n’a pas fait l’objet d’une accusation(157). Le juge examinera ainsi la conduite antérieure du délinquant pour l’aider à évaluer la dangerosité potentielle(158). Afin de déterminer si le risque peut être maîtrisé au sein de la collectivité, le tribunal considérera, entre autres, l’âge du délinquant, ses caractéristiques personnelles, l’appui familial ou celui de la communauté, ainsi que les circonstances de l’infraction(159).
Depuis 1997, une déclaration de délinquant dangereux entraîne automatiquement une peine d’emprisonnement dans un pénitencier pour une période indéterminée (160). Il s’agit de la peine la plus sévère dans notre système de droit criminel(161).
Bien qu’aucune date de libération d’office ne soit prévue(162), un délinquant dangereux sera toutefois admissible à la semi-liberté après quatre ans de détention (163) et à la libération conditionnelle après sept ans(164). Un tel délinquant qui est remis en liberté sera surveillé jusqu’à la fin de ses jours (165). Observons que s’il continue de présenter un risque inacceptable pour la société, il demeurera incarcéré à perpétuité(166).
Concernant les délinquants à contrôler, une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus (autre qu’une peine à perpétuité(167)) sera suivie d’une ordonnance de surveillance de longue durée (OSLD), d’une durée maximale de dix ans, afin d’assurer la surveillance du délinquant dans la collectivité (168). Il est important de remarquer qu’un délinquant à contrôler demeure admissible à la libération conditionnelle. L’OSLD ne prendra effet qu’à la date d’expiration du mandat d’incarcération(169). À l’expiration de l’OSLD, il sera possible de présenter annuellement une dénonciation en vertu de l’article 810.2 du Code afin que le délinquant demeure assujetti à des conditions(170).
Pendant la durée de l’ordonnance, le délinquant à contrôler devra respecter les conditions imposées par la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC)(171). L’inobservation des conditions d’une OSLD peut entraîner un emprisonnement maximal de dix ans(172). Par mesure préventive, la CNLC peut même, afin d’empêcher une éventuelle violation de l’OSLD ou pour protéger la société, ordonner l’internement du délinquant pour une période maximale de 90 jours (173).
Le Code permet d’interjeter appel de la déclaration de délinquant dangereux ou de délinquant à contrôler(174). On peut également contester en appel la durée de la surveillance imposée au délinquant à contrôler en vertu d’une OSLD.
L’engagement de ne pas troubler l’ordre public est une mesure préventive qui fait partie du système de droit canadien depuis 1892(175). De façon générale, il permet à quiconque – bien souvent un agent de la paix – de déposer une dénonciation devant un juge s’il existe des motifs raisonnables de craindre qu’une certaine infraction soit commise. S’il n’est donc pas nécessaire que le défendeur ait commis une infraction, la crainte raisonnable d’un danger sérieux et imminent devra être prouvée selon la prépondérance des probabilités(176). Dans certains cas, le consentement du procureur général devra être obtenu avant de pouvoir déposer la dénonciation(177).
Le Code comprend quatre types d’engagement de ne pas troubler l’ordre public concernant différentes infractions ou visant à protéger différentes personnes. Il s’agit des engagements relatifs :
Le projet de loi C-2 ne traite que des deux derniers types d’engagement, soit ceux visant les infractions sexuelles à l’égard d’une personne âgée de moins de 14 ans (art. 52 du projet de loi) et les sévices graves à la personne (art. 53 du projet de loi).
Le juge peut ordonner au défendeur qu’il contracte un engagement de ne pas troubler l’ordre public et d’observer une bonne conduite. Il peut également imposer d’autres conditions raisonnables au défendeur afin d’empêcher la commission d’une infraction, notamment :
Actuellement, la durée maximale est de 12 mois pour tous les types d’engagement.
Si le défendeur refuse de contracter l’engagement de ne pas troubler l’ordre public, le juge peut lui infliger une peine de prison maximale de 12 mois. La violation de tout type d’engagement constitue une infraction mixte punissable d’un emprisonnement maximal de deux ans (acte criminel) ou d’une amende maximale de 2 000 $ et d’un emprisonnement maximal de six mois, ou de l’une de ces peines (infraction sommaire)(178).
Le Code définit l’expression « sévices graves à la personne » de deux manières :
Le projet de loi garde intacte cette définition de « sévices graves à la personne ». L’article 40 ajoute plutôt deux autres catégories d’infractions : les infractions primaires et les infractions désignées. Il faut noter qu’une même infraction peut figurer dans plus d’une catégorie. Pensons aux agressions sexuelles, à la tentative de meurtre, aux agressions armées ou aux voies de fait graves qui appartiennent aux trois catégories d’infraction.
Avant que le poursuivant puisse présenter au tribunal une demande de déclaration de délinquant dangereux ou de délinquant à contrôler, la dangerosité du délinquant doit être évaluée par des experts en justice pénale et en santé mentale(181).
Actuellement, cette demande d’évaluation est présentée au tribunal par le poursuivant dans les cas où il l’estime approprié(182). Il n’a aucune obligation d’aviser le tribunal de son intention de présenter ou non une telle demande.
L’article 41 du projet de loi prévoit l’obligation du poursuivant d’aviser le tribunal, dans les meilleurs délais possible avant la détermination de la peine, de son intention de présenter ou non une demande d’évaluation du délinquant dans certains cas précis. Ainsi, dans le cas où un délinquant qui a déjà commis deux infractions désignées (lui ayant valu, dans chaque cas une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus) est reconnu coupable d’une infraction constituant à la fois des sévices graves à la personne et une infraction désignée, le poursuivant a l’obligation d’aviser le tribunal s’il a l’intention ou non de faire une demande pour évaluer la dangerosité du délinquant (art. 41 du projet de loi ajoutant le nouvel art. 752.01 au Code).
La définition d’« infraction désignée » à l’article premier du projet de loi inclut toute « infraction primaire » et une liste de 25 infractions(183) – comme certaines infractions relatives aux explosifs, aux armes à feu ou à la prostitution, le leurre d’enfant, les voies de fait, l’enlèvement d’une personne mineure, le vol qualifié ou l’introduction par effraction – auxquelles s’ajoutent certaines de ces infractions telles qu’elles figuraient dans des versions antérieures du Code.
À l’heure actuelle, sur demande du poursuivant, le tribunal a la discrétion de renvoyer un délinquant pour évaluation si les deux conditions suivantes sont réunies :
Le projet de loi prévoit que, dans ces mêmes circonstances, le tribunal a maintenant l’obligation de renvoyer le délinquant pour qu’il soit évalué par des experts (art. 41 du projet de loi modifiant le par. 752.1(1) du Code). Notons que cette évaluation est nécessaire pour qu’un délinquant puisse, par la suite, être déclaré délinquant dangereux ou délinquant à contrôler par le tribunal.
Actuellement, la personne qui a la garde du délinquant doit déposer un rapport d’évaluation auprès du tribunal au plus tard 15 jours après l’expiration de la période d’évaluation(185). Le poursuivant et l’avocat de la défense recevront une copie du rapport.
Le projet de loi porte à 30 jours la période pendant laquelle le rapport pourra être déposé (art. 41 du projet de loi modifiant le par. 752.1(2) du Code). De plus, s’il existe des motifs raisonnables de déposer le rapport après cette période, le tribunal pourra en permettre le dépôt au plus tard 60 jours après l’expiration de la période d’évaluation (art. 41 du projet de loi ajoutant le nouveau par. 752.1(3) au Code).
Après le dépôt du rapport d’évaluation du délinquant auprès du tribunal, le poursuivant pourra faire une demande de déclaration de délinquant dangereux. Actuellement, pour qu’un délinquant puisse être déclaré délinquant dangereux, le poursuivant doit, essentiellement, faire la preuve, hors de tout doute raisonnable, de deux éléments bien précis :
Le projet de loi conserve cette façon « traditionnelle » de faire une déclaration de délinquant dangereux. Le paragraphe 42(2) du projet de loi ajoute plutôt un autre moyen de faire une telle déclaration en établissant une présomption de délinquant dangereux contre certains récidivistes.
Ainsi, quiconque est condamné une troisième fois pour une infraction primaire (l’infraction sous-jacente méritant et les infractions antérieures ayant valu, dans chaque cas, une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus) est présumé être un délinquant dangereux (par. 42(2) du projet de loi ajoutant le nouveau par. 753(1.1) au Code). Il faut toutefois remarquer que, même dans ce cas, le tribunal pourra déclarer qu’un délinquant est un délinquant dangereux uniquement sur demande du poursuivant(187).
On peut se demander si les trois infractions primaires peuvent avoir été commises lors d’un même événement ou si elles doivent être séparées dans le temps. Selon la rédaction du nouvel article 753(1.1) du Code, il semble que la présomption s’applique en présence de trois condamnations successives.
La définition d’« infraction primaire » à l’article 40 du projet de loi comprend une liste de 12 infractions – comme certaines infractions sexuelles à l’égard des personnes mineures(188), les agressions sexuelles, la tentative de meurtre, les agressions armées, les voies de fait graves ou l’enlèvement – auxquelles s’ajoutent les anciennes infractions sexuelles comme le viol ou l’attentat à la pudeur. Remarquons que ces 12 infractions primaires sont punissables d’un emprisonnement de 10 ans et plus. Les agressions sexuelles sont déjà qualifiées de « sévices graves à la personne » selon la définition du Code à l’alinéa 752b). Les autres infractions primaires pourraient être qualifiées de « sévices graves à la personne » en vertu de l’alinéa 752a) si, dans les faits, elles impliquaient de la violence, une conduite dangereuse ou des dommages psychologiques graves.
Le paragraphe 42(2) du projet de loi introduit un renversement du fardeau de preuve. En effet, après que le poursuivant a prouvé que le délinquant a été condamné une troisième fois pour une infraction primaire (l’infraction sous-jacente méritant et les infractions antérieures ayant valu, dans chaque cas, une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus), le fardeau se déplace sur les épaules du délinquant, qui doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il ne représente pas un danger pour la vie, la sécurité ou le bien-être physique ou mental de qui que ce soit (voir l’al. 753(1)a) du Code), ou, si la troisième infraction primaire est une agression sexuelle, qu’il peut contrôler ses impulsions sexuelles et que, vraisemblablement, il ne causera pas à l’avenir des sévices ou autres maux à d’autres personnes (voir l’al. 753(1)b) du Code).
Avec le renversement de fardeau prévu par le projet de loi, un délinquant pourrait être déclaré délinquant dangereux malgré la présence d’un doute raisonnable quant à sa dangerosité ou au risque de récidive selon les critères énoncés à l’alinéa 753(1)a) ou 753(1)b) du Code.
Par contre, il importe de noter que la Cour suprême du Canada a déjà mentionné, dans l’arrêt Mack(189), que la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable ne s’applique que lorsque la culpabilité ou l’innocence de l’accusé sont en cause. Il faut aussi mentionner que lorsque ce dernier a été déclaré coupable, il n’est plus un « inculpé » au sens de l’article 11 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), de sorte que la présomption d’innocence, telle que la garantit l’alinéa d) de cette disposition, ne s’applique pas(190). En l’espèce, le projet de loi s’applique aux personnes qui ont déjà été reconnues coupables. Il semble donc que la présomption d’innocence ne pourrait servir à attaquer le renversement du fardeau à l’étape de la déclaration de délinquant dangereux. Dans l’arrêt Lyons(191), la majorité de la Cour suprême du Canada était d’avis que le droit d’être présumé innocent n’était pas applicable dans le contexte d’une demande de délinquant dangereux.
Dans son examen des différentes formes de renversement du fardeau de preuve prévues dans le Code avant la condamnation de l’accusé, la Cour suprême du Canada a –à la lumière de la présomption d’innocence et de l’article premier de la Charte – pris en considération, notamment, l’importance de l’objectif, la présence de moyens efficaces à la disposition du Parlement pour atteindre cet objectif et la proportionnalité entre l’objectif et le degré de violation aux droits constitutionnels (192).
Dans un autre ordre d’idées, un délinquant présumé délinquant dangereux en vertu du projet de loi pourrait argumenter qu’il est assujetti à une peine d’emprisonnement pour une période indéterminée pour des infractions pour lesquelles il a déjà été puni. L’alinéa 11h) de la Charte pourrait ainsi entrer en jeu.
Dans l’examen effectué en vertu de l’article 12 de la Charte, on doit se demander si la peine est exagérément disproportionnée en ce qui concerne le délinquant ou si la peine est disproportionnée au regard d’hypothèses raisonnables(193). Dans l’arrêt Lyons(194), la Cour suprême du Canada a décidé que la peine d’emprisonnement pour une période indéterminée ne constituait pas une peine cruelle et inusitée contraire à l’article 12 de la Charte, car, entre autres, « […] le groupe auquel les dispositions législatives s’appliquent a été spécifiquement défini pour assurer que les personnes comprises dans ce groupe manifestent les caractéristiques mêmes qui rendent nécessaire cette détention »(195). Selon la Cour, la possibilité pour les délinquants dangereux de bénéficier de la libération conditionnelle « permet vraiment d’adapter la peine à la situation de chaque délinquant »(196).
L’article 9 de la Charte offre une protection contre la détention ou l’emprisonnement arbitraire. Jugeant que le régime applicable aux délinquants dangereux ne contrevenait pas à l’article 9 de la Charte, la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Lyons(197), faisait l’affirmation suivante :
À cet égard, je souscris entièrement au point de vue de l’avocat de la poursuite qui a fait valoir que [Traduction] « […] c’est l’absence de pouvoir discrétionnaire qui, bien souvent, rendrait arbitraire l’application de la loi ». Comme le souligne l’avocat de la poursuite, [Traduction] « [l’]absence de tout pouvoir discrétionnaire relativement à la partie XXI [aujourd’hui, il s’agit de la partie XXIV] nécessiterait que le ministère public procède toujours en vertu de cette partie dès lors qu’il y aurait une preuve, si faible fût-elle, suffisante à première vue et la cour, après avoir décidé que le délinquant est dangereux, se verrait toujours dans l’obligation d’imposer une peine d’une durée indéterminée ».(198)
En 2003, la Cour suprême du Canada a décidé dans l’arrêt Johnson(199), qu’avant d’envisager de déclarer qu’un délinquant est un délinquant dangereux, le juge devra établir si le risque que représente le délinquant peut être adéquatement contrôlé en collectivité, et donc s’il serait plus approprié d’appliquer les règles relatives aux délinquants à contrôler. Selon la Cour : « […] le tribunal n’est justifié d’infliger une peine de détention d’une durée indéterminée que si cela sert la protection de la société. »(200)
Le paragraphe 42(1) du projet de loi prévoit que le tribunal « doit » (au lieu de « peut » au par. 753(1) actuel du Code) déclarer qu’un délinquant est un délinquant dangereux s’il est convaincu que les conditions prévues par la loi sont réunies. Toutefois, le tribunal a le pouvoir discrétionnaire de ne pas imposer de peine d’emprisonnement pour une durée indéterminée à un délinquant dangereux, dans le cas où une autre peine protégerait suffisamment le public contre la perpétration par le délinquant d’un meurtre ou d’une infraction qui constitue des sévices graves à la personne (par. 42(4) du projet de loi modifiant les par. 753(4) et (4.1) du Code).
Ainsi, même si le tribunal fait une déclaration de délinquant dangereux, il peut décider d’imposer une peine moins sévère, c’est-à-dire :
Si un délinquant qui a été déclaré délinquant dangereux est reconnu coupable postérieurement d’une infraction qui constitue des sévices graves à la personne ou d’une violation d’une OSLD, il devra, sur demande du poursuivant, être évalué par des experts en justice pénale et en santé mentale (art. 43 du projet de loi ajoutant le par. 753.01(1) au Code).
Après le dépôt du rapport d’évaluation et sur demande du poursuivant, le tribunal devra, si cela est nécessaire pour protéger le public contre la perpétration par le délinquant d’un meurtre ou d’une infraction qui constitue des sévices graves à la personne :
En vertu de l’article 810.1 du Code, un juge peut ordonner qu’un défendeur contracte un engagement assorti de conditions s’il y a des motifs raisonnables de craindre qu’une personne âgée de moins de 14 ans sera victime d’une des infractions sexuelles énumérées au paragraphe 810.1(1) du Code :
Actuellement, la durée maximale d’un tel engagement est de 12 mois(202). Le projet de loi porte cette période maximale à deux ans dans le cas où le défendeur possède un antécédent criminel en matière d’infraction sexuelle à l’égard d’une personne âgée de moins de 14 ans (art. 52 du projet de loi ajoutant le nouveau par. 810.1(3.01) au Code). Le projet de loi ne précise pas la nature de l’infraction sexuelle antérieure, mais on peut présumer que cela inclut au moins les infractions sexuelles énumérées au paragraphe 810.1(1) du Code.
Il faut noter que la période maximale de deux ans ne s’appliquerait pas à un défendeur qui, dans le passé, a contracté un engagement de ne pas troubler l’ordre public, car un tel engagement n’équivaut pas à une condamnation criminelle. Il semble qu’il en serait de même dans le cas où le tribunal aurait, relativement à l’infraction antérieure, imposé une absolution inconditionnelle ou sous condition(203).
Selon les règles actuelles, le juge qui ordonne au défendeur de contracter un engagement relatif à une infraction d’ordre sexuel à l’égard d’une personne âgée de moins de 14 ans peut imposer les conditions qu’il considère nécessaires afin de faire en sorte que le défendeur garde la paix et ait une bonne conduite(204).
La formule 32 du Code, qui peut servir à rédiger l’engagement(205), donne des exemples de conditions qui peuvent être imposées :
L’actuel paragraphe 810.1(3) du Code donne deux exemples de conditions qui peuvent être imposées spécifiquement dans le cadre d’un engagement relatif à une infraction d’ordre sexuel à l’égard d’une personne âgée de moins de 14 ans :
L’article 52 du projet de loi précise que le juge peut imposer toute condition « raisonnable »(208) qu’il estime souhaitable (nouveau par. 810.1(3.02) du Code), conserve les deux conditions spécifiques ci-dessus (sauf que le terme « centre communautaire » est supprimé(209); nouveaux al. 810.1(3.02)a) et b) du Code) et ajoute sept autres exemples de conditions qui peuvent être imposées :
En vertu de l’article 810.2 du Code, un juge peut ordonner qu’un défendeur contracte un engagement assorti de conditions s’il y a des motifs raisonnables de craindre que des personnes soient victimes de « sévices graves à la personne »(214). Contrairement à l’engagement relatif à une infraction d’ordre sexuel à l’égard d’une personne âgée de moins de 14 ans, le consentement préalable du procureur général est nécessaire(215).
Selon la règle actuelle, la durée maximale d’un tel engagement est de 12 mois(216). Le paragraphe 53(1) du projet de loi porte cette période maximale à deux ans dans le cas où le défendeur aurait déjà été reconnu coupable d’une infraction qualifiée de sévices graves à la personne (nouveau par. 810.2(3.1) du Code).
Remarquons que la période maximale de deux ans ne s’appliquerait pas à un défendeur qui, pour l’infraction antérieure qualifiée de sévices graves à la personne, a contracté un engagement de ne pas troubler l’ordre public ou a été absous par le tribunal(217).
Actuellement, le juge qui ordonne au défendeur de contracter un engagement relatif aux sévices graves à la personne peut imposer les conditions raisonnables qu’il estime souhaitables pour assurer la bonne conduite du défendeur(218).
Ainsi que nous l’avons signalé à la rubrique précédente, la formule 32 du Code, qui peut servir à rédiger l’engagement(219), donne des exemples de conditions qui peuvent être imposées :
Les paragraphes 810.2(5) et 810.2(6) actuels du Code fournissent deux autres exemples de conditions qui peuvent être imposées dans le cadre d’un engagement relatif aux sévices graves à la personne :
Le paragraphe 53(2) du projet de loi maintient ces deux conditions et ajoute cinq autres exemples de conditions qui peuvent être imposées par le juge :
Si l’on fait une comparaison avec l’engagement relatif aux infractions sexuelles à l’égard des personnes de moins de 14 ans, les exemples de conditions qui peuvent être imposées sont identiques, sauf que, dans ce dernier cas, le juge peut, de plus, imposer des conditions spécifiques interdisant au défendeur d’entrer en contact ou de se trouver en présence d’une personne âgée de moins de 14 ans dans certains endroits publics.
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