La Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada (la Loi) de 1988(1) établissait les conditions pour la privatisation de la société Air Canada. La Loi, accompagnée de mesures transitoires concernant la cession par le gouvernement, assujettissait la nouvelle société privatisée à la Loi sur les langues officielle (LLO)(2), obligeant Air Canada à continuer de fonctionner en français et en anglais. Selon une autre disposition, Air Canada devait conserver son siège social à Montréal et des centres d’opérations à Winnipeg, à Montréal et à Mississauga.
Air Canada est assujettie à toutes les dispositions de la LLO. La Loi oblige Air Canada non seulement à fournir ses communications et services au public dans les deux langues officielles (partie IV de la LLO)(3), mais également à maintenir un environnement de travail bilingue (partie V de la LLO)(4). La Société est également assujettie aux dispositions garantissant des chances égales d’emploi et d’avancement et exigeant que ses effectifs reflètent la présence au Canada des deux collectivités de langue officielle (partie VI).
Après l’acquisition par Air Canada des Lignes aériennes Canadien International, les transporteurs régionaux des deux entreprises de transport aérien ont fusionné pour devenir Air Canada Jazz. En 2000, le Parlement a modifié la Loi pour faire en sorte que les entités du groupe d’Air Canada, telles que Jazz et ZIP, fournissent un service dans les deux langues officielles conformément à la partie IV de la LLO, qui prévoit que le service à la clientèle doit être offert dans les deux langues officielles lorsque le nombre le justifie.
En septembre 2004, Air Canada s’est retirée de la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Pendant qu’elle se trouvait encore sous la protection de cette loi, de nouvelles personnes morales ont été constituées dans le cadre de l’importante restructuration entreprise par la Société. Air Canada est elle-même devenue une filiale en propriété exclusive du groupe d’une nouvelle société mère, Gestion ACE Aviation Inc. Plusieurs anciennes divisions et filiales du groupe d’Air Canada ont été converties en sociétés en commandite qui relèvent directement ou indirectement de Gestion ACE Aviation Inc. (5). La Loi continue de s’appliquer à Air Canada, mais Gestion ACE Aviation Inc. et les nouvelles personnes morales qui lui appartiennent ne sont pas assujetties aux dispositions de la Loi ni aux obligations en matière de langues officielles.
Le 2 mai 2005, le ministre des Transports, l’honorable Jean Lapierre, a déposé le projet de loi C-47 : Loi modifiant la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada(6) à la Chambre des communes. Le projet de loi modifiait la loi existante pour que les entreprises qui succèdent à Air Canada respectent les exigences en matière de langues officielles. Il oblige également Gestion ACE Aviation Inc., la société mère qui contrôle Air Canada et les entités de son groupe, à conserver son siège social à Montréal.
Ce projet de loi est mort au Feuilleton en novembre 2005.
Le 15 juin 2006, le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes a présenté un rapport portant sur la question de l’assujettissement de Gestion ACE Aviation Inc. à la LLO(7). Le 18 octobre 2006, l’honorable Lawrence Cannon, ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, a déposé le projet de loi C-29 : Loi modifiant la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada(8). Ce projet de loi reprenait essentiellement le contenu de l’ancien projet de loi C-47, mais tenait également compte de certaines des préoccupations formulées par le Comité dans son rapport. Ce projet de loi est également mort au Feuilleton à la fin de la première session de la 39e législature. Le 10 décembre 2007, le ministre Cannon a déposé à nouveau le projet de loi sous la forme du projet de loi C-36.
Les articles 1 à 4 du projet de loi modifient le nom de la Loi, qui devient Loi sur Air Canada et les entités de son groupe et apportent des modifications d’ordre administratif qui visent l’organisation interne de la Loi.
L’article 5 du projet de loi ajoute un nouvel article 10.2 à la Loi. Le paragraphe 10.2(1) est une disposition générale qui prévoit que la LLO s’applique à toutes les entités du groupe d’Air Canada relevant de la compétence législative du Parlement en matière d’aéronautique.
Le paragraphe 10.2(2) prévoit que le gouverneur en conseil pourra désigner par règlement les entreprises visées par le paragraphe 10.2(1). Le paragraphe 10.2(3) prévoit les circonstances dans lesquelles la désignation au terme du paragraphe 10.2(2) cesse d’avoir effet.
Les paragraphes 10.2(4) et 10.2(5) apportent des restrictions à l’application générale de la LLO. Comme nous l’avons mentionné, la partie IV de la LLO oblige une entité à fournir ses services au client ou au consommateur dans les deux langues officielles. Les parties VIII, IX, et X établissent des mécanismes de contrôle d’application, tels que des enquêtes et des recours judiciaires, qui peuvent entrer en jeu lorsqu’une entité a contrevenu aux dispositions de la partie IV. Seules les parties IV, VIII, IX et X de la LLOs’appliquent :
Le paragraphe 10.2(6) prévoit de nombreuses autres exceptions à l’application générale de la LLO. Certaines entités sont exemptées de toute exigence en matière de langues officielles.
Le paragraphe 10.2(7) définit les groupements et le contrôle des entités du groupe de la Société. Des personnes morales sont du même groupe si l’une contrôle l’autre ou si toutes deux sont contrôlées par la même personne. Le terme « entité » comprend les sociétés de personnes et les personnes morales. Une personne morale est contrôlée par une personne si cette dernière détient des valeurs mobilières lui conférant plus de 50 p. 100 des votes qui peuvent être exercés pour élire une majorité des administrateurs de la personne morale.
En vertu de la Loi, Air Canada doit conserver son siège social à Montréal. L’article 10.3 étend cette exigence à Gestion ACE Aviation Inc., la société de portefeuille qui contrôle maintenant Air Canada.
En vertu de l’article 10.3, les statuts de Gestion ACE Aviation Inc. sont réputés contenir des dispositions l’obligeant à garantir au public le droit de communiquer avec son siège social et d’en recevoir les services dans l’une ou l’autre des langues officielles, cette obligation valant également pour tous les autres lieux où elle offre des services et où l’emploi des deux langues officielles fait l’objet d’une demande importante eu égard au public à servir. Ses statuts sont également réputés inclure des dispositions indiquant le maintien de son siège social dans la région métropolitaine de Montréal.
Selon l’article 10.4, Gestion ACE Aviation Inc. ne peut demander sa prorogation sous le régime d’une autre autorité législative, c’est-à-dire que l’entreprise doit être constituée en personne morale conformément à la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Gestion ACE Aviation Inc. ne peut modifier ses statuts ou ses règlements administratifs de façon à les rendre incompatibles avec les exigences décrites plus haut concernant la langue et le siège social.
Selon l’article 6 du projet de loi, qui est une disposition transitoire, les plaintes encore pendantes déposées sous le régime de la LLO contre Air Canada ou ses filiales avant la restructuration seront traitées comme si le fait avait été attribué aux entités qui leur ont succédé.
Le projet de loi C-36 n’impose aucune nouvelle obligation à Air Canada. Il maintient le statu quo en assujettissant la nouvelle structure, établie à la suite de la faillite, aux mêmes exigences qu’auparavant.
Les exigences imposées à Air Canada en matière de langues officielles ont suscité beaucoup de controverse et ont été examinées à deux reprises par des comités parlementaires, en 2002 et en 2004.
En février 2002, le Comité mixte permanent des langues officielles a déposé un rapport intitulé Air Canada : les bonnes intentions ne suffisent pas(10), dans lequel il a formulé 16 recommandations de modifications pour empêcher Air Canada de contrevenir à la LLO. Il a proposé, entre autres, que le gouvernement fédéral attribue une aide financière à Air Canada pour la formation linguistique et que la Loi soit modifiée afin que la LLO l’emporte sur les conventions collectives. Les membres de l’Alliance canadienne au sein du Comité ont rendu public un rapport minoritaire, selon lequel les exigences en matière de langues officielles nuisaient à la capacité d’Air Canada de concurrencer d’autres entreprises de transport aérien; ils ont donc recommandé que toutes les dispositions de la LLO soient retirées de la Loi.
En 2004, le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes a entendu une nouvelle fois des témoignages sur la question des langues officielles à Air Canada. L’entreprise de transport aérien a déclaré devant le Comité que les exigences en matière de langues officielles étaient problématiques à maints égards :
Conformément aux recommandations faites par le Comité mixte permanent des langues officielles dans son rapport rendu public en 2002, Air Canada a donc demandé que le gouvernement du Canada :
En réponse à cette requête, quelques membres du Comité de la Chambre des communes ont souligné qu’Air Canada, sachant être assujettie aux exigences en matière de langues officielles, aurait dû tenir compte des coûts connexes lors de l’acquisition des Lignes aériennes Canadien International(14).
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