Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le projet de loi C‑3 : Loi modifiant la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques a été déposé à la Chambre des communes par le ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités et a fait l’objet d’une première lecture le 3 décembre 2008. Il consiste tout simplement en une modification de la définition d’« eaux arctiques » donnée dans la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques(1), modification qui fait passer la zone dans laquelle s’applique cette loi de 100 à 200 milles marins au large du territoire canadien au nord du 60e parallèle de latitude Nord. Le projet de loi est mort au Feuilleton le 4 décembre 2008, à la prorogation du Parlement.
Le projet de loi C‑3 a été déposé pendant une période d’intérêt international accru pour l’Arctique, en particulier pour la souveraineté dans cette région.
Les États côtiers qui bordent l’océan Arctique cartographient depuis un certain temps le plancher océanique arctique pour étayer leurs revendications en matière de droits exclusifs, notamment sur les minéraux du plateau continental, en s’appuyant sur les dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS)(2).
En 2005, lorsque l’actuel gouvernement norvégien est entré en fonction, il a déclaré que le Grand Nord était une priorité nationale de premier plan. En décembre 2006, il a présenté une Stratégie globale pour le Grand Nord(3). À peu près au même moment, la Russie a conclu une étude de six ans « sur tous les aspects possibles de l’utilisation future de la route maritime du Nord »(4). Désormais, la Russie « possède l’infrastructure et la capacité requises pour maîtriser la navigation future, dont douze brise-glaces nucléaires »(5). En août 2007, les Russes ont planté leur drapeau au fond de l’océan sous le pôle Nord.
La période de mars 2007 à mars 2009 a été déclarée l’Année polaire internationale. Des milliers de scientifiques de dizaines de pays ont participé à des études et des activités axées sur les régions polaires(6).
Le gouvernement canadien s’intéresse lui aussi de façon particulière à l’Arctique. Dans le discours du Trône, à l’ouverture de la deuxième session de la 39e législature, en octobre 2007, le gouvernement a déclaré avoir l’intention de « [présenter] une stratégie intégrée pour le Nord. Cette stratégie visera à renforcer la souveraineté du Canada dans le Nord, et à y protéger l’environnement. Elle cherchera aussi à favoriser le développement social et économique, ainsi qu’à améliorer et à décentraliser la gouvernance de façon à ce que les habitants du Nord soient davantage maîtres de leur destin. »(7)
La modification proposée dans le projet de loi C‑3 n’est qu’une partie de la Stratégie intégrée pour le Nord adoptée par le gouvernement pour affirmer les revendications du Canada à l’égard de l’Arctique(8) et leur donner plus de poids. Le projet de loi – et les conséquences qu’il pourrait avoir en matière de réduction de la pollution dans un contexte où l’on prévoit une augmentation de la navigation, de la mise en valeur des ressources et des risques environnementaux connexes – est considéré comme un élément de cette stratégie.
La fonte de la glace de mer arctique provoquée par le changement climatique devrait faire augmenter la navigation dans l’Arctique au cours des prochaines années.
Le rapport scientifique intitulé Arctic Climate Impact Assessment(9), publié en 2005, prévoit dans l’Arctique « des transformations environnementales sur une grande échelle » qui seraient « nombreuses et radicales »(10). Une mise à jour publiée trois ans plus tard quantifiait l’ampleur de la perte de glace de mer :
On constate une accélération considérable de la tendance à la réduction de la surface de glace de mer durant l’été […], les deux années où les chiffres ont été le plus bas jusqu’ici étant 2005 et 2007. En septembre 2007, la glace de mer a atteint son niveau le plus faible avec 4,3 millions km2, c’est-à-dire 39 p. 100 de moins que la moyenne de 1979 à 2000, soit le niveau le plus bas depuis le début de la surveillance par satellite en 1979 et le plus bas de tout le XXe siècle selon les observations effectuées par bateau et par avion.(11)
La réduction de la glace polaire rend le Passage du Nord‑Ouest plus navigable. Le Passage du Nord‑Ouest désigne collectivement plusieurs itinéraires maritimes à travers l’archipel Arctique canadien, entre l’océan Atlantique et l’océan Pacifique. Jusqu’à récemment, la couverture de glace était telle que le Passage était à peu près infranchissable. Toutefois, en raison de l’augmentation des températures, beaucoup de scientifiques prédisent maintenant que le Passage du Nord‑Ouest pourrait s’ouvrir à la navigation. En septembre 2008, le Service canadien des glaces aurait déclaré que le Passage du Nord‑Ouest était navigable pour la seconde fois dans l’histoire écrite – et pour la deuxième année consécutive(12).
Un Passage du Nord‑Ouest navigable représenterait un raccourci important pour les échanges entre l’Asie, l’est de l’Amérique du Nord et l’Europe. La distance entre Shanghai et le New Jersey serait raccourcie de 7 000 km par rapport au trajet passant par le canal de Panama(13). Les économies de temps et d’argent associées à ce raccourci pourraient faire augmenter considérablement la navigation dans l’archipel Arctique.
Le Canada revendique la souveraineté sur le Passage du Nord‑Ouest. Estimant que les eaux entourant l’archipel Arctique sont des eaux intérieures canadiennes(14), il revendique le droit de réglementer unilatéralement les questions relatives au Passage, par exemple la navigation ou la protection de l’environnement. Le Canada ne s’oppose pas à la navigation internationale dans le Passage du Nord‑Ouest(15). Il veut plutôt faire reconnaître que le Passage est une voie navigable intérieure, afin de pouvoir imposer et faire respecter des normes de sécurité et maritimes destinées à protéger les intérêts canadiens, notamment ceux qui ont trait à l’environnement et aux populations inuites. Faute de réglementation canadienne, ces eaux seraient assujetties aux normes moins rigoureuses prévues par le droit international.
Divers pays rejettent la revendication canadienne et considèrent que le Passage du Nord‑Ouest est un détroit international. Selon le chef de la délégation de la Commission européenne au Canada, l’Union européenne estime que l’Arctique est une « mer ouverte »(16). Selon un récent communiqué stratégique de la Commission européenne, « les États membres et la Communauté doivent défendre le principe de la liberté de navigation et le droit de passage inoffensif sur les routes et dans les zones récemment ouvertes »(17). Les États‑Unis estiment eux aussi que le Passage du Nord‑Ouest est un détroit international et, donc, que les États non côtiers ont le droit d’y naviguer(18).
À l’automne 2008, un premier navire commercial au départ de Montréal aurait traversé le Passage du Nord‑Ouest pour livrer des marchandises à des collectivités de l’ouest du Nunavut(19). Des paquebots d’écotourisme maritime circulent déjà au large de la côte ouest du Groenland(20). La question de la souveraineté canadienne sur le Passage du Nord‑Ouest risque de se poser de plus en plus à mesure que le Passage s’ouvre à la circulation. La modification proposée dans le projet de loi C‑3 fait partie de la stratégie adoptée par le gouvernement pour affirmer cette souveraineté.
La mise en valeur des ressources de l’Arctique est elle aussi censée augmenter au cours des prochaines années. Récemment, l’augmentation de la demande mondiale d’énergie et d’autres ressources a entraîné des prix records pour le pétrole et quasi records pour le gaz. Les prix d’autres produits de base ont également augmenté considérablement. Par conséquent, les entreprises d’exploitation des ressources énergétiques et d’extraction minière se sont tournées vers d’autres horizons, comme l’Arctique, où les ressources n’ont pas encore été explorées et exploitées à pleine capacité. Le changement climatique et le rétrécissement de la couverture de glace contribuent également à alimenter l’intérêt pour les ressources arctiques(21).
De fait, « les ressources minérales, et les hydrocarbures en particulier, abondent partout dans l’Arctique. La région renferme des réservées prouvées de pétrole et de gaz, de diamant, d’or, d’étain et de platine, pour ne nommer que quelques produits de base. Dans cet ensemble, compte tenu de leur taille et de leur valeur, les réserves de pétrole et de gaz ainsi que les gisements diamantifères suscitent l’intérêt le plus soutenu au Canada. »(22)
Les droits sur les ressources de certaines régions de l’Arctique sont contestés. Par exemple, parce que le Canada et les États‑Unis ne sont pas d’accord sur la frontière maritime entre le Yukon et l’Alaska, les droits relatifs aux ressources de la partie ouest de la mer de Beaufort sont en jeu.
Un autre exemple est celui des droits contestés relatifs à la dorsale Lomonosov, qui, selon les scientifiques russes, renferme les deux tiers des ressources en hydrocarbures de l’Arctique. La Russie affirme que la dorsale est un prolongement du plateau continental sibérien et que, par conséquent, elle lui appartient(23). Le Canada a entrepris de cartographier le plancher océanique et de procéder à d’autres études scientifiques pour étayer sa propre revendication(24).
La montée prévue des prix des produits de base au cours des prochaines années pourrait accroître la pression en vue d’un règlement des questions internationales relatives à la souveraineté sur l’Arctique. La compétence que le gouvernement veut exercer sur les eaux arctiques en vertu du projet de loi C‑3 peut être envisagée dans le contexte de sa stratégie plus globale visant à obtenir la reconnaissance internationale des revendications du Canada à l’égard de la propriété des ressources de l’Arctique.
L’augmentation prévue des activités telles que la navigation et la mise en valeur des ressources dans l’Arctique accroît les risques de problèmes tels que la contrebande, l’immigration illégale, les naufrages, le braconnage et même les menaces pour la sécurité nationale(25). Certains, cependant, redoutent encore davantage la pollution et la dégradation de l’environnement, qui mettent en péril les écosystèmes arctiques fragiles et le mode de vie traditionnel des peuples du Nord. Certains des environnements les plus fragiles de la planète sont situés dans l’Arctique et sa cryosphère(26), et « un déversement de pétrole endommagerait sérieusement l’écosystème [, notamment à cause de la persistance accrue des hydrocarbures dans l’environnement et des difficultés de nettoyage dans les zones éloignées …] Pour ce qui est des terres, on dit qu’elles prennent du temps à se remettre des bouleversements matériels liés à l’activité pétrolière et gazière. »(27)
L’objet déclaré de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques (LPPEA) est de « veiller à ce que les ressources naturelles de l’Arctique canadien soient mises en valeur et exploitées et à ce que les eaux arctiques contiguës au continent et aux îles de l’Arctique canadien ne soient ouvertes à la navigation que d’une façon qui tienne compte de la responsabilité du Canada quant au bien-être des Inuit et des autres habitants de l’Arctique canadien et quant à la conservation de l’équilibre écologique particulier qui existe actuellement dans les zones que forment les eaux, les glaces et les terres de l’Arctique canadien »(28). La définition des « eaux arctiques » proposée dans le projet de loi C‑3 étend l’application de la LPPEA à une plus vaste surface de l’océan Arctique et agrandit par conséquent la zone où les mesures de prévention de la pollution seraient applicables.
Un avantage secondaire de l’adoption du projet de loi pourrait être d’appuyer les revendications du Canada en matière de souveraineté. En prenant la responsabilité de promulguer et de faire respecter des normes antipollution et de sécurité maritime applicables à une vaste région des eaux arctiques, le Canada affirmerait ses droits dans cette région.
La modification proposée à la LPPEA dans le projet de loi C‑3 fait partie de la Stratégie intégrée pour le Nord du gouvernement du Canada.
La LPPEA a été adoptée en 1970 après le passage d’un pétrolier brise‑glace américain, le Manhattan, par le Passage du Nord‑Ouest en 1969 sans l’autorisation préalable du Canada(29). Les représentants américains ont affirmé que le Manhattan se trouvait en haute mer lorsqu’il était passé par le Passage, parce qu’il n’avait pas traversé les eaux territoriales du Canada, lesquelles étaient à l’époque définies selon la Loi sur la mer territoriale et la zone de pêche(30), soit trois milles au large des îles de l’archipel Arctique.
Certains ont considéré que le voyage du Manhattan était « une menace directe pour la souveraineté du Canada et qu’il fallait réagir immédiatement »(31). Dans l’année qui a suivi, le Parlement a adopté la LPPEA pour imposer des normes en matière de pollution et de sécurité maritime dans les eaux situées à 100 milles marins des côtes. Le préambule de la LPPEA justifiait l’affirmation de la souveraineté du Canada en énonçant ses responsabilités à l’égard du bien‑être des Inuits et des autres habitants de l’Arctique ainsi que de la protection de l’équilibre écologique. Les États‑Unis et d’autres pays ont dénoncé la LPPEA en disant qu’elle était contraire au droit international(32).
Toutefois, ce qui aurait pu devenir un enjeu juridique a été réglé par la suite au moyen de l’adoption de l’article 234 de l’UNCLOS, sur « l’exception arctique », qui a été ajouté à la demande insistante du Canada(33). La disposition se lit comme suit :
Les États côtiers ont le droit d’adopter et de faire appliquer des lois et règlements non discriminatoires afin de prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin par les navires dans les zones recouvertes par les glaces et comprises dans les limites de la zone économique exclusive, lorsque des conditions climatiques particulièrement rigoureuses et le fait que ces zones sont recouvertes par les glaces pendant la majeure partie de l’année font obstacle à la navigation ou la rendent exceptionnellement dangereuse, et que la pollution du milieu marin risque de porter gravement atteinte à l’équilibre écologique ou de le perturber de façon irréversible. Ces lois et règlements tiennent dûment compte de la navigation, ainsi que de la protection et de la préservation du milieu marin sur la base des données scientifiques les plus sûres dont on puisse disposer.(34)
L’article 234, qui traite de compétence, prévoyait la promulgation de mesures antipollution applicables aux zones recouvertes de glace dans la zone économique exclusive (200 milles marins au large des côtes) et confirmait ainsi la zone de 100 milles marins prévue au départ dans la LPPEA. Cette disposition autorise également l’extension à 200 milles marins qui est proposée dans le projet de loi C‑3 et qui concilie, de fait, les définitions d’« eaux arctiques » et de « zone économique exclusive ».
La LPPEA prévoit la réglementation du dépôt de toute sorte de déchets (p. ex. les ordures ou les eaux huileuses) dans les eaux arctiques ou sur les terres d’où ils risqueraient de pénétrer dans les eaux arctiques. Un régime de responsabilité civile est prévu pour faire respecter la réglementation antipollution.
La LPPEA confère également au gouverneur en conseil le pouvoir d’exiger de toute personne qui propose de construire, de modifier ou d’agrandir dans l’Arctique des ouvrages qui pourraient donner lieu au déversement de déchets dans les eaux arctiques qu’elle présente au préalable des plans qui seront examinés et éventuellement modifiés ou rejetés.
Concernant la navigation dans l’Arctique, la LPPEA prévoit l’imposition de « zones de contrôle de la sécurité de la navigation » ainsi que des règlements applicables aux navires qui veulent circuler dans ces zones. Ces règlements permettent de veiller à ce que les navires et leurs équipages respectent aux normes de sécurité applicables à l’Arctique.
Enfin, la LPPEA comporte des dispositions permettant de désigner des agents de prévention de la pollution chargés de la faire respecter. Les sanctions applicables aux infractions à la LPPEA comprennent des amendes et la confiscation du navire fautif et de sa cargaison.
Les dispositions de la LPPEA s’appliquent aux « eaux arctiques », telles qu’elles sont définies à l’article 2. Le projet de loi C‑3 modifie la définition d’« eaux arctiques » pour faire passer la limite de 100 à 200 milles marins, c’est‑à‑dire jusqu’à la limite de la zone économique exclusive. Selon le premier ministre, « cela nous permettra de protéger un demi-million de kilomètres carrés additionnels dans les eaux arctiques, environ l’équivalent en superficie de l’une de nos provinces des Prairies »(35).
La définition élargie des eaux arctiques est conforme aux dispositions préexistantes de la Loi sur les océans(36), qui établissent la zone économique exclusive du Canada, et à la définition de « mer » dans la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999)(37), qui comprend « les zones que le Canada peut déclarer zones économiques exclusives »(38) pour l’application de dispositions relatives aux déchets déversés en mer. Elle prévoit également une zone élargie des eaux au sujet desquelles le gouverneur en conseil peut désigner des zones de services de trafic maritime en vertu de l’article 136 de la Loi sur la marine marchande du Canada (2001)(39).
Lorsque le premier ministre a annoncé la modification proposée dans le projet de loi C‑3, il a également annoncé un projet de modification de la réglementation touchant le système de rapport NORDREG(40).
NORDREG est le système de suivi du trafic dans l’Arctique canadien dont se sert la Garde côtière canadienne pour surveiller la circulation maritime au nord du 60e parallèle de latitude Nord ainsi que dans la baie d’Ungava, la baie d’Hudson et la baie James(41). Au nord du 60e parallèle, la zone NORDREG chevauche celle visée par la LPPEA.
Le système NORDREG fournit des renseignements concernant l’état de la glace et recommande des itinéraires. Il offre des services de soutien, par exemple l’aide de brise‑glaces, et l’organisation d’opérations de recherche et sauvetage. Les incidents et accidents en matière de pollution maritime doivent être signalés par l’intermédiaire du NORDREG.
Tous les navires de plus de 300 tonneaux, qu’ils soient canadiens ou étrangers, sont invités à signaler leur présence au système NORDREG lorsqu’ils circulent dans l’Arctique. Cependant, contrairement à ce qui se passe sur les côtes Est et Ouest du Canada, les navires étrangers qui entrent dans les eaux arctiques du Canada ne sont pas tenus de signaler leur présence au NORDREG(42).
Selon une modification de la réglementation annoncée le 27 août 2008, la zone d’application du NORDREG passerait à 200 milles marins au large des côtes. La zone recouperait donc celle visée par la LPPEA une fois mise en œuvre la modification proposée dans le projet de loi C‑3. Par ailleurs, il deviendrait obligatoire pour les navires entrants de signaler leur présence au NORDREG. Cette disposition serait conforme à la recommandation récente d’un comité sénatorial selon laquelle le NORDREG devrait être obligatoire(43).
Certains spécialistes estiment que si l’on contraint les navires étrangers à signaler leur présence au NORDREG avant de pénétrer dans les eaux canadiennes, on améliorera la sécurité et la prévention de la pollution et l’on accentuera la perception de la souveraineté canadienne dans le Nord(44).
Le projet de loi C‑3 et les modifications qui seraient apportées au NORDREG font partie de la Stratégie intégrée pour le Nord lancée par le gouvernement du Canada. Selon le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, l’objet de la stratégie est de « [renforcer] la souveraineté canadienne, [protéger] notre patrimoine naturel, [favoriser] le développement économique et social et [permettre] l’amélioration de la gouvernance dans le Nord »(45).
Le gouvernement prévoit aussi les mesures suivantes dans le cadre de la Stratégie intégrée pour le Nord (telles qu’elles sont énoncées sur le site Web du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien(46)).
Pour renforcer sa souveraineté, il a annoncé qu’il allait :
Pour favoriser la protection de l’environnement, le gouvernement a déclaré qu’il allait :
D’autres aspects de la Stratégie intégrée pour le Nord ont trait au développement économique et social ainsi qu’à l’amélioration de la gouvernance(48).
La seule disposition de fond du projet de loi C‑3, l’article premier, remplace la définition de la notion d’« eaux arctiques » de l’article 2 de la LPPEA. Selon la nouvelle définition, ces eaux sont situées dans la zone délimitée :
Dans certains secteurs étroits des détroits qui séparent le Canada du Groenland, la limite internationale est inférieure à 200 milles marins des côtes canadiennes. Dans ce cas, la limite des « eaux arctiques » est celle prévue selon le droit international.
Le projet de loi entre en vigueur le jour fixé par décret (art. 2).
Le projet de loi C‑3 n’a guère eu le temps de susciter des réactions, puisqu’il est mort au Feuilleton le lendemain de son dépôt. S’il devait être déposé à nouveau, il n’y aurait pas lieu de s’attendre à une grande controverse, du moins pas au Canada. La modification qui y est proposée est autorisée en vertu de l’article 234 de l’UNCLOS (« l’exception arctique »), comme nous l’avons expliqué plus haut.
À l’heure actuelle, la Russie est le seul autre État arctique qui applique et fait respecter une réglementation de la navigation plus rigoureuse que les normes internationales dans l’Arctique, en vertu de l’article 234(51). Il se peut donc que d’autres États côtiers de l’Arctique prennent acte de la proposition contenue dans le projet de loi et envisagent d’adopter des règlements semblables dans leurs propres régions arctiques.
Les États‑Unis sont le seul État côtier de l’Arctique qui n’a pas ratifié l’UNCLOS. Ce fait et leur conviction que le Passage du Nord‑Ouest est un détroit international pourraient les faire réagir au projet d’extension de la compétence canadienne. L’affirmation par le Canada, renforcée par le projet de loi, que la frontière maritime entre l’Alaska et le Yukon est un prolongement en ligne droite de la frontière terrestre du 141e méridien pourrait également irriter les États‑Unis, qui estiment que la frontière maritime suit un tracé équidistant des côtes des deux pays.
Si le Canada donne l’impression d’être incapable de faire respecter ses lois dans l’Arctique, le projet de loi pourrait être critiqué au pays. Selon le sénateur William Rompkey, président du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, « le mot-clé est “contrôle” […] Nous pouvons prouver que les eaux sont canadiennes, mais ce qui importe pour les gens, c’est le contrôle. »(52)
Selon un récent rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, « la flotte de brise‑glaces du Canada ne sera pas suffisante au moment de l’augmentation du trafic maritime »(53). En février 2007, la vérificatrice générale du Canada a déclaré que, « bien que la durée de vie utile des brise-glaces soit estimée à 30 ans, le plan actuel montre qu’ils auront servi entre 40 et 48 ans quand la Garde côtière les remplacera »(54). Lorsqu’il s’est présenté devant le Comité sénatorial, l’ex‑commissaire adjoint de la Garde côtière canadienne Michael Turner a déclaré que les bâtiments canadiens sont moins puissants que les trois brise‑glaces de la Garde côtière américaine(55). La Russie est le pays le mieux équipé en brise-glaces(56), et, selon le rapport du Comité sénatorial, « ce sont les brise-glaces de la Russie qui permettent à celle-ci de revendiquer une grande partie de l’océan Arctique »(57).
Dans le budget de février 2008, le gouvernement du Canada prévoyait 720 millions de dollars pour acheter un nouveau brise‑glace qui remplacera le vieux CCGS Louis St-Laurent,dont le désarmement est prévu en 2017(58). Certains estiment cependant que le Canada aurait besoin de plus d’un nouveau brise‑glace(59).
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
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