Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le projet de loi C‑15 : Loi modifiant la loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois a été déposé à la Chambre des communes le 27 février 2009 par le ministre de la Justice, l’honorable Robert Nicholson. Il est presque identique au projet de loi C-26 qui avait été adopté en deuxième lecture pendant la deuxième session de la 39e législature, mais qui est mort au Feuilleton à la dissolution du Parlement le 7 septembre 2008. Il a pour objet de modifier la Loi réglementant certaines drogues et autres substances(1) (LRCDAS) de façon à imposer des peines minimales pour les infractions graves liées aux drogues, comme le trafic de stupéfiants dans le cadre du crime organisé ou pour lequel on a recours à des armes ou à la violence. À l’heure actuelle, la LRCDAS ne prévoit aucune peine minimale obligatoire. En outre, le projet de loi augmente la peine maximale pour l’infraction de production de cannabis (marihuana) et transfère à l’annexe I de la LRCDAScertaines substances inscrites à l’annexe III.
Une exception est prévue qui permet aux tribunaux de ne pas imposer de peine obligatoire si un délinquant suit avec succès un programme judiciaire de traitement de la toxicomanie ou un traitement prévu au paragraphe 720(2) du Code criminel (le Code), approuvé par la province et sous la supervision d’un tribunal. Ces programmes ont pour objet d’aider (sous certaines conditions) les personnes accusées d’infractions liées à l’usage des drogues à vaincre leur toxicomanie et à éviter de futurs démêlés avec la justice. Le programme judiciaire conjugue différentes mesures : supervision judiciaire, appui de services sociaux, mesures d’encouragement si la personne s’abstient de consommer et sanctions si elle ne se conforme pas aux ordres du tribunal.
L’Enquête sur les toxicomanies au Canada (ETC) a été parrainée conjointement par Santé Canada, le Conseil exécutif canadien sur les toxicomanies – qui comprend, entre autres, le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies – et certaines provinces(2). Publiée en novembre 2004, elle était la première enquête nationale menée dans l’ensemble de la population canadienne et portant en particulier sur l’usage de l’alcool et des autres drogues au Canada depuis l’Enquête sur l’alcool et les autres drogues au Canada effectuée en 1994. Dans le cadre de l’ETC, on a interrogé près de 14 000 Canadiens âgés de 15 ans et plus sur une variété de sujets liés à la consommation de drogues. L’accent était mis sur les effets de la consommation d’alcool et de drogues sur le bien‑être physique, mental et social. Les participants étaient également appelés à dire ce qu’ils pensaient des mesures visant à contrôler l’usage des drogues, de la disponibilité de celles-ci et des risques liés à leur consommation.
Selon les résultats de l’ETC, la consommation déclarée de drogues illicites comme le cannabis a augmenté au cours de la décennie 1994 à 2004. En tout, 44,5 p. 100 des participants ont déclaré avoir déjà fait usage du cannabis au moins une fois et 14,1 p. 100 ont dit en avoir consommé au cours de l’année précédente, soit près du double du taux enregistré en 1994 (7,4 p. 100). Toutefois, de façon générale, l’usage du cannabis était peu fréquent, 45,7 p. 100 des consommateurs de l’année précédente déclarant en avoir fait usage deux fois seulement ou moins au cours des trois derniers mois. En outre, la plupart des consommateurs de cannabis n’ont pas, selon leur déclaration, subi de préjudice grave lié à leur consommation. Les auteurs de l’ETC ont fait observer qu’il conviendrait d’étudier davantage la consommation de cannabis chez les jeunes. Le taux de consommation culminait chez les jeunes de 18 et 19 ans (47,2 p. 100 en ayant consommé au cours de l’année précédente), pour diminuer par la suite. L’usage du cannabis variait aussi en fonction de l’état matrimonial, du niveau d’instruction et du revenu. Enfin, il existait d’importantes différences d’une province à l’autre pour ce qui est de la consommation de cette drogue, mais on ne possède guère d’explications sur la nature et les raisons sous-jacentes de ces différences.
Abstraction faite du cannabis, les drogues que les participants ont dit avoir utilisées le plus souvent au cours de leur vie étaient les hallucinogènes (11,4 p. 100 des gens), la cocaïne (10,6 p. 100), les amphétamines (6,4 p. 100) et l’ecstasy (4,1 p. 100). Seulement 1 p. 100 ou moins des gens avaient déjà consommé des substances inhalées, de l’héroïne, des stéroïdes ou des drogues injectées. Même si environ un Canadien sur six avait déjà consommé une drogue illicite autre que le cannabis, ils étaient peu nombreux à l’avoir fait au cours de l’année précédant l’enquête, les taux de consommation au cours de cette période étant en général de 1 p. 100 ou moins, sauf pour la cocaïne (1,9 p. 100). Au sein de la population canadienne en général, l’usage de drogues illicites se limitait habituellement au cannabis. Environ 28,7 p. 100 des Canadiens ont déclaré n’avoir consommé que du cannabis au cours de leur vie, et 11,5 p. 100, que cette drogue au cours de l’année précédente. Toutefois, environ 2,6 p. 100 des consommateurs de cannabis avaient consommé d’autres drogues dans l’année précédant l’enquête. Encore une fois, une mise en garde s’impose au sujet des données, notamment pour ce qui est de l’écart substantiel entre les provinces, les proportions variant de 8,3 à 23 p. 100 pour la consommation d’une drogue illicite, à l’exclusion du cannabis, au cours de la vie.
Bien qu’il soit difficile d’établir des comparaisons lorsque des facteurs comme les méthodologies, les questions posées et les groupes-échantillons varient, les taux de consommation de drogues d’une enquête à l’autre donnent à penser que l’usage a augmenté au fil du temps. Cela se vérifie dans le cas du cannabis, dont les taux de consommation, tant au cours de l’année précédente qu’au cours de la vie, ont essentiellement doublé entre 1989 et 2004. Les chiffres indiquent que le nombre de Canadiens qui ont utilisé une drogue injectable à un moment ou un autre est passé de 1,7 million en 1994 à un peu plus de 4,1 millions en 2004. Parmi ces personnes, 7,7 p. 100 (132 000) ont dit avoir utilisé une drogue injectable au cours de l’année précédente en 1994, comparativement à 6,5 p. 100 (269 000) en 2004. Par ailleurs, la plupart des Canadiens qui avaient déjà consommé une drogue illicite ont déclaré ne plus en consommer. En outre, les auteurs de l’ETC ont fait observer que les taux plus élevés d’utilisation de la plupart des drogues illicites ne semblaient pas se traduire par une augmentation du taux de préjudice déclaré.
Depuis la publication de l’ETC, certaines régions du pays, notamment le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest, exclus de l’Enquête, ont aussi publié des chiffres sur l’usage des drogues au sein de leur population. Selon la Yukon Addictions Survey, dont les résultats ont été rendus publics en juin 2005, il semble que la consommation de drogues illicites dans ce territoire s’apparente de façon générale à celle du reste du Canada, sauf pour le cannabis. Au cours des 12 mois précédant l’enquête, 21 p. 100 des Yukonnais de plus de 15 ans disaient avoir fait usage de cannabis, comparativement à 14 p. 100 pour le reste des Canadiens. Pendant cette période, leurs taux de consommation des drogues illicites ont été de 3 p. 100 pour la cocaïne, de 1 p. 100 pour les drogues hallucinogènes et de 1 p. 100 pour l’ecstasy(3). Le taux de consommation de cannabis déclaré dans les Territoires du Nord-Ouest au cours de la même année était à peu près équivalent (20,7 p. 100). Environ 2,7 p. 100 des résidents des Territoires du Nord-Ouest âgés de 15 ans et plus ont dit avoir consommé au moins l’une des cinq drogues suivantes dans l’année précédant l’enquête : cocaïne, hallucinogènes, amphétamines, ecstasy ou héroïne(4).
En 2007, l’Institut de la statistique du Québec a publié une étude indiquant une diminution de l’usage des drogues chez les élèves du secondaire. L’étude montrait qu’en 2006, 30,2 p. 100 des adolescents avaient consommé une substance illicite au moins une fois au cours de l’année précédente, alors qu’en 2000 la proportion était de 42,9 p. 100(5). En outre, l’âge moyen où les élèves commençaient à faire l’expérience de la drogue était passé à 13,2 ans, alors qu’il était d’environ 13 ans en 2004(6).
De son côté, le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies a publié Les coûts de l’abus de substances au Canada 2002(7), rapport qui porte sur les décès, les maladies et les coûts économiques résultant en tout ou en partie de l’abus du tabac, de l’alcool et des drogues illicites en 2002. Sur le plan économique, on considère qu’il y a abus lorsque la consommation impose à la société des coûts dépassant ceux que doit assumer l’usager pour se procurer la substance. On parle alors de coûts « sociaux ». Calculé en fonction du fardeau imposé à certains services, notamment en matière de soins de santé et d’application de la loi, et de la perte de productivité au travail ou à la maison en raison d’un décès prématuré ou d’une incapacité, le coût global de l’abus de substances au Canada était estimé, pour 2002, à 39,8 milliards de dollars. Ce chiffre correspond à 1 267 $ pour chaque homme, femme et enfant qui vit au Canada. Le tabac comptait pour quelque 17 milliards de dollars, soit près de 42,7 p. 100 du total, comparativement à environ 14,6 milliards (36,6 p. 100) pour l’alcool et à environ 8,2 milliards (20,7 p. 100) pour les drogues illicites.
En 2002, 1 695 Canadiens au total sont morts des suites de la consommation de drogues illicites, soit 0,8 p. 100 de tous les décès pour la même année. On peut comparer ce chiffre aux 37 209 décès attribuables à l’usage du tabac (16,6 p. 100 de tous les décès) et aux 4 258 décès attribuables à l’usage d’alcool (1,9 p. 100 de tous les décès). Les surdoses ont été la principale cause de mortalité (958 personnes), suivies des suicides attribuables à la drogue (295), de l’hépatite C contractée à cause de la consommation (165) et de l’infection par le VIH (87). La consommation de drogues illicites a entraîné la perte de 62 110 années potentielles de vie, et les maladies attribuables à cette consommation ont exigé 352 121 jours d’hospitalisation pour des soins de courte durée.
Le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies (CCLAT) a également publié un document sur la relation entre la gravité perçue et les coûts réels de l’abus d’alcool et d’autres drogues au Canada(8). Le Centre a constaté que même si l’ensemble des coûts sociaux liés à l’alcool est plus de deux fois plus élevé que celui associé à toutes les autres drogues illicites, le public n’en percevait pas moins l’usage de ces dernières comme plus grave, selon l’ETC. Cette perception erronée tient peut-être à ce que l’alcool est un produit légal, socialement accepté et utilisé régulièrement par la grande majorité des Canadiens. Alors que plus de 90 p. 100 des Canadiens ont une expérience directe et personnelle de l’alcool, seulement 3 p. 100 des répondants à l’ETC ont dit avoir consommé les cinq drogues illicites les plus populaires au cours de l’année précédente; le facteur de méconnaissance a donc de bonnes chances d’amplifier la perception du risque pour ces substances. Le CCLAT mentionne également que la police, les groupes de citoyens préoccupés, les chefs politiques et les décideurs contribuent à accentuer l’impression des risques associés à l’abus de drogues illicites. Par exemple, la méthamphétamine, quoique dangereuse, est consommée beaucoup moins fréquemment que l’alcool, le cannabis et la cocaïne; on peut alors mettre en cause le bien-fondé d’utiliser une drogue telle que la méthamphétamine pour motiver une politique concernant l’abus d’alcool ou d’autres drogues.
C’est en 1987 que le Canada a présenté sa première stratégie antidrogue, appelée « Stratégie nationale antidrogue ». On y reconnaissait que l’abus d’alcool ou d’autres drogues était en premier lieu un problème de santé, mais on poursuivait sur la lancée de l’approche coercitive empruntée par le Canada depuis l’entrée en vigueur de la Loi de l’opium en 1908, laquelle rendait illégales l’importation, la fabrication ou la vente d’opium. Les tentatives de contrôler et de réglementer les substances psychoactives ont par la suite privilégié des mesures législatives visant à interdire la production, la distribution et l’usage des drogues illicites. La législation a compris la Loi sur l’opium et les drogues narcotiques, la Loi sur les stupéfiants, la Loi sur les aliments et drogues ainsi que l’actuelle Loi réglementant certaines drogues et autres substances. En 1988, le Parlement a créé un organisme non gouvernemental national, le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies, chargé principalement de fournir des renseignements objectifs sur les toxicomanies.
En 1992, le Parlement a approuvé la Stratégie canadienne antidrogue, un effort coordonné en vue de réduire les préjudices causés par l’alcool et les autres drogues. On y préconisait une démarche équilibrée afin de réduire tant la demande que l’offre grâce à des activités comme l’application de la loi et le contrôle, la prévention, le traitement et la réinsertion ainsi que l’atténuation des préjudices. En 1997, le gouvernement a présenté la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, qui encore aujourd’hui sert à contrôler l’usage des drogues illicites. En 2001, la vérificatrice générale a publié un rapport sur le rôle du gouvernement fédéral dans ce domaine(9). Elle signalait l’absence de rapport public exhaustif sur l’usage illicite des drogues, d’où l’impossibilité de mesurer l’efficacité nette de la Stratégie canadienne antidrogue tant que le gouvernement ne fournirait pas un tel rapport à l’échelle nationale.
En 2003, le gouvernement a renouvelé la Stratégie, décrite comme une initiative en vue de réduire les préjudices liés à l’utilisation des narcotiques et des substances contrôlées et à l’abus d’alcool et de médicaments d’ordonnance et axée sur les facteurs sous-jacents à l’usage et à l’abus des drogues. La démarche comprenait des initiatives en matière d’éducation, de prévention et de promotion de la santé, ainsi que des mesures améliorées d’application de la loi et un engagement à présenter tous les deux ans au Parlement et aux Canadiens un rapport sur les orientations et les progrès accomplis dans le cadre de la Stratégie(10). Néanmoins, un article paru en décembre 2006 signalait qu’aucun rapport ni aucune évaluation concernant la Stratégie renouvelée n’avait été rendu disponible(11).
Le 4 octobre 2007, le gouvernement du Canada a présenté sa nouvelle Stratégie nationale antidrogue. Un financement d’environ 64 millions de dollars a alors été fourni dans trois secteurs d’intervention : prévention (10 millions de dollars), traitement (32 millions de dollars) et application de la loi (22 millions de dollars). En guise de complément aux mesures de prévention et de traitement de la toxicomanie, le Plan d’action en matière d’application de la loi renforce, dit-on, les mesures d’application de la loi et la capacité de lutter efficacement contre les installations de culture de marihuana et les activités de production et de distribution de drogues synthétiques. Une partie du Plan est la mise en place de peines sévères et adéquates pour les crimes graves liés à la drogue(12). Le projet de loi C‑15 peut être envisagé comme la concrétisation législative du volet d’application de la loi de la Stratégie antidrogue.
L’objectif déclaré de la Stratégie nationale antidrogue (à laquelle sont affectés 598 millions de dollars pour la période de 2007-2008 à 2011-2012) est de réduire l’offre et la demande de drogues illicites(13). Les trois principales priorités consistent à prévenir l’usage des drogues illicites, à traiter les toxicomanies qu’elles engendrent et à combattre la production et la distribution de ces drogues. Le financement prévu dans le cadre de la Stratégie est réparti de la façon suivante : 24 p. 100 au Plan d’action en matière de prévention, 32 p. 100 au Plan d’action en matière de traitement et 44 p. 100 au Plan d’action en matière d’application de la loi. Ce dernier chiffre inclut 67,7 millions de dollars qui seront débloqués si le projet de loi C-15 reçoit la sanction royale(14). Le gouvernement du Canada considère que le projet de loi fait partie des efforts déployés dans le cadre de la Stratégie nationale antidrogue pour lutter contre la production et la distribution de drogues illicites en ce qu’il ajoute des peines d’emprisonnement obligatoires pour les crimes graves liés à la drogue. Il estime que cela enverra aux producteurs et aux trafiquants le « signal » que leurs activités ne sont plus tolérées.
Le gouvernement est d’avis que l’usage de drogues illicites par les Canadiens constitue un facteur de préoccupation croissant. Il attire l’attention sur les donnés de l’ETC de 2004 qui révèlent qu’environ un Canadien sur six a déjà consommé une drogue illicite autre que le cannabis(15), soit une augmentation par rapport à l’Enquête sur l’alcool et les autres drogues au Canadade 1994. Pourtant, l’Enquête de 2004 a également révélé que seul un Canadien sur 33 avait fait usage de ces drogues au cours de l’année précédente, ce qui donnait à penser qu’il faudrait mettre davantage l’accent sur l’usage récent de même que sur les conséquences et préjudices courants(16). Il convient d’interpréter les données de telles enquêtes avec beaucoup de circonspection, car l’usage varie grandement d’une région à l’autre du pays et il est probable que la consommation déclarée est sous-estimée.
La Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRCDAS) régit certains types de drogues et substances, énumérés à ses annexes I à VIII. À l’heure actuelle, cette loi ne prévoit pas d’emprisonnement obligatoire, mais les infractions les plus graves en matière de drogue entraînent l’emprisonnement à perpétuité comme peine maximale. Les infractions prévues dans la LRCDAScomprennent la possession, l’obtention d’ordonnances multiples, le trafic, l’importation et l’exportation, ainsi que la production de substances énumérées dans les annexes de cette loi. La peine imposée dépend de l’annexe où est inscrite la drogue en question. L’annexe I comprend les drogues considérées généralement comme les plus « dangereuses », par exemple la cocaïne et la méthamphétamine. L’annexe II comprend le cannabis et ses dérivés et l’annexe III, les amphétamines et l’acide lysergique diéthylamide (LSD). L’annexe IV comprend les barbituriques.
La LRCDAS permet au Canada de remplir ses obligations aux termes de plusieurs protocoles internationaux et elle vise des biens infractionnels et les produits du trafic de la drogue. Trois conventions internationales sur les drogues illicites traitent du cannabis, de la cocaïne, de l’héroïne, d’autres substances psychoactives et de leurs précurseurs : la Convention unique sur les stupéfiants de 1961(17), la Convention de 1971 sur les substances psychotropes(18) et la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes 1988 (Convention de Vienne)(19). La Convention unique limite la production et le commerce des substances prohibées aux quantités nécessaires pour répondre aux besoins médicaux et scientifiques des États parties; chaque État adopte les mesures législatives et réglementaires nécessaires pour établir sur son propre territoire les contrôles correspondant aux engagements de la Convention. Aux termes de la Convention de 1971, les substances psychoactives (comme le THC de la marihuana) doivent être assujetties à des contrôles similaires à ceux qui s’appliquent en vertu de la Convention de 1961. Enfin, conformément à la Convention de 1988, les parties doivent coopérer en vue de contrôler la culture, la production et la distribution illicite des drogues en question.
Les lois canadiennes sur les drogues n’interdisent pas toute possession ou tout usage de drogues illicites(20). Ainsi, le Règlement concernant les stupéfiants(21) autorise la distribution de drogues et de substances contrôlées par les pharmaciens, les médecins praticiens et les hôpitaux, et décrit les renseignements à consigner pour rendre compte de cette distribution. Conformément au paragraphe 53(3) de ce règlement,un praticien peut administrer de la méthadone, par exemple, s’il bénéficie d’une exemption en vertu de l’article 56 de la LRCDAS relativement à ce produit. En vertu du même article, le ministre de la Santé peut exempter toute personne ou toute substance réglementée de l’application de la LRCDAS si cette exemption est nécessaire à des fins médicales ou scientifiques ou si, par ailleurs, l’intérêt public le justifie. Le Ministre peut également délivrer un permis permettant de cultiver, récolter ou produire du pavot à opium ou de la marihuana à des fins scientifiques(22).
En outre, le Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales(23) prévoit qu’une personne peut être autorisée à posséder de la marihuana si elle peut prouver qu’elle en a besoin à des fins médicales. Le titulaire d’une licence de production à des fins personnelles est également autorisé à produire et à garder de la marihuana à ses propres fins médicales(24). Par ailleurs, l’imposition d’une limite particulière à la source qui fournit légitimement de la marihuana séchée a été déclarée invalide en 2008 parce que contraire à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés(25); le rapport d’un producteur à un utilisateur limiterait injustement l’accès des personnes autorisées à la marihuana médicale. Cette décision a été confirmée par la Cour d’appel fédérale(26). En réponse, le gouvernement a publié dans la Gazette du Canada du 27 mai 2009 le Règlement modifiant le Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales(27). La modification proposée double le rapport actuel pour le faire passer à un producteur à deux utilisateurs. Selon l’explication qui accompagne cette modification, il faudra effectuer un examen complet de l’accès à la marihuana à des fins médicales, parce que le programme n’a jamais eu pour but de faciliter la production généralisée, potentiellement sur grande échelle, de la marihuana à des fins médicales.
Un article paru dans Juristat(28), la revue de Statistique Canada concernant le système judiciaire, examine le taux et la nature des infractions relatives aux drogues déclarées par la police au Canada en se basant sur les résultats du Programme de déclaration uniforme de la criminalité(29). Il examine les tendances à long terme de la possession, du trafic, de la production, de l’importation et de l’exportation de cannabis, de cocaïne, d’héroïne et d’« autres drogues », catégorie qui inclut la méthamphétamine (cristal meth) et l’ecstasy. Il présente aussi les résultats de l’Enquête sur les tribunaux de justice criminelle pour adultes(30) et de l’Enquête sur les tribunaux de la jeunesse(31) concernant les jugements et les peines dans les cas d’infraction aux lois sur les drogues. Comme les crimes ne sont pas tous portés à l’attention de la police, les données sous-estiment probablement la réalité, et on ne connaît pas l’ampleur réelle de la criminalité relative aux drogues au Canada.
Les résultats de l’enquête Juristat révèlent que le taux d’infractions relatives aux drogues déclarées par la police au Canada depuis 30 ans a culminé en 2007 (à un peu plus de 100 000). Ce résultat tranche avec la baisse globale du taux de criminalité, et pourrait s’expliquer par les politiques policières, les pratiques en matière de mise en accusation et la disponibilité des ressources. La plupart des infractions (6 sur 10) concernent encore le cannabis, même si le taux d’infractions liées au cannabis a généralement fléchi depuis quelques années. En comparaison, le taux d’infractions mettant en cause la cocaïne et d’« autres drogues », comme le cristal meth et l’ecstasy, a augmenté. Une partie de l’augmentation du taux global d’infractions relatives aux drogues s’explique par une augmentation du taux de jeunes qui en sont accusés, taux qui a doublé depuis dix ans. Depuis quelques années, la plupart des affaires impliquant des jeunes accusés d’infractions liées aux drogues ont été classées par un moyen autre qu’une accusation officielle, par exemple le recours au pouvoir discrétionnaire de la police ou le renvoi à un programme de déjudiciarisation.
En 2006-2007, environ la moitié des causes judiciaires d’infractions relatives aux drogues ont fait l’objet d’un arrêt, d’un retrait, d’un rejet ou d’une absolution pour divers motifs : discussions sur le règlement, manque de preuve, renvoi à un programme de déjudiciarisation financé par le tribunal. Les jeunes qui ont été condamnés se sont le plus souvent vu infliger une peine de probation. La probation était aussi la sentence la plus courante chez les adultes condamnés pour possession de drogue, alors que les adultes déclarés coupables de trafic étaient le plus souvent condamnés à l’emprisonnement.
L’une des mesures visant à rompre le cycle de l’usage des drogues et de la récidive criminelle a été la création des tribunaux de traitement de la toxicomanie (TTT), afin de réduire l’abus d’alcool et d’autres drogues, le crime et la récidive par la réadaptation des personnes qui commettent des crimes pour subvenir à leur dépendance(32). Le premier TTT a vu le jour à Toronto le 1er décembre 1998, dans le cadre d’un projet pilote de quatre ans(33). C’est le juge Paul Bentley, de la cour de justice de l’Ontario, qui lui a donné le coup d’envoi. D’après Sécurité publique Canada, ce TTT a été conçu pour répondre aux besoins particuliers des délinquants non violents faisant un usage abusif de la cocaïne ou des produits opiacés(34).
En février 2001, le ministère de la Justice a annoncé que les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique avaient convenu d’ouvrir un nouveau TTT à Vancouver. Ce programme pilote différait du modèle de Toronto de manière à répondre aux besoins particuliers de la collectivité et à élargir la portée de l’expérience des TTT au Canada(35). Il s’agissait de faire fond sur l’expérience acquise à Toronto et d’établir un programme efficace mis au point en Colombie-Britannique.
Dans le cadre du renouvellement de la Stratégie canadienne antidrogue, le gouvernement fédéral s’est aussi engagé à étendre le recours aux TTT au Canada. En décembre 2004, il a sollicité des propositions de financement. Le comité d’examen des propositions comprenait des représentants du ministère de la Justice, de Santé Canada et du Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies(36), appuyés par des experts en traitement des toxicomanies. Chaque proposition a été soumise à une évaluation exhaustive en fonction de critères objectifs et du besoin démontré d’un TTT dans la collectivité en question.
En juin 2005, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il accorderait un financement additionnel 13,3 millions de dollars sur quatre ans pour établir quatre nouveaux TTT(37). Le Canada compte donc maintenant six TTT financés par le fédéral, soit ceux de Toronto (décembre 1998), Vancouver (décembre 2001), Edmonton (décembre 2005), Winnipeg (janvier 2006), Ottawa (mars 2006) et Regina (octobre 2006)(38). On reconnaît que chaque TTT est unique et qu’il fonctionne avec ses partenaires particuliers, représentatifs de la collectivité où il est établi. En outre, chaque programme est conçu pour répondre aux besoins multiples et très complexes de la collectivité visée.
L’un des principaux objectifs du programme judiciaire de traitement de la toxicomanie est de faciliter le traitement des auteurs de crimes liés à la drogue en leur offrant une solution de rechange à caractère intensif, supervisée par le tribunal, au lieu de les incarcérer. On dit que les TTT appliquent des solutions plus humaines que la simple incarcération en cas de crimes mineurs liés à la drogue(39). D’après le ministère de la Justice, les TTT adoptent une approche globale « qui vise à réduire le nombre de crimes commis par des individus pour s’approvisionner en drogues, au moyen d’une surveillance judiciaire, d’un traitement complet de désintoxication, de fréquents tests de dépistage de la drogue pratiqués à l’improviste, de mesures incitatives et répressives, d’un traitement clinique individualisé et d’un soutien des services sociaux »(40).
Un autre objectif des TTT est de réduire les coûts économiques et sociaux de l’abus de substances illicites. En 2005, le ministre de la Santé de l’époque, Ujjal Dosanjh, a déclaré que l’expansion des TTT soulignait l’engagement du gouvernement à aider les auteurs de crimes liés à la drogue à vaincre leur toxicomanie. Il a aussi dit que ces nouveaux tribunaux profiteraient non seulement aux participants, mais aussi à tous les Canadiens, en contribuant à réduire les coûts énormes de l’abus d’alcool ou d’autres drogues sur les plans social, économique et de la santé(41).
Les fonds sont versés par le truchement du Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie et la gestion est assurée par le ministère de la Justice Canada, en partenariat avec Santé Canada(42). Pour obtenir du financement, « ces programmes doivent élaborer leur propre cadre d’évaluation et de responsabilisation fondé sur les résultats, et contribuer au cadre national d’évaluation et de responsabilisation »(43). Les bénéficiaires de fonds doivent donc produire chaque année un rapport sur leurs activités(44). Le Programme de financement doit recueillir des données sur l’efficacité des TTT et promouvoir et établir des normes cohérentes d’une région à l’autre(45). Les résultats colligés servent à appuyer les rapports annuels au Parlement et au public canadien(46).
On dit que le succès des TTT peut se manifester non seulement par une diminution marquée du comportement criminel des participants, mais encore par une réduction importante de l’usage des drogues(47). En outre, les retombées positives pourraient ne pas se limiter au système de justice pénale, mais se répercuter également sur le système de santé, car la plupart des participants aux programmes voient leur santé physique et mentale s’améliorer sensiblement. En août 2006, le ministère de la Justice a mené une étude méta-analytique en vue de déterminer si les TTT réduisaient le nombre de récidives. Il en est ressorti que les résultats obtenus plaident nettement en faveur de l’utilisation de ces tribunaux comme moyen de réduire le crime chez les délinquants qui ont des problèmes d’abus d’alcool ou d’autres drogues(48). Toutefois, l’étude n’a pas abordé le rapport coût-efficacité du programme.
D’après Santé Canada, les premières évaluations du TTT de Toronto font état d’un fort taux de participation et de persévérance de la part des délinquants toxicomanes. Dans les évaluations en cours, on reconnaît que ce programme canadien constitue un outil d’intervention prometteur(49). Le Centre national de prévention du crime a diffusé certaines évaluations de TTT. Selon celle pour Vancouver, bien que plusieurs personnes qui ont participé au programme n’aient pas abandonné leurs tendances en matière de criminalité et d’abus de substances illicites, les chiffres donnent à penser qu’il se produit une baisse légère mais significative de la consommation de drogues et de la criminalité liée aux drogues chez ceux qui participent au programme jusqu’à la fin. Toutefois, seulement 14 p. 100 des participants le terminent, ce qui amène les auteurs de l’évaluation à dire qu’il faudrait des stratégies afin d’encourager les participants à persévérer pour que le modèle donne les résultats escomptés(50).
La participation au programme est volontaire. La personne accusée d’une infraction criminelle non violente ou d’une infraction à la LRCDASdoit présenter une demande. Les individus accusés d’infractions graves ou qui ont un dossier d’infractions violentes ne sont généralement pas admissibles(51).
La plupart du temps, les participants au programme sont accusés d’infractions non violentes au Code telles que le vol, le recel, l’entrée par effraction ailleurs que dans des résidences, le méfait et la communication à des fins de prostitution. En ce qui concerne les infractions liées à la drogue, les plus fréquentes sont celles de simple possession, de possession en vue de faire du trafic ainsi que de trafic (dans la rue). De façon générale, ces infractions sont commises par des personnes désireuses de subvenir à leur dépendance.
Un formulaire de demande doit être rempli et soumis à l’examen de l’équipe du TTT. L’admissibilité est établie par le procureur de la couronne, qui agit comme contrôleur. Le poursuivant a le dernier mot quant à la nature de l’infraction, au dossier criminel du demandeur ou aux deux(52). Chaque cas est étudié séparément. Un dossier criminel ne constitue donc pas un obstacle rédhibitoire à une participation au programme. Les délinquants qui sont membres d’un gang ou qui ont utilisé une arme dans la perpétration d’une infraction ne sont pas admissibles au TTT(53).
Une condition d’admission habituelle au TTT est un plaidoyer de culpabilité. On évalue ensuite le participant en vue d’établir un plan de traitement axé sur ses besoins particuliers. Le participant sera stabilisé et recevra des soins médicaux. Au besoin, on lui administrera de la méthadone. Le personnel du tribunal veillera à ce qu’il ait un logement sûr, un emploi stable ou une éducation et, au besoin, il obtiendra une formation professionnelle. Le programme dure environ un an et, comme il s’agit d’un programme externe, le délinquant doit participer à des séances de counselling individuelles et en groupe. Chaque participant peut se faire demander au hasard un échantillon d’urine et chacun doit comparaître personnellement en cour de façon régulière. On s’attend à ce que les participants soient honnêtes, divulguent toute activité à haut risque et avouent d’éventuelles récidives. Le juge examine les progrès accomplis et peut imposer des sanctions ou offrir des récompenses(54).
Le programme étant conçu pour venir en aide à des individus qui ont depuis longtemps une forte accoutumance, une récidive n’entraîne pas nécessairement l’expulsion du programme. Cela dit, le non-respect constant des modalités du traitement, par exemple l’usage continu d’alcool ou d’autres drogues, peut entraîner le retrait du programme.
La personne qui a satisfait aux exigences minimales de participation peut demander une attestation de réussite. Les participants qui ont obtenu une telle attestation peuvent recevoir une peine non privative de liberté, qui peut inclure une période de probation, une ordonnance de dédommagement, une amende ou toute combinaison de ces peines(55).
Les États‑Unis, le Royaume-Uni, la Jamaïque, les Bermudes, le Brésil, l’Irlande, l’Écosse et l’Australie se sont dotés de TTT. On en dénombre bien au-delà d’un millier aux États-Unis, où ils existent depuis 1969 et où les études de suivi indiquent qu’il y a récidive chez un infime pourcentage seulement des personnes qui terminent le programme(56).
D’après Sécurité publique Canada(51), le projet du TTT de Toronto a permis de comprendre, entre autres, qu’il fallait planifier le programme en accordant plus d’attention aux femmes et aux jeunes de moins de 25 ans. En effet, on a pu constater qu’un nombre important de personnes appartenant à ces deux groupes décidaient de ne plus participer au projet après leur évaluation initiale ou abandonnaient souvent tôt au cours du programme. Le recours à des techniques de suivi a été aussi été recommandé afin d’évaluer les besoins des femmes et des jeunes de moins de 25 ans et d’y répondre.
Dawn Moore, professeur de criminologie à l’Université Carleton, mène une étude pancanadienne sur les femmes participant aux programmes afin de découvrir pourquoi une si forte proportion d’entre elles y renoncent. Elle a remarqué que les programmes étaient souvent conçus sans tenir compte des besoins particuliers des femmes(58).
Le projet de loi C-15 compte 15 articles. La description qui suit porte sur certains aspects du projet de loi et non sur tous ses articles.
Les articles 5 à 7 de la LRCDAS prévoient respectivement les infractions relatives au trafic, à l’importation et à l’exportation, et à la production d’une substance contrôlée. Les articles 1 à 3 du projet de loi modifient chacune de ces dispositions.
L’actuel alinéa 5(3)a) de la LRCDAS dispose que le trafic d’une substance inscrite à l’annexe I ou II constitue un acte criminel pour lequel la peine maximale est l’emprisonnement à perpétuité. Cela montre à quel point on prend au sérieux ces substances, particulièrement les opiacés et le coca et ses dérivés, inscrits à l’annexe I. Le paragraphe 5(4) de la LRCDAS prévoit une exception, soit le trafic de substances inscrites à l’annexe II, principalement le cannabis et ses dérivés. Lorsque la quantité faisant l’objet du trafic ne dépasse pas celle fixée dans l’annexe VII de la LRCDAS (soit 3 kg de résine de cannabis ou de cannabis (marihuana)), la peine maximale est un emprisonnement de cinq ans moins un jour.
L’article premier du projet de loi modifie l’alinéa 5(3)a) de la LRCDAS pour qu’il prévoie, dans certains cas, des peines minimales obligatoires d’emprisonnement pour une infraction relative au trafic d’une substance inscrite à l’annexe I, ou d’une substance inscrite à l’annexe II si sa quantité excède celle fixée à l’annexe VII. Une peine minimale d’emprisonnement d’un an s’appliquera dans certaines circonstances aggravantes, soit : l’infraction a été commise pour le compte d’une organisation criminelle, au sens du paragraphe 467.1(1) du Code (un groupe d’au moins trois personnes dont l’objet est de commettre une infraction grave pour obtenir un avantage matériel); la personne a eu recours ou a menacé de recourir à la violence pour la perpétration de l’infraction; la personne portait ou a utilisé ou a menacé d’utiliser une arme pour la perpétration de l’infraction; ou la personne a été déclarée coupable d’une infraction désignée et a purgé une peine d’emprisonnement d’un an ou plus relativement à cette infraction au cours des 10 dernières années(59). Une « infraction désignée » est définie à l’article 2 de la LRCDAS comme toute infraction prévue aux articles 4 à 10 de cette loi, sauf la possession d’une substance inscrite à l’annexe I, II ou III de la même loi de la façon prévue par son paragraphe 4(1).
L’article premier du projet de loi modifie la LRCDAS afin d’imposer une peine minimale d’emprisonnement de deux ans en présence de certaines autres circonstances aggravantes, notamment si l’infraction est commise à l’intérieur ou à proximité d’une école ou du terrain d’une école ou dans un autre lieu public normalement fréquenté par des personnes de moins de 18 ans. Or il peut s’avérer difficile de définir quels sont ces lieux. L’utilisation de l’expression « centre communautaire » à l’ancien alinéa 810.1(3)b) du Code pour limiter les déplacements d’une personne susceptible de commettre une infraction sexuelle à l’égard d’un enfant a été jugée beaucoup trop générale et, par conséquent, contraire à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés(60). La peine minimale de deux ans sera également imposée si le délinquant a eu recours aux services d’une personne de moins de 18 ans pour la perpétration de l’infraction ou l’y a mêlée, ou s’il a commis l’infraction à l’intérieur d’une prison ou sur le terrain d’un tel établissement. Selon l’article 2 du Code, « prison » désigne tout endroit où des personnes inculpées ou déclarées coupables d’infractions sont ordinairement détenues sous garde, y compris tout pénitencier, prison commune, prison publique, maison de correction, poste de police ou corps de garde.
Le nouvel alinéa 5(3)a.1) de la LRCDAS reprend l’actuel paragraphe 5(4) de cette même loi et impose une peine maximale d’emprisonnement de cinq ans moins un jour si l’infraction relative au trafic de substances concerne une petite quantité de cannabis ou de ses dérivés, énumérés à l’annexe II.
En vertu de l’actuel alinéa 6(3)a) de la LRCDAS, l’importation au Canada ou l’exportation du Canada d’une substance inscrite à l’annexe I ou II de la LRCDAS ou la possession d’une telle substance en vue de l’exportation constitue un acte criminel pour lequel la peine maximale est l’emprisonnement à perpétuité. Des peines maximales moins sévères sont prévues si l’infraction commise concerne des substances inscrites aux autres annexes.
L’article 2 du projet de loi impose une peine minimale obligatoire d’emprisonnement d’un an si l’infraction est commise à des fins de trafic, que la substance visée est inscrite à l’annexe I et que la quantité ne dépasse pas un kilogramme, ou si la substance est inscrite à l’annexe II. La peine minimale s’applique également si le contrevenant, en commettant l’infraction, a abusé d’un poste de confiance ou d’autorité ou a eu accès une zone à accès réservé (p. ex. dans un aéroport), qu’il a utilisée pour commettre l’infraction(61). Comme dans les articles 1 et 3 du projet de loi, la peine maximale d’emprisonnement à perpétuité est maintenue. Le nouvel alinéa 6(3)a.1) porte la peine minimale obligatoire à deux ans d’emprisonnement si la quantité de la substance inscrite à l’annexe I faisant l’objet du trafic dépasse un kilogramme.
Selon l’actuel alinéa 7(2)a) de la LRCDAS, la production d’une substance inscrite à l’annexe I ou II de la LRCDAS,autre que le cannabis (marihuana), constitue un acte criminel passible de l’emprisonnement à perpétuité. Aux termes de l’alinéa 7(2)b), la production de cannabis (marihuana) est un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de sept ans.
L’article 3 du projet de loi impose une peine minimale obligatoire d’emprisonnement de deux ans dans le cas d’une infraction relative à la production d’une substance inscrite à l’annexe I, la peine maximale étant l’emprisonnement à perpétuité. La peine minimale obligatoire est portée à trois ans si l’infraction est commise dans l’une ou l’autre des circonstances liées à la santé et à la sécurité prévues au nouveau paragraphe 7(3), soit :
Si la substance produite est l’une de celles inscrites à l’annexe II, sauf le cannabis (marihuana), le nouvel alinéa 7(2)a.1) prévoit une peine minimale obligatoire d’emprisonnement d’un an, si l’infraction est commise en vue de faire le trafic de la substance, ou de 18 mois, si l’infraction est commise en vue de faire le trafic de la substance dans l’une ou l’autre des circonstances liées à la santé et à la sécurité énumérées ci‑dessus. Dans le cas de la production du cannabis (marihuana), l’alinéa 7(2)b) double la peine maximale d’emprisonnement, la faisant passer de 7 à 14 ans.
Des peines minimales obligatoires sont aussi adoptées à l’égard de la production de cannabis (marihuana), leur durée variant en fonction du nombre de plantes produites(62). La peine minimale passera à neuf mois si le nombre de plantes est inférieur à 201, la production est effectuée à des fins de trafic et un facteur de santé et sécurité s’applique aussi à l’infraction. Si le nombre de plantes en cause est supérieur à 200, mais inférieur à 501, l’emprisonnement durera au moins un an, ou 18 mois si l’infraction est commise dans l’une ou l’autre des circonstances liées à la santé et à la sécurité. L’emprisonnement durera au moins deux ans si le nombre de plantes produites est supérieur à 500, ou trois ans si l’infraction est commise dans l’une ou l’autre des circonstances liées à la santé et à la sécurité. Le projet de loi ne dit pas que la production doit être destinée au trafic lorsqu’elle dépasse 200 plantes.
L’article 4 du projet de loi ajoute les articles 8 et 8.1 à la LRCDAS. Le nouvel article 8 exige qu’avant d’enregistrer un plaidoyer, il faut donner avis de l’imposition possible d’une peine minimale. Le nouvel article 8.1 exige qu’à deux reprises, soit respectivement après deux et cinq ans suivant son entrée en vigueur, un examen complet de la LRCDAS soit fait par un comité désigné par le Parlement. L’examen doit inclure une analyse des coûts et avantages des peines minimales obligatoires. Le comité présente au Parlement un rapport de son examen, assorti de toutes les modifications qu’il estime souhaitables, dans l’année qui suit le début de l’examen(63).
L’article 10 de la LRCDAS précise les circonstances aggravantes que doit prendre en considération le tribunal qui détermine la peine. Bon nombre de ces circonstances sont énumérées à l’article 5 modifié de cette loi. Le nouveau libellé du paragraphe 10(2) de la LRCDAS, donné au paragraphe 5(1) du projet de loi, fait une distinction entre les circonstances aggravantes menant à l’imposition d’une peine minimale obligatoire et celles qui doivent être prises en considération par le tribunal qui détermine la peine quand aucune peine minimale n’est précisée.
L’élément clé de l’article 5 du projet de loi est le suivant : le tribunal qui détermine la peine peut, avec le consentement du poursuivant, reporter cette détermination pour permettre au délinquant de participer à un programme judiciaire de traitement de la toxicomanie approuvé par le procureur général du Canada ou à un traitement conformément au paragraphe 720(2) du Code. Si le délinquant reussit l'un ou l'autre traitement, le tribunal n’est pas tenu de lui imposer une peine minimale d’emprisonnement(64). De plus, le tribunal n’est pas tenu d’imposer une peine minimale d’emprisonnement lorsque, à la fois, la personne reconnue coupable est un contrevenant autochtone, la peine serait excessivement sévère en raison de la situation du contrevenant, et une autre sanction – raisonnable dans les circonstances – peut être imposée. Si le tribunal décide de ne pas imposer une peine minimale d’emprisonnement, il doit motiver sa décision(65).
Le report de la détermination de la peine pendant que l’accusé participe à un programme de traitement approuvé est censé l’encourager à régler le problème de toxicomanie qui le pousse à adopter une conduite criminelle. Si la personne termine le programme avec succès, le tribunal impose habituellement une condamnation avec sursis ou une peine moindre. Il convient de souligner que le programme judiciaire de traitement de la toxicomanie n’est offert (en juin 2009) que dans six villes et reste donc hors de la portée d’un grand nombre de délinquants. Comme le paragraphe 720(2) du Code n’est en vigueur que depuis le 1er octobre 2008, il est encore difficile de savoir quelle sera l’incidence des traitements qu’il prévoit sur les peines.
Aux termes du paragraphe 720(2) du Code, un programme de traitement pourrait être disponible hors du cadre du programme judiciaire de traitement de la toxicomanie, mais il semble que les peines minimales obligatoires doivent s’appliquer dans un tel cas.
Le projet de loi modifie les annexes de la LRCDAS. L’article 6 du projet de loi transfère les éléments 1, 25 et 26 de l’annexe III à l’annexe I, où ils portent les numéros 19, 20 et 21. Le premier élément vise les amphétamines, leurs sels, dérivés, isomères et analogues, ainsi que les sels de leurs dérivés, isomères et analogues. La méthamphétamine avait déjà été transférée à l’annexe I. Les deux autres éléments transférés sont la flunitrazépam ainsi que ses sels et dérivés, et l’acide hydroxy‑4 butanoïque (GHB) et ses sels. La flunitrazépam est une benzodiazépine (sédatif) facilement soluble dans l’éthanol et aussi appelée Rohypnol. L’acide hydroxy‑4 butanoïque (GHB) a des effets sédatifs très semblables à ceux de l’alcool. Les deux substances sont communément appelées « drogues du viol ». Le changement fera en sorte que les peines minimales obligatoires s’appliqueront lorsque les infractions visées par le projet de loi concerneront les amphétamines ou les drogues du viol. De plus, la possession d’une substance inscrite à l’annexe I en contravention de l’article 4 de la LRCDAS est punie plus sévèrement que la possession de substances inscrites aux autres annexes. Les articles 7 et 8 du projet de loi font disparaître ces trois éléments de l’annexe III.
L’alinéa 515(6)d) du Code renverse le fardeau de la preuve s’il y a accusation au motif de certaines infractions prévues par la LRCDAS : l’intéressé doit faire valoir les raisons pour lesquelles il devrait bénéficier de la mise en liberté sous caution. L’article 10 du projet de loi donne plus d’ampleur à cet alinéa pour qu’il soit tenu compte de tous les articles 5 à 7 nouvellement modifiés de la LRCDAS en cas de demande de mise en liberté sous caution.
L’article 12 du projet de loi précise que toute infraction figurant aux articles 5 à 7 de la LRCDAS entraînera l’interdiction de posséder une arme à feu, sauf si le juge de paix qui accorde la mise en liberté sous caution estime que l’interdiction n’est pas nécessaire. Le libellé plus général de la nouvelle disposition tiendra compte des ajouts apportés à la LRCDAS, tels que le nouveau paragraphe 7(3). L’article 14 du projet de loi en fait autant pour le passage de la Loi sur la défense nationale interdisant la possession d’armes à feu.
L’article 13 du projet de loi tient compte du fait que l’actuel paragraphe 5(4) de la LRCDAS a été remplacé par le nouvel alinéa 5(3)a.1). Le nouveau sous‑alinéa 553c)(xi) du Code signifie qu’un juge de la cour provinciale a toute compétence pour juger un prévenu accusé de faire le trafic de petites quantités de substances inscrites à l’annexe II de la LRCDAS (le cannabis et ses dérivés).
Le projet de loi C-15 et sa version antérieure (C-26) n’échappent pas au débat houleux entourant les questions relatives à la drogue et aux mesures législatives qui devraient s’appliquer dans ce domaine, et les opinions sont tranchées. Nous tenterons de présenter ici les divers points de vue tels qu’ils ont été exprimés, notamment dans la presse et d’autres médias.
Pour certains, l’appui que reçoivent les mesures proposées dans les projets de loi C-26 et C-15 reflète la colère suscitée par le « syndrome de la porte tournante » du système judiciaire et l’impression que, pour les délinquants, les sanctions imposées pour les infractions liées aux drogues peuvent n’être qu’un inconvénient mineur du métier(66). Le statu quo est considéré comme une insulte à la loi, qui continuera d’être bafouée si on ne lui donne pas du mordant. Selon ce point de vue, l’appareil judiciaire privilégie depuis trop longtemps la réadaptation des délinquants au détriment de la dissuasion et du droit des honnêtes citoyens de vivre sans crainte dans une société où règnent la loi et l’ordre.
Le Sondage national sur la justice de 2007 semble confirmer que les Canadiens jugent trop indulgentes les peines imposées au Canada. Les deux tiers des personnes interrogées appuient l’affermissement des dispositions sur la détermination de la peine et l’imposition de sanctions plus sévères aux auteurs de crimes graves liés à la drogue. Le quart environ des Canadiens appuie des peines minimales obligatoires, même pour les crimes relativement mineurs, tandis qu’environ la moitié les appuie, mais pourvu qu’on prenne en considération les circonstances du crime et le délinquant(67). Pourtant, selon un sondage sur les attitudes du public à l’égard de la détermination de la peine publié en janvier 2007, les plus vifs appuis ont été exprimés en faveur de la justice réparatrice, où les peines imposées ont pour objectif de susciter un sentiment de responsabilité chez le délinquant et d’obtenir réparation pour la victime. L’appui était moindre à l’égard des objectifs dits plus conventionnels de la détermination de la peine, soit la dissuasion et la neutralisation. Le public appuie fermement l’adoption de mesures législatives qui laissent au juge un certain pouvoir discrétionnaire. Il semble favoriser des peines obligatoires que le tribunal peut atténuer dans des circonstances exceptionnelles(68).
Barry McKnight, qui dirige le Comité sur l’abus de drogue de l’Association canadienne des chefs de police, est un partisan des peines minimales obligatoires. Selon lui, pour créer des collectivités sûres et saines, il faut réduire aussi bien l’offre que la demande dans l’équation de l’abus des drogues. D’après la politique sur la drogue que l’Association a adoptée en août 2007, les chefs de police sont résolus à détruire l’infrastructure criminelle qui perpétue le cycle de la criminalité et victimise les collectivités. L’agent Tim Fanning, porte-parole de la Police de Vancouver, appuie également toute mesure pouvant réduire le problème de la drogue dans sa ville, où au moins 80 p. 100 des crimes contre les biens sont liés à la drogue(69).
L’option d’un programme judiciaire de traitement de la toxicomanie pouvant aboutir à un sursis ou à une réduction de peine reçoit le plein assentiment du chef de la Police d’Ottawa, Vernon White, qui remarque que de nombreux toxicomanes commettent des actes criminels afin de subvenir à leur dépendance et que, devant l’alternative d’un emprisonnement obligatoire ou d’un programme de traitement, certains choisiront ce dernier. Comme de nombreux toxicomanes ont un comportement criminel, les programmes judiciaires de traitement de la toxicomanie deviendront un outil de prévention de la criminalité(70). Paul Welsh, directeur du Centre de traitement de la toxicomanie et des services familiaux Rideauwood d’Ottawa, voit aussi d’un bon œil l’accent mis sur le traitement des toxicomanies comme solution de rechange à l’incarcération(71).
Une bonne partie de la réaction défavorable aux mesures prévues par le projet de loi C‑15 s’articule autour de l’opposition à la multiplication des peines minimales obligatoires. Selon Mark Ertel, président de la Defence Counsel Association of Ottawa, ces mesures dépouillent les juges de leur pouvoir discrétionnaire de tenir compte de circonstances atténuantes, ce qui pourrait transformer les établissements correctionnels et les pénitenciers du Canada en entrepôts de détenus à l’américaine(72). M. Ertel soutient que l’imposition automatique de peines d’emprisonnement, sans égard aux circonstances du crime, entraînera inévitablement le type de recours qui a mené à l’arrêt rendu en 1987 par la Cour suprême du Canada (R. c. Smith) qui cassait une peine minimale de sept ans imposée en vertu de la Loi sur les stupéfiants,abrogée depuis, au motif qu’elle constituait une peine cruelle et inusitée. Il fait valoir également que le projet de loi est mal ciblé : presque tous les crimes violents sont liés à l’alcool, mais les fabricants d’alcool ne feront pas l’objet de poursuites(73).
Certains opposants des peines obligatoires, caractéristiques du projet de loi C‑15, soulignent que les coûts de fonctionnement accrus des prisons draineront les fonds affectés aux programmes sociaux axés, par exemple, sur l’amélioration de l’éducation, les soins de santé et la lutte contre la pauvreté des enfants, autant de facteurs qui réduisent la criminalité(74). L’incarcération est vue comme une mauvaise utilisation de l’argent et des ressources humaines.
D’autres adversaires des peines minimales obligatoires signalent que les États‑Unis, fervents partisans de telles peines depuis de nombreuses années, s’en éloignent dans certains cas. En effet, en privant les juges de leur pouvoir discrétionnaire et en les obligeant à appliquer des règles rigides et arbitraires en matière de détermination de la peine, les États-Unis auraient intégré l’irrationalité à leur système de justice(75). Pourtant, alors que les tribunaux américains imposent des peines deux fois plus longues qu’en Angleterre et trois fois plus longues qu’au Canada, la criminalité violente est plus élevée aux États‑Unis que dans les deux autres pays(76). De plus, au cours des dernières années, la criminalité a diminué dans la même proportion au Canada et aux États‑Unis, bien que les taux d’incarcération aient suivi des courbes différentes dans les deux pays : au Canada, contrairement à ce qui s’est passé aux États-Unis, la diminution ne s’est pas accompagnée d’une importante augmentation de la population carcérale(77).
Les adversaires des peines obligatoires minimales attirent l’attention sur deux études réalisées par le ministère de la Justice qui concluent à l’inefficacité de telles lois et à leur impopularité croissante en tant que mesures de lutte contre la criminalité dans d’autres pays. Selon une étude de 2005 : « Il semblerait qu’elles [les peines minimales obligatoires] ne soient pas un outil efficace en matière de détermination de la peine, c’est‑à‑dire qu’elles gênent le pouvoir judiciaire discrétionnaire sans offrir de meilleurs résultats quant à la prévention du crime. »(78) Par ailleurs, une étude de 2002(79) a indiqué que les peines minimales obligatoires ne semblent pas avoir un effet dissuasif sur la criminalité, en partie parce qu’elles privent les juges de leur pouvoir discrétionnaire pour l’imposition des peines. Par conséquent, ce sont les procureurs et les policiers qui jouent ce rôle discrétionnaire et qui choisissent souvent de ne pas porter d’accusations qui entraîneraient un emprisonnement automatique. Souvent, les peines minimales obligatoires ont aussi pour effet de réduire les taux de condamnation, puisqu’un jury peut refuser de déclarer coupable un accusé passible d’une peine d’emprisonnement automatique qui semble injuste. Enfin, alors que ces peines donnent de bons résultats pour ce qui concerne les crimes liés aux armes à feu et la conduite avec facultés affaiblies, elles ne semblent avoir aucune incidence sur les crimes liés à la drogue(80).
Les tenants des peines obligatoires minimales soutiennent notamment qu’on ne pourra jamais prouver hors de tout doute que les politiques sur la détermination de la peine ont une incidence sur le taux de criminalité, les variables en cause étant beaucoup trop complexes. Les peines minimales obligatoires seraient imposées parce que la société tient à dénoncer certains crimes et à en punir les auteurs. Il y aurait aussi une question de sens commun : de telles peines ont au moins une valeur dissuasive, même s’il n’est pas possible d’en déterminer l’ampleur, et la dissuasion et la dénonciation demeurent des principes très importants en matière de détermination de la peine(81). L’effet dissuasif est à la fois général (visant la population en général) et particulier (visant les criminels éventuels). Ces personnes sont aussi d’avis que les peines obligatoires sont indispensables, car on ne peut présumer que l’appareil judiciaire imposera les peines appropriées, raison pour laquelle le Parlement doit y voir. Selon certaines recherches, l’impression d’équité et de justice que donne le système de justice pénale lorsqu’il y a une réaction juste aux délinquants et à la délinquance est un élément essentiel pour ce qui est de préserver la légitimité de la loi et le respect nourri à son égard(82).
L’un des principaux arguments en faveur des peines obligatoires minimales est celui de la « neutralisation », c’est-à-dire que le fait d’éloigner les délinquants de la société les empêche de récidiver. Un délinquant incarcéré ne commettra pas de crime contre la société, et plus les délinquants violents ou récidivistes passent de temps derrière les barreaux, moins ils commettent de crimes(83). Bref, la neutralisation, croit-on, contribue à la sécurité publique.
Certaines préoccupations ont été soulevées concernant l’incidence des mesures contenues dans le projet de loi C‑26 sur la capacité des prisons et le coût de leur fonctionnement. Par exemple, il semble que la Colombie‑Britannique devra trouver de la place pour recevoir chaque année, dans des prisons déjà surpeuplées, quelque 700 producteurs de marihuana. Selon Darryl Plecas, criminologue à l’Université de la Fraser Valley, ces mesures rendront nécessaire la construction d’une nouvelle prison et, selon Lisa Lapointe, porte‑parole des Services correctionnels de la Colombie-Britannique, les centres correctionnels provinciaux, où la plupart des producteurs de marihuana se retrouveront, sont déjà pleins(84). John Les, ancien solliciteur général de la province, a affirmé que celle-ci n’acceptera pas que des questions de capacité l’empêchent de prendre en charge ceux qui violent la loi(85). Le coût d’hébergement d’un prisonnier est d’environ 57 000 $ par an dans une prison provinciale et de 88 000 $ par an dans le système fédéral(86). Outre le coût financier d’une forte population carcérale, le Réseau juridique canadien VIH/sida a constaté que l’augmentation du taux d’incarcération fait augmenter le taux d’infection par des maladies transmissibles par le sang comme le VIH et l’hépatite C(87). Puisque la plupart des personnes incarcérées finissent par être libérées, il faut nécessairement protéger la santé des détenus pour protéger celle de la population en général. Howard Sapers, l’enquêteur correctionnel du Canada, a réclamé une capacité supplémentaire dans les prisons pour réduire la surpopulation, qui peut mener à la violence. Il a également indiqué que les listes d’attente de plus en plus longues pour les programmes de réadaptation accroissent le risque de récidive après la remise en liberté(88).
Enfin, c’est toute l’approche du droit criminel en matière de consommation de drogues exposée dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances que contestent ceux qui estiment que les politiciens et la population ont fermé les yeux sur les leçons de la prohibition lors de l’élaboration d’une politique en matière de drogue(89). Lorsqu’on a tenté d’enrayer la consommation d’alcool au début du XXe siècle, les recettes provenant des ventes illégales ont fait gonfler les coffres du crime organisé et intensifié la corruption dans les administrations locales. Les efforts déployés pour maîtriser le marché lucratif de l’alcool illégal ont décuplé les actes de violence et beaucoup sont morts après avoir consommé de l’alcool frelaté de piètre qualité. Pour les détracteurs des politiques actuelles des gouvernements américain et canadien, les parallèles avec la « lutte contre la drogue » sont tout aussi clairs. Craig Jones, directeur de la Société John Howard, prône une autre solution. Selon lui, la légalisation et la réglementation des drogues illicites permettraient de réduire la criminalité, comme cela s’est produit il y a des décennies lorsqu’on a levé la prohibition de l’alcool(90).
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
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