Résumé législatif du Projet de loi C-47

Résumé Législatif
Résumé législatif du projet de loi C-47 : Loi sur l’assistance au contrôle d’application des lois au 21e siècle
Dominique Valiquet, Division des affaires juridiques et législatives
Publication no 40-2-LS-655-F
PDF 394, (19 Pages) PDF
2009-07-28

Table des matières

Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.


Contexte

A. Objet du projet de loi : l’accès légal

Le projet de loi C-47 : Loi régissant les installations de télécommunication aux fins de soutien aux enquêtes (titre abrégé : « Loi sur l’assistance au contrôle d’application des lois au 21e siècle ») a été déposé le 18 juin 2009 à la Chambre des communes par le ministre de la Sécurité publique (le Ministre), l’honorable Peter Van Loan.

Le projet de loi traite de certains aspects bien précis du régime d’accès légal. L’accès légal constitue une technique d’enquête – soit l’interception de communications(1) et la saisie de données autorisées par la loi – dont se servent les organismes d’application de la loi et les organismes chargés de la sécurité nationale(2). Des règles concernant l’accès légal sont prévues dans plusieurs lois fédérales, notamment dans le Code criminel, la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et la Loi sur la défense nationale. Le projet de loi précise, pour plus de certitude, que les organismes d’application de la loi conservent les pouvoirs conférés par ces lois(3).

Le projet de loi s’ajoute donc au régime actuel d’accès légal. De fait, il traite des mêmes deux aspects que l’ancien projet de loi C-74(4) : la capacité technique d’interception des télécommunicateurs et la demande de renseignements sur les abonnés.

D’autres aspects du régime d’accès légal sont abordés par le projet de loi C-46 : Loi sur les pouvoirs d’enquête au 21e siècle, déposé le même jour que le projet de loi C-47.

B. Principales mesures du projet de loi

Le projet de loi C-47 répond à une préoccupation des organismes d’application de la loi, qui affirment que les nouvelles technologies – notamment les communications Internet – représentent souvent des obstacles à l’interception légale des communications. Le projet de loi permet donc :

  • De contraindre les personnes qui fournissent des services de télécommunication (les télécommunicateurs) à posséder la capacité d’intercepter les communications sur leurs réseaux, quelle que soit la technologie utilisée pour les transmettre (art. 6 à 15 du projet de loi).
  • De permettre aux organismes d’application de la loi d’avoir accès aux renseignements de base des abonnés d’un service de télécommunication en vertu d’une procédure administrative accélérée, et ce, sans mandat ni ordonnance judiciaire. Certaines mesures de protection sont toutefois prévues (art. 16 à 23 du projet de loi).

C. Fondements du projet de loi

1. Consultations

Depuis 1995, l’Association canadienne des chefs de police (ACCP) réclame l’adoption d’une loi obligeant tous les télécommunicateurs à se munir de moyens techniques permettant aux forces de l’ordre d’intercepter légalement les communications sur leurs réseaux.

Suivant l’élaboration d’un cadre de travail en 2000, des représentants de Justice Canada, d’Industrie Canada et du Solliciteur général du Canada ont procédé à des consultations publiques en 2002(5). Après avoir reçu plus de 300 observations de la part de services de police, d’intervenants de l’industrie, de groupes de défense des droits civiques et de particuliers, le ministère de la Justice a publié en 2003 un résumé des résultats des consultations(6). Au cours des consultations, la protection de la vie privée constituait un des éléments centraux du débat sur l’accès légal. Les autres éléments importants étaient les questions des normes techniques d’interception, des coûts reliés à la capacité d’interception et de la nécessité de nouvelles règles sur l’accès légal.

Les consultations ont donné lieu, en novembre 2005, au dépôt du projet de loi C-74 qui aurait créé la Loi sur la modernisation des techniques d’enquête, mais qui est mort au Feuilleton avant la deuxième lecture à la Chambre des communes lorsque des élections générales ont été déclenchées.

Depuis, les gouvernements des provinces, notamment celui de la Colombie-Britannique, et les différents organismes d’application de la loi du Canada ont fait des représentations afin que le gouvernement fédéral adopte des mesures sur l’accès légal. Après avoir consulté un large éventail d’intervenants dans le domaine, notamment des télécommunications, des libertés civiles et des droits des victimes, le ministre fédéral de la Sécurité publique a déposé le projet de loi C-47, qui reprend, pour l’essentiel, la teneur des dispositions de l’ancien projet de loi C-74.

2. Contexte international

Le projet de loi C-47 constitue une étape clé dans l’harmonisation des lois sur le plan international, notamment en ce qui concerne la capacité d’interception des télécommunicateurs. En effet, ce type d’obligation existe déjà dans bon nombre d’autres pays, comme les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie(7).

Par ailleurs, le Canada a signé la Convention sur la cybercriminalité du Conseil de l’Europe en novembre 2001, ainsi que son protocole additionnel sur la propagande haineuse en juillet 2005. La Convention criminalise certaines infractions commises à l’aide de systèmes informatiques et met en place des outils juridiques adaptés aux nouvelles technologies, comme l’injonction de produire des « données relatives aux abonnés »(8), qui présente certaines similitudes avec la demande de renseignements sur les abonnés prévue par le projet de loi C-47. L’injonction prévue par la Convention ne précise toutefois pas si les données relatives aux abonnés peuvent être obtenues sans mandat.

Le projet de loi complémentaire C-46 inclut d’autres dispositions – notamment celles prévoyant des ordonnances de préservation et de communication et modernisant les infractions relatives aux virus informatiques et à la propagande haineuse – qui permettront au Canada de ratifier la Convention sur la cybercriminalité et son protocole additionnel.

Description et analyse

A. Capacité d’interception (art. 6 à 15)

1. La situation actuelle

Il n’existe, à l’heure actuelle, aucune loi canadienne contraignant tous les télécommunicateurs à utiliser des appareils dotés d’une capacité d’intercepter les communications. Seuls les titulaires de licence qui utilisent les fréquences radio pour des systèmes de téléphonie vocale sans fil doivent, depuis 1996, avoir des installations permettant de telles interceptions(9). Il n’existe aucune obligation semblable pour les autres télécommunicateurs.

2. La situation sous le régime du projet de loi

C’est cette absence de norme dans la capacité d’interception des télécommunicateurs à laquelle le projet de loi remédiera. Il obligera tous ceux qui fournissent des services de télécommunication, par exemple les fournisseurs de services Internet (FSI), à posséder des appareils permettant aux organismes d’application de la loi d’intercepter, après avoir obtenu une autorisation judiciaire, les communications acheminées par le truchement de leurs services. Dans les six mois de l’entrée en vigueur des nouvelles règles, les télécommunicateurs devront présenter au Ministre un rapport indiquant leur capacité de répondre aux exigences d’interception posées par le projet de loi (art. 30 et 69).

3. Les obligations des télécommunicateurs

a. Posséder la capacité d’intercepter les télécommunications (par. 6(1) et al.7a))

L’obligation de posséder une capacité d’interception visera autant les « données de télécommunication »(10) que celles relatives au contenu même de la communication. Un télécommunicateur devra donc utiliser des appareils permettant aux organismes d’application de la loi d’intercepter, par exemple, d’une part, les adresses courriel et de protocole Internet (adresse IP) des abonnés, la date et l’heure des communications ainsi que le type de fichier transmis (données de télécommunication) et, d’autre part, la substance même des messages transmis (données relatives au contenu).

b. Fournir les renseignements recherchés (par. 6(1) et 6(5))

Une fois qu’un organisme d’application de la loi aura une autorisation judiciaire en main, le télécommunicateur devra lui fournir toute communication qui a été interceptée (par. 6(1)). Si possible, le télécommunicateur devra fournir la communication interceptée dans la forme précisée par l’organisme d’application de la loi (par. 6(5)). En outre, il sera tenu de procurer aux organismes d’application de la loi, sur demande, des renseignements concernant ses installations et ses services de télécommunication (al. 6(1)b) et art. 24).

c. Assurer la confidentialité (par. 6(2))

Tout processus d’interception devra rester confidentiel. Les télécommunicateurs seront donc tenus de se conformer aux mesures réglementaires afin de garantir la sécurité du contenu de la communication interceptée, des données de télécommunication et de l’identité des personnes et des organismes impliqués.

d. Décrypter la communication interceptée (par. 6(3) et 6(4))

À l’heure actuelle, les fournisseurs de services de communications numériques sans fil ont l’obligation, conformément aux conditions imposées dans les permis d’exploitation, de donner accès aux communications en clair aux organismes d’application de la loi. Le projet de loi étend cette obligation à toutes les technologies. Toutefois, si les mesures de protection d’une communication – comme le chiffrement ou le codage – nécessitent que le télécommunicateur mette au point des méthodes ou des outils de déchiffrement particuliers, le télécommunicateur ne sera pas tenu de décrypter la communication interceptée.

e. Isoler la communication interceptée (al. 7b))

Une autorisation judiciaire d’intercepter les communications visera une ou plusieurs personnes en particulier. Le télécommunicateur devra alors pouvoir séparer les communications de la personne visée par l’autorisation de celles des autres utilisateurs. Il devra aussi avoir la capacité de dissocier les données de télécommunication de celles relatives au contenu de la communication.

f. Mettre en corrélation (al. 7c))

Un télécommunicateur devra posséder la capacité technique de faire des liens entre les données de télécommunication et le contenu d’une communication interceptée. Ainsi, l’organisme d’application de la loi pourra, par exemple, établir un lien entre l’infraction commise et une adresse IP.

g. Permettre les interceptions simultanées (al. 7d))

Les télécommunicateurs seront tenus de permettre aux organismes d’application de la loi d’intercepter les communications de plusieurs utilisateurs qui sont transmises au même moment(11).

4. Moment de prise d’effet des obligations (art. 10 et 11)

Le projet de loi n’impose pas aux télécommunicateurs de satisfaire aux normes techniques sur la capacité d’interception dès son entrée en vigueur, mais plutôt au moment d’une mise à jour subséquente de leurs réseaux : tout appareil de transmission acquis ou logiciel installé après l’entrée en vigueur des articles 10 ou 11 respectivement devra respecter ces normes. Cependant, l’article 67 dispose que si l’acquisition ou l’installation a lieu dans les 18 mois de l’entrée en vigueur des deux articles, l’application de ces derniers sera suspendue jusqu’à la fin de cette période de transition(12). Par exemple, un nouveau logiciel installé neuf mois après l’entrée en vigueur de l’article 11 devra respecter les nouvelles normes techniques, mais uniquement neuf mois plus tard, soit à la fin de la période de transition.

Toutefois, à la demande du commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ou du directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), le Ministre aura le pouvoir d’ordonner, par arrêté, à un télécommunicateur qu’il se munisse de la capacité d’intercepter des communications conformément aux nouvelles normes techniques avant de procéder à une mise à niveau (al. 14(1)d) et e)).

B. Demande de renseignements sur les abonnés (art. 16 à 23)

1. La situation actuelle

Actuellement, les organismes d’application de la loi doivent être munis d’un mandat ou d’une ordonnance judiciaire afin de contraindre les télécommunicateurs à leur transmettre les renseignements personnels qu’ils détiennent sur leurs clients(13).

2. La situation sous le régime du projet de loi

Le projet de loi met en place un régime spécial permettant à certaines personnes désignées au sein d’organismes d’application de la loi de contraindre, sans mandat ni ordonnance judiciaire(14), un télécommunicateur à leur fournir des informations de base concernant un de leurs abonnés. Des mesures de protection encadrent cette demande de renseignements.

3. La demande de renseignements

a. Types de renseignements visés (par. 16(1))

Les renseignements visés par le régime spécial sont strictement limités. Le projet de loi énumère exhaustivement les renseignements associés aux services et à l’équipement de l’abonné qui pourront être obtenus sans mandat :

  • le nom;
  • l’adresse;
  • le numéro de téléphone;
  • le numéro de téléphone;
  • l’adresse de protocole Internet;
  • le numéro d’identification mobile;
  • le numéro de série électronique;
  • l’identificateur du fournisseur de services locaux;
  • le numéro d’identité international d’équipement mobile;
  • le numéro d’identité internationale d’abonné mobile;
  • le numéro de module d’identité d’abonné de service(15).

Par ailleurs, les télécommunicateurs ne seront pas obligés de recueillir d’autres renseignements que ceux qu’ils collectent déjà dans le cours normal de leur entreprise. Le projet de loi utilise les termes « les renseignements qu’il [le télécommunicateur] a en sa possession ou à sa disposition ». De plus, les télécommunicateurs ne seront pas contraints de vérifier l’exactitude des renseignements qu’ils recueilleront.

b. Personnes désignées (par. 16(3) à 16(5))

Seulement une personne désignée pourra présenter une demande de renseignements en vertu du projet de loi. Elle sera nommée par le commissaire de la GRC, le directeur du SCRS, le commissaire de la concurrence ou un chef de police au sein de leur organisme respectif et elle devra occuper des fonctions liées à la protection de la sécurité nationale ou au contrôle d’application des lois (par. 16(3)).

Un nombre limité de personnes pourront être désignées dans chaque organisme, soit un maximum de 5 p. 100 des effectifs ou, dans le cas d’un organisme de 100 employés ou moins, cinq personnes (par. 16(4)).

c. En cas d’urgence : demande par tout officier de police (art. 17)

Dans une situation d’urgence pouvant raisonnablement entraîner des blessures corporelles graves ou des dommages matériels importants, tout policier, à la place d’une personne désignée, pourra faire une demande de renseignements (par. 17(1))(16). L’officier de police devra toutefois avertir une des personnes désignées de son organisation, et cette dernière confirmera, par écrit, la demande auprès du télécommunicateur (par. 17(3) et (4)).

d. Objet de la demande (par. 16(2))

Une demande de renseignements ne pourra se faire que dans le cadre d’une enquête par le SCRS, le Bureau de la concurrence, la GRC ou un autre service de police conformément à la loi applicable. Les renseignements ainsi obtenus devront être utilisés uniquement à cette fin ou pour des usages compatibles(17) (art. 19).

e. Confidentialité (art. 23)

Tout le processus entourant la demande de renseignements demeurera confidentiel. Le télécommunicateur ne devra pas informer un abonné du fait qu’une personne désignée a présenté une demande ou qu’il lui a transmis des renseignements.

4. Les mesures de protection

Les dispositions relatives aux renseignements sur les abonnés tentent d’établir un équilibre entre l’augmentation des pouvoirs des organismes d’application de la loi et la protection de la vie privée des individus. Si les organismes d’application de la loi peuvent obtenir ces renseignements sans mandat, le projet de loi met toutefois en place certaines mesures de protection extrajudiciaires.

a. Registres (art. 18)

Chaque demande de renseignements devra pouvoir être retracée. La demande devra donc être faite par écrit (par. 16(1)). Les personnes désignées seront également tenues de tenir un registre qui fait notamment état des motifs appuyant chaque demande et des renseignements obtenus.

b. Vérifications internes (par. 20(1), 20(2), 20(3), 20(7) et 20(8))

Le commissaire de la GRC, le directeur du SCRS, le commissaire de la concurrence ou un chef de police auront l’obligation de prendre des mesures afin de vérifier régulièrement que les demandes présentées par leur organisme sont conformes aux dispositions du projet de loi C-47 et ses règlements d’application. On devra ainsi examiner, entre autres, les registres et l’utilisation qui est faite des renseignements. Le résultat de ces vérifications fera l’objet de rapports qui devront être remis au ministre compétent et, selon l’organisme d’application de la loi qui a préparé le rapport, au commissaire à la protection de la vie privée du Canada, au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité ou au commissaire provincial chargé de la protection de la vie privée.

b. Vérifications externes (par. 20(4) à 20(6))

Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada (et les commissaires provinciaux – en vertu de leurs pouvoirs respectifs – relativement aux organisations policières des provinces) aura le pouvoir de procéder à des vérifications afin d’évaluer si la GRC ou le commissaire de la concurrence respectent les dispositions relatives aux demandes de renseignements. Le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité pourra également procéder à ces vérifications à l’égard du SCRS.

C. Contrôle d’application des dispositions du projet de loi (art. 33 à 38)

Le Ministre pourra nommer toute personne pour vérifier le respect des dispositions du projet de loi. Ces personnes pourront visiter tout lieu appartenant à un télécommunicateur afin d’y examiner les documents et les installations de télécommunication.

D. Violations et infractions (art. 39 à 63)

Le projet de loi prévoit deux types de manquements : la violation et l’infraction. Il établit un véritable code de procédure pénale à l’égard des violations, qui représentent, selon toute vraisemblance, des contraventions de moindre gravité. Concernant les infractions, c’est la procédure sommaire prévue au Code criminel qui s’appliquera. Le projet de loi prévoit des amendes pour les deux types de manquements. Aucune peine d’emprisonnement n’est toutefois prévue.

1. Violations

C’est le gouverneur en conseil qui déterminera, par règlement, quelle contravention au projet de loi constituera une violation (art. 39). La réglementation établira également le montant maximal de l’amende qui pourra être imposée pour chaque violation. Ce montant ne pourra toutefois dépasser 50 000 $ dans le cas d’une personne physique ou 250 000 $ dans le cas d’une société (sous-al. 64(1)p)(ii)).

2. Infractions

Le projet de loi subdivise les infractions en quatre catégories, selon le montant de l’amende qui peut être imposée :

  1. Un manquement aux obligations relatives à la capacité d’interception ou la contravention d’un arrêté du Ministre sera passible des amendes maximales, soit 100 000 $ dans le cas d’une personne physique ou 500 000 $ dans le cas d’une société (art. 55). En outre, si un télécommunicateur ne possède pas la capacité d’interception requise lors de la mise à jour de son réseau, une injonction pourra être accordée par un tribunal afin de l’empêcher d’utiliser un appareil de transmission ou un logiciel (art. 63).
  2. Quiconque modifiera l’équipement d’interception d’un organisme d’application de la loi, omettra de fournir au Ministre le rapport sur la capacité d’interception, fera une fausse déclaration ou ne respectera pas les conditions de suspension ou d’exemption sera passible d’une amende maximale de 25 000 $ dans le cas d’une personne physique (50 000 $ en cas de récidive) ou 100 000 $ dans le cas d’une société (250 000 $ en cas de récidive) (par. 56(1)).
  3. Le fait de ne pas coopérer avec une personne nommée pour vérifier le respect des dispositions du projet de loi ou d’entraver son travail constituera une infraction punissable d’une amende maximale de 15 000 $ (par. 56(2)).
  4. La contravention aux autres dispositions du projet de loi sera punissable d’une amende maximale de 250 000 $(18), si toutefois la contravention en question n’a pas été désignée par règlement comme constituant une violation (art. 57).

Il convient de noter que le consentement du procureur général du Canada sera nécessaire pour pouvoir déposer des accusations au motif des deux premières catégories d’infractions (art. 58).

E. Exemptions (art. 5, 13, 32 et 68 et annexes 1 et 2)

Le projet de loi s’appliquera à tous les télécommunicateurs qui exploitent une installation de télécommunication au Canada, compte tenu des exemptions totales et partielles prévues aux annexes 1 et 2. Le gouverneur en conseil pourra toutefois modifier ces annexes par règlement pour ajouter ou retrancher des catégories de télécommunicateurs (par. 5(4)). Le projet de loi prévoit également des exemptions temporaires d’une durée maximale de deux à trois ans selon le cas.

1. Exemptions totales

a. Réseaux privés (par. 5(1), partie 1 de l’annexe 1)

Aucune disposition du projet de loi ne s’appliquera aux réseaux privés, c’est-à-dire aux personnes qui fournissent des services de télécommunication principalement à elles-mêmes, aux membres de leur famille ou à leurs employés, et non au public.

b. Services de vente ou d’achat (par. 5(1), partie 1 de l’annexe 1)

Le projet de loi ne s’appliquera pas aux télécommunicateurs qui fournissent des services de télécommunication destinés principalement à la vente ou à l’achat par le public de biens ou de services, autres que des services de télécommunication.

c. Institutions déterminées (par. 5(1), parties 1 et 2 de l’annexe 1)

De la même façon, aucune disposition du projet de loi ne s’appliquera :

  • aux institutions financières;
  • aux organismes de bienfaisance enregistrés;
  • aux établissements d’enseignement (sauf les établissements d’enseignement postsecondaire);
  • aux hôpitaux;
  • aux lieux de culte;
  • aux résidences pour retraités;
  • aux entreprises de recherche sur les télécommunications;
  • aux entreprises de radiodiffusion.

2. Exemptions partielles

a. Télécommunicateurs intermédiaires (par. 5(2), partie 1 de l’annexe 2)

Les télécommunicateurs qui agissent comme intermédiaires – c’est-à-dire qui transmettent les communications pour le compte d’autres télécommunicateurs sans modifier les communications ni authentifier les utilisateurs – ne seront pas soumis aux obligations relatives à la capacité d’interception lors d’une mise à niveau de leurs réseaux ni à celles concernant les renseignements sur les abonnés. Par contre, ils pourront y être assujettis par arrêté du Ministre (par. 14(2)).

b. Institutions déterminées (par. 5(3), partie 2 de l’annexe 2)

Mis à part l’obligation de fournir des renseignements aux organismes d’application de la loi à propos de leurs installations et leurs services de télécommunication, le projet de loi ne s’appliquera pas aux télécommunicateurs qui exploitent principalement :

  • un établissement d’enseignement postsecondaire;
  • une bibliothèque;
  • un centre communautaire;
  • un restaurant;
  • un hôtel ou un immeuble d’habitation.

3. Exemptions temporaires

a. Demande de suspension (art. 13)

Sur demande motivée d’un télécommunicateur, le Ministre pourra, par arrêté, suspendre, pour une période maximale de trois ans, tout ou partie des obligations relatives à la capacité d’interception lors d’une mise à niveau des réseaux. Le Ministre pourra assortir la suspension des conditions qu’il estimera indiquées.

b. Règlement d’exemption (art. 32)

Sur recommandation du Ministre et du ministre de l’Industrie, le gouverneur en conseil pourra, par règlement, exempter des catégories de télécommunicateurs des obligations les plus importantes du projet de loi, notamment de celles relatives à la capacité d’interception lors d’une mise à niveau des réseaux ou de celles concernant la demande de renseignements sur les abonnés. L’exemption pourra comprendre des conditions et être valide pour un maximum de deux ans.

c. Télécommunicateurs de moins de 100 000 abonnés (art. 68)

Le projet de loi accorde une exemption de trois ans aux télécommunicateurs qui comptent moins de 100 000 abonnés. Pendant cette période, un tel télécommunicateur n’aura pas à se conformer aux normes de capacité d’interception exigées lors de la mise à niveau de son réseau. Il devra toutefois fournir un point de raccordement physique permettant aux organismes d’application de la loi d’intercepter les communications.

F. Indemnisations accordées aux télécommunicateurs (par. 14(3), 21(1) et 29(1))

Le projet de loi prévoit trois situations où l’organisme d’application de la loi devra indemniser un télécommunicateur :

  • Le Ministre a rendu un arrêté afin, par exemple, d’ordonner au télécommunicateur de satisfaire à toute obligation additionnelle relative à la capacité d’interception (par. 14(3)).
  • Le télécommunicateur a fourni des renseignements concernant un abonné à la demande de l’organisme d’application de la loi (par. 21(1)).
  • Le télécommunicateur a fourni des renseignements concernant un abonné à la demande de l’organisme d’application de la loi (par. 29(1)).

La définition de ce qui constitue un « appui spécialisé en télécommunication » ainsi que le montant ou les critères d’indemnisation seront déterminés par règlement(19).

G. Entrée en vigueur et examen de la loi (art. 66 et 71)

L’entrée en vigueur se fera par décret, à une seule ou plusieurs dates. Dans ce dernier cas, différentes dispositions du projet de loi entreront en vigueur à différents moments (art. 71).

Le projet de loi prévoit un examen parlementaire de l’application de ses dispositions cinq ans après son entrée en vigueur (art. 66).


Notes

*  Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]

  1. Appelée communément « écoute électronique ».
  2. Par souci de concision, les mentions, dans le présent texte, des « organismes d’application de la loi » s’entendent également des organismes chargés de la sécurité nationale, sauf si le contexte indique clairement le contraire.
  3. Par. 2(2) du projet de loi.
  4. Projet de loi C-74 : Loi régissant les installations de télécommunication en vue de faciliter l’interception licite de l’information qu’elles servent à transmettre et concernant la fourniture de renseignements sur les abonnés de services de télécommunication, 1re session, 38e législature (mort au Feuilleton). Pour plus d’informations sur le projet de loi, voir Dominique Valiquet, Télécommunications et accès légal : I. La situation législative au Canada, PRB 05-65F, Ottawa, Services d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 21 février 2006.
  5. Justice Canada, Industrie Canada et Solliciteur général Canada, Accès légal – Document de consultation, 25 août 2002.
  6. Voir Nevis Consulting Group (dir.), Résumé des mémoires présentés dans le cadre de la Consultation sur l’accès légal, Ministère de la Justice Canada, 28 avril 2003.
  7. Pour plus d’informations sur la législation dans ces pays, voir Dominique Valiquet, Télécommunications et accès légal : II. La situation législative aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie, PRB 05-66F, Ottawa, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 28 février 2006.
  8. Conseil de l’Europe, Convention sur la cybercriminalité, 23 novembre 2001, art. 18.
  9. Cette condition est imposée par Industrie Canada lors de la délivrance des licences de spectre en vertu de la Loi sur la radiocommunication. Les normes d’interception sont indiquées dans les Normes d’application du Solliciteur général sur l’interception licite des télécommunications (révisées en novembre 1995). Voir Kristen Embree, « Lawful Access: A Summary of the Federal Government’s Recent Proposals – Part I », Internet and E-Commerce Law in Canada, vol. 6, mai 2005, p. 18, et Industrie Canada, Gestion du spectre et télécommunications, « Services de communications personnelles ».
  10. Voir la définition au par. 2(1) du projet de loi. Essentiellement, ce sont des données qui indiquent l’origine, la destination, la date, l’heure, la durée, le type et le volume d’une télécommunication. On parle aussi parfois de « données relatives au trafic ». Selon la politique de réglementation qui aurait été établie sous le régime de l’ancien projet de loi C-74, un télécommunicateur qui n’aurait pas possédé la capacité d’intercepter les données de télécommunication en temps réel aurait dû au moins pouvoir les intercepter une seconde après l’interception du contenu de la communication.
  11. Les règlements fixeront des limites minimales et maximales du nombre d’interceptions simultanées que devront pouvoir supporter les installations de télécommunication (al. 64(1)h) et i)). Par arrêté, le Ministre pourra toutefois ordonner à un télécommunicateur de prendre des mesures pour accroître le nombre d’interceptions simultanées au-delà de la limite maximale (al. 14(1)b)).
  12. L’ancien projet de loi C-74 prévoyait une période de transition de 12 mois.
  13. Voir l’al. 7(3)c) de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Toutefois, la Cour supérieure de l’Ontario a jugé que les abonnés ne possèdent pas une expectative raisonnable de vie privée à l’égard des informations de base détenues par leur FSI (R. c. Wilson (10 février 2009), no 4191/08, voir dans le même sens, R. c. Ward, 2008 CarswellOnt 4728 (Cour de justice de l’Ontario)). Selon la Cour, le nom et l’adresse d’un abonné ne révèlent pas de détails intimes sur le mode de vie ou les choix personnels de l’abonné (concernant la notion de « détails intimes », voir R. c. Plant, [1993] 3 R.C.S. 281). Auparavant, la Cour de justice de l’Ontario avait rendu une décision contraire dans R. c. Kwok, [2008] O.J. 2414.
  14. La politique de réglementation établie en vertu de l’ancien projet de loi C-74 prévoyait toutefois que les personnes désignées étaient tenues de fournir, lors de leur requête, au moins un identificateur associé à l’abonné afin d’éviter les « expéditions de pêche ». Par exemple, pour obtenir le nom d’un abonné, une personne désignée devait fournir une adresse IP.
  15. La définition de « données relatives aux abonnés » à l’art. 18 de la Convention sur la cybercriminalité exclut expressément les données relatives au trafic.
  16. Il s’agit des mêmes circonstances exceptionnelles que celles prévues à l’art. 184.4 du Code criminel, qui porte sur l’interception des communications.
  17. Les organismes pourront, par exemple, se servir des renseignements obtenus afin de porter des accusations criminelles.
  18. Par exemple, les dispositions relatives à la demande de renseignements sur les abonnés.
  19. Une décision récente de la Cour suprême du Canada a jeté de la lumière sur la question de savoir si un télécommunicateur devait être remboursé des coûts associés à l’exécution d’une ordonnance de communication pour produire des données d’appels (art. 487.012 du Code criminel). Selon la Cour, on devrait tenir compte de divers éléments, dont la portée de l’ordonnance demandée, la taille et la situation financière de la personne visée et l’ampleur des conséquences financières de la communication pour le télécommunicateur (Société Télé-Mobile c. Ontario, [2008] 1 R.C.S. 305).

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