Résumé législatif du Projet de loi C-56

Résumé Législatif
Résumé législatif du projet de loi C-56 : Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi et modifiant d'autres lois en conséquence (Loi sur l’équité pour les travailleurs indépendants)
Daphne Keevil Harrold, Division des affaires sociales
André Léonard, Division des affaires sociales
Publication no 40-2-LS-665-F
PDF 349, (16 Pages) PDF
2010-01-14

Contexte

Le 3 novembre 2009, le projet de loi C-56 : Loi modifiant la loi sur l’assurance-emploi et modifiant d’autres lois en conséquence (titre abrégé : « Loi sur l’équité pour les travailleurs indépendants ») a été présenté à la Chambre des communes par la ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, l’honorable Diane Finley. Il a été lu pour la deuxième fois le 5 novembre 2009, puis renvoyé le 19 novembre au Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes. Le 27 novembre, le Comité en a fait rapport à la Chambre avec un certain nombre d’amendements de forme. Le 10 décembre 2009, il a tenu une réunion pour examiner la solidité financière du régime proposé dans le projet de loi, et ce dernier a été adopté en troisième lecture le jour même, avec une motion exigeant que la Commission de l’assurance-emploi assure un suivi spécial du nouveau programme et que l’Office de financement de l’assurance-emploi du Canada détermine si les cotisations versées correspondent au coût réel des prestations offertes aux travailleurs indépendants québécois. Le projet de loi a reçu la sanction royale le 15 décembre 2009.

Bien que le projet de loi modifie plusieurs dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi(1) (LAE), il vise surtout à établir un régime prévoyant le versement de prestations spéciales – prestations de maternité, de maladie ou de soignant, prestations parentales ou d’adoption – aux travailleurs indépendants, qui n’y ont pas droit à l’heure actuelle. Le projet de loi ne permet pas aux travailleurs indépendants de toucher les prestations régulières de l’assurance-emploi (AE)(2).

La durée maximale des prestations pour les travailleurs indépendants est la même que pour les salariés, c’est-à-dire 15 semaines pour les prestations de maternité, 35 semaines pour les prestations parentales ou d’adoption, 15 semaines pour les prestations de maladie et six semaines pour les prestations de soignant. De plus, ils reçoivent des prestations au même taux que les salariés, soit 55 % de leur rémunération assurable moyenne, jusqu’à un maximum annuel assurable de 43 200 $, ce qui donne un montant maximal de 457 $ par semaine.

Selon le projet de loi, les travailleurs indépendants doivent cotiser au régime d’AE pendant au moins une année avant de pouvoir réclamer des prestations. Pour avoir droit aux prestations spéciales d’AE, ils doivent avoir gagné un minimum de 6 000 $ en revenus de travailleur indépendant au cours de l’année civile précédente. Ils peuvent également se retirer du régime d’AE à la fin de toute année d’imposition, pourvu qu’ils n’aient pas touché de prestations. Après avoir touché des prestations, ils doivent continuer à cotiser au régime tant qu’ils seront travailleurs indépendants.

Les travailleurs indépendants qui adhèrent au régime paieront un taux de cotisation équivalent à celui payé par les employés. Ils n’auront pas à payer la portion du taux de cotisation de l’employeur, qui est 1,4 fois plus élevé que celui des employés. En 2010, le taux de cotisation est de 1,73 $ pour chaque tranche de rémunération de 100 $ jusqu’à ce que le salaire annuel atteigne 43 200 $(3).

Les travailleurs indépendants qui résident au Québec peuvent bénéficier des programmes fédéral et provincial de prestations. Ils continueront de recevoir des prestations de maternité et parentales par l’entremise du Régime d’assurance parentale du gouvernement du Québec, auquel doivent obligatoirement adhérer les employés et les travailleurs indépendants. En plus, ils seront admissibles aux prestations de maladie et de soignant offertes par le régime d’AE du gouvernement du Canada. S’ils décident de participer au programme fédéral, ils cotiseront à l’AE autant que les autres travailleurs du Québec, soit moins qu’ailleurs au Canada étant donné que les prestations de maternité et parentales sont financées par le régime provincial. La réduction est de 0,35 $ par tranche de rémunération de 100 $ en 2009, ce qui signifie que le taux de cotisation est de 1,38 $ par tranche de rémunération de 100 $. La réduction calculée pour l’année 2010 a été portée à 0,37 $ par tranche de rémunération de 100 $, ce qui signifie que le taux de cotisation pour les travailleurs indépendants québécois qui se joindront au régime en 2010 sera de 1,36 $ par tranche de rémunération de 100 $.

En 2008, le Canada comptait environ 2,6 millions de travailleurs indépendants, soit 15,4 % de l’emploi total. Le tableau 1 montre le nombre et la proportion de travailleurs indépendants selon le sexe et le secteur d’activité.

Tableau 1 – Nombre de travailleurs indépendants et proportion de l’emploi total, selon le sexe et le secteur d’activité, Canada, 2008
Caractéristiques Nombre (milliers) Proportion
Sexe
Hommes 1 720 19,1
Femmes   910 11,2
Secteur d’activité – Biens
Agriculture   204 62,2
Construction   372 30,2
Foresterie, pêches, mines, pétrole et gaz    48 14,2
Fabrication   101  5,1
Total (biens)   725 18,0
Secteur d’activité – Services
Services professionnels, scientifiques et techniques   398 33,2
Services aux entreprises et relatifs aux bâtiments   166 24,2
Transport et entreposage   147 17,1
Finance, assurance, immobilier et location   179 16,6
Information, culture et loisirs   124 16,3
Soins de santé et assistance sociale   234 12,3
Commerce   290 10,8
Hébergement et services de restauration    90  8,4
Services d’enseignement    52  4,4
Autres services   225 30,0
Total (services) 1 905 14,5
TOTAL 2 630 15,4
Source : Statistique Canada, Enquête sur la population active, tableau CANSIM 282-0012.

Le nombre de travailleurs indépendants est plus élevé chez les hommes que chez les femmes. Dans les secteurs comme l’agriculture, les services professionnels, scientifiques et techniques ainsi que la construction, la proportion de travailleurs indépendants est plus élevée que dans les secteurs de la fabrication, des services d’enseignement, des services publics et de l’administration publique(4).

Description et analyse

A. Nouvelle partie VII.1 de la Loi sur l’assurance-emploi : création du régime de prestations spéciales pour les travailleurs indépendants (art. 16)

Le projet de loi C-56 ajoute à la LAE la partie VII.1 qui décrit un régime de prestations spéciales pour les travailleurs indépendants. De façon générale, le libellé des nouvelles dispositions reprend celui employé pour décrire les prestations spéciales dans la loi actuelle, mais le nouveau paragraphe 152.01(1) définit plusieurs autres termes employés dans le cadre du régime. Par exemple, « travailleur indépendant » signifie tout particulier qui exploite une entreprise ou qui est au service d’une personne morale dont il contrôle plus de 40 % des actions avec vote(5). Une « entreprise » est définie comme « une profession, un métier, un commerce, une industrie ou une activité de quelque genre que ce soit » qui exclut une charge ou un emploi. Ces définitions générales visent à englober un vaste éventail de demandeurs d’AE.

En outre, le projet de loi modifie d’autres mesures législatives qui ont un lien avec la nouvelle partie VII.1(6), de même que plusieurs articles de la LAE.

B. Possibilité d’adhérer au régime de prestations (art. 16)

Pour adhérer au régime de prestations spéciales pour les travailleurs indépendants, il faut être citoyen canadien ou résident permanent et conclure un accord avec la Commission de l’assurance-emploi du Canada. Aux termes des nouveaux paragraphes 152.02(2) et (3), l’accord avec la Commission est « d’une durée indéterminée » et c’est la Commission qui en établit les conditions. À partir du moment où le travailleur indépendant touche des prestations spéciales en vertu de la LAE, il est tenu de verser des cotisations tant qu’il sera travailleur indépendant.

Le nouveau paragraphe 152.02(4) prévoit que l’accord prend fin si le particulier donne un avis adéquat à la Commission avant de recevoir des prestations d’AE. L’accord peut aussi être réputé prendre fin dans les cas prévus par règlement.

C. Prestations spéciales accessibles aux travailleurs indépendants (art. 2 et 16)

Les dispositions suivantes, créées par le projet de loi, permettent aux travailleurs indépendants de toucher les prestations spéciales de la LAE dont bénéficient actuellement les salariés :

  • Selon la définition modifiée de « prestation » figurant à l’article 2 de la LAE, qui renvoie à  la nouvelle partie VII.1, les travailleurs indépendants sont dorénavant visés par le régime existant de prestations spéciales. Par conséquent, les travailleurs indépendants ont droit aux mêmes périodes maximales de prestations que les autres salariés visés par l’article 12 de la LAE : 15 semaines pour les prestations de maternité, 35 semaines pour les prestations parentales ou d’adoption, 15 semaines pour les prestations de maladie et six semaines pour les prestations de soignant.
  • Les travailleurs indépendants touchent aussi des prestations au même taux que les salariés : 55 % de la moyenne de leur rémunération assurable, comme il est prévu aux articles 14 à 17 de la LAE, jusqu’à concurrence d’un maximum annuel calculé annuellement par la Commission de l’assurance-emploi conformément à l’article 4 de la LAE. Ce montant est maintenant de 43 200 $, ce qui porte le maximum actuel des prestations hebdomadaires à 457 $.
  • Maladie, blessure ou mise en quarantaine : Le nouvel article 152.03 dispose que le travailleur indépendant qui cesse de travailler par suite d’une maladie, d’une blessure ou d’une mise en quarantaine a droit à des prestations. S’il touche des prestations provinciales pour l’une de ces conditions, ses prestations versées aux termes de la LAE seront réduites ou supprimées ainsi qu’il est prévu par règlement. S’il reçoit une rémunération durant une période où il touche des prestations, cette rémunération sera déduite des paiements de prestations.
  • Grossesse, naissance ou adoption d’un enfant : Aux termes du nouvel article 152.04, la travailleuse indépendante enceinte a droit à des prestations d’AE équivalentes à celles offertes aux employées au titre de l’article 22 de la LAE. Le nouvel article 152.05 offre aux travailleurs indépendants les mêmes prestations parentales que celles accordées aux nouveaux parents employés au titre de l’article 23 de la LAE. En outre, le nouveau paragraphe 152.05(15) prévoit que le travailleur indépendant qui présente une demande de prestations parentales (ou l’autre parent demandeur) n’est pas tenu de purger son délai de carence avant le début des prestations ou peut faire reporter cette obligation dans le cas où l’autre parent demandeur (travailleur indépendant ou non) purge son délai de carence ou a choisi de le purger. Ainsi, seulement une personne est tenue de purger son délai de carence avant de pouvoir toucher des prestations.
  • Prestations de soignant : Conformément au nouvel article 152.06, le travailleur indépendant peut recevoir des prestations d’AE équivalentes à celles offertes aux employés au titre de l’article 23.1 de la LAE afin de prendre soin d’un membre de la famille. Dans le nouveau paragraphe 152.01(1), « membre de la famille » s’entend de l’époux ou du conjoint de fait, de l’enfant du particulier ou du conjoint de fait, du père ou de la mère du particulier ou du conjoint de fait ou de toute autre personne prévue par règlement.

D. Conditions d’admissibilité aux prestations pour les travailleurs indépendants (art. 16)

Comme il a été mentionné précédemment, le nouvel article 152.07 prévoit que pour être admissible aux prestations, il faut avoir conclu un accord avec la Commission de l’assurance-emploi au moins 12 mois avant la demande, sauf si une période différente est prévue par règlement. D’après le nouveau paragraphe 152.08(1), cette période de référence doit être l’année précédant celle au cours de laquelle le travailleur indépendant présente une demande de prestations. Le nouveau paragraphe 152.08(2), modifié par le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes, précise que le montant de la rémunération perçue par le travailleur indépendant au cours de la période de référence d’un an ne peut être pris en compte qu’à l’égard de la demande initiale de prestations, c’est-à-dire qu’une demande subséquente doit être fondée sur le revenu gagné après la période de référence d’un an.

De plus, pour que le travailleur indépendant puisse toucher des prestations au titre du nouvel article 152.07, l’accord avec la Commission ne doit pas avoir pris fin ou être réputé avoir pris fin, il doit y avoir arrêt de la rémunération provenant du travail qu’il a exécuté pour son propre compte et le montant du revenu gagné au cours de sa période de référence de 12 mois doit être d’au moins 6 000 $ (ou, dans le cas où il s’est rendu responsable d’une violation de la LAE, un montant supérieur s’il est multiplié par un coefficient pénalisant qui augmente en fonction de la gravité croissante des violations de la LAE).

Le nouveau paragraphe 152.1(1) prévoit l’établissement d’une période de prestation de façon semblable à ce qui se fait pour les demandeurs salariés conformément à l’article 9 de la LAE. De plus, les demandeurs doivent prouver qu’ils remplissent les conditions requises pour recevoir des prestations et fournir les renseignements exigés par la Commission concernant leur travail et l’arrêt de leur rémunération. Aux termes de l’article 50 de la LAE, la Commission est déjà habilitée à exiger en tout temps d’autres renseignements relativement à une demande de prestations.

Conformément au nouvel article 152.09, le particulier doit choisir de recevoir les prestations soit à titre d’assuré, soit à titre de travailleur indépendant au titre de la nouvelle partie VII.1 de la LAE. Ce choix lie le particulier au cours de la période de prestations établie à l’égard d’une demande précise de prestations spéciales : grossesse, maladie ou soins à donner à un membre de la famille. Il ne peut choisir de passer du régime pour employés à celui pour travailleurs indépendants au cours d’une période de prestations.

E. Calcul du revenu de travailleur indépendant (art. 16)

Le paragraphe 152.01(2), créé par le projet de loi, explique comment on calcule le revenu d’un travailleur indépendant. Ce montant est égal au revenu pour l’année provenant de son entreprise (sauf si plus de 50 % du revenu brut se compose de loyers de terrains ou de bâtiments) moins toutes les pertes qu’il a subies pendant l’année dans l’exploitation de cette entreprise. Le revenu d’une personne employée par une personne morale qu’elle contrôle correspond au montant qui constituerait sa rémunération assurable à titre d’employé. Enfin, le revenu d’un Indien inscrit, qui est travailleur indépendant et qui vit dans une réserve, sera calculé conformément à la Loi sur les Indiens(7), sans égard à l’exonération d’impôt sur le revenu prévue par la Loi de l’impôt sur le revenu(8).

F. Chômage pour un travailleur indépendant (art. 16)

Le nouveau paragraphe 152.01(4) dispose qu’une semaine de chômage pour un travailleur indépendant sera définie au sens des règlements ou déterminée en conformité avec ceux-ci.

G. Taux de prestations hebdomadaires (art. 16)

Aux termes du nouvel article 152.16, le taux des prestations hebdomadaires qui peuvent être versées à un travailleur indépendant est de 55 % de sa rémunération, soit le taux applicable aux employés qui est prévu au paragraphe 14(1) de la LAE. La formule servant au calcul du revenu combine le montant de la rémunération du travailleur indépendant et le montant de la rémunération provenant de revenus visés aux autres parties de la LAE, jusqu’à un maximum fixé par celle-ci. Le nouveau paragraphe 152.17(5) reprend le texte de l’article 17 de la LAE; les deux dispositions fixent le taux maximal des prestations hebdomadaires à 55 % de la rémunération assurable maximale pour l’année précédente. À l’instar de l’article 16 de la LAE, les nouveaux paragraphes 152.17(1) à (4) majorent les prestations versées aux demandeurs à faible revenu ayant des personnes à charge.¸

Le nouvel article 152.18 dispose que dans le cas où le travailleur indépendant reçoit une rémunération durant une période de chômage, ses prestations d’AE sont soumises aux mêmes déductions que celles prévues pour les employés à l’article 19 de la LAE. Toutefois, même si le paragraphe 19(4) de la LAE soustrait la rémunération ou l’allocation versée au demandeur employé pour suivre des cours des prestations d’AE, les frais payés par le travailleur indépendant pour des cours ou des programmes ne sont pas déduits des revenus d’un travail indépendant. On suppose qu’ils seraient classés comme des dépenses ou des revenus d’entreprise, selon le cas.

Conformément au nouvel article 152.2, les travailleurs indépendants vivant à l’étranger ou détenus dans une prison ne sont pas admissibles au bénéfice des prestations.

H. Cotisations (art. 16)

Le nouvel article 152.21 prévoit que le travailleur indépendant qui conclut un accord avec la Commission sera soumis au taux de cotisation fixé en vertu de l’article 66 de la LAE. Selon le paragraphe 152.21(2), il versera le produit de ce taux de cotisation et du moins élevé des montants suivant : a) le montant de la rémunération provenant du travail qu’il a exécuté pour son propre compte pour l’année ou; b) le maximum de la rémunération annuelle assurable pour l’année moins toute rémunération assurable. Le nouveau paragraphe 152.21(3) dispose que le travailleur indépendant doit verser des cotisations pour l’année complète au cours de laquelle un accord a été conclu ou résilié, indépendamment de la date du début ou de la fin de l’accord au cours de cette année.

I. Cotisations et impôt sur le revenu (art. 16)

Le nouvel article 152.22 renferme des dispositions pratiquement identiques à celles de l’article 30 du Régime de pensions du Canada(9). Comme ceux qui cotisent au Régime de pensions du Canada, le travailleur indépendant qui verse des cotisations d’AE est tenu de produire une déclaration des revenus annuels à l’égard desquels il a versé des cotisations. De plus, tout syndic de faillite, cessionnaire, liquidateur, mandataire, etc., qui s’occupe des biens, des affaires, de la succession ou du revenu d’un travailleur indépendant est tenu par le nouveau paragraphe 152.22(3) de produire une déclaration de revenus. Cette disposition est suffisamment large pour traiter de façon distincte une faillite commerciale et une faillite personnelle. La déclaration de revenus d’un travailleur indépendant visée au nouvel article 152.23 doit comprendre une estimation du montant de la cotisation d’AE à verser, qui sera ensuite évaluée par le ministre du Revenu national. Aux termes de l’article 152.24, le Ministre fera parvenir au travailleur indépendant un avis d’évaluation des cotisations d’AE ainsi que de l’intérêt ou des pénalités à payer.

Selon les termes du nouvel article 152.25, le travailleur indépendant doit, à la date d’exigibilité du solde, payer le montant intégral de sa cotisation pour l’année, sauf s’il est tenu, comme l’exigent les articles 155 et 156 de la Loi de l’impôt sur le revenu, de verser des acomptes provisionnels. Conformément au nouveau paragraphe 152.25(2) de la LAE, les agriculteurs et les pêcheurs indépendants sont tenus de payer au plus tard le 31 décembre de chaque année les deux tiers de leur cotisation d’AE à l’égard de la rémunération provenant du travail exécuté pour leur propre compte et de payer le solde au plus tard à la date d’exigibilité pour l’année d’imposition. Tout autre travailleur indépendant peut, aux termes du nouveau paragraphe 152.25(3), payer la cotisation par versements trimestriels. Le montant à payer peut être calculé selon l’estimation de la rémunération provenant du travail qu’il a exécuté pour son propre compte au cours de l’année, de l’année précédente, de la deuxième année précédente, ou une combinaison de la rémunération de l’année précédente et de la deuxième année précédente, dont le solde doit être payé à la date d’exigibilité. Selon les termes des nouveaux paragraphes 152.25(2) et (3), les travailleurs indépendants, y compris les agriculteurs et les pêcheurs, ne sont pas tenus de verser les cotisations qui seraient exigibles par ailleurs après leur décès.

J. Violations (art. 16)

Les paragraphes 152.07(2) à (7) précisent qu’il y a violation lorsque le travailleur indépendant se voit donner un avis de violation par la Commission de l’assurance-emploi. Les dispositions proposées reflètent celles qui s’appliquent aux employés au titre des paragraphes 7.1(3) à (7) de la LAE.

K. Pénalités

Comme l’article 34 du Régime de pensions du Canada, le nouvel article 152.26 de la LAE prévoit le paiement d’intérêts sur les cotisations ou les acomptes provisionnels impayés, et ce, aux taux applicables prévus par règlement pris par le ministre du Revenu national. En outre, selon le nouvel article 152.27, toute personne qui omet de produire une déclaration de revenus est passible d’une pénalité pouvant aller jusqu’à 5 % de la partie du montant de la cotisation due ou, dans le cas d’une personne qui s’occupe des biens ou des affaires du travailleur indépendant, jusqu’à 50 $.

Le nouvel article 152.28 précise que les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu régissant l’application, l’exécution, les évaluations et le paiement de l’impôt, de même que les appels, y compris les appels interjetés devant la Cour canadienne de l’impôt et la Cour fédérale, s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, aux cotisations d’AE pour les travailleurs indépendants.

Conformément au nouvel article 152.29, le paiement des arriérés sera d’abord affecté aux montants dus au titre du Régime de pensions du Canada, ensuite aux montants dus au titre de la LAE et enfin au paiement de l’impôt sur le revenu au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu. Le nouvel article 152.3 prévoit le remboursement des paiements en trop par le ministre du Revenu national.

Le nouvel article 152.31 prévoit l’assujettissement des travailleurs indépendants aux dispositions actuelles de la LAE relatives aux créances, aux vérifications, à l’omission de produire des déclarations de revenus et à la production de fausses demandes. Enfin, aux termes du nouvel article 152.32, toute personne qui omet de produire la déclaration de revenus demandée est passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d’une amende minimale de 25 $ pour chaque jour où se produit l’infraction, jusqu’à concurrence de 1 000 $.

L. Règlements et examen (art. 16 et 17)

Le nouvel article 152.33 permet à la Commission de prendre, avec l’agrément du gouverneur en conseil, des règlements concernant les prestations spéciales pour les travailleurs indépendants. Aux termes du nouvel article 152.34, le Ministre est tenu de veiller à ce que la partie VII.1 de la LAE et son application fassent l’objet d’un examen cinq ans après son entrée en vigueur.

M. Interaction avec les régimes provinciaux (art. 10, 16 et 17)

Le nouvel article 153.2 dispose que la Commission de l’assurance-emploi peut, par dérogation aux autres dispositions de la LAE, prendre les règlements qu’elle juge nécessaires pour mettre en œuvre un accord conclu entre le gouvernement du Canada et une province et visant le paiement à ses résidants de prestations spéciales qui feraient double emploi avec les prestations spéciales prévues par la LAE. L’alinéa nouvellement modifié 153.2(2)c) et les nouveaux paragraphes 152.03(2), 152.04(3), 152.05(11) et 152.06(9) confèrent aussi à la Commission le pouvoir de prendre des règlements pour réduire ou supprimer les prestations spéciales payables aux travailleurs indépendants si elles font double emploi avec les prestations qui leur sont payables en vertu d’une loi provinciale. L’article 10 du projet de loi modifie le paragraphe 69(2) de la LAE pour habiliter la Commission à prendre des règlements qui réduiront les cotisations des travailleurs indépendants s’ils reçoivent des prestations spéciales d’un régime provincial qui auraient pour effet de réduire ou de supprimer leurs prestations spéciales d’AE.

Selon le nouveau paragraphe 152.11(11), les travailleurs indépendants peuvent faire prolonger leur période de prestations s’ils n’avaient pas droit à des prestations spéciales parce qu’ils touchaient des indemnités en vertu d’une loi provinciale du fait qu’ils avaient cessé de travailler pour éviter de se mettre en danger ou, dans le cas d’une femme, de mettre en danger son enfant à naître ou l’enfant qu’elle allaitait.

Ces dispositions s’appliquent déjà au Québec, qui a mis en place un régime de prestations spéciales pour les travailleurs indépendants. Comme il a été indiqué précédemment, si un travailleur indépendant qui réside au Québec décide de cotiser au régime fédéral, il versera les mêmes cotisations d’AE que les autres travailleurs du Québec, où les taux sont plus bas qu’ailleurs au Canada, car les prestations de maternité et parentales sont financées par le régime provincial, sauf si la Commission apporte des changements par voie de réglementation.

N. Accès aux prestations dès 2011 (art. 19 et 37)

Aux termes de l’article 37, soit la disposition d’entrée en vigueur du projet de loi, celui-ci entre en vigueur le 1er janvier 2010, puisqu’il a reçu la sanction royale le 15 décembre 2009. Les dispositions transitoires prévues à l’article 19 prévoient qu’un travailleur indépendant qui peut conclure un accord avec la Commission entre le 1er janvier et le 1er avril 2010 peut recevoir des prestations au plus tôt le 1er janvier 2011. En vertu de l’article 19, les nouveaux paragraphes 152.25(2) et (3) n’entrent pas en vigueur avant le 1er janvier 2011, ce qui signifie que les dispositions autorisant le paiement des cotisations par versement n’entreront pas en vigueur avant cette date.

Commentaire

Le fait d’étendre le versement de prestations d’AE aux travailleurs indépendants a déjà fait l’objet d’études par des comités parlementaires(10). En 2005, notamment, le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes avait recommandé d’étendre le versement des prestations de maternité et parentales du régime d’AE aux travailleurs indépendants en particulier(11). Depuis 2001, les gouvernements ont promis d’examiner à fond la question(12). Certains observateurs ont réclamé une révision et une réforme complètes du régime d’AE afin de résoudre ce qui constitue selon eux les problèmes systémiques du régime. Certains préconisent même de donner aux travailleurs indépendants accès à l’ensemble des prestations d’AE(13).

Pendant les audiences sur le projet de loi C-56, plusieurs témoins qui ont comparu devant le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées ont fait valoir que ce projet de loi devait être un premier pas pour offrir un plus grand nombre de prestations d’AE aux travailleurs indépendants(14). Le Comité a également entendu les témoignages de gens qui affirment qu’il n’y a pas eu suffisamment d’études sur les répercussions de l’élargissement du programme d’AE par l’entremise du projet de loi(15). Quelques témoins ont déploré que le régime proposé soit facultatif et qu’il ne soit peut-être pas conçu pour couvrir le coût des prestations. Selon eux, il y aurait lieu d’adopter le modèle de prestations de maternité et parentales du Régime québécois d’assurance parentale, car il offre des prestations et un montant maximal de rémunération assurable plus élevés que celui proposé dans le projet de loi, il ne prévoit aucun délai de carence et l’adhésion est obligatoire pour tous ceux qui touchent un revenu(16).


Notes

*  Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]

  1. Loi sur l’assurance-emploi, L.C., 1996, ch. 23.
  2. Les travailleurs indépendants qui tirent leur revenu de la pêche ont déjà droit à des prestations de pêcheurs conformément à la partie VIII, « Travailleurs indépendants se livrant à la pêche », de la LAE.
  3. Voir la partie III de la LAE. Voir également Kevin B. Kerr, Les cotisations d’assurance-emploi : À la recherche d’un véritable mécanisme d’établissement des taux, pdf (149 Ko, 18 pages) PRB 03-41F, Ottawa, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 6 février 2009.
  4. Les proportions pour les secteurs des services publics et de l’administration publique sont si faibles qu’on ne peut les publier pour des raisons de confidentialité.
  5. La deuxième partie de cette définition se trouve à l’al. 5(2)b) de l’actuelle LAE.
  6. Par exemple, l’art. 2 du projet de loi inclut la partie VIII de la LAE, qui prévoit un régime réglementaire distinct pour les travailleurs indépendants se livrant à la pêche, dans la définition de « prestation ».
  7. Loi sur les Indiens, L.R.C., 1985, ch. I-5.
  8. Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C., 1985, ch. 1 (5e suppl.).
  9. Régime de pensions du Canada, L.R.C., 1985, ch. C-8.
  10. Voir, par exemple, les deux rapports suivants qui recommandent l’AE pour les travailleurs indépendants : Chambre des communes, Comité permanent du développement des ressources et de la condition des personnes handicapées, Au-delà du projet de loi C-2 : Examen d’autres propositions de réforme de l’assurance-emploi, mai 2001; et Chambre des communes, Comité permanent du développement des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, Rétablir la bonne gestion financière et l’accessibilité du régime d’assurance-emploi, février 2005 (recommandation 22).
  11. Chambre des communes, Comité permanent de la condition féminine, Rapport provisoire au sujet des prestations de maternité et prestations parentales du régime d’assurance-emploi : L’exclusion des travailleuses et travailleurs autonomes, novembre 2005.
  12. Voir les rapports suivants : Canada, Réponse du gouvernement, conformément à l’article 109 du Règlement de la Chambre des communes, aux deuxième et troisième rapports du Comité permanent du développement des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées : « Au-delà du projet de loi C-2 : Examen d’autres propositions de réforme de l’assurance-emploi », mai 2001; Canada, Réponse du gouvernement aux deuxième et troisième rapports du Comité permanent du développement des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées : « Rétablir la bonne gestion financière et l’accessibilité du régime d’assurance-emploi », 26 mai 2005; Canada, Réponse du gouvernement au cinquième rapport du Comité permanent de la condition féminine : « Rapport provisoire au sujet des prestations de maternité et prestations parentales du régime d’assurance-emploi : l’exclusion des travailleuses et travailleurs autonomes », 18 septembre 2006.
  13. Voir, par exemple, Institut de recherche en politiques publiques, Options politiques, septembre 2009 (numéro sur l’AE), et en particulier dans ce numéro, Jeremy Leonard, « Time to get real on EI reform »; Thomas J. Courchene et John R. Allan, « A short history of EI, and a look at the road ahead »; et Janice MacKinnon, « EI: the law of unintended consequences ».
  14. Voir, par exemple, Chambre des communes, Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées [HUMA], Témoignages, 2e session, 40e législature, 24 novembre 2009, 1635 (M. Stephen Waddell, directeur général national, Alliance des artistes canadiens du cinéma, de la télévision et de la radio).
  15. Ibid., 1640 (Mme Laurell Ritchie, représentante nationale, Syndicat des travailleurs et travailleuses canadiens de l’automobile).
  16. Ibid.; HUMA, 1635 (M. Stephen Waddell); et HUMA, 1655 (Mme Barbara Byers, vice-présidente exécutive, Congrès du travail du Canada).

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