Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le 20 septembre 2011, le ministre de la justice a déposé le projet de loi C‑10 : Loi édictant la Loi sur la justice pour les victimes d’actes de terrorisme et modifiant la Loi sur l’immunité des États, le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et d’autres lois (titre abrégé : « Loi sur la sécurité des rues et des communautés ») à la Chambre des communes. Le projet de loi a été adopté en première lecture le même jour. Il regroupe neuf projets de loi qui ont été déposés séparément au cours de la 3e session de la 40e législature.
La partie 1 du projet de loi crée une nouvelle loi, la Loi sur la justice pour les victimes d’actes de terrorisme. Elle crée une cause d’action précise pour les victimes de terrorisme, qui pourront engager des poursuites pour des pertes et dommages attribuables à des actes punissables aux termes du Code criminel. Cette partie modifie également la Loi sur l’immunité des États afin de lever cette immunité si un État a soutenu des activités terroristes (l’immunité des États est la règle générale qui empêche de poursuivre d’autres États devant des tribunaux canadiens). Toutefois, seuls les États figurant sur une liste établie par le gouverneur en conseil pourront perdre leur immunité et être poursuivis.
La partie 2 du projet de loi modifie le Code criminel pour imposer de nouvelles peines minimales obligatoires pour certaines infractions d’ordre sexuel à l’égard de jeunes et accroître des peines obligatoires qui existent déjà. Elle érige en infraction le fait de rendre accessible à un enfant du matériel sexuellement explicite et celui de s’entendre ou de faire un arrangement avec quiconque pour perpétrer une infraction d’ordre sexuel à l’égard d’un enfant. Le projet de loi allonge aussi la liste des conditions spécifiques dont peuvent être assortis une ordonnance d’interdiction ou un engagement afin d’y inclure des interdictions concernant les contacts avec des personnes âgées de moins de 16 ans et l’utilisation d’Internet ou de tout autre réseau numérique et d’ajouter certaines infractions à la liste de celles pouvant donner droit à une telle ordonnance ou à un tel engagement.
Cette partie modifie également la Loi réglementant certaines drogues et autres substances de manière à imposer des peines minimales obligatoires d’emprisonnement pour certains actes criminels liés aux drogues. Cette loi ne prévoit actuellement aucune peine minimale obligatoire. Le projet de loi comporte une exception permettant aux tribunaux de ne pas imposer de peine obligatoire à un contrevenant qui termine avec succès un programme judiciaire de traitement de la toxicomanie ou un programme de traitement qui est approuvé par une province et placé sous la supervision d’un tribunal, conformément au paragraphe 720(2) du Code criminel.
Enfin, la partie 2 modifie le Code criminel de manière à restreindre la possibilité d’obtenir une condamnation avec sursis dans le cas de certaines infractions. Elle supprimerait la mention des infractions constituant des sévices graves à la personne de la section du Code portant sur la condamnation avec sursis. De plus, elle limiterait la disponibilité des peines avec sursis dans le cas de toutes les infractions passibles d’une peine maximale d’emprisonnement de 14 ans ou d’emprisonnement à perpétuité, ainsi que pour certaines infractions qui sont poursuivies par mise en accusation et qui sont punissables par une peine maximale d’emprisonnement de 10 ans.
La partie 3 modifie la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin d’accroître la responsabilité des délinquants fédéraux et de resserrer les règles concernant la libération sous condition des détenus, tout en promouvant les intérêts des victimes et leur rôle dans le processus correctionnel.
Cette même partie et l’annexe du projet de loi modifient la Loi sur le casier judiciaire pour remplacer le terme « réhabilitation » par « suspension de casier ». Ces modifications allongent la période d’inadmissibilité pour la présentation d’une demande de suspension de casier et la portent à cinq ans pour toutes les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et à 10 ans pour toutes les infractions faisant l’objet d’une poursuite par mise en accusation. Elles prévoient que les délinquants reconnus coupables de délits d’ordre sexuel à l’égard de mineurs (à certaines exceptions près) et ceux qui ont été reconnus coupables de plus de trois infractions faisant l’objet d’une poursuite par mise en accusation et comportant une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus ne peuvent demander la suspension de leur casier.
Enfin, la partie 3 modifie aussi la Loi sur le transfèrement international des délinquants pour faire en sorte que son objet mentionne la sécurité publique, pour ajouter de nouveaux facteurs dont le ministre de la Sécurité publique doit tenir compte lorsqu’il s’agit de décider d’approuver le transfèrement d’un délinquant canadien vers le Canada et pour rendre discrétionnaire - plutôt qu’obligatoire - la prise en compte par le Ministre de tous les facteurs énumérés.
La partie 4 modifie la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents de plusieurs façons, y compris pour souligner l’importance de protéger la société et pour faciliter la détention des jeunes contrevenants qui récidivent ou présentent une menace pour la sécurité publique.
La partie 5 modifie la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés pour empêcher que des étrangers soient exploités au Canada ou victimes du trafic de personnes. Ces modifications donnent aux agents de l’immigration le pouvoir discrétionnaire de refuser d’autoriser des ressortissants étrangers à travailler au Canada si, à leur avis, ces personnes risquent d’être victimes d’exploitation ou de mauvais traitements.
Le présent résumé législatif aborde ces différents volets du projet de loi. S’il les présente dans le même ordre que le projet de loi, il n’est pas divisé en cinq parties comme ce dernier. Il en compte plutôt neuf (en plus de l’Introduction), qui correspondent aux neuf projets de loi sur les mêmes questions déposés au cours de la 3e session de la 40e législature.
La partie 1 du projet de loi C‑10 établit une cause d’action (c.‑à‑d. des motifs de poursuite) permettant aux victimes d’intenter des poursuites contre des personnes, des organisations et des entités terroristes afin d’obtenir compensation pour les pertes ou les dommages qu’elles ont subis par suite de tout acte ou omission commis par ces personnes, organisations ou entités en violation de la partie II.1 du Code criminel (le Code) 1 (partie qui porte sur le terrorisme). Il permet aussi aux victimes de terrorisme, dans certaines circonstances, d’intenter des poursuites contre les États étrangers qui ont appuyé les entités terroristes qui ont commis ces actes. Les dispositions s’appliquent à la perte ou aux dommages subis par les victimes, au Canada ou à l’étranger, depuis le 1er janvier 1985. Si la perte ou les dommages sont subis à l’étranger, l’affaire doit avoir un lien « réel et substantiel » avec le Canada. Le projet de loi C‑10 amendé par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes autorise les poursuites devant les tribunaux canadiens sans que le plaignant ait à établir un « lien réel et substantiel » (selon le sens donné à cette expression dans la jurisprudence) s’il est un citoyen canadien ou un résident permanent.
La partie 1 du projet de loi C‑10 modifie également la Loi sur l’immunité des États (LIE) 2 de manière à créer une nouvelle exception à l’immunité des États, la règle générale qui empêche d’intenter des poursuites contre un État devant les tribunaux canadiens. Toutefois, la nouvelle exception ne lève l’immunité d’un État que lorsque le Cabinet a inscrit celui‑ci sur sa liste d’entités parce qu’il y a des motifs raisonnables de croire que cet État soutient ou a soutenu le terrorisme.
La partie 1 du projet de loi C‑10 est presque identique à la version amendée à la troisième lecture de l’ancien projet de loi S‑7. Celui‑ci a été déposé au Sénat le 21 avril 2010 par le leader du gouvernement au Sénat, l’honorable Marjory LeBreton, mais n’avait pas été édicté avant la dissolution du Parlement en mars 2011 en vue des élections générales. Le projet de loi S‑7 était identique au projet de loi C‑35, déposé le 2 juin 2009, au cours de la deuxième session de la 40e législature, par l’ancien ministre de la Sécurité publique, l’honorable Peter Van Loan 3. Il ressemblait aussi à certains projets de loi d’initiative parlementaire et à certains projets de loi d’intérêt public émanant du Sénat qui avaient été déposés au Parlement depuis 2005 4. La principale différence entre ces projets de loi d’initiative parlementaire et d’intérêt public émanant du Sénat et la partie 1 du projet de loi C‑10 est que les premiers visaient à incorporer la cause d’action dans le Code, tandis que le projet de loi C‑10 établit une cause d’action civile indépendante.
L’une des principales caractéristiques de la partie 1 du projet de loi C‑10 est de permettre aux victimes d’actes terroristes d’intenter devant les tribunaux canadiens des poursuites contre des États étrangers qui soutiennent le terrorisme 5. En effet, la plupart des États n’admettent pas que le parrainage ou le soutien du terrorisme puissent faire exception au principe général de l’immunité des États 6.
D’ailleurs, le droit coutumier international donne aux États, à leurs agents et à leurs organes une immunité complète contre les poursuites devant les tribunaux des autres États. Ce principe découle d’un autre principe du droit international – l’égalité souveraine des États. Le professeur de droit John Currie explique que « selon cette théorie, si tous les États sont égaux en droit international, aucun ne devrait en assujettir un autre à ses tribunaux 7 ».
Le paragraphe 3(1) de la LIE confirme l’acceptation de cette règle générale par le Canada. Il dispose que « [s]auf exceptions prévues dans la présente loi, l’État étranger bénéficie de l’immunité de juridiction devant tout tribunal au Canada ». Le terme « État étranger » est défini à l’article 2 de la LIE de manière à inclure le chef ou le souverain d’un État étranger, dans l’exercice de ses fonctions officielles, ainsi que le gouvernement, les ministères et les organismes de cet État. Il inclut également les chefs des subdivisions politiques, comme les provinces, dans l’exercice de leurs fonctions officielles, ainsi que les gouvernements des subdivisions politiques, leurs ministères et leurs organismes. Cela dit, certaines exceptions à cette règle générale de l’immunité complète se sont formées avec le temps dans le droit coutumier international. Le Parlement a reconnu ce fait en codifiant les exceptions les plus courantes à la règle générale de l’immunité des États dans la LIE actuelle, notamment :
Dans chacune de ces situations, les tribunaux canadiens exercent la juridiction civile sur les États étrangers, leurs agents et leurs organes. La partie 1 du projet de loi C‑10 vise à créer une nouvelle exception à l’immunité des États dans les cas où un État appuie le terrorisme.
Les victimes d’attaques terroristes demandent des mesures législatives semblables à la partie 1 du projet de loi C‑10 depuis plusieurs années. La Canadian Coalition Against Terror (C‑CAT), organisation réunissant des victimes et d’autres parties qui s’intéressent à la lutte contre le terrorisme, a joué un rôle particulièrement influent dans le dépôt de projets de loi semblables au cours des six dernières années 8. Les premiers ont été déposés en 2005 par le sénateur David Tkachuk au Sénat, et par le député Stockwell Day, alors dans l’opposition, à la Chambre des communes.
Les partisans d’une telle loi affirment qu’elle est nécessaire pour lutter efficacement contre le financement du terrorisme, étant donné que les dispositions pénales contre le financement du terrorisme n’ont permis d’obtenir aucune condamnation. À leur avis, les procédures judiciaires publiques serviraient d’important moyen de dissuasion. Ils considèrent aussi que les recours au civil – où la norme de preuve est moins élevée – peuvent présenter des avantages dans les cas où les poursuites au criminel échouent ou pour servir de catalyseur de poursuites ultérieures au criminel 9. Enfin, certains soutiennent que la possibilité d’intenter des actions en justice aiderait les victimes en leur permettant d’obtenir une reconnaissance officielle de ce qu’ils ont vécu et enduré. Et si les victimes réussissaient à recouvrer les montants accordés par les tribunaux, cette possibilité leur procurerait une indemnisation 10.
Un éclaircissement s’impose d’entrée de jeu. Certains articles de presse sur un projet de loi presque identique sur cette question, le projet de loi C‑35, ont affirmé qu’il n’est pas possible actuellement de poursuivre une personne ou une organisation non étatique, faute de dispositions comme celles proposées dans ce projet de loi 11. Or, les victimes peuvent déjà, en théorie, demander des dommages‑intérêts aux acteurs non étatiques qui soutiennent des activités ou des organisations terroristes. L’avantage du projet de loi proposé est son objet qui semble consister à rendre la loi plus claire et plus facile à comprendre, en établissant une cause d’action particulière plutôt que d’obliger les victimes à s’appuyer sur le droit général de la responsabilité civile ou de la responsabilité délictuelle des différentes provinces 12.
Par suite des amendements adoptés par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, il sera désormais plus facile pour les plaignants de porter leur cause devant un tribunal canadien que s’ils devaient uniquement s’appuyer sur le droit général de la responsabilité civile ou de la responsabilité délictuelle. Un amendement crée la présomption de causalité (c.‑à‑d. la présomption que le défendeur a causé le dommage) si certaines conditions sont réunies.
Comme il a été mentionné plus haut, un deuxième amendement détermine quand il est approprié pour un tribunal canadien d’entendre une poursuite intentée en vertu de la nouvelle cause d’action. Outre l’obligation habituelle d’établir un « lien réel et substantiel » entre l’action et le Canada, obligation qui existait dans le projet de loi C‑10 dans sa forme originale, l’amendement permet que la poursuite soit entendue par un tribunal canadien si le plaignant est citoyen canadien ou résident permanent.
Bien que rares, quelques poursuites ont déjà été intentées contre des personnes et des organisations non étatiques au motif de terrorisme. En juillet 2008, la Lebanese Canadian Bank a été poursuivie par quatre citoyens possédant la double nationalité canadienne et israélienne qui se trouvaient en Israël durant les hostilités de 2006 entre Israël et le Hezbollah. Ils ont soutenu que la banque avait fourni des services bancaires et de financement au Hezbollah. Selon les dossiers du tribunal, cette affaire aurait été abandonnée le 5 novembre 2009 13.
À ce jour, il ne semble y avoir eu au Canada aucune action civile reliée au terrorisme qui se soit soldée par un jugement final. Dans d’autres pays dotés d’un système de droit fondé sur la common law, les victimes d’actes terroristes ont eu gain de cause dans des affaires de ce genre en misant sur les dispositions portant sur des délits comme les coups et les blessures intentionnelles. Un exemple récent à l’extérieur du Canada est une affaire en Irlande du Nord où plusieurs individus, ainsi que la Real IRA (une organisation paramilitaire qui s’est séparée de l’Armée républicaine irlandaise provisoire en 1997), ont été reconnus responsables des pertes et des dommages subis par les victimes des attaques d’Omagh en 1998 et par les familles des victimes. Ce jugement a accordé plus de 1,6 million de livres à 12 personnes 14.
En règle générale, on considère que les poursuites au civil intentées pour permettre aux victimes d’obtenir réparation des dommages ou des pertes subis par suite de la conduite délictueuse d’autrui relèvent de la compétence provinciale, car le paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867 15 donne aux législatures provinciales le pouvoir de légiférer en ce qui concerne « la propriété et les droits civils dans la province ». Comme l’a souligné le juriste canadien Peter Hogg :
Le Parlement fédéral n’a pas de pouvoir indépendant de créer des recours civils comme il en a le pouvoir en droit criminel. Donc, une loi fédérale visant essentiellement à créer une nouvelle cause d’action civile serait invalide, car elle empiéterait sur le pouvoir provincial dans les affaires concernant « la propriété et les droits civils dans la province » (par. 92(13)). 16
Il n’en reste pas moins qu’on a fait valoir avec succès par le passé que le Parlement peut prendre des dispositions relatives aux recours civils si elles sont établies dans le contexte d’un cadre réglementaire ou administratif plus large qui relève de la compétence du Parlement en vertu de l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 17.
Par conséquent, on pourrait considérer que l’établissement du droit de recours civil prévu par la Loi sur la justice pour les victimes d’actes de terrorisme (LJVAT) proposée s’inscrit dans le contexte législatif plus large des modifications apportées à la LIE par la partie 1 du projet de loi C‑10 et qui semblent relever de la compétence du Parlement aux termes de son pouvoir de légiférer sur les affaires étrangères et le commerce international 18. Cet argument aurait cependant plus de poids si la LJVAT créait un droit d’action uniquement contre des États étrangers, plutôt que contre des États étrangers, des personnes, des organisations et des entités inscrites. En effet, ainsi qu’il a été mentionné précédemment dans la présente partie du résumé législatif, les victimes peuvent déjà intenter – en recourant aux principes ordinaires du droit provincial de la responsabilité délictuelle ou civile – des actions contre les personnes, les organisations et les entités inscrites ayant commis des actes délictueux qui ont causé un préjudice à ces victimes.
Ou encore, on pourrait considérer que la LJVAT est reliée du point de vue fonctionnel au pouvoir du Parlement de légiférer en matière de droit criminel (par. 91(27) de la Loi constitutionnelle de 1867), étant donné que les recours civils en question n’existent que si les demandeurs peuvent démontrer qu’ils ont subi des pertes ou des dommages par suite de « tout acte ou omission qui est sanctionné par la partie II.1 du Code ou le serait s’il avait été commis au Canada » (art. 4 de la LJVAT). Il n’est pas sûr toutefois que les tribunaux confirmeraient la loi sur cette base, étant donné que l’obtention d’une condamnation criminelle en vertu de la partie II.1 du Code ne semble pas constituer une condition à remplir avant d’intenter une action civile en vertu de la LJVAT 19. D’ailleurs, il existe de nombreuses causes civiles concernant des infractions sanctionnées par le Code, comme les voies de fait, mais cela ne suffit pas pour les faire passer sous la compétence fédérale et elles sont régies par les lois provinciales.
Il se peut aussi que le souci de « l’intérêt national », qui fait partie du pouvoir fédéral de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement, puisse autoriser le Parlement à adopter la LJVAT 20. En effet, le préambule de la LJVAT affirme que « le terrorisme est une question d’intérêt national », ce qui pourrait indiquer que le projet de loi s’appuie sur cette justification.
L’un des reproches les plus fréquents formulés contre l’ancien projet de loi C‑35 était qu’il traitait des infractions relatives au terrorisme, mais non de la torture, du génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Certains avocats et observateurs soutenaient, lorsque le projet de loi C‑35 était à l’étude, qu’il n’y avait pas de justification ni de fondement logique au fait de permettre les poursuites dans un cas, mais non dans les autres 21. Un projet de loi de l’honorable Irwin Cotler – le projet de loi C‑483 : Loi modifiant la Loi sur l’immunité des États (génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture), présenté pour la première fois au cours de la deuxième session de la 40e législature le 29 novembre 2009, puis de nouveau au début de la troisième session de la 40e législature, le 3 mars 2010 – aurait lui aussi permis d’intenter des poursuites au civil contre les États en cas d’actes de torture, de génocide, de crime de guerre et de crime contre l’humanité, selon leurs définitions en droit canadien, commis par leurs agents 22. Ce projet de loi n’a pas été édicté avant la dissolution du Parlement en mars 2011 par suite du déclenchement d’élections générales.
Une loi américaine lève l’immunité pour un acte de torture, l’exécution sommaire, le sabotage d’un avion, la prise d’otages ou un soutien matériel ou des ressources; ainsi, le terrorisme et la torture sont tous les deux visés 23. Certains pays européens, par exemple l’Italie, lèvent aussi l’immunité pour la torture, ce qui a autorisé des poursuites contre l’Allemagne pour ses actes commis durant la Deuxième Guerre mondiale 24.Toutefois, en décembre 2008, l’Allemagne a introduit devant la Cour internationale de justice une instance contre l’Italie pour non‑respect de son immunité 25. L’affaire a été entendue en septembre 2011 et la Cour rédige actuellement son jugement 26.
Au cours des dernières années, des projets de loi d’initiative parlementaire portant sur la torture, mais non sur le terrorisme, ont été déposés devant les deux Chambres du Parlement du Royaume‑Uni. La Chambre des lords en étudie un à l’heure actuelle 27.
Plusieurs observateurs qui ont formulé des observations au sujet du projet de loi C‑35 ont dit que celui‑ci pourrait entraîner des problèmes de nature diplomatique. Or, cela pourrait être vrai également de la partie 1 du projet de loi C‑10. Des préoccupations ont aussi été exprimées au sujet des conséquences pour les relations avec d’autres pays du fait d’ajouter un pays à la liste et d’aider à repérer ses avoirs, et au sujet d’éventuelles représailles. Par exemple, l’Afghanistan et le Pakistan sont largement considérés comme des « incubateurs » du terrorisme, mais les inscrire sur une liste pourrait mener à des complications diplomatiques, car le gouvernement canadien cherche à appuyer les gouvernements de ces pays 28.
Les projets de loi d’initiative parlementaire précédents ne prévoyaient pas l’établissement, par le gouvernement, d’une liste de pays dont l’immunité d’État pourrait être levée 29. Un autre projet de loi de l’honorable Irwin Cotler – le projet de loi C‑408, d’abord déposé à la Chambre des communes pendant la deuxième session de la 40e législature deux jours après le projet de loi C‑35, puis de nouveau à la Chambre des communes le 3 mars 2010, à l’ouverture de la troisième session de la 40e législature – proposait d’éliminer la liste et de permettre plutôt d’intenter une action contre les pays avec lesquels le Canada n’a pas de traité d’extradition. D’après ses tenants, cette proposition permettrait d’instaurer un processus moins politisé que l’exigence de ne poursuivre que les pays inscrits sur une liste dressée par le gouvernement et préviendrait elle aussi les revendications sans fondement 30. On présume dans ce scénario que les pays avec lesquels le Canada a des traités d’extradition respectent la primauté du droit et sont démocratiques et que, par conséquent, les demandes pourraient être présentées directement dans ces pays, plutôt que devant les tribunaux canadiens 31.
D’autres observateurs soutenaient cependant qu’une liste est un bon compromis, étant donné les conséquences négatives que pourraient avoir les poursuites pour les relations étrangères. Les listes permettent au gouvernement de conserver dans une certaine mesure sa capacité de diriger les relations du Canada avec les autres pays 32.
Les États‑Unis semblent être le seul pays à s’être doté d’une loi semblable. Ils ont en effet adopté la Antiterrorism and Effective Death Penalty Act of 1996 et modifié leur Foreign State Immunity Act pour y ajouter une exception semblable à celle que comporte la partie 1 du projet de loi C‑10. Ces mesures législatives existent depuis plus de dix ans. Seuls les pays inscrits sur la liste peuvent être poursuivis. Figurent actuellement sur la liste Cuba, l’Iran, la Syrie et le Soudan 33. La Corée du Nord, l’Iraq et la Libye étaient inscrits sur la liste au départ, mais ont été radiés depuis 34.
Un problème courant relevé par le Congressional Research Service (CRS) est le refus des défendeurs de reconnaître la compétence des tribunaux américains. Les défendeurs ne comparaissent donc pas et des jugements par défaut sont rendus. Les pays débiteurs refusent ensuite de reconnaître ces jugements et de payer les dommages‑intérêts 35.
Le recouvrement des dommages‑intérêts pose un grand problème, étant donné que peu d’actifs des pays inscrits sont détenus aux États‑Unis et que le pouvoir exécutif s’oppose dans certains cas à l’utilisation à cette fin d’actifs bloqués. Ainsi, quand le Congrès a tenté de créer des mécanismes de recouvrement, l’exécutif a résisté à ces efforts, par crainte de provoquer des mesures de représailles, de perdre toute son influence sur les pays en cause, et de commettre des violations éventuelles du droit international en matière d’immunité des États. Par exemple, l’accord d’Alger de 1981, qui a permis la libération des employés de l’ambassade des États‑Unis détenus en otages en Iran, interdisait aux otages d’intenter des poursuites civiles. Le Congrès a proposé divers projets de loi visant à donner un droit de recours à ces otages, mais l’exécutif s’y est opposé à cause des conséquences internationales que risquerait de provoquer le non‑respect des dispositions de cet accord 36.
L’évolution de la situation en Iraq a aussi compliqué la tâche de l’administration Bush. Sous Saddam Hussein, l’Iraq était un pays inscrit qui pouvait être poursuivi. Certaines de ces poursuites ont donné gain de cause aux demandeurs, et ceux‑ci ont tenté d’obtenir un dédommagement en saisissant des biens iraquiens. Mais selon le CRS, après l’invasion de l’Iraq, le gouvernement américain n’avait plus intérêt à faciliter la saisie de ces biens, puisqu’il voulait plutôt qu’ils profitent aux Iraquiens et qu’ils servent à reconstruire le pays. L’Iraq a donc été radié avec effet rétroactif, et de nombreux défendeurs n’ont pas pu recouvrer les sommes qui leur avaient été accordées dans les jugements 37.
Étant donné qu’il y a au Canada peu d’actifs saisissables de pays étrangers, il faudrait que les victimes cherchant à se faire dédommager se disputent les rares biens saisissables. De plus, les inquiétudes des Américains décrites plus haut au sujet des représailles semblent avoir été fondées, car Cuba et l’Iran ont pris des mesures semblables en réaction aux mesures américaines.
L’expérience américaine illustre les nombreuses difficultés à surmonter pour qu’un mécanisme législatif réussisse à répondre aux besoins des victimes et soit dissuasif. Certains se demandent si le risque d’une poursuite a vraiment une incidence sur le comportement des terroristes qui sont prêts à tuer pour atteindre leurs objectifs 38. Le refus des défendeurs de participer au processus constitue également un obstacle important. Enfin, comme les biens saisissables sont probablement plus limités au Canada qu’aux États‑Unis, le recouvrement serait encore plus difficile au Canada 39.
La partie 1 du projet de loi C‑10 compte neuf articles. L’article 2 édicte la Loi sur la justice pour les victimes d’actes de terrorisme (LJVAT), et les articles 3 à 9 modifient la Loi sur l’immunité des États 40. La LJVAT comprend un préambule et quatre articles.
Le préambule de la LJVAT donne une idée des facteurs qui ont motivé la partie 1 du projet de loi C‑10, de ses objectifs et du contexte dans lequel il devra être interprété et appliqué s’il est adopté par le Parlement. En particulier, le préambule :
L’article premier de la LJVAT donne le titre abrégé de la nouvelle loi proposée à la partie 1 du projet de loi C‑10 : « Loi sur la justice pour les victimes d’actes de terrorisme ».
L’article 2 de la LJVAT définit trois termes par renvoi à d’autres lois. Le terme « État étranger » s’entend au sens de l’article 2 de la LIE. Celui‑ci, comme nous l’avons signalé plus haut, assimile à un État étranger le souverain ou autre chef de l’État, dans l’exercice de ses fonctions officielles, et le gouvernement, les ministères et les organismes de l’État, ainsi que les chefs des subdivisions politiques de l’État (comme les provinces), dans l’exercice de leurs fonctions officielles, et les gouvernements, ministères et organismes des subdivisions politiques.
Le terme « entité inscrite » s’entend au sens du paragraphe 83.01(1) du Code : « entité inscrite sur la liste établie par le gouverneur en conseil en vertu de l’article 83.05 ». Les articles 83.05 à 83.07 du Code établissent le processus d’inscription des entités ainsi que les conditions à remplir avant que le gouverneur en conseil inscrive une entité sur la liste 41.
Enfin, l’article 2 de la LJVAT assimile aux « personnes » les organisations au sens de l’article 2 du Code. Celui‑ci définit le terme « organisation » comme suit :
L’incorporation par renvoi de définitions contenues dans d’autres lois permet au projet de loi d’accorder aux trois termes traités dans l’article 2 de la LJVAT (en particulier, « État étranger » et « entité inscrite ») une signification beaucoup plus large et plus détaillée que leur sens ordinaire.
L’article 3 de la LJVAT déclare que celle‑ci a pour objet de « décourager le terrorisme en établissant une cause d’action permettant aux victimes d’actes de terrorisme d’engager des poursuites contre leurs auteurs et ceux qui les soutiennent ».
L’article 4 établit les paramètres de la nouvelle cause d’action créée par le projet de loi. À de nombreux égards, la portée de la cause d’action est large. Par exemple, le paragraphe 4(1) dispose que toute personne qui a subi au Canada ou à l’étranger des pertes ou des dommages par suite de tout acte ou omission peut intenter une action, tant que l’acte ou l’omission « est sanctionné par la partie II.1 du Code ou le serait s’il avait été commis au Canada ». Comme nous l’avons déjà signalé plus haut, la partie II.1 du Code est consacrée aux infractions liées au terrorisme. Par conséquent, afin de pouvoir intenter des poursuites en application de la LJVAT, le demandeur doit avoir subi des pertes ou des dommages par suite d’un ou de plusieurs des actes ou omissions qui suivent (les numéros renvoient aux articles du Code) :
Étant donné que l’article 4 de la LJVAT établit une cause d’action civile, on peut présumer que la preuve serait évaluée selon le critère de la « prépondérance des probabilités » pour déterminer si le défendeur a commis un ou plusieurs des actes ou omissions décrits ci‑dessus et si l’acte ou l’omission en question a porté préjudice au demandeur. Ce critère est généralement employé dans les recours civils, alors qu’en droit criminel le critère est plus astreignant et exige que les faits soient prouvés « au‑delà de tout doute raisonnable ». L’utilisation du critère moins astreignant aurait pour effet d’élargir la portée de la cause d’action décrite dans la LJVAT, en augmentant la probabilité que l’action soit couronnée de succès.
Le délai pour invoquer une cause d’action semble assez généreux. Le paragraphe 4(1) est de nature rétrospective : il permet aux victimes qui ont subi des pertes ou des dommages par suite d’actes ou d’omissions de nature terroriste commis le 1er janvier 1985 ou après cette date d’intenter une action contre les auteurs de ces actes ou omissions (il est plus courant que les lois s’appliquent uniquement aux actes commis à partir de la date où la loi prend effet). La LJVAT est probablement conçue de manière rétrospective pour permettre aux familles des victimes de l’attentat contre le vol Air India 182, qui a été commis le 23 juin 1985, de profiter de cette nouvelle cause d’action.
En outre, le paragraphe 4(3) de la LJVAT prévoit que la « prescription » relative à l’action intentée en vertu du paragraphe 4(1) ne court pas avant l’entrée en vigueur de l’article ni pendant la période où la personne qui a subi les pertes ou les dommages est incapable d’intenter une action en raison de son état physique, mental ou psychologique ou est incapable d’établir l’identité de l’entité inscrite, de la personne ou de l’État étranger qui lui a porté préjudice. Enfin, le paragraphe 4(1) précise que la cause d’action peut être invoquée devant « tout tribunal compétent », ce qui semble donner à la victime le choix du tribunal, pourvu que le tribunal en question ait compétence en la matière et compétence territoriale, et pourvu qu’il ait le pouvoir de rendre la décision demandée 42.
Alors que la définition de la cause d’action proprement dite, le délai pour intenter une action et la possibilité de choisir le tribunal où intenter l’action ont pour effet d’élargir la portée de la nouvelle cause d’action, d’autres éléments de l’article 4 de la LJVAT imposent des restrictions ou des limites à l’emploi de cette cause d’action, en particulier à l’égard des États étrangers. Par exemple, même si l’alinéa 4(1)a) permet aux victimes d’actes terroristes de poursuivre les personnes, les organisations et les entités inscrites qui leur ont causé des pertes ou des dommages en commettant un acte ou une omission sanctionné par la partie II.1 du Code, les États étrangers ne peuvent être poursuivis que s’ils ont fait quelque chose au profit de la personne, de l’organisation ou de l’entité inscrite qui a causé le dommage en question. Il semble donc que la cause d’action ne porte pas sur les situations où un État a été impliqué directement.
L’alinéa 4(1)b) de la LJVAT prévoit que si les États étrangers, les personnes, les organisations ou les entités inscrits n’ont pas commis eux‑mêmes l’acte qui a causé le dommage, mais qu’ils ont simplement fait quelque chose au profit de l’entité inscrite qui a commis l’acte, ils seront reconnus coupables uniquement s’ils ont commis un ou plusieurs des actes suivants (les numéros renvoient aux articles du Code) :
En outre, le paragraphe 4(2) de la LJVAT dispose que les tribunaux ont compétence pour entendre et résoudre une action intentée en vertu du paragraphe 4(1) si l’affaire « a un lien réel et substantiel avec le Canada » (c.‑à‑d. la victime est canadienne, le demandeur est canadien, les dommages ont été subis au Canada ou à bord d’un navire ou d’un aéronef au Canada, et ainsi de suite) 43. Le 5 octobre 2010, le Comité sénatorial spécial sur l’antiterrorisme a fait rapport au Sénat de ses observations sur le projet de loi S‑7. Il proposait que le gouvernement envisage d’amender le projet de loi afin d’y préciser que la citoyenneté canadienne ou le statut de résident permanent sont suffisants pour établir ce lien, car ces facteurs en soi ne permettent pas nécessairement d’établir un « lien réel et substantiel avec le Canada », compte tenu de la jurisprudence actuelle. Cette suggestion n’était pas dans le libellé original du projet de loi C‑10, mais elle est intégrée aux amendements apportés par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. La Comité a aussi ajouté à la LJVAT le paragraphe 4(2.1), qui crée la présomption que le défendeur a commis l’acte ou l’omission provoquant les pertes ou les dommages (c.‑à‑d. la présomption de causalité) si deux conditions sont réunies :
Le paragraphe 4(4) de la LJVAT précise que le tribunal peut refuser d’entendre une demande déposée en application du paragraphe 4(1) si la plainte a été déposée contre un État étranger, le demandeur a subi les pertes ou les dommages dans l’État étranger et il n’a pas accordé à cet État « la possibilité raisonnable de soumettre le différend à l’arbitrage conformément aux règles d’arbitrage internationales reconnues 45 ». Dans ses observations sur le projet de loi S‑7, le Comité sénatorial spécial sur l’antiterrorisme mentionnait qu’un amendement au projet de loi pourrait s’avérer nécessaire pour faire en sorte que les poursuites civiles ne soient pas injustement entravées par cette disposition. Cette suggestion n’a pas été incorporée dans le projet de loi C‑10.
Enfin, il convient de signaler que même si le paragraphe 4(5) de la LJVAT dispose que tout tribunal compétent doit reconnaître le jugement d’un tribunal étranger rendu en faveur d’un demandeur ayant subi des pertes ou des dommages visés au paragraphe 4(1), le tribunal ne reconnaîtra le jugement étranger que s’il satisfait aux critères applicables en droit canadien en matière de reconnaissance de jugements étrangers 46. Dans le cas d’une action intentée par un demandeur contre un État étranger, la reconnaissance d’un jugement étranger contre l’État en question est encore plus limitée. Ainsi, le paragraphe 4(5) précise que, pour qu’un jugement étranger rendu contre un État étranger soit reconnu au Canada, l’État étranger doit être inscrit sur la liste établie par le Cabinet en application du paragraphe 6.1(2) de la LIE (qui est ajouté par l’art. 5 du projet de loi C‑10; voir plus bas).
Bien que la LJVAT ne dispose pas explicitement que seuls les États étrangers inscrits sur la liste établie par le Cabinet en application du nouveau paragraphe 6.1(2) de la LIE peuvent être poursuivis au moyen de la cause d’action décrite au paragraphe 4(1) de la LJVAT, dans la pratique une telle limitation découle des modifications apportées à la LIE, et ce, parce que ces modifications établissent une exception à l’immunité des États uniquement pour les États inscrits qui soutiennent le terrorisme. Des précisions sur le processus d’inscription sont fournies ci‑dessous.
Les articles 3 à 9 du projet de loi C‑10 modifient la LIE afin d’établir une autre exception à la règle générale (énoncée au par. 3(1) de la LIE) qui protège les États étrangers contre les poursuites devant les tribunaux au Canada 47. Ces modifications sont nécessaires pour donner un sens au droit de recours décrit au paragraphe 4(1) de la LJVAT. L’article 3 est une modification administrative qui ajoute le nouvel intertitre « Définitions et interprétation » avant l’article 2 de la LIE.
L’article 4 du projet de loi ajoute à la LIE le nouvel article 2.1, selon lequel un État étranger soutient le terrorisme s’il commet un acte décrit à l’alinéa 4(1)b) de la LJVAT. Autrement dit, les États étrangers ne sont considérés comme des soutiens du terrorisme et ne peuvent être poursuivis pour ce motif que s’ils agissent de manière à soutenir les activités des entités inscrites décrites aux articles 83.02 à 83.04 ou 83.18 à 83.23 du Code.
L’article 5 du projet de loi ajoute à la LIE le nouvel article 6.1, selon lequel un État étranger ne peut être poursuivi en application du paragraphe 4(1) de la LJVAT que si l’acte commis par lui pour soutenir le terrorisme a été commis le ou après le 1er janvier 1985 (nouveau par. 6.1(1) de la LIE). Cette date, qui correspond à celle figurant au paragraphe 4(1) de la LJVAT, a probablement été choisie pour permettre aux familles des victimes de l’attentat contre Air India de poursuivre des États étrangers (pourvu que les familles des victimes puissent démontrer que l’État étranger qu’elles entendent poursuivre a commis, le ou après 1er janvier 1985, un acte visant à soutenir l’entité inscrite à l’origine de l’attentat) 48.
En outre, on ne peut poursuivre un État étranger en application du paragraphe 4(1) de la LJVAT que s’il figure sur la liste dressée par le Cabinet (nouveau par. 6.1(1)). Les nouveaux paragraphes 6.1(2) à 6.1(10) de la LIE établissent la procédure d’inscription des États étrangers. Le processus ressemble beaucoup au processus d’inscription des entités terroristes décrit aux articles 83.05 à 83.07 du Code. Le ministre des Affaires étrangères recommande l’inscription, après consultation du ministre de la Sécurité publique, et le Cabinet décide d’y procéder ou non. L’inscription d’un État étranger doit se fonder sur l’existence de motifs raisonnables de croire que cet État soutient ou a soutenu le terrorisme, au sens du nouvel article 2.1 de la LIE (nouveau par. 6.1(2)).
Le Comité sénatorial spécial sur l’antiterrorisme a recommandé, dans ses observations sur le projet de loi S‑7, que les critères d’établissement de la liste soient fixés par règlement afin d’en assurer la rigueur et la publication. Il proposait également la tenue de consultations publiques dans le cadre du processus d’établissement de la liste. À l’étape de la troisième lecture du projet de loi S‑7, le Sénat a amendé le paragraphe 6.1(2) pour préciser que le nom d’un État peut être inscrit « dès lors et par la suite », pourvu que les exigences d’établissement de la liste soient satisfaites. Le Sénat a également amendé le projet de loi pour ajouter à la LIE le paragraphe 6.1(3) qui exige du gouvernement qu’il établisse la liste dans les six mois suivant la date d’entrée en vigueur de l’article. Ces amendements figurent dans le projet loi C‑10.
Le ministre des Affaires étrangères, en consultation avec le ministre de la Sécurité publique, doit examiner la liste des États étrangers tous les deux ans, afin de déterminer si les motifs justifiant l’inscription de l’État existent toujours, et il recommande ensuite au Cabinet de radier ou non l’entité de la liste (nouveau par. 6.1(7)). Il termine son examen dans les meilleurs délais, mais au plus tard 120 jours après l’avoir commencé. Ensuite, il fait publier sans délai un avis dans la Gazette du Canada pour annoncer l’achèvement de l’examen (nouveau par. 6.1(9)). Le Sénat a amendé le projet de loi S‑7 à l’étape de la troisième lecture pour exiger que cet examen porte également sur la possibilité d’inscrire un nouvel État sur la liste et pour préciser que l’examen est sans effet sur la validité de la liste (nouvel al. 6.1(7)b) et nouveau par. 6.1(8)). Ces amendements figurent dans le projet loi C‑10.
Les États étrangers n’ont pas voix au chapitre en ce qui concerne leur éventuelle inscription sur la liste; toutefois, après son inscription, un État peut demander par écrit au ministre des Affaires étrangères d’être radié de la liste. Dans ce cas, le ministre des Affaires étrangères, après avoir consulté le ministre de la Sécurité publique, décide s’il existe des motifs raisonnables de recommander au gouverneur en conseil de radier cet État de la liste (nouveau par. 6.1(4)). Une fois que le ministre des Affaires étrangères a pris une décision concernant la demande de radiation de l’État étranger, il doit en informer ce dernier sans délai (nouveau par. 6.1(5)). L’État étranger ne peut présenter une nouvelle demande de radiation de la liste que si sa situation a évolué d’une manière importante depuis la présentation de sa dernière demande ou que si le Ministre a terminé son plus récent examen biennal de la décision recommandant l’inscription (nouveau par. 6.1(6)).
À l’étape de la troisième lecture du projet de loi S‑7, le Sénat a amendé le projet de loi par adjonction du paragraphe 6.1(10), qui prévoit qu’un demandeur a le droit de poursuivre une action déjà intentée, même lorsque l’État en question est radié de la liste. Cet amendement figure dans le projet de loi C‑10.
La différence la plus importante entre le processus d’inscription des États étrangers décrit dans les nouveaux paragraphes 6.1(2) à 6.1(10) de la LIE et le processus d’inscription des entités terroristes décrit dans les articles 83.05 à 83.07 du Code est que les paragraphes 6.1(2) à 6.1(10) de la LIE ne donnent pas explicitement aux États le droit de demander une révision judiciaire de la décision du Ministre de recommander l’inscription de l’État en question ou de sa décision de recommander le maintien de cet État sur la liste établie par le Cabinet. Or, le paragraphe 83.05(5) du Code accorde explicitement ce droit aux entités terroristes.
L’article 6 du projet de loi C‑10 abroge le paragraphe 11(3) existant de la LIE et le remplace par le nouveau paragraphe 11(3). Le paragraphe 11(1) de la LIE limite le type de réparation (c.‑à‑d. ce que le demandeur peut réclamer au moyen de sa poursuite) qui peut être accordée à la suite d’une action intentée contre un État étranger. Le paragraphe 11(3) existant rend le paragraphe 11(1) inapplicable aux organismes d’un État étranger, ce qui signifie que les demandeurs ont accès à toutes les réparations ordinaires quand ils poursuivent les organismes, mais qu’ils n’y ont pas accès s’ils poursuivent l’État proprement dit. Par contre, le nouveau paragraphe 11(3) permet aux demandeurs de réclamer toutes les formes de réparation disponibles, qu’il s’agisse d’une action intentée contre les organismes d’un État étranger ou contre l’État étranger lui‑même si l’action est intentée au motif d’appui au terrorisme.
Les articles 7 et 8 du projet de loi C‑10 modifient la LIEafin de rendre saisissables les biens appartenant à un État étranger situés au Canada et de permettre la saisie, l’exécution, la rétention, la mise sous séquestre ou la confiscation de ces biens, dans certaines circonstances. L’article 7 modifie l’alinéa 12(1)b) existant de la LIE afin de rendre saisissables les biens appartenant à un État étranger et situés au Canada et d’en permettre la saisie, l’exécution, la rétention, la mise sous séquestre ou la confiscation lorsque l’État en question est inscrit sur la liste établie par le Cabinet en vertu du nouveau paragraphe 6.1(2) de la LIE, et que les biens en question « sont utilisés ou destinés à être utilisés […] au soutien du terrorisme ». Il ajoute également à la LIE le nouvel alinéa 12(1)d), qui rend saisissables les biens d’un État étranger situés au Canada et permet la saisie, l’exécution, la rétention, la mise sous séquestre ou la confiscation de ces biens si l’État étranger est inscrit sur la liste établie en vertu du nouveau paragraphe 6.1(2) de la LIE et que la saisie ou l’exécution a trait à un jugement rendu dans le cadre d’une action intentée contre l’État pour avoir soutenu le terrorisme. Cela dit, si les biens de cet État au Canada ont une valeur culturelle ou historique, ils sont insaisissables dans le cadre d’un tel jugement.
L’article 8 du projet de loi ajoute à la LIE le nouvel article 12.1, dont le premier paragraphe prévoit que, lorsqu’un jugement est rendu contre un État étranger inscrit pour avoir soutenu le terrorisme, le ministre des Finances et le ministre des Affaires étrangères peuvent, dans le cadre de leur mandat, aider le créancier bénéficiaire du jugement à identifier et à localiser les biens de l’État étranger au Canada. Le ministre des Finances peut aider à identifier et à localiser les actifs financiers de l’État étranger ressortissant à la compétence du Canada (nouvel al. 12.1(1)a)) et le ministre des Affaires étrangères peut aider à localiser les biens de l’État étranger situés au Canada (nouvel al. 12.1(1)b)).
Il importe cependant de souligner que cette disposition est une permission plutôt qu’une obligation. Ainsi, les ministres peuvent, « dans la mesure du possible », aider à identifier et à localiser les biens de l’État étranger inscrit, sauf si, « de l’avis du ministre des Affaires étrangères, cela est préjudiciable aux intérêts du Canada sur le plan des relations internationales ou, de l’avis de l’un ou l’autre des ministres, cela est préjudiciable aux autres intérêts du Canada » (nouveau par. 12.1(1)). De plus, si les renseignements concernant l’identité et l’emplacement de ces biens ont été produits par ou pour une institution fédérale, les ministres doivent obtenir l’autorisation de celle‑ci avant de les communiquer aux créanciers bénéficiaires; si ces renseignements n’ont pas été ainsi produits, les ministres doivent obtenir l’autorisation de la première institution fédérale à les avoir reçus (nouveau par. 12.1(2)). Le terme « institution fédérale » est défini au nouveau paragraphe 12.1(3) de la LIE et désigne les « ministères, directions, bureaux, conseils, commissions, offices, services, personnes morales ou autres organismes dont un ministre est responsable devant le Parlement ». Dans ses observations sur le projet de loi S‑7, le Comité sénatorial spécial sur l’antiterrorisme recommandait l’emploi d’un libellé exécutoire en ce qui concerne l’aide fournie par le gouvernement et proposait la présentation d’un autre projet de loi créant un fonds d’indemnisation aux victimes qui obtiennent gain de cause devant les tribunaux, mais qui ne peuvent être dédommagées. Cette suggestion n’a pas été retenue dans le projet de loi C‑10.
En plus des autres modifications de la LIE proposées dans le projet de loi C‑10, l’article 9 modifie le paragraphe 13(2) de cette loi pour permettre aux tribunaux canadiens d’imposer des pénalités ou amendes à un État étranger en raison de son abstention ou de son refus de produire des documents ou de fournir des renseignements au cours d’une action intentée pour soutien du terrorisme. Ces documents et ces renseignements aideraient les tribunaux canadiens à rendre des jugements dans les actions intentées contre les États étrangers en vertu du paragraphe 4(1) de la LJVAT.
Les articles 10 à 31, 35 à 38 et 49 du projet de loi C‑10 modifient le Code criminel (le Code) afin d’accroître les peines minimales obligatoires pour certaines infractions d’ordre sexuel à l’égard d’enfants ou d’en prévoir. Ils créent également deux nouvelles infractions, soit celle de rendre accessible à un enfant du matériel sexuellement explicite et de s’entendre ou de faire un arrangement avec quiconque pour perpétrer une infraction d’ordre sexuel à l’égard d’un enfant. Enfin, ces dispositions allongent la liste des conditions spécifiques dont peut être assortie une ordonnance d’interdiction ou un engagement 49 pour inclure les interdictions concernant les contacts avec des personnes âgées de moins de 16 ans et l’utilisation d’Internet ou de tout autre réseau numérique. Elles ajoutent aussi certaines infractions à la liste de celles pouvant donner droit à une telle ordonnance ou à un tel engagement.
Les articles 10 à 31 et 35 à 38 du projet de loi sont presque identiques au projet de loi C‑54 : Loi modifiant le Code criminel (infractions d’ordre sexuel à l’égard d’enfants) (titre abrégé : « Loi sur la protection des enfants contre les prédateurs sexuels »), qui a été présenté à la Chambre des communes et lu pour la première fois le 4 novembre 2010. Ce projet de loi a été adopté en deuxième lecture au Sénat, mais n’a franchi aucune autre étape avant de mourir au Feuilleton à la dissolution de la 40e législature le 26 mars 2011.
Le projet de loi C‑10 diffère de son prédécesseur (C‑54) sous deux rapports : d’une part, il accroît la durée de certaines peines, notamment celles relatives à certaines infractions de pornographie juvénile, et, d’autre part, son article 49 ajoute des modifications corrélatives (voir la rubrique 3.2.6 « Modifications corrélatives »).
La partie V du Code est intitulée « Infractions d’ordre sexuel, actes contraires aux bonnes mœurs, inconduite ». Cette partie du Code renferme un certain nombre d’infractions d’ordre sexuel, dont certaines peuvent être perpétrées à l’égard d’une personne de moins de 16 ans (l’âge du consentement à une activité sexuelle au Canada) et d’autres à l’égard d’une personne de moins de 18 ans. L’article 150.1 du Code établit des exceptions à la règle générale concernant l’âge du consentement. Ces exceptions s’appliquent dans les cas où le plaignant a consenti aux actes à l’origine de l’accusation si l’accusé est sensiblement du même âge que le plaignant et n’est pas en situation d’autorité ou de confiance vis‑à‑vis du plaignant. Il peut y avoir d’autres exceptions, comme celle où l’accusé et le plaignant sont des conjoints de fait, mais la condition nécessaire pour que toutes ces exceptions s’appliquent, c’est que le plaignant doit avoir consenti à l’activité à l’origine de l’accusation.
Au nombre des infractions sexuelles perpétrées contre une personne de moins de 16 ans figurent les contacts sexuels (art. 151), l’invitation à des contacts sexuels (art. 152), la bestialité (par. 160(3)), le fait pour le père, la mère ou le tuteur de servir d’entremetteur (al. 170a)), le fait pour le maître de maison de permettre des actes sexuels interdits (al. 171a)), le fait de leurrer un enfant (al. 172.1(1)b)), une action indécente (par. 173(2)) et l’enlèvement d’une personne de moins de 16 ans (art. 280). Les contacts sexuels, l’invitation à des contacts sexuels, le fait pour le père, la mère ou le tuteur de servir d’entremetteur et le fait pour le maître de maison de permettre des actes sexuels interdits sont toutes des infractions qui entraînent une peine d’emprisonnement minimale obligatoire si elles ont été commises à l’égard d’une personne de moins de 16 ans.
Un certain nombre d’infractions d’ordre sexuel peuvent être perpétrées à l’égard d’une personne de moins de 18 ans, soit l’exploitation sexuelle (art. 153), la pornographie juvénile (art. 163.1), le fait pour le père, la mère ou le tuteur de servir d’entremetteur (al. 170b)), le fait pour le maître de maison de permettre des actes sexuels interdits (al. 171b)), le fait de leurrer un enfant (al. 172.1(1)a)), le fait de tirer des revenus de la prostitution d’une personne de moins de 18 ans (par. 212(2)), le fait de vivre des produits de la prostitution d’une personne âgée de moins de 18 ans, ce qui constitue une infraction grave (par. 212(2.1)), et l’obtention des services sexuels d’une personne de moins de 18 ans moyennant rétribution (par. 212(4)). Quiconque est trouvé coupable de l’une de ces infractions, à l’exception du leurre d’enfant, est passible d’un emprisonnement minimal obligatoire. L’article 273.3 du Code considère comme une infraction le fait de faire passer à l’étranger une personne habitant au Canada qui est âgée de moins de 16 ou de moins de 18 ans aux fins de la perpétration de l’une des infractions sexuelles susmentionnées.
La partie VIII du Code est intitulée « Infractions contre la personne et la réputation ». Cette partie comprend les infractions d’agression sexuelle (art. 271), d’agression sexuelle armée, de menaces à une tierce personne ou d’infliction de lésions corporelles (art. 272) et d’agression sexuelle grave (art. 273). Aucune de ces infractions ne mentionne l’âge de la victime. Les infractions visées aux articles 272 et 273 sont punissables d’un emprisonnement minimal obligatoire si une arme a été utilisée pour leur perpétration. Si aucune arme à feu n’a été utilisée, seules des peines maximales d’emprisonnement de 10 ans (art. 271), de 14 ans (art. 272) ou à perpétuité (art. 273) sont prévues pour la personne déclarée coupable par voie de mise en accusation.
Dans le cas où un contrevenant est trouvé coupable d’une infraction d’ordre sexuel à l’égard d’une personne de moins de 16 ans, le tribunal peut lui imposer une ordonnance d’interdiction, aux termes de l’article 161 du Code. Pareille ordonnance interdit au contrevenant de se trouver dans un parc public ou toute autre installation publique où il pourrait y avoir des personnes âgées de moins de 16 ans, d’accepter un emploi ou un travail bénévole qui le placerait en relation de confiance ou d’autorité vis‑à‑vis de personnes âgées de moins de 16 ans ou d’utiliser un ordinateur dans le but de communiquer avec une personne âgée de moins de 16 ans. L’interdiction peut être perpétuelle ou d’une plus courte durée et ses conditions peuvent varier sur demande du poursuivant ou du contrevenant. La non‑observation de l’ordonnance constitue une infraction mixte 50.
L’article 810.1 du Code s’applique lorsque l’on a des motifs raisonnables de craindre qu’une ou plusieurs personnes âgées de moins de 16 ans seront victimes d’une infraction d’ordre sexuel. Cet article permet à quiconque de déposer une dénonciation 51 devant un juge d’une cour provinciale pour que celui‑ci ordonne au défendeur de contracter un engagement 52, lequel peut comprendre la condition, pour le défendeur, de ne pas se livrer à des activités qui entraînent des contacts avec des personnes de moins de 16 ans ou de ne pas se trouver dans des lieux où des personnes de moins de 16 ans sont susceptibles d’être présentes. Le juge peut prendre une telle ordonnance s’il a des motifs raisonnables de craindre que le défendeur ne se rende coupable d’une des infractions d’ordre sexuel à l’égard d’une personne de moins de 16 ans visées par le Code. La durée maximale de l’ordonnance est de 12 mois, sauf si le défendeur a déjà été trouvé coupable d’une infraction d’ordre sexuel à l’égard d’une personne de moins de 16 ans. En pareil cas, l’ordonnance peut s’appliquer pour une période maximale de deux ans. Le paragraphe 810.1(3.02) renferme aussi une liste non exhaustive de conditions qui peuvent être imposées pour garantir la bonne conduite du défendeur.
Le communiqué et la fiche d’information accompagnant le projet de loi C‑54 disaient que le projet de loi instituerait des peines d’emprisonnement obligatoire pour sept infractions maintenant visées par le Code et que cela aurait pour effet d’éliminer l’imposition de peines d’emprisonnement avec sursis pour ces infractions 53.
Instauré en septembre 1996, le régime de la peine d’emprisonnement avec sursis permet au délinquant de purger sa peine dans la collectivité plutôt que dans un établissement carcéral. Il représente une solution intermédiaire entre l’incarcération et les sanctions comme l’ordonnance de probation ou l’amende. L’objectif premier de l’emprisonnement avec sursis consiste à réduire le recours à l’incarcération en offrant un mécanisme de rechange aux tribunaux.
Les dispositions applicables à l’emprisonnement avec sursis sont énoncées aux articles 742 à 742.7 du Code. Plusieurs critères doivent être remplis pour que le juge puisse imposer une peine d’emprisonnement avec sursis. Ces critères sont, notamment, que l’infraction en cause ne doit pas être punissable d’une peine d’emprisonnement minimale, qu’elle ne doit pas être une infraction ni une tentative de perpétration d’une infraction visée aux articles 271 (agression sexuelle), 272 (agression sexuelle armée, menaces à une tierce personne ou infliction de lésions corporelles) ou 273 (agression sexuelle grave). Le juge doit aussi avoir établi que l’infraction devrait entraîner une peine d’emprisonnement de moins de deux ans et être convaincu que le fait que le délinquant purge sa peine dans la collectivité ne mettra pas en danger la sécurité de la collectivité.
Avant d’imposer une peine d’emprisonnement avec sursis, le juge doit en outre être convaincu que la peine avec sursis est conforme à l’objectif essentiel et aux principes de la détermination de la peine, définis aux articles 718 à 718.2 du Code. Figurent parmi les objectifs de la détermination de la peine :
Énoncé à l’article 718.1 du Code, le principe fondamental qui sous‑tend la détermination de la peine est la proportionnalité; autrement dit, la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant. D’autres principes veulent que les circonstances aggravantes et atténuantes soient prises en compte, que des peines semblables soient imposées pour des infractions semblables, que la durée totale des peines consécutives ne soit pas trop longue et que l’on inflige dans la mesure du possible la sanction la moins contraignante avant d’envisager la privation de liberté, une attention particulière étant portée aux circonstances en ce qui concerne les délinquants autochtones.
Les peines d’emprisonnement minimales obligatoires (PMO) sont prévues dans le Code depuis l’entrée en vigueur de ce dernier en 1892. À cette époque, il y avait six infractions qui entraînaient ce genre de peine; il s’agissait d’infractions comme la fraude à l’égard de l’État et la corruption dans les affaires municipales 54. Depuis lors, les PMO n’ont pas évolué de façon systématique. Au contraire, l’instauration de nouvelles PMO a fait suite à ce qui était perçu à l’époque comme un problème sérieux de droit pénal. Un bon nombre de peines semblables ont été instituées en 1995 par l’édiction d’une loi relative aux armes à feu. Exception faite de l’emprisonnement à perpétuité pour haute trahison et meurtre, les principales infractions punissables d’une PMO sont les agressions sexuelles à l’égard d’adolescents et la conduite avec facultés affaiblies.
Aujourd’hui, on compte une quarantaine d’infractions qui sont punissables d’une PMO sur déclaration de culpabilité. L’imposition d’une PMO peut dépendre de facteurs autres que le genre d’infraction qui a été perpétrée, comme la question de savoir s'il y a lieu de poursuivre par voie de mise en accusation ou par procédure sommaire ou encore s’il s’agit d’une première déclaration de culpabilité ou d’une déclaration de culpabilité subséquente. En ce qui concerne les infractions d’ordre sexuel, l’imposition d’une PMO dépend parfois de l’âge de la victime.
Ceux qui sont pour des peines minimales obligatoires affirment :
Ceux qui s’opposent aux peines minimales obligatoires font valoir :
Il se fait très peu de recherche sur les PMO au Canada, qu’il s’agisse de la façon dont elles sont appliquées ou du niveau de sensibilisation du public à leur égard. Il n’y a pas non plus, au Canada, de commission de détermination de la peine comme celle que l’on trouve aux États‑Unis et qui peut recueillir des données sur la durée des peines imposées, sur les changements apportés à la détermination de la peine au fil des ans et sur les effets, s’il en est, que les changements ont eus sur l’incidence des crimes pour lesquels ces peines ont été imposées.
Il semblerait que les peines minimales obligatoires ne soient pas conformes au principe fondamental de la détermination de la peine énoncé à l’article 718.1 du Code - à savoir que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant. La façon dont les peines minimales obligatoires sont utilisées au Canada ne permet pas à un juge de faire une exception dans un cas pertinent. Cela ne signifie pas pour autant qu’elles soient inconstitutionnelles. Mais c’est seulement si, dans un cas précis ou un cas hypothétique raisonnable, elle est « exagérément disproportionnée » par rapport à la gravité de l’infraction ou à la situation personnelle du délinquant qu’une PMO peut être considérée comme une peine cruelle et inusitée et aller ainsi à l’encontre de l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) 55.
Il est arrivé que la Cour suprême du Canada invalide des peines obligatoires, estimant qu’elles étaient trop sévères. Par exemple, dans l’arrêt R. c. Smith 56, le juge a annulé la PMO de sept ans imposée pour l’importation d’un stupéfiant, la jugeant disproportionnée. Il a été déterminé que la peine obligatoire imposée pour importation de stupéfiants portait sur de nombreuses substances plus ou moins dangereuses, ne tenait absolument pas compte de la quantité de drogue importée et n’accordait pas d’importance au motif de l’importation et à l’existence de déclarations de culpabilité antérieures. Plus récemment, toutefois, la Cour suprême a soutenu que les juges ne peuvent déroger à l’expression claire de la volonté du législateur et réduire une peine en deçà du minimum obligatoire prévu par la loi, à moins de circonstances exceptionnelles 57. Dans le cas qui nous occupe, la Cour a fait valoir qu’en cas de « conduite répréhensible particulièrement grave par des représentants de l’État », une réduction de peine dérogeant aux limites légales pourrait être envisagée, au titre du paragraphe 24(1) de la Charte, qui prévoit que toute personne victime de violation des droits ou libertés garantis par celle‑ci peut s’adresser à un tribunal compétent pour obtenir réparation. Habituellement, toutefois, la PMO instituée par le Parlement doit s’appliquer.
La description suivante aborde certains aspects des dispositions du projet de loi C‑10 relatives aux infractions d’ordre sexuel à l’égard des jeunes. Elle n’examine pas toutes ces dispositions.
On trouve dans le Code un certain nombre d’infractions d’ordre sexuel à l’égard d’enfants. Ce sont les contacts sexuels (art. 151), l’incitation à des contacts sexuels (art. 152), l’exploitation sexuelle (art. 153), les infractions liées à la pornographie juvénile (art. 163.1), le fait pour le père, la mère ou le tuteur de servir d’entremetteur (art. 170) et le fait pour le maître de maison de permettre des actes sexuels interdits (art. 171). Le projet de loi allonge la PMO applicable à chacune de ces infractions.
Certaines des modifications proposées à la durée des peines minimales obligatoires sont résumées au tableau 3‑1.
Infraction | Disposition du Code criminel | Procédure sommaire | Mise en accusation | ||
---|---|---|---|---|---|
Peine actuelle | Prolongation proposée de la PMO | Peine actuelle | Prolongation proposée de la PMO | ||
Contacts sexuels (infraction mixte) |
151 | PMO 14 jours et max. 18 mois | 90 jours | PMO 45 jours et max. 10 ans | 1 an |
Incitation à des contacts sexuels (infraction mixte) | 152 | PMO 14 jours et max. 18 mois | 90 jours | PMO 45 jours et max. 10 ans | 1 an |
Exploitation sexuelle (infraction mixte) |
153 | PMO 14 jours et max. 18 mois | 90 jours | PMO 45 jours et max. 10 ans | 1 an |
Publication de pornographie juvénile (infraction mixte) | 163.1(2) | PMO 90 jours et max. 18 mois | PMO 6 mois et max. 2 ans moins un jour | PMO 1 an et max. 10 ans | s.o. |
Distribution de pornographie juvénile (infraction mixte) | 163.1(3) | PMO 90 jours et max. 18 mois | PMO 6 mois et max. 2 ans moins un jour | PMO 1 an et max. 10 ans | s.o. |
Possession de pornographie juvénile (infraction mixte) | 163.1(4) | PMO 14 jours et max. 18 mois | 90 jours | PMO 45 jours et max. 5 ans | 6 mois |
Accès à la pornographie juvénile (infraction mixte) | 163.1(4.1) | PMO 14 jours et max. 18 mois | 90 jours | PMO 45 jours et max. 5 ans | 6 mois |
La PMO augmentera dans le cas de deux infractions, mais la peine dépendra de l’âge de la victime et non du mode de déclaration de culpabilité (mise en accusation ou procédure sommaire). L’article 170 du Code est l’infraction que commet le parent ou le tuteur qui sert d’entremetteur. À l’heure actuelle, si l’enfant ou le pupille a moins de 16 ans, le contrevenant peut être condamné à une peine d’emprisonnement d’au plus cinq ans et d’au moins six mois. L’article 19 du projet de loi portera la peine maximale à 10 ans et la peine minimale à un an. Si l’enfant ou le pupille a 16 ans ou plus mais moins de 18 ans, la peine actuelle se situe entre un maximum de deux ans et un minimum de 45 jours d’emprisonnement. Le projet de loi portera ces peines à cinq ans et à six mois respectivement.
L’autre infraction pour laquelle la PMO augmentera et pour laquelle la peine dépend de l’âge de la victime figure à l’article 171 du Code, soit l’infraction du maître de maison qui permet des actes sexuels interdits. À l’heure actuelle, si la personne qui prend part à une activité d’ordre sexuel a moins de 16 ans, le contrevenant peut être condamné à une peine d’emprisonnement ne dépassant pas cinq ans, mais d’au moins six mois. L’article 20 du projet de loi ne modifiera pas cette disposition. Si la personne en cause a 16 ans ou plus mais moins de 18 ans, la peine actuelle se situe entre un maximum de deux ans et un minimum de 45 jours d’emprisonnement. Le projet de loi maintiendra la peine maximale actuelle, mais portera la peine minimale à 90 jours.
Un certain nombre d’infractions figurant dans le Code concernent l’inconduite sexuelle, mais elles ne font pas toutes mention de l’âge de la victime et certaines de celles qui traitent de l’âge de la victime ne sont pas punissables d’une PMO. Le projet de loi précisera l’âge de la victime pour un certain nombre d’infractions et portera qu’une PMO sera imposée si la victime est âgée de moins de 16 ans ou de moins de 18 ans, selon l’infraction en cause. Ainsi, une PMO sera imposée pour inceste avec une personne de moins de 16 ans (par. 155(2)), pour bestialité en présence d’une personne de moins de 16 ans (par. 160(3)), pour utilisation d’un moyen de télécommunication afin de leurrer une personne de moins de 18 ans ou de moins de 16 ans (art. 172.1), pour indécence en présence d’une personne âgée de moins de 16 ans (par. 173(2)), pour agression sexuelle contre une personne de moins de 16 ans (art. 271), pour agression sexuelle armée contre une personne de moins de 16 ans (art. 272) et pour agression sexuelle grave contre une personne de moins de 16 ans (art. 273).
Les nouvelles peines minimales obligatoires sont résumées au tableau 3‑2.
Infraction | Disposition du Code criminel | Peines maximales actuelles | Peines minimales obligatoires proposées | ||
---|---|---|---|---|---|
Procédure sommaire | Mise en accusation | Procédure sommaire | Mise en accusation | ||
Inceste avec une personne de moins de 16 ans (acte criminel) |
155 | s.o. | 14 ans | s.o. | 5 ans |
Bestialité en présence d’une personne de moins de 16 ans (infraction mixte) |
160 (3) | 6 mois | 10 ans | 6 mois | 1 an |
Leurre par Internet (infraction mixte) | 172.1 | 18 mois | 10 ans | 90 jours | 1 an |
Indécence en présence d’une personne de moins de 16 ans (infraction mixte) |
173(2) | s.o. | 2 ans | 30 jours | 90 jours |
Agression sexuelle contre une personne de moins de 16 ans (infraction mixte) |
271 | 18 mois | 10 ans | 90 jours | 1 an |
Agression sexuelle armée a contre une personne âgée de moins de 16 ans (acte criminel) |
272 | s.o. | 14 ans | s.o. | 5 ans |
Agression sexuelle grave contre une personne âgée de moins de 16 ans (acte criminel) |
273 | s.o. | emprisonnement à perpétuité | s.o. | 5 ans |
Note:
L’article 21 du projet de loi ajoutera l’article 171.1 au Code. Cet article érigera en infraction le fait de rendre du matériel sexuellement explicite accessible à des personnes de moins de 14, de 16 ou de 18 ans en vue de faciliter la perpétration à leur égard d’une infraction d’ordre sexuel. Les différents âges s’appliqueront à la facilitation des infractions suivantes :
Cette nouvelle infraction mixte sera punissable d’un emprisonnement minimal de 30 jours (s’il y a procédure sommaire) ou de 90 jours (s’il y a mise en accusation). Les peines d’emprisonnement maximales seront de six mois (s’il y a procédure sommaire) et de deux ans (s’il y a mise en accusation). Le fait pour l’accusé de croire que la personne en cause était âgée d’au moins 18, 16 ou 14 ans, selon le cas, ne constituera un moyen de défense contre une accusation visée à l’article 171.1 que si l’accusé a pris des mesures raisonnables pour s’assurer de l’âge de la personne.
L’article 23 du projet de loi ajoutera l’article 172.2 au Code. Cet article érigera en infraction le fait d’utiliser un moyen de télécommunication, comme un système informatique, pour s’entendre avec une personne ou prendre des arrangements avec elle pour perpétrer une infraction d’ordre sexuel contre une personne de moins de 14, de 16 ou de 18 ans. La liste des infractions fondées sur l’âge de la victime est identique à celle qui figure à l’article 171.1.
Cette nouvelle infraction mixte sera punissable d’un emprisonnement minimal obligatoire de 90 jours (s'il y a procédure sommaire) et d’un emprisonnement minimal d’un an (s'il y a mise en accusation). Les peines maximales seront un emprisonnement de 18 mois (s'il y a procédure sommaire) et de 10 ans (s'il y a mise en accusation). Comme dans le cas de l’article 171.1, le fait pour l’accusé de croire que la personne en cause était âgée d’au moins 18, 16 ou 14 ans, selon le cas, ne constituera un moyen de défense contre une accusation visée à l’article 172.2 que si l’accusé a pris des mesures raisonnables pour s’assurer de l’âge de la personne. En outre, le fait que la personne avec qui l’accusé a fait un arrangement était un agent de la paix ne constituera un moyen de défense contre une accusation fondée sur l’article 172.2 que si l’accusé a pris des mesures nécessaires pour s’assurer que la personne avec qui l’accusé a fait un arrangement était un agent de la paix ou une personne ayant agi sous la direction d’un agent de la paix ou, en pareil cas, si le tiers visé n’existait pas.
Les nouvelles infractions proposées sont résumées au tableau 3‑3.
Infraction | Disposition du Code criminel | Peines maximales proposées | Peines minimales obligatoires proposées | ||
---|---|---|---|---|---|
Procédure sommaire | Mise en accusation | Procédure sommaire | Mise en accusation | ||
Rendre accessible à un enfant du matériel sexuellement explicite (infraction mixte) | 171.1 | 6 mois | 2 ans | 30 jours | 90 jours |
S’entendre ou prendre des arrangements avec autrui, à l’aide d’un moyen de télécommunication, pour une infraction d’ordre sexuel à l’égard d’un enfant (infraction mixte) | 172.2 | 18 mois | 10 ans | 90 jours | 1 an |
L’article 161 du Code autorise le tribunal à rendre une ordonnance afin d’interdire, notamment, à un contrevenant d’utiliser un ordinateur dans le but de communiquer avec une personne âgée de moins de 16 ans. L’ordonnance peut être rendue si l’accusé est trouvé coupable d’une infraction d’ordre sexuel donnée et que le plaignant est âgé de moins de 16 ans. L’article 16 du projet de loi modifiera cette partie de l’article 161 pour que le tribunal chargé d’infliger une peine à l’accusé puisse rendre une ordonnance interdisant au contrevenant d’avoir des contacts sans supervision avec une personne de moins de 16 ans ou d’utiliser, sans supervision, Internet ou tout autre réseau numérique. L’article 16 ajoute également des infractions à la liste d’infractions pour lesquelles toute ordonnance d’interdiction doit être précédée d’une déclaration de culpabilité. Cette liste comprend les deux nouvelles infractions créées par le projet de loi (voir la rubrique 3.2.3 « Nouvelles infractions » ci‑dessus).
L’article 810.1 du Code permet à quiconque de déposer une dénonciation devant un juge d’une cour provinciale pour que ce dernier ordonne que le défendeur s’engage, notamment, à ne pas se livrer à des activités avec des personnes de moins de 16 ans et à ne pas se trouver dans des lieux où il pourrait y avoir des personnes de moins de 16 ans. Le juge peut rendre une telle ordonnance s’il a des motifs raisonnables de craindre que le défendeur ne perpètre, à l’égard d’une personne âgée de moins de 16 ans, une des infractions d’ordre sexuel mentionnées. Le paragraphe 810.1(3.02) renferme une liste non exhaustive de conditions qui peuvent être imposées pour assurer la bonne conduite du défendeur.
L’article 37 du projet de loi élargira la liste des infractions d’ordre sexuel pouvant donner lieu à une ordonnance prévue à l’article 810.1, en y ajoutant les deux nouvelles infractions créées par le projet de loi (voir la rubrique 3.2.3 « Nouvelles infractions » ci‑dessus). Il modifiera également cet article pour permettre aux juges de songer à interdire à des personnes soupçonnées d’être des prédateurs sexuels ou déclarées coupables d’agressions sexuelles contre des enfants d’avoir des contacts avec des personnes de moins de 16 ans sans supervision ou d’utiliser Internet sans supervision.
Le projet de loi ajoutera les deux nouvelles infractions créées par le projet de loi (voir la rubrique 3.2.3 « Nouvelles infractions » ci‑dessus) et, dans certains cas, certaines infractions figurant déjà au Code à des dispositions du Code de la façon suivante :
Le projet de loi C‑10 diffère de son prédécesseur, le projet de loi C‑54, en ce que l’article 49 ajoute des modifications corrélatives. Ces modifications ajoutent les nouvelles infractions créées par le projet de loi C‑10 (art. 171.1 et 172.2 du Code) à l’annexe 1 de la Loi sur le casier judiciaire, ce qui signifie que le contrevenant reconnu coupable d’une de ces infractions, sous réserve de certaines exceptions, n’aura pas droit à la suspension de son casier. Il pourrait toutefois obtenir cette suspension s’il a moins de cinq ans de plus que la victime, s’il n’a pas fait, menacé de faire ou tenté de faire usage de violence et s’il n’était pas en situation d’autorité ou de confiance vis‑à‑vis de la victime.
Les articles 32 et 33, 39 à 48, et 50 et 51 de la partie 2 du projet de loi C‑10 ont pour objet de modifier la Loi réglementant certaines drogues et autres substances 59 (LRCDAS) de façon à imposer des peines minimales pour les infractions graves liées aux drogues, comme le trafic de stupéfiants dans le cadre du crime organisé ou le recours à des armes ou à la violence au cours d’activités liées aux drogues illicites. À l’heure actuelle, la LRCDAS ne prévoit aucune peine minimale obligatoire. En outre, ces articles du projet de loi augmentent la peine maximale pour l’infraction de production de cannabis (marihuana) et transfèrent à l’annexe I de la LRCDAS certaines substances inscrites à l’annexe III.
Une exception est prévue qui permet aux tribunaux de ne pas imposer de peine obligatoire si un délinquant suit avec succès un programme judiciaire de traitement de la toxicomanie ou un traitement prévu au paragraphe 720(2) du Code criminel (le Code), approuvé par la province et sous la supervision d’un tribunal. Ces programmes ont pour objet d’aider (sous certaines conditions) les personnes accusées d’infractions liées à l’usage des drogues à vaincre leur toxicomanie et à éviter de futurs démêlés avec la justice. Le programme judiciaire conjugue différentes mesures : supervision judiciaire, appui de services sociaux, mesures d’encouragement si l’intéressé s’abstient de consommer et sanctions s’il ne se conforme pas aux ordres du tribunal.
Les articles 32 et 33, 39 à 48, et 50 et 51 du projet de loi C‑10 sont presque identiques à certaines dispositions du projet de loi S‑10 : Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois (titre abrégé : « Loi sur les peines sanctionnant le crime organisé en matière de drogue »), qui a été déposé au Sénat le 5 mai 2010 par le leader du gouvernement au Sénat, l’honorable Marjory LeBreton. Le projet de loi S‑10 a été adopté par le Sénat, avec un amendement prévoyant une analyse coût‑avantage des peines minimales obligatoires, mais il est mort au Feuilleton à la dissolution de la 40e législature le 26 mars 2011.
Un projet de loi similaire - C‑15 - avait été présenté pendant la deuxième session de la 40e législature. Bien que ce projet de loi ait été adopté par la Chambre des communes et le Sénat, avec quelques amendements, il est mort au Feuilleton le 30 décembre 2009 lorsque le Parlement a été prorogé, ce qui a mis fin à la deuxième session de la 40e législature. Il était presque identique au projet de loi C‑26 qui avait été adopté en deuxième lecture pendant la deuxième session de la 39e législature, mais qui est mort au Feuilleton à la dissolution du Parlement le 7 septembre 2008.
Selon Santé Canada, la consommation de drogues varie au fil du temps. On peut le constater en comparant les résultats de l’Enquête sur les toxicomanies au Canada (ETC) et de l’Enquête de surveillance canadienne de la consommation d’alcool et de drogues (ESCCAD) (voir les tableaux 4‑1 et 4‑2).
L’ESCCAD est une enquête en temps continu sur la consommation d’alcool et de drogues illicites menée auprès des Canadiens de 15 ans et plus qui a été lancée en avril 2008 60. Dans le prolongement de l’ETC de 2004 61, à laquelle elle est apparentée, l’ESCCAD a été conçue pour produire des estimations détaillées des comportements et des résultats liés à la consommation d’alcool et de drogues aux niveaux national et provincial, ainsi qu’une étude des tendances au fil du temps. Les résultats de 2010 ont été obtenus au moyen d’entrevues téléphoniques auprès de 13 615 répondants de toutes les provinces.
ETC a 2004 Résultats |
ESCCAD b 2008 Résultats |
ESCCAD 2009 Résultats |
ESCCAD 2010 Résultats |
|
---|---|---|---|---|
Nombre de répondants | 13 909 | 16 640 | 13 082 | 13 615 |
Consommation de cannabis | ||||
Cannabis - au cours des 12 derniers mois (%) | 14,1 | 11,4 | 10,6 | 10,7 |
Cannabis - au cours de la vie (%) | 44,5 | 43,9 | 42,4 | 41,5 |
Cannabis - âge au moment de la première consommation | 18,8 | 18,4 | 18,7 | 18,4 |
Consommation de drogues illicites au cours des 12 derniers mois (%) | ||||
Cocaïne/crack - au cours des 12 derniers mois | 1,9 | 1,6 | 1,2 | 0,7 |
Amphétamines - au cours des 12 derniers mois |
0,8 | 1,1 | 0,4 | 0,5 c |
Hallucinogènes (salvia excl.) - au cours des 12 derniers mois |
0,7 | - d | 0,7 | 0,9 |
Hallucinogènes (salvia incl.) - au cours des 12 derniers mois |
- | 2,1 | 0,9 | 1,1 |
Ecstasy - au cours des 12 derniers mois | 1,1 | 1,4 | 0,9 | 0,7 |
L’une ou l’autre de 6 drogues (hallucinogènes, salvia excl.) e - au cours des 12 derniers mois | 14,5 | - | 11,0 | 11,0 |
L’une ou l’autre de 5 drogues (hallucinogènes, salvia excl.) f - au cours des 12 derniers mois | 3,0 | - | 2,0 | 1,8 |
L’une ou l’autre de 6 drogues (hallucinogènes, salvia incl.) e - au cours des 12 derniers mois | - | 12,1 | 11,1 | 11,1 |
L’une ou l’autre de 5 drogues (hallucinogènes, salvia incl.) f - au cours des 12 derniers mois | - | 3,9 | 2,1 | 2,0 |
Consommation de produits pharmaceutiques au cours des 12 derniers mois (%) | ||||
Antidouleurs - au cours des 12 derniers mois | - | 21,6 | 19,2 | 20,6 |
Antidouleurs pour leur effet euphorique | - | 0,3 | 0,4 | 0,2 c |
Antidouleurs pour leur effet euphorique - parmi les consommateurs | - | 1,5 | 2,3 | 1,1 c |
Stimulants - au cours des 12 derniers mois | - | 1,1 | 1,0 | 1,0 |
Stimulants pour leur effet euphorique | - | 0,3 | 0,1 | S g |
Stimulants pour leur effet euphorique - parmi les consommateurs | - | 25,5 | 9,4 | S |
Sédatifs - au cours des 12 derniers mois | - | 10,7 | 9,1 | 8,7 |
Sédatifs pour leur effet euphorique | - | 0,2 | 0,2 | 0,1 c |
Sédatifs pour leur effet euphorique - parmi les consommateurs | - | 1,4 c | 1,7 | 0,5 c |
Tout produit pharmaceutique - au cours des 12 derniers mois |
- | 28,4 | 25,0 | 26,0 |
Tout produit pharmaceutique pour son effet euphorique | - | 0,6 | 0,6 | 0,3 c |
Tout produit pharmaceutique pour son effet euphorique - parmi les consommateurs | - | 2,0 | 2,3 | 1,0 c |
Méfaits de la consommation de drogues envers soi au cours des 12 derniers mois (%) h | ||||
Méfaits - dans l’ensemble de la population | 2,8 | 2,7 | - | 2,1 |
Méfaits - parmi les consommateurs de l’une des cinq drogues i | 36,7 | 37,5 | - | 36,4 |
Méfaits - parmi les consommateurs de toute drogue j | 17,5 | 21,7 | - | 17,0 |
Note:
Source: Santé Canada, « Tableau 4 : Différences entre l’ETC de 2004 et l’ESCCAD de 2008 à l’ESCCAD de 2010, selon l’âge - Drogues », Enquête de surveillance canadienne de la consommation d’alcool et de drogues.
ETC a 2004 15‑24 |
ESCCADb 2008 15‑24 |
ESCCAD 2009 15‑24 |
ESCCAD 2010 15‑24 |
ETC 2004 25+ |
ESCCAD 2008 25+ |
ESCCAD 2009 25+ |
ESCCAD 2010 25+ |
|
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Nombre de répondants | 2 085 | 1 443 | 955 | 3 989 | 11 519 | 15 197 | 12 079 | 9 626 |
Consommation de cannabis | ||||||||
Cannabis - au cours des 12 derniers mois (%) | 37,0 | 32,7 | 26,3 | 25,1 | 10,0 | 7,3 | 7,6 | 7,9 |
Cannabis - au cours de la vie (%) | 61,4 | 52,9 | 42,9 | 41,4 | 41,8 | 42,1 | 42,3 | 41,7 |
Cannabis - âge au moment de la première consommation | 15,6 | 15,5 | 15,6 | 15,7 | 19,7 | 19,2 | 19,3 | 18,9 |
Consommation de drogues illicites au cours des 12 derniers mois (%) | ||||||||
Cocaïne/crack - au cours des 12 derniers mois |
5,5 | 5,9 | 3,0 c | 2,7 | 1,2 | 0,8 | 0,9 | 0,3 c |
Amphétamines - au cours des 12 derniers mois |
3,9 | 3,7 | S d | 1,9 c | 0,2 | 0,6 | S | S |
Hallucinogènes (salvia excl,) - au cours des 12 derniers mois |
3,5 | - e | 3,2 c | 3,4 | 0,1 | - | 0,3 | 0,4 c |
Hallucinogènes (salvia incl,) - au cours des 12 derniers mois |
- | 10,2 | 4,4 | 4,6 | - | 0,6 | 0,3 | 0,4 |
Ecstasy - au cours des 12 derniers mois |
4,4 | 6,5 | 3,6 | 3,8 | 0,5 | 0,4 | 0,4 | S |
L’une ou l’autre de 6 drogues (hallucinogènes, salvia excl,) f - au cours des 12 derniers mois |
37,9 | - | 27,3 | 25,9 | 10,3 | - | 7,9 | 8,1 |
L’une ou l’autre de 5 drogues (hallucinogènes, salvia excl,) g - au cours des 12 derniers mois |
11,3 | - | 5,5 | 7,0 | 1,5 | - | 1,3 | 0,8 c |
L’une ou l’autre de 6 drogues (hallucinogènes, salvia incl,) f - au cours des 12 derniers mois |
- | 34,0 | 27,5 | 26,1 | - | 7,9 | 7,9 | 8,2 |
L’une ou l’autre de 5 drogues (hallucinogènes, salvia incl,) g - au cours des 12 derniers mois |
- | 15,4 | 6,3 | 7,9 | - | 1,7 | 1,3 | 0,8 c |
Consommation de produits pharmaceutiques au cours des 12 derniers mois (%) | ||||||||
Antidouleurs - au cours des 12 derniers mois | - | 17,7 | 14,6 | 18,2 | - | 22,4 | 20,2 | 21,0 |
Antidouleurs pour leur effet euphorique | - | 0,9 c | 1,2 c | S | - | 0,2 | 0,3 | S |
Antidouleurs pour leur effet euphorique - parmi les consommateurs | - | 4,9 | 8,5 | S | - | 1,0 | 1,4 | S |
Stimulants - au cours des 12 derniers mois | - | 3,1 | 2,7 c | 3,2 | - | 0,7 | 0,6 | 0,6 c |
Stimulants pour leur effet euphorique | - | 1,2 c | S | S | - | 0,1 | S | S |
Stimulants pour leur effet euphorique - parmi les consommateurs | - | 38,3 c | S | S | - | 14,7 c | S | S |
Sédatifs - au cours des 12 derniers mois | - | 5,5 | 4,0 | 3,5 | - | 11,7 | 10,1 | 9,7 |
Sédatifs pour leur effet euphorique | - | 0,8 c | S | S | - | S | S | S |
Sédatifs pour leur effet euphorique - parmi les consommateurs | - | 14,4 c | S | S | - | S | S | S |
Tout produit pharmaceutique - au cours des 12 derniers mois |
- | 22,3 | 18,2 | 22,1 | - | 29,5 | 26,3 | 26,7 |
Tout produit pharmaceutique pour son effet euphorique | - | 2,1 c | 1,7 c | 0,8 c | - | 0,3 | 0,3 | S |
Tout produit pharmaceutique pour son effet euphorique - parmi les consommateurs | - | 9,4 | 9,5 | 3,8 | - | 0,9 | 1,3 | S |
Méfaits de la consommation de drogues envers soi au cours des 12 derniers mois (%) h | ||||||||
Méfaits - dans l’ensemble de la population | 9,5 | 10,8 | - | 6,9 | 1,6 | 1,1 | - | 1,2 c |
Méfaits - parmi les consommateurs de l’une des cinq drogues i | 42,1 | 42,0 | - | 41,6 | 28,7 | 29,5 | - | 26,6 c |
Méfaits - parmi les consommateurs de toute drogue j | 24,0 | 31,5 | - | 24,7 | 12,7 | 13,5 | - | 12,2 c |
Notes:
Source: Santé Canada, « Tableau 4 : Différences entre l’ETC de 2004 et l’ESCCAD de 2008 à l’ESCCAD de 2010, selon l’âge - Drogues », Enquête de surveillance canadienne de la consommation d’alcool et de drogues.
Santé Canada a résumé de la façon suivante les principales constatations de sa dernière enquête sur la consommation d’alcool et de drogues des Canadiens 62 :
Il convient de faire certaines mises en garde concernant l’interprétation des résultats d’enquêtes sur la consommation de drogues. On considère habituellement que les taux de consommation obtenus sous‑estiment les taux véritables parce que divers facteurs incitent à la déclaration de taux inférieurs à la réalité dans le cadre des enquêtes visant l’ensemble de la population. La proportion de consommateurs de drogues dans l’échantillon peut être inférieure à ce qu’elle est en réalité et ceux qui sont inclus dans l’échantillon peuvent ne pas vouloir divulguer ce qui est un acte criminel. Plusieurs jeunes utilisent uniquement un téléphone cellulaire et seraient donc exclus d’enquêtes qui utilisent la composition aléatoire de numéros de téléphone extraits d’annuaires téléphoniques. Enfin, divers groupes à risque tels que les itinérants sont eux aussi exclus de ces enquêtes.
Depuis la publication de l’ETC en 2005, certaines régions du pays, notamment le Yukon et les Territoires du Nord‑Ouest, exclus de l’Enquête, ont aussi publié des chiffres sur l’usage des drogues au sein de leur population. Selon la Yukon Addictions Survey, dont les résultats ont été rendus publics en juin 2005, il semble que la consommation de drogues illicites dans ce territoire s’apparente de façon générale à celle du reste du Canada, sauf pour le cannabis. Au cours des 12 mois précédant l’enquête, 21 % des Yukonnais de plus de 15 ans disaient avoir fait usage de cannabis, comparativement à 14 % pour le reste des Canadiens. Pendant cette période, leurs taux de consommation des drogues illicites ont été de 3 % pour la cocaïne, de 1 % pour les drogues hallucinogènes et de 1 % pour l’ecstasy 63. Le taux de consommation de cannabis déclaré dans les Territoires du Nord‑Ouest au cours de la même année était à peu près équivalent (20,7 %). Environ 2,7 % des résidents des Territoires du Nord‑Ouest âgés de 15 ans et plus ont dit avoir consommé au moins l’une des cinq drogues suivantes dans l’année précédant l’enquête : cocaïne, hallucinogènes, amphétamines, ecstasy ou héroïne 64.
En 2007, l’Institut de la statistique du Québec a publié une étude indiquant une diminution de l’usage des drogues chez les élèves du secondaire. L’étude montrait qu’en 2006, 30,2 % des adolescents avaient consommé une substance illicite au moins une fois au cours de l’année précédente, alors qu’en 2000 la proportion était de 42,9 % 65. En outre, l’âge moyen où les élèves commençaient à faire l’expérience de la drogue était passé à 13,2 ans, alors qu’il était d’environ 13 ans en 2004 66.
De son côté, le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies (CCLAT) a publié Les coûts de l’abus de substances au Canada 2002 67, rapport qui porte sur les décès, les maladies et les coûts économiques résultant en tout ou en partie de l’abus du tabac, de l’alcool et des drogues illicites en 2002. Sur le plan économique, on considère qu’il y a abus lorsque la consommation impose à la société des coûts dépassant ceux que doit assumer l’usager pour se procurer la substance. On parle alors de coûts « sociaux ». Calculé en fonction du fardeau imposé à certains services, notamment en matière de soins de santé et d’application de la loi, et de la perte de productivité au travail ou à la maison en raison d’un décès prématuré ou d’une incapacité, le coût global de l’abus de substances au Canada était estimé à 39,8 milliards de dollars en 2002, soit à 1 267 $ pour chaque homme, femme et enfant qui vit au Canada. Le tabac comptait pour quelque 17 milliards de dollars, soit près de 42,7 % du total, comparativement à environ 14,6 milliards (36,6 %) pour l’alcool et à environ 8,2 milliards (20,7 %) pour les drogues illicites. Les pertes de productivité représentaient 24,3 milliards de dollars, soit 61 % du total, et les soins de santé, 8,8 milliards de dollars (22,1 %). L’application de la loi représentait le troisième élément en importance pour ce qui était des coûts associés à l’abus de substances, soit 5,4 milliards de dollars (13,6 %).
En 2002, 1 695 Canadiens au total sont morts des suites de la consommation de drogues illicites, soit 0,8 % de tous les décès pour la même année. On peut comparer ce chiffre aux 37 209 décès attribuables à l’usage du tabac (16,6 % de tous les décès) et aux 4 258 décès attribuables à l’usage d’alcool (1,9 %). Les surdoses ont été la principale cause de mortalité (958 personnes), suivies des suicides attribuables à la drogue (295), de l’hépatite C contractée à cause de la consommation (165) et de l’infection par le VIH (87). La consommation de drogues illicites a entraîné la perte de 62 110 années potentielles de vie, et les maladies attribuables à cette consommation ont exigé 352 121 jours d’hospitalisation pour des soins de courte durée.
Le CCLAT a également publié un document sur la relation entre la gravité perçue et les coûts réels de l’abus d’alcool et d’autres drogues au Canada 68. Le Centre a constaté que même si l’ensemble des coûts sociaux liés à l’alcool est plus de deux fois plus élevé que celui associé à toutes les autres drogues illicites, le public n’en percevait pas moins l’usage de ces dernières comme plus grave, selon l’ETC. Cette perception erronée tient peut‑être à ce que l’alcool est un produit légal, socialement accepté et utilisé régulièrement par la grande majorité des Canadiens. Alors que plus de 90 % des Canadiens ont une expérience directe et personnelle de l’alcool, seulement 3 % des répondants à l’ETC ont dit avoir consommé les cinq drogues illicites les plus populaires au cours de l’année précédente; le facteur de méconnaissance a donc de bonnes chances d’amplifier la perception du risque pour ces substances. Le CCLAT mentionne aussi que la police, les groupes de citoyens préoccupés, les chefs politiques et les décideurs contribuent à accentuer l’impression des risques associés à l’abus de drogues illicites. Par exemple, la méthamphétamine, quoique dangereuse, est consommée beaucoup moins fréquemment que l’alcool, le cannabis et la cocaïne; on peut alors mettre en cause le bien‑fondé d’invoquer une drogue telle que la méthamphétamine pour motiver une politique concernant l’abus d’alcool ou d’autres drogues.
C’est en 1987 que le Canada a présenté sa première stratégie antidrogue, appelée « Stratégie nationale antidrogue ». On y reconnaissait que l’abus d’alcool ou d’autres drogues était en premier lieu un problème de santé, mais on poursuivait sur la lancée de l’approche coercitive empruntée par le Canada depuis l’entrée en vigueur de la Loi de l’opium en 1908, laquelle rendait illégales l’importation, la fabrication ou la vente d’opium. Les tentatives de contrôler et de réglementer les substances psychoactives ont par la suite privilégié des mesures législatives visant à interdire la production, la distribution et l’usage des drogues illicites, y compris la Loi sur l’opium et les drogues narcotiques, la Loi sur les stupéfiants, la Loi sur les aliments et drogues ainsi que l’actuelle Loi réglementant certaines drogues et autres substances. En 1988, le Parlement a créé un organisme non gouvernemental national, le CCLAT, chargé principalement de fournir des renseignements objectifs sur les toxicomanies.
En 1992, le Parlement a approuvé la Stratégie canadienne antidrogue, un effort coordonné en vue de réduire les préjudices causés par l’alcool et les autres drogues. La Stratégie préconisait une démarche équilibrée afin de réduire tant la demande que l’offre grâce à des activités comme l’application de la loi et le contrôle, la prévention, le traitement et la réinsertion ainsi que l’atténuation des préjudices. En 1997, le gouvernement a présenté la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, qui encore aujourd’hui sert à contrôler l’usage des drogues illicites. En 2001, la vérificatrice générale a publié un rapport sur le rôle du gouvernement fédéral dans ce domaine 69. Elle signalait l’absence de rapport public exhaustif sur l’usage illicite des drogues, d’où l’impossibilité de mesurer l’efficacité nette de la Stratégie canadienne antidrogue tant que le gouvernement ne fournirait pas un tel rapport à l’échelle nationale.
En 2003, le gouvernement a renouvelé la Stratégie, décrite comme une initiative visant à réduire les préjudices liés à l’utilisation des narcotiques et des substances contrôlées et à l’abus d’alcool et de médicaments d’ordonnance et axée sur les facteurs sous‑jacents à l’usage et à l’abus des drogues. La démarche comprenait des initiatives en matière d’éducation, de prévention et de promotion de la santé, ainsi que des mesures améliorées d’application de la loi et un engagement à présenter tous les deux ans au Parlement et aux Canadiens un rapport sur les orientations et les progrès accomplis dans le cadre de la Stratégie 702. Néanmoins, un article paru en décembre 2006 signalait qu’on n’avait rendu public aucun rapport ni aucune évaluation concernant la Stratégie renouvelée 71.
Le 4 octobre 2007, le gouvernement du Canada a présenté sa nouvelle Stratégie nationale antidrogue. Un financement d’environ 64 millions de dollars a alors été fourni dans trois secteurs d’intervention : prévention (10 millions de dollars), traitement (32 millions de dollars) et application de la loi (22 millions de dollars). En guise de complément aux mesures de prévention et de traitement de la toxicomanie, le Plan d’action en matière d’application de la loi renforce, dit‑on, les mesures d’application de la loi et la capacité de lutter efficacement contre les installations de culture de marihuana et les activités de production et de distribution de drogues synthétiques. Une partie du Plan est la mise en place de peines sévères et adéquates pour les crimes graves liés à la drogue 72.
L’objectif déclaré de la Stratégie nationale antidrogue (à laquelle sont affectés 578,5 millions de dollars pour la période de 2007‑2008 à 2011‑2012) est de réduire l’offre et la demande de drogues illicites 73. Les trois principales priorités consistent à prévenir l’usage des drogues illicites, à traiter les toxicomanies qu’elles engendrent et à combattre la production et la distribution de ces drogues. Quand le financement prévu dans le cadre de la Stratégie nationale antidrogue est indiqué, il est réparti de la façon suivante : 22 % au Plan d’action en matière de prévention, 31 % au Plan d’action en matière de traitement et 47 % au Plan d’action en matière d’application de la loi. Ce dernier chiffre inclut 67,7 millions de dollars qui seront débloqués si les articles 32 et 33, 39 à 48, et 50 et 51 du projet de loi C‑10 reçoivent la sanction royale 74. Le gouvernement du Canada considère que ces dispositions législatives font partie des efforts déployés dans le cadre de la Stratégie nationale antidrogue pour lutter contre la production et la distribution de drogues illicites. Les modifications apportées à la loi ont pour objet d’aider à gêner les activités criminelles en visant les distributeurs de drogue 75.
La Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRCDAS) régit certains types de drogues et substances, énumérés à ses annexes I à VIII. À l’heure actuelle, cette loi ne prévoit pas d’emprisonnement obligatoire, mais les infractions les plus graves en matière de drogue entraînent l’emprisonnement à perpétuité comme peine maximale. Les infractions prévues dans la LRCDAS comprennent la possession, l’obtention d’ordonnances multiples, le trafic, l’importation et l’exportation, ainsi que la production de substances énumérées dans les annexes de cette loi. La peine imposée dépend de l’annexe où est inscrite la drogue en question. L’annexe I comprend les drogues considérées généralement comme les plus « dangereuses », par exemple la cocaïne et la méthamphétamine. L’annexe II comprend le cannabis et ses dérivés et l’annexe III, les amphétamines et l’acide lysergique diéthylamide (LSD). L’annexe IV comprend les barbituriques.
La LRCDAS permet au Canada de remplir ses obligations aux termes de plusieurs protocoles internationaux et elle vise des biens infractionnels et les produits du trafic de la drogue. Trois conventions internationales sur les drogues illicites traitent du cannabis, de la cocaïne, de l’héroïne, d’autres substances psychoactives et de leurs précurseurs : la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 76, la Convention de 1971 sur les substances psychotropes 77 et la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes 1988 (Convention de Vienne) 78. La Convention unique limite la production et le commerce des substances prohibées aux quantités nécessaires pour répondre aux besoins médicaux et scientifiques des États parties; chaque État adopte les mesures législatives et réglementaires nécessaires pour établir sur son propre territoire les contrôles correspondant aux engagements de la Convention. Aux termes de la Convention de 1971, les substances psychoactives (comme le THC de la marihuana) doivent être assujetties à des contrôles similaires à ceux qui s’appliquent en vertu de la Convention de 1961. Enfin, selon la Convention de 1988, les parties doivent coopérer en vue de contrôler la culture, la production et la distribution illicite des drogues en question.
Les lois canadiennes sur les drogues n’interdisent pas toute possession ou tout usage de drogues illicites 79. Ainsi, le Règlement sur les stupéfiants 80 autorise la distribution de drogues et de substances contrôlées par les pharmaciens, les médecins praticiens et les hôpitaux, et décrit les renseignements à consigner pour rendre compte de cette distribution. Conformément au paragraphe 53(3) de ce règlement, un praticien peut administrer de la méthadone, par exemple, s’il bénéficie d’une exemption en vertu de l’article 56 de la LRCDAS relativement à ce produit. En vertu du même article, le ministre de la Santé peut exempter toute personne ou toute substance réglementée de l’application de la LRCDAS si cette exemption est nécessaire à des fins médicales ou scientifiques ou si, par ailleurs, l’intérêt public le justifie. Le Ministre peut également délivrer un permis permettant de cultiver, récolter ou produire du pavot à opium ou de la marihuana à des fins scientifiques 81.
En outre, le Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales 82 prévoit qu’une personne peut être autorisée à posséder de la marihuana si elle peut prouver qu’elle en a besoin à des fins médicales. Le titulaire d’une licence de production à des fins personnelles est également autorisé à produire et à garder de la marihuana à ses propres fins médicales 83. Par ailleurs, l’imposition d’une limite particulière à la source qui fournit légitimement de la marihuana séchée a été déclarée invalide en 2008 parce que contraire à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés 84; le rapport d’un producteur à un utilisateur limiterait injustement l’accès des personnes autorisées à la marihuana médicale. Cette décision a été confirmée par la Cour d’appel fédérale 85. En réponse, le gouvernement a publié dans la Gazette du Canada du 27 mai 2009 le Règlement modifiant le Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales 86. La modification a doublé le rapport actuel en le faisant passer à un producteur pour deux utilisateurs. Selon l’explication qui accompagne cette modification, il faudra effectuer un examen complet de l’accès à la marihuana à des fins médicales, parce que le programme n’a jamais eu pour but de faciliter la production généralisée, potentiellement sur grande échelle, de la marihuana à des fins médicales.
Les infractions relatives aux drogues comprennent les infractions relatives à la possession, au trafic, à l’importation et à la production de substances prévues par la LRCDAS. En 2010, environ 108 600 infractions relatives aux drogues ont été déclarées par la police, dont la moitié environ (52 %) concernaient la possession de cannabis 87. Entre 2009 et 2010, le taux d’infractions relatives aux drogues a grimpé de 10 %, confirmant la tendance générale amorcée au début des années 1990. Cette tendance à la hausse coïncide avec une tendance à la baisse du taux de criminalité global.
Selon l’article paru dans Juristat 88, la revue de Statistique Canada sur le système judiciaire, la hausse des taux d’infractions relatives aux drogues peut dépendre du fait que la police concentre davantage ses efforts à ce type d’infraction que le temps, les ressources et les priorités le permettent. L’augmentation globale du taux d’infractions relatives aux drogues tient principalement à l’augmentation du taux des infractions liées au cannabis, soit de 13 % entre 2009 et 2010. Le taux des infractions liées à la cocaïne a reculé pour la troisième année consécutive, soit de 5 % 89.
Statistique Canada présente aussi les résultats de l’Enquête sur les tribunaux de justice criminelle pour adultes 90 et de l’Enquête sur les tribunaux de la jeunesse 91 concernant les jugements et les peines dans les cas d’infraction aux lois sur les drogues. Comme les crimes ne sont pas tous signalés à la police, les données sous‑estiment probablement la réalité, et on ne connaît pas l’ampleur réelle de la criminalité relative aux drogues au Canada. En 2006‑2007, environ la moitié des causes judiciaires d’infractions relatives aux drogues ont fait l’objet d’un arrêt, d’un retrait, d’un rejet ou d’une absolution pour divers motifs : discussions sur le règlement, manque de preuve, renvoi à un programme de déjudiciarisation financé par le tribunal. Les jeunes qui ont été condamnés se sont le plus souvent vu infliger une peine de probation. La probation était aussi la sentence la plus courante chez les adultes condamnés pour possession de drogue, alors que les adultes déclarés coupables de trafic étaient le plus souvent condamnés à l’emprisonnement 92.
L’une des mesures visant à rompre le cycle de l’usage des drogues et de la récidive criminelle a été la création des tribunaux de traitement de la toxicomanie (TTT), afin de réduire l’abus d’alcool et d’autres drogues, le crime et la récidive par la réadaptation des personnes qui commettent des crimes pour subvenir à leur dépendance 93. Le premier TTT a vu le jour à Toronto le 1er décembre 1998, dans le cadre d’un projet pilote de quatre ans 94. C’est le juge Paul Bentley, de la cour de justice de l’Ontario, qui lui a donné le coup d’envoi. D’après Sécurité publique Canada, ce TTT a été conçu pour répondre aux besoins particuliers des délinquants non violents faisant un usage abusif de la cocaïne ou des produits opiacés 95.
En février 2001, le ministère de la Justice a annoncé que les gouvernements du Canada et de la Colombie‑Britannique avaient convenu d’ouvrir un nouveau TTT à Vancouver. Ce programme pilote différait du modèle de Toronto de manière à répondre aux besoins particuliers de la collectivité et à élargir la portée de l’expérience des TTT au Canada 96. Il s’agissait de faire fond sur l’expérience acquise à Toronto et d’établir un programme efficace mis au point en Colombie‑Britannique.
Dans le cadre du renouvellement de la Stratégie canadienne antidrogue, le gouvernement fédéral s’est aussi engagé à étendre le recours aux TTT au Canada. En décembre 2004, il a sollicité des propositions de financement. Le comité d’examen des propositions comprenait des représentants du ministère de la Justice, de Santé Canada et du CCLAT 97, appuyés par des experts en traitement des toxicomanies. Chaque proposition a été soumise à une évaluation exhaustive en fonction de critères objectifs et du besoin démontré d’un TTT dans la collectivité en question.
En juin 2005, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il accorderait un financement additionnel de 13,3 millions de dollars sur quatre ans pour établir quatre nouveaux TTT 98. Le Canada compte donc maintenant six TTT financés par le fédéral, soit ceux de Toronto (décembre 1998), Vancouver (décembre 2001), Edmonton (décembre 2005), Winnipeg (janvier 2006), Ottawa (mars 2006) et Regina (octobre 2006) 99. On reconnaît que chaque TTT est unique et qu’il fonctionne avec ses partenaires particuliers, représentatifs de la collectivité où il est établi. En outre, chaque programme est conçu pour répondre aux besoins multiples et très complexes de la collectivité visée.
L’un des principaux objectifs du programme judiciaire de traitement de la toxicomanie est de faciliter le traitement des auteurs de crimes liés à la drogue en leur offrant une solution de rechange à caractère intensif, supervisée par le tribunal, au lieu de les incarcérer. On dit que les TTT appliquent des solutions plus humaines que la simple incarcération en cas de crimes mineurs liés à la drogue 100. D’après le ministère de la Justice, les TTT adoptent une approche globale « qui vise à réduire le nombre de crimes commis par des individus pour s’approvisionner en drogues, au moyen d’une surveillance judiciaire, d’un traitement complet de désintoxication, de fréquents tests de dépistage de la drogue pratiqués à l’improviste, de mesures incitatives et répressives, d’un traitement clinique individualisé et d’un soutien des services sociaux 101 ».
Un autre objectif des TTT est de réduire les coûts économiques et sociaux de l’abus de substances illicites. En 2005, le ministre de la Santé de l’époque, Ujjal Dosanjh, a déclaré que l’expansion des TTT soulignait l’engagement du gouvernement à aider les auteurs de crimes liés à la drogue à vaincre leur toxicomanie. Il a aussi dit que ces nouveaux tribunaux profiteraient non seulement aux participants, mais aussi à tous les Canadiens, en contribuant à réduire les coûts énormes de l’abus d’alcool ou d’autres drogues sur les plans social, économique et de la santé 102.
Les fonds sont versés par le truchement du Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie et la gestion est assurée par le ministère de la Justice, en partenariat avec Santé Canada 103. Pour obtenir du financement, « ces programmes doivent élaborer leur propre cadre d’évaluation et de responsabilisation fondé sur les résultats, et contribuer au cadre national d’évaluation et de responsabilisation 104 ». Les bénéficiaires de fonds doivent donc produire chaque année un rapport sur leurs activités 105. Le Programme de financement doit recueillir des données sur l’efficacité des TTT et promouvoir et établir des normes cohérentes d’une région à l’autre 106. Les résultats colligés servent à appuyer les rapports annuels au Parlement et au public canadien 107.
On dit que le succès des TTT peut se manifester non seulement par une diminution marquée du comportement criminel des participants, mais encore par une réduction importante de l’usage des drogues 108. En outre, les retombées positives pourraient ne pas se limiter au système de justice pénale, mais se répercuter également sur le système de santé, car la plupart des participants aux programmes voient leur santé physique et mentale s’améliorer sensiblement. En août 2006, le ministère de la Justice a mené une étude méta‑analytique en vue de déterminer si les TTT réduisaient le nombre de récidives. Il en est ressorti que les résultats obtenus plaident nettement en faveur de l’utilisation de ces tribunaux comme moyen de réduire le crime chez les délinquants qui ont des problèmes d’abus d’alcool ou d’autres drogues 109. Toutefois, l’étude n’a pas abordé le rapport coût‑efficacité du programme.
D’après Santé Canada, les premières évaluations du TTT de Toronto font état d’un fort taux de participation et de persévérance de la part des délinquants toxicomanes. Dans les évaluations en cours, on reconnaît que ce programme canadien constitue un outil d’intervention prometteur 110. Le Centre national de prévention du crime a diffusé certaines évaluations de TTT. Selon celle pour Vancouver, bien que plusieurs personnes qui ont participé au programme n’aient pas abandonné leurs tendances en matière de criminalité et d’abus de substances illicites, les chiffres donnent à penser qu’il se produit une baisse légère mais significative de la consommation de drogues et de la criminalité liée aux drogues chez ceux qui participent au programme jusqu’à la fin. Toutefois, seulement 14 % des participants le terminent, ce qui amène les auteurs de l’évaluation à dire qu’il faudrait des stratégies afin d’encourager les participants à persévérer pour que le modèle donne les résultats escomptés 111.
La participation au programme est volontaire. La personne accusée d’une infraction criminelle non violente ou d’une infraction à la LRCDAS doit présenter une demande. Les individus accusés d’infractions graves ou qui ont un dossier d’infractions violentes ne sont généralement pas admissibles 112.
La plupart du temps, les participants au programme sont accusés d’infractions non violentes au Code telles que le vol, le recel, l’entrée par effraction ailleurs que dans des résidences, le méfait et la communication à des fins de prostitution. En ce qui concerne les infractions liées à la drogue, les plus fréquentes sont celles de simple possession, de possession en vue de faire du trafic ainsi que de trafic (dans la rue). De façon générale, ces infractions sont commises par des personnes désireuses de subvenir à leur dépendance.
Un formulaire de demande doit être rempli et soumis à l’examen de l’équipe du TTT. L’admissibilité est établie par le procureur de la couronne, qui agit comme contrôleur. Le poursuivant a le dernier mot quant à la nature de l’infraction, au dossier criminel du demandeur ou aux deux 113. Chaque cas est étudié séparément. Un dossier criminel ne constitue donc pas un obstacle rédhibitoire à une participation au programme. Les délinquants qui sont membres d’un gang ou qui ont utilisé une arme dans la perpétration d’une infraction ne sont pas admissibles au TTT 114.
Une condition d’admission habituelle au TTT est un plaidoyer de culpabilité. On évalue ensuite le participant en vue d’établir un plan de traitement axé sur ses besoins particuliers. Le participant sera stabilisé et recevra des soins médicaux. Au besoin, on lui administrera de la méthadone. Le personnel du tribunal veillera à ce qu’il ait un logement sûr, un emploi stable ou une formation. Au besoin, il obtiendra une formation professionnelle. Le programme dure environ un an et, comme il s’agit d’un programme externe, le délinquant doit participer à des séances de counselling individuelles et en groupe. Chaque participant peut se faire demander au hasard un échantillon d’urine et chacun doit comparaître personnellement en cour de façon régulière. On s’attend à ce que les participants soient honnêtes, divulguent toute activité à haut risque et avouent d’éventuelles récidives. Le juge examine les progrès accomplis et peut imposer des sanctions ou offrir des récompenses 115.
Le programme étant conçu pour venir en aide à des individus qui ont depuis longtemps une forte accoutumance, une récidive n’entraîne pas nécessairement l’expulsion du programme. Cela dit, le non‑respect constant des modalités du traitement, par exemple l’usage continu d’alcool ou d’autres drogues, peut entraîner le retrait du programme.
La personne qui satisfait aux exigences minimales de participation peut demander une attestation de réussite. Les participants qui obtiennent une telle attestation peuvent recevoir une peine non privative de liberté, qui peut inclure une période de probation, une ordonnance de dédommagement, une amende ou toute combinaison de ces peines 116.
Les États‑Unis, le Royaume‑Uni, la Jamaïque, les Bermudes, le Brésil, l’Irlande, l’Écosse et l’Australie se sont dotés de TTT. On en dénombre bien au‑delà d’un millier aux États‑Unis, où ils existent depuis 1969 et où les études de suivi indiquent qu’il y a récidive chez un infime pourcentage seulement des personnes qui terminent le programme 117.
D’après Sécurité publique Canada 118, le projet du TTT de Toronto a permis de comprendre, entre autres, qu’il fallait planifier le programme en accordant plus d’attention aux femmes et aux jeunes de moins de 25 ans. En effet, on a pu constater qu’un nombre important de personnes appartenant à ces deux groupes décidaient de ne plus participer au projet après leur évaluation initiale ou abandonnaient souvent tôt au cours du programme. Le recours à des techniques de suivi a été aussi été recommandé afin d’évaluer les besoins des femmes et des jeunes de moins de 25 ans et d’y répondre.
Dawn Moore, professeur de criminologie à l’Université Carleton, mène une étude pancanadienne sur les femmes participant aux programmes afin de découvrir pourquoi une si forte proportion d’entre elles y renoncent. Elle a remarqué que les programmes étaient souvent conçus sans tenir compte des besoins particuliers des femmes 119.
Tous les ans, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) publie un rapport sur la situation des drogues illicites au Canada. La dernière édition donne un aperçu des activités de production, de trafic et de contrebande de stupéfiants qui ont eu lieu, au Canada en 2009 120.
Dans ce rapport, la GRC dit qu’au cours des cinq dernières années, le marché canadien des drogues illicites est demeuré relativement stable. Le cannabis demeure la substance illicite la plus consommée au Canada. La marihuana produite au pays est une source de profit considérable pour le crime organisé basé au pays, suivie de la cocaïne.
Le Canada demeure l’un des plus importants producteurs mondiaux de MDMA (ecstasy) et de méthamphétamine. Les groupes du crime organisé produisent des drogues synthétiques pour le marché intérieur en plus d’en offrir d’importantes quantités aux marchés internationaux, notamment aux États‑Unis. Ceux‑ci sont demeurés le principal pays de transit pour la cocaïne, mais les produits à base de haschich destinés au Canada ont surtout transité par les pays africains.
Les profits découlant du marché canadien des drogues illicites continuent de stimuler la plupart des groupes du crime organisé du pays. Ces groupes continuent de changer et d’adapter leurs méthodes de production et de distribution en fonction des pressions et des activités des organismes d’application de la loi et ils continuent de satisfaire à la demande nationale et internationale en assurant un approvisionnement ininterrompu de drogues illicites.
Le rapport de la GRC contient les données sur les saisies de drogue au Canada présentées au tableau 4‑3.
Drogue | 2006 | 2007 | 2008 | 2009 |
---|---|---|---|---|
Cocaïne | 2 676 kg | 2 630 kg | 2 263 kg | 2 373kg |
Haschich | 27 730 kg | 227 kg | 899 kg | 9 667 kg |
Haschich liquide | 1 060 kg | 115 kg | 761 kg | 241 kg |
Héroïne | 93 kg | 112 kg | 102 kg | 213 kg |
Khât | 13 917 kg | 28 270 kg | 22 710 kg | 19 003 kg |
Marihuana | 1 749 057 plantes/ 13 154 kg |
1 878 178 plantes/ 49 918 kg |
1 828 861 plantes/ 37 169 kg |
1 845 734 plantes/ 34 391 kg |
MDMA (ecstasy) | 3 000 347 unités | 1 374 592 unités | 1 494 769 unités | 954 929 unités |
Méthamphétamine | 58 506 kg | 170,50 kg/ 9 000 comprimés |
109 kg/ 52 142 comprimés |
79 kg/ 62 307 comprimés |
Opium | 124 kg | 148 kg | 108 kg | 338 kg/ Doda : 17,11 tonnes |
Source : Gendarmerie royale du Canada, « Annexe A : Données sur les saisies de drogue au Canada - Rapport sur la situation des drogues illicites au Canada, 2009 », Rapport sur la situation desdrogues illicites au Canada - 2009.
La description qui suit porte sur certains aspects du projet de loi C‑10 traitant des drogues illicites et non sur tous ses articles.
Les articles 5 à 7 de la LRCDAS prévoient respectivement les infractions relatives au trafic, à l’importation et à l’exportation, et à la production d’une substance contrôlée. Les articles 39 à 41 du projet de loi modifient chacune de ces dispositions.
L’actuel alinéa 5(3)a) de la LRCDAS dispose que le trafic d’une substance inscrite à l’annexe I ou II constitue un acte criminel pour lequel la peine maximale est l’emprisonnement à perpétuité. Cela montre à quel point on prend au sérieux ces substances, particulièrement les opiacés et le coca et ses dérivés, inscrits à l’annexe I. Le paragraphe 5(4) de la LRCDAS prévoit une exception, soit le trafic de substances inscrites à l’annexe II, principalement le cannabis et ses dérivés. Lorsque la quantité faisant l’objet du trafic ne dépasse pas celle fixée dans l’annexe VII de la LRCDAS (soit 3 kg de résine de cannabis ou de cannabis (marihuana)), la peine maximale est un emprisonnement de cinq ans moins un jour.
L’article 39 du projet de loi modifie l’alinéa 5(3)a) de la LRCDAS pour qu’il prévoie, dans certains cas, des peines minimales obligatoires d’emprisonnement pour une infraction relative au trafic d’une substance inscrite à l’annexe I, ou d’une substance inscrite à l’annexe II si sa quantité excède celle fixée à l’annexe VII. Une peine minimale d’emprisonnement d’un an s’appliquera dans certaines circonstances aggravantes, soit : l’infraction a été commise pour le compte d’une organisation criminelle, au sens du paragraphe 467.1(1) du Code (un groupe d’au moins trois personnes dont l’objet est de commettre une infraction grave pour obtenir un avantage matériel); la personne a eu recours ou a menacé de recourir à la violence pour la perpétration de l’infraction; la personne portait ou a utilisé ou a menacé d’utiliser une arme pour la perpétration de l’infraction; ou, au cours des dix dernières années, la personne a été déclarée coupable d’une infraction désignée ou a purgé une peine d’emprisonnement relativement à cette infraction. Une « infraction désignée » est définie à l’article 2 de la LRCDAS comme toute infraction prévue aux articles 4 à 10 de cette même loi, sauf la possession d’une substance inscrite à l’annexe I, II ou III de la même loi de la façon prévue par son paragraphe 4(1).
L’article 39 du projet de loi modifie la LRCDAS afin d’imposer une peine minimale d’emprisonnement de deux ans en présence de certaines autres circonstances aggravantes, notamment si l’infraction est commise à l’intérieur ou à proximité d’une école ou du terrain d’une école ou dans un autre lieu public normalement fréquenté par des personnes de moins de 18 ans. Or il peut s’avérer difficile de définir quels sont ces lieux. L’utilisation du libellé « un terrain d’école, un terrain de jeu, un parc public ou une zone publique où l’on peut se baigner » à l’alinéa 179(1)b) du Code pour limiter les déplacements d’une personne susceptible de commettre une infraction sexuelle à l’égard d’un enfant a été jugée beaucoup trop générale et, par conséquent, contraire à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés 121. La peine minimale de deux ans sera également imposée si le délinquant a eu recours aux services d’une personne de moins de 18 ans pour la perpétration de l’infraction ou l’y a mêlée, ou s’il a commis l’infraction à l’intérieur d’une prison ou sur le terrain d’un tel établissement. Selon l’article 2 du Code, « prison » désigne tout endroit où des personnes inculpées ou déclarées coupables d’infractions sont ordinairement détenues sous garde, y compris tout pénitencier, prison commune, prison publique, maison de correction, poste de police ou corps de garde.
Le nouvel alinéa 5(3)a.1) de la LRCDAS reprend l’actuel paragraphe 5(4) de cette même loi et impose une peine maximale d’emprisonnement de cinq ans moins un jour si l’infraction relative au trafic de substances concerne une petite quantité de cannabis ou de ses dérivés, énumérés à l’annexe II.
En vertu de l’actuel alinéa 6(3)a) de la LRCDAS, l’importation au Canada ou l’exportation du Canada d’une substance inscrite à l’annexe I ou II de la LRCDAS ou la possession d’une telle substance en vue de l’exportation constitue un acte criminel pour lequel la peine maximale est l’emprisonnement à perpétuité. Des peines maximales moins sévères sont prévues si l’infraction commise concerne des substances inscrites aux autres annexes.
L’article 40 du projet de loi impose une peine minimale obligatoire d’emprisonnement d’un an si l’infraction est commise à des fins de trafic, que la substance visée est inscrite à l’annexe I et que la quantité ne dépasse pas un kilogramme, ou si la substance est inscrite à l’annexe II. La peine minimale s’applique également si le contrevenant, en commettant l’infraction, a abusé d’un poste de confiance ou d’autorité ou a eu accès à une zone à accès réservé (p. ex. dans un aéroport), qu’il a utilisée pour commettre l’infraction. Comme dans les articles 2 et 4 du projet de loi, la peine maximale d’emprisonnement à perpétuité est maintenue. Le nouvel alinéa 6(3)a.1) porte la peine minimale obligatoire à deux ans d’emprisonnement si la quantité de la substance inscrite à l’annexe I faisant l’objet du trafic dépasse un kilogramme.
Selon l’actuel alinéa 7(2)a) de la LRCDAS, la production d’une substance inscrite à l’annexe I ou II de cette loi, autre que le cannabis (marihuana), constitue un acte criminel passible de l’emprisonnement à perpétuité. Aux termes de l’alinéa 7(2)b), la production de cannabis (marihuana) est un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de sept ans.
L’article 41 du projet de loi impose une peine minimale obligatoire d’emprisonnement de deux ans dans le cas d’une infraction relative à la production d’une substance inscrite à l’annexe I, la peine maximale étant l’emprisonnement à perpétuité. La peine minimale obligatoire est portée à trois ans si l’infraction est commise dans l’une ou l’autre des circonstances liées à la santé et à la sécurité prévues au nouveau paragraphe 7(3), soit :
Si la substance produite est l’une de celles inscrites à l’annexe II, sauf le cannabis (marihuana), le nouvel alinéa 7(2)a.1) prévoit une peine minimale obligatoire d’emprisonnement d’un an, si l’infraction est commise en vue du trafic de la substance, ou de 18 mois, si l’infraction est commise en vue du trafic de la substance dans l’une ou l’autre des circonstances liées à la santé et à la sécurité énumérées ci‑dessus. Dans le cas de la production du cannabis (marihuana), l’alinéa 7(2)b) double la peine maximale d’emprisonnement, la faisant passer de 7 à 14 ans.
Des peines minimales obligatoires sont aussi adoptées à l’égard de la production de cannabis (marihuana), leur durée variant en fonction du nombre de plantes produites. La peine minimale passera à six mois si l’infraction est commise à des fins de trafic et le nombre de plantes en cause est inférieur à 201 et supérieur à cinq. Elle passera à neuf mois si le nombre de plantes est inférieur à 201 et supérieur à cinq, la production est effectuée à des fins de trafic et un facteur de santé et sécurité s’applique aussi à l’infraction. Si le nombre de plantes en cause est supérieur à 200, mais inférieur à 501, l’emprisonnement durera au moins un an, ou 18 mois si l’infraction est commise dans l’une ou l’autre des circonstances liées à la santé et à la sécurité. L’emprisonnement durera au moins deux ans si le nombre de plantes produites est supérieur à 500, ou trois ans si l’infraction est commise dans l’une ou l’autre des circonstances liées à la santé et à la sécurité. Le projet de loi ne dit pas que la production doit être destinée au trafic lorsqu’elle dépasse 200 plantes.
L’article 42 du projet de loi ajoute les articles 8 et 8.1 à la LRCDAS. Le nouvel article 8 exige qu’avant d’enregistrer un plaidoyer, il faut donner avis de l’imposition possible d’une peine minimale. Le nouvel article 8.1 exige que, dans les cinq ans suivant l’entrée en vigueur du projet de loi, un examen complet de la LRCDAS soit fait par un comité désigné par le Parlement. L’examen doit inclure une analyse des coûts et avantages des peines minimales obligatoires. Le comité présente au Parlement un rapport de son examen, assorti de toutes les modifications qu’il estime souhaitables, dans l’année qui suit le début de l’examen.
L’article 10 de la LRCDAS précise les circonstances aggravantes que doit prendre en considération le tribunal qui détermine la peine. Bon nombre de ces circonstances sont énumérées à l’article 5 modifié de cette loi. Le nouveau libellé du paragraphe 10(2) de la LRCDAS, donné au paragraphe 43(1) du projet de loi, fait une distinction entre les circonstances aggravantes menant à l’imposition d’une peine minimale obligatoire et celles qui doivent être prises en considération par le tribunal qui détermine la peine quand aucune peine minimale n’est précisée.
L’élément clé de l’article 43 du projet de loi est le suivant : le tribunal qui détermine la peine peut, avec le consentement du poursuivant, reporter cette détermination pour permettre au délinquant de participer à un programme judiciaire de traitement de la toxicomanie approuvé par le procureur général du Canada ou à un traitement conformément au paragraphe 720(2) du Code. Si le délinquant réussit l’un ou l’autre traitement, le tribunal n’est pas tenu de lui imposer une peine minimale d’emprisonnement.
Le report de la détermination de la peine pendant que l’accusé participe à un programme de traitement approuvé est censé l’encourager à régler le problème de toxicomanie qui le pousse à adopter une conduite criminelle. Si la personne termine le programme avec succès, le tribunal impose habituellement une condamnation avec sursis ou une peine moindre. Il convient de souligner que le programme judiciaire de traitement de la toxicomanie n’est offert (en septembre 2011) que dans six villes et reste donc hors de la portée d’un grand nombre de délinquants. Comme le paragraphe 720(2) du Code n’est en vigueur que depuis le 1er octobre 2008, il est encore difficile de savoir quelle sera l’incidence des traitements qu’il prévoit sur les peines.
Le projet de loi modifie les annexes de la LRCDAS. L’article 44 transfère les éléments 1, 25 et 26 de l’annexe III à l’annexe I, où ils portent les numéros 19, 20 et 21. Le premier élément vise les amphétamines, leurs sels, dérivés, isomères et analogues, ainsi que les sels de leurs dérivés, isomères et analogues. La méthamphétamine avait déjà été transférée à l’annexe I. Les deux autres éléments transférés sont la flunitrazépam ainsi que ses sels et dérivés, et l’acide hydroxy‑4 butanoïque (GHB) et ses sels. La flunitrazépam est une benzodiazépine (sédatif) facilement soluble dans l’éthanol et aussi appelée Rohypnol. L’acide hydroxy‑4 butanoïque (GHB) a des effets sédatifs très semblables à ceux de l’alcool. Les deux substances sont communément appelées « drogues du viol ». Le changement fera en sorte que les peines minimales obligatoires s’appliqueront lorsque les infractions visées par le projet de loi concerneront les amphétamines ou les drogues du viol. De plus, la possession d’une substance inscrite à l’annexe I en contravention de l’article 4 de la LRCDAS est punie plus sévèrement que la possession de substances inscrites aux autres annexes. Les articles 45 et 46 du projet de loi font disparaître ces trois éléments de l’annexe III.
L’alinéa 515(6)d) du Code renverse le fardeau de la preuve s’il y a accusation au motif de certaines infractions prévues par la LRCDAS : l’intéressé doit faire valoir les raisons pour lesquelles il devrait bénéficier de la mise en liberté sous caution. L’article 32 du projet de loi donne plus d’ampleur à cet alinéa pour qu’il soit tenu compte de tous les articles 5 à 7 nouvellement modifiés de la LRCDAS en cas de demande de mise en liberté sous caution.
L’article 32 du projet de loi précise que toute infraction figurant aux articles 5 à 7 de la LRCDAS entraînera l’interdiction de posséder une arme à feu, sauf si le juge de paix qui accorde la mise en liberté sous caution estime que l’interdiction n’est pas nécessaire. Le libellé plus général de la nouvelle disposition tiendra compte des ajouts apportés à la LRCDAS, tels que le nouveau paragraphe 7(3). L’article 50 du projet de loi en fait autant pour le passage de la Loi sur la défense nationale interdisant la possession d’armes à feu.
L’article 33 du projet de loi tient compte du fait que l’actuel paragraphe 5(4) de la LRCDAS a été remplacé par le nouvel alinéa 5(3)a.1). Le nouveau sous‑alinéa 553c)(xi) du Code signifie qu’un juge de la cour provinciale a toute compétence pour juger un prévenu accusé de faire le trafic de petites quantités de substances inscrites à l’annexe II de la LRCDAS (le cannabis et ses dérivés).
L’article 34 du projet de loi C‑10 modifie l’article 742.1 du Code criminel (le Code), qui traite de l’octroi du sursis, de manière à supprimer la mention des infractions constituant des sévices graves à la personne. Il réduit aussi la possibilité de recourir aux peines d’emprisonnement avec sursis d’exécution pour toutes les infractions passibles d’une peine maximale d’emprisonnement de 14 ans ou d’emprisonnement à perpétuité et dans le cas de certaines infractions qui entraînent une mise en accusation et une peine maximale d’emprisonnement de 10 ans.
L’article 34 est presque identique au projet de loi C‑16 : Loi modifiant le Code criminel (titre abrégé : « Loi mettant fin à la détention à domicile de contrevenants violents et dangereux ayant commis des crimes contre les biens ou d’autres crimes graves »), qui a fait l’objet d’une première lecture à la Chambre des communes le 22 avril 2010. Ce projet de loi a été adopté en deuxième lecture, mais n’a franchi aucune autre étape avant de mourir au Feuilleton à la dissolution de la 40e législature le 26 mars 2011. La différence entre l’article 34 et le projet de loi C‑16 est la liste des infractions auxquelles s’applique cette partie du projet de loi C‑10 (voir plus loin la section 5.2 « Description et analyse »).
La peine d’emprisonnement avec sursis d’exécution (ci‑après « peine d’emprisonnement avec sursis »), introduite en septembre 1996, équivaut à une peine d’emprisonnement purgée dans la collectivité plutôt que dans un établissement correctionnel 122. C’est un moyen terme entre l’incarcération et les sanctions comme la probation ou l’amende. La peine d’emprisonnement avec sursis n’a pas été introduite à titre de mesure isolée : elle faisait partie du renouvellement des dispositions du Code relatives aux peines. Ces dispositions définissaient l’objet et les principes fondamentaux de la détermination de la peine. Le principe premier est la proportionnalité : la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du coupable 123. Les nouvelles dispositions ont ajouté d’autres principes, dont une liste de circonstances aggravantes ou atténuantes susceptibles d’influer sur les peines 124.
La peine d’emprisonnement avec sursis vise surtout à réduire le recours à l’incarcération en offrant une autre solution aux tribunaux. Elle permet également d’intégrer plus largement les notions liées à la justice réparatrice au processus de détermination de la peine, et ce, en incitant ceux qui ont causé des torts à les reconnaître et à les réparer.
À l’époque où elle a été incorporée au Code, la peine d’emprisonnement avec sursis était généralement considérée comme un bon mécanisme pour éviter d’incarcérer les auteurs d’infractions mineures. Beaucoup d’observateurs estimaient que le recours excessif à l’emprisonnement posait des problèmes, alors que les principes de la justice réparatrice semblaient bénéfiques. Dans la pratique, cependant, la peine d’emprisonnement avec sursis prête le flanc à la critique lorsqu’elle est imposée aux auteurs de crimes très graves 125.
En effet, certains s’inquiètent que parfois la peine d’emprisonnement avec sursis soit accordée aux personnes ayant commis des crimes très violents, des agressions sexuelles et d’autres infractions connexes, des infractions au Code de la route donnant lieu à la mort ou à des lésions graves et des vols commis dans le cadre d’un abus de confiance. Ainsi, tout en admettant qu’il soit peut‑être souhaitable d’accorder aux personnes passibles d’une peine d’emprisonnement pour des crimes non violents et peu graves un sursis leur permettant de purger leur peine dans la collectivité (pourvu qu’elles ne posent aucun danger pour celle‑ci), certains observateurs rappellent que, dans certains cas, la nature même de l’infraction et du délinquant exige que celui‑ci soit incarcéré. Ils estiment que le refus d’incarcérer les auteurs de crimes graves risque de discréditer tout le système des peines d’emprisonnement avec sursis et, par voie de conséquence, le système de justice pénale tout entier. Autrement dit, ce n’est pas le principe du sursis qui est en cause, mais plutôt son application dans des cas qui sembleraient justifier l’emprisonnement.
Les dispositions régissant les peines d’emprisonnement avec sursis sont énoncées aux articles 742 à 742.7 du Code. L’imposition de cette peine est assujettie à plusieurs conditions :
S’agissant de la dernière condition, les objectifs de la détermination de la peine sont notamment les suivants :
Comme nous l’avons vu, le principe fondamental qui sous‑tend la détermination de la peine est celui de la proportionnalité : la peine imposée par le tribunal doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Il faut aussi tenir compte des circonstances aggravantes ou atténuantes, de la similitude des peines pour des infractions semblables, de l’obligation d’éviter l’excès de nature ou de durée dans l’infliction de peines consécutives et de l’obligation, avant d’imposer une peine d’emprisonnement, d’envisager dans la mesure du possible les sanctions moins contraignantes.
Outre les conditions décrites ci‑dessus, la peine d’emprisonnement avec sursis doit être accompagnée d’un certain nombre d’obligations imposées au délinquant. Ainsi, selon l’article 742.3 du Code, le délinquant doit :
Par ailleurs, d’autres obligations peuvent être imposées facultativement en fonction de la situation particulière du délinquant. Par exemple, on peut intimer à celui‑ci de ne pas consommer d’alcool ou de drogues, de ne pas être propriétaire, possesseur ou porteur d’une arme, d’accomplir jusqu’à 240 heures de service communautaire, de suivre un programme de traitement approuvé par la province ou d’observer d’autres conditions raisonnables que le tribunal juge souhaitables pour garantir la bonne conduite du délinquant et l’empêcher de commettre la même infraction ou une autre infraction. Le tribunal doit veiller à ce que l’on remette au délinquant une copie de l’ordonnance de sursis et qu’on lui explique les conséquences d’un manquement aux conditions ainsi que la procédure à suivre pour faire modifier les conditions facultatives.
L’article 742.6 du Code énonce la procédure à suivre en cas de manquement à une ou à plusieurs des conditions de la peine d’emprisonnement avec sursis. L’allégation de manquement peut être fondée sur une preuve documentaire et doit alors être étayée par un rapport écrit de l’agent de surveillance où figurent, dans la mesure du possible, les déclarations signées des témoins. Le délinquant doit recevoir copie de ce rapport. Si le tribunal est convaincu, par une preuve prépondérante, qu’il y a eu manquement, sans excuse raisonnable, à une condition (la preuve de toute excuse incombe au délinquant), il peut choisir entre les options suivantes : ne pas agir; modifier les conditions facultatives; suspendre le sursis et ordonner au délinquant de purger une partie de sa peine en prison, après quoi le sursis rentrera en vigueur, avec ou sans modification des conditions facultatives; mettre fin au sursis et ordonner que le délinquant soit incarcéré jusqu’à la fin de la peine.
Au lieu d’imposer une peine d’emprisonnement avec sursis, le tribunal peut surseoir au prononcé même de la peine et délivrer une ordonnance de probation. Selon l’article 731 du Code, lorsqu’une personne est déclarée coupable d’une infraction, le tribunal peut, selon l’âge et la réputation du délinquant, la nature de l’infraction et les circonstances dans lesquelles elle a été commise, surseoir au prononcé de la sentence et ordonner que le délinquant soit libéré sous réserve des conditions prévues dans une ordonnance de probation. Cette possibilité ne s’offre au tribunal que dans le cas d’infractions pour lesquelles aucune peine minimale n’est prévue par la loi.
Le tribunal a le pouvoir de mettre fin au sursis octroyé lors du prononcé de la sentence et de révoquer l’ordonnance de probation lorsque le délinquant est déclaré coupable d’une infraction pendant sa probation. Il a aussi l’option d’ordonner que le délinquant respecte les conditions de l’ordonnance, de lui infliger une amende ou de le condamner à une peine d’emprisonnement maximale de deux ans. La peine d’emprisonnement peut faire l’objet d’un sursis d’exécution, auquel cas l’ordonnance de probation entre en vigueur à l’expiration de la peine avec sursis. Le tribunal peut en outre rendre une ordonnance de probation dans laquelle il absout l’accusé (inconditionnellement ou sous certaines conditions) en vertu du paragraphe 730(1). La période maximale de probation est de trois ans 126.
Comme la peine d’emprisonnement avec sursis, l’ordonnance de probation est assortie de conditions, les unes obligatoires et les autres facultatives. Selon l’article 732.1 du Code, les conditions obligatoires sont l’obligation, pour le délinquant, de ne pas troubler l’ordre public et d’afficher une bonne conduite, de répondre aux convocations du tribunal, de prévenir le tribunal ou l’agent de probation de tout changement de nom ou d’adresse et de l’informer immédiatement de tout changement d’emploi ou d’occupation.
Parmi les conditions facultatives que le tribunal peut imposer au délinquant figurent l’obligation de se présenter à l’agent de probation lorsqu’on lui ordonne de le faire, l’abstinence d’alcool et de drogues, l’interdiction d’être propriétaire, possesseur ou porteur d’une arme, la participation active à un programme de traitement (si le délinquant est d’accord) et le respect des autres conditions raisonnables que le tribunal juge souhaitables pour garantir la protection de la société et faciliter la réinsertion sociale du délinquant. Comme c’est le cas pour les peines avec sursis d’exécution, le tribunal est tenu de remettre au délinquant une copie de l’ordonnance de probation et de lui expliquer les conséquences d’un manquement aux conditions de l’ordonnance et la procédure à suivre pour faire modifier les conditions facultatives.
L’article 733.1 du Code précise les conséquences qui attendent le délinquant qui, sans excuse raisonnable, omet ou refuse de se conformer aux conditions d’une ordonnance de probation : il est alors déclaré coupable, selon le cas, soit d’un acte criminel, ce qui le rend passible d’une peine d’emprisonnement maximale de deux ans, soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, ce qui le rend passible d’un emprisonnement maximal de 18 mois et d’une amende maximale de 2 000 $, ou de l’une de ces deux peines.
Les dispositions évoquées plus haut font ressortir d’importantes différences entre la peine d’emprisonnement avec sursis, le sursis au prononcé de la peine et l’ordonnance de probation. D’abord, contrairement à ce qui se produit dans le cas du sursis au prononcé de la peine prévu à l’alinéa 731(1)a) du Code, le tribunal, dans le contexte de l’emprisonnement avec sursis, impose une peine d’incarcération, mais cette peine est purgée dans la collectivité plutôt que dans un établissement correctionnel.
Deuxièmement, le tribunal peut, dans l’ordonnance de sursis, exiger que le délinquant suive un programme de traitement conformément à l’alinéa 742.3(2)e). Le consentement du délinquant n’est pas nécessaire, contrairement à ce que prévoit l’alinéa 732.1(3)g) pour les ordonnances de probation.
Troisièmement, d’après le libellé de la disposition générale de l’alinéa 732.1(3)h) qui porte sur les conditions facultatives de l’ordonnance de probation, ces conditions visent notamment à faciliter la réinsertion sociale du délinquant. Or, la disposition générale de l’alinéa 742.3(2)f) portant sur les conditions de la peine d’emprisonnement avec sursis n’accorde pas la même place à la réadaptation et à la réinsertion sociale du délinquant et rend ainsi possible l’imposition de conditions punitives telles que la détention à domicile ou un couvre‑feu strict. On constate encore une fois que la peine d’emprisonnement avec sursis est plus punitive que l’ordonnance de probation.
Pour conclure, il convient de remarquer que dans le cas d’une peine d’emprisonnement avec sursis, le manquement aux conditions rend le délinquant passible de sanctions qui vont de l’inaction du tribunal à l’obligation de purger le reste de la peine en détention. En revanche, le manquement aux conditions de l’ordonnance de probation est une infraction en soi et donne lieu à des sanctions qui peuvent aller jusqu’à l’emprisonnement. La différence tient au fait que, dans le cas d’un manquement aux conditions de l’ordonnance de sursis, il suffit d’une preuve établie selon la prépondérance des probabilités alors que, pour l’ordonnance de probation, le manquement doit être prouvé hors de tout doute raisonnable, puisqu’il s’agit d’une nouvelle infraction.
Les critiques formulées contre les pratiques de détermination des peines au Canada ont tendance à mettre au premier plan la nature de l’infraction. Or, il faut aussi tenir compte de l’importance accordée par les tribunaux aux facteurs qui aggravent ou atténuent la responsabilité du délinquant ainsi qu’aux circonstances entourant l’infraction. Comme nous l’avons vu, les dispositions du Code qui portent sur la détermination de la peine font une large place aux sanctions « moins contraignantes » dans la mesure du possible, et prescrivent aux tribunaux de ne recourir à l’incarcération que si les peines à purger dans la collectivité ne conviennent pas. Ensemble, ces dispositions accordent aux tribunaux une certaine latitude dans l’exercice du pouvoir judiciaire. Avec le temps, les cours d’appel et la Cour suprême du Canada ont donné des instructions plus détaillées sur l’application des différents principes aux différentes catégories d’infractions et de délinquants. Rappelons que la plupart des causes analysées ci‑dessous ont été jugées avant l’introduction des récentes modifications qui ont limité davantage les types d’infractions excluant la possibilité d’une peine d’emprisonnement avec sursis.
La cause la plus importante dans le domaine de l’emprisonnement avec sursis est l’arrêt R. c. Proulx de la Cour suprême 127. La Cour a examiné la question des peines d’emprisonnement avec sursis dans cette affaire de conduite dangereuse qui a causé la mort et des lésions corporelles. Avant cet arrêt, il y avait peu de principes directeurs, en dehors des critères établis par le Code, pouvant orienter les juges dans la détermination de l’opportunité d’imposer des peines d’emprisonnement avec sursis. Dans son jugement, la Cour suprême, tout en cautionnant fermement ce type de sanction, a fait clairement comprendre qu’il fallait apporter un certain nombre de changements à la manière dont il était utilisé. Elle a énoncé certains principes qui peuvent être résumés comme suit :
Le principal résultat de l’arrêt Proulx est qu’il n’existe pas de présomption contre le recours à la peine d’emprisonnement avec sursis dans le cas des crimes autres que ceux pour lesquels une période d’incarcération est obligatoire.
Un autre arrêt clé de la Cour suprême concerne le rôle que la peine d’emprisonnement avec sursis devrait jouer dans le cas de délinquants autochtones. L’affaire R. c. Wells 128 concerne un Autochtone condamné à 20 mois d’incarcération pour agression sexuelle. En confirmant que cette peine était justifiée dans les circonstances, la Cour suprême a conclu que l’examen de la possibilité d’un emprisonnement avec sursis pour un délinquant autochtone devait se faire selon les étapes suivantes :
Ainsi, la possibilité d’une peine d’emprisonnement avec sursis ne peut pas être écartée par présomption; toutefois, dans les faits, malgré ce que dispose l’alinéa 718.2e), les infractions violentes et graves entraînent l’emprisonnement pour les délinquants autochtones aussi souvent que pour les délinquants non autochtones. Bien que l’avocat et le rapport présentenciel soient les principales sources d’information sur la situation du délinquant, le juge a l’obligation positive de se renseigner lui‑même 129. En l’espèce, le juge a bien rempli cette obligation. L’application de l’alinéa 718.2e) du Code ne signifie pas que les délinquants autochtones doivent toujours recevoir la peine qui accorde le plus de poids aux principes de la justice réparatrice et le moins de poids aux objectifs tels que la dissuasion, la dénonciation et l’isolement. L’infraction commise en l’occurrence était grave, de sorte que les principes de la dénonciation et de la dissuasion ont valu au délinquant une peine d’emprisonnement ferme.
Pour choisir entre une peine d’emprisonnement avec sursis et une peine d’emprisonnement ferme, les tribunaux peuvent également se référer à quelques autres affaires. Ainsi, dans l’affaire R. c. Knoblauch 130, la Cour a conclu qu’il n’est pas interdit d’imposer des peines d’emprisonnement avec sursis à des délinquants atteints de troubles mentaux. L’obligation du délinquant de passer la période du sursis dans un établissement de soins psychiatriques sécuritaire faisait en sorte que le risque pour la collectivité n’était pas plus élevé que le risque de récidive posé par un délinquant au pénitencier.
Dans l’affaire R. c. Fice 131, la Cour suprême a statué sur le cas d’une femme qui avait attaqué sa mère à coups de bâton de baseball et qui l’avait étranglée au moyen d’un cordon téléphonique. La Cour a conclu que la femme aurait dû être incarcérée au lieu d’être autorisée à purger sa peine dans la collectivité. Par ailleurs, de l’avis de la Cour, si un juge, après avoir examiné la gravité de l’infraction et la culpabilité morale du délinquant, conclut qu’une peine d’incarcération dans un pénitencier est justifiée et que l’emprisonnement avec sursis n’est donc pas possible, la période de détention présentencielle ne doit pas avoir pour effet de modifier cette conclusion.
Le jugement rendu dans l’affaire R. v. F.(G.C.) 132 montre comment les cours d’appel du Canada ont mis au point des lignes directrices, à l’usage des tribunaux inférieurs, en matière de recours à la peine d’emprisonnement avec sursis. La Cour d’appel de l’Ontario a signalé avoir précisé à maintes reprises que cette peine devrait rarement être imposée dans les cas d’agressions sexuelles contre des enfants, en particulier si l’accusé se trouvait en situation de confiance. De plus, les activités sexuelles multiples qui s’étendent sur une longue période et qui deviennent de plus en plus envahissantes justifient en général une peine sévère.
L’affaire R. c. Coffin 133 est un cas où une cour d’appel a mis en valeur d’autres aspects des principes de détermination de la peine afin de pouvoir imposer une peine d’emprisonnement ferme et non une peine d’emprisonnement avec sursis. Dans cette affaire, le délinquant a reconnu sa culpabilité relativement à 15 chefs d’accusation de fraude à l’égard du gouvernement du Canada. La Cour d’appel a estimé que le juge de première instance n’avait pas accordé suffisamment d’importance à certains principes et objectifs de détermination de la peine; en particulier, selon la Cour d’appel, le juge de première instance n’avait pas suffisamment pris en compte le principe voulant que la peine soit proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant 134, le fait que l’un des objectifs importants de la détermination de la peine est la dénonciation et la dissuasion 135 et le principe selon lequel il convient d’infliger des peines semblables à celles infligées à des délinquants reconnus coupables d’infractions semblables commises dans des circonstances semblables 136. En règle générale, une peine d’emprisonnement est la norme au Canada dans le cas de fraudes d’envergure bien planifiées et s’étalant sur de longues périodes.
Statistique Canada signale que les peines d’emprisonnement avec sursis ne représentent encore qu’une petite proportion de l’ensemble des peines infligées. Quoique l’on tende à utiliser les peines d’emprisonnement avec sursis plus fréquemment depuis quelques années, cette utilisation a reculé en 2006 et 2007. En 2002‑2003, les peines d’emprisonnement avec sursis représentaient 8,3 % du nombre d’adultes confiés aux services correctionnels 137. En 2009, cette proportion avait augmenté légèrement, atteignant 8,4 % 138. La même année, la grande majorité (82 %) des 122 006 délinquants sous surveillance dans la collectivité étaient en probation, tandis que 11 % d’entre eux étaient sous le coup d’une peine d’emprisonnement avec sursis et 7 %, en liberté surveillée ou libérés d’office 139.
D’ailleurs, le taux d’incarcération au Canada a augmenté de 1 % en 2008‑2009 par rapport à l’année précédente; il s’agissait de la quatrième augmentation en autant d’années. La raison principale était le nombre croissant d’adultes qui attendaient leur procès ou la détermination de leur peine dans des établissements correctionnels provinciaux ou territoriaux. Les augmentations récentes du taux d’incarcération font suite à une diminution assez régulière entre 1996‑1997 et 2004‑2005. Un jour moyen en 2008‑2009, il y avait au Canada 37 234 détenus adultes et 1 898 détenus âgés de 12 à 17 ans, pour un total de 39 132, soit 117 personnes incarcérées pour 100 000 habitants. Le taux d’incarcération au Canada a tendance à être plus élevé que celui de la plupart des pays de l’Europe de l’Ouest, mais il est inférieur à celui des États‑Unis. Par exemple, en 2008, le taux de détention en Suède était de 74 personnes pour 100 000 habitants, alors qu’aux États‑Unis, il s’élevait à 760 pour 100 000 uniquement pour les adultes. (Les États‑Unis ne comptent pas les jeunes dans leur taux 140.) Selon Statistique Canada, l’instauration des peines d’emprisonnement avec sursis en 1996 a donné aux tribunaux l’option de faire purger des peines dans la communauté et a ainsi permis de réduire le nombre de personnes mises en prison pour purger leur peine 141.
L’imposition de peines d’emprisonnement avec sursis devrait entraîner non seulement une réduction du taux d’incarcération, mais aussi des économies en ce qui concerne le système carcéral. En effet, le coût annuel moyen de l’incarcération d’un détenu dans un établissement provincial ou territorial (ce qui inclut la mise sous garde et d’autres formes de détention temporaire) s’élevait à 52 195 $ en 2005‑2006 et le coût annuel moyen de l’incarcération d’un détenu dans un établissement fédéral s’élevait à 94 900 $ 142, alors que la surveillance d’un délinquant dans la collectivité (y compris les peines d’emprisonnement avec sursis, la probation, la surveillance des personnes en liberté sous caution, les amendes, et la mise en liberté sous condition) était de 2 398,05 $ en 2006‑2007 143. Malheureusement, on ne dispose pas de statistiques nationales publiques sur la proportion d’ordonnances non respectées ou sur les réactions des tribunaux aux manquements aux conditions. Un sondage antérieur a révélé que le taux de peines d’emprisonnement avec sursis purgées avec succès avait diminué entre 1997‑1998 et 2000‑2001, passant de 78 à 63 %. Ce taux décevant était largement attribuable au fait que les délinquants ne respectaient pas le nombre croissant de conditions qui leur étaient imposées, plutôt qu’à une augmentation quelconque du taux de nouvelles infractions commises par les délinquants bénéficiant d’un sursis 144.
Une étude des tribunaux de première instance de l’Ontario et du Manitoba révèle une hausse de la proportion de délinquants placés en détention et un déclin correspondant de la proportion de délinquants autorisés à continuer de purger leur peine dans la collectivité à la suite d’un manquement injustifié aux conditions. En 1997‑1998, par exemple, 65 % des délinquants du Manitoba jugés coupables d’un manquement sans excuse raisonnable aux conditions de l’ordonnance ont par la suite été placés en détention pendant un certain temps; en 2000‑2001, cette proportion a atteint 74 %. En Ontario, elle est passée de 42 à 50 % pendant la même période. Ces données - qui sont les statistiques les plus récentes dont nous disposons - montrent que, depuis l’arrêt Proulx de la Cour suprême, les tribunaux prennent des mesures plus rigoureuses à la suite de manquements aux conditions attachées à la peine d’emprisonnement avec sursis 145.
Étant donné que la peine d’emprisonnement avec sursis est relativement nouvelle, peu d’études scientifiques ont été menées sur ses conséquences pour le système de justice pénale. De plus, il n’y a pas suffisamment de données statistiques sur la détermination de la peine au Canada; même l’Enquête sur les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes menée par Statistique Canada n’a pas fourni certaines données importantes. Il ressort d’une étude effectuée en 2004 que les peines d’emprisonnement avec sursis ont un effet important sur les taux de détention, qui ont baissé de 13 % depuis l’instauration de cette option 146. Cela veut dire que la peine d’emprisonnement avec sursis a permis d’éviter la prison à environ 55 000 délinquants. Il y a eu, cependant, un élargissement du filet : entre septembre 1996 (introduction de l’option d’imposer une peine d’emprisonnement avec sursis) et la fin de mars 2001, environ 5 000 délinquants qui auraient reçu une sanction autre que la détention avant 1996 ont été condamnés à une peine d’emprisonnement avec sursis, qui est une forme de détention 147.
Une autre étude de Statistique Canada a révélé que les détenus adultes qui purgent leur peine sous surveillance dans la collectivité sont beaucoup moins susceptibles d’avoir de nouveau affaire aux autorités correctionnelles dans les 12 mois suivant leur libération que ceux qui sont admis dans des établissements correctionnels 148. En particulier, elle a permis de constater que pendant la période 2003‑2004, dans quatre provinces, 11 % des personnes placées sous surveillance dans la collectivité avaient eu de nouveau affaire aux autorités correctionnelles dans les 12 mois suivant leur libération. Parmi les détenus incarcérés, ce chiffre s’élevait à 30 %, soit plus du double du taux chez les délinquants qui étaient sous surveillance dans la collectivité. L’étude ne dit cependant rien du lien entre les antécédents criminels et les résultats des peines. Or, les antécédents criminels sont souvent considérés comme un facteur de risque de récidive. Par ailleurs, le fait même qu’un délinquant ait fait l’objet d’une peine d’incarcération peut indiquer que dès le départ il posait un risque plus élevé que les délinquants placés sous surveillance dans la collectivité.
On a constaté des écarts considérables entre les taux d’incarcération des différentes provinces : dans certaines d’entre elles, le filet s’est nettement élargi; dans d’autres, c’est le contraire qui s’est produit 149. Dans plusieurs provinces, la réduction du nombre de placements en détention dépasse largement l’imposition de peines d’emprisonnement avec sursis. Il y a donc eu un changement d’orientation qui privilégie les solutions de rechange plutôt que l’emprisonnement; ce changement est peut‑être le résultat des modifications législatives adoptées en 1996 150. L’une de ces modifications est la codification du principe de la modération dans le recours aux peines d’emprisonnement.
Une étude portant sur les victimes d’actes criminels et sur leur attitude à l’égard de l’emprisonnement avec sursis a conclu que ce type de peine présenterait les avantages suivants :
L’étude a conclu que la notion de la peine purgée dans la collectivité est clairement acceptée par les victimes, sauf lorsqu’on y a recours dans le cas de crimes violents très graves 152. La gravité de ces crimes justifie la détention aux yeux des victimes. Une étude montre que les peines d’emprisonnement avec sursis ne sont imposées pour des crimes violents très graves que dans un petit pourcentage des cas. Les auteurs de l’étude estiment que, si l’on prête plus d’attention aux intérêts des victimes au moment de définir les peines d’emprisonnement avec sursis, on pourrait faire avancer la justice réparatrice par des mesures qui veillent à la réparation, à la reconnaissance des torts et à la protection des victimes d’actes criminels. De cette façon, on pourrait aussi aider les délinquants à comprendre les torts que leur crime a causés et rendre les peines d’emprisonnement avec sursis plus crédibles comme option valable susceptible de se substituer à l’emprisonnement.
Sous sa nouvelle forme, l’article 742.1 du Code ne mentionne plus les infractions constituant des sévices graves à la personne; il met l’accent plutôt sur la durée maximale des peines d’emprisonnement applicables aux infractions au Code. Outre les dispositions actuelles relatives aux peines d’emprisonnement minimales, à la sécurité de la collectivité, aux infractions liées au terrorisme et aux organisations criminelles, le nouveau libellé de l’article prévoit ce qui suit :
La liste d’infractions figurant à l’article 34 du projet de loi C‑10 diffère de plus d’une façon de celle contenue dans l’ancien projet de loi C‑16. L’infraction de leurre n’est plus sur cette liste, parce que l’article 22 du projet de loi C‑10 prévoit une peine minimale obligatoire dans ce cas. Les infractions entraînant une telle peine ne peuvent donner lieu à une peine d’emprisonnement avec sursis, raison pour laquelle il n’est pas nécessaire que le leurre figure sur la liste des infractions contre les personnes de moins de 14 ans que l’on soustrait au régime des condamnations avec sursis.
Deux infractions sont ajoutées à la liste : l’enlèvement d’une personne de moins de 14 ans (art. 281) et le vol d’un véhicule à moteur (art. 333.1). Une autre infraction en est supprimée, l’enlèvement par un parent ou un tuteur (art. 283).
L’article 34 du projet de loi C‑10 supprime de l’article 742.1 du Code la mention des infractions constituant des « sévices graves contre la personne ». Or, c’est cette disposition qui fait en sorte que les auteurs d’agressions sexuelles ne sont pas admissibles à des peines d’emprisonnement avec sursis. En effet, la peine d’emprisonnement maximale applicable à l’agression sexuelle est de 10 ans et les auteurs d’un tel crime sont, faute de disposition spéciale, admissibles aux peines d’emprisonnement avec sursis. C’est probablement la raison pour laquelle le projet de loi inclut spécialement l’infraction d’agression sexuelle dans le nouvel alinéa 742.1f) du Code et pour laquelle il inclut également le harcèlement criminel dans la liste des infractions de ce même alinéa. En effet, parmi les « sévices graves à la personne » figure la conduite « ayant infligé, ou susceptible d’infliger, des dommages psychologiques graves à une autre personne ». La catégorie des dommages psychologiques est remplacée dans le nouvel alinéa 742.1e) par « lésions corporelles ». Or, le harcèlement criminel peut parfois causer uniquement des dommages psychologiques, et le délinquant pourrait ainsi bénéficier d’une peine d’emprisonnement avec sursis, à moins que ce crime soit incorporé à la liste spéciale des infractions énumérées à l’alinéa 742.1f). Par ailleurs, le fait de proférer des menaces, infraction prévue à l’article 264.1 du Code, peut lui aussi provoquer des dommages psychologiques graves, mais l’auteur d’une telle infraction sera admissible à une peine d’emprisonnement avec sursis même si l’article 34 du projet de loi est adopté.
Les modifications proposées à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition à la partie 3 du projet de loi C‑10 ont pour objectif d’accroître la responsabilité des délinquants fédéraux, de resserrer les règles concernant la libération sous condition des détenus et d’inclure de façon spécifique les intérêts des victimes dans le processus correctionnel.
Les articles 52 à 107 et l’article 147 du projet de loi sont similaires aux dispositions du projet de loi C‑39 : Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et d’autres lois en conséquence (titre abrégé : « Loi supprimant la libération anticipée des délinquants et accroissant leur responsabilité ») présenté et lu pour la première fois à la Chambre des communes le 15 juin 2010 153. Ce projet de loi a été lu une deuxième fois le 20 octobre 2010 et renvoyé au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes pour une étude plus approfondie, pour ensuite mourir au Feuilleton lorsque des élections générales ont été déclenchées le 26 mars 2011.
Il importe également de noter que la procédure d’examen expéditif en vue d’une libération conditionnelle a été abrogée lorsque le projet de loi C‑59 : Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (procédure d’examen expéditif) et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois (titre abrégé : « Loi sur l’abolition de la libération anticipée des criminels ») 154 a reçu la sanction royale le 23 mars 2011.
Le projet de loi C‑10 vise à accroître la responsabilité des délinquants fédéraux et à resserrer les règles concernant la libération sous condition des détenus fédéraux (c.‑à‑d. ceux condamnés à des peines de deux ans et plus) notamment en :
Le projet de loi vise aussi à améliorer la sécurité publique, notamment en :
Enfin, le projet de loi vise également de façon spécifique les intérêts des victimes, notamment en :
Plusieurs des articles présentés dans le projet de loi apportent des modifications mineures à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC), par exemple des modifications linguistiques ou des reformulations qui visent à clarifier l’intention du législateur. Certains articles visent également à améliorer l’efficacité de l’administration des peines, par exemple en augmentant le nombre maximal de membres pouvant siéger à la Commission des libérations conditionnelles du Canada.
La LSCMLC prévoyait l’examen parlementaire de son application et de ses dispositions cinq ans après son entrée en vigueur 155, et en novembre 1998 le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes a chargé un sous‑comité de cet examen. Le Sous‑comité a remis son rapport contenant 53 recommandations en mai 2000 156. La réponse du gouvernement a été présentée en novembre de la même année 157. Le gouvernement avait aussi procédé en 1998 à sa propre consultation publique 158, qui s’était soldée par un rapport distinct sur d’éventuelles modifications 159. Ainsi que nous l’avons mentionné plus tôt, des projets de loi ont été présentés pour mettre en œuvre certaines des recommandations qui découlent de ces rapports, mais ils sont morts au Feuilleton. En conséquence, la LSCMLC n’a été modifiée qu’à certains égards depuis son adoption en 1992 160.
Enfin, il importe de souligner que plusieurs dispositions du projet de loi s’inspirent des recommandations formulées dans le rapport intitulé Feuille de route pour une sécurité publique accrue 161, présenté en octobre 2007 par le Comité d’examen du Service correctionnel du Canada pour remplir le mandat que lui avait confié le gouvernement fédéral le 20 avril 2007, c’est‑à‑dire examiner les opérations du Service correctionnel du Canada. Michael Jackson 162, professeur à la faculté de droit de l’Université de la Colombie‑Britannique, et Graham Stewart, ancien directeur général de la Société John Howard du Canada, ont fortement critiqué ce rapport dans un document intitulé A Flawed Compass : A Human Rights Analysis of the Roadmap to Strengthening Public Safety 163, paru en septembre 2009. En général, les auteurs soulignent que la transformation prônée du système correctionnel va à l’encontre du respect des droits de la personne. Ils estiment par ailleurs qu’elle ne repose pas sur des preuves empiriques vérifiées, mais sur des mythes idéologiques.
Au Canada, la responsabilité en matière correctionnelle est répartie entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux en fonction de la peine imposée par le tribunal. Les personnes condamnées à une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus sont prises en charge par le Service correctionnel du Canada, alors que celles condamnées à une peine de moins de deux ans, à une peine d’emprisonnement avec sursis ou encore détenues en attente de leur procès sont prises en charge par les systèmes correctionnels provinciaux et territoriaux.
Le système correctionnel fédéral se compose du Service correctionnel du Canada (SCC), de la Commission des libérations conditionnelles du Canada 164 (CLCC) et du Bureau de l’enquêteur correctionnel (BEC). La LSCMLC, en vigueur depuis 1992 165, porte le fondement législatif du SCC (partie I), de la CLCC (partie II) et du BEC (partie III). Elle énonce leurs responsabilités respectives et les principes qui doivent guider leurs actions, et prévoit les définitions et les règles d’application des libérations sous condition, de même que les règles de sécurité pour les délinquants à risque élevé. Elle établit également les règles qui visent à assurer la transparence du système correctionnel et la participation des victimes. La LSCMLC est complétée par le Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (ci‑après, « le Règlement ») 166.
Le SCC est dirigé par le commissaire du Service correctionnel du Canada, qui fait rapport au ministre de la Sécurité publique. Le SCC est chargé d’incarcérer les délinquants et de les préparer à une mise en liberté éventuelle au sein de la communauté. En plus d’appliquer la peine, le SCC est responsable de la surveillance des délinquants en liberté sous condition dans la communauté. À cette fin, il passe des contrats avec de nombreux organismes du secteur privé qui exploitent des maisons de transition.
Créée en 1959 167, la CLCC est un tribunal administratif indépendant qui a compétence exclusive pour accorder, refuser, annuler ou révoquer la libération conditionnelle des délinquants, à savoir la semi‑liberté et la libération conditionnelle totale. La CLCC prend aussi des décisions sur les libérations conditionnelles des délinquants dans les provinces et les territoires qui n’ont pas leurs propres commissions des libérations conditionnelles 168.
L’enquêteur correctionnel, dont la fonction créée en 1973 n’était pas formellement prévue dans une loi avant l’adoption de la LSCMLC en 1992, fait office d’ombudsman pour les délinquants sous responsabilité fédérale. Le BEC a pour fonction première d’enquêter sur les plaintes formulées par un délinquant ou en son nom et d’y donner suite. Il lui incombe également d’examiner les politiques et les pratiques du SCC, afin de cerner les carences systémiques et leur solution, et de faire des recommandations en ce sens.
Aux termes de la LSCMLC, un délinquant peut se voir accorder, en tout temps après son admission au pénitencier, la permission de sortir avec escorte et, après la date d’admissibilité applicable 169, la permission de sortir sans escorte, le placement à l’extérieur, la semi‑liberté, la libération conditionnelle totale et la libération d’office 170.
Les permissions de sortir constituent généralement la première forme de mise en liberté que peut obtenir un délinquant sous la responsabilité du SCC. Elles ont pour but de permettre la réintégration temporaire des détenus dans la collectivité à des fins très précises 171. Il en existe deux types : la permission de sortir avec escorte (PSAE) et la permission de sortir sans escorte (PSSE), deux formes de sortie dans la collectivité dont la durée maximale est généralement de 15 jours.
Les détenus peuvent demander une PSAE à n’importe quel moment de leur peine d’emprisonnement. Le pouvoir d’accorder ce type de libération appartient au directeur du pénitencier, sauf dans le cas des personnes condamnées à perpétuité. Ce cas exige du directeur du pénitencier qu’il obtienne l’approbation de la CLCC.
Les critères d’admissibilité à la PSSE varient en fonction du genre et de la durée de la peine :
Selon les circonstances de la demande, le pouvoir d’autoriser les PSSE appartient à la CLCC, au commissaire du SCC ou au directeur du pénitencier.
Le placement à l’extérieur est un programme de mise en liberté sous condition qui permet à certains détenus de travailler dans la collectivité. Sa durée maximale est de 60 jours. Les détenus peuvent généralement demander ce genre de libération après avoir purgé la plus longue des périodes suivantes : le sixième de leur peine ou six mois.
Cette permission est accordée par le directeur du pénitencier. Cependant, seuls les détenus à faible risque de récidive peuvent bénéficier d’un tel programme, et ce, uniquement dans le but de rendre service à la collectivité, par exemple pour l’accomplissement de travaux dans un centre communautaire, un hôpital ou un foyer pour personnes âgées.
La semi‑liberté est une forme de libération conditionnelle qui a pour but de préparer le détenu à la libération conditionnelle totale ou à la libération d’office. Elle est généralement accordée pour une période maximale de six mois et donne au délinquant la possibilité de participer à des activités sous surveillance dans la collectivité. Le pouvoir d’autoriser la semi‑liberté appartient exclusivement à la CLCC.
La semi‑liberté est plus limitée que la libération conditionnelle totale. En effet, à moins d’obtenir une autorisation spéciale de la CLCC, les détenus en semi‑liberté doivent retourner chaque soir dans un établissement correctionnel ou une maison de transition.
L’admissibilité à cette forme de mise en liberté varie en fonction du genre et de la durée de la peine :
La libération conditionnelle totale permet au délinquant de purger le reste de sa peine sous surveillance dans la collectivité. Comme il s’agit d’une forme de libération conditionnelle, le pouvoir de l’octroyer relève exclusivement de la CLCC. Le détenu en libération conditionnelle totale doit se présenter régulièrement à un surveillant de liberté conditionnelle et l’informer de tout changement important dans sa vie personnelle ou professionnelle. À l’exception des condamnés à perpétuité pour meurtre, qui doivent purger entre 10 et 25 ans de leur peine avant de pouvoir présenter une demande 172, la majorité des délinquants peuvent demander une libération conditionnelle totale après avoir purgé le tiers de leur peine (à moins que le juge ait ordonné, en prononçant la sentence, qu’une période minimale de 10 ans ou que la moitié de la peine soit purgée avant que le détenu puisse accéder à ce type de libération).
La libération d’office est une mesure de dernier recours. Au contraire des autres types de libérations sous condition, la plupart des délinquants bénéficient automatiquement de cette forme de libération après avoir purgé les deux tiers de leur peine. À l’instar des détenus en liberté conditionnelle, les délinquants libérés d’office peuvent finir de purger leur peine dans la collectivité, sous surveillance et sous réserve de conditions précises.
La LSCMLCdispose que la plupart des détenus sous responsabilité fédérale doivent automatiquement être libérés d’office s’ils n’ont pas bénéficié de la libération conditionnelle totale. Elle prévoit aussi que les détenus purgeant une peine d’emprisonnement à perpétuité ou d’une durée indéterminée ne peuvent avoir accès à la libération d’office. De plus, afin d’assurer la protection du public, le SCC peut soumettre le dossier d’un délinquant à la CLCC afin qu’elle procède à son analyse, si le SCC estime que le délinquant est susceptible de commettre une infraction causant la mort ou un dommage grave à une autre personne, une infraction d’ordre sexuel à l’égard d’un enfant ou une infraction grave en matière de drogue avant l’expiration de sa peine.
En règle générale, le renvoi à la CLCC doit se faire six mois avant la date prévue pour la libération d’office. La CLCC pourra alors autoriser la libération d’office du détenu, autoriser une libération d’office unique (si la libération est révoquée pour une raison ou une autre, le délinquant devra automatiquement purger le reste de sa peine en détention), assortir la libération d’office de conditions de résidence ou décider, au moyen d’une ordonnance, de maintenir le délinquant en incarcération jusqu’à la fin de sa peine. Une telle ordonnance devra faire l’objet d’un réexamen annuel, à l’issue duquel la CLCC pourra soit la confirmer, soit l’annuler. L’annulation de l’ordonnance permettra la libération d’office du détenu, libération qui pourra être assortie d’une condition de résider dans un établissement communautaire.
Le maintien en incarcération est un instrument qui sert au système correctionnel dans son rôle de protection du public, en permettant de garder en détention jusqu’à la fin de leur peine les délinquants jugés dangereux pour la société.
Dans tous les cas et pour tous les types de libération, c’est le SCC qui est responsable de la surveillance des délinquants dans la collectivité. Les agents de liberté conditionnelle du SCC ont donc le pouvoir de renvoyer en détention les détenus en libération qu’ils estiment présenter un risque trop grand pour la communauté. Les commissaires de la CLCC ont le pouvoir de révoquer la liberté de l’individu si les conditions de son plan de libération ne sont pas respectées.
Selon l’article 3 de la LSCMLC, le système correctionnel a pour objectif de contribuer au maintien d’une société juste en veillant à ce que l’exécution des peines soit faite au moyen de mesures de garde et de surveillance sécuritaires et humaines. Le système correctionnel doit également prévoir des programmes adéquats dans les pénitenciers ou dans la collectivité, puisque toute réadaptation doit favoriser la réinsertion sociale des délinquants à titre de citoyens respectueux des lois.
L’article 4 de la LSCMLC énonce les principes qui guident le SCC dans l’exécution de son mandat, notamment celui voulant que la protection de la société soit le critère prépondérant du système correctionnel.
Le législateur a voulu, avec les modifications proposées à l’article 54 du projet de loi C‑10, insister sur la protection de la société en tant que critère prépondérant en la plaçant seule dans le nouvel article 3.1.
L’article 54 du projet de loi propose également d’ajouter au principe voulant que le SCC tienne compte de toute information pertinente lors de l’exécution de la peine, les notions de « la nature et la gravité de l’infraction » et du « degré de responsabilité du délinquant ».
Le projet de loi propose également de retirer de l’actuel alinéa 4d) le principe selon lequel « les mesures nécessaires à la protection du public, des agents et des délinquants doivent être le moins restrictives possible » afin de le remplacer par le principe voulant que les mesures « ne vont pas au‑delà de ce qui est nécessaire et proportionnel aux objectifs de la présente loi » (nouvel al. 4c)).
Le projet de loi propose également de retirer de l’actuel alinéa 4e) le principe selon lequel « le délinquant continue à jouir des droits et privilèges reconnus à tout citoyen, sauf ceux dont la suppression ou restriction est une conséquence nécessaire de la peine qui lui est infligée » afin de le remplacer par le principe de la « restriction légitime » (nouvel al. 4d)). Cette nouvelle notion n’est pas expliquée dans le projet de loi. De plus, la notion de « privilèges » n’a pas été réinsérée dans cet article de la LSCMLC.
Des précisions sont également apportées aux autres principes qui guident le SCC. Il est important de souligner, par exemple, que la notion de santé mentale a été ajoutée de manière expresse aux principes. Ainsi, dans l’exécution de son mandat, le SCC doit notamment prendre en compte les besoins des personnes nécessitant des soins de santé mentale dans ses directives générales, ses programmes et ses pratiques. Le SCC est actuellement confronté à un défi de taille en ce qui concerne la gestion des délinquants atteints de troubles mentaux. Selon l’enquêteur correctionnel du Canada, Howard Sapers, les troubles mentaux sont jusqu’à trois fois plus fréquents chez les détenus en établissement fédéral que dans la population générale. Il note par ailleurs qu’au moment de leur admission en milieu carcéral, un délinquant sur dix et plus d’une délinquante sur cinq souffrent de troubles mentaux importants 173.
L’article 55 du projet de loi modifie la LSCMLC afin d’y prévoir expressément la notion de « plan correctionnel ». Cette notion n’est pas nouvelle, puisqu’elle existait déjà à l’article 102 du Règlement. Le projet de loi permet d’être plus spécifique dans l’élaboration du plan correctionnel en ce qui a trait aux éléments et objectifs visés chez le délinquant, en particulier afin d’assurer sa réhabilitation et sa réinsertion sociale à titre de citoyen respectueux des lois.
Pour établir un plan correctionnel, le délinquant rencontre un agent correctionnel le plus tôt possible après son admission. À ce moment, le délinquant est informé des objectifs recherchés quant à son comportement, à sa participation aux programmes et à ses obligations qui découlent des différentes ordonnances judiciaires, notamment à l’égard de la restitution et du dédommagement pour ce qui est des victimes ou en matière d’aliments pour enfants 174. Le plan correctionnel vise sa réhabilitation et sa réinsertion sociale et lui permet de connaître les attentes de l’administration à son égard. On s’attend à ce que le délinquant participe activement à la réalisation des objectifs qui sont énoncés dans son plan correctionnel. À cette fin, l’article 55 prévoit que le commissaire du SCC peut « établir des mesures incitatives pour encourager les délinquants à atteindre les objectifs de leur plan correctionnel » et que le SCC « doit tenir compte des progrès accomplis par le délinquant en vue de l’atteinte des objectifs de son plan 175 ».
Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, le SCC doit mettre sur pied des programmes qui contribuent à la réinsertion sociale des délinquants. Cela étant dit, des problèmes d’accès ont été soulevés à maintes reprises par l’enquêteur correctionnel et plusieurs intervenants, notamment l’insuffisance de programmes, le manque de place dans les programmes et l’incapacité du SCC à les offrir en temps opportun (avant l’échéance de la date d’admissibilité à la libération conditionnelle).
En vue d’accorder une plus grande considération aux victimes d’actes criminels, le projet de loi prévoit leur participation aux audiences de libération conditionnelle et tente d’élargir la gamme d’informations que le SCC et la CLCC sont en mesure de leur communiquer. Ces nouvelles démarches, qui sont reprises de l’ancien projet de loi C‑43 (2e session, 40e législature), avaient été jugées comme un bon point de départ par l’ancien ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels, Steve Sullivan, mais demeuraient, selon lui, insuffisantes. Dans son rapport intitulé Pour un plus grand respect des victimes dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, l’ombudsman explique que « [m]ême si le [Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels] appuyait le projet de loi [C‑43] parce qu’il tenait compte des besoins et des préoccupations des victimes, à son avis il n’abordait pas toutes les questions importantes ». L’ombudsman note que les recommandations contenues dans son rapport publié en 2010 tentent de répondre davantage aux besoins des victimes et d’accroître l’efficacité de la LSCMLC à leur égard 176.
Le paragraphe 2(1) de la LSCMLC définit une « victime » comme une personne qui a subi des dommages corporels ou moraux par suite de la perpétration d’une infraction. Dans l’éventualité où cette personne décède, devient malade ou incapable, son époux, la personne qui vit avec elle – ou vivait avec elle au moment de son décès – dans une relation conjugale depuis au moins un an, un de ses parents, une personne à sa charge ou quiconque en a la garde (en droit ou en fait), de même que de toute personne aux soins de laquelle elle est confiée ou qui est chargée de son entretien peut être considérée comme « victime ». Le projet de loi ajoute à cette définition toute personne qui a la garde, en droit ou en fait, ou qui est chargée de l’entretien d’une personne à la charge de la victime principale ou confiée à ses soins, si celle‑ci est décédée, malade ou incapable.
Le paragraphe 57(1) du projet de loi modifie le sous‑alinéa 26(1)b)ii) de la LSCMLC, qui autorise le SCC à communiquer certains renseignements aux victimes. Lorsque son intérêt justifie nettement une violation du droit à la vie privée du délinquant, la victime a maintenant le droit de connaître non seulement l’emplacement du pénitencier où le délinquant est détenu, mais également le nom de ce pénitencier, les raisons du transfèrement du délinquant dans un autre pénitencier ainsi que le nom et l’emplacement de celui‑ci. Dans la mesure du possible, la victime a également le droit de recevoir un préavis du transfèrement du délinquant dans un établissement à sécurité minimale et de connaître le nom et l’emplacement de cet établissement, ainsi que les motifs à l’appui du transfèrement. Elle peut également connaître les programmes auxquels le délinquant participe ou a participé et qui visent à répondre à ses besoins et contribuer à sa réinsertion sociale. De plus, la victime peut être informée de toute infraction disciplinaire grave que le délinquant a commise ainsi que les raisons à l’appui d’une permission de sortir.
La LSCMLC prescrit à la CLCC de tenir une audience dans certains cas, par exemple lors du premier examen en vue d’accorder la semi‑liberté régulière dans les cas de délinquants qui purgent des peines de plus de deux ans, du premier examen en vue d’accorder la libération conditionnelle totale, des examens en vue du maintien en incarcération plutôt que de l’octroi de la libération d’office, et des examens postérieurs à la suspension ou à la cessation de la libération conditionnelle ou d’office 177.
Le paragraphe 96(2) du projet de loi modifie la LSCMLC afin de permettre aux victimes de présenter des déclarations aux audiences de la CLCC. Si la victime assiste à l’audience, elle peut présenter des déclarations à l’égard des dommages ou des pertes qui résultent de l’infraction, des effets que celle‑ci a encore sur elle, notamment les préoccupations qu’elle a quant à sa sécurité et à l’égard de l’éventuelle libération du délinquant. Même si la victime n’assiste pas à l’audience, elle peut présenter une déclaration sous toute forme jugée acceptable par la CLCC. Une transcription de la déclaration doit être envoyée à la CLCC avant l’audience. La capacité de présenter une déclaration s’applique aussi à la personne visée au paragraphe 142(3) de la LSCMLC, qui a subi un dommage ou une perte imputable à un acte du délinquant, acte qui a donné lieu au dépôt d’une plainte auprès de la police ou du procureur de la Couronne ou a fait l’objet d’une dénonciation conformément au Code criminel (le Code) et dans laquelle elle note les effets que la conduite du délinquant a encore sur elle, notamment les préoccupations qu’elle a quant à sa sécurité, et à l’égard de l’éventuelle libération du délinquant.
Le paragraphe 98(2) du projet de loi modifie l’alinéa 142(1)b) de la LSCMLC en permettant également de communiquer à la victime le fait que le délinquant a renoncé à son droit à une audience au titre du paragraphe 140(1) et le motif de la renonciation, le cas échéant.
L’objet de l’isolement préventif est précisé à l’article 31 de la LSCMLC : empêcher un détenu d’entretenir des rapports avec l’ensemble des autres détenus. L’article 60 du projet de loi modifie cette disposition afin que l’objet de l’isolement préventif soit d’assurer la sécurité d’une personne ou du pénitencier en empêchant un détenu d’entretenir des rapports avec d’autres détenus.
De plus, l’article 61 du projet de loi modifie les droits du détenu en isolement préventif en supprimant la notion de « privilèges » de l’article 37 de la LSCMLC.
L’article 64 du projet de loi ajoute à la LSCMLC une disposition selon laquelle le SCC peut obliger un délinquant à porter un dispositif de surveillance à distance lorsque la permission de sortir, le placement à l’extérieur, la libération conditionnelle ou d’office ou l’ordonnance de surveillance de longue durée est assorti de conditions interdisant au délinquant l’accès à une personne ou à un endroit spécifique ou l’obligeant à demeurer à l’intérieur d’un secteur géographique. Le délinquant a le droit de présenter des observations quant à la durée de cette ordonnance.
L’article 65 du projet de loi modifie l’article 61 de la LSCMLC afin de permettre au directeur du pénitencier d’autoriser, par écrit, la fouille de véhicules au pénitencier. Le directeur du pénitencier doit avoir des motifs raisonnables de croire qu’il existe une menace sérieuse à la vie ou à la sécurité de quiconque ou à la sécurité du pénitencier en raison de la présence d’un objet interdit ou de tout élément de preuve relatif à la planification ou à la perpétration d’une infraction criminelle. Une deuxième condition rend la fouille du véhicule nécessaire afin d’enrayer la menace et de saisir l’objet ou l’élément de preuve.
Il est à noter que l’article 61 de la LSCMLC prévoit déjà qu’un agent peut sans soupçon précis, dans des cas justifiés par des raisons de sécurité, procéder à une fouille des véhicules qui se trouvent au pénitencier. Dans des circonstances constituant une infraction prévue à l’article 45 178, lorsque l’agent a des motifs raisonnables de croire qu’un objet interdit 179 se trouve dans un véhicule, au pénitencier, il peut avec l’autorisation préalable du directeur, fouiller le véhicule. Lorsque le délai pour obtenir une autorisation mettrait en danger la vie ou la sécurité de quiconque ou entraînerait la perte ou la destruction de l’objet interdit, l’agent peut fouiller le véhicule sans autorisation.
La LSCMLC prévoit que le gouverneur en conseil a le pouvoir de prendre des règlements. L’article 69 du projet de loi modifie l’article 96 de la LSCMLC afin d’autoriser :
Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, la CLCC est un tribunal administratif indépendant qui a compétence pour prendre des décisions sur les libérations conditionnelles, en se fondant sur les audiences qu’elle tient ou les renseignements que lui communique le SCC, ou les deux.
Les compétences de la CLCC sont exposées à l’article 107 de la partie II de la LSCMLC. La CLCC :
Les principes qui guident la CLCC (et les commissions provinciales de libération conditionnelle du Québec et de l’Ontario) dans l’exécution de son mandat, énoncés à l’article 101 de la LSCMLC, sont modifiés par le projet de loi afin de refléter les changements apportés aux principes qui guident le SCC, énoncés à la partie I de cette loi. Ainsi, le projet de loi modifie la LSCMLC pour que la protection de la société soit le critère prépondérant appliqué par la CLCC et les commissions provinciales et pour qu’il soit tenu compte de la nature, de la gravité de l’infraction et du degré de responsabilité du délinquant lors de la prise de décisions.
L’article 73 du projet de loi apporte une modification à l’article 103 de la LSCMLC afin de porter de 45 à 60 le nombre maximal de membres à temps plein de la CLCC (le nombre maximal de membres à temps partiel demeure indéterminé). L’article 73 prévoit également que la « Commission des libérations conditionnelles est maintenue sous le nom de Commission des libérations conditionnelles du Canada ».
Plusieurs délinquants fédéraux purgent des peines d’emprisonnement pour plus d’une infraction. Certains sont condamnés à plusieurs peines d’emprisonnement le même jour, alors qu’ils n’en purgeaient aucune; d’autres sont condamnés à des peines d’emprisonnement supplémentaires, alors que leur peine d’emprisonnement initiale n’était pas expirée. Cette situation, loin d’être exceptionnelle, complique le calcul des peines et, par le fait même, des dates d’admissibilité aux différentes formes de libération sous condition.
Le paragraphe 139(1) de la LSCMLC dit que les détenus condamnés à une peine d’emprisonnement supplémentaire avant l’expiration de leur peine d’emprisonnement sont réputés n’avoir été condamnés qu’à une seule peine commençant le jour du début de l’exécution de la première et se terminant à l’expiration de la dernière. La façon dont le paragraphe est actuellement rédigé ne tient pas compte des délinquants qui reçoivent plusieurs peines d’emprisonnement le même jour alors qu’ils n’en purgeaient aucune.
L’article 94 du projet de loi remplace l’intertitre « Peines multiples » par « Fusion de peines ». L’article 95 du projet de loi modifie donc le paragraphe 139(1) en éliminant la notion de « peine supplémentaire », afin que la LSCMLC établisse clairement que les délinquants condamnés le même jour à plusieurs peines d’emprisonnement, alors qu’ils n’en purgeaient aucune, tout comme ceux qui reçoivent une peine supplémentaire avant l’expiration de leur peine, sont considérés comme ayant été condamnés à une seule peine d’emprisonnement commençant le jour du début de l’exécution de la première et se terminant à l’expiration de la dernière.
L’article 120.1 de la LSCMLC énonce les règles qui régissent le temps d’épreuve pour l’admissibilité à la libération conditionnelle totale des délinquants qui reçoivent une peine d’emprisonnement supplémentaire consécutive avant que leur peine initiale soit expirée.
L’article 76 du projet de loi modifie l’article 120.1 en ajoutant au paragraphe 120.1(1) les règles régissant l’admissibilité à la libération conditionnelle totale des personnes condamnées le même jour à plusieurs peines d’emprisonnement alors qu’elles n’en purgeaient aucune. Aux termes de ce paragraphe, ces délinquants ne seront admissibles à la libération conditionnelle totale qu’après avoir purgé le temps d’épreuve égal à la somme des périodes suivantes : le temps d’épreuve requis relativement à la partie de la peine déterminée en vertu du paragraphe 139(1), qui est visée par une ordonnance rendue en vertu de l’article 743.6 du Code ou de l’article analogue de la Loi sur la défense nationale (art. 140.4) 180, et le temps d’épreuve requis relativement à toute autre partie de cette peine. Le nouveau paragraphe tient compte de la pratique existante au sein du système correctionnel fédéral pour déterminer le temps d’épreuve pour l’admissibilité à la libération conditionnelle totale de ces délinquants.
Ce même article du projet de loi précise les règles d’admissibilité à la libération conditionnelle totale, notamment pour :
L’article 75 du projet de loi modifie la LSCMLC de manière à prévoir expressément l’admissibilité à la libération conditionnelle de l’adolescent qui a reçu une peine spécifique en vertu des alinéas 42(2)n), o), q) ou r) de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et qui est transféré dans un établissement correctionnel provincial pour adultes ou un pénitencier en vertu des articles 89, 92 ou 93 de cette loi.
Les articles 78 et 79 du projet de loi allongent le délai de présentation de nouvelles demandes de libérations conditionnelles (semi‑liberté et libération conditionnelle totale). En cas de refus de sa demande de semi‑liberté ou en cas d’annulation ou de cessation de sa libération conditionnelle, le délinquant doit, avant de présenter une nouvelle demande de semi‑liberté, attendre l’expiration soit d’un délai d’un an à compter de la date du refus, de l’annulation ou de la cessation, soit du délai inférieur que fixent les règlements ou que détermine la CLCC.
En vertu du paragraphe 79(2) du projet de loi, si la CLCC refuse d’ordonner ou d’accorder la libération conditionnelle totale du délinquant, ou annule ou met fin à sa libération conditionnelle, le délinquant doit attendre l’expiration d’un délai d’un an après la date de refus, d’annulation ou de cessation ou du délai inférieur que fixent les règlements ou détermine la CLCC.
Le projet de loi prévoit également que dans le cas d’une demande de semi‑liberté ou de libération conditionnelle totale, le délinquant ne peut retirer sa demande dans les 14 jours qui précèdent l’examen de son dossier, à moins qu’il soit nécessaire de la retirer et qu’il n’ait pas pu le faire avant en raison de circonstances indépendantes de sa volonté 181.
Sauf ordonnance contraire à l’issue d’un examen en vue du maintien en incarcération, tous les délinquants qui ne purgent pas des peines d’emprisonnement à perpétuité ou à durée indéterminée sont présumés avoir le droit d’être remis en liberté et d’y rester après avoir purgé les deux tiers de leur peine, et ce, jusqu’à l’expiration de leur peine – ce que l’on appelle parfois l’« expiration de mandat » (art. 127 de la LSCMLC). L’article 31 du projet de loi précise la date à laquelle un délinquant dont la libération conditionnelle ou d’office a été révoquée devient admissible à la libération d’office. Cette date survient le jour où le délinquant a purgé soit les deux tiers de la partie de la peine qui lui restait à purger au moment de la réincarcération, soit en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement supplémentaire suivant la réincarcération, les deux tiers de la partie de la peine qui commence à la date de réincarcération et se termine à la date d’expiration de la peine, compte tenu de la peine supplémentaire.
L’article 81 ajoute aussi un paragraphe qui détermine la nouvelle date de libération d’office du délinquant condamné à une peine d’emprisonnement supplémentaire après avoir été libéré et dont la libération conditionnelle ou d’office est suspendue plutôt que révoquée. Le délinquant doit purger à compter du jour de la réincarcération qui a suivi la suspension de la libération conditionnelle ou d’office ou du jour résultant de la réincarcération résultant de la condamnation à la peine supplémentaire, le premier en date du temps d’épreuve égal à la somme des périodes suivantes :
L’article 82 du projet de loi ajoute aux dispositions relatives à la libération d’office un article concernant les adolescents déclarés coupables et ayant reçu des peines imposées en vertu des alinéas 42(2)n), o), q) ou r) de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ou transférés dans un pénitencier en vertu des paragraphes 89(2), 92(2) ou 93(2) de cette loi. La nouvelle disposition prévoit que ces adolescents ont le droit d’être mis en liberté d’office à la date à laquelle la période de garde de la peine spécifique aurait expiré.
Le paragraphe 84(1) du projet de loi prescrit au SCC de procéder, plus de six mois avant la date prévue pour la libération d’office, au renvoi à la CLCC en vue d’un maintien en incarcération, le dossier de tout délinquant dont la peine d’emprisonnement d’au moins deux ans comprend une peine infligée pour une infraction visée à l’annexe I ou II et lui transmet tous les renseignements en sa possession qui, à son avis, sont pertinents s’il estime que :
Seule une permission de sortir avec escorte pour des raisons médicales peut être accordée aux délinquants dont la CLCC a interdit la mise en liberté avant l’expiration légale de leur peine. Le paragraphe 85 du projet de loi ajoute la possibilité d’une telle permission pour des raisons administratives, par exemple pour transférer le délinquant dans un autre pénitencier.
La CLCC peut, pour protéger la société ou favoriser la réinsertion sociale du délinquant, imposer des conditions spéciales à la libération d’office, y compris celle de demeurer dans un établissement résidentiel communautaire ou un établissement psychiatrique 182. Le paragraphe 133(4.1) de la LSCMLC actuelle ne permet l’assignation à résidence que s’il est déterminé que le délinquant peut perpétrer une infraction visée à l’annexe I avant l’expiration légale de sa peine et qu’il présenterait un risque inacceptable pour la société. L’article 86 du projet de loi modifie le paragraphe 133(4.1) afin de permettre l’assignation à résidence dans les cas où l’on détermine que le délinquant risque de commettre une infraction d’organisation criminelle 183.
L’article 89 du projet de loi modifie l’article 135 de la LSCMLC, qui régit la suspension, la cessation ou la révocation éventuelle de la libération conditionnelle ou d’office d’un délinquant qui viole une condition de libération ou qui commet une autre infraction et qui est condamné à une peine d’emprisonnement supplémentaire. Le paragraphe 89(1) prévoit maintenant la suspension automatique lorsque le délinquant est condamné à une peine d’emprisonnement supplémentaire, autre qu’une peine discontinue (en vertu de l’art. 732 du Code) ou qu’une peine purgée dans la collectivité (en vertu de l’art. 742.1 du Code), à la date de la condamnation à la peine supplémentaire. La CLCC, le commissaire du Service correctionnel ou une personne désignée peut délivrer un mandat d’arrestation à l’égard du délinquant dont la libération conditionnelle ou d’office a été suspendue et ordonner sa réincarcération jusqu’à l’annulation de la suspension, jusqu’à la cessation ou la révocation de la libération conditionnelle ou d’office ou jusqu’à l’expiration de la peine. Un mandat de transfèrement dans un pénitencier fédéral peut aussi être délivré, si le délinquant a été incarcéré dans un autre établissement.
L’article 89 prévoit qu’une suspension liée à une peine d’emprisonnement supplémentaire doit faire l’objet d’un renvoi à la CLCC dans la période réglementaire 184. Le paragraphe 89(4) prévoit que la CLCC, une fois saisie du dossier, peut, à la demande du délinquant qui purge une peine de deux ans ou plus, accorder un ajournement. Un membre de la Commission ou la personne désignée par le président peut également reporter l’examen si cette personne est convaincue qu’une récidive de la part du délinquant avant l’expiration légale de la peine présentera un risque inacceptable pour la société. Elle peut donc mettre fin à la libération lorsque le risque dépend de facteurs indépendants de la volonté du délinquant ou la révoquer dans le cas contraire. Si la personne n’est pas convaincue que le risque de récidive présenterait un risque inacceptable pour la société, elle peut annuler la suspension. Dans les cas où le délinquant n’est plus admissible à la libération conditionnelle ou d’office, elle annule la suspension ou révoque la libération ou y met fin.
Comme le prévoit déjà la LSCMLC actuelle, la CLCC peut décider d’annuler la suspension si elle estime que c’est nécessaire et raisonnable et réprimander le délinquant, imposer d’autres conditions de libération ou repousser l’annulation de 30 jours.
Le paragraphe 89(5) du projet de loi prévoit que, si la Commission annule la suspension de la libération conditionnelle du délinquant, la date d’admissibilité à la libération conditionnelle est déterminée en vertu des articles 119 à 120.3 de la LSCMLC. Si elle est postérieure à celle de l’annulation, le délinquant est remis en semi‑liberté ou en liberté conditionnelle totale à sa date d’admissibilité, le cas échéant et sous réserve du nouveau paragraphe 135(6.3). Ce dernier prévoit que la CLCC peut faire un réexamen du dossier préalablement à la remise en liberté conditionnelle et sur le fondement de nouveaux renseignements et peut annuler la libération conditionnelle ou y mettre fin. En vertu du nouveau paragraphe 135(6.4), si la décision d’annuler la libération conditionnelle ou d’y mettre fin est rendue sans audience, elle doit faire l’objet d’une confirmation ou d’une annulation lors d’une révision au cours de la période prévue par règlement.
L’article 92 du projet de loi ajoute le nouvel article 137.1 à la LSCMLC afin de permettre à tout agent de la paix d’arrêter sans mandat « le délinquant qui a violé ou qu’il trouve en train de violer une condition de sa libération conditionnelle ou d’office ou de sa permission de sortir sans escorte ». L’agent n’est toutefois pas tenu de procéder à l’arrestation sans mandat s’il a des motifs raisonnables de croire que l’intérêt public peut être sauvegardé sans arrêter le délinquant – eu égard aux circonstances, y compris la nécessité d’identifier le délinquant et d’empêcher une violation future ou une répétition d’une telle violation – ou s’il n’a aucun motif raisonnable de croire que s’il n’arrête pas le délinquant, celui‑ci omettra de se présenter devant l’agent de liberté conditionnelle.
L’article 100 apporte une modification pour permettre la nomination d’un certain nombre de membres à temps partiel et d’au plus six membres à temps plein à la Section d’appel de la CLCC. Les membres sont choisis par le gouverneur en conseil, sur recommandation du Ministre, parmi les membres nommés en vertu de l’article 103 de la LSCMLC.
L’article 101 ajoute à la LSCMLC l’article 154.1, selon lequel les membres de la CLCC n’ont pas qualité pour témoigner dans les affaires civiles et ne peuvent y être contraints, en ce qui concerne les questions venues à leur connaissance dans l’exercice de leurs fonctions en vertu de la LSCMLC ou toute autre loi fédérale. L’objectif est de permettre aux membres de la Commission de considérer la pertinence et la fiabilité des renseignements obtenus de témoins et de faire leurs observations à ce sujet sans craindre de devoir par la suite témoigner dans des procédures entre les parties.
Sortie sans escorte b [LSCMLC, 115; Code, 746.1] |
Semi-liberté [LSCMLC, 119; Code, 746.1] |
Libération conditionnelle totale (LCT) [LSCMLC, 120] |
Libération d’office [LSCMLC, 127] |
|
---|---|---|---|---|
Meurtre 1er degré | 22 ans | 22 ans | 25 ans [Code, 745] c | s.o. |
Meurtre 2e degré | 7 à 22 ans | 7 à 22 ans | 10 à 25 ans [Code, 745] c | s.o. |
Autre perpétuité | 4 ans | LCT – 6 mois | 7 ans d | s.o. |
Délinquants dangereux | 4 ans e | 4 ans | 7 ans [Code, 761] | s.o. |
Peine de 2 ans et plus | 1/6 de la peine (max. : 3,5 ans) (min. : 6 mois) |
LCT – 6 mois (min. : 6 mois) |
1/3 de la peine (max. : 7 ans) |
2/3 de la peine |
Cas d’exception (p. ex. maladie) |
[LSCMLC, 115(2)] | [LSCMLC, 121] | [LSCMLC, 121] | Maintien en incarcération [LSCMLC, 129 et suiv.] |
Augmentation du temps d’épreuve par voie judiciaire f |
1/2 de la peine (max. : 10 ans) [Code, 743.6] |
Notes:
ANNEXE I
(paragraphes 107(1), 129(1) et (2), 130(3) et (4), 133(4.1) et (4.3) et 156(3))
ANNEXE II
(paragraphes 107(1), 129(1), (2) et (9), 130(3) et (4), et 156(3))
Les articles 108 à 134, 137 à 146 et 148 à 165 de la partie 3 du projet de loi C‑10 modifient la Loi sur le casier judiciaire (LCJ) 185 pour remplacer le terme « réhabilitation » (aussi appelée « pardon », parfois sans égard à d’éventuelles différences de sens; le choix du terme dans le présent résumé législatif dépend du contexte et des sources citées) par l’expression « suspension du casier ». Ils portent la période d’inadmissibilité des demandes de suspension de casier à cinq ans dans le cas de toutes les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et à dix ans dans le cas de toutes les infractions punissables par voie de mise en accusation. Ils rendent en outre inadmissibles à la suspension du casier les personnes déclarées coupables d’une infraction sexuelle contre un mineur et celles qui ont été reconnues coupables de plus de trois infractions punissables par mise en accusation entraînant des peines d’emprisonnement de deux ans ou plus. Ces articles obligent aussi la Commission des libérations conditionnelles du Canada (appelée auparavant « Commission nationale des libérations conditionnelles ») à faire rapport au Parlement annuellement.
Ces articles sont essentiellement semblables à ceux du projet de loi C‑23B : Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et d’autres lois en conséquence (titre : Loi supprimant l’admissibilité à la réhabilitation pour des crimes graves), qui a été déposé et lu pour la première fois à la Chambre des communes le 11 mai 2010. Après l’étape de la deuxième lecture, ce projet de loi a été renvoyé au Comité permanent de la sécurité publique et nationale le 14 juin 2010, et il portait alors le numéro C‑23, mais, le 17 juin 2010, la motion suivante a été adoptée par la Chambre des communes :
Que, nonobstant tout article du Règlement ou usage habituel de la Chambre, le Comité permanent de la sécurité publique et nationale reçoive instruction de scinder le projet de loi C‑23, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et d’autres lois en conséquence, en deux projets de loi : le projet de loi C‑23A, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et le projet de loi C‑23B, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et d’autres lois en conséquence. 186
La motion exposait le libellé exact du projet de loi C‑23A et la teneur du projet de loi C‑23B. Le projet de loi C‑23A : Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et d’autres lois en conséquence (titre abrégé : « Loi limitant l’admissibilité à la réhabilitation pour des crimes graves ») a ensuite été unanimement réputé avoir fait l’objet d’un rapport sans proposition d’amendement et avoir été agréé à l’étape du rapport, lu pour la troisième fois et adopté. Ce projet de loi a par la suite été adopté sans modification par le Sénat le 28 juin 2010. Il a reçu la sanction royale le 29 juin 2010 et il est entré en vigueur sous le numéro L.C. 2010, chapitre 5. Les autres éléments du projet de loi initial (C‑23), réunis dans le projet de loi C‑23B, ont été renvoyés au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes 187 le 14 juin 2010. Le Comité a tenu quatre réunions et entendu 13 témoins sur la teneur du projet de loi, qui est toutefois mort au Feuilleton à la dissolution de la 40e législature le 26 mars 2011.
Dans les commentaires qu’il a formulés devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le président de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) a affirmé que le régime des pardons présente un double avantage : il favorise la réadaptation des personnes concernées et il accroît la sécurité dans les collectivités en encourageant ces personnes à mener une vie honnête et à bien se conduire 188. Une personne peut demander sa réhabilitation si elle a été reconnue coupable d’une infraction à une loi fédérale ou à un de ses règlements. Elle peut présenter cette demande même si elle n’est ni citoyenne canadienne ni résidente du Canada 189. Une personne condamnée à l’étranger puis transférée au Canada aux termes de la Loi sur le transfèrement international des délinquants 190 peut également présenter une demande.
Avant l’entrée en vigueur du projet de loi C‑23A, il était possible, aux termes de la LCJ, de présenter une demande de réhabilitation à la CLCC trois ans après l’expiration d’une peine pour une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité et cinq ans après l’expiration d’une peine pour une infraction punissable par voie de mise en accusation. Ces délais s’appliquaient aussi aux infractions d’ordre militaire visées par la Loi sur la défense nationale (LDN) 191, et les délais d’attente exigés variaient selon la peine imposée. Les dispositions suivantes continueront de s’appliquer : la peine est purgée en totalité si la personne a payé au complet toutes les amendes, les suramendes et les frais, et qu’elle a satisfait complètement aux ordonnances de restitution et de dédommagement; si la personne a fini de purger sa peine d’emprisonnement, y compris la période de liberté conditionnelle ou de liberté d’office; enfin, si elle a satisfait à toutes les ordonnances de probation 192. Comme leur peine n’est pas assortie d’une échéance, les personnes condamnées à l’emprisonnement à perpétuité ou pour une période indéterminée ne sont pas admissibles à la réhabilitation aux termes de la LCJ.
Il n’est pas nécessaire de présenter une demande de réhabilitation si le casier judiciaire ne contient que des absolutions inconditionnelles ou des absolutions sous conditions. Les absolutions inconditionnelles ou sous conditions accordées après le 24 juillet 1992 seront automatiquement éliminées du système des casiers judiciaires un an (dans le cas d’une absolution inconditionnelle) ou trois ans (dans le cas d’une absolution sous conditions) après la décision du tribunal. Pour faire retirer les casiers contenant des absolutions accordées avant le 24 juillet 1992, il faut s’adresser aux Services de pardon et d’épuration de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) 193.
Avant l’adoption du projet de loi C‑23A, la CLCC pouvait octroyer la réhabilitation à l’égard d’une infraction punissable par voie de mise en accusation si elle était convaincue que le demandeur s’était bien conduit et n’avait pas enfreint de nouveau une loi du Parlement ou l’un de ses règlements 194. Aux fins de la Commission, la « bonne conduite » désigne les comportements qui sont compatibles avec un style de vie respectueux des lois 195. Pour établir si l’intéressé s’est bien conduit aux fins de prise de décision, la Commission prend en considération l’information relative à un incident ayant donné lieu à une accusation qui a par la suite été retirée, qui a fait l’objet d’un arrêt de procédures ou qui a donné lieu à un engagement de garder la paix, à l’utilisation de mesures de rechange ou à l’acquittement du demandeur; toute trace d’absolution inconditionnelle ou sous conditions; l’information relative à d’éventuelles condamnations en vertu de lois provinciales; l’information fournie par les organismes d’application de la loi au sujet d’allégations ou de soupçons d’activités criminelles; les assertions présentées par le demandeur ou en son nom; tout renseignement soumis à la Commission par d’autres personnes qui connaissent le cas; pour les demandeurs condamnés pour une infraction d’ordre sexuel ayant fait l’objet de poursuites par voie de mise en accusation, tout renseignement fourni par les organismes d’application de la loi en réponse à une demande présentée par la Commission 196. Suivant l’ancienne procédure de réhabilitation, il fallait nécessairement accéder à une demande de réhabilitation à l’égard d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire si le demandeur n’avait pas commis de nouvelle infraction au cours du délai de trois ans.
Si la réhabilitation est refusée, le demandeur doit attendre un an avant de présenter une nouvelle demande. Si la réhabilitation est octroyée, la LCJ précise que la condamnation à l’égard de laquelle la réhabilitation a été octroyée « ne devrait plus ternir la réputation du demandeur » 197. La réhabilitation entraîne l’obligation de placer à l’écart des autres casiers judiciaires le dossier de la condamnation figurant dans la base de données fédérale dite du Centre d’information de la police canadienne (CIPC); autrement dit, une recherche de casiers judiciaires ne devrait pas révéler les dossiers pour lesquels une réhabilitation a été octroyée. La réhabilitation n’abolit cependant pas la condamnation. Elle n’autorise pas l’intéressé à affirmer qu’il n’a pas de casier judiciaire; elle lui permet simplement de déclarer qu’il a été gracié relativement à cette condamnation.
La Loi canadienne sur les droits de la personne 198 interdit d’établir une discrimination fondée sur une condamnation à l’égard de laquelle la réhabilitation a été octroyée. L’interdiction de discrimination s’applique à la prestation de services nécessaires à la personne, à l’hébergement ou aux questions d’emploi. La LCJ précise qu’aucun formulaire fédéral de demande d’emploi ne peut contenir de question exigeant du candidat qu’il dévoile son état de personne graciée. Cette interdiction s’applique aussi aux sociétés d’État, aux Forces canadiennes et à toute entreprise sous réglementation fédérale.
La réhabilitation comporte des limites, la plus importante étant peut‑être l’exception prévue dans le cas de certaines infractions d’ordre sexuel, où le nom du délinquant est associé à un code repère dans la base de données du CIPC. Si cette personne pose sa candidature pour travailler, bénévolement ou autrement, auprès d’enfants ou d’autres personnes vulnérables, elle devra laisser son employeur éventuel consulter son casier. Le pardon n’annule pas non plus diverses ordonnances d’interdiction, notamment celles touchant la possession d’armes à feu aux termes des articles 109 ou 110 du Code criminel (le Code) 199 ou l’interdiction de conduire aux termes de l’article 259 du Code. En outre, le pardon n’annule pas certaines obligations légales, par exemple l’obligation créée par divers articles du Code de s’inscrire en vertu de la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels 200.
La réhabilitation ne garantit pas la possibilité d’entrer dans un autre pays ni d’obtenir un visa, et si des autorités étrangères possèdent dans leurs bases de données des renseignements concernant le casier judiciaire d’une personne, l’octroi de la réhabilitation n’entraînera pas la suppression de ces renseignements. En outre, les tribunaux et les services de police canadiens (autres que la GRC) sont assujettis aux lois et règlements provinciaux et municipaux et ne sont donc pas légalement tenus de séparer des autres casiers judiciaires les dossiers des personnes graciées. Enfin, le nom, la date de naissance et la dernière adresse connue d’une personne graciée ou absoute peuvent être divulgués à un corps policier si l’on relève une empreinte digitale liée à cette personne sur les lieux d’un crime pendant une enquête ou dans le cadre d’une tentative visant à identifier une personne décédée ou une personne souffrant d’amnésie 201.
La réhabilitation est sujette à révocation. La CLCC peut la révoquer si le réhabilité est condamné pour une nouvelle infraction à une loi fédérale ou à ses règlements punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire; s’il existe des preuves convaincantes, selon elle, du fait que le réhabilité a cessé de bien se conduire; s’il existe des preuves convaincantes, selon elle, que le réhabilité avait délibérément, à l’occasion de sa demande de réhabilitation, fait une déclaration inexacte ou trompeuse, ou dissimulé un point important 202. Pour déterminer s’il y a lieu de révoquer le pardon d’une personne qui a été condamnée pour une nouvelle infraction à une loi fédérale ou à ses règlements, punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, la Commission doit tenir compte de tous les renseignements pertinents, ce qui comprend les renseignements qui semblent indiquer que la personne fait preuve d’indifférence significative à l’égard de la sécurité publique, de l’ordre public et/ou des lois et règlements, compte tenu de ses antécédents criminels; la similarité de l’infraction commise avec l’infraction pour laquelle le pardon a été reçu; la période qui s’est écoulée depuis la satisfaction de toutes les peines 203.
Les faits suivants entraînent la nullité de la réhabilitation :
S’il n’obtient pas la réhabilitation ou s’il n’y a pas accès, l’intéressé peut implorer la clémence. La prérogative royale de clémence découle de l’ancien pouvoir absolu qu’avaient les monarques britanniques de gracier leurs sujets. Au Canada, des pouvoirs analogues ont été conférés au gouverneur général qui, en sa qualité de représentant de la Reine, peut exercer la prérogative royale de clémence. Celle‑ci est essentiellement un pouvoir discrétionnaire absolu qui permet, dans des circonstances exceptionnelles, d’appliquer des mesures exceptionnelles à des personnes qui le méritent 205.
Dans la pratique, les demandes de clémence sont accueillies en vertu des lettres patentes qui constituent la charge de gouverneur général du Canada seulement lorsqu’il n’est pas légalement possible de se prévaloir des dispositions du Code. En conséquence, à quelques exceptions près, toutes les demandes de clémence sont acheminées au Cabinet fédéral aux fins de décision en vertu des dispositions du Code, plutôt qu’au gouverneur général du Canada 206.
L’article 748 du Code autorise le gouverneur en conseil à octroyer un pardon absolu ou conditionnel. Le pardon absolu est la reconnaissance officielle du fait qu’une personne a été condamnée par erreur. Toutes les conséquences de la condamnation, notamment les amendes, les interdictions ou les confiscations, sont annulées sur octroi d’un pardon absolu. En outre, tout dossier de condamnation sera éliminé des registres policiers et judiciaires et de toutes les bases de données officielles. Le seul critère de recevabilité d’une demande de pardon absolu est l’innocence de la personne condamnée. Pour qu’un pardon absolu soit envisagé, le demandeur doit avoir épuisé tous les mécanismes d’appel prévus dans le Code et les autres lois pertinentes. Pour établir clairement son innocence, le demandeur doit en outre fournir de nouvelles preuves qui n’étaient pas disponibles au moment où les tribunaux l’ont condamné ou au moment où l’appel a été examiné.
Un pardon conditionnel octroyé avant l’admissibilité à une réhabilitation aux termes de la LCJ a la même signification et le même effet qu’une réhabilitation octroyée en vertu de cette loi. Pour qu’un pardon conditionnel soit octroyé avant l’admissibilité aux termes de la LCJ, le demandeur doit être inadmissible au pardon aux termes de cette loi. Ce pardon ne peut être octroyé qu’en cas de bonne conduite, au sens de la LCJ, et conformément aux politiques de la CLCC à cet égard. Enfin, il doit exister une preuve substantielle de la sévérité excessive du châtiment, qui serait disproportionné par rapport à la nature et à la gravité de l’infraction et qui serait plus sévère que pour d’autres personnes dans une situation semblable.
L’article 748.1 du Code autorise le gouverneur en conseil à ordonner la remise totale ou partielle d’une amende ou d’une confiscation aux termes d’une loi fédérale. Une remise d’amende ou de confiscation correspond à l’élimination totale ou partielle de la peine imposée par le tribunal. De telles remises de peine doivent s’appuyer sur une preuve substantielle de la sévérité excessive du châtiment, en raison de circonstances ou de facteurs dont le tribunal qui a imposé la peine n’avait pas connaissance ou qui se sont produits ultérieurement à l’imposition de la peine. De plus, il faut déterminer si une remise de peine porterait préjudice à une autre personne.
L’article 749 du Code porte que la loi n’a pas pour effet de limiter, de quelque manière, la prérogative royale de clémence que possède Sa Majesté. La prérogative royale de clémence est exercée selon des principes généraux qui visent à assurer une démarche juste et équitable tout en garantissant que les mesures de clémence ne sont octroyées que dans des cas exceptionnels et seulement à des personnes qui le méritent vraiment.
Le rôle de la CLCC relativement aux demandes de clémence consiste à examiner les demandes, à mener les enquêtes conformément aux instructions du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, et à formuler des recommandations à l’intention du Ministre au sujet de l’opportunité d’octroyer la clémence. Toutes les mesures de clémence décrites ci‑dessus sont susceptibles d’être annulées si la demande a été approuvée sur la foi de renseignements qui se révèlent par la suite frauduleux. Toutes les mesures de clémence, à l’exception des pardons absolus, peuvent être annulées si l’une des conditions auxquelles elles ont été octroyées n’est pas respectée 207.
Les Services de gestion des renseignements judiciaires de la GRC gèrent l’information touchant quelque 2,8 millions de casiers judiciaires conservés dans la banque de données centrale, à Ottawa. Ces services analysent, créent et mettent à jour plus de 540 000 casiers judiciaires qui leur sont transmis chaque année par divers organismes d’application de la loi 208.
Depuis 1970, plus de 400 000 Canadiens ont été réhabilités (ou « se sont vu accorder un pardon »). Environ 96 % des réhabilitations sont encore en vigueur. En 2009‑2010, 24 139 demandes de réhabilitation ont été agréées, et au cours des cinq dernières années, 111 910 ont été agréées 209.
Pendant l’exercice 2009‑2010, la CLCC a reçu 32 105 demandes de réhabilitation. De ce nombre, plus de 7 000 étaient inadmissibles ou incomplètes ou ont été retirées. La Commission a traité 24 559 demandes. Finalement, 7 887 demandes de réhabilitation ont été agréées pour des infractions punissables par procédure sommaire, principalement des cas de conduite avec facultés affaiblies, des voies de fait, des vols et des infractions relatives aux drogues. La Commission a octroyé 16 247 pardons à des personnes condamnées par voie de mise en accusation. La grande majorité de ces infractions étaient des cas de conduite avec facultés affaiblies, des voies de fait, des vols et des infractions relatives aux drogues. La Commission a rejeté 425 demandes de réhabilitation pour des infractions punissables par voie de mise en accusation, en raison de la conduite insatisfaisante des demandeurs 210.
Selon des données obtenues de la CLCC en juin 2010, au cours des cinq années précédentes, 35,5 % des réhabilitations visaient des infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire seulement (pardon délivré) et 64,5 %, des cas d’au moins une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par voie de mise en accusation (pardon octroyé). Au cours des deux dernières années où les « infractions d’ordre sexuel » ont fait l’objet d’un suivi distinct, 2,4 % de l’ensemble des infractions visées par une réhabilitation s’inscrivaient dans cette catégorie; il s’agissait par exemple d’agressions sexuelles, de contacts sexuels, de viols, d’incestes, d’infractions relatives à la pornographie juvénile et de cas de grossière indécence 211.
En 2009‑2010, 37 demandes de clémence royale ont été présentées et une a été agréée 212.
Le projet de loi C‑23A a modifié les dispositions de la LCJ pour limiter l’admissibilité à la réhabilitation. Il a porté à dix ans la période d’attente prévue avant que les intéressés puissent demander une réhabilitation pour les sévices graves à la personne au sens de l’article 752 du Code 213, notamment l’homicide involontaire coupable, en cas de condamnation à l’emprisonnement de deux ans ou plus ou pour une infraction visée à l’annexe 1 du projet de loi qui a fait l’objet d’une poursuite par voie de mise en accusation 214. Il a porté à cinq ans le délai d’attente pour toute autre infraction qui a fait l’objet d’une poursuite par voie de mise en accusation, pour une infraction visée à l’annexe 1 du projet de loi qui est punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire ou pour une infraction qui est une infraction d’ordre militaire au sens de la LDN entraînant certains seuils de peine. Le délai d’attente est demeuré de trois ans pour toutes les autres infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et les infractions d’ordre militaire au sens de la LDN n’entraînant pas les seuils de peine fixés.
Le projet de loi a aussi ajouté de nouveaux critères de détermination de l’admissibilité à la réhabilitation. Indépendamment de l’infraction, le demandeur doit s’être bien conduit pendant tout le délai d’attente applicable et ne pas avoir été condamné pour une infraction à une loi fédérale 215.
Dans les cas de sévices graves à la personne (y compris l’homicide involontaire coupable) pour lesquels le demandeur a été condamné à un emprisonnement d’au moins deux ans ainsi que dans le cas des infractions visées à l’annexe 1 (ayant fait l’objet de poursuites par voie de mise en accusation ou par procédure sommaire), des autres infractions ayant fait l’objet de poursuites par voie de mise en accusation et de certaines infractions d’ordre militaire aux termes de la LDN, les critères dont la CLCC doit tenir compte sont que l’octroi d’un pardon constituerait un avantage appréciable pour le demandeur, favoriserait sa réintégration dans la société comme citoyen respectueux des lois et ne serait pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. C’est au demandeur qu’il incombe de convaincre la Commission qu’un pardon lui procurerait un avantage appréciable et favoriserait sa réinsertion sociale à titre de citoyen respectueux des lois.
Pour déterminer si l’octroi d’un pardon est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, la CLCC peut envisager la nature, la gravité et la durée de l’infraction, les circonstances entourant la perpétration de l’infraction, toute l’information portant sur les antécédents criminels du demandeur ou sur ses antécédents relatifs à des infractions d’ordre militaire, ainsi que tout autre facteur prévu par le règlement.
Le projet de loi C‑23A donne en outre un nouveau numéro à l’annexe existante de la LCJ, qui devient l’annexe 2. Cette annexe énumère les infractions pour lesquelles une indication peut être inscrite dans le système de recherche automatisée des dossiers de condamnation pénale afin de signaler qu’une réhabilitation a été octroyée pour certaines infractions d’ordre sexuel. L’attribution de tels codes repères à des dossiers permettra d’effectuer des recherches si quelqu’un pose sa candidature pour travailler auprès de personnes vulnérables à titre bénévole ou autrement. Une nouvelle annexe 1 a été ajoutée à la LCJ; celle‑ci énumère les infractions d’ordre sexuel à l’encontre de mineurs. L’article 4 de la loi, au sujet des restrictions relatives aux demandes de réhabilitation, renvoie à ces infractions.
Les dispositions du projet de loi C‑23A ne sont pas rétroactives. Elles ont reçu la sanction royale le 29 juin 2010 et sont entrées en vigueur immédiatement :
Le titre intégral actuel de la LCJ est Loi relative à la réhabilitation des condamnés qui se sont réadaptés. L’article 108 du projet de loi remplace ce titre par celui‑ci : Loi relative à la suspension du casier judiciaire des condamnés qui se sont réadaptés. Ce nouveau titre intégral utilise l’expression « suspension du casier » plutôt que « réhabilitation » des condamnés. Aucune réhabilitation ne sera délivrée ni octroyée à l’avenir sous le régime de la LCJ.
Le 22 juin 2010, lors de sa comparution devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le ministre de la Sécurité publique a expliqué le remplacement du terme « réhabilitation » par l’expression « suspension de casier » de la façon suivante :
ce n’est pas à l’État qu’il revient de pardonner aux criminels au nom des victimes, […] c’est un geste à poser par les victimes. L’État a certainement à faire sa part pour favoriser la réinsertion sociale des personnes reconnues coupables, et à mon avis, le recours à l’expression « suspension du casier » reflète plus fidèlement un tel rôle 217.
Le libellé actuel de l’article 2.1 de la LCJ dispose que la CLCC a compétence exclusive en matière d’octroi, de refus et de révocation des réhabilitations. L’article 110 du projet de loi modifie cet article pour préciser que la Commission a aussi toute latitude pour ordonner, refuser ou révoquer la suspension du casier. Ce changement de formulation fait ressortir la fonction décisionnelle de la Commission et le fait que l’octroi d’une suspension du casier n’est pas automatique. C’est à la Commission qu’il appartient de décider si une suspension de dossier est méritée.
Aux termes de l’article 4 de la LCJ, le délai d’attente actuel avant qu’une demande de réhabilitation soit admissible est de dix ans pour les sévices graves à la personne au sens de l’article 752 du Code, notamment l’homicide involontaire coupable, en cas de condamnation à l’emprisonnement de deux ans ou plus ou pour une infraction visée à l’annexe 1 de la LCJ qui a fait l’objet d’une poursuite par voie de mise en accusation. Ce délai d’attente est de cinq ans pour toute autre infraction qui a fait l’objet d’une poursuite par voie de mise en accusation, pour une infraction visée à l’annexe 1 de la LCJ qui est punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire ou pour une infraction qui est une infraction d’ordre militaire au sens de la LDN entraînant certains seuils de peine. La période d’attente est de trois ans pour toutes les autres infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et les infractions d’ordre militaire au sens de la LDN qui n’entraînent pas certains seuils de peine.
L’article 115 du projet de loi prévoit seulement deux délais d’attente. La période d’inadmissibilité d’une demande de suspension du casier sera de dix ans dans les cas d’infraction ayant fait l’objet de poursuites par voie de mise en accusation ou d’infraction d’ordre militaire au sens de la LDN qui entraînent certains seuils de peine. Elle sera par ailleurs de cinq ans pour les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et les infractions d’ordre militaire autres que celles qui entraînent certains seuils de peine.
L’article 115 rendra aussi certaines personnes inadmissibles à la suspension du casier. Il s’agit des personnes qui ont été condamnées pour une infraction visée à l’annexe 1 (infractions sexuelles à l’encontre de mineurs), qui a été ajoutée à la LCJ par le projet de loi C‑23A, ou de celles qui ont été condamnées pour plus de trois infractions dont chacune a fait l’objet d’une poursuite par voie de mise en accusation, ou, s’agissant d’infractions d’ordre militaire passibles d’emprisonnement à perpétuité, s’il a été infligé pour chacune au délinquant une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus.
L’inadmissibilité à une suspension du casier ne s’appliquerait pas aux personnes condamnées pour les infractions inscrites à l’annexe 1 de la LCJ si la CLCC est convaincue que cette personne :
Il incombe au demandeur de prouver qu’il satisfait à ces conditions.
Aux termes de l’article 4.2 de l’actuelle LCJ, la CLCC fait procéder aux enquêtes sur réception d’une demande de réhabilitation. Elle cherche ainsi à connaître la conduite du demandeur depuis la date de sa condamnation et peut, en cas d’infraction grave, faire procéder à des enquêtes pour déterminer si le fait d’octroyer la réhabilitation serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. L’article 117 du projet de loi modifie cet article pour que la Commission, sur réception d’une demande de suspension du casier, fasse procéder à des enquêtes en vue de déterminer si le demandeur est admissible à présenter la demande. Si ce dernier est jugé admissible, elle fait procéder aux enquêtes pour déterminer sa conduite depuis la date de sa condamnation. Libre à elle d’enquêter pour déterminer si le fait d’ordonner la suspension du casier serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, mais uniquement dans le cas d’infractions punissables par voie de mise en accusation et d’infractions d’ordre militaire graves au sens de la LDN.
L’article 128 du projet de loi ajoute l’article 9.01 à la LCJ. Aux termes de ce nouvel article, la CLCC peut communiquer ses décisions ordonnant ou refusant d’ordonner la suspension du casier. Elle ne peut toutefois révéler les renseignements qui risquent vraisemblablement de permettre l’identification d’un individu, à moins d’avoir le consentement de celui‑ci par écrit.
L’article 130 du projet de loi impose à la CLCC l’obligation de présenter un rapport au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile dans les trois mois suivant la fin de chaque exercice. Ce rapport doit contenir l’information suivante :
Le Ministre doit déposer ce rapport devant chaque Chambre du Parlement.
L’article 134 du projet de loi remplace l’annexe 2 de la LCJ par une nouvelle liste d’infractions, beaucoup plus brève. Il s’agit d’infractions qui seront signalées par un code repère afin que l’on puisse récupérer les dossiers, même si une suspension du casier a été ordonnée, si jamais l’auteur de l’infraction posait sa candidature pour travailler auprès de personnes vulnérables à titre bénévole ou autrement. De nombreuses infractions, par exemple celle prévue à l’article 151 du Code (contact sexuel avec une personne de moins de 16 ans), ne figurent pas dans la nouvelle annexe 2. Cette infraction, toutefois, est inscrite à l’annexe 1. Aux termes du nouveau paragraphe 4(2) de la LCJ, une personne condamnée pour une infraction figurant à l’annexe 1 ne peut pas demander de suspension du casier. Par conséquent, il ne sera pas nécessaire d’effectuer de recherche relative aux personnes vulnérables pour les infractions inscrites à l’annexe 1, puisqu’aucune suspension du casier ne peut être ordonnée.
Les modifications corrélatives apportées par le projet de loi modifient diverses lois pour remplacer les termes « réhabilitation » par l’expression « suspension du casier »; le terme « pardon » est utilisé pour désigner le pardon accordé par Sa Majesté en vertu de la prérogative royale de clémence ou en vertu de l’article 748 du Code.
Au nombre des lois dans lesquelles figurent à la fois les notions de réhabilitation et de suspension du casier, mentionnons la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui est modifiée par les articles 137 à 139 du projet de loi. L’article 3 de cette loi sera modifié pour indiquer que l’état de personne graciée se trouve parmi les motifs de discrimination interdits.
Les notions de réhabilitation et de suspension du casier sont également toutes deux utilisées dans le Code criminel, qui est modifié par les articles 141 à 146 du projet de loi. Actuellement, aux termes des paragraphes 490.015(3) ou 490.026(4) du Code, une personne réhabilitée peut demander la révocation d’une ordonnance ou d’une obligation de se conformer aux dispositions de la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels. La modification fait en sorte que la personne pourra demander une ordonnance de révocation lorsque le pardon lui aura été accordé ou que la suspension de son casier aura été ordonnée. Les articles 152 à 155 du projet de loi apportent des modifications similaires à la Loi sur la défense nationale. Le projet de loi modifie les paragraphes 227.03(3) et 227.12(4) de la LDN pour que les militaires puissent demander la révocation d’une ordonnance d’inscription au registre des délinquants sexuels dès le pardon ou la suspension du casier de l’intéressé.
Parmi les lois où le terme « réhabilitation » est remplacé par l’expression « suspension du casier », mentionnons la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques 218, que modifie l’article 148 du projet de loi. Le paragraphe 10(8) de cette loi sera modifié pour préciser que, dans le cas où elles proviennent d’une personne qui bénéficie d’une suspension, les substances corporelles entreposées doivent être conservées à part et il est interdit d’en révéler l’existence ou de les utiliser pour analyse génétique. De façon similaire, l’article 149 du projet de loi modifie l’alinéa 36(3)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés 219 pour indiquer que la déclaration de culpabilité n’emporte pas interdiction de territoire (canadien) en cas de suspension du casier – plutôt qu’en cas d’octroi de la réhabilitation. Les conséquences de cette modification sont abordées plus longuement à la partie 6 du présent résumé législatif, qui concerne l’ancien projet de loi C‑56 : Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.
La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents 220 est modifiée par les articles 156 à 159 du projet de loi C‑10. L’actuel alinéa 82(1)d) de cette loi prévoit que la déclaration de culpabilité visant un adolescent est réputée n’avoir jamais existé dans le cas où soit le tribunal pour adolescents a ordonné l’absolution inconditionnelle de cet adolescent en vertu de l’alinéa 42(2)b), soit la peine imposée a cessé de produire ses effets. Toutefois, la CLCC ou une commission provinciale des libérations conditionnelles peut tenir compte de la déclaration de culpabilité dans le cadre d’une demande de libération conditionnelle ou de réhabilitation. L’article 156 du projet de loi modifie cette disposition afin que la CLCC ou une commission provinciale des libérations conditionnelles puisse tenir compte de la déclaration de culpabilité dans le cadre d’une demande de libération conditionnelle ou de suspension du casier faite au titre de la LCJ.
L’article 119 de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents porte sur les personnes qui ont accès aux dossiers des adolescents. Aux termes du sousalinéa 119(1)n)(iii), tout membre du personnel ou mandataire d’un ministère ou d’un organisme public canadien ou tout membre d’une organisation avec qui un tel ministère ou organisme a conclu une entente en vue d’examiner une demande de libération conditionnelle ou de réhabilitation présentée par l’adolescent, même devenu adulte, peut consulter le dossier. L’article 157 du projet de loi modifie ce sous‑alinéa pour remplacer le terme « réhabilitation » par l’expression « suspension du casier ». L’article 158 du projet de loi apporte une modification semblable au sous‑alinéa 120(4)c)(iii) de cette loi relativement à l’examen d’une demande de suspension du casier présentée par l’adolescent devenu adulte.
L’article 128 de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents traite de l’interdiction d’utilisation des dossiers dès l’expiration de la période prévue pour leur consultation. Ces dossiers peuvent être expurgés, mais le paragraphe 128(5) de la loi dispose que les renseignements relatifs à une infraction commise ou alléguée avoir été commise par un adolescent qui figurent dans une banque de données maintenue par la Gendarmerie royale du Canada en vue d’établir des liens entre des renseignements recueillis sur les lieux d’une autre infraction sont traités de la façon dont le sont les renseignements relatifs aux infractions commises par des adultes et à l’égard desquelles il leur a été octroyé une réhabilitation aux termes de la LCJ. L’article 159 du projet de loi modifie ce paragraphe pour que la possibilité d’établissement de liens soit traitée de la même façon dont le sont les renseignements relatifs aux infractions commises par des adultes et à l’égard desquelles une suspension du casier ordonnée en vertu de la LCJ est en vigueur. L’article 6.2 de la LCJ précisera que les nom, date de naissance et domicile de la personne dont le casier est suspendu ou qui a obtenu l’absolution peuvent être communiqués sans délai aux services de police compétents lorsque des empreintes digitales sont identifiées comme étant les siennes dans le cadre d’une enquête criminelle, si ces empreintes sont relevées sur les lieux du crime ou dans le cadre de la recherche de l’identité d’une personne morte ou une personne amnésique.
Une autre modification corrélative, celle de l’article 151 du projet de loi, ajoute les articles 12 et 13 à la Loi limitant l’accessibilité à la réhabilitation pour des crimes graves (l’ancien projet de loi C‑23A). Ces nouveaux articles disposent que la LCJ, dans sa version antérieure à la date d’entrée en vigueur du projet de loi C‑23A, s’applique à la réhabilitation qui a été octroyée ou délivrée avant cette date et qui n’a pas été révoquée ou annulée, et que cette disposition est réputée être entrée en vigueur le 29 juin 2010, soit la date à laquelle le projet de loi C‑23A a reçu la sanction royale.
L’article 160 du projet de loi C‑10 modifie plusieurs lois – y compris la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, le Code criminel, la Loi sur le casier judiciaire, la Loi sur le transfèrement international des délinquants et la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents – en remplaçant « Commission nationale des libérations conditionnelles » par « Commission des libérations conditionnelles du Canada ».
Ces dispositions entreront en vigueur le jour où le projet de loi C‑10 recevra la sanction royale 221. L’article 161 du projet de loi porte sur les nouvelles demandes de réhabilitation pour une infraction visée par l’actuelle LCJ et commise avant la date d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions du projet de loi. Ces demandes seront examinées aux termes de la LCJ modifiée, comme s’il s’agissait de demandes de suspension du casier. Selon l’article 162, toutefois, la demande de réhabilitation qui est présentée à la date d’entrée en vigueur du projet de loi C‑23A ou par la suite, mais avant la date d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions du projet de loi C‑10, sera traitée en conformité avec la LCJ, dans sa version en vigueur au moment de la réception de la demande, si elle n’a pas encore fait l’objet d’une décision définitive.
Aux termes de l’article 163 du projet de loi, la mention de la demande de suspension du casier vaut aussi mention de la demande de réhabilitation qui n’a pas encore fait l’objet d’une décision définitive dans les dispositions précisées du Code criminel, de la Loi sur la défense nationale et de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
L’article 164 du projet de loi dispose que la LCJ, dans sa version actuelle, s’appliquera à la réhabilitation qui a été octroyée ou délivrée après la date d’entrée en vigueur du projet de loi C‑23A, mais avant celle des nouvelles dispositions du projet de loi C‑10, et qui n’a été ni révoquée ni annulée. L’article 165 précise que la mention de la suspension du casier dans les lois suivantes vaut aussi mention de la réhabilitation octroyée ou délivrée en vertu de la LCJ avant la date d’entrée en vigueur du projet de loi :
Les articles 135 et 136 de la partie 3 du projet de loi C‑10 modifient l’objet de la Loi sur le transfèrement international des délinquants 222 ainsi que les facteurs dont le Ministre tient compte pour décider s’il consent au transfèrement d’un délinquant.
Les articles 135 et 136 sont identiques aux articles 2 et 3 de la version initiale du projet de loi C‑5 : Loi modifiant la Loi sur le transfèrement international des délinquants (titre abrégé : « Loi visant à assurer la sécurité des Canadiens (transfèrement international des délinquants) »), qui a été déposée à la Chambre des communes le 18 mars 2010 par le ministre de la Sécurité publique, l’honorable Vic Toews 223. Le projet de loi C‑5 a été renvoyé au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes, qui l’a amendé afin, entre autres, de supprimer certains des nouveaux facteurs et de maintenir l’obligation qu’a le Ministre de tenir compte des facteurs qui restent, et ce, de façon plus objective. Le projet de loi C‑5 est mort au Feuilleton à la dissolution du Parlement le 26 mars 2011; le projet de loi C‑10 ne tient pas compte des amendements formulés par le Comité 224.
Une version antérieure du projet de loi C‑5, le projet de loi C‑59, a été adoptée en première lecture pendant la deuxième session de la 40e législature, mais est morte au Feuilleton à la prorogation du Parlement le 30 décembre 2009.
Le Canada est partie à des traités concernant le transfèrement des délinquants depuis 1978 225. Ces ententes « visent à permettre aux délinquants de purger leur peine dans leur pays de citoyenneté, à alléger les difficultés indues auxquelles leur famille et eux‑mêmes sont confrontés et à faciliter leur éventuelle réinsertion au sein de la société 226 ». Les problèmes auxquels peuvent se heurter les Canadiens incarcérés à l’étranger « sont notamment liés au choc culturel, à l’isolement, à la barrière des langues, à la mauvaise alimentation, aux soins médicaux inadéquats, à la maladie et à l’incapacité de communiquer avec les amis et la famille 227 ». Le programme de transfèrement assure, dit‑on, « le retour graduel des délinquants dans la société et leur offre la possibilité de participer à des programmes qui ciblent les facteurs ayant mené à une infraction de leur part 228 ».
La Loi sur le transfèrement des délinquants 229 est entrée en vigueur au Canada en 1978. Elle a été remplacée par la Loi sur le transfèrement international des délinquants [LTID], en 2004. Cette dernière permet aux délinquants de purger leur peine dans le pays dont ils sont citoyens ou nationaux (art. 3). D’une façon générale, le principe de « double incrimination » s’applique, c’est‑à‑dire que le transfèrement n’est possible que si le délinquant canadien a été condamné pour un acte qui, commis au Canada, aurait également constitué une infraction criminelle (par. 4(1) 230. Le transfèrement ne peut avoir lieu qu’avec le consentement du délinquant, de l’entité étrangère et du Canada (par. 8(1)). Il appartient au Ministre – selon le libellé actuel, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile – de décider s’il consent ou non au transfèrement au Canada d’un délinquant canadien ou au transfèrement à l’extérieur du Canada d’un délinquant étranger (art. 2 et 10). Pour prendre cette décision, il doit tenir compte de certains facteurs, notamment si le retour au Canada du délinquant peut constituer une menace pour la sécurité du Canada et si le délinquant a des liens sociaux ou familiaux au Canada (art. 10).
Une fois le transfèrement effectué, la peine est administrée conformément aux lois du pays d’accueil 231. Le Service correctionnel du Canada mentionne qu’« [u]n délinquant qui ne fait pas l’objet d’un transfèrement sera généralement expulsé vers son pays de citoyenneté sans possibilité de bénéficier d’une surveillance ou de participer à des programmes correctionnels 232 ».
Selon Transfèrements internationaux – Rapport annuel 2009‑2010 – le plus récent rapport annuel affiché sur le site Web du Service correctionnel du Canada au moment où le présent résumé législatif a été rédigé, 1 531 citoyens canadiens ont été transférés au Canada aux termes d’une entente sur le transfèrement international des délinquants entre 1978 et le 31 mars 2010. De ce nombre, 1 203 (78,6 %) l’ont été depuis les États‑Unis 233. Les autres pays desquels ont été rapatriés les plus grands nombres de Canadiens ont été le Mexique (61 délinquants, ou 3,98 % des transfèrements), le Royaume‑Uni (36 délinquants, ou 2,35 % des transfèrements), le Pérou (33 délinquants, ou 2,16 % des transfèrements), Trinité‑et‑Tobago (22 délinquants, ou 1,44 % des transfèrements), le Japon (21 délinquants, ou 1,37 % des transfèrements), le Venezuela (19 délinquants, ou 1,24 % des transfèrements), la Thaïlande et le Costa Rica (chacun 18 délinquants, ou 1,18 % des transfèrements), Cuba (17 délinquants, ou 1,11 % des transfèrements) et le Panama (11 délinquants, ou 0,72 % des transfèrements). Moins de 10 délinquants ont été rapatriés de tout autre pays 234.
Le nombre de délinquants transférés au Canada au cours d’un exercice a varié entre 7 en 1980‑1981 et 98 en 2003‑2004 235.
Selon le rapport annuel, on rapportait, en janvier 2010, qu’il y avait environ 1 808 délinquants canadiens incarcérés à l’étranger, dont 1 616 étaient admissibles à un transfèrement vers le Canada 236.
Selon Transfèrements internationaux – Rapport annuel 2009‑2010, 127 délinquants ont été transférés hors du Canada depuis 1978 aux termes d’une entente sur le transfèrement international des délinquants. De ce nombre, 108 (85 %) étaient des citoyens américains 237. Huit (6,3 %) ont été transférés aux Pays‑Bas, 3 (2,4 %) au Royaume‑Uni et 3 (2,4 %) en France. Un (0,8 %) a été rapatrié dans chacun des pays suivants : l’Estonie, l’Irlande, Israël, l’Italie et la Pologne. Quatre‑vingt‑dix des 127 transfèrements (70,9 %) ont eu lieu entre 1978 et 1983. Depuis, le nombre de délinquants transférés hors du Canada s’élève à un ou deux par an, bien qu’il y ait eu trois transfèrements en 1990‑1991 (tous vers les États‑Unis) et quatre en 2006‑2007 (un vers chacun des pays suivants : l’Estonie, la France, Israël et l’Italie) 238.
Selon le rapport annuel, on comptait, en janvier 2010, 901 délinquants étrangers sous la responsabilité du Service correctionnel du Canada, dont 304 étaient admissibles à un transfèrement vers leur pays de citoyenneté 239.
Selon Transfèrements internationaux – Rapport annuel 2009‑2010, l’Unité des transfèrements internationaux du Service correctionnel du Canada a reçu 1 290 nouvelles demandes de transfèrement entre 2005‑2006 et 2009‑2010. De ce nombre, 229 (17,75 %) ont mené à un transfèrement, 65 (6,03 %) ont été retirées par les délinquants et 598 (46,35 %) ont été rejetées 240.
Des 1 167 demandes reçues au cours des dix derniers exercices et rejetées, le rapport indique que 87 % ont été rejetées par le pays étranger en fonction de facteurs comme « la double citoyenneté, des problèmes liés à l’application de la loi, l’absence de mesures de renvoi (ou d’expulsion), un dédommagement non payé ou des divergences concernant l’admissibilité à la libération conditionnelle 241 ». Le rapport indique aussi que la majorité des refus par le Canada entre le 1er avril 1999 et le 31 mars 2010 étaient fondés sur un ou plusieurs des alinéas suivants de la LTID :
Depuis l’entrée en vigueur de la LTID, en 2004, au moins 15 délinquants ont demandé un contrôle judiciaire de la décision du Ministre de ne pas consentir à leur demande de transfèrement en vertu de cette loi. Dans plusieurs de ces cas, le tribunal a examiné la question de savoir si la LTID portait atteinte à la libre circulation que garantit l’article 6 de la Charte canadienne des droits et libertés aux citoyens canadiens 243.
Dans l’affaire Kozarov c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) 244, bien que le délinquant et les États‑Unis aient consenti au rapatriement, le Ministre avait rejeté la demande de M. Kozarov parce qu’il avait passé les dix années précédentes aux États‑Unis, et les renseignements contenus dans le dossier indiquaient qu’il avait quitté le Canada sans l’intention d’y revenir et qu’il ne semblait pas entretenir de liens suffisants au Canada pour justifier son transfèrement 245. Après avoir déclaré que les tribunaux ne devraient pas modifier trop promptement la décision d’un ministre prise en vertu d’un pouvoir discrétionnaire, le juge Harrington, de la Cour fédérale, a indiqué que la décision du Ministre n’était pas déraisonnable 246. M. Kozarov a interjeté appel de ce jugement, mais comme il avait déjà été déporté au Canada, l’appel a été rejeté 247.
Dans l’affaire Getkate c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) 248, le délinquant et les États‑Unis avaient aussi consenti au transfèrement au Canada. Le Ministre avait initialement refusé la demande parce que le retour du délinquant au Canada aurait constitué une menace pour la sécurité du public et celle du Canada, et que rien ne permettait d’affirmer que les traitements suivis par le délinquant avaient atténué le risque qu’il posait 249. Le Ministre avait rejeté la seconde demande de M. Getkate pour les mêmes raisons et aussi parce qu’il y avait lieu de croire que le délinquant ne considérait plus le Canada comme son lieu de résidence permanente 250. Chargé du contrôle judiciaire, le juge Kelen, de la Cour fédérale, a déclaré que, même si la décision du Ministre de ne pas consentir au transfèrement était de nature discrétionnaire et commandait le niveau le plus élevé de retenue, le dossier montrait clairement que les décisions ne tenaient pas compte des éléments de preuve 251. Le dossier montrait clairement, entre autres choses, que le délinquant avait suivi une thérapie intensive à ses propres frais 252 et qu’il existait une preuve « claire et indiscutable », établie notamment par le Service correctionnel du Canada, que M. Getkate n’avait jamais cessé, ni eu l’intention de cesser, de considérer le Canada comme son lieu de résidence permanente 253. Enfin, le juge Kelen a fait observer que l’emploi de l’expression « menace pour la sécurité du Canada » avait toujours été limité aux menaces de terrorisme et de guerre en général contre le Canada ou aux menaces pour la sécurité de la population tout entière, et que si la menace pour la sécurité du Canada était simplement le risque de voir le délinquant récidiver, un tel facteur pourrait bien s’appliquer à tout détenu qui sollicite un transfèrement 254. Comme les motifs invoqués par le Ministre allaient « à l’encontre de la preuve ainsi que de l’évaluation et des recommandations de son propre ministère », la demande de M. Getkate a été renvoyée au Ministre pour une nouvelle décision 255.
Enfin, dans l’affaire DiVito c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) 256, le Ministre avait rejeté une demande de transfèrement parce que : « le détenu a[vait] été identifié comme étant un membre du crime organisé condamné pour un délit comprenant une quantité importante de drogues » et que « la nature du délit ainsi que les affiliations du détenu suggèrent que le retour du délinquant au Canada pourrait constituer une menace pour la sécurité du Canada et la sûreté des Canadiens 257 ». À l’issue du contrôle judiciaire, le juge Harrington a fait état de « renseignements provenant de la GRC suggérant que M. DiVito est un membre du crime organisé traditionnel 258 ». Même compte tenu d’un avis contraire, à savoir que M. DiVito « ne constituerait pas une menace à la sécurité du Canada », et malgré le rapport du Service correctionnel du Canada selon lequel « le transfert de monsieur DiVito des États‑Unis vers le Canada […] serait extrêmement bénéfique 259 », le juge Harrington a confirmé que la décision du Ministre était raisonnable 260.
Dans d’autres décisions récentes dans le cadre d’un contrôle judiciaire, le juge a soit confirmé le refus du Ministre de consentir au transfèrement 40 ou renvoyé la décision au Ministre pour une nouvelle décision parce que celui‑ci avait commis une erreur ou n’avait pas donné de motifs suffisants 41, en particulier lorsqu’il n’avait pas suivi l’avis du Service correctionnel du Canada 263.
Un argument invoqué à plus d’une reprise est que la LTID contrevient au paragraphe 6(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, selon lequel « [t]out citoyen canadien a le droit de demeurer au Canada, d’y entrer ou d’en sortir 264. »
Le cas le plus souvent cité à l’appui de cet argument est l’affaire Van Vlymen c. Canada (Solliciteur général) 265, antérieure à la LTID. La demande de transfèrement de M. Van Vlymen a été approuvée par l’entité étrangère, en l’occurrence les États‑Unis, en janvier 1991, mais le Canada n’a consenti au transfèrement qu’en mars 2000, après le début du procès intenté par M. Van Vlymen 266. Le juge Russell, de la Cour fédérale, a conclu que le Canada avait refusé ou retardé le processus de transfèrement de sorte que M. Van Vlymen s’était vu privé de son droit prévu à l’article 6 de la Charte entre janvier 1991 et mars 2000 267. Le juge a également affirmé que la conduite du Canada constituait « une violation manifeste de l’article 7 de la Charte [« Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. »] et un manquement manifeste à l’obligation qu’il avait en common law d’agir équitablement dans l’administration de la demande de transfèrement [de M. Van Vlymen] 268 ».
Dans plusieurs décisions subséquentes, la Cour fédérale a cependant établi une distinction par rapport à cette affaire et conclu que les dispositions de la LTID actuelle faisant l’objet de contestations semblables n’étaient pas inconstitutionnelles 269.
Dans l’affaire Kozarov, par exemple, le juge Harrington a rejeté l’argument constitutionnel, indiquant que M. Kozarov avait, en qualité de citoyen canadien, le droit absolu de rentrer au pays après avoir purgé sa peine et que, si le Ministre avait consenti au transfèrement, M. Kozarov n’aurait pas pu à son arrivée au Canada se prévaloir immédiatement de sa liberté de quitter le pays 270. De l’avis du juge, il n’était pas question de la liberté de circulation, mais plutôt « du transfert de la surveillance de l’exécution d’une peine 271 ». Le juge Harrington a établi une distinction par rapport à l’affaire Van Vlymen au motif que dans celle‑ci « [l]’omission du ministre de rendre une décision dans un délai raisonnable a été un facteur déterminant », et non la constitutionnalité des dispositions législatives mêmes 272.
De façon analogue, dans l’affaire Getkate, le juge Kelen a indiqué que la cause Van Vlymen constituait nettement un « cas d’espèce » et que « la décision Kozarov est davantage à propos en ce qui concerne l’interaction de l’article 6 de la Charte et de la disposition de la Loi 273 ». Le juge Kelen a conclu que le droit de M. Getkate d’entrer au Canada et d’en sortir était restreint pendant son incarcération, aux États‑Unis ou au Canada, et que le fait de consentir automatiquement au transfèrement ne respecterait pas l’accord international, « qui n’autorise le transfèrement que pour favoriser la réadaptation du détenu 274 ».
Des juges de la Cour fédérale ont également rejeté l’argument constitutionnel dans des causes plus récentes 275 et la Cour d’appel fédérale a récemment déterminé que les dispositions contestées sont constitutionnelles 276.
La LTID a actuellement pour objet de « faciliter l’administration de la justice et la réadaptation et la réinsertion sociale des délinquants en permettant à ceux‑ci de purger leur peine dans le pays dont ils sont citoyens ou nationaux » (art. 3). L’article 135 du projet de loi C‑10 modifie cet objet en ajoutant la notion de sécurité publique : « La présente loi a pour objet de renforcer la sécurité publique et de faciliter l’administration de la justice et la réadaptation et la réinsertion sociale des délinquants en permettant à ceux‑ci de purger leur peine dans le pays dont ils sont citoyens ou nationaux. » Cependant, certains observateurs doutent du bien‑fondé de cette modification puisque, à leur avis, les transfèrements internationaux renforcent déjà la sécurité publique en contribuant à la réadaptation des pires délinquants, qui seraient fort probablement déportés au Canada une fois leur peine terminée 277. De façon analogue, l’expression « administration de la justice » dans l’article énonçant l’objet de la LTID a été interprétée judiciairement comme étant suffisamment large pour englober les considérations relatives à la sécurité publique 278.
Actuellement, le paragraphe 10(1) de la LTID précise que le Ministre doit tenir compte des facteurs suivants pour décider s’il consent au transfèrement au Canada du délinquant canadien :
Le Ministre est aussi tenu, aux termes du paragraphe 10(2), de tenir compte des facteurs ci‑après pour décider s’il consent au transfèrement du délinquant canadien ou étranger :
L’article 136 du projet de loi lève l’obligation faite au Ministre de considérer ces facteurs (« Le ministre tient compte […] »), pour laisser cette considération à sa discrétion (« Le ministre peut tenir compte […] ») 279. Le même article modifie également les alinéas 10(1)a), b) et d) par l’ajout des termes « le fait que, à son avis » au début de l’alinéa. Cette modification semble introduire un élément de subjectivité dans l’évaluation du Ministre, advenant qu’il décide de considérer ou non un de ces facteurs 280. Comme l’alinéa 10(1)c) – le fait que le « délinquant a des liens sociaux ou familiaux au Canada » – n’est pas modifié de la même manière, on peut présumer qu’il s’agit d’un facteur plus objectif 281.
Enfin, l’article 136 ajoute au paragraphe 10(1) d’autres facteurs qui dovient être pris en compte par le Ministre lorsqu’il est appelé à décider de consentir ou non à rapatrier un délinquant canadien :
Certains ont dit craindre que le facteur de reconnaissance de la responsabilité incite des innocents à se déclarer coupables « pour éviter de devoir séjourner dans une prison étrangère 282 ».
Les articles 167 à 204 de la partie 4 du projet de loi C‑10 sont très semblables aux dispositions du projet de loi C‑4 : Loi modifiant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois (titre abrégé : « Loi de Sébastien (protection du public contre les jeunes contrevenants violents) »), qui a été déposé à la Chambre des communes par le ministre de la Justice et procureur général du Canada, l’honorable Robert Nicholson, le 16 mars 2010 et qui est mort au Feuilleton à la dissolution du Parlement le 26 mars 2011. La principale différence entre la partie 4 du projet de loi C‑10 et le projet de loi C‑4 est que le projet de loi C‑10 facilite la détention avant le prononcé de la peine dans certains cas (art. 169).
De façon générale, la partie 4 du projet de loi C‑10 vise à modifier certaines dispositions de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents 284 (LSJPA) afin de souligner l’importance de la protection de la société et de faciliter la détention des adolescents 285 récidivistes ou encore qui présentent un danger pour la sécurité publique. Plus particulièrement, le projet de loi :
La partie 4 du projet de loi C‑10 reprend l’essentiel des deux éléments qui étaient prévus dans les anciens projets de loi C‑4 et C‑25 286, à savoir l’ajout, d’une part, des objectifs de dissuasion et de dénonciation comme principe de détermination de la peine et, d’autre part, de règles facilitant la détention des adolescents avant le prononcé de la peine.
La criminalité des adolescents en général – et à plus forte raison lorsqu’elle est violente – est une source d’inquiétude pour un grand nombre de Canadiens. Selon plusieurs, le phénomène serait en hausse, bien que les plus récentes données déclarées par la police indiquent un recul de la criminalité chez les jeunes de 12 à 17 ans. Selon les données de Statistique Canada, le taux global de criminalité chez les adolescents a diminué de 7 % en 2010 par rapport à 2009. Quant à la criminalité violente, les statistiques indiquent un recul de 3 % comparativement à l’année précédente. Après avoir analysé plus finement ces statistiques, Statistique Canada explique que :
Le nombre de jeunes auteurs présumés d’homicide s’élevait à 56 en 2010, soit 23 de moins qu’en 2009, ce qui s’est traduit par un déclin de 29 % du taux. On a également observé des déclins pour ce qui est des taux de jeunes auteurs présumés de vols de véhicules à moteur (−14 %), de voies de fait majeures (−12 %) et d’introductions par effraction (−10 %) […] Les vols qualifiés (+2 %) figuraient parmi les quelques types d’infractions commises par des jeunes qui ont augmenté en 2010 287.
Les données produites en 2010 au moyen du nouvel Indice de la gravité de la criminalité 288 de Statistique Canada indiquent que la gravité de l’ensemble des crimes commis par les adolescents diminue généralement depuis 2000. Une bonne partie de cette diminution s’explique par la diminution de la gravité des crimes non violents. Pendant la période, la gravité des crimes violents commis par les adolescents a augmenté de 5 %, mais elle a diminué dans toutes les provinces et tous les territoires entre 2009 et 2010.
Le tableau 9‑1 présente les taux de criminalité avec et sans violence chez les jeunes entre 2000 et 2010. Le tableau 9‑2 présente l’Indice de gravité de la criminalité chez les jeunes pour la même période.
Année | Ensemble des crimes (taux de criminalité chez les jeunes) |
Crimes violents | Crimes contre les biens | Autres infractions prévues au Code criminel | ||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Nombre | Taux a | Variation en % par rapport à l’année précédente |
Nombre | Taux | Variation en % par rapport à l’année précédente |
Nombre | Taux | Variation en % par rapport à l’année précédente |
Nombre | Taux | Variation en % par rapport à l’année précédente |
|
2000 | 171 148 | 6 914 | 7 | 48 130 | 1 944 | 13 | 96 760 | 3 909 | 4 | 26 258 | 1 061 | 11 |
2001 | 178 529 | 7 159 | 4 | 49 475 | 1 984 | 2 | 99 097 | 3 974 | 2 | 29 957 | 1 201 | 13 |
2002 | 175 537 | 6 945 | −3 | 47 960 | 1 898 | −4 | 98 021 | 3 878 | −2 | 29 556 | 1 169 | −3 |
2003 | 186 041 | 7 280 | 5 | 50 106 | 1 961 | 3 | 105 625 | 4 133 | 7 | 30 310 | 1 186 | 1 |
2004 | 179 670 | 6 959 | −4 | 49 695 | 1 925 | −2 | 99 601 | 3 858 | −7 | 30 374 | 1 176 | −1 |
2005 | 172 024 | 6 596 | −5 | 49 430 | 1 895 | −2 | 92 631 | 3 552 | −8 | 29 963 | 1 149 | −2 |
2006 | 178 839 | 6 812 | 3 | 51 452 | 1 960 | 3 | 94 835 | 3 612 | 2 | 32 552 | 1 240 | 8 |
2007 | 177 400 | 6 782 | 0 | 51 144 | 1 955 | 0 | 93 701 | 3 582 | −1 | 32 555 | 1 245 | 0 |
2008 | 169 747 | 6 577 | −3 | 49 130 | 1 903 | −3 | 88 878 | 3 443 | −4 | 31 739 | 1 230 | −1 |
2009 | 167 103 | 6 593 | 0 | 48 030 | 1 895 | 0 | 88 309 | 3 484 | 1 | 30 764 | 1 214 | −1 |
2010 | 152 700 | 6 147 | −7 | 45 653 | 1 838 | −3 | 78 366 | 3 155 | −9 | 28 681 | 1 155 | −5 |
Variation en % de 2000 à 2010 | s.o. b | −11 | s.o. | s.o. | −5 | s.o. | s.o. | −19 | s.o. | s.o. | 9 | s.o. |
Notes:
Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, Programme de déclaration uniforme de la criminalité.
Année | Indice de gravité des crimes chez les jeunes |
Indice de gravité des crimes violents chez les jeunes |
Indice de gravité des crimes sans violence chez les jeunes |
|||
---|---|---|---|---|---|---|
Indice b | Variation en % par rapport à l’année précédente |
Indice | Variation en % par rapport à l’année précédente |
Indice | Variation en % par rapport à l’année précédente |
|
2000 | 103,5 | 4 | 89,3 | 7 | 114,4 | 3 |
2001 | 106,0 | 2 | 91,4 | 2 | 117,1 | 2 |
2002 | 101,1 | −5 | 87,3 | −5 | 111,7 | −5 |
2003 | 106,0 | 5 | 92,6 | 6 | 116,2 | 4 |
2004 | 100,8 | −5 | 87,8 | −5 | 110,7 | −5 |
2005 | 97,3 | −4 | 94,1 | 7 | 99,8 | −10 |
2006 | 100,0 | 3 | 100,0 | 6 | 100,0 | 0 |
2007 | 101,6 | 2 | 102,2 | 2 | 101,1 | 1 |
2008 | 96,2 | −5 | 96,3 | −6 | 96,1 | −5 |
2009 | 96,6 | 0 | 97,8 | 2 | 95,8 | 0 |
2010 | 90,5 | −6 | 93,7 | −4 | 88,0 | −8 |
Variation en % de 2000 à 2010 |
−13 | s.o. c | 5 | s.o. | −23 | s.o. |
Notes:
Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, Programme de déclaration uniforme de la criminalité.
Soucieux de donner suite aux inquiétudes des Canadiens et de réagir à la criminalité des jeunes, le législateur a proposé, au fil des ans, des modifications aux lois qui régissent la justice applicable aux adolescents (nous présenterons brièvement l’évolution de la justice pour les adolescents dans la prochaine section). Plusieurs de ces modifications législatives ont été motivées en partie par des incidents violents impliquant des jeunes qui ont fait les manchettes et qui ont contribué à l’augmentation d’un sentiment d’insécurité dans la population. Le projet de loi C‑4 n’était pas différent à cet égard. Le début de son titre abrégé – « Loi de Sébastien » – a été choisi en mémoire de Sébastien Lacasse, poursuivi par un groupe de jeunes et assassiné par un adolescent de 17 ans, en pleine rue, à Laval, en 2004.
Dans son discours à la Chambre des communes au moment du dépôt du projet de loi C‑4, le ministre de la Justice a souligné que le projet de loi « fera de la protection de la société le but premier de notre système de justice pénale pour adolescents et donnera aux Canadiens une plus grande assurance que les jeunes contrevenants violents et récidivistes répondront de leurs actes 289 ». À plusieurs reprises, le Ministre a dit que la réforme proposée s’inspire des recommandations de la commission d’enquête néo‑écossaise présidée par l’honorable D. Merlin Nunn 290. Cette commission avait pour mandat d’examiner les accusations portées contre AB, un adolescent de 16 ans responsable du décès de Theresa McEvoy à Halifax le 14 octobre 2004 et les raisons ayant mené à sa libération deux jours avant cet incident tragique. AB, qui se baladait dans une voiture volée au moment de l’incident, avait été mis en liberté le 12 octobre 2004, en dépit du fait que 38 accusations criminelles avaient été déposées contre lui.
Le rapport du commissaire Nunn a été présenté le 5 décembre 2006 291. Il contient 34 recommandations, dont 19 portent sur la nécessité de simplifier l’administration de la justice et d’améliorer la reddition de comptes, six sur le renforcement de la LSJPA, et neuf sur la prévention de la criminalité chez les jeunes. En général, M. Nunn a conclu que la LSJPA « présente une approche intelligente, moderne et évoluée du traitement des jeunes impliqués dans des activités criminelles 292 ». Selon lui, le Canada est maintenant à « l’avant‑garde des pays en ce qui concerne le traitement des jeunes en conflit avec la loi 293 ». Il estime néanmoins que certaines modifications au texte de la LSJPA s’imposent pour « donner la souplesse voulue aux juges qui ont à trancher dans les cas des jeunes récidivistes, surtout en rendant possible la détention avant le procès et en ouvrant plus grandes les portes menant à la détention 294 ». Les recommandations de M. Nunn qui traitent spécifiquement de la LSJPA sont les suivantes :
Recommandation 20 : La Province devrait recommander au gouvernement fédéral de modifier la « Déclaration de principes » à l’article 3 de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents pour y ajouter une disposition indiquant que la protection du public est l’un des principaux objets de cette loi.
Recommandation 21 : La Province devrait recommander au gouvernement fédéral de modifier la définition d’« infraction avec violence » à l’alinéa 39(1)a) de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents pour y inclure un comportement qui met ou est susceptible de mettre en danger la vie ou la sécurité d’une autre personne.
Recommandation 22 : La Province devrait recommander au gouvernement fédéral de modifier l’alinéa 39(1)c) de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents pour que l’exigence d’« avoir fait l’objet de plusieurs déclarations de culpabilité » devienne celle d’« avoir commis plusieurs infractions » – ou un libellé analogue – et ce, afin qu’aussi bien les déclarations de culpabilité antérieures que les accusations en suspens contre un adolescent soient prises en considération afin d’établir le bien‑fondé de la détention avant le procès.
Recommandation 23 : La Province devrait recommander au gouvernement fédéral de modifier et de simplifier les dispositions législatives relatives à la détention des adolescents avant le procès pour que l’article 29 ne dépende plus d’autres lois ou d’autres dispositions de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Recommandation 24 : La Province devrait recommander au gouvernement fédéral de modifier l’alinéa 31(5)a) de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents pour que même si la « personne digne de confiance » désignée est dégagée de ses obligations contractées au titre d’un « engagement de personne digne de confiance », l’engagement pris par l’adolescent en application de l’alinéa 31(3)b) demeure pleinement en vigueur, particulièrement en ce qui concerne le respect de la paix et la bonne conduite, ainsi que toute autre condition imposée par le juge d’un tribunal pour adolescents.
Recommandation 25 : La Province devrait recommander au gouvernement fédéral de modifier le paragraphe 31(6) de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents pour supprimer l’exigence qu’ait lieu, avant que l’adolescent soit mis en détention avant le procès, une nouvelle enquête sur cautionnement quand la « personne digne de confiance » est dégagée de ses obligations contractées au titre d’un « engagement de personne digne de confiance. » 295
Nous verrons à la section 9.2 « Description et analyse » du présent résumé législatif la façon dont la partie 4 du projet de loi C‑10 donne suite aux recommandations 20 à 23 du rapport Nunn. Le projet de loi n’inclut toutefois pas de dispositions qui mettent en œuvre les recommandations 24 et 25.
En 2007, le ministère fédéral de la Justice a entrepris un examen et un processus de consultation exhaustifs au sujet de la LSJPA. Il y a fait participer les provinces, les territoires, la société civile et le public. Les résultats de cette consultation ne semblent pas avoir été publiés par le ministère de la Justice.
Le traitement des jeunes délinquants a beaucoup évolué depuis l’adoption, en 1908, de la première loi canadienne destinée exclusivement aux jeunes en conflit avec la loi : Loi sur les jeunes délinquants (LJD) 296. Sous l’égide de cette dernière, les jeunes en conflit avec la loi étaient considérés comme des êtres en développement ayant « besoin d’aide, d’encouragement et de secours ». Selon la LJD, « chaque jeune délinquant devait être traité non pas comme un criminel, mais comme un enfant mal encadré 297 ». La réponse pénale visait donc à le protéger en agissant sur les facteurs à l’origine de sa criminalité, plutôt qu’à sanctionner l’infraction à l’origine de ses démêlés avec la justice.
De l’avis de certains, les interventions du système de justice pénale sous le régime de la LJD s’apparentaient « davantage à un exercice d’aide sociale qu’à un processus judiciaire 298 ». Cette approche, qui a plus ou moins fait consensus jusque dans les années 1960, a été fortement critiquée par des intervenants qui considéraient que la LJD laissait une trop grande part d’arbitraire aux autorités judiciaires, au nom du bien‑être des enfants et au détriment d’un système plus juste et équitable. Des jeunes se voyaient imposer des peines indéterminées sans égard au principe de la proportionnalité de la peine. Plusieurs intervenants ont aussi déploré l’absence d’uniformité dans le traitement des jeunes délinquants d’une province à l’autre et le fait que les jeunes délinquants étaient privés des droits et recours minimaux en matière de procédure criminelle, par exemple le droit de consulter un avocat ou celui d’appeler d’une décision.
Le processus de révision de la LJD s’est échelonné sur une longue période, qui a débuté en 1961 avec la création, au sein du ministère de la Justice, d’un comité chargé d’examiner la délinquance des mineurs 299, pour se terminer en 1982 avec l’adoption de la Loi sur les jeunes contrevenants.
L’entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants (LJC) 300 en 1984 a marqué le début d’une époque nouvelle dans le traitement des adolescents en conflit avec la loi 301. Comparativement à la LJD, elle enfermait la définition du jeune contrevenant dans des limites beaucoup plus étroites. La LJD prévoyait une vaste gamme de délits pour lesquels un jeune pouvait faire l’objet de poursuites : était considéré comme « jeune délinquant » tout enfant de 7 à 15 ans ayant commis une infraction au Code criminel (le Code) 302 ou à une disposition d’une loi fédérale ou provinciale ou d’un règlement ou d’une ordonnance d’une municipalité, ou qui était coupable « d’immoralité sexuelle ou de toute forme semblable de vice ». Un « jeune contrevenant » au sens de la nouvelle LJC était tout jeune de 12 à 17 ans soupçonné d’avoir commis une infraction créée par des lois fédérales ou leurs textes d’application, à l’exclusion des ordonnances des territoires. La LJC a aussi établi le seuil de la responsabilité pénale à 12 ans et uniformisé le seuil de la majorité pénale à 18 ans pour l’ensemble du Canada 303. Toutefois, comme sous le régime de la LJD, le tribunal de la jeunesse avait la possibilité de renvoyer à un tribunal pour adultes les causes impliquant des adolescents de 14 ans ou plus soupçonnés d’avoir commis un crime grave.
La LJC a également évacué l’approche exclusivement « protectionnelle » caractéristique de la LJD au profit d’une démarche axée sur l’équilibre entre la responsabilisation et la protection du jeune. Si le jeune contrevenant était toujours considéré comme un être en développement, la loi reconnaissait néanmoins sa responsabilité dans une affaire donnée : il n’était donc plus vu uniquement comme le produit de son environnement, mais aussi comme un acteur engagé et responsable. Ce changement a aussi donné lieu à la formulation de garanties procédurales fondamentales pour les adolescents en conflit avec la loi, dont le droit à un avocat et celui d’appeler d’une décision.
Dès son entrée en vigueur, certains ont reproché à la LJC de ne pas fournir de principes clairs pour guider ceux à qui il incombe d’appliquer la loi et soutenu que cette lacune a donné lieu à des disparités et à des injustices dans l’application de la loi d’une administration à l’autre au pays. D’autres reprochaient aussi à la LJC de favoriser la réinsertion sociale et la réadaptation des adolescents au détriment de la protection du public, principalement dans les cas impliquant des adolescents accusés d’avoir commis des crimes graves.
En réponse aux critiques, on a apporté des modifications à la LJC en 1986, en 1992 et en 1995. Elles ont eu pour effet de durcir la loi pour les adolescents accusés de crimes graves. Parmi les modifications apportées, mentionnons l’augmentation de la durée des peines attachées aux meurtres, ainsi que le renversement du fardeau de la preuve en ce qui concerne le renvoi aux tribunaux pour adultes. Les adolescents impliqués dans certaines causes étaient donc tenus de prouver que leur affaire ne devait pas faire l’objet d’un tel renvoi 304.
La LSJPA est entrée en vigueur en avril 2003. Plus longue, plus détaillée et plus complexe, elle tente de remédier aux problèmes que présentait la loi précédente, dont le recours excessif aux tribunaux et à l’incarcération, et l’application différente de la loi d’un bout à l’autre du pays. En plus d’instaurer de nouvelles sanctions 305 et de remplacer les transferts aux tribunaux pour adultes par un système de peines pour adultes applicables aux adolescents de plus de 14 ans, elle contient un préambule et énonce des principes conçus pour fournir une orientation claire à ceux qui sont chargés d’imposer des peines à des jeunes reconnus coupables d’une infraction criminelle.
Son préambule indique que le système de justice pénale doit tenir compte des intérêts des victimes, favoriser la responsabilité par la prise de mesures offrant des perspectives positives ainsi que la réadaptation et la réinsertion sociale par la suppression des causes sous‑jacentes à la criminalité chez les adolescents et diminuer le recours à l’incarcération des adolescents non violents. D’autres principes sous‑tendent la LSJPA :
La LSJPA vise à une justice plus juste et plus équitable en prévoyant notamment des réponses pénales nettement différentes selon la gravité des infractions, c’est‑à‑dire des peines moins sévères en cas d’infraction mineure et plus sévères en cas d’infraction grave.
Enfin, la LSJPA établit clairement que la peine doit être « proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité de l’adolescent à l’égard de l’infraction 307 ». Elle réaffirme ainsi la responsabilité des jeunes en conflit avec la loi et en fait également un objectif qui doit toujours guider le tribunal de la jeunesse dans l’imposition des peines, aussi bien que le choix des mesures extrajudiciaires.
La plupart des adolescents inculpés devant les tribunaux le sont pour des infractions non violentes 309. Même si la LJC prévoyait le recours à des mesures de rechange dans de tels cas, peu en bénéficiaient. En 1997, par exemple, de telles mesures ont été appliquées dans seulement 25 % des cas 310. Cela tient peut‑être en partie à ce que la LJC n’établissait pas clairement les objectifs de la déjudiciarisation, les types de mesures de rechange et les cas dans lesquels elles étaient appropriées.
Un des objectifs de la LSJPA était de remédier au manque de directives de la LJC concernant la détermination de la peine, afin de réduire le recours aux tribunaux dans les cas de délinquance mineure. Les statistiques officielles de la criminalité tendent à démontrer que la LSJPA a donné les résultats attendus à cet égard. « [E]n 2010, 42 % des jeunes auteurs présumés ont été inculpés officiellement par la police, tandis que 58 % ont été détournés du système de justice pénale au moyen d’autres mesures 311. » Cette année‑là, le taux de mise en accusation a reculé de 4 % par rapport à l’année précédente. Selon les statistiques les plus récentes, le nombre de causes entendues devant les tribunaux de la jeunesse en 2006‑2007 avait diminué de 26 % comparativement à 2002‑2003, l’année précédant l’entrée en vigueur de la LSJPA. L’ensemble des provinces et des territoires avait enregistré une baisse, la plus importante s’étant produite dans les Territoires du Nord‑Ouest (52 %), suivis de Terre‑Neuve‑et‑Labrador (47 %) et du Yukon (45 %) 312.
Enfin, la LSJPA semble également avoir donné les résultats attendus pour ce qui est de la diminution du recours à l’incarcération des jeunes. Sous le régime de la LJC, environ 80 % des peines de détention concernaient des infractions sans violence 313 et le Canada figurait au premier rang des pays occidentaux pour le taux d’incarcération de jeunes de 12 à 17 ans. En 2007‑2008, les infractions sans violence étaient à l’origine de 43 % des admissions en détention après condamnation 314. Depuis l’entrée en vigueur de la LSJPA, le taux d’incarcération des adolescents a lui aussi sensiblement diminué. En 2008‑2009, le nombre moyen de jeunes en détention après condamnation avait reculé de 42 % par rapport à 2003‑2004, l’année où la LSJPA est entrée en vigueur 315. Le recul du taux d’incarcération n’a pas été suivi d’une augmentation du taux de criminalité chez les adolescents; en fait, comme on le voit au tableau 9‑1, le taux de criminalité a généralement reculé depuis l’entrée en vigueur de la LSJPA.
Depuis l’entrée en vigueur de la LSJPA en avril 2003, on continue à défendre des idées opposées concernant le traitement qui devrait être réservé aux adolescents qui ont des démêlés avec la loi. Certains jugent que la LSJPA est trop indulgente envers les adolescents récidivistes ou qui commettent des infractions graves. D’autres considèrent que la LSJPA privilégie la protection du public aux dépens de la réadaptation et de la réinsertion sociale des adolescents. Le défi pour le législateur est de concevoir une approche qui permette de régler des situations graves impliquant des adolescents de façon à assurer la protection du public et de répondre aux besoins des victimes, tout en reconnaissant que le degré de responsabilité des adolescents ne se compare pas à celui des adultes, en raison de leur âge et de leur degré de maturité.
En 2006, dans le cadre de son rapport sur l’enquête publique qui s’est déroulée en Nouvelle‑Écosse, le commissaire Nunn a recommandé d’inclure la protection du public (à court et à long terme) parmi les principes énoncés à l’article 3 de la LSJPA, afin d’aider à résoudre le problème posé par le petit groupe que constituent les délinquants dangereux et récidivistes 316. Actuellement, la LSJPA inclut expressément la « protection durable du public » (c.‑à‑d. la protection à long terme) en tant que principe 317. L’article 168 du projet de loi modifie l’alinéa 3(1)a)de la LSJPA, qui parlera dorénavant de « protéger le public » (c.‑à‑d. autant à court qu’à long terme), et ce, en obligeant les adolescents à répondre de leurs actes, en encourageant leur réadaptation et en les renvoyant à des programmes ou des organismes communautaires en vue de supprimer les causes sous‑jacentes à la criminalité.
Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes a modifié la version française de l’article 168 en remplaçant le mot « encourager » par « favoriser » au sous‑alinéa 3(1)a)(ii). Le ministre québécois de la Justice avait demandé ce changement afin que la version française corresponde mieux au terme anglais utilisé dans la disposition (« to promote ») et pour reprendre le terme utilisé ailleurs dans le Code criminel.
L’article 168 précise également, en modifiant l’alinéa 3(1)b) de la LSJPA, que le système de justice pénale pour les adolescents est fondé sur le principe de la culpabilité morale moins élevée des adolescents. La Cour suprême du Canada avait déjà reconnu aux adolescents une présomption réfutable de culpabilité morale moins élevée en raison du fait qu’ils sont plus vulnérables, moins matures et moins aptes à exercer un jugement moral 318.
De façon générale, les dispositions du Code traitant de l’enquête sur cautionnement s’appliquent à la mise en liberté et à la détention des adolescents avant le prononcé de la peine 319. La LSJPA peut néanmoins y déroger en prévoyant des règles spécifiques pour les adolescents 320.
Selon les règles actuelles, le tribunal pour adolescents doit ordonner la mise en liberté de l’adolescent, sauf si le poursuivant justifie la détention de l’adolescent en vertu de l’article 515 du Code 321. De plus, le paragraphe 29(2) de la LSJPA (en faisant référence aux al. 39(1)a) à c), qui traitent de l’emprisonnement après condamnation) prévoit une présomption spécifique en faveur de la mise en liberté de l’adolescent jusqu’au prononcé de la peine. Toutefois, cette présomption ne s’applique pas, et l’adolescent pourra être détenu jusqu’au prononcé de la peine, dans trois cas particuliers :
Le projet de loi modifie le paragraphe 29(2) de la LSJPA afin de prévoir, dans le cadre de ce seul paragraphe, tous les motifs pouvant justifier la détention des adolescents avant le prononcé de la peine et d’accroître le nombre de ces motifs. En simplifiant ainsi le régime de la détention avant le prononcé de la peine, le projet de loi met en œuvre la recommandation 23 de la Commission Nunn.
L’article 169 du projet de loi dispose que la détention des adolescents avant le prononcé de la peine est interdite, sauf si l’adolescent est accusé d’une « infraction grave » ou « si plusieurs accusations pèsent toujours contre lui ou qu’il a fait l’objet de plusieurs déclarations de culpabilité ». Le premier élément figurait dans le projet de loi C‑4, mais non le second.
La nouvelle disposition a une portée plus grande que la disposition actuelle, qui tient compte des déclarations de culpabilité, mais non des accusations pendantes. Cette modification donne suite à la recommandation 22 du rapport Nunn (voir la rubrique 9.1.2 « Contexte général de la réforme proposée » de la présente partie du résumé législatif). De plus, le projet de loi C‑10 ne comporte pas l’exigence actuelle selon laquelle la détention avant le prononcé de la peine ne peut être ordonnée à moins que l’adolescent ait de tels antécédents et ait été accusé d’un acte criminel pour lequel un adulte est passible d’une peine d’emprisonnement de plus de deux ans.
Pour ordonner la détention d’un adolescent avant le prononcé de la peine, le juge ou le juge de paix chargé de l’affaire doit, aux termes de l’article 169 du projet de loi C‑10, être convaincu, selon la prépondérance des probabilités, de ce qui suit :
Enfin, l’article 169 exige que le juge ou le juge de paix soit convaincu qu’aucune condition ou combinaison de conditions de mise en liberté, en fonction de la justification énumérée ci‑dessus, sur laquelle il s’est basé :
Le paragraphe 167(3) du projet de loi définit une « infraction grave » comme « [t]out acte criminel prévu par une loi fédérale et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus ». Un grand nombre d’infractions au Code sont punissables d’un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus, par exemple les infractions de pornographies juvéniles, le meurtre, la conduite avec les facultés affaiblies, les voies de fait simples, l’agression sexuelle 325, le vol de plus de 5 000 $, l’introduction par effraction et la fraude.
De plus, contrairement à la définition d’« infraction avec violence » établie par la Cour suprême qui excluait les infractions strictement contre les biens 326, la définition d’« infraction grave » du paragraphe 167(3) comprend autant les infractions contre les biens que celles contre les personnes. Par conséquent, le projet de loi étend l’application éventuelle de la détention avant le prononcé de la peine à certains adolescents accusés de crimes contre les biens pouvant conduire à des peines d’emprisonnement d’un maximum d’au moins cinq ans.
Par ailleurs, afin de décider s’il y a une probabilité marquée que l’adolescent ne se présentera pas devant le tribunal ou qu’il commettra une infraction grave, le tribunal pourra, par exemple, tenir compte tant des condamnations antérieures que des accusations en suspens contre l’adolescent. Le projet de loi semble donc mettre en œuvre la recommandation 22 de la Commission Nunn, qui suggérait de permettre au tribunal de prendre en compte les accusations en suspens dans le but de pouvoir plus facilement détenir avant le prononcé de la peine les adolescents accusés pour une série de crimes en succession rapide.
Enfin, la LSJPA prévoit expressément que le tribunal qui détermine la peine à imposer doit tenir compte du temps passé en détention avant la sentence 327. Le tribunal a alors la discrétion de décider du crédit à octroyer dans le calcul de la période d’emprisonnement 328.
L’objectif général de l’imposition d’une peine en vertu de la LSJPA est de faire répondre l’adolescent de l’infraction qu’il a commise en lui imposant des sanctions justes assorties de perspectives positives favorisant sa réadaptation et sa réinsertion sociale, et ce, en vue de favoriser la protection durable du public 329.
Actuellement, la LSJPA prévoit – en plus des principes généraux énoncés à l’article 3 – les principes énoncés au paragraphe 38(2), qui doivent guider le tribunal pour adolescents dans la détermination de la peine appropriée. Par exemple, le paragraphe 38(2) prévoit que l’imposition d’une peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité de l’adolescent et offrir les meilleures chances de réadaptation et de réinsertion sociale. Elle doit également être la moins contraignante possible pour atteindre l’objectif général de la détermination de la peine et ne doit, en aucun cas, être plus grave que celle d’un adulte.
L’article 172 du projet de loi, en modifiant le paragraphe 38(2) de la LSJPA, ajoute à ces principes de détermination de la peine les deux principes suivants, selon lesquels la peine peut viser à « dénoncer un comportement illicite » et à « dissuader l’adolescent de récidiver ». Ces deux principes sont déjà prévus dans le cadre de la détermination de la peine chez les adultes 330. Notons toutefois que le principe de dissuasion est plus général dans ce dernier cas, puisque la peine peut viser à dissuader l’adulte de récidiver ou le public dans son ensemble (on parle alors de dissuasion spécifique et générale). Dans sa décision R. c. B.W.P.; R. c. B.V.N 331, la Cour suprême du Canada a affirmé que la dissuasion ne constitue pas un principe de détermination de la peine pour les adolescents sous le régime actuel de la LSJPA. Si la dissuasion devait être considérée dans le cadre de la LJC 332, la Cour a noté que la LSJPA a instauré un régime de détermination de la peine différent et totalement nouveau 333.
À l’instar des anciens projets de loi C‑4 et C‑25 sur le système de justice pénale pour les adolescents, qui prévoyaient également les principes de dénonciation et de dissuasion, la partie 4 du projet de loi C‑10 rend ces principes sujets à l’application du principe fondamental de la proportionnalité de la peine à la gravité de l’infraction et du degré de responsabilité de l’adolescent à l’égard de l’infraction 334.
Les articles 4 à 12 de la LSJPA prévoient les mesures que les policiers et les procureurs de la Couronne peuvent prendre plutôt que d’engager des poursuites judiciaires. Ils doivent, pour toutes les infractions, déterminer si une mesure extrajudiciaire serait suffisante pour responsabiliser l’adolescent et protéger le public à long terme. Dans le cas où l’adolescent a commis une infraction sans violence et n’a jamais été déclaré coupable d’une infraction auparavant ou a déjà commis une infraction à l’égard de laquelle on a eu recours à une mesure extrajudiciaire, la LSJPA prévoit que les policiers ou la Couronne devraient, sauf dans les cas exceptionnels, avoir recours aux mesures extrajudiciaires 335.
Les policiers ou les procureurs de la Couronne qui veulent faire appel aux différentes mesures extrajudiciaires doivent, dans tous les cas, posséder des motifs raisonnables de croire que l’adolescent a commis une infraction. Ils ont toutefois entière discrétion quant au type de mesure extrajudiciaire qu’ils jugent appropriée dans chaque cas 336. Ils peuvent ainsi :
À l’heure actuelle, le corps de police qui a mené une enquête concernant un adolescent peut constituer un dossier qui comprend, entre autres, les notes des policiers, les déclarations des victimes, les empreintes digitales, des photos et les mesures prises à l’endroit de l’adolescent 337. L’article 190 du projet de loi oblige le corps de police à inscrire au dossier les mesures extrajudiciaires qu’il a prises à l’égard de l’adolescent. Si celui‑ci est déclaré coupable de l’infraction, le corps de police sera alors tenu de communiquer le dossier à la Gendarmerie royale du Canada aux fins de conservation d’antécédents criminels ou de dossiers sur les contrevenants 338.
Le tribunal qui impose une peine à un adolescent en vertu de la LSJPA, doit, pour toutes les infractions sauf le meurtre 339, envisager avant tout de faire appel aux nombreuses options non privatives de liberté 340. L’article 42 de cette loi prévoit à cet effet un vaste éventail de peines, telles que la réprimande officielle dressée par le juge, le travail bénévole, la restitution, l’indemnisation ou le renvoi à un programme d’assistance et de surveillance intensives.
La LSJPA tente de réserver le placement sous garde aux adolescents violents ou qui représentent autrement un danger pour le public. Actuellement, en vertu du paragraphe 39(1) de la LSJPA, le tribunal qui impose une peine à un adolescent ne peut choisir d’opter pour la détention que dans les quatre cas suivants :
L’article 173 du projet de loi modifie le paragraphe 39(1) de la LSJPA afin d’ajouter un cinquième cas pouvant justifier l’imposition d’une peine de détention :
Les sanctions extrajudiciaires se distinguent des autres types de mesures extrajudiciaires – comme les avertissements, les mises en garde et les renvois par les policiers – en ce que l’adolescent doit reconnaître formellement sa responsabilité à l’égard de l’infraction 343. En vertu des dispositions actuelles de la LSJPA, contrairement au défaut de se conformer aux autres types de mesures extrajudiciaires, le défaut de se conformer à une sanction extrajudiciaire peut entraîner des poursuites judiciaires, et l’information qu’un adolescent a fait l’objet d’une sanction extrajudiciaire peut être mise en preuve devant le tribunal pour établir la conduite délictueuse de l’adolescent 344. Par contre, l’aveu de culpabilité fait par l’adolescent afin de bénéficier de la sanction extrajudiciaire n’est jamais admissible en preuve 345.
La LSJPA actuelle ne définit pas ce qui constitue une « infraction avec violence ». Cependant, ainsi que nous l’avons déjà mentionné, la Cour suprême du Canada en a donné la définition suivante en 2005 : « Toute infraction commise par un adolescent et au cours de la perpétration de laquelle celui‑ci cause des lésions corporelles ou bien tente ou menace d’en causer 346. » Cette définition excluait toutefois les infractions au cours desquelles les lésions corporelles ne sont que raisonnablement prévisibles 347. Le projet de loi C‑10 élargit cette définition en y ajoutant les comportements insouciants qui mettent en danger la sécurité publique. Plus précisément, le paragraphe 167(3) du projet de loi définit l’« infraction avec violence » comme, selon le cas :
Par conséquent, le projet de loi accroît également la possibilité qu’a le tribunal d’imposer une peine de détention à un adolescent reconnu coupable d’une telle infraction d’insouciance 349. Cela va dans le même sens que la recommandation 21 de la Commission Nunn, qui proposait d’inclure dans la définition d’une infraction avec violence les comportements créant une probabilité de mettre en danger la vie ou la sécurité d’une autre personne.
La LSJPA a éliminé la possibilité de renvoyer les adolescents devant les tribunaux pour adultes. Depuis 2003, toutes les procédures impliquant des adolescents se déroulent devant le tribunal pour adolescents, qui peut, à l’heure actuelle, prononcer une peine applicable aux adultes uniquement dans les cas suivants :
Les tribunaux se sont penchés sur cette présomption et, en 2008, la Cour suprême du Canada a, dans l’arrêt R. c. D.B. 353, rendu une décision dans le même sens que ceux des cours d’appel du Québec 354 et de l’Ontario 355 en affirmant que l’imposition aux adolescents du fardeau de réfuter la présomption d’assujettissement à une peine applicable aux adultes viole l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Le projet de loi C‑10 abroge cette présomption 356. Ainsi, le tribunal pour adolescents pourra imposer une peine applicable aux adultes uniquement dans le cas suivant : un adolescent (âgé d’au moins 14 ans au moment de la perpétration de l’infraction) est reconnu coupable d’une infraction pour laquelle un adulte serait passible d’une peine d’emprisonnement de plus de deux ans.
Dans ce cas, en vertu de l’article 176 du projet de loi 357, le procureur de la Couronne pourra demander au tribunal pour adolescents d’imposer une peine applicable aux adultes. Par contre, il sera tenu de déterminer s’il y a lieu de présenter une demande à cet effet – et s’il décide de ne pas en présenter, il devra en aviser le tribunal – quand, d’une part, l’adolescent était âgé d’au moins 14 ans au moment de la perpétration de l’infraction (les provinces peuvent toutefois porter le seuil à 15 ou à 16 ans) et, d’autre part, l’infraction est une « infraction grave avec violence ».
Selon le paragraphe 167(2) du projet de loi, une « infraction grave avec violence » est un meurtre, une tentative de meurtre, un homicide involontaire coupable ou une agression sexuelle grave. Il s’agit essentiellement des infractions désignées qui donnent lieu actuellement à la présomption d’assujettissement à une peine applicable aux adultes.
Selon les modifications apportées par le projet de loi C‑10, le procureur de la Couronne qui présente une demande pour assujettir un adolescent à une peine applicable aux adultes devrait assumer le fardeau de la preuve. Pour qu’une peine applicable aux adultes soit imposée, il devra convaincre le tribunal pour adolescents des deux choses suivantes :
La modification qu’aurait apportée le projet de loi C‑4 prévoyait expressément que le tribunal aurait dû être convaincu hors de tout doute raisonnable que ces deux critères étaient remplis avant de pouvoir imposer une peine applicable aux adultes. Le projet de loi C‑10, cependant, ne précise pas la norme de preuve, ce qui laisse planer une certaine incertitude quant à la norme que le tribunal doit appliquer dans un tel cas.
En vertu des règles actuelles de la LSJPA, le tribunal pour adolescents, dans sa décision d’imposer ou non une peine applicable aux adultes, doit tenir compte de la gravité de l’infraction et des circonstances de sa perpétration et de l’âge, de la maturité, de la personnalité, des antécédents et des condamnations antérieures de l’adolescent et de tout autre élément qu’il estime pertinent 358.
C’est le tribunal pour adolescents qui décide, après audience, du lieu de détention approprié. Le paragraphe 76(2) de la LSJPA prévoit actuellement une présomption fondée sur l’âge de l’adolescent :
Toutefois, le tribunal pourra ordonner qu’un adolescent de moins de 18 ans purge sa peine dans un établissement correctionnel pour adultes si le procureur de la Couronne prouve, par exemple, que l’adolescent empêche ou entrave le cheminement des autres adolescents placés dans un lieu de garde et qu’il constitue une menace pour leur sécurité 360.
L’article 186 du projet de loi remplace le paragraphe 76(2) de la LSJPA afin de supprimer cette possibilité qu’un adolescent âgé de moins de 18 ans purge sa peine dans un établissement correctionnel pour adultes. Ainsi, le projet de loi prévoit que, dans tous les cas, les adolescents âgés de moins de 18 ans purgeront leur peine dans un lieu de garde pour adolescents.
Depuis la LJD de 1908, le système de justice des mineurs canadiens repose sur le principe que la publication de l’identité de l’adolescent nuirait à sa réinsertion sociale, lui causerait un préjudice et, par le fait même, compromettrait la sécurité du public à long terme. Le principe de la protection de la vie privée est énoncé clairement au sous‑alinéa 3(1)b)(iii) de la LSJPA 361. La règle générale est donc la non‑publication des renseignements relatifs à l’identité de l’adolescent 362. La LSJPA prévoit certains cas d’exception permettant de lever l’interdiction de publication, notamment :
Dans ce dernier cas, l’adolescent peut repousser la présomption en convainquant le tribunal pour adolescents qu’il y a lieu d’interdire la publication. Le tribunal doit alors tenir compte de l’intérêt public et de l’importance de la réadaptation de l’adolescent 365.
La Cour suprême du Canada 366 et la Cour d’appel du Québec 367 ont jugé que cette présomption violait l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Les articles 185 et 189 du projet de loi la remplacent donc par la possibilité de publier des renseignements relatifs à l’identité d’un adolescent dans le cas où il a fait l’objet d’une demande d’assujettissement à une peine applicable aux adultes et où le tribunal a rejeté cette demande pour imposer plutôt une peine spécifique aux adolescents, et ce, pour une « infraction avec violence » au sens du paragraphe 167(3) du projet de loi.
Afin que la publication soit permise dans ce cas, le procureur de la Couronne devra convaincre le tribunal pour adolescents qu’il y a un risque important que l’adolescent commette à nouveau une « infraction avec violence » et que la levée de l’interdiction est nécessaire pour protéger le public contre ce risque. Le tribunal pour adolescents devra alors tenir compte des principes fondamentaux énoncés aux articles 3 et 38 de la LSJPA.
Contrairement à la présomption actuelle, selon laquelle le fardeau de la preuve – à savoir justifier la non‑publication – incombe à l’adolescent, le projet de loi prévoit que c’est au procureur de la Couronne qu’il incombe de convaincre le tribunal d’autoriser la publication. Toutefois, la nouvelle définition d’une « infraction avec violence » comprend bien plus de comportements délictuels que les infractions pouvant donner lieu à la présomption actuelle de publication (c.‑à‑d. le meurtre, la tentative de meurtre, l’homicide involontaire coupable, l’agression sexuelle grave ou une troisième infraction grave avec violence).
Les articles 205 à 208 du projet de loi C‑10 donnent aux agents d’immigration le pouvoir discrétionnaire de refuser d’autoriser un étranger à exercer un emploi au Canada s’ils estiment que cet étranger risque d’être victime d’abus ou d’exploitation.
Des versions antérieures de ce projet de loi ont été déposées à quatre occasions.
La partie 5 du projet de loi C‑10 est, en substance, identique aux versions précédentes 369.
Au Canada, le Code criminel (le Code) 369 ainsi que la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) 370 contiennent des articles visant à combattre et à prévenir la traite des personnes.
Les articles 279.01 à 279.04 du Code énoncent trois interdictions relatives à la traite des personnes.
Un certain nombre de dispositions génériques du Code servent également à lutter contre la traite des personnes en visant des formes d’exploitation et d’abus qui sont propres à ce trafic. Il s’agit notamment des infractions relatives aux documents frauduleux, des infractions liées à la prostitution, de l’infliction de lésions corporelles, de l’enlèvement, de la séquestration, de l’intimidation, du complot et de la participation à la criminalité organisée.
La LIPR vise elle aussi le trafic transfrontalier des personnes.
Le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration a fait connaître en mai 2006 une nouvelle politique permettant d’accorder des permis de séjour temporaires aux victimes du trafic des personnes. Cette politique a été actualisée en juin 2007 372. À l’intérieur du cadre législatif actuel, les agents d’immigration peuvent désormais délivrer des permis de séjour temporaires d’une durée maximale de 180 jours aux victimes du trafic des personnes. Les bénéficiaires de ces permis sont exemptés des frais de traitement habituellement exigés, peuvent demander un permis de travail et être admissibles au Programme fédéral de santé intérimaire.
Cette solution vise les objectifs suivants :
Il n’y a pas d’obligation, de la part de la victime, de collaborer à une enquête en échange d’un permis de séjour temporaire.
La victime de la traite peut également obtenir un permis valide pour une période plus longue ou un autre permis de séjour temporaire lorsqu’un agent d’immigration a examiné les facteurs pertinents pour déterminer, par exemple, si la personne a la possibilité de retourner et de refaire sa vie – dans des conditions raisonnablement sécuritaires – dans son pays d’origine ou dans le pays où elle avait sa dernière résidence permanente, ou si sa présence est nécessaire pour aider les autorités dans une enquête ou une poursuite et si elle est disposée à fournir une telle aide. Après une certaine période, la victime de la traite des personnes pourrait obtenir le statut de résident permanent.
Un rôle important dans la politique canadienne en matière de trafic des personnes est joué par le Groupe de travail interministériel sur la traite des personnes, coprésidé par des représentants des ministères de la Justice et de la Sécurité publique et comptant en tout 17 ministères et organismes fédéraux. Ce groupe de travail a pour mission de coordonner les efforts fédéraux de lutte contre le trafic des personnes et d’élaborer une stratégie fédérale conforme aux engagements internationaux du Canada. Ainsi, il examine les mesures législatives, les politiques et les programmes actuels qui pourraient avoir des répercussions sur la traite des personnes, dans le but de dégager les meilleures pratiques à adopter et les aspects à améliorer 373.
Depuis septembre 2005, la Gendarmerie royale du Canada est à la tête du Centre national de coordination contre la traite des personnes. Logé à la Sous‑direction des questions d’immigration et de passeport, ce centre a pour but d’aider les enquêteurs sur le terrain et de préparer des campagnes d’information et de sensibilisation. Le centre a publié en mars 2010 une étude menée de 2005 à 2009 dont le rapport s’intitule La traite des personnes au Canada. Une des premières remarques du rapport est que la traite de personnes est un secteur du crime organisé en plein essor partout dans le monde 374.
Le Parlement, par l’entremise de deux comités, s’est penché sur la question de la traite des personnes au Canada.
En décembre 2006, le Sous‑comité de l’examen des lois sur le racolage du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes a publié son rapport intitulé Le défi du changement : Étude des lois pénales en matière de prostitution au Canada 375. Dans cette vaste étude des lois canadiennes sur la prostitution, le Sous‑comité insiste sur le fait qu’il faut poursuivre efficacement les trafiquants, fournir à cette fin suffisamment de ressources et de formation aux agents de la force publique et assurer aux victimes une aide et des services appropriés.
En février 2007, le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes a publié un rapport intitulé De l’indignation à l’action pour contrer la traite à des fins d’exploitation sexuelle au Canada 376. Dans ce rapport, il a mis au premier plan l’approche dite des « trois P », fondée sur la protection des victimes, la poursuite des clients et des trafiquants, et la prévention. Les recommandations du Comité mettaient l’accent sur les mesures de prévention, et notamment sur l’élaboration d’une stratégie de lutte contre la pauvreté (en portant une attention particulière aux Autochtones), l’élimination des obstacles à l’immigration et la sensibilisation de la population au danger de devenir victime de la traite.
Le Comité insiste également sur l’importance de mieux protéger les victimes en leur offrant des services et des programmes de soutien (notamment des maisons d’hébergement temporaire sûres et l’accès à des services d’aide psychosociale et juridique) et en modifiant les lignes directrices relatives au permis de séjour temporaire de manière à permettre aux victimes de présenter une demande de permis de travail.
Pour coordonner les efforts du Canada, le Comité propose la création d’un bureau canadien de lutte contre la traite des personnes, qui permettrait aux intervenants de mettre en commun leurs connaissances et leurs pratiques exemplaires de manière à prévenir la traite de personnes, à protéger les victimes et à poursuivre avec succès ceux qui exploitent ces dernières. Le Comité propose également la création d’un poste de rapporteur national qui aurait pour mandat de recueillir et d’analyser des données sur la traite des personnes et de déposer un rapport annuel au Parlement.
Lorsqu’elle a annoncé – de concert avec Joy Smith, députée de Kildonan‑St. Paul – le dépôt du projet de loi C‑56 au nom du ministre de la Citoyenneté, de l’Immigration et du Multiculturalisme, l’honorable Rona Ambrose, ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et ministre de la Condition féminine, a dit que le projet de loi devrait aider à prévenir certaines situations où des femmes pourraient être exploitées ou devenir victimes de la traite de personnes :
Ce projet de loi mettra en œuvre des changements législatifs importants visant à fermer la porte à la victimisation dangereuse des femmes et des jeunes filles. Nous exhortons le Parlement à nous soutenir dans cette grave affaire et à appuyer le projet de loi. En tant que Canadiens, nous croyons que les femmes dans toutes les communautés doivent être traitées avec tout le respect et toute la dignité qu’elles méritent, et nous nous opposons aux situations dans lesquelles les femmes et les filles font face à des actes de violence, d’abus ou d’exploitation 377.
Parmi ces situations, il faut mentionner celle des danseuses exotiques étrangères, qui peuvent faire une demande de permis de travail temporaire afin de pallier une pénurie temporaire sur le marché du travail canadien 378. Les modalités de délivrance du visa de danseuses exotiques exigent des propriétaires des clubs de striptease qu’ils obtiennent la validation de l’offre d’emploi 379. En 2009, pour tout le Canada, ce groupe professionnel se situait au huitième rang pour les offres validées, soit 1 836, et chaque validation d’offre d’emploi peut regrouper plus d’un poste par offre 380. De plus, à partir du 11 janvier 2011, chaque contrat conclu entre un employeur et une danseuse exotique qui vient travailler temporairement au Canada doit contenir deux nouvelles clauses qui confirment que les coûts de transports et le coût d’une assurance maladie incombent aux employeurs 381.
Si par le passé les danseuses exotiques étrangères qui arrivaient au Canada venaient d’habitude des États‑Unis, vers la fin des années 1990 elles étaient très souvent originaires de l’Europe de l’Est. C’est alors qu’on a commencé à craindre qu’elles fassent l’objet d’une traite. C’est pourquoi les agents d’immigration qui travaillent dans les missions à l’étranger exigent des danseuses exotiques qui font une demande de visa qu’elles présentent un contrat de travail valable; ils s’assurent ensuite que l’employeur est légitime. Ces agents ont reçu une formation leur permettant de reconnaître et de refuser les victimes potentielles de la traite des personnes. Ils examinent aussi chaque cas du point de vue de la santé et de la sécurité et s’assurent que des dispositions ont été prises pour que la personne retourne dans son pays à l’expiration du visa, comme tout autre travailleur temporaire 382.
Entre 2004 et 2007, le nombre de permis accordés au Canada à des danseuses exotiques étrangères semble avoir diminué de façon marquée. D’après des renseignements obtenus du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, 342 permis et prolongations de permis de travail ont été accordés à des danseuses exotiques étrangères en 2004; ce nombre est passé à 17 en 2006 383 et, ce qui confirme la tendance, à six en 2010 384.
Les articles 206 et 207 du projet de loi modifient la LIPR de manière à permettre à l’agent d’immigration de refuser d’autoriser un étranger à exercer un emploi au Canada s’il estime que l’étranger est vulnérable à l’exploitation.
L’article 206 du projet de loi ajoute à la LIPR une nouvelle disposition, le paragraphe 30(1.1), qui prévoit que l’agent « peut » autoriser l’étranger qui satisfait aux conditions réglementaires à exercer un emploi au Canada ou à y étudier. Cela donne à l’agent d’immigration le pouvoir discrétionnaire de refuser l’autorisation d’exercer un emploi ou d’étudier au Canada, même si le demandeur satisfait aux conditions réglementaires.
L’article 206 ajoute également les paragraphes 30(1.2) à 30(1.7) à la LIPR.
Le paragraphe 30(1.2) dispose que l’agent refuse d’autoriser l’étranger à exercer un emploi s’il estime que l’intérêt public, établi dans les instructions du Ministre, justifie ce refus. Ce pouvoir discrétionnaire est quelque peu limité par le paragraphe 30(1.3), qui prévoit que tout refus d’autoriser l’étranger à exercer un emploi au Canada doit être confirmé par un autre agent.
Au paragraphe 30(1.4), il est précisé que les instructions du Ministre établissent ce qui constitue l’intérêt public et qu’elles visent à protéger l’étranger qui risque de subir un traitement dégradant ou attentatoire à la dignité humaine, et notamment d’être exploité sexuellement.
Selon les paragraphes 30(1.5) à 30(1.7), les instructions ministérielles seront publiées dans la Gazette du Canada. Elles prendront effet à la date de leur publication (ou à toute date ultérieure qui y sera précisée). Une fois en vigueur, elles s’appliqueront également à toute demande de permis de travail présentée avant cette date et à l’égard de laquelle une décision finale n’aura pas été rendue. Ces instructions deviendront caduques lorsqu’un avis de révocation sera publié dans la Gazette du Canada.
L’article 207 du projet de loi modifie le paragraphe 94(2) de la LIPR pour obliger le ministre de la Citoyenneté, de l’Immigration et du Multiculturalisme à rendre compte de ces instructions dans son rapport annuel au Parlement.
Il importe de souligner qu’il s’agit là du seul endroit dans la LIPR où l’on trouve cette précision concernant les instructions du Ministre. En effet, si la LIPR prévoit que le Ministre donnera des instructions sur diverses questions, seul l’article en question énonce des exigences précises et détaillées concernant leur publication et leur inclusion dans le rapport annuel. Cette modification accroît la responsabilisation qui accompagne l’application des instructions et tout éventuel refus d’accorder un permis de travail temporaire en raison d’un risque d’exploitation.
L’article 205 du projet de loi modifie les objectifs en matière d’immigration de la LIPR en ajoutant le qualificatif « publiques » au libellé relatif à la protection de la santé et de la sécurité de l’actuel alinéa 3(1)h) de la LIPR. Ainsi, en matière d’immigration, la LIPR modifiée vise à protéger la santé et la sécurité publiques et à garantir la sécurité de la société canadienne.
Les articles 31 et 33 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés 385 utilisaient déjà cette terminologie pour expliquer les éventuels dangers, d’une part, pour la santé publique parce que l’étranger souffrirait d’une maladie contagieuse et, d’autre part, pour la sécurité publique parce que l’état de santé de l’étranger le rendrait susceptible, entre autres, de faire preuve d’un comportement violent.
Il convient de remarquer que la partie 5 du projet de loi ne modifie que le paragraphe 3(1), qui concerne les objectifs de la LIPR en matière d’immigration; le paragraphe 3(2), qui précise les objectifs relatifs aux réfugiés et qui déclare qu’il s’agit de « protéger la santé des Canadiens et de garantir leur sécurité », demeure inchangé.
Les articles 149 et 150 du projet de loi apportent des modifications corrélatives à la LIPR pour tenir compte des modifications apportées à la Loi sur le casier judiciaire :
Comme le mentionne la partie 7 « Modifications à la Loi sur le casier judiciaire (réhabilitation) » du présent résumé législatif, le projet de loi C‑10 modifie la Loi sur le casier judiciaire pour accroître le délai que doivent respecter les auteurs de certains crimes avant de présenter une demande de suspension de casier (auparavant « réhabilitation »). Les délais sont de dix ans pour toutes les infractions punissables par voie de mise en accusation et de cinq ans pour toutes les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
En plus de ses conséquences pour les citoyens canadiens, cette modification aura une incidence particulière sur les résidents permanents et les étrangers qui ont commis des crimes au Canada. L’admissibilité de telles personnes au Canada doit faire l’objet d’audiences de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, qui peut la refuser au motif de criminalité (si l’intéressé a été reconnu coupable par voie de mise en accusation ou a commis deux infractions sans lien l’une avec l’autre) ou de grande criminalité (des crimes qui entraînent une peine maximale d’emprisonnement de dix ans ou plus ou pour lesquels l’intéressé a été condamné à une peine d’emprisonnement de plus de six mois) 386. La marge discrétionnaire au cours des audiences est plutôt faible : une fois les motifs d’inadmissibilité établis, le tribunal est tenu de révoquer le statut de résident permanent et d’ordonner le renvoi de l’étranger 387. Par conséquent, les modifications apportées à la Loi sur le casier judiciaire par le projet de loi influeront sur la capacité qu’ont les étrangers et les résidents permanents d’obtenir une suspension de casier et, en conséquence, pourraient nuire à leur capacité de demeurer au pays ou d’y revenir.
En outre, les étrangers qui ont un casier judiciaire et qui souhaitent venir au Canada doivent présenter une demande de réadaptation (l’évaluation de leur casier judiciaire afin de déterminer s’ils représentent toujours une menace pour la société canadienne) pendant qu’ils sont à l’extérieur du pays 388. Une personne qui a des antécédents de « grande criminalité » doit présenter une demande de réadaptation à un bureau des visas canadien; cependant, elle ne peut le faire que si au moins cinq ans se sont écoulés depuis le moment où les peines imposées ont été purgées et que si depuis ce moment, elle n’a été déclarée coupable d’aucune infraction. La réadaptation est abordée dans le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui sera vraisemblablement modifié par suite de la modification apportée à l’alinéa 53f) de la LIPR par le projet de loi.
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
Ce point est très important, à mon sens, car certains juges pensent au dédommagement et se disent : « Cet homme s’en va en prison. Il n’a pas d’argent ». Nous savons que les détenus touchent un certain salaire en prison. Nous savons également que les victimes sont reconnaissantes des efforts qu’ils déploient, même dans les cas où elles ne reçoivent pas la totalité de ce qui leur est dû. De plus, selon moi, les délinquants bénéficient aussi de cette mesure, car elle donne un sens au crime, elle le rend réel.Chambre des communes, Comité permanent de la sécurité publique et nationale, Témoignages, 20 avril 2010, 1610 [Steve Sullivan, ombudsman fédéral pour les victimes d’actes criminels]. [ Retour au texte ]
Commet une infraction punissable par procédure sommaire quiconque : a) est en possession d’un objet interdit au‑delà du poste de vérification d’un pénitencier; b) est en possession, en deçà de ce poste de vérification, d’un des objets visés aux alinéas b) ou c) de la définition d’objets interdits; c) remet des objets interdits à un détenu ou les reçoit de celui‑ci; d) sans autorisation préalable, remet des bijoux à un détenu ou en reçoit de celui‑ci; e) se retrouve dans un pénitencier sans y être autorisé. [ Retour au texte ]
a) [s]ubstances intoxicantes; b) armes ou leurs pièces, munitions ainsi que tous objets conçus pour tuer, blesser ou immobiliser ou modifiés ou assemblés à ces fins, dont la possession n’a pas été autorisée; c) explosifs ou bombes, ou leurs pièces; d) les montants d’argent, excédant les plafonds réglementaires, lorsqu’ils sont possédés sans autorisation; e) toutes autres choses possédées sans autorisation et susceptibles de mettre en danger la sécurité d’une personne ou du pénitencier. [ Retour au texte ]
a) les infractions – la haute trahison, la trahison, le meurtre au premier degré ou au deuxième degré exceptés – punissables, par mise en accusation, d’un emprisonnement d’au moins dix ans et impliquant :
- (i) soit l’emploi, ou une tentative d’emploi, de la violence contre une autre personne;
- (ii) soit une conduite dangereuse, ou susceptible de l’être, pour la vie ou la sécurité d’une autre personne ou une conduite ayant infligé, ou susceptible d’infliger, des dommages psychologiques graves à une autre personne;
b) les infractions ou tentatives de perpétration de l’une des infractions visées aux articles 271 (agression sexuelle), 272 (agression sexuelle armée, menaces à une tierce personne ou infliction de lésions corporelles) ou 273 (agression sexuelle grave). [ Retour au texte ]
[…] dans le but de réduire le recours trop fréquent au placement sous garde dans le cas des jeunes contrevenants, il faut privilégier une interprétation stricte de « infraction avec violence », qui renvoie à l’une des situations donnant ouverture au placement sous garde. Or, une définition qui s’appliquerait aux infractions au cours desquelles des lésions corporelles ne sont que raisonnablement prévisibles serait trop large. En effet, la plupart des infractions prévues au Code criminel peuvent, à un certain moment, donner lieu à un préjudice. [ Retour au texte ]
La perte de la protection d’une interdiction de publication accroît la sévérité de la peine. En conséquence, comme c’est le cas lorsqu’une peine applicable aux adultes est infligée, il devrait incomber au ministère public de justifier la sévérité accrue, plutôt qu’à l’adolescent de justifier le maintien de la protection à laquelle il est, par ailleurs, présumé avoir droit. [ Retour au texte ]
Quiconque recrute, transporte, transfère, reçoit, détient, cache ou héberge une personne, ou exerce un contrôle, une direction ou une influence sur les mouvements d’une personne, en vue de l’exploiter ou de faciliter son exploitation commet une infraction passible, sur déclaration de culpabilité par voie de mise en accusation :
a) d’un emprisonnement à perpétuité, s’il enlève la personne, se livre à des voies de fait graves ou une agression sexuelle grave sur elle ou cause sa mort lors de la perpétration de l’infraction;
b) d’un emprisonnement maximal de quatorze ans, dans les autres cas. [ Retour au texte ]
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