Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le projet de loi C-15 : Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois en conséquence (titre abrégé : « Loi visant à renforcer la justice militaire pour la défense du Canada ») a été déposé à la Chambre des communes le 7 octobre 2011 par le ministre de la Défense nationale. Il a franchi l’étape de la deuxième lecture et a été renvoyé au Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes le 12 décembre 2012. Le Comité a présenté son rapport le 7 mars 2013 et le projet de loi a franchi l’étape de la troisième lecture à la Chambre le 1er mai 2013.
Le projet de loi reprend essentiellement les dispositions de l’ancien projet de loi C-41, qui avait été adopté en première lecture le 16 juin 2010, au cours de la troisième session de la 40e législature, mais qui est mort au Feuilleton à la dissolution du Parlement en prévision de la 41e élection générale.
Le projet de loi C-15 tient aussi compte des modifications à la Loi sur la défense nationale (LDN) 1 apportées par l’ancien projet de loi S-3, qui est devenu loi en mars 2007 2 et qui prévoyait la mise en place d’une banque de données nationale pour l’enregistrement de renseignements sur les personnes déclarées coupables d’infractions militaires de nature sexuelle. Cependant, contrairement à l’ancien projet de loi C-7 3, déposé à la Chambre des communes le 27 avril 2006, mais dont l’étude s’est arrêtée à l’étape de la première lecture, le projet de loi C-15 ne précise pas les responsabilités de la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire. Il ne reprend pas non plus le délai de 60 jours pour renvoyer à la Commission pour examen une décision du grand prévôt à propos d’une plainte 4.
De façon générale, le projet de loi C-15 donne suite à bon nombre des recommandations soumises par le très honorable Antonio Lamer, ancien juge en chef de la Cour suprême du Canada, dans son rapport présenté en 2003 sur le premier examen indépendant des modifications apportées à la LDN en 1998 par l’ancien projet de loi C-25 (Rapport Lamer) 5.
Les modifications contenues dans le projet de loi C-15 clarifient celles apportées par l’ancien projet de loi C-25 6. Si le projet de loi C-15 rapproche davantage le système de justice militaire du système judiciaire prévu par le Code criminel 7 (le Code), il tient aussi compte de la spécificité du régime de justice militaire et vise, par conséquent, à assurer une certaine souplesse nécessaire au maintien de la discipline. Il vise aussi à accroître l’efficacité du régime de justice militaire ainsi que l’indépendance et l’impartialité des principaux acteurs du système militaire, notamment les juges militaires et le directeur du service d’avocats de la défense.
Le projet de loi C-15 a été déposé à la Chambre des communes le même jour que le projet de loi C-16 : Loi sur l’inamovibilité des juges militaires 8, qui prévoit qu’un juge militaire occupe sa charge jusqu’à l’âge de 60 ans, sous réserve seulement de révocation motivée sur recommandation d’un comité d’enquête 9. Le projet de loi C-16 a reçu la sanction royale le 29 novembre 2011.
La LDN crée un système de justice militaire distinct, y compris des tribunaux militaires 10. Elle établit un code de discipline militaire, qui comprend des infractions militaires précises et comprend toutes les infractions au Code ou à toute autre loi fédérale 11. Ce code de discipline s’applique aux membres des Forces canadiennes et, dans certaines circonstances mentionnées dans la LDN, à certaines catégories de civils 12.
Depuis l’entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) 13 en 1982, le Parlement et les tribunaux se sont penchés à maintes reprises sur des questions relatives à la structure du système de justice militaire. En conséquence, le système a beaucoup évolué 14.
La plus récente réforme législative en profondeur du système de justice militaire a eu lieu en 1998 lors de l’adoption du projet de loi C-25 : Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois en conséquence
Ce projet de loi a modifié en profondeur la LDN. Il donnait suite à de nombreuses recommandations formulées dans trois rapports en 1997 :
Les modifications apportées par le projet de loi C-25 visaient entre autres à promouvoir l’intégrité et l’équité à l’intérieur du système mis en place par la LDN. Les principaux changements apportés comprenaient :
Le projet de loi a reçu la sanction royale le 10 décembre 1998. Ses différentes parties sont entrées en vigueur en 1999 et en 2000.
L’article 96 du projet de loi C-25 exigeait que le Ministre fasse procéder, tous les cinq ans après la sanction du projet de loi, à un examen indépendant des modifications apportées à la LDN. L’ancien juge en chef Lamer a commencé le premier examen en mars 2003 et son rapport a été déposé au Parlement par le ministre de la Défense nationale de l’époque, John McCallum, le 5 novembre de la même année.
Cet examen indépendant concernait uniquement les dispositions et l’application du projet de loi C-25, et non la LDN dans son ensemble.
L’ancien juge en chef Lamer faisait observer, dans la conclusion de son rapport, que « le système de justice militaire du Canada fonctionne en général très bien, sous réserve de quelques modifications 18 ». Pour améliorer un système de justice militaire déjà efficace qui servait de modèle sur la scène internationale, il recommandait que certaines modifications soient apportées.
Les 88 recommandations contenues dans le Rapport Lamer visaient principalement à mieux garantir l’indépendance des principaux intervenants – notamment les juges militaires et le directeur du service d’avocats de la défense – et à améliorer le processus de règlement des griefs et des plaintes concernant la police militaire. Les modifications suggérées au code de discipline militaire traduisaient la volonté d’incorporer certaines règles du Code criminel dans le système de justice militaire.
Le projet de loi C-7 : Loi modifiant la Loi sur la défense nationale a été déposé au Parlement le 27 août 2006. Il n’a pas dépassé le stade de la première lecture et est mort au Feuilleton à la fin de la session. Le projet de loi C-45 : Loi modifiant la Loi sur la défense nationale, pratiquement identique au projet de loi C-7, a été déposé le 3 mars 2008, mais a subi le même sort que son prédécesseur lorsque le Parlement a été dissous pour la 40e élection générale. Tous deux proposaient de donner suite aux recommandations du Rapport Lamer en modifiant la LDN. Si l’un ou l’autre avait été adopté, nombre de changements semblables à ceux prévus dans le projet de loi C-15 auraient été apportés à la LDN :
Le projet de loi C-60 : Loi modifiant la Loi sur la défense nationale (cour martiale) et une autre loi en conséquence a reçu la sanction royale le 18 juin 2008. Il donnait suite à la décision rendue par la Cour d’appel de la cour martiale du Canada dans l’affaire R. c. Trépanier 19.
Le 24 avril 2008, dans l’affaire Trépanier, la Cour d’appel de la cour martiale du Canada a déclaré inconstitutionnelles les dispositions de la LDN qui autorisaient le directeur des poursuites militaires à choisir le type de cour martiale chargée de juger un accusé (art. 165.14 de la LDN). Le projet de loi C-60 a corrigé la situation en modifiant la LDN de manière à prévoir un système à trois volets conforme aux exigences de la décision Trépanier : les cas où la convocation d’une cour martiale générale est obligatoire, ceux où la convocation d’une cour martiale permanente est obligatoire, et ceux où l’accusé peut choisir le type de cour martiale par laquelle il sera jugé 20. Le projet de loi donnait également suite à des recommandations formulées dans le Rapport Lamer et mettait en application des modifications à la LDN qui avaient été proposées dans les projets de loi C-7 et C-45.
Le projet de loi C-60 apportait trois modifications importantes au système de justice militaire :
Dans une lettre du 17 juin 2008, le ministre de la Défense nationale a demandé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles d’étudier les dispositions et l’application du projet de loi C-60 une fois édicté, et de lui faire connaître ses observations et recommandations à ce sujet 21. Le Comité les a présentées dans son rapport final Une justice égale : Réformer le système canadien de cours martiales, déposé au Sénat en mai 2009 22. Il a formulé neuf recommandations concernant la conduite des cours martiales et la détermination de la peine par les tribunaux militaires.
La réponse du gouvernement, déposée au Sénat le 22 octobre 2009, indiquait qu’il acceptait, ou acceptait en principe, toutes les recommandations 23.
Le projet de loi C-41 : Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois en conséquence (titre abrégé : « Loi visant à renforcer la justice militaire pour la défense du Canada ») a été déposé à la Chambre des communes le 16 juin 2010 par le ministre de la Défense nationale. Il a fait l’objet d’un rapport à la Chambre des communes après avoir été étudié par le Comité permanent de la défense nationale de la Chambre 24, mais il est mort au Feuilleton lorsque le Parlement a été dissous en mars 2011 en vue d’élections générales.
Le projet de loi intégrait les principales dispositions des projets de loi C-7 et C-45 qui n’étaient pas incluses dans le projet de loi C-60. Les modifications proposées dans le projet de loi C-41 donnaient suite aux recommandations contenues dans le Rapport Lamer (2003) et dans le rapport de mai 2009 du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles 25.
Contrairement à l’ancien projet de loi C-7 26, le projet de loi C-41 ne précisait pas les responsabilités de la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire 27 et ne comprenait pas le délai de 60 jours pour demander à la Commission d’examiner une décision du grand prévôt relative à une plainte pour inconduite 28. Lors de son témoignage devant le Comité de la défense nationale de la Chambre des communes en février 2011, l’honorable Peter MacKay, ministre de la Défense nationale, a affirmé que l’omission était voulue. Étant donné les questions étudiées par la Commission à l’époque, le Ministre a soutenu qu’il ne voulait pas que la mesure législative « ait une incidence quelconque susceptible d’entraver » les procédures de plainte en cours 29.
Le Comité a entendu d’autres témoins et reçu des mémoires au sujet du projet de loi C-41. Des témoins ont fortement appuyé plusieurs des réformes proposées, plus particulièrement la réforme en profondeur de la détermination de la peine, la protection accrue de l’indépendance et de l’impartialité des juges militaires et les dispositions améliorées sur l’application régulière de la loi pour les accusés. Le fait de donner un fondement législatif aux attributions et responsabilités du grand prévôt constituait, de l’avis de certains témoins, un changement positif 30.
Certaines dispositions du projet de loi inquiétaient des témoins, notamment :
De nombreux mémoires présentés au Comité donnaient à entendre que ce projet de loi constituait une étape très positive, mais qu’il aurait dû aller plus loin, par exemple en réformant le système de procès sommaires afin qu’il y ait davantage de protections procédurales pour les accusés ou en limitant les conséquences d’une déclaration de culpabilité devant de tels tribunaux 34. Au cours des audiences, les témoins se sont aussi inquiétés de ce que le CEMD n’avait pas le pouvoir d’accorder une compensation financière lorsque la procédure de griefs permet de conclure qu’une telle compensation est due, et de ce que certaines recommandations en suspens du Rapport Lamer sur le Comité des griefs n’avaient pas été mises en œuvre 35.
Le 24 mars 2011, le Comité a fait rapport du projet de loi à la Chambre des communes et proposé des amendements à six articles 36. Le Parlement a été dissous peu après et le projet de loi est mort au Feuilleton. L’amendement proposé par le Comité prévoyant l’ajout des attributions et des responsabilités du grand prévôt au programme de futurs examens indépendants du système de justice militaire a été intégré au projet de loi C-15. Les autres amendements proposés par le Comité n’ont pas été retenus.
Le 2 juin 2011, dans l’affaire R. c. Leblanc 37, la Cour d’appel de la cour martiale a déclaré inconstitutionnelles les dispositions actuelles concernant la nomination des juges et la durée de leur mandat. La Cour a suspendu la déclaration d’invalidité pour une période de six mois afin de permettre au législateur de modifier la loi. Le projet de loi C-16 a été déposé à la Chambre des communes en octobre 2011, en même temps que le projet de loi C-15.
L’objet déclaré du projet de loi C-16 était d’éliminer l’impression que les décisions des juges militaires étaient soumises à des influences extérieures, et ce, afin de satisfaire aux normes constitutionnelles concernant l’indépendance et l’impartialité des juges. Ce projet de loi a été dissocié des réformes plus exhaustives du système de justice militaire proposées dans le projet de loi C-15 afin de faire adopter les modifications à la LDN dans le délai imparti par la Cour d’appel de la cour martiale dans la décision Leblanc.
Au cours des audiences du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, on a soulevé la question de la constitutionnalité de la disposition fixant l’âge de la retraite des juges militaires à 60 ans, même dans les cas où le juge répond aux exigences en matière de condition physique pour demeurer au service des Forces canadiennes. La discussion a porté principalement sur la question de savoir si cette disposition était contraire à l’interdiction, prévue dans la Loi canadienne sur les droits de la personne 38, d’exercer une discrimination fondée sur l’âge ou à l’article 15 de la Charte, qui garantit l’égalité des droits à tous les Canadiens 39.
Le projet de loi C-16 a reçu la sanction royale le 29 novembre 2011 40. Les dispositions de coordination du projet de loi C-15 prévoient que les dispositions pertinentes de ce projet de loi sur la nomination et l’inamovibilité des juges militaires remplaceront celles du projet de loi C-16 si le projet de loi C-15 reçoit la sanction royale.
En mai 2011, le ministre de la Défense nationale, l’honorable Peter MacKay, a chargé l’honorable Patrick J. LeSage, juge en chef à la retraite de la Cour supérieure de l’Ontario, d’effectuer le deuxième examen indépendant du projet de loi C-25 (le premier étant celui de l’ancien juge en chef Lamer) et du projet de loi C-60, adopté en 2008 41. L’article 96 du projet de loi C-25 dispose que l’examen indépendant devrait porter sur l’ensemble des dispositions du projet de loi. Cependant, dans une lettre en date du 25 mars 2011, le ministre MacKay a écrit ce qui suit :
En effet, pour maximiser l’utilité du second examen indépendant, il faudrait qu’il soit axé sur les recommandations du Rapport Lamer qui ont déjà été mises en œuvre 42.
Le juge LeSage a reçu l’instruction de produire un rapport final prêt pour publication au plus tard le 31 décembre 2011. Le Rapport final de l’autorité indépendante chargée du deuxième examen à l’honorable Peter G. MacKay, ministre de la Défense nationale a été déposé à la Chambre des communes le 8 juin 2012 43.
Le projet de loi C-15 s’inscrit dans un processus de réforme en cours du système de justice militaire. Il reprend l’essentiel des dispositions proposées dans les projets de loi C-41, C-7 et C-45 tout en tenant compte des modifications apportées à la LDN par suite de l’adoption du projet de loi C-60. Les modifications figurant dans le projet de loi C-15 mettent en œuvre bon nombre des recommandations formulées dans le Rapport Lamer, ainsi que plusieurs de celles formulées dans le rapport de mai 2009 du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Parmi les modifications envisagées figurent :
Avant l’entrée en vigueur du projet de loi C-25, le bureau du juge-avocat général assurait à la fois les services de poursuite et de défense des justiciables. Le projet de loi C-25 a scindé cette fonction en deux postes : le directeur des poursuites militaires (DPM) et le directeur du service d’avocats de la défense (DSAD). Le DPM est chargé principalement de déposer les mises en accusation et de mener les poursuites devant les cours martiales. Le DSAD, de son côté, est chargé avant tout de fournir, de superviser et de diriger la prestation des services juridiques aux justiciables.
C’est le Ministre qui nomme le DPM et le DSAD 44, et ce, à titre inamovible pour un mandat maximal et renouvelable de quatre ans. Il existe toutefois, à l’heure actuelle, une différence entre l’inamovibilité du DPM et celle du DSAD. En effet, pour révoquer le mandat du DPM, le Ministre doit obtenir la recommandation d’un comité d’enquête. Le DSAD ne bénéficie pas de cette protection. Le paragraphe 71(1) du projet de loi C-15 corrige cette situation en modifiant le paragraphe 249.18(2) de la LDN de manière que le mandat du DSAD ne puisse être révoqué que sur recommandation d’un comité d’enquête 45.
Ni la LDN ni les Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC) ne prévoient la façon dont la rémunération du DPM et du DSAD est établie. Pour assurer la transparence du processus, le paragraphe 3(1) du projet de loi modifie l’alinéa 12(3)a) de la LDN et prévoit que la solde des deux directeurs sera fixée par règlement du Conseil du Trésor 46.
Avant l’adoption du projet de loi C-16, les juges militaires étaient nommés à titre inamovible par le gouverneur en conseil pour un mandat de cinq ans. Ce mandat pouvait être révoqué uniquement par le gouverneur en conseil sur recommandation d’un comité d’enquête créé sous le régime de la LDN 47. Le mandat d’un juge pouvait être renouvelé sur recommandation d’un comité d’examen jusqu’à ce que le juge atteigne l’âge de la retraite fixé par règlement 48.
Dans l’affaire R. c. Leblanc, la Cour d’appel de la cour martiale a conclu que les paragraphes 165.21(2) à 165.21(4) de la LDN et les articles 101.15, 101.16 et 101.17 des ORFC, dispositions qui prévoient la procédure pour la nomination des juges militaires et le renouvellement de leur mandat, ainsi que la durée de celui-ci, violaient l’alinéa 11d) de la Charte, qui assure à l’accusé le droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial.
Afin d’accroître l’indépendance et l’impartialité des juges, le projet de loi C-15 reprend les modifications apportées par le projet de loi C-16 pour corriger les difficultés d’ordre constitutionnel relevées dans l’affaire Leblanc et apporte d’autres modifications en ce qui concerne la rémunération et les conditions d’emploi des juges militaires.
Actuellement, les juges militaires doivent prêter serment avant chaque procès 49. Le nouveau paragraphe 165.21(2) de la LDN prévoit qu’ils devront désormais prêter serment au moment de leur nomination 50.
L’article 41 du projet de loi C-15 modifie l’article 165.21 de la LDN de façon à ce que le juge militaire puisse occuper sa charge jusqu’à ce qu’il demande sa libération ou qu’il atteigne l’âge de 60 ans (nouveau par. 165.21(4) de la LDN). Le projet de loi prévoit également le processus d’avis relatif à la démission d’un juge militaire (nouveau par. 165.21(5) de la LDN) 51.
Selon le projet de loi, le juge militaire peut faire l’objet d’une révocation motivée seulement sur recommandation du Comité d’enquête sur les juges militaires (nouveau par. 165.21(3) de la LDN) 52.
Si la LDN actuelle prévoit que le gouverneur en conseil doit obtenir la recommandation du Comité d’enquête sur les juges militaires pour révoquer le mandat d’un juge militaire, la composition de ce comité et les facteurs qu’il doit prendre en compte sont décrits uniquement dans les ORFC 53.
Le projet de loi incorpore dans les nouveaux articles 165.31 et 165.32 de la LDN l’essentiel des règles établies dans les ORFC 54. Ainsi, les membres sont toujours des juges de la Cour d’appel de la cour martiale et sont nommés par le juge en chef de ce tribunal (nouveau par. 165.31(1) de la LDN). En outre, le Comité doit entreprendre une enquête sur la révocation possible d’un juge militaire à la demande du Ministre (nouveau par. 165.32(1) de la LDN), et il peut enquêter sur toute plainte ou accusation relative à un juge militaire qui lui est transmise par écrit et qui porte sur la question de savoir si le juge militaire doit être révoqué (nouveau par. 165.32(2) de la LDN).
Par contre, il existe des différences par rapport au régime établi dans les ORFC, notamment en ce qui concerne le nombre de membres du Comité et les motifs de révocation. Si les ORFC exigeaient que le Comité soit composé d’au moins deux juges de la Cour d’appel de la cour martiale, le nouveau paragraphe 165.31(1) de la LDN exige qu’au moins trois juges y siègent. Le nouveau paragraphe 165.32(7) de la LDN reprend les quatre motifs de révocation énumérés dans les ORFC :
Le projet de loi ajoute un cinquième motif, soit le fait que le juge militaire ne possède pas les aptitudes physiques et l’état de santé exigés des officiers. Ce dernier motif est actuellement pris en compte par le comité d’examen lors du renouvellement du mandat d’un juge militaire.
Les taux et conditions de versement de la solde des juges militaires sont fixés par règlement du Conseil du Trésor 55. La LDN actuelle prévoit que la rémunération des juges doit être révisée régulièrement par un comité, mais la constitution de ce comité et les facteurs à prendre en compte lors de la révision se trouvent dans les ORFC 56.
L’article 45 du projet de loi incorpore dans la LDN les règles relatives à la rémunération des juges établies dans les ORFC 57. Ainsi, le Comité d’examen de la rémunération des juges militaires est composé de trois membres à temps partiel, soit un membre nommé par le Ministre, un membre proposé par les juges militaires et le président, nommé par les deux autres membres (nouveau par. 165.33(1) de la LDN). Pour déterminer si la rémunération des juges militaires est satisfaisante, le Comité tient compte des facteurs actuellement prévus par les ORFC, notamment la situation économique de l’administration fédérale, la sécurité financière des juges militaires et le besoin de recruter les meilleurs officiers pour la magistrature militaire (nouveau par. 165.34(2) de la LDN).
Le Comité procède à son examen pour la magistrature militaire tous les quatre ans (nouveau par. 165.34(3) de la LDN), et en tout temps à la demande du Ministre (nouveau par. 165.35(1) de la LDN).
L’article 46 du projet de loi précise que les juges militaires représentés par un avocat devant le Comité auront droit d’obtenir des dépens.
Le projet de loi n’incorpore pas la recommandation du Rapport Lamer selon laquelle le salaire annuel des juges militaires devrait être fixé dans la LDN ainsi que la formule pour la révision périodique et la hausse des salaires 58.
Le projet de loi précise également le rôle du juge militaire en chef. Ce dernier, qui doit détenir au moins le grade de colonel (nouveau par. 165.24(2) de la LDN), peut, avec l’approbation du gouverneur en conseil et après avoir consulté un comité des règles nommé par le gouverneur en conseil, établir des règles relatives à la pratique et à la procédure en cour martiale. Par exemple, ces règles pourront concerner les conférences préparatoires, les ordonnances de libération ou de détention, les documents déposés en cour et le calendrier des procès (nouvel art. 165.3 de la LDN).
Le gouverneur en conseil peut nommer un juge militaire en chef adjoint qui pourra exercer les attributions du juge militaire en chef en cas d’absence ou d’empêchement du juge militaire en chef ou de vacance de son poste (nouveaux art. 165.28 et 165.29 de la LDN) 59.
Pour qu’un plus grand nombre de juges militaires soient disponibles afin de répondre à la demande croissante de services judiciaires, l’article 41 du projet de loi permet de constituer un comité des juges militaires de la force de réserve (art. 41 du projet de loi; nouveau par. 165.22(1) de la LDN).
Le gouverneur en conseil peut nommer à ce comité tout officier de la force de réserve qui a été officier pendant au moins 10 ans et, selon le cas :
C’est le juge militaire en chef qui choisit un officier de la force de réserve inscrit au tableau pour exercer les fonctions de juge militaire (art. 41 du projet de loi; nouveau par. 165.222(1) de la LDN).
La Cour suprême du Canada s’est dite d’avis que le fait qu’un juge exerce ses fonctions à temps partiel ne soulève pas de crainte raisonnable de partialité 60. Cependant, les activités qu’il exerce en dehors de ses fonctions judiciaires peuvent poser problème 61. L’article 41 du projet de loi précise que le juge militaire à temps partiel ne peut exercer aucune activité commerciale ou professionnelle incompatible avec ses fonctions judiciaires (nouvel art. 165.223 de la LDN). De plus, un juge militaire à temps partiel ne peut être nommé juge militaire en chef, exercer toute fonction déléguée de ce dernier ou être nommé juge militaire en chef adjoint (art. 43, 44 et 45 du projet de loi; nouveau par. 165.24(1) et nouveaux art. 165.26 et 165.28 de la LDN).
Par ailleurs, en vertu de l’article 41 du projet de loi, le nom du juge militaire de réserve sera retiré du tableau au moment de sa retraite ou de sa libération, à sa demande, des Forces canadiennes (nouveau par. 165.221(2) de la LDN).
L’article 42 du projet de loi confère expressément aux juges militaires la même protection contre la responsabilité civile que celle accordée par la common law aux juges civils des tribunaux supérieurs qui entendent des affaires criminelles 62.
L’administrateur de la cour martiale est chargé de convoquer la cour martiale, en réponse à la décision du DPM, et de nommer les membres du comité de la cour martiale générale 63. L’article 40 du projet de loi modifie l’article 165.19 de la LDN afin d’y préciser qu’il a le pouvoir d’assigner l’accusé à comparaître devant la cour martiale 64.
Selon les décisions R. c. Gauthier 65, de la Cour d’appel de la cour martiale, et Dulude c. La Reine 66, de la Cour d’appel fédérale, la Charte limite, à l’instar du Code 67, le pouvoir discrétionnaire de procéder à une arrestation sans mandat conféré par les articles 154 à 156 de la LDN. Les articles 27 et 28 du projet de loi C-15 incorporent essentiellement dans la LDN les motifs prévus au Code pour légaliser une arrestation sans mandat 68. Ainsi, un officier, un militaire du rang (art. 27 du projet de loi) ou un policier militaire (art. 28 du projet de loi) pourront arrêter une personne sans mandat uniquement :
À l’heure actuelle, la LDN permet à un officier de la chaîne de commandement de réviser la décision de l’officier réviseur de mettre en liberté une personne arrêtée et de modifier toute condition liée à cette remise en liberté 70. Les juges militaires peuvent réviser toute décision de détenir une personne 71, mais ils n’ont pas actuellement le pouvoir de réviser une décision relative à sa remise en liberté, ce qui comprend la décision d’imposer des conditions à cette remise en liberté.
L’article 31 du projet de loi prévoit qu’un juge militaire peut réviser la décision prise par l’officier réviseur ou l’officier de la chaîne de commandement de remettre une personne en liberté 72. Par conséquent, les juges militaires peuvent aussi modifier toute condition imposée pour la remise en liberté. Un juge militaire peut aussi – après un délai de 30 jours (nouveau par. 158.7(3) de la LDN) – réviser la décision antérieure d’un juge militaire et rendre toute ordonnance de libération.
À l’heure actuelle, un des motifs permettant au juge militaire d’ordonner la détention d’une personne sous garde avant son procès (détention préventive) est l’existence « d’une autre juste cause 73 ». La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt R. c. Hall 74, a décidé que ce motif, prévu également par le Code 75, était contraire à la Charte. Par conséquent, l’article 32 du projet de loi remplace, à l’alinéa 159.2c) de la LDN, l’expression « d’une autre juste cause » par « qu’elle est nécessaire pour maintenir la confiance du public dans l’administration de la justice militaire 76 ». La validité de ce dernier motif a été confirmée dans l’arrêt Hall.
À l’heure actuelle, la LDN ne précise pas clairement à quel moment une ordonnance de détention préventive ou les conditions de remise en liberté sous caution expirent. L’article 33 du projet de loi prévoit que les circonstances mettant fin aux ordonnances de détention ou aux conditions de libération seront prévues par règlement du gouverneur en conseil 77. Dans son rapport, l’ancien juge en chef Lamer signale que l’Association du Barreau canadien suggérait qu’une ordonnance de détention ou les conditions de remise en liberté expirent dans les 14 jours suivant l’arrestation si aucune mise en accusation n’a été déposée 78.
La LDN actuelle n’exige pas qu’une accusation soit portée dans un délai raisonnable contre une personne qui est en détention préventive ou qui est libérée sous condition 79. Cependant, la Cour d’appel de la cour martiale a statué que la Charte exige néanmoins que les accusations portées en application de la LDN soient soumises à des principes semblables à ceux établis dans le Code, qui prévoit que les accusations seront portées sans retard injustifié 80. Ainsi, l’article 34 du projet de loi prévoit que l’accusation doit être portée avec toute la célérité que les circonstances permettent 81.
L’article 39 du projet de loi précise qu’une mise en accusation demeure valide malgré une irrégularité, un vice de forme ou un défaut de l’accusation. De plus, si le DPM décide de ne pas prononcer de mise en accusation contre un accusé, il peut changer d’avis et déposer ultérieurement une accusation contre l’accusé 82. La LDN actuelle permet uniquement le retrait d’une mise en accusation déjà prononcée 83.
Le projet de loi C-15 apporte de nombreux changements à la LDN relativement aux poursuites devant les tribunaux militaires. Le terme « tribunal militaire » désigne aussi bien la cour martiale que le juge qui préside un procès sommaire.
À l’heure actuelle, la LDN prescrit que le procès sommaire doit débuter dans l’année qui suit la perpétration de l’infraction reprochée 84. Au terme de la prescription, l’accusation doit être renvoyée à la cour martiale. L’article 35 du projet de loi modifie le paragraphe 161(1.1) de la LDN pour préciser que l’accusation doit également être portée au plus tard six mois après la perpétration de l’infraction reprochée si l’accusé est jugé sommairement par le commandant. L’article dispose par ailleurs qu’un accusé peut se soustraire à la prescription d’un an (nouveau par. 163(1.2) de la LDN) 85. L’article 36 du projet de loi ajoute les mêmes exigences pour le procès sommaire devant un commandant supérieur (par. 164(1.1) et 164(1.2) de la LDN).
Actuellement, seuls les officiers qui détiennent un grade inférieur à celui de lieutenant-colonel peuvent subir un procès sommaire. Selon le paragraphe 36(1) du projet de loi, les officiers qui détiennent le rang de lieutenant-colonel pourront dorénavant subir un tel procès. L’article 36 du projet de loi empêche également les juges militaires d’être jugés sommairement (nouveau par. 164(1.3) de la LDN).
L’article 50 du projet de loi modifie l’article 180 de la LDN afin d’accroître l’éventail des procédures judiciaires entendues par les juges militaires qui sont généralement publiques. Outre les cours martiales, qui étaient déjà présumées publiques sous le régime de la LDN, le projet de loi dispose que les types de procédures judiciaires suivants seront également publics :
Cette modification constitue un pas vers l’atténuation des différences entre les procédures judiciaires militaires et les procès criminels civils.
Le nouveau paragraphe 180(2) de la LDN ajoute deux circonstances dans lesquelles la cour martiale ou le juge militaire peuvent ordonner le huis clos : les affaires pouvant nuire soit à la défense nationale, soit à la sécurité nationale.
L’article 47 du projet de loi fait passer de colonel à lieutenant-colonel le rang du plus haut gradé des membres du comité de cinq membres dont se compose la cour martiale générale (par. 167(2) de la LDN). De même, l’article 47 du projet de loi modifie en conséquence le rang du plus haut gradé et celui des membres du comité selon que l’accusé est un colonel (par. 167(5) de la LDN), un lieutenant-colonel ou un officier d’un grade inférieur (par. 167(6) de la LDN), ou un militaire du rang (par. 167(7) de la LDN).
Le projet de loi dispose qu’une majorité des membres du comité qui juge un militaire du rang sera désormais composée de militaires du rang, plutôt que d’officiers. Alors que l’ancien projet de loi C-41 exigeait que seulement un des trois militaires du rang détienne au moins le grade de sergent, le projet de loi C-15 fixe cette exigence pour tous les militaires du rang membres du comité (par. 167(7) de la LDN).
De plus, le projet de loi C-15 (art. 48), contrairement au projet de loi C-41, maintient l’interdiction prévue par la LDN concernant la présence au comité de la cour martiale générale d’officiers détenant un grade inférieur à celui de capitaine (al. 168e) de la LDN) 86.
L’article 54 du projet de loi, à l’instar de l’article 475 du Code, traite du cas de l’accusé qui s’esquive au cours de son procès 87. Fréquemment, une personne accusée d’une infraction d’ordre militaire omet de se présenter à son procès 88. Dans un tel cas, le juge militaire présidant une cour martiale peut maintenant poursuivre le procès et prononcer une sentence en l’absence de l’accusé. L’avocat de l’accusé n’est pas privé de son pouvoir de représenter son client en l’absence de celui-ci. Cependant, la jurisprudence relative au Code donne à entendre que cet article ne conférera pas à l’avocat le pouvoir de continuer à représenter l’accusé ni n’exigera qu’il le fasse 89.
L’article 15 du projet de loi permet à l’accusé de recourir aux mêmes moyens de défense contre des accusations portées en application du code de discipline militaire que ceux utilisés pendant un procès devant un tribunal civil (nouvel art. 72.1 de la LDN).
À quelques modifications près, l’article 59 du projet de loi importe la procédure établie par le Code 90 concernant la tenue des audiences relatives à des troubles mentaux. À l’heure actuelle, lorsqu’un accusé a été déclaré inapte à subir son procès ou non responsable pour cause de troubles mentaux, la cour martiale tient une audience pour déterminer si elle le libère ou le détient dans un hôpital. Les modifications proposées prévoient une plus grande participation des victimes au procès et exigent que, pour rendre sa décision, la cour martiale considère, entre autres, la déclaration de toute victime (nouveau par. 202.201(15) de la LDN). La cour pourra ordonner que le DSAD nomme un avocat pour un accusé qui n’est pas déjà représenté (nouveau par. 202.201(8) de la LDN).
Selon le Rapport Lamer, les dispositions de la LDN concernant la détermination de la peine « doivent être modifiées en profondeur 91 ». Le rapport recommandait de permettre une gamme de sanctions plus flexibles, semblables à celles prévues au Code. Par conséquent, l’article 62 du projet de loi ajoute à la LDN une nouvelle section sur la détermination de la peine 92.
Les nouveaux articles 203.1 à 203.4 de la LDN traitent des objectifs et principes de détermination de la peine.
Le paragraphe 203.1(1) de la LDN précise que les objectifs essentiels de la détermination de la peine sont l’efficacité opérationnelle des Forces canadiennes – notamment le maintien de la discipline, de la bonne organisation et du moral – ainsi que le respect de la loi et le maintien d’une société juste, paisible et sûre. En plus des objectifs prévus dans le Code 93 – comme la dénonciation, la dissuasion et la réinsertion sociale –, le paragraphe 203.1(2) de la LDN énonce certains objectifs propres au système de justice militaire, notamment la confiance du public dans les Forces canadiennes et l’obéissance aux commandements et aux ordres légitimes.
Les articles 203.2 et 203.3 de la LDN visent à prévenir l’infliction de peines excessives par les tribunaux militaires 94. Ces articles reprennent les principes de détermination de la peine du Code 95, notamment l’importance d’infliger une peine proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Ils adaptent aussi certains principes au régime militaire, par exemple exiger que le tribunal militaire (qui comprend la cour martiale et la personne qui préside le procès sommaire) 96 inflige la peine la moins sévère possible qui permette de maintenir la discipline, la bonne organisation et le moral (nouvel al. 203.3d) de la LDN). L’alinéa 203.3e) de la LDN précise que le tribunal militaire doit prendre en compte les conséquences indirectes du verdict de culpabilité ou de la sentence.
L’alinéa 203.3a)de la LDN ajoute aux circonstances aggravantes énumérées au Code 97, dont il faut tenir compte en déterminant la peine, quelques circonstances aggravantes propres au système de justice militaire :
Le nouvel article 203.5 de la LDN précise que, lors de la détermination de la peine en cour martiale, l’existence d’un fait contesté doit être prouvée selon la prépondérance des probabilités, ce qui constitue la norme dans les procès civils. Par contre, la poursuite doit toujours prouver hors de tout doute raisonnable les faits aggravants et les condamnations antérieures des accusés.
Les nouveaux articles 203.6 à 203.8 de la LDN introduisent intégralement dans la LDN les règles prévues au Code relativement à la déclaration de la victime 98. La déclaration porte sur les dommages subis ou les pertes causées par la perpétration de l’infraction et peut être admise en cour martiale.
Selon la définition donnée au nouvel article 203 de la LDN, une victime est une personne qui a subi tout type de dommage par suite de l’infraction ou – si elle est incapable de faire une déclaration – un parent, un conjoint ou une personne qui en prend soin.
La victime doit être informée de la possibilité de faire une telle déclaration. La cour martiale peut ajourner l’instance afin de permettre à la victime de rédiger une déclaration (art. 203.7 de la LDN).
Le projet de loi introduit dans la LDN trois nouveaux types de peine que l’on trouve également dans le Code : l’absolution inconditionnelle, les peines discontinues et les ordonnances de dédommagement 99.
En examinant l’intérêt de l’accusé et l’intérêt public, le tribunal militaire peut absoudre inconditionnellement un accusé reconnu coupable d’une infraction pour laquelle il n’y a pas de peine minimale ou de peine maximale de 14 ans et plus (nouveau par. 203.8(1) de la LDN). Il s’agit des mêmes critères que ceux prévus au Code 100, lequel, par contre, permet aussi l’absolution sous conditions.
Le contrevenant absous est réputé ne pas avoir été condamné (nouveau par. 203.8(2) de la LDN). Toutefois, une ordonnance d’interdiction de posséder une arme à feu (art. 22 du projet de loi), une ordonnance de dédommagement (nouvel art. 203.9 de la LDN) ou une ordonnance de restitution des biens à son propriétaire (art. 74 du projet de loi) pourront être imposées.
Les nouveaux articles 203.9 à 203.94 traitent de l’ordonnance de dédommagement que peut, en plus de toute autre peine, imposer la cour martiale à un contrevenant (les tribunaux militaires n’ont pas le pouvoir d’imposer une ordonnance de dédommagement). Cette ordonnance obligera le contrevenant à verser à la victime une somme couvrant les dommages matériels, corporels et psychologiques subis par suite de l’infraction (nouvel art. 203.9 de la LDN). Par exemple, il peut s’agir de la perte de revenus ou – dans le cas où la victime demeure avec le contrevenant – des frais d’hébergement, d’alimentation et de transport. On peut même se servir de l’argent trouvé sur le contrevenant au moment de l’arrestation pour couvrir une partie de ces frais (nouvel art. 203.92 de la LDN). Ces règles proviennent des articles 738 et suivants du Code. Le projet de loi prévoit l’exécution civile des ordonnances restitutoires (nouvel art. 203.91 de la LDN).
Le Code prévoit la possibilité d’ordonner à un contrevenant de purger sa peine d’emprisonnement de façon discontinue 101, ce qui signifie fréquemment la fin de semaine. Sans cette possibilité, un réserviste devant purger une peine d’emprisonnement ou de détention risquerait de perdre son emploi dans le secteur civil 102.
L’article 24 du projet de loi permet donc au tribunal militaire qui impose une période d’emprisonnement ou de détention maximale de 14 jours 103 d’ordonner que le contrevenant purge sa peine de façon discontinue (nouveau par. 148(1) de la LDN). Pendant les périodes où le contrevenant ne sera pas incarcéré, il devra respecter les conditions contenues dans l’ordonnance. S’il enfreint une de ces conditions, le tribunal militaire pourra modifier ou ajouter d’autres conditions ou encore ordonner qu’il purge sa peine de façon continue (nouveau par. 148(5) de la LDN).
À l’heure actuelle, la LDN permet au commandant supérieur présidant le procès sommaire d’un élève-officier d’imposer uniquement trois types de peine : le blâme, la réprimande et une amende 104. Pour donner plus de souplesse au commandant supérieur, le paragraphe 36(4) du projet de loi lui permet aussi d’imposer une peine mineure 105. L’ancien juge en chef Lamer a souligné que ce genre de peine serait efficace afin de maintenir la discipline dans un milieu d’apprentissage 106.
Pour répondre aux impératifs des Forces canadiennes, la LDN actuelle permet au tribunal militaire et à une « autorité sursoyante » désignée par règlement du gouverneur en conseil 107 de suspendre l’exécution de la peine d’emprisonnement ou de détention d’un contrevenant 108. La peine sera purgée à une date ultérieure. À l’heure actuelle, les « autorités sursoyantes » sont les membres de la chaîne de commandement militaire, et non les juges.
L’article 64 du projet de loi confère aussi ce pouvoir à la Cour d’appel de la cour martiale (nouveau par. 215(1) de la LDN) 109. L’article 65, qui donne suite en partie aux préoccupations formulées dans le Rapport Lamer sur le fait que les dispositions de la LDN sur la suspension ne protègent pas suffisamment contre les abus, prévoit que l’« autorité sursoyante » peut uniquement suspendre une telle peine si des impératifs opérationnels ou le bien-être du contrevenant l’exigent (nouveau par. 216(2) de la LDN) 110.
Si le tribunal militaire ou la Cour d’appel de la cour martiale suspend la peine, certaines conditions, notamment ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite, doivent être imposées au contrevenant (nouveau par. 215(2) de la LDN). D’autres conditions raisonnables peuvent aussi être imposées (nouveau par. 215(3) de la LDN). Si le contrevenant enfreint ces conditions, la suspension de sa peine peut être révoquée par son commandant (pour les conditions imposées lors d’un procès sommaire), par un juge militaire (pour les conditions imposées par une cour martiale) ou par un juge de la Cour d’appel de la cour martiale (pour les conditions imposées par ce tribunal) (nouvel art. 215.2 de la LDN).
Si la peine est suspendue par une « autorité sursoyante », la suspension peut également être révoquée dans les cas suivants :
L’« autorité sursoyante » doit continuer de réviser la suspension tous les trois mois. À cette occasion, elle peut, conformément aux règlements du gouverneur en conseil, accorder une remise de peine, comme le prévoit l’article 66 du projet de loi. Le projet de loi ne modifie pas les dispositions de la LDN qui prévoient la remise automatique des peines et des peines de détention dans certains cas 111.
Bien que la LDN actuelle permette au tribunal militaire d’imposer une amende à un contrevenant 112, elle ne dit rien quant au recouvrement d’amendes impayées. L’article 21 du projet de loi met en place un mécanisme permettant l’exécution civile des amendes 113.
L’article 75 du projet de loi ajoute à la LDN le paragraphe 249.27(1), qui prévoit qu’un justiciable qui est reconnu coupable – ou l’a été avant l’entrée en vigueur du nouvel article – d’une infraction militaire n’est pas coupable d’une infraction criminelle dans l’un ou l’autre des situations suivantes :
Lorsque le projet de loi C-15 a été déposé à la Chambre des communes, les infractions énumérées au nouvel alinéa 249.27(1)a) étaient les actes d’insubordination 116, les querelles et les désordres 117, l’absence sans permission 118, l’ivresse 119 et la conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline 120, si ces infractions étaient punies par une peine légère ou une amende de 500 $ ou moins, ou les deux.
Le Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes a amendé l’article 75 du projet de loi afin d’y ajouter des infractions militaires et diverses peines (nouvel al. 249.27(1)a)). Les amendements ajoutaient les infractions suivantes :
Ces infractions ont été ajoutées en tenant compte de leur gravité comme en témoigne la peine maximale prévue aux articles visés, soit moins de deux ans d’emprisonnement 121.
En vertu de l’article 75 du projet de loi, la déclaration de culpabilité pour l’une des infractions militaires énumérées n’entraîne pas de condamnation au criminel tant que le deuxième critère est rempli : la peine infligée doit être l’une de celles prévues à l’article 75. Les amendements allongent la liste des peines qui n’entraînent pas de condamnation au criminel en ajoutant des peines telles que le blâme ou la réprimande. En outre, l’amende maximale passe de 500 $ à un montant n’excédant pas un mois de solde de base. Ces peines ont été ajoutées à l’article 75 pour que soit prise en compte la gravité de l’infraction commise, comme en témoigne la peine infligée 122.
L’intention manifeste de ces amendements est de faire en sorte que toute personne reconnue coupable, antérieurement ou ultérieurement, de l’une des infractions énumérées et condamnée à l’une des peines prévues n’ait pas de casier judiciaire en vertu de la Loi sur le casier judiciaire et ne soit pas tenue de présenter une demande de suspension de son casier judiciaire 123.
Le projet de loi érige en infraction le fait d’utiliser une demande d’emploi comportant une question qui oblige le demandeur à révéler qu’il a été déclaré coupable d’une des infractions ci-dessus pour l’enrôlement dans les Forces canadiennes, l’emploi au ministère de la Défense nationale ou dans certains ministères fédéraux et sociétés d’État ou dans toute entreprise qui relève de la compétence législative du Parlement (art. 105 du projet de loi). Quiconque pose une telle question encourt une amende maximale de 500 $ et un emprisonnement maximal de six mois, ou l’une de ces peines.
Une personne qui interjette appel d’une décision de la cour martiale à la Cour d’appel de la cour martiale ou à la Cour suprême du Canada peut demander au comité d’appel que le DSAD lui fournisse les services d’un avocat de la défense. À l’heure actuelle, la mention de ce comité d’appel n’apparaît pas dans la LDN, mais uniquement dans les ORFC 124.
Les ORFC ont été modifiées en 2008 afin de tenir compte de la recommandation de l’ancien juge en chef Lamer voulant que le comité soit formé de trois membres et que ses décisions soient le résultat d’un vote majoritaire 125. Cependant, la composition du comité d’appel prévue dans les ORFC diffère de celle proposée dans le Rapport Lamer 126.
Le projet de loi modifie la LDN afin de mentionner expressément le comité d’appel dans le nouvel article 249.211. Il permet au gouverneur en conseil de prendre un règlement visant à créer le comité d’appel 127 (mais ne l’y oblige pas). Le projet de loi dispose également que les règlements doivent énumérer les critères dont le comité d’appel doit tenir compte pour décider si des services juridiques doivent être fournis.
Enfin, le nouveau paragraphe 249.211(2) précise que les membres du comité d’appel bénéficient de l’immunité en matière civile ou pénale pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions.
La LDN actuelle ne prévoit pas clairement le rôle du grand prévôt 128, qui est régi en grande partie par le cadre de responsabilisation établi en 1998 entre le vice-chef d’état-major de la défense et le prévôt « pour assurer à la fois l’indépendance du prévôt et le professionnalisme et l’efficacité du service de police militaire 129 ». L’article 4 du projet de loi traite de la nomination et des fonctions du grand prévôt 130.
Le projet de loi dispose que le grand prévôt – qui doit être policier militaire depuis au moins 10 ans et détenir au moins le grade de colonel – est nommé par le CEMD pour un mandat maximal de quatre ans. Il s’agit d’un mandat renouvelable qui peut être révoqué par le CEMD par suite de la recommandation d’un comité d’enquête établi par règlement (nouvel art. 18.3 de la LDN).
Les principales fonctions du grand prévôt sont énumérées au nouvel article 18.4 de la LDN. Il est notamment responsable de l’établissement des normes de formation des candidats policiers militaires et des normes professionnelles applicables aux policiers militaires en exercice. Il doit veiller au respect de ces normes. Il procède également aux enquêtes confiées à toute unité et à celles relatives aux manquements soit aux normes professionnelles applicables à la police militaire soit au Code de déontologie de la police militaire 131.
Le grand prévôt exerce ces fonctions sous la direction générale du vice-chef d’état-major de la défense. Celui-ci peut établir des lignes directrices ou donner des instructions générales, qui doivent être rendues publiques (nouveau par. 18.5(2) de la LDN). Il peut aussi établir des lignes directrices ou donner des instructions à l’égard d’une enquête en particulier, qui elles aussi doivent être rendues publiques, sauf si le grand prévôt estime que cela n’est pas dans l’intérêt de la bonne administration de la justice (nouveaux par. 18.5(3) à 18.5(5) de la LDN). Enfin, le grand prévôt doit présenter au CEMD un rapport annuel de ses activités et des activités de la police militaire pour chaque exercice (nouvel art. 18.6 de la LDN) 132. Ce rapport sera transmis au Ministre.
Une plainte pour inconduite est déposée aux termes du paragraphe 250.18(1) de la LDN contre un membre de la police militaire et vise sa conduite dans l’exercice de ses fonctions 133. C’est le grand prévôt qui est responsable du traitement des plaintes pour inconduite 134.
Actuellement, la LDN oblige le grand prévôt à justifier toute prolongation du traitement d’une plainte pour inconduite au-delà de six mois 135. Pour accroître l’efficacité du règlement des plaintes contre la police militaire, l’article 83 du projet de loi dispose que le grand prévôt doit régler une plainte pour inconduite dans l’année de sa réception 136. Ce délai d’un an ne s’applique toutefois pas si la plainte entraîne une enquête à l’égard d’une infraction militaire ou d’une infraction criminelle.
Le projet de loi prévoit que le dépôt d’une plainte pour inconduite (nouveau par. 250.18(3) de la LDN) ou pour ingérence (nouveau par. 250.19(3) de la LDN) ne peut entraîner de sanction contre le plaignant si elle est déposée de bonne foi 137.
La procédure de règlement des griefs visée à la LDN est constituée de deux instances. Le commandant du plaignant – ou un officier supérieur immédiat du commandant – est initialement saisi du grief 138. Lorsque le plaignant n’est pas satisfait de l’issue de son grief, il peut le présenter au CEMD, qui représente l’autorité de dernière instance 139. Avant que le CEMD puisse commencer son étude, certains griefs 140 devront être renvoyés au Comité externe indépendant d’examen des griefs militaires (Comité des griefs) pour que ce dernier formule ses conclusions et recommandations 141.
En 2003, l’ancien juge en chef Lamer a souligné que la procédure de règlement des griefs « ne fonctionne pas adéquatement 142 », particulièrement à cause des longs retards dans la résolution des griefs : « Il n’est pas rare d’entendre parler de griefs non réglés après 10 ou même 12 ans, et les griefs au niveau du CEMD pendant deux ou trois ans semblent être la norme 143. » Par conséquent, l’ancien juge en chef Lamer a recommandé d’apporter de nombreux changements au système des griefs militaires. Le projet de loi C-15 met en œuvre bon nombre de ses recommandations.
La LDN exige que le Comité des griefs agisse avec célérité et sans formalisme dans la mesure où les circonstances et l’équité le permettent 144. L’article 6 du projet de loi impose la même obligation au CEMD (nouvel art. 29.11 de la LDN) 145.
Selon la LDN actuelle, le CEMD doit s’occuper lui-même des griefs qui ont été soumis au Comité des griefs 146. Il ne peut déléguer cette responsabilité. L’article 9 du projet de loi met en œuvre une des solutions proposées par l’ancien juge en chef Lamer 147 pour accélérer le règlement des griefs en permettant au CEMD de déléguer cette responsabilité à tout officier qui relève directement de lui. Ainsi, le CEMD pourra déléguer la tâche de régler tout grief, que le grief ait été soumis au Comité des griefs ou non. Toutefois, le délégataire ne peut détenir un grade inférieur à celui de l’officier ayant déposé le grief.
Cependant, le CEMD ne pourra pas déléguer son pouvoir de trancher les griefs dans certains cas :
Selon l’ancien juge en chef Lamer, le CEMD devrait personnellement trancher tout grief qui pourrait avoir des répercussions sur la politique pour les Forces canadiennes, influer sur la capacité des Forces canadiennes ou avoir une incidence financière importante 148. Même si le projet de loi n’interdit pas de déléguer ces griefs, le CEMD a le pouvoir discrétionnaire de déterminer s’il convient de déléguer ou non un grief particulier.
L’article 6 du projet de loi prévoit que c’est le CEMD qui doit s’occuper personnellement de régler un grief déposé par un juge militaire (nouvel art. 29.101 de la LDN). Selon l’article 7 du projet de loi, avant d’étudier et de régler un tel grief, le CEMD doit le soumettre au Comité des griefs. Ce dernier lui transmettra ses conclusions et recommandations. Un juge militaire ne pourra toutefois pas déposer un grief à l’égard d’une question liée à l’exercice de ses fonctions judiciaires (art. 5 du projet de loi) 149.
L’article 12 du projet de loi modifie le paragraphe 30(4) de la LDN afin de prévoir expressément que le CEMD a le pouvoir d’annuler la libération ou le transfert d’un plaignant lorsque la libération ou le transfert sont entachés d’irrégularité 150. Le plaignant n’est donc pas obligé de s’enrôler de nouveau dans les Forces canadiennes et ne perd pas de crédits pour l’ancienneté.
Pour mieux faire ressortir le caractère indépendant du Comité des griefs, l’article 11 du projet de loi modifie le paragraphe 29.16(1) de la LDN afin de désigner l’entité sous une nouvelle appellation, soit le Comité externe d’examen des griefs militaires 151.
L’article 99 du projet de loi fait passer de six mois à deux ans le délai de prescription pour intenter une action contre le gouvernement au motif d’un acte, d’une négligence ou d’un manquement concernant l’exécution de la LDN, de ses règlements ou de toute fonction ou autorité militaire ou ministérielle (par. 269(1) de la LDN). Le nouveau délai de prescription ne s’applique qu’à l’égard des actes, négligences ou manquements commis après l’entrée en vigueur de l’article (art. 114 du projet de loi).
Selon l’article 101 du projet de loi, le Ministre devra, tous les sept ans, faire procéder à un examen indépendant de certaines dispositions de la LDN, notamment celles qui concernent le grand prévôt, la procédure de règlement des griefs, le code de discipline militaire et les plaintes relatives à la police militaire ou déposées par elle 152. L’exigence relative à l’examen quinquennal indépendant incorporé dans le projet de loi C-25 (et qui s’applique seulement aux dispositions de ce projet de loi) est abrogée (art. 129 du projet de loi).
À l’exception de certains articles, dont les dispositions concernant les juges militaires, le projet de loi entrera en vigueur à la date ou aux dates fixées par décret (art. 135 du projet de loi).
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
Toute infraction prévue à la présente loi ou tout acte criminel prévu à une autre loi fédérale, passibles d’un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus, ou toute autre infraction désignée par règlement pris en vertu du paragraphe 467.1(4) du Code criminel. [ Retour au texte ]
Voir ibid., recommandation 10 :
Je recommande que la Loi sur la défense nationale soit modifiée afin de conférer le pouvoir de suspendre une peine d’emprisonnement ou de détention à un juge militaire ou à un juge de la Cour d’appel de la cour martiale en premier lieu, sauf dans les situations d’urgence militaire où la décision de suspendre une peine peut être prise par la chaîne de commandement et être approuvée dès que possible par un juge militaire. [ Retour au texte ]© Bibliothèque du Parlement