Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le 14 février 2012, l’honorable Vic Toews, ministre de la Sécurité publique (le Ministre), a présenté à la Chambre des communes le projet de loi C-30 : Loi édictant la Loi sur les enquêtes visant les communications électroniques criminelles et leur prévention et modifiant le Code criminel et d’autres lois (titre abrégé : « Loi sur la protection des enfants contre les cyberprédateurs »).
Le projet de loi C-30 traite de l’« accès légal ». L’accès légal est une technique d’enquête employée par les organismes chargés de la sécurité nationale ou du contrôle d’application des lois qui suppose l’interception de communications privées et la saisie d’information lorsque la loi l’autorise.
Le projet de loi C-30 regroupe essentiellement les dispositions des anciens projets de loi C-50, C-51 et C-52, déposés au cours de la 3e session de la 40e législature et qui sont tous morts au Feuilleton avant la deuxième lecture à la Chambre des communes. La structure du projet de loi C-30 suit en fait celle de ces anciens projets de loi : la partie 1 édicte une nouvelle loi régissant les « télécommunicateurs », c’est-à-dire ceux qui fournissent des services de télécommunication (ancien projet de loi C-52); la partie 2 modifie le Code criminel (le Code) et d’autres lois relativement à l’interception de communications privées (ancien projet de loi C-50), à la modernisation de certaines infractions ainsi qu’à la création d’outils d’enquête adaptés aux délits informatiques (ancien projet de loi C-51).
En outre, le projet de loi C-30 devrait être lu en conjonction avec le projet de loi C-12, qui porte également sur l’accès légal. Le projet de loi C-12 modifie la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques pour élargir le champ des raisons pour lesquelles les organismes chargés du contrôle d’application des lois peuvent demander à des entités privées de leur fournir volontairement des renseignements personnels sans l’autorisation des intéressés 1.
La partie 1 du projet de loi C-30 répond à une préoccupation exprimée par les organismes chargés du contrôle d’application des lois, à savoir que les nouvelles technologies, notamment les communications par Internet, nuisent souvent à l’interception légale des communications. Le projet de loi crée ainsi la Loi sur les enquêtes visant les communications électroniques criminelles et leur prévention (LECECP), qui consiste :
La partie 2 du projet de loi vise à mettre à jour le droit criminel canadien. Plus précisément, les principales modifications du projet de loi consistent :
Il existe quelques différences entre le projet de loi C-30 et les anciens projets de loi C-50, C-51 et C-52. Entre autres, le projet de loi C-30 :
Depuis 1995, les organismes chargés du contrôle d’application des lois réclament des mesures législatives imposant à tous les télécommunicateurs de posséder les moyens techniques de permettre aux services de police de procéder à des interceptions légales sur leurs réseaux 3.
À la suite de l’élaboration d’un cadre stratégique en 2000, des représentants de Justice Canada, d’Industrie Canada et du Solliciteur général du Canada 4 ont organisé des consultations publiques en 2002 5. Un résumé des résultats de ces consultations a été rendu public en 2003 6, et un premier projet de loi sur l’accès légal a été déposé en novembre 2005 : le projet de loi C-74 (Loi sur la modernisation des techniques d’enquête).
Le ministère de la Sécurité publique du Canada a tenu d’autres consultations en 2007, notamment auprès de représentants du secteur des télécommunications, de groupes de défense des libertés civiques et de groupes de défense des droits des victimes. En 2009, le projet de loi C-47 (Loi sur l’assistance au contrôle d’application des lois au 21e siècle), qui reprenait l’essentiel des dispositions de l’ancien projet de loi C-74, a été déposé en même temps qu’un tout nouveau projet de loi sur l’accès légal : le projet de loi C-46 (Loi sur les pouvoirs d’enquête au 21e siècle). À ces deux projets de loi - qui ont été déposés de nouveau en 2010 au cours de la session suivante sous les numéros C-51 et C-52 - est venu s’ajouter le projet de loi C-50 (Loi visant à améliorer l’accès aux outils d’enquête sur les crimes graves). Tous ces projets de loi sur l’accès légal sont morts au Feuilleton avant d’être adoptés.
Lors de la réunion des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice et de la sécurité publique à Charlottetown en janvier 2012, selon le communiqué du ministère fédéral de la Sécurité publique :
tous les ministres se sont entendus sur la nécessité de renforcer et de moderniser les capacités d’enquête des organismes d’application de la loi. Les ministres ont également exhorté le gouvernement fédéral à procéder à la promulgation des projets de loi déposés antérieurement 7.
Depuis les consultations de 2002, le débat tourne autour de la nécessité d’une loi sur l’accès légal, du degré de protection du droit à la vie privée, ainsi que du bien-fondé et du coût de l’imposition de normes techniques d’interception aux entreprises privées 8.
Selon certains, les procédures régissant l’accès aux renseignements sur les abonnés confiés aux fournisseurs de services Internet (FSI) ralentissent l’accès des enquêteurs à des renseignements essentiels dans le monde numérique d’aujourd’hui, qui est à la fois très rapide et pratiquement sans frontières. Certains estiment que l’incapacité technique à isoler ou intercepter des communications en temps réel risque d’entraver la tâche des enquêteurs et des procureurs. Qui plus est, les techniques de chiffrement robustes peuvent empêcher les représentants des organismes chargés de la sécurité nationale ou du contrôle d’application des lois d’avoir accès à des renseignements à moins de pouvoir avoir accès à la clé de déchiffrement 9.
Les organismes chargés de la sécurité nationale au Canada ont fait valoir qu’il fallait modifier la loi pour qu’il soit possible d’avoir un accès fiable, rapide et sûr aux données détenues par les télécommunicateurs, y compris les renseignements sur les abonnés, et ainsi pouvoir identifier les machines en réseau qui sont à l’origine de cyberattaques perfectionnées contre des cibles stratégiques et protéger les renseignements et les réseaux importants pour le Canada 10.
Le projet de loi C-30 représente une étape vers l’harmonisation des instruments qui permettent de lutter contre la cybercriminalité à l’échelle internationale, notamment en ce qui concerne les ordonnances de production et de préservation de données informatiques ainsi que la capacité d’interception des télécommunicateurs 11. Le Canada a signé la Convention sur la cybercriminalité (la Convention) du Conseil de l’Europe en novembre 2001, ainsi que le Protocole additionnel sur les crimes haineux en juillet 2005 12. La Convention dispose que les États parties au traité doivent créer des infractions aux termes de leurs lois internes pour criminaliser certains usages informatiques et qu’ils doivent adopter des instruments juridiques modifiés à la lumière des nouvelles technologies, par exemple pour rendre des ordonnances de production de renseignements sur les abonnés. Il semble donc que le projet de loi C-30 permettra au Canada de ratifier la Convention et son protocole additionnel. On peut toutefois se demander si le projet de loi ne va pas plus loin que ce que prescrit la Convention.
En effet, la Convention n’indique pas les mécanismes précis qu’il faudrait employer pour remplir les obligations prévues, laissant le choix aux États parties. Ces derniers peuvent donc décider s’il convient de fournir un mandat ou toute autre forme d’autorisation judiciaire pour donner accès aux renseignements. De plus, les procédures pénales internes que les États parties doivent adopter en vertu de la Convention ont uniquement trait aux activités des organismes chargés du contrôle d’application des lois : la Convention n’oblige pas les États parties à créer des mécanismes procéduraux permettant l’interception de communications privées ou la divulgation de renseignements personnels aux fins plus générales de la sécurité nationale. Enfin, la Convention dispose que les États doivent respecter toutes leurs obligations nationales et internationales en matière de protection des droits de la personne lorsqu’ils remplissent celles qui relèvent du traité 13.
La partie 1 du projet de loi crée une nouvelle loi : la Loi sur les enquêtes visant les communications électroniques criminelles et leur prévention (LECECP).
À l’heure actuelle, aucune loi canadienne ne contraint les télécommunicateurs à employer des appareils capables d’intercepter des communications. Seuls les titulaires de licences employant des fréquences radio pour des services de téléphonie classique sans fil sont tenus, depuis 1996, d’avoir du matériel permettant ce genre d’interception 14. Les autres télécommunicateurs ne sont pas assujettis à de telles conditions.
Les télécommunicateurs peuvent légalement intercepter des communications privées dans quatre circonstances :
Pour intercepter le contenu de communications privées, les organismes chargés de la sécurité nationale ou du contrôle d’application des lois doivent obtenir une autorisation préalable, généralement sous la forme d’un mandat judiciaire 16. Le projet de loi C-30 ne modifie pas ces exigences.
Par ailleurs, le projet de loi dispose que tous les télécommunicateurs (y compris, par exemple, les FSI) doivent posséder la capacité technique de permettre aux organismes chargés de la sécurité nationale ou du contrôle d’application des lois d’intercepter des communications par l’intermédiaire du fournisseur de services une fois obtenue l’autorisation officielle.
Dans les six mois suivant la date d’entrée en vigueur du projet de loi, les télécommunicateurs devront présenter au Ministre un rapport attestant leur capacité à remplir les exigences énoncées dans le projet de loi en matière d’interception (art. 5 du projet de loi).
Le projet de loi dispose que les télécommunicateurs doivent respecter les nouvelles normes techniques d’interception lorsqu’ils mettent leurs systèmes à jour. Par conséquent, tout appareil de transmission acquis ou logiciel installé après l’entrée en vigueur des articles 10 et 11 de la LECECP devra être conforme aux nouvelles normes. Autrement dit, le projet de loi n’impose pas aux fournisseurs de services de mettre leurs systèmes à jour simplement pour se conformer aux nouvelles normes. Cependant, si le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ou le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) le demande, le Ministre a le pouvoir d’ordonner à un télécommunicateur, avant la mise à niveau du système, d’acquérir du matériel d’interception des communications conforme aux nouvelles normes relatives à l’interception (art. 14 de la LECECP).
De plus, le projet de loi C-30 prévoit une période de transition de 18 mois durant laquelle les obligations liées à la capacité d’interception seront suspendues (art. 3 du projet de loi). Le Ministre pourra toutefois ordonner à un télécommunicateur qu’il respecte ces obligations au cours de la période de transition (art. 14 de la LECECP).
Aux termes du projet de loi, les télécommunicateurs doivent utiliser un appareil permettant aux organismes chargés de la sécurité nationale ou du contrôle d’application des lois d’intercepter, par exemple, les adresses de courriel et de protocole Internet d’abonnés (adresses IP), la date et l’heure des communications et le type de fichiers transmis (« données de télécommunication ») 17, ainsi que le contenu des messages (données sur le contenu).
Lorsqu’un organisme chargé de la sécurité nationale ou du contrôle d’application des lois a obtenu l’autorisation officielle nécessaire, le télécommunicateur doit lui fournir toutes les communications légalement interceptées (par. 6(1)). Autant que possible, le télécommunicateur doit fournir la communication interceptée sous la forme précisée par l’organisme demandeur : il peut s’agir de communications déchiffrées si le télécommunicateur possède la capacité technique de le faire. Cependant, les télécommunicateurs ne sont pas tenus d’élaborer eux-mêmes des techniques de déchiffrement particulières (par. 6(4) et 6(5)).
Le projet de loi dispose que les télécommunicateurs doivent garder secrètes les procédures et demandes d’interception (par. 6(2) et art. 23 de la LECECP).
Les nouveaux appareils des télécommunicateurs devront permettre d’intercepter les communications transmises sur leurs réseaux, en plus d’avoir, notamment :
Les télécommunicateurs doivent également avoir la capacité de permettre à plusieurs organismes chargés de la sécurité nationale ou du contrôle d’application des lois d’intercepter des communications transmises en même temps par plusieurs usagers.
À l’heure actuelle et dans la plupart des cas 18, les organisations privées (comme les FSI) ne sont tenues de communiquer des renseignements personnels sur leurs clients aux organismes chargés de la sécurité nationale ou du contrôle d’application des lois sans le consentement des intéressés que si l’organisme en question produit une autorisation judiciaire ou autre autorisation officielle lui permettant d’exiger la communication de l’information. À défaut, la divulgation de renseignements personnels n’est pas obligatoire, et l’organisation a alors le choix de divulguer volontairement ces renseignements. Dans les faits, les télécommunicateurs du Canada ont tendance à communiquer volontairement des renseignements personnels lorsque leurs contrats de service avec les abonnés le leur permettent et généralement dans le seul but d’atténuer un danger imminent pour la vie ou les biens 19.
La légalité des demandes que la police adresse aux télécommunicateurs pour qu’ils communiquent librement des renseignements sur leurs abonnés (divulgation en l’absence d’un mandat) est une question dont les tribunaux ont été saisis, car on peut y voir une atteinte au droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives aux termes de l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui protège les particuliers contre l’intrusion de l’État dans leur vie privée. La Cour suprême du Canada a statué que l’on peut raisonnablement s’attendre au respect de sa vie privée à l’égard de renseignements qui révèlent des détails intimes sur son mode de vie et ses choix personnels 20. Les décisions judiciaires rendues sur la nécessité d’un mandat pour avoir accès aux renseignements d’abonnés portent donc généralement sur la question de savoir si l’intéressé peut raisonnablement s’attendre au respect de sa vie privée à l’égard des renseignements en question.
On ne peut affirmer clairement que, à l’heure actuelle, les particuliers peuvent raisonnablement s’attendre au respect de leur vie privée à l’égard des renseignements sur les abonnés, et la jurisprudence repose sur des cas bien précis. Un certain nombre de tribunaux inférieurs ont statué que les abonnés ne peuvent raisonnablement s’attendre au respect de leur vie privée à l’égard de ces renseignements 21, tandis que les tribunaux sont arrivés à la conclusion inverse dans d’autres causes 22. À la lumière d’affaires récentes, il semblerait qu’il est d’autant plus raisonnable de s’attendre au respect de sa vie privée que les renseignements sur les abonnés permettent de révéler des habitudes d’utilisation du matériel de télécommunication susceptibles d’exposer des détails intimes sur le mode de vie ou la personnalité 23.
Le projet de loi C-30 vise à clarifier les types de renseignements qui peuvent être communiqués sans mandat aux organismes chargés de la sécurité nationale ou du contrôle d’application des lois.
Le projet de loi prévoit un processus permettant aux personnes désignées au sein des organismes chargés de la sécurité nationale ou du contrôle d’application des lois de demander certains renseignements sur les abonnés à un télécommunicateur et de les obtenir sans mandat ou autre autorisation judiciaire (par. 16(1)). Certaines mesures de protection sont également prévues pour encadrer ce processus.
En vertu du projet de loi, seuls six types de renseignements concernant les abonnés de services de télécommunication peuvent être obtenus sans mandat :
Le projet de loi C-30 semble donc prévoir une liste de renseignements plus limitée que celle qu’établissait l’ancien projet de loi C-52. En effet, la liste prévue par ce dernier comprenait, en plus des six types de renseignements énumérés ci-dessus, des renseignements associés à l’équipement de l’abonné : le numéro d’identification mobile; le numéro de série électronique (NSE); le numéro d’identité internationale d’équipement mobile (IIEM); le numéro d’identité internationale d’abonné mobile (IIAM); et le numéro de module d’identité d’abonné (MIA).
Une autre différence avec l’ancien projet de loi C-52 a trait au contenu de la demande écrite présentée par une personne désignée : le projet de loi C-30 prévoit expressément que, pour obtenir l’un des six types de renseignements, le policier ou l’agent du SCRS devra fournir au télécommunicateur un « renseignement identificateur ». La signification d’un « renseignement identificateur » sera définie ultérieurement par règlement (al. 64(1)l) de la LECECP). Par hypothèse, un policier devra fournir au télécommunicateur une adresse IP afin de pouvoir obtenir le nom et l’adresse physique de l’abonné.
En outre, le projet de loi n’exige pas que les télécommunicateurs recueillent d’autres renseignements que ceux qu’ils recueillent normalement dans le cours de leurs activités ordinaires. Il ne leur impose pas non plus de vérifier l’exactitude de ces renseignements (p. ex. l’exactitude du nom ou de l’adresse postale d’un abonné).
En général, seules peuvent adresser, par écrit, des demandes de renseignements sur les abonnés les personnes qui exercent des fonctions liées à la protection de la sécurité nationale ou au contrôle d’application des lois et qui sont désignées par le commissaire de la GRC, le directeur du SCRS, le commissaire de la concurrence ou le chef de leur service de police (« personnes désignées ») (par. 16(3)).
Chaque organisme peut désigner un nombre limité d’employés, soit, au maximum, 5 % de son effectif ou, s’il compte 100 employés ou moins, cinq personnes (par. 16(4)).
Les policiers désignés peuvent demander, par écrit, des renseignements ayant trait à n’importe quelle fonction policière, qu’il s’agisse de l’application de lois fédérales ou provinciales ou des lois d’un État étranger. Les personnes désignées du SCRS et du commissaire de la concurrence ne peuvent demander que des renseignements relatifs à leurs fonctions en vertu de la loi habilitante applicable (par. 16(2)).
Les renseignements ainsi obtenus ne peuvent être employés qu’aux fins prévues ci-dessus ou réservés à un usage compatible avec ces fins, à moins que l’abonné ait fourni un consentement à portée plus large (art. 19) 25. Les ententes de services conclues entre les télécommunicateurs et les clients, qui sont en principe des contrats d’adhésion 26, pourraient comprendre une clause de consentement permettant des usages plus larges des renseignements obtenus en vertu des dispositions du projet de loi 27.
Tout policier, qu’il soit ou non une personne désignée en vertu des dispositions du projet de loi, a le pouvoir de demander, par écrit ou oralement, aux télécommunicateurs de lui fournir, sans mandat, des renseignements sur les abonnés dans les situations d’urgence si, à la fois :
Par la suite, une personne désignée du même organisme que le policier devra fournir un compte rendu écrit de la demande au télécommunicateur (par. 17(3) et (4)).
Les demandes de renseignements doivent être adressées par écrit, et les motifs de la demande ainsi que les renseignements obtenus doivent être consignés dans un registre (art. 18).
Le commissaire de la GRC, le directeur du SCRS, le commissaire de la concurrence ou le chef d’un service de police est tenu de prendre des mesures pour vérifier régulièrement que les demandes effectuées par leurs organisations respectives sont conformes aux dispositions du projet de loi et des règlements d’application (par. 20(1)). Ils doivent alors transmettre sans délai les conclusions de cette vérification interne au ministre compétent dans tous les cas (par. 20(2)). L’ancien projet de loi C-52 prévoyait plutôt une norme subjective de reddition des comptes : la personne qui avait fait procéder à la vérification interne ne devait transmettre un rapport que si elle était d’avis que la procédure de vérification avait révélé quelque chose qui aurait dû être porté à l’attention du ministre responsable.
Selon l’organisme, le rapport de vérification interne doit aussi être fourni à un organisme d’examen indépendant : le commissaire à la protection de la vie privée du Canada (dans le cas de la GRC ou du commissaire de la concurrence), le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (dans le cas du SCRS) ou le fonctionnaire provincial chargé de la protection de la vie privée (dans le cas d’un service de police provincial ou municipal). Le projet de loi ne prévoit pas que ces rapports doivent être fournis à d’autres organismes provinciaux de reddition de comptes qui assument des fonctions d’examen ou de surveillance des forces policières provinciales ou municipales (par. 20(3)).
Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada et le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité ont le pouvoir de procéder à des examens externes des demandes de renseignements sur les abonnés prévues par le projet de loi (par. 20(4) et 20(5)). Le commissaire à la protection de la vie privée doit également, chaque année, rendre compte de l’exercice des pouvoirs conférés aux fonctionnaires provinciaux en matière de vérifications externes portant sur des forces policières provinciales et municipales (par. 20(6)). À l’heure actuelle, les fonctionnaires provinciaux chargés de la protection de la vie privée n’ont pas tous le pouvoir de procéder au type de vérifications externes envisagées dans le projet de loi 29.
Le projet de loi ne prévoit pas de pouvoir spécifique autorisant la Commission des plaintes du public contre la GRC (qui peut faire enquête sur le comportement de n’importe quel agent de la GRC ou de toute autre personne assujettie à la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada) à prendre connaissance de renseignements ayant trait à des vérifications internes ou externes. Actuellement, la Commission n’a pas le pouvoir d’exiger la production de renseignements ou de documents à moins qu’une audience publique ait lieu relativement à une plainte en particulier 30.
Le Ministre peut désigner toute personne de son choix comme « inspecteur » afin de vérifier le respect des dispositions de la LECECP. L’inspecteur a le droit de se rendre sur n’importe quel lieu appartenant à un télécommunicateur pour y examiner des documents, des renseignements et des installations de télécommunication, employer des systèmes informatiques pour faire des recherches et examiner des renseignements ou employer tout autre matériel de télécommunication se trouvant sur place (art. 34 et 36).
Il peut, sans mandat judiciaire, photocopier ou emporter des copies de renseignements trouvés sur place et pénétrer dans des lieux privés autres qu’une maison d’habitation (immeubles de bureaux, magasins, terrains privés, etc.) pour y exercer ses pouvoirs. Si le lieu en question est une maison d’habitation - c’est-à-dire une structure occupée à titre de résidence permanente ou temporaire -, l’inspecteur doit obtenir un mandat judiciaire pour y avoir accès sans le consentement de l’occupant (art. 35). Les télécommunicateurs doivent fournir toute l’aide nécessaire durant ces visites de vérification de la conformité (par. 34(3) et art. 38).
La LECECP prévoit deux types de contravention : les violations et les infractions, les premières étant considérées comme moins graves que les secondes. Des amendes sont prévues dans les deux cas. La LECECP ne prévoit pas de peines d’emprisonnement.
C’est le gouverneur en conseil qui déterminera, par règlement, les contraventions aux dispositions de la LECECP qui constitueront des violations (art. 39). Les règlements fixeront également l’amende maximale qui pourra être imposée dans chaque cas. Les amendes peuvent aller jusqu’à 50 000 $ dans le cas d’une personne physique et jusqu’à 250 000 $ dans le cas d’une personne morale ou de toute autre entité.
Une procédure administrative permet aux personnes auxquelles sont signifiés des procès-verbaux de violation de contester leur responsabilité en présentant des observations à la personne désignée par le Ministre (art. 43). Les décisions rendues en vertu de cette procédure peuvent faire l’objet d’un appel devant le Ministre (par. 44(1)), et la décision du Ministre dans ce cas peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire 31.
Le mode de déclaration de culpabilité par procédure sommaire énoncé dans le Code s’applique aux infractions, et les amendes vont de 15 000 à 250 000 $ dans le cas d’une personne physique et de 15 000 à 500 000 $ dans le cas d’une personne morale. Le projet de loi prévoit quatre catégories d’infraction (art. 55, par. 56(1) et 56(2), art. 57) :
Il faudra obtenir le consentement du procureur général du Canada pour intenter des poursuites relativement aux deux premières catégories d’infraction (art. 58).
La LECECP s’applique à tous les télécommunicateurs exploitant une installation de télécommunication au Canada, sous réserve de certaines exemptions partielles ou complètes prévues aux annexes 1 et 2. Le gouverneur en conseil peut modifier ces annexes par règlement pour ajouter ou supprimer une catégorie de télécommunicateurs (par. 5(4)). Le projet de loi prévoit également des exemptions temporaires, de deux ou trois ans au maximum selon le cas.
La LECECP ne s’applique pas aux réseaux privés, c’est-à-dire aux personnes qui fournissent des services de télécommunication principalement destinés à elles-mêmes, à leur ménage et à leurs employés, à l’exclusion du public. Il ne s’applique pas non plus aux télécommunicateurs qui fournissent des services de télécommunication destinés principalement à la vente ou à l’achat de biens et de services autres que des services de télécommunication destinés au public. Enfin, les dispositions du projet de loi ne s’appliquent pas à la fonction principale des établissements financiers, des organismes de bienfaisance, des établissements d’enseignement (sauf les établissements d’enseignement postsecondaire), des hôpitaux, des lieux de culte, des maisons de retraite, des sociétés de recherche en télécommunication et des radiodiffuseurs.
Les établissements d’enseignement postsecondaire, les bibliothèques, les centres communautaires, les restaurants, les hôtels, les immeubles en copropriété et d’habitation sont tenus de fournir des renseignements sur leurs systèmes de télécommunication aux organismes chargés du contrôle d’application des lois et de la sécurité nationale, mais ne sont pas assujettis aux autres obligations énoncées dans le projet de loi.
Les télécommunicateurs qui transmettent des communications pour le compte d’autres télécommunicateurs sans modifier ces communications ni authentifier les usagers (ce qu’on appelle des intermédiaires) ne sont pas assujettis aux obligations relatives à la capacité d’interception, à moins d’arrêté contraire du Ministre (par. 14(1) et 14(2)).
Premièrement, la LECECP confère au Ministre le pouvoir d’exempter les télécommunicateurs qui le demandent d’une obligation relative à la capacité d’interception (art. 13). Deuxièmement, elle permet au gouverneur en conseil de prendre des règlements pour exempter certaines catégories de télécommunicateurs d’obligations importantes, dont celles qui ont trait à la capacité d’interception et à la communication de renseignements sur les abonnés. Ces deux types d’exemption temporaire peuvent être assujettis à des conditions et rester en vigueur pour une durée maximale de trois ans et deux ans respectivement (art. 32).
Le projet de loi prévoit également une exemption de trois ans pour les télécommunicateurs comptant moins de 100 000 abonnés. Ces fournisseurs doivent cependant fournir un point de connexion physique permettant aux organismes chargés du contrôle d’application des lois et de la sécurité nationale d’intercepter des communications (art. 4 du projet de loi).
La LECECP prévoit trois cas d’indemnisation d’un télécommunicateur par un organisme chargé du contrôle d’application des lois ou de la sécurité nationale :
La définition de la notion d’« appui spécialisé en télécommunication », le montant et les critères d’indemnisation seront précisés dans les règlements 33.
La LECECP prévoit un examen parlementaire de l’application de ses dispositions cinq ans après la date d’entrée en vigueur.
La partie 2 du projet de loi modifie le Code criminel, la Loi sur la concurrence et la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle dans le but de moderniser les infractions criminelles, les instruments juridiques et les dispositions relatives à l’interception des communications privées.
La partie VI du Code (« Atteintes à la vie privée », art. 183 et suivants) est la pièce maîtresse de la législation canadienne en matière d’écoute électronique par les organismes d’application de la loi. S’appliquant à l’interception du contenu d’une communication orale ou d’une séquence vidéo et souvent qualifiée d’intrusion élevée dans la vie privée, la partie VI établit des conditions plus strictes pour la délivrance d’une autorisation judiciaire d’intercepter des communications privées que pour l’obtention d’un mandat de perquisition ou d’une ordonnance de communication 34.
Bien que les dispositions du Code relatives aux saisies et aux perquisitions aient été modifiées dans les années 1980 et 1990 pour comprendre une mention expresse des ordinateurs, les dispositions de la partie VI remontent en majorité à 1974.
Les forces policières ont souvent recours à l’écoute électronique en conjonction avec d’autres techniques d’enquête. Étant donné qu’une demande d’autorisation judiciaire pour intercepter des communications repose parfois sur certaines des mêmes informations que celles présentées à l’appui d’une demande de mandat - de perquisition, par exemple - ou qu’elle peut provenir de la même source, le projet de loi permet au juge d’accorder à la fois l’autorisation d’interception et le mandat désiré.
Que l’interception se fasse avec le consentement de l’une des parties à la communication (art. 184.2 du Code), sans le consentement des parties (art. 185 et 186 du Code) ou pour une période maximale de 36 heures dans le cas d’une situation d’urgence (art. 188 du Code), le juge pourra, en plus d’accorder l’autorisation d’interception, délivrer un mandat de perquisition, une ordonnance d’assistance ou un mandat pour l’utilisation d’un dispositif de localisation ou d’un « enregistreur de données de transmission » (art. 8, 10 et 12 du projet de loi). En dehors des situations d’urgence (c.-à-d. lorsque les art. 184.2, ou 185 et 186 s’appliquent), le juge pourra en outre délivrer un mandat général, une ordonnance de communication générale ou une ordonnance de communication spécifique pour obtenir certaines informations, comme des données informatiques ou bancaires (art. 8 et 10 du projet de loi). Dans tous les cas, ces articles du projet de loi permettront aux policiers d’enquêter plus rapidement sur une infraction passée ou éventuelle.
Tous les documents relatifs à une demande d’autorisation d’intercepter des communications sont confidentiels; c’est pourquoi ils sont placés dans un paquet scellé par le juge (art. 187 du Code). L’article 11 du projet de loi précise que les documents relatifs aux demandes d’ordonnance ou de mandat connexe à l’autorisation d’interception seront traités selon les règles applicables aux documents relatifs à l’autorisation d’interception, c’est-à-dire qu’ils seront gardés secrets, généralement jusqu’au procès.
À l’heure actuelle, un agent de la paix peut, aux termes de l’article 184.4 du Code, intercepter des communications privées sans autorisation judiciaire si les conditions suivantes sont réunies : (i) il a des motifs raisonnables de croire que l’urgence de la situation est telle qu’il ne peut obtenir une autorisation; (ii) l’interception immédiate est nécessaire afin d’empêcher la perpétration d’un acte illicite qui causerait des dommages sérieux à une personne ou un bien; (iii) l’une des parties à la communication est la victime ou l’auteur potentiel de l’acte illicite. L’expression acte illicite n’est pas définie ailleurs dans le Code.
L’article 9 du projet de loi restreint, jusqu’à un certain point, le champ d’application de l’article 184.4 en remplaçant « acte illicite » par « infraction », expression qui est définie à l’article 183 du Code 35. Ainsi, l’interception de communications sans autorisation dans les circonstances exceptionnelles déterminées à l’article 184.4 ne pourra se faire qu’à l’égard des infractions énumérées à l’article 183, comme c’est d’ailleurs le cas pour la plupart des autres types d’interception prévus à la partie VI.
L’article 195 du Code enjoint actuellement au ministre fédéral de la Sécurité publique et aux procureurs généraux de chaque province d’établir un rapport annuel portant sur l’utilisation, par les forces de l’ordre, des autorisations de surveillance vidéo et de certaines autorisations d’intercepter des communications privées en vertu de la partie VI : les autorisations pour procéder à l’interception sans le consentement des parties à la communication (art. 185 et 186 du Code) et les autorisations valides pour une période maximale de 36 heures, en cas d’urgence (art. 188 du Code).
L’article 13 du projet de loi étend cette obligation de présenter un rapport public aux interceptions sans autorisation judiciaire faites en raison des circonstances exceptionnelles déterminées à l’article 184.4 du Code. Il précise également les nouveaux renseignements que devra contenir ce rapport. Cependant, d’autres types d’interception et de surveillance électronique prévus au Code ne seront toujours pas soumis à l’obligation faite aux gouvernements de présenter un rapport public sur leur utilisation : l’interception préventive sans autorisation judiciaire (art. 184.1), l’interception avec le consentement de l’une des parties à la communication (art. 184.2) et l’utilisation d’un dispositif de localisation (art. 492.1) ou d’un « enregistreur de numéro » (art. 492.2).
Enfin, comme pour l’interception non consensuelle autorisée par un juge (art. 185 et 186 du Code), l’article 14 du projet de loi prévoit que, dans le cas d’une interception sans autorisation judiciaire faite en raison des circonstances exceptionnelles précisées à l’article 184.4 du Code, le ministre fédéral de la Sécurité publique ou le procureur général d’une province devra aviser la personne ciblée qu’elle a fait l’objet d’une interception, et ce, généralement dans les 90 jours suivant l’interception. Sur demande présentée à un juge, ce délai pourra être porté à trois ans si l’enquête policière se poursuit (art. 196 du Code). Comme dans la situation actuelle, cette prolongation pourra plus facilement être obtenue si l’enquête porte sur une infraction de terrorisme ou une infraction relative au crime organisé.
Les infractions de propagande haineuse doivent être commises à l’égard d’un « groupe identifiable ». Concernant l’infraction d’encouragement au génocide, l’article 15 du projet de loi ajoute l’origine nationale à la définition actuelle de « groupe identifiable 36 ». L’article 16 du projet de loi, qui s’applique aux infractions d’incitation publique à la haine et de fomenter volontairement la haine, ajoute à cette définition, en plus de l’origine nationale, la déficience mentale ou physique.
À l’heure actuelle, l’article 327 du Code criminalise la possession, la fabrication et la vente d’un dispositif servant à voler des services de télécommunication. L’article 19 du projet de loi ajoute essentiellement le fait d’importer ou de rendre accessible un tel dispositif. De plus, le projet de loi fait de cet acte criminel une infraction mixte, c’est-à-dire que le poursuivant aura le choix de procéder par mise en accusation ou par voie sommaire.
Selon les dispositions actuelles du Code, seules la propagation d’un virus informatique 37 ou la tentative de propagation constituent une infraction 38. Conformément aux exigences de la Convention sur la cybercriminalité 39, l’article 21 du projet de loi rend illégale la possession d’un virus informatique en vue de commettre une infraction de méfait, ainsi que l’importation et la mise à disposition d’un tel virus.
Les dispositions actuelles du Code qui prévoient les infractions d’envoyer un message sous un faux nom et de transmettre de faux renseignements, des propos indécents ou des messages « harassants » (terminologie actuelle du par. 372(3) du Code, remplacée par « harcelants » dans le projet de loi) font mention de certaines technologies de communication, utilisées pour commettre ces infractions, comme le télégramme, la radio et le téléphone 40. L’article 22 du projet de loi modifie ces infractions en supprimant les mentions de ces technologies de communication particulières et, pour certaines de ces infractions, en y substituant la mention de tout moyen de télécommunication. Ainsi, des accusations pourront être déposées, peu importe le moyen de transmission ou la technologie utilisée.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit que les infractions consistant à transmettre de faux renseignements, des propos indécents ou des messages harcelants seront désormais des infractions mixtes. Par conséquent, la peine maximale prévue pour les infractions relatives aux communications indécentes et harcelantes augmentera à deux ans d’emprisonnement, dans le cas où le poursuivant aura décidé de procéder par mise en accusation.
Les renseignements sous forme électronique peuvent être détruits ou modifiés facilement et rapidement. L’article 24 du projet de loi ajoute donc au Code un nouvel outil d’enquête pour conserver ce type de preuve, outil qui peut prendre l’une ou l’autre des deux formes suivantes : l’ordre ou l’ordonnance de préservation. Un ordre de préservation est donné par un agent de la paix (nouvel art. 487.012 du Code), tandis qu’une ordonnance de préservation est rendue par un juge, sur demande d’un agent de la paix (nouvel art. 487.013 du Code).
L’ordre et l’ordonnance de préservation enjoignent à une personne, par exemple un télécommunicateur, de sauvegarder des « données informatiques 41 » qui sont en « sa possession ou à sa disposition » au moment où l’ordre ou l’ordonnance est reçu. Toutefois, un télécommunicateur peut toujours préserver et communiquer volontairement des données à un organisme d’application de la loi, même en l’absence d’un ordre ou d’une ordonnance (nouvel art. 487.0195 du Code).
Ce nouvel outil d’enquête se distingue de la mesure de rétention des données, en vigueur dans certains pays 42, qui contraint les télécommunicateurs à recueillir et à conserver des données pendant une période prescrite pour tous leurs abonnés, qu’ils fassent ou non l’objet d’une enquête. À l’opposé, l’ordre et l’ordonnance de préservation ne concernent qu’une télécommunication ou une personne en particulier, dans le cadre d’une enquête policière. L’ordre et l’ordonnance de préservation pourront être donnés à un télécommunicateur uniquement s’il existe des motifs raisonnables de soupçonner 43 qu’une infraction a été ou sera commise (nouveaux par. 487.012(2) et 487.013(2) du Code). Toutefois, la personne qui est soupçonnée de l’infraction ne peut être contrainte de conserver des données par suite d’un ordre ou d’une ordonnance de préservation (nouveaux par. 487.012(3) et 487.013(5) du Code) 44.
L’ordre et l’ordonnance de préservation représentent des mesures temporaires, c’est-à-dire qu’ils sont généralement en vigueur assez longtemps pour permettre à l’organisme d’application de la loi d’obtenir un mandat de perquisition ou une ordonnance de communication. La durée maximale d’un ordre de préservation est de 21 jours (dans le cas d’une infraction à une loi fédérale) ou de 90 jours (dans le cas d’une infraction à une loi d’un État étranger) et l’ordre ne peut être donné qu’une seule fois (nouveaux par. 487.012(4) et (6) du Code), tandis que la durée maximale d’une ordonnance de préservation est de 90 jours (nouveau par. 487.013(6) du Code).
La personne visée par un ordre ou une ordonnance de préservation est tenue de détruire les données informatiques qui ne seraient pas conservées dans le cadre normal de son activité commerciale, après l’expiration de l’ordre ou de l’ordonnance, ou après que les données ont été remises à l’organisme d’application de la loi par suite d’une ordonnance de communication ou d’un mandat de perquisition (nouveaux art. 487.0194 et 487.0199 du Code).
La contravention à un ordre ou à une ordonnance de préservation constitue une infraction punissable, dans le premier cas, d’une amende maximale de 5 000 $ (nouvel art. 487.0197 du Code), ou, dans le deuxième cas, d’une amende maximale de 250 000 $ et d’un emprisonnement maximal de six mois, ou de l’une de ces peines (nouvel art. 487.0198 du Code).
Délivrée par un juge, une ordonnance de communication est semblable à un mandat de perquisition, à la différence que c’est la personne qui possède l’information qui, sur demande, la communique, au lieu que l’organisme d’application de la loi se rende sur place pour obtenir les renseignements recherchés au moyen d’une perquisition et d’une saisie. Les organismes d’application de la loi, munis d’une ordonnance de communication, peuvent alors, par exemple, obtenir plus facilement des documents se trouvant dans un autre pays.
Le Code prévoit déjà une procédure pour obtenir une ordonnance de communication générale, c’est-à-dire une ordonnance qui s’applique, peu importe le type de renseignements qu’un organisme d’application de la loi recherche 45. La délivrance d’une telle ordonnance est basée sur l’existence de motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise. Le Code prévoit également des ordonnances de communication spécifiques, c’est-à-dire qui visent à obtenir certains renseignements précis : des informations bancaires ou des registres d’appels téléphoniques 46. La délivrance des ordonnances de communication spécifiques est basée sur le critère moins exigeant des motifs raisonnables de soupçonner.
L’article 24 du projet de loi crée de nouvelles ordonnances de communication spécifiques - dont la délivrance est basée sur l’existence de motifs raisonnables de soupçonner qu’une infraction a été ou sera commise - permettant à un agent de la paix d’obtenir d’un télécommunicateur 47 deux types de renseignements : des « données de transmission » (nouvel art. 487.016 du Code) et des « données de localisation » (nouvel art. 487.017 du Code) 48.
Essentiellement, les « données de transmission » sont des données qui indiquent l’origine, la destination, la date, l’heure, la durée, le type et le volume d’une télécommunication (p. ex. un appel téléphonique ou une communication Internet), sans comprendre le contenu de la télécommunication 49. En cela, la définition de « données de transmission » est semblable à la définition de « données de télécommunication », applicable à la partie 1 du projet de loi C-30 créant la LECECP. Ce type de données est utile, par exemple, pour retracer tous les télécommunicateurs qui ont participé à la transmission de données afin d’identifier le télécommunicateur initial et ainsi déterminer l’origine d’une télécommunication (nouvel art. 487.015 du Code). Les « données de localisation » concernent le lieu d’une chose ou d’une personne physique.
Ces nouvelles ordonnances de communication permettent aux organismes d’application de la loi d’obtenir des données de transmission ou de localisation historiques, c’est-à-dire des données qui étaient déjà en possession du télécommunicateur au moment où il reçoit l’ordonnance. Pour obtenir ces types de données en temps réel, les organismes d’application de la loi devront être munis d’un mandat.
Une procédure de révision est prévue pour contester tout type d’ordonnance de communication, existante et nouvelle (nouvel art. 487.0193 du Code) 50. La personne qui a reçu une telle ordonnance peut demander à un juge de la révoquer ou de la modifier si la communication est déraisonnable 51 ou révèle des renseignements privilégiés 52. Comme pour l’ordonnance de préservation, la violation d’une ordonnance de communication est punissable d’une amende maximale de 250 000 $ et d’un emprisonnement maximal de six mois, ou de l’une de ces peines (nouvel art. 487.0198 du Code).
À l’heure actuelle, l’article 492.1 du Code permet à un agent de la paix, muni d’un mandat 53, d’installer secrètement un dispositif de localisation (p. ex. un dispositif GPS) sur une chose, s’il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu’une infraction a été ou sera commise et que des renseignements utiles à l’enquête policière, notamment sur le lieu où peut se trouver une personne, peuvent être obtenus au moyen d’un tel dispositif.
L’article 28 du projet de loi maintient ce type de mandat, mais établit une distinction entre un mandat pour installer un dispositif de localisation sur une chose, par exemple une automobile, afin d’en suivre les déplacements (nouveau par. 492.1(1) du Code) et un mandat pour installer un tel dispositif sur une chose habituellement portée ou transportée par une personne physique afin de déterminer sa localisation et ses mouvements, par exemple un téléphone cellulaire (nouveau par. 492.1(2) du Code). Le mandat pour suivre les déplacements d’une chose est basé sur le critère actuel des motifs raisonnables de soupçonner, tandis que le mandat pour suivre les déplacements d’une personne physique prévoit un critère plus exigeant, soit l’existence de motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été ou sera commise.
En plus de permettre d’installer un dispositif de localisation, le projet de loi permet aux organismes d’application de la loi d’activer à distance de tels dispositifs se trouvant dans certains types de technologie, comme les téléphones cellulaires ou les GPS dans certaines voitures (nouveau par. 492.1(3) du Code).
La durée maximale d’un mandat pour un dispositif de localisation demeure 60 jours. Toutefois, cette période augmente à un an dans le cas d’une infraction de terrorisme ou d’une infraction de criminalité organisée (nouveaux par. 492.1(5) et (6) du Code) 54.
Actuellement, le paragraphe 492.2(1) du Code permet à un agent de la paix, muni d’un mandat, de placer secrètement un enregistreur de numéro sur un téléphone ou une ligne téléphonique, s’il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu’une infraction a été ou sera commise et que des renseignements utiles à l’enquête policière pourraient être obtenus au moyen d’un tel enregistreur. Ainsi, l’organisme d’application de la loi pourra obtenir les numéros de téléphone « entrants et sortants » d’un téléphone sous écoute.
L’article 28 du projet de loi prévoit un mandat qui autorise un agent de la paix à installer et activer un enregistreur de données de transmission 55 (nouvel art. 492.2 du Code). Comme auparavant, un tel mandat permettra aux organismes d’application de la loi d’obtenir des données téléphoniques, mais également des données indiquant l’origine et la destination d’une communication Internet, par exemple. Les services de police pourront donc avoir accès à ces données de transmission en temps réel. Et, à l’instar du mandat pour placer un enregistreur de numéros téléphoniques, le nouveau mandat est basé sur le critère des motifs raisonnables de soupçonner. Enfin, l’article 26 du projet de loi prévoit l’utilisation d’un enregistreur de données de transmission sans mandat lors de situations d’urgence.
Les nouvelles dispositions du Code concernant les ordres et ordonnances de préservation de données informatiques et les ordonnances de communication de données de transmission et d’informations bancaires s’appliqueront à certaines enquêtes menées en vertu de la Loi sur la concurrence. Ainsi, le commissaire de la concurrence pourra se servir de ces nouveaux outils d’enquête pour obtenir des preuves en matière de pratiques commerciales trompeuses et de pratiques restrictives du commerce.
Les articles 35 à 37 du projet de loi modernisent certaines infractions de pratiques commerciales trompeuses - par exemple donner de fausses indications sur un produit ou service et le télémarketing trompeur - en remplaçant la mention du téléphone comme moyen de commettre ces infractions par celle de tout moyen de télécommunication utilisé pour communiquer oralement.
La Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle, adoptée en 1988, confère aux tribunaux canadiens des pouvoirs coercitifs, par exemple en matière d’assignation de témoins et de mandats de perquisition, pour obtenir au Canada, au profit d’un autre État, des preuves qui seront utilisées dans des enquêtes et des poursuites criminelles dirigées par cet autre État. Elle vise à promouvoir la collaboration entre les États en mettant en place un système d’échange de renseignements et d’éléments de preuve 56.
Le projet de loi habilite le commissaire de la concurrence à exécuter des mandats de perquisition délivrés en vertu de la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle.
Le projet de loi prévoit que les ordonnances de communication du Code pour obtenir des informations bancaires, des données de transmission ou de localisation pourront être utilisées par les autorités canadiennes qui reçoivent des demandes d’assistance de leurs partenaires internationaux.
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
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