Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le projet de loi S-8 : Loi concernant la salubrité de l’eau potable sur les terres des Premières Nations (titre abrégé : « Loi sur la salubrité de l’eau potable des Premières Nations ») a été déposé au Sénat le 29 février 2012. Il prévoit l’élaboration de règlements fédéraux régissant l’approvisionnement en eau potable, les normes de qualité de l’eau et l’élimination des eaux usées dans les collectivités des Premières Nations. Il prévoit aussi, ce qui est important, que ces règlements pourront incorporer, par renvoi, les règlements provinciaux concernant l’eau potable et les eaux usées dans les collectivités des Premières Nations.
Le projet de loi S-8 est le deuxième projet de loi portant sur la salubrité de l’eau potable dans les réserves. Le précédent, le projet de loi S-11, avait été présenté au Sénat le 26 mai 2010 et renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones le 14 décembre 2010. Du 2 février au 9 mars 2011, le Comité a tenu neuf réunions à son sujet. En raison des préoccupations soulevées par de nombreux intervenants, le projet de loi n’est pas passé à l’étape de la troisième lecture, et ce, pour que de nouvelles discussions puissent avoir lieu entre les représentants du gouvernement et ceux des Premières Nations concernant les modifications proposées. Le projet de loi S-11 est mort au Feuilleton à la dissolution du Parlement, le 26 mars 2011.
Le projet de loi S-8 conserve plusieurs éléments du projet de loi S-11, notamment en ce qui concerne les secteurs visés par d’éventuels règlements fédéraux. Cependant, il porte également sur l’application de tels règlements en ce qui concerne, entre autres, les sources d’eau, la responsabilité des Premières Nations à l’égard des systèmes d’alimentation en eau qui n’appartiennent pas à une bande, l’application aux Premières Nations ayant l’autonomie gouvernementale, ainsi que les accords avec des tiers et les pouvoirs de ces derniers. Le projet de loi S-8 comprend également des dispositions de non-dérogation. Les grandes différences entre les deux projets de loi sont abordées plus en détail à la partie 2 « Description et analyse » du présent résumé législatif.
L’approvisionnement en eau potable salubre des collectivités des Premières Nations dans les réserves est un élément essentiel de la santé et de la sécurité des résidants de ces collectivités. L’accès à de l’eau potable salubre est également étroitement lié à la viabilité économique des différentes collectivités. Depuis plus d’une dizaine d’années, les études montrent que de nombreuses collectivités des Premières Nations n’ont pas un accès adéquat à de l’eau potable salubre. Selon une étude de 2001-2002, la salubrité de près des trois quarts des systèmes d’eau potable des collectivités des Premières Nations est sujette à de sérieux risques. Depuis quelques années, le gouvernement fédéral a mis en œuvre un certain nombre d’initiatives afin de s’attaquer au problème de la qualité de l’eau dans les réserves. Entre autres, il a prévu légiférer en ce qui concerne les normes de qualité de l’eau pour combler les lacunes actuelles de la réglementation en ce qui concerne l’approvisionnement en eau potable des réserves. Les rapports d’étape donnent à penser que, depuis 2006, le nombre de systèmes d’eau communautaires à risques élevés et de collectivités prioritaires n’a cessé de diminuer 1.
Au Canada, les réseaux d’eau et de traitement des eaux usées relèvent en général des provinces et des territoires 2. Au fil des ans, les différents gouvernements ont adopté des régimes de réglementation globaux visant la « protection des sources d’eau, les normes de qualité de l’eau, et la surveillance des usines de traitement de l’eau et des services d’approvisionnement en eau 3 ». Cependant, comme le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 accorde au gouvernement fédéral une compétence exclusive sur « les Indiens et les terres réservées aux Indiens », les normes réglementaires provinciales en matière d’eau ne s’appliquent pas aux collectivités des Premières Nations vivant dans les réserves 4. À l’heure actuelle, il n’existe aucun cadre législatif fédéral régissant l’eau potable et les eaux usées dans les collectivités des Premières Nations au-delà de ce que prévoient les politiques, lignes directrices administratives et ententes de financement fédérales 5.
Au fédéral, l’approvisionnement des réserves en eau potable salubre relève principalement de trois ministères : Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, Santé Canada et Environnement Canada. Voici un résumé de leurs responsabilités respectives 6 :
Les collectivités des Premières Nations, par l’intermédiaire de leurs chefs et de leurs conseils, sont chargées de concevoir, de construire, d’exploiter et d’entretenir leurs réseaux d’alimentation en eau, réseaux dont elles assument 20 % des coûts. Elles doivent également s’assurer que les réseaux sont exploités par des personnes qualifiées, contrôler la qualité de l’eau potable et émettre des avis concernant la qualité de l’eau potable.
Les Premières Nations ont certains problèmes qui ressemblent à ceux collectivités rurales dotées de petits réseaux 7. Toutefois, de nombreuses Premières Nations éprouvent également d’autres difficultés. À l’absence de cadre réglementaire et au manque de précision au sujet des rôles et des responsabilités qui ont été évoqués ci-dessus s’ajoutent diverses questions essentielles concernant l’approvisionnement des réserves en eau potable salubre : le coût élevé de l’équipement ainsi que de la construction et de l’entretien des installations en région éloignée; l’obsolescence, l’absence complète ou la qualité inférieure des infrastructures; la difficulté, pour les collectivités, de retenir les services d’exploitants compétents ou agréés; enfin, le manque de ressources pour financer convenablement l’exploitation et l’entretien des réseaux d’eau potable et d’eaux usées 8.
Les politiques, les programmes et le financement fédéraux concernant l’eau potable dans les réserves remontent aux années 1960 et 1970, tout comme les crédits parlementaires dans ce domaine. L’objectif général de la politique fédérale était de faire en sorte que les résidants des réserves aient accès à des réseaux d’eau comparables à ceux dont disposent les Canadiens qui vivent dans les collectivités de taille et d’emplacement comparables. Cependant, il n’existait pas encore de plan global (comprenant des cibles et des ressources) permettant d’atteindre ces objectifs.
En mars 2003, à la suite des résultats d’une évaluation sur les lieux d’envergure nationale des stations de traitement de l’eau, le gouvernement fédéral a lancé la Stratégie de gestion de l’eau des Premières nations (SGEPN) pour améliorer la qualité et la salubrité de l’eau potable dans les réserves. Cette stratégie reflétait, à l’égard des difficultés constatées dans l’évaluation nationale, une approche plus ciblée et plus globale, « à barrières multiples » (de la source au robinet). Il en va de même du plan qui lui a succédé, le Plan d’action pour l’approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées des Premières nations, lancé en avril 2008 pour coïncider avec l’expiration de la SGEPN 9. Ce plan d’action apportait plusieurs améliorations de programmes du plan initial, y compris une évaluation technique nationale afin de déterminer l’état des réseaux existants d’approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées, des consultations sur un nouveau cadre législatif fédéral relatif à la salubrité de l’eau potable et des fonds destinés à un programme national des eaux usées. Le budget de 2010 a prolongé le plan d’action de deux ans, le financement devant prendre fin le 31 mars 2012. En plus de ces initiatives, le gouvernement a annoncé en mars 2006 un « plan d’action » concernant les problèmes d’accès à l’eau potable dans les collectivités des Premières Nations, accompagné d’un engagement à présenter régulièrement au Parlement des rapports d’étape.
Les engagements financiers qu’a pris le gouvernement fédéral à l’égard des réseaux d’approvisionnement en eau des Premières Nations pour les exercices financiers de 2003 à 2012 sont les suivants :
Mis sur pied en juin 2006, le groupe d’experts sur la salubrité de l’eau potable dans les collectivités des Premières Nations était une des principales composantes du Plan d’action pour la gestion de l’eau potable dans les collectivités des Premières nations. Le groupe d’experts a présenté son rapport en novembre 2006, après avoir tenu une série d’audiences publiques dans les différentes régions du Canada au cours de l’été 2006.
Dans son rapport, le groupe d’experts préconise l’élaboration d’une nouvelle loi fédérale qui créerait un régime unique en matière de normes relatives à l’eau pour les collectivités des Premières Nations 10. Le groupe d’experts note que le recours au droit coutumier pourrait créer de « l’incertitude liée à la manière d’obtenir un régime moderne et complet de gestion de l’eau ainsi qu’au temps nécessaire au processus 11 ». Le groupe d’experts exprime également des préoccupations à l’égard de l’option consistant à incorporer les régimes provinciaux dans la nouvelle loi fédérale. Il fait observer en particulier que cette option semble moins avantageuse pour diverses raisons : les lacunes de ces régimes et les différences entre eux, qui pourraient donner lieu à un manque d’uniformité dans les résultats, certaines collectivités profitant des avantages de régimes provinciaux plus perfectionnés; les réticences de la part des Premières Nations à accepter des régimes provinciaux; enfin, la complexité d’une éventuelle intervention par un autre ordre de gouvernement dans la gestion de l’eau 12.
D’après le rapport, le recours à la réglementation ne pourrait à lui seul assurer la salubrité de l’eau potable. Le rapport indique que les règlements régissant l’approvisionnement en eau potable des réserves doivent s’accompagner d’un investissement suffisant dans les ressources humaines et les biens matériels. Il laisse entendre qu’il ne serait pas « crédible de mettre un régime de réglementation en place sans que les capacités adéquates ne soient présentes pour répondre aux exigences du régime 13 ». Les auteurs insistent en outre sur le fait que l’« instauration d’une réglementation qui ne serait pas accompagnée d’un investissement nécessaire pour renforcer les capacités pourrait même mettre en péril la salubrité de l’eau, car les ressources si rares serviraient pour financer le cadre de réglementation et les coûts de sa mise en application 14 ».
En mai 2007, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a publié un rapport sur l’approvisionnement en eau potable pour les Premières Nations dans les réserves 15. Le Comité recommande dans son rapport que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien prenne deux mesures : d’abord, une évaluation indépendante des besoins en ressources humaines et en biens durables des collectivités autochtones en ce qui touche la distribution d’eau potable et le traitement des eaux usées; ensuite, des consultations très larges concernant les options législatives proposées dans le rapport du groupe d’experts sur la salubrité de l’eau potable et par l’Assemblée des Premières Nations.
Le rapport reprend le point de vue du groupe d’experts selon lequel il est essentiel d’investir régulièrement dans la capacité des systèmes d’approvisionnement en eau des Premières Nations et dans les personnes chargées de l’exploitation de ces systèmes, pour assurer l’approvisionnement des réserves en eau potable salubre 16. Il exprime aussi la crainte que le Ministère adopte une approche législative qui pourrait créer un ensemble disparate de règlements dans les différentes régions du pays.
Le budget de 2008 annonçait que le gouvernement fédéral entreprendrait des consultations auprès des Premières Nations et des gouvernements provinciaux et territoriaux au sujet de l’élaboration d’un régime de réglementation concernant la qualité de l’eau dans les réserves 17. Par la suite, en janvier 2009, le gouvernement s’engageait à lancer un processus de consultation concernant « la portée et les éléments d’un cadre législatif fédéral » sur la gestion de l’eau potable et des eaux usées dans les collectivités des Premières Nations 18. De février à mars 2009, le gouvernement a tenu 13 séances de consultation sur l’élaboration d’un projet de cadre législatif concernant l’eau potable et les eaux usées dans les collectivités des Premières Nations 19. D’après les documents du Ministère, 544 membres des Premières Nations ont participé à ces séances. Un document de travail préparé pour les séances de consultation mentionne que les participants seront « encouragés à discuter et à exprimer leur point de vue concernant l’option privilégiée du gouvernement fédéral, soit d’incorporer par renvoi (reproduire) les règlements provinciaux ou territoriaux 20 ».
Outre ces séances de consultation, et par suite des préoccupations exprimées au cours de l’examen en comité du projet de loi S-11, des représentants du gouvernement et des organisations des Premières Nations ont tenu d’autres discussions sur les modifications proposées entre octobre 2010 et octobre 2011 21.
En juillet 2011, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada a publié les conclusions de l’Évaluation nationale des systèmes d’aqueduc et d’égout des Premières Nations. Cette évaluation devait relever les lacunes et les problèmes d’exploitation des systèmes d’aqueduc et d’égout, préciser les besoins à long terme de chaque collectivité et examiner des stratégies en matière d’infrastructures durables pour les dix prochaines années 22.
Basé sur une inspection des systèmes d’aqueduc et d’égout de 587 (97 %) collectivités des Premières Nations de l’ensemble du pays, le rapport d’évaluation révèle que, parmi les systèmes d’aqueduc inspectés :
Il indique aussi que la majorité des systèmes à risque élevé desservent habituellement les petites collectivités, soit environ 25 % des personnes habitant les réserves. Selon les conclusions de l’Évaluation nationale, la formation et le maintien en poste d’opérateurs qualifiés sont essentiels au bon fonctionnement des systèmes d’aqueduc et d’égout.
Le rapport révèle aussi que sur les 532 systèmes d’égout inspectés :
Selon le rapport, il faudra prévoir environ 1,08 milliard de dollars en travaux d’amélioration pour que les systèmes d’aqueduc et d’égout existants respectent les lignes directrices et protocoles fédéraux ainsi que les normes et règlements provinciaux. Il faudra aussi consacrer quelque 79,8 millions de dollars aux travaux non liés à la construction, tels que la formation des opérateurs et l’élaboration de plans de protection des sources d’eau et de plans d’intervention en cas d’urgence. À l’échelle nationale, sur une période de dix ans, le total des coûts d’immobilisations et d’exploitation occasionnés par les services d’aqueduc et de traitement des eaux usées nécessaires pour les collectivités des Premières Nations s’élèveront à environ 4,7 milliards de dollars, en plus d’un budget d’exploitation et d’entretien prévu de quelque 419 millions de dollars par an.
Le projet de loi S-8 tel qu’il a été déposé compte 15 articles. Pour l’essentiel, il touche le pouvoir du gouverneur en conseil de prendre des règlements concernant l’approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées sur les terres des Premières Nations. L’examen qui suit porte sur quelques aspects importants du projet de loi.
Le paragraphe 2(1) définit les termes suivants qui sont utilisés dans le projet de loi : « eau potable », « fonctionnaire provincial », « ministre », « organisme provincial », « première nation », « systèmes d’alimentation en eau potable », « système de traitement des eaux usées », « terres ». La définition de « première nation » peut, sous certaines conditions exposées au paragraphe 14(1) du projet de loi, inclure les Premières Nations qui ont conclu des ententes de revendications territoriales globales et d’autonomie gouvernementale. Le paragraphe 2(2) dispose que le gouverneur en conseil peut prendre des règlements pour l’application de la loi à l’égard des terres d’une Première Nation.
Conformément à l’article 3, il est entendu que le projet de loi et les règlements ne portent pas atteinte aux droits existants – ancestraux ou issus de traités – des peuples autochtones confirmés à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, « sauf dans la mesure nécessaire pour assurer la salubrité de l’eau potable sur les terres des premières nations ». Cet article semble remplacer l’alinéa 4(1)r) de l’ancien projet de loi S-11, qui prévoyait de façon plus générale que les règlements pouvaient définir le rapport entre les règlements et les droits – ancestraux ou issus de traités – des peuples autochtones protégés par la Constitution, « notamment limiter la mesure dans laquelle les règlements peuvent porter atteinte à ces droits ».
Le paragraphe 4(1) dispose que le gouverneur en conseil peut, sur recommandation du Ministre, prendre des règlements régissant l’alimentation en eau potable et l’élimination des eaux usées sur les terres d’une Première Nation. En particulier, il peut prendre des règlements concernant les aspects suivants, énumérés aux alinéas 4(1)a) à h) :
Le paragraphe 4(2) dispose que le gouverneur en conseil peut, sur recommandation du ministre de la Santé, prendre des règlements régissant les normes relatives à la salubrité de l’eau potable sur les terres d’une Première Nation. Sur recommandation du Ministre et du ministre de la Santé, il peut prendre des règlements régissant :
Ces règlements peuvent « conférer à toute personne ou à tout organisme tout pouvoir, notamment législatif, administratif ou judiciaire » que le gouverneur en conseil estime nécessaire pour réglementer efficacement les systèmes d’alimentation en eau potable et les systèmes de traitement des eaux usées (al. 5(1)b)). Les règlements peuvent également incorporer par renvoi tout texte législatif d’une province (par. 5(3)).
Le paragraphe 5(1) donne une longue liste de pouvoirs qui peuvent être compris dans les règlements (al. 5(1)a) à r)). À ce sujet, les règlements peuvent notamment :
Il convient de noter que la version française du paragraphe 5(1) laisse entendre que la liste des pouvoirs réglementaires n’est pas exhaustive (« Les règlements pris en vertu de l’article 4 peuvent notamment […] »), alors que la version anglaise donne à penser qu’il s’agit d’une liste exhaustive des types possibles de recommandations 23.
Le paragraphe 5(2) du projet de loi prévoit que les amendes imposées conformément à l’alinéa 5(1)f) du projet de loi ne pourront pas être supérieures aux montants fixés par les textes législatifs de la province où l’infraction a été commise pour les mêmes actes ou omissions lorsqu’ils sont commis à l’extérieur des terres d’une Première Nation.
Selon le paragraphe 5(3) du projet de loi, les règlements pris en vertu de l’article 4 peuvent adopter – ou « incorporer par renvoi » – tout texte législatif d’une province. Cette disposition prévoit également que le gouverneur en conseil peut, lorsqu’il prend des règlements aux termes de la loi, apporter aux règlements provinciaux les adaptations qu’il estime nécessaires. Il est important de noter qu’il est assez rare que les textes législatifs provinciaux soient incorporés par renvoi dans des lois fédérales, même si l’adoption par renvoi par un organisme législatif d’un texte législatif édicté par un autre organisme législatif est constitutionnelle 24. Par exemple, l’article 88 de la Loi sur les Indiens (fédérale) incorpore par renvoi des lois provinciales « d’application générale », ce qui rend ces lois provinciales applicables dans le cadre de la loi fédérale, à quelques exceptions près. Parmi ces exceptions, il faut noter que les lois provinciales en question ne peuvent être incompatibles avec une loi fédérale et que les modalités de tout traité ont préséance sur elles 25.
Ainsi qu’il a été mentionné plus haut, le groupe d’experts sur la salubrité de l’eau potable dans les collectivités des Premières Nations créé en juin 2006 avait insisté sur les difficultés liées à l’incorporation par renvoi des textes législatifs provinciaux dans le droit fédéral. Les variations dans les normes provinciales risqueraient en effet de produire des résultats inégaux à l’échelle nationale, en ce que certaines réserves se verraient indûment avantagées par des régimes provinciaux plus avancés que d’autres 26.
Sur ce point, le paragraphe 5(4) du projet de loi prévoit expressément que les règlements peuvent varier d’une province à l’autre et peuvent s’appliquer uniquement aux Premières Nations désignées.
Le paragraphe 5(5) dispose que l’article 4 ne permet pas la prise de règlements régissant la répartition des approvisionnements en eau, et qu’il ne permet la prise de règlements régissant la délivrance de permis d’utilisation de l’eau qu’à des fins d’alimentation en eau potable.
Quant aux paragraphes 6(1), (2) et (3), ils permettent au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et au ministre de la Santé de conclure des accords avec une province, une société ou un organisme pour l’exécution et le contrôle d’application des règlements pris aux termes de l’article 4.
L’article 7 du projet de loi précise que sauf disposition contraire, les règlements pris en application du projet de loi l’emportent sur les textes législatifs ou les règlements administratifs adoptés par une Première Nation.
L’article 8 du projet de loi prévoit que la Loi sur les textes réglementaires ne s’applique pas à un texte pris par un fonctionnaire ou un organisme provincial conformément à un texte législatif provincial incorporé par renvoi dans les règlements.
Le paragraphe 9(1) du projet de loi précise que, pour l’application de la Loi sur les cours fédérales, le fonctionnaire ou l’organisme provincial qui exerce des attributions conférées par les règlements ne constitue pas un office fédéral au sens de cette loi. Aux termes du paragraphe 9(2), l’exercice d’une attribution conférée par un texte législatif d’une province incorporé par renvoi dans un règlement peut toutefois donner lieu à un appel ou à un contrôle judiciaire devant les tribunaux de cette province, de la manière et dans les circonstances prévues par les règles de droit de celle-ci.
L’article 10 du projet de loi prévoit que les sommes perçues en application des règlements par toute personne ou tout organisme ne constituent ni de « l’argent des Indiens » aux fins de la Loi sur les Indiens, ni des « fonds publics » au sens de la Loi sur la gestion des finances publiques.
L’article 11 du projet de loi limite la responsabilité des divers acteurs à l’égard d’éventuels actes ou omissions commis dans le cadre de leurs fonctions.
À cette fin, le paragraphe 11(1) prévoit que, dans le cas où un ministre fédéral ou un employé fédéral a commis, dans une province donnée, un acte ou une omission dans l’exercice d’attributions conférées par les règlements, le gouvernement du Canada ainsi que le ministre ou l’employé bénéficient des limites de responsabilité, moyens de défense et immunités prévus par la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif. En outre, le gouvernement fédéral bénéficie également des mêmes limites de responsabilité, moyens de défense et immunités qui s’appliqueraient à un gouvernement provincial dans l’exercice de ce pouvoir ou l’exécution d’une telle attribution conformément au droit de la province. Le ministre ou l’employé fédéral bénéficient quant à eux des mêmes limites de responsabilité, moyens de défense et immunités que ceux dont tout fonctionnaire provincial bénéficierait s’il exerçait ces attributions selon le droit de la province, sauf disposition contraire des règlements.
Le paragraphe 11(2) traite des actes ou omissions survenant dans l’exercice d’attributions conférées par les règlements à tout fonctionnaire ou organisme provincial. Dans ces cas, le gouvernement du Canada bénéficie des mêmes limites de responsabilité, moyens de défense et immunités que ceux qui s’appliqueraient à l’exercice de ces attributions selon le droit de la province. Le fonctionnaire ou l’organisme bénéficieraient eux aussi des mêmes limites de responsabilité, moyens de défense et immunités que ceux dont ils bénéficieraient s’ils exerçaient ces attributions selon le droit de la province, sauf disposition contraire des règlements.
Le paragraphe 11(3) énonce qu’à l’égard des actes ou omissions survenant dans l’exercice, dans une province donnée, d’attributions conférées par les règlements à toute personne ou tout organisme autre que le gouvernement du Canada, qu’un ministre fédéral, qu’un employé de l’administration publique fédérale ou qu’un fonctionnaire ou organisme provincial, nul ne peut recevoir d’indemnité ou autre réparation de la part du gouvernement fédéral. La personne ou l’organisme en question bénéficient, sauf disposition contraire des règlements, des mêmes limites de responsabilité, moyens de défense et immunités que ceux dont ils bénéficieraient s’ils exerçaient ces attributions selon le droit de la province.
L’article 12 du projet de loi précise qu’il ne peut être accordé aucune somme par voie de crédit affecté par le Parlement pour faire droit à toute réclamation inhérente aux actes ou omissions visés au paragraphe 11(3).
L’article 13 du projet de loi accorde une immunité au gouvernement du Canada. Aux termes de cette disposition, les règlements ne peuvent servir de fondement à aucun recours civil ni à aucune ordonnance, amende ou sanction pécuniaire contre le gouvernement fédéral.
Aux termes du paragraphe 14(1) du projet de loi, un groupe autochtone qui est partie avec le Canada à un accord sur des revendications territoriales ou à un accord sur l’autonomie gouvernementale mis en œuvre sous le régime d’une loi fédérale et dont l’aliénation des terres n’est pas régie par la Loi sur les Indiens ou la Loi sur la gestion des terres des premières nations peut demander au gouverneur en conseil de prendre des règlements pour :
Selon le paragraphe 14(2) du projet de loi, la loi et les règlements l’emportent, en cas d’incompatibilité, sur tout accord sur des revendications territoriales ou tout accord sur l’autonomie gouvernementale auquel un groupe autochtone dont le nom figure à la colonne 1 de l’annexe est partie. Ce paragraphe était numéroté 6(2) dans l’ancien projet de loi S-11.
L’article 15 du projet de loi S-8 dit que les dispositions de la présente loi entrent en vigueur à la date ou aux dates fixées par décret.
Peu de commentaires ont été exprimés jusqu’à présent au sujet du projet de loi S-8. Un certain nombre d’organisations des Premières Nations, notamment les Chiefs of Ontario, la nation Nishnawbe Aski, l’Assemblée des chefs du Manitoba et les nations signataires du Traité no 7 en Alberta ont indiqué qu’elles avaient toujours des inquiétudes concernant le projet de loi. Elles ont mentionné, entre autres, la nécessité de régler les problèmes relatifs à l’infrastructure et à la capacité avant de mettre en place de nouveaux règlements fédéraux 27.
Auparavant, plusieurs des Premières Nations participant aux séances de consultation concernant le cadre législatif proposé par le gouvernement s’étaient dites inquiètes que, sans investissement adéquat destiné à renforcer les capacités, un projet de loi relatif aux normes en matière d’eau puisse compromettre la qualité de l’eau potable des Premières Nations en accroissant les coûts relatifs à la surveillance, à la production de rapports et à l’observation des normes ainsi qu’aux sanctions financières susceptibles d’accompagner sa mise en œuvre.
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
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