Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le 30 janvier 2015, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile a déposé à la Chambre des communes le projet de loi C-51, Loi édictant la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada et la Loi sur la sûreté des déplacements aériens, modifiant le Code criminel, la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois (titre abrégé : « Loi antiterroriste de 2015 »). Le 6 mai 2015, la Chambre des communes a adopté le projet de loi, avec amendements. Le Sénat l'a renvoyé au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, qui en a fait rapport, sans amendement, mais avec des observations, le 27 mai 20151 . Le projet de loi a reçu la sanction royale le 18 juin 2015.
Le cadre législatif canadien de la lutte antiterroriste repose à la base sur trois lois :
D'une façon générale, le projet de loi C-51 a pour effet :
Le texte qui suit fournit des renseignements généraux et un aperçu des principales mesures proposées dans le projet de loi C-51 en résumant l'essentiel de chaque partie. Pour faciliter la consultation, l'information est présentée dans le même ordre que dans le projet de loi :
Ces dernières années, les trois commissions d'enquête suivantes ont formulé, dans leurs conclusions et recommandations, des préoccupations relativement à la collecte de renseignements, aux enquêtes et à l'échange de renseignements dans le contexte de la sécurité nationale :
Comme l'indique le rapport d'enquête sur l'affaire Air India, le SCRS commence généralement à enquêter sur une menace bien avant que les autres organismes (comme la police) n'interviennent5 . Dans son rapport, le juge Major, commissaire chargé de l'enquête sur l'affaire Air India, a expliqué de quelle façon la collecte et la communication d'information peuvent servir à évaluer les menaces contre la sécurité du Canada :
Le terrorisme constitue à la fois une menace sérieuse à la sécurité et un crime grave. Les renseignements secrets recueillis par les services de renseignement canadiens et étrangers peuvent servir à avertir le gouvernement des menaces terroristes et aider à prévenir les attentats terroristes. Ils peuvent également servir de preuve dans les poursuites pour infractions de terrorisme6 .
Dans cette optique, la « nécessité d'une réciprocité et d'une collaboration entre les États a des antécédents qui remontent très loin dans le temps; ce n'est pas un phénomène nouveau7 ». Dans le deuxième rapport de la Commission d'enquête concernant certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada, le juge McDonald explique en ces termes l'importance, voire la nécessité de la communication d'information et de la collaboration entre les services du renseignement de sécurité du Canada et ceux de l'étranger : Les rapports avec les services étrangers de sécurité et de renseignements supposent inévitablement la mise en commun ou l'échange de renseignements : le Canada doit être disposé à leur fournir de l'information pour en recevoir. La réciprocité est donc essentielle au succès des ententes de coopération avec les services étrangers8 .
Il est peut-être nécessaire de disposer d'une marge de manœuvre dans le contexte de la sécurité nationale, car c'est en fonction de la nature de la situation qu'on pourra déterminer l'intervention qui convient le mieux. Le juge Major décrit l'analyse au cas par cas à appliquer pour réagir à une menace terroriste de la manière suivante :
La préservation de l'équilibre délicat entre la transparence et le secret présente des défis à chaque étape de l'intervention en réponse à la menace terroriste. Chaque menace terroriste est unique et nécessite une réaction adaptée aux circonstances qui lui sont propres, de sorte qu'il est impossible de définir en quoi consisterait l'intervention « idéale ». Dans certains cas, il conviendra clairement de faire intervenir la police dès le départ. Dans d'autres, on servira probablement mieux l'intérêt public en permettant aux services de renseignement de continuer à surveiller la menace et à faire rapport de la situation, ou encore en faisant appel à d'autres services non policiers pour perturber un complot qui se fomente. Il se peut donc que le meilleur moyen de mettre à profit les renseignements de sécurité n'ait rien à voir avec le système de justice pénale9 .
L'entrée en vigueur de la Loi antiterroriste, en 2001, a introduit des dispositions :
ayant une incidence particulière sur la capacité des Canadiens et des personnes qui vivent au Canada d'avoir accès à l'information qui les concerne ou qui concerne leur gouvernement, ainsi que des dispositions qui autorisent le gouvernement à recueillir des renseignements personnels au sujet des Canadiens et des personnes qui vivent au Canada et de les partager avec d'autres10 .
Le juge O'Connor, dans le cadre de l'enquête sur l'affaire Arar, a recommandé qu'un organisme indépendant examine les activités de communication d'information de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) (recommandation no 10). Il a également conseillé de manière plus générale que les organismes qui prennent part à la communication d'information relative à la sécurité nationale passent en revue les recommandations adressées à la GRC au sujet de la communication d'information, afin de s'assurer que leurs politiques en matière de partage d'information soient conformes, dans la mesure du possible, aux approches préconisées dans ces recommandations (recommandation no 11)11 . Dans son examen de la politique en la matière, le juge O'Connor a également recommandé un examen indépendant des activités relatives à la sécurité nationale de l'Agence des services frontaliers du Canada, de Citoyenneté et Immigration Canada, de Transports Canada, du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada et d'Affaires étrangères et Commerce international Canada (recommandation no 9). En outre, il a recommandé de confier au Comité de surveil-lance des activités de renseignement de sécurité (CSARS) des pouvoirs élargis en matière de contrôle (recommandation no 10) et de créer des passerelles législatives entre les organismes d'examen des activités relatives à la sécurité nationale afin de permettre l'échange d'informations, le renvoi d'enquêtes à un autre organisme, l'institution d'enquêtes conjointes et la coordination de la préparation des rapports (recommandation no 11)12 .
Par ailleurs, les comités parlementaires qui ont étudié la Loi antiterroriste ont pour leur part réclamé la mise sur pied d'un comité de parlementaires sur la sécurité nationale13 , de même que l'adoption de dispositions prévoyant un autre examen de la loi14 .
Dans ce contexte, la partie 1 du projet de loi C-51 édicte la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada (LCISC), laquelle vise à renforcer la capacité de réaction du gouvernement aux menaces multidimensionnelles envers la sécurité en permettant l'échange de renseignements à l'échelle pluri-institutionnelle.
La LCISC contient un préambule qui en établit l'intention législative. Bien que les articles 3 et 4 de cette loi présentent un énoncé plus substantiel de son objet et de ses principes, le préambule énumère certaines notions, dont les suivantes :
L'article 3 de la LCISC énonce que cette mesure législative a pour objet d'encourager les institutions fédérales à communiquer entre elles de l'information et de faciliter une telle communication, afin de protéger le Canada contre des activités portant atteinte à sa sécurité.
Les principes guidant la communication de l'information énoncés à l'article 4 reposent notamment sur les notions suivantes :
Les objets et principes énoncés aux articles 3 et 4 servent de source d'interprétation de la loi à ceux qui l'administrent.
En ce qui a trait aux réserves et au droit de regard de la source relativement à l'information communiquée, le juge O'Connor, dans le cadre de l'enquête sur l'affaire Arar, a formulé une recommandation particulière sur l'importance des réserves écrites (recommandation no 9). Il a fait observer ce qui suit :
Il est aussi important que la GRC, dans la mesure du possible, contrôle l'utilisation qui sera faite de l'information qu'elle fournit à d'autres organismes. Les réserves écrites utilisées par la GRC et les autres organismes qui partagent de l'information ont comme objet de tenter d'empêcher les destinataires de divulguer cette information et de s'en servir de façon inacceptable. Bien que de telles réserves ne fournissent aucune garantie de protection contre une telle utilisation, le sens commun nous dit qu'elles devraient grandement réduire le risque15 .
Le paragraphe 5(1) de la LCISC autorise une institution fédérale à communiquer de l'information au responsable d'une institution fédérale destinataire dont le titre figure à l'annexe 316 , de sa propre initiative ou sur demande, si l'information se rapporte à la compétence ou aux attributions de l'institution destinataire prévues par une loi fédérale ou une autre autorité légitime à l'égard d'activités portant atteinte à la sécurité du Canada, notamment en ce qui touche la détection, l'identification, l'analyse, la prévention ou la perturbation de ces activités ou une enquête sur celles-ci17 .
Un mécanisme de protection de la vie privée, au paragraphe 5(1), prévoit que la communication d'information est assujettie aux dispositions de « toute autre loi fédérale ou de tout règlement pris en vertu de l'une de celles-ci interdisant ou restreignant la communication d'information ». Le cadre d'interprétation prévu à l'article 4 semble établir une approche plus restrictive à l'égard des pratiques de communication d'information que les pouvoirs de communication d'information énoncés à l'article 5. La communication subséquente d'information par une institution fédérale, au sens du paragraphe 5(1) et conformément à celui-ci, est autorisée en vertu du paragraphe 5(2).
L'article 6 concerne le cas où l'utilisation et la communication subséquente de l'information communiquée au titre du paragraphe 5(1) ne sont pas régies par le cadre de communication d'information de la LCISC. Au cours de son étude du projet de loi C 51, le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes a modifié l'article 6 afin de préciser que l'utilisation et la communication subséquente de l'information communiquée au titre du paragraphe 5(1) qui se font en dehors du cadre de communication d'information de la loi demeurent assujetties aux exigences, restrictions et interdictions légales existantes.
La disposition de non-dérogation prévue à l'article 8 précise que la LCISC n'a pas pour effet de porter atteinte aux pouvoirs en matière de communication d'information qui découlent d'une autre loi fédérale ou d'une loi provinciale. Les pouvoirs existants en matière de communication d'information continuent donc de s'appliquer au cadre de communication d'information.
L'article 2 de la LCISC définit ce qui constitue une « activité portant atteinte à la sécurité du Canada » d'une façon large et plus détaillée que ne le fait la définition des « menaces envers la sécurité du Canada » qui figure à l'article 2 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité (Loi sur le SCRS). Le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes a modifié cette définition en supprimant le terme « licites » de l'exception qui y est prévue, et qui, à l'origine, excluait de la définition uniquement les activités « licites » de défense d'une cause, de protestation, de manifestation d'un désaccord ou d'expression artistique. Ainsi, toutes les activités de défense d'une cause, de protestation, de manifestation d'un désaccord ou d'expression artistique sont exclues de la définition d'une activité portant atteinte à la sécurité du Canada.
Le tableau 1 compare la terminologie employée dans la Loi sur le SCRS et la LCISC pour décrire les activités ciblées.
Article 2 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité | Article 2 de la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada |
---|---|
« [M]enaces envers la sécurité du Canada » signifie |
« [A]ctivité portant atteinte à la sécurité du Canada » s'entend d'une activité qui porte atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou à l'intégrité territoriale du Canada ou à la vie ou à la sécurité de la population du Canada, notamment les activités ci-après si elles entraînent une telle atteinte : |
La partie 1 du projet de loi C-51 apporte par ailleurs des modifications à la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur le ministère des Pêches et des Océans, la Loi sur le ministère des Pêches et des Océans, la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques et la Loi de 2001 sur l'accise afin qu'elles cadrent avec le régime de la nouvelle loi, et ce, au moyen de modifications tenant compte des exigences de confidentialité propres à leurs mécanismes respectifs de partage d'information. Par exemple, les règles très strictes qui gouvernent la communication de l'information sur les contribuables obtenue dans le cadre de l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu sont modifiées de façon à permettre la communication de tels renseignements s'il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu'ils seraient utiles à une enquête visant à vérifier la présence de menaces (au sens de l'art. 2 de la Loi sur le SCRS) ou à toute enquête visant à établir si certaines infractions peuvent avoir été commises (terrorisme et recyclage des produits de la criminalité en rapport avec une infraction de terrorisme en vertu du Code criminel).
À la suite de l'édiction, en 2004, de la Loi de 2002 sur la sécurité publique, Transports Canada a créé en juin 2007 le Programme de protection des passagers et la « Liste des personnes précisées » s'y rapportant. Cette loi a entraîné de nombreuses modifications à la Loi sur l'aéronautique, notamment l'adoption du paragraphe 4.81(1), lequel autorise le ministre des Transports à demander à tout transporteur aérien qu'il fournisse des renseignements à l'égard de « toute personne qu'il précise ». Une fois communiqués, ces renseignements sont réunis dans la Liste des personnes précisées.
Conformément au Règlement sur le contrôle de l'identité18 de Transports Canada, l'information sur un voyageur qui est saisie dans le système de réservation d'un transporteur aérien est automatiquement comparée aux renseignements conservés dans une base de données contenant les noms des personnes figurant sur la Liste des personnes précisées. Si un passager se retrouve sur celle-ci, l'information est signalée et transmise à l'agent de sécurité du transporteur pour qu'il confirme la correspondance en comparant le nom du passager, sa date de naissance et son sexe aux renseignements contenus dans la liste.
Le pouvoir du ministre des Transports d'interdire à une personne inscrite de monter à bord d'un aéronef découle de l'article 4.76 de la Loi sur l'aéronautique, qui autorise le Ministre à donner des directives d'urgence en cas de risque de danger immédiat pour la sûreté de l'aviation, d'un aéronef, d'un aérodrome, d'autres installations aéronautiques ou la sécurité du public ou celle des passagers ou de l'équipage d'un aéronef. Ces directives d'urgence entrent en vigueur immédiatement et le demeurent pendant 72 heures (art. 4.771 de la Loi sur l'aéronautique).
Il existe un processus par lequel une personne précisée peut demander à faire retirer son nom de la liste. C'est en effet à la personne concernée qu'il incombe de démontrer au Bureau de réexamen pourquoi elle devrait être retirée de la liste et non au gouvernement de justifier le maintien du nom de cette personne sur la liste. Le Bureau de réexamen transmet ensuite sa recommandation au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, qui décide si le nom de la personne demeure sur la Liste des personnes précisées ou en est retiré. Bien qu'il soit possible de demander un contrôle judiciaire de la décision du Ministre, il est en revanche exclu de faire appel de celle-ci.
Dans son Rapport annuel 2011-2012, le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS) a fait remarquer que le Programme de protection des passagers (PPP) présentait des difficultés et des lacunes qui, selon lui, avaient « considérablement réduit la possibilité que la LPP [Liste des personnes précisées] soit un outil efficace pour la sûreté de l'aviation ». En effet :
Le CSARS a constaté que le seuil fixé dans la loi à l'égard du Programme est difficile à respecter en pratique. Pour les ministères chargés des désignations, cela a suscité des incertitudes quant aux critères d'inscription sur la LPP. En vertu du PPP, une personne inscrite sur la LPP peut se voir refuser l'embarquement si l'on croit qu'elle peut représenter une « menace immédiate » pour la sûreté de l'aviation, seuil qui s'enracine dans la Loi sur l'aéronautique. La notion de « menace immédiate » laisse place à interprétation, de sorte que les ministères et organismes chargés des désignations ont eu du mal avec le processus prévu à cette fin. Cette imprécision a aussi fait l'objet d'un débat public, les associations de défense des libertés civiles (entre autres) s'en étant prises au fait que la loi ne prévoyait pour le programme aucune limite ni mandat clair, à leur avis19 .
La partie 2 du projet de loi C-51 édicte la Loi sur la sûreté des déplacements aériens (LSDA), laquelle remplace le cadre qui régissait auparavant l'inscription à la Liste des personnes précisées.
Le paragraphe 8(1) de la LSDA établit un cadre législatif autorisant le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile à établir une liste sur laquelle il peut inscrire toute personne dont il a des motifs raisonnables de soupçonner qu'elle :
Il convient de noter que le sous-alinéa 8(1) b)(i) de la LSDA vise spécifiquement certaines infractions de terrorisme précisées, et non l'ensemble des infractions de terrorisme inscrites dans le Code criminel (le Code).
Le Ministre doit examiner la liste tous les 90 jours afin de déterminer si les motifs sur lesquels il s'est basé pour inscrire le nom de chaque personne existent encore. Toutefois, cet examen est sans effet sur la validité de la liste (par. 8(2)). Le Ministre peut en tout temps modifier l'information concernant une personne inscrite et modifier la liste en enlevant le nom d'une personne (et tous les renseignements s'y rapportant) si les motifs pour lesquels le nom a été inscrit sur la liste n'existent plus (par. 8(3)).
Conformément à l'article 9, le Ministre est habilité à donner les directives qu'il estime raisonnables et nécessaires en vue d'éviter qu'une personne inscrite commette un acte qui menacerait la sûreté des transports ou qui l'amènerait à se déplacer en aéronef pour se livrer à une activité terroriste (au sens des al. 8(1) a) et 8(1) b)). Ces directives incluent le refus de transporter une personne ou le contrôle d'une personne avant qu'elle n'entre dans une zone « stérile » (réglementée) d'un aéroport ou qu'elle monte à bord d'un aéronef (par. 9(1))21 . Il semble que, aux termes de l'article 9, le Ministre pourrait également donner une telle directive pour d'autres motifs qui ne sont pas précisés dans la disposition. La LSDA ne paraît contenir aucune disposition portant que les personnes doivent être avisées de leur inscription sur la liste avant de faire l'objet d'une directive.
Le Comité permanent de la sécurité publique et nationale a modifié le libellé de l'article 9. Dans sa forme originale, le projet de loi accordait au Ministre le pouvoir d'enjoindre à un transporteur aérien « de prendre toute mesure » que le Ministre estimait raisonnable et nécessaire en vue d'éviter qu'une personne inscrite com-mette les actes visés au paragraphe 8(1). Dans sa version modifiée, cette disposition confère au Ministre le pouvoir d'« enjoindre à un transporteur aérien de prendre la mesure raisonnable et nécessaire qu'il précise en vue d'éviter qu'une personne inscrite commette les actes visés au paragraphe 8(1) » [ITALIQUES DES AUTEURS].
La LSDA prévoit un cadre selon lequel le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile peut obtenir l'assistance du ministre des Transports, du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, d'un membre de la Gendarmerie royale du Canada ou d'un membre du personnel civil de celle-ci, du directeur ou d'un employé du Service canadien du renseignement de sécurité, d'un dirigeant ou d'un employé de l'Agence des services frontaliers du Canada et de toute autre personne ou entité réglementaire. Cette assistance peut consister à recueillir des renseignements auprès du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ou de ces personnes ou entités ou à communiquer des renseignements au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ou à ces personnes ou entités (art. 10).
La loi prévoit expressément que l'Agence des services frontaliers du Canada assistera le Ministre dans l'application et l'exécution de la loi (1) en communiquant les renseignements relatifs à une personne inscrite qui sont recueillis auprès des transporteurs aériens et des exploitants de systèmes de réservation de services aériens au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et à toute autre personne ou entité qui contribue à l'application et à l'exécution de la loi (c.-à-d. les personnes et entités citées à l'art. 10 de la LSDA) et (2) en avisant les transporteurs aériens et les exploitants de systèmes de réservation de services aériens que le nom d'un passager est le même que celui d'une personne inscrite (art. 14).
En outre, l'alinéa 13b) de la LSDA prévoit que le ministre des Transports peut assister le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile en recueillant auprès des transporteurs aériens et des exploitants de systèmes de réservation de services aériens les renseignements qu'ils possèdent sur une personne inscrite (ces renseignements sont précisés à l'annexe de la Loi sur l'aéronautique) 22 . Le ministre des Transports doit détruire les renseignements reçus dans les sept jours suivant leur obtention s'ils ne sont pas raisonnablement nécessaires pour l'application de la LSDA (art. 18).
Le projet de loi prévoit que non seulement les transporteurs aériens, mais aussi les exploitants de systèmes de réservation de services aériens sont tenus de fournir les renseignements dont ils disposent visés à l'annexe de la Loi sur l'aéronautique à l'égard des personnes qui sont ou seront vraisemblablement à bord d'un aéronef pour tout vol (par. 6(2))23 .
Le ministre des Transports est autorisé à communiquer les renseignements recueillis auprès des transporteurs aériens et des exploitants de systèmes de réservation de services aériens au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et à toute autre personne ou entité citée à l'article 10 (al. 13d)). De plus, le ministre des Transports est autorisé à communiquer la liste des personnes inscrites aux transpor¬teurs aériens et aux exploitants de systèmes de réservation de services aériens, et à communiquer aux transporteurs aériens toute directive du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile prise en vertu de l'article 9 (al. 13a) et 13c)).
Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile est habilité à communi-quer les renseignements obtenus dans l'exercice des attributions qui lui sont confé-rées au titre de la LSDA en vue d'assurer la sûreté des transports ou de prévenir un déplacement aérien dont l'objet est la perpétration d'une activité terroriste24 au Canada ou à l'étranger (art. 11). Par ailleurs, la LSDA autorise le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile à conclure, avec le gouvernement d'un État étran¬ger ou un organisme international, une entente écrite concernant la communication de tels renseignements, et le Ministre ne peut communiquer la liste des personnes inscrites, en tout ou en partie, que conformément à l'entente écrite (art. 12).
Une personne inscrite peut demander au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile que son nom soit retiré de la liste dans les 60 jours suivant un refus de transport, et elle doit se voir accorder la possibilité de faire des observations25 . Le Ministre est alors tenu de décider s'il existe encore des motifs raisonnables qui justifient l'inscription du nom du demandeur sur la liste et de donner sans délai à celui-ci un avis de la décision qu'il a rendue (mais pas des motifs qui la justifient). Si le Ministre ne rend pas sa décision dans les 90 jours suivant la réception de la demande, ou dans tout autre délai supplémentaire convenu par lui et le demandeur, il est réputé avoir refusé la demande (art. 15).
La LSDA autorise une personne inscrite à présenter une demande d'appel à la Cour fédérale relativement à une directive ministérielle (donnée en vertu de l'article 9 de la loi) et à une décision ministérielle d'ajouter ou de conserver le nom de la personne sur la liste (prise en vertu des art. 8 ou 15 de la LSDA). Lors de tels appels, la Cour fédérale décide si la décision est raisonnable compte tenu de l'information dont elle dispose. Une personne inscrite qui a fait l'objet d'un refus de transport en consé¬quence d'une directive donnée en vertu de l'article 9 peut interjeter appel unique¬ment après qu'on a refusé de retirer son nom de la liste des personnes inscrites à l'issue du recours administratif prévu à l'article 15 de la LSDA. L'intéressé a alors 60 jours pour faire appel (art. 16)26 .
Les règles habituelles en matière de preuve ne s'appliquent pas à l'instance d'appel, car la LSDA permet l'admission d'une preuve par ouï-dire. En effet, « [le juge] peut recevoir et admettre en preuve tout élément – même inadmissible en justice – qu'il estime digne de foi et utile et peut fonder sa décision sur celui-ci » (al. 16(6)e))27 .
Plusieurs dispositions ayant trait aux instances d'appel initiales (en application de l'art. 16) et à tout appel subséquent de la décision originale visent à protéger la sécurité nationale et la sécurité d'autrui (par. 16(6) et art. 17). Plus précisément :
La procédure d'appel prévue dans la LSDA est très similaire au régime d'examen des certificats de sécurité et des ordonnances de détention établi aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection de réfugiés qui existait avant 2008 et qui a été examiné par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration). La Cour a statué que le régime de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) portait atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne d'une manière qui n'est pas conforme aux principes de justice fondamentale, ce qui contrevient aux dispositions énoncées à l'article 7 de la Charte28 .
Malgré la similitude entre les dispositions relatives à l'appel prévues dans la LSDA et les dispositions de l'ancien régime (inconstitutionnel) de la LIPR, l'ampleur de l'entrave à la liberté et à la sécurité découlant de l'application des dispositions relatives à l'appel de la LSDA est le pivot d'une réflexion visant à établir si l'article 7 de la Charte s'applique à ces nouvelles dispositions. L'analyse fondée sur l'article 7 doit se faire en fonction du contexte, la question étant de savoir si « les principes de justice fondamentale pertinents ont été respectés pour l'essentiel, compte tenu du contexte et de la gravité de l'atteinte29 ».
La LSDA dispose qu'il est interdit de communiquer la liste des personnes inscrites, sauf pour l'application des articles 10 à 14 de cette loi. Il est également interdit de communiquer le fait qu'une personne est ou a été une personne inscrite, sauf pour l'application des articles 10 à 16 de la LSDA30 ou si cela est nécessaire à des fins d'exécution de la loi ou pour la tenue d'activités licites. Par contre, il est permis de communiquer le fait qu'une personne est ou a été une personne inscrite en conformité avec un subpoena, un document ou une ordonnance d'un tribunal, d'une personne ou d'un organisme ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements, ou si la personne communique le fait qu'elle-même est ou a été une personne inscrite (art. 20).
L'interdiction de communiquer toute information concernant une personne inscrite ou le fait qu'une personne est ou a été une personne inscrite s'applique également aux transporteurs aériens et aux exploitants de systèmes de réservation de services aériens, sauf si une telle communication vise l'exécution des fonctions que leur attribue la loi (décrites aux art. 6, 13 et 30).
Il est interdit aux transporteurs aériens de transporter une personne faisant l'objet d'une directive de contrôle donnée en vertu de l'article 9, à moins qu'elle n'ait subi les contrôles exigés (par. 21(2)).
Toute personne qui contrevient aux articles 6 (Obligation des transporteurs aériens), 20 ou 21 (Interdictions), à une directive donnée en vertu de l'article 9 ou à une dispo¬sition d'un règlement pris en vertu de la loi est coupable d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. L'infraction d'entrave à l'action d'une personne exerçant ses attributions au titre de la loi (art. 22) est une infraction mixte punissable par mise en accusation ou par procédure sommaire31 .
Il convient également de noter que l'alinéa 7.6(1) a) de la Loi sur l'aéronautique fait l'objet d'une modification corrélative permettant de désigner toute disposition de la LSDA à titre de disposition dont la transgression est traitée conformément à la procédure prévue dans la Loi sur l'aéronautique visant l'établissement des sanctions pécuniaires.
Une personne physique déclarée coupable d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par voie de mise en accusation encourt un emprisonnement maximal d'un an et une amende maximale de 5 000 $ ou l'une de ces peines. Une personne morale déclarée coupable d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par mise en accusation encourt une amende maximale de 500 000 $. L'emprisonnement est exclu lorsqu'une personne est déclarée coupable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire ou se trouve en défaut de paiement de l'amende en question (art. 23).
Une amende non payée est recouvrable. Dès que la déclaration de culpabilité est enregistrée, elle est assimilée à un jugement obtenu par Sa Majesté du chef du Canada contre la personne en cause pour une dette dont le montant équivaut à l'amende. En outre, tous les frais liés à l'enregistrement de la déclaration de culpabilité à la Cour supérieure d'une province sont recouvrables comme s'ils avaient été enregistrés avec la déclaration de culpabilité (par. 23(6) et (7)).
La défense de diligence raisonnable s'applique à toute contravention à la LSDA, à ses règlements ou à une directive donnée en vertu de l'article 9, si la personne a pris toutes les précautions voulues pour s'y conformer (art. 24). Cependant, cette défense ne s'applique pas à l'infraction d'entrave prévue à l'article 22 de la LSDA.
L'article 25 impose un délai de prescription de 12 mois aux poursuites visant une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
L'article 28 habilite le ministre des Transports à entrer dans tout lieu (notamment dans un aéronef, des installations aéroportuaires ou tout autre lieu utilisé par l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien) et à saisir et conserver des renseignements. Dans l'exercice de ces pouvoirs d'inspection et de vérification, le ministre des Transports peut, notamment, utiliser tout ordinateur ou système informatique pour prendre connaissance des données qu'il contient ou auxquelles il donne accès (par. 28(2)).
Les articles 487 à 492 du Code s'appliquent aux infractions – prétendues ou commises – à la LSDA (par. 28(3)). Ils comprennent un éventail de dispositions concernant les mandats de perquisition, le prélèvement de substances corporelles à des fins d'analyse génétique et le registre des délinquants sexuels. L'inclusion des infractions prétendues au seuil de preuve requis pour l'application des dispositions de perquisition et de saisie du Code constitue un seuil de preuve moins exigeant que l'obligation, aux termes de certaines autres dispositions du Code, d'avoir des « motifs raisonnables de croire » qu'une infraction a été commise. Le fait que le paragraphe 28(3) s'inscrive dans la section de la LSDA régissant les pouvoirs d'inspection du ministre des Transports peut donner à penser que le législateur entend limiter les dispositions applicables du Code à celles qui ont un rapport avec les activités d'inspection.
Aux termes de l'article 31, le ministre des Transports peut, s'il estime qu'un transporteur aérien contrevient à une disposition de la LSDA, à ses règlements ou à une directive donnée en vertu de l'article 9, prendre des mesures enjoignant à quiconque de faire (ou de cesser de faire) quoi que ce soit qui lui paraît raisonnable et nécessaire en vue du respect de la loi, de ses règlements ou des directives et rendre des ordonnances concernant notamment le déplacement des personnes ou le mouvement des aéronefs dans les aérogares et le déroutement d'aéronefs vers un lieu d'atterrissage déterminé.
L'article 32 de la LSDA habilite le gouverneur en conseil à prendre des règlements pour « prendre toute mesure d'ordre réglementaire prévue par la présente loi », notamment pour régir la vérification de l'identité des passagers aériens ou l'utilisation et la protection des directives (données en vertu de l'art. 9) et l'utilisation et la protection des renseignements fournis par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, le ministre des Transports ou l'Agence des services frontaliers du Canada aux transporteurs aériens et aux exploitants de systèmes de réservation de services aériens. Le gouverneur en conseil peut également prendre des règlements interdisant à un transporteur aérien de transporter un passager dont l'apparence ne correspond pas à son identification.
La Loi antiterroriste32 , qui est entrée en vigueur en trois étapes successives entre 2001 et 2003, a créé plusieurs infractions relatives au terrorisme aux termes de la partie II.1 du Code : financer le terrorisme (art. 83.02 et 83.03 du Code), participer à une activité d'un groupe terroriste (comme recruter une personne pour le compte d'un groupe terroriste ou mettre des compétences à la disposition d'un tel groupe) (art. 83.18), faciliter une activité terroriste (art. 83.19), commettre une infraction au profit d'un groupe terroriste (art. 83.2), charger une personne de se livrer à une activité pour un groupe terroriste (art. 83.21) et cacher une personne susceptible de se livrer à une activité terroriste (art. 83.23).
La Loi antiterroriste a aussi eu pour effet de modifier les dispositions législatives relatives aux crimes haineux. Entre autres, elle a ajouté l'article 320.1 aux dispositions du Code concernant la propagande haineuse, pour permettre la saisie, la suppression et la destruction de toute matière qui constitue de la propagande haineuse emmagasinée et rendue accessible au moyen d'un ordinateur.
Néanmoins, les menaces terroristes sont en constante évolution. Les signes précoces de la radicalisation d'une personne ne sont pas faciles à déceler, et les signes avant-coureurs d'un attentat peuvent être limités ou inexistants. De ce fait, il est difficile de réunir les éléments de preuve qui permettraient d'appuyer des poursuites judiciaires33 . La partie 3 du projet de loi C-51 modifie le Code de façon à accorder aux forces de l'ordre des pouvoirs accrus pour mieux contrer la menace terroriste actuelle.
Comme on l'a déjà fait dans d'autres pays comme l'Australie, la France et le Royaume-Uni34 , le projet de loi C-51 prévoit la création d'une nouvelle infraction liée à l'apologie du terrorisme : préconiser ou fomenter la perpétration d'infractions de terrorisme. Le nouvel article 83.221 du Code, qui requiert une intention coupable (mens rea35 ), punit d'un emprisonnement maximal de cinq ans quiconque, sciemment, par la communication de déclarations36 , préconise ou fomente la perpétration d'infractions de terrorisme en général37 , sachant que la communication entraînera la perpétration de l'une de ces infractions ou sans se soucier du fait que la communication puisse ou non entraîner la perpétration de l'une de ces infractions.
Le nouvel article 83.221 du Code prévoit une exception qui a peut-être été incluse dans le projet de loi afin de tenir compte du droit à la liberté d'expression garanti à l'alinéa 2b) de la Charte. Ainsi, la personne qui préconise ou fomente la perpétration de l'apologie du terrorisme ne sera pas déclarée coupable de la nouvelle infraction visée à l'article 83.221.
D'après l'ancien ministre de la Justice, Peter MacKay :
Cette nouvelle infraction comblera une lacune dans la législation criminelle en érigeant en infraction le fait pour une personne de sciemment préconiser ou fomenter la perpétration d'infractions de terrorisme en général, sachant que la communication entraînera la perpétration de l'une de ces infractions ou sans se soucier du fait que la communication puisse ou non entraîner la perpétration de l'une de ces infractions. À l'heure actuelle, le droit criminel s'applique uniquement au fait de conseiller la perpétration d'un acte terroriste précis, comme le fait de dire à quelqu'un d'aller faire sauter une gare de train. Cependant, la loi actuelle ne s'appliquerait pas nécessairement à une personne qui encourage activement d'autres personnes à commettre des infractions de terrorisme de manière plus générale38 .
Le projet de loi C-51 prévoit l'obtention de mandats judiciaires pour saisir et confisquer des publications (nouvel art. 83.222 du Code) ou pour effacer d'un ordinateur toutes données électroniques (nouvel art. 83.223 du Code) qui constituent de la « propagande terroriste39 ». L'application de ce dernier mandat est toutefois limitée aux ordinateurs situés dans le ressort du tribunal.
Par ailleurs – comme c'est actuellement le cas à l'égard de la pornographie juvénile, d'un enregistrement voyeuriste, de la publicité de services sexuels et de la propagande haineuse –, aucune accusation criminelle n'est nécessaire pour obtenir de tels mandats de saisie. Le policier doit, par contre, avoir des motifs raisonnables de croire que la publication ou le matériel électronique constituent de la propagande terroriste. Comme dans les cas de saisie de propagande haineuse, le consentement préalable du procureur général est requis.
La création de la nouvelle infraction d'apologie du terrorisme entraîne également un certain nombre de modifications corrélatives, par exemple l'interdiction d'importer de la propagande terroriste au Canada (art. 31 du projet de loi)40 . Les autres modifications corrélatives sont présentées ci-dessous.
L'article 183 du Code énumère les infractions pour lesquelles les organismes d'appli¬cation de la loi peuvent, de façon générale par mandat, procéder à de l'écoute électronique. Le projet de loi modifie l'article 183 afin d'ajouter à la liste d'infractions énumérées la nouvelle infraction d'apologie du terrorisme.
L'article 487.04 du Code contient une liste d'infractions pour lesquelles est autorisé le prélèvement d'échantillons de substances corporelles du délinquant après sa condamnation, et ce, à des fins d'analyse génétique. L'article 23 du projet de loi modifie l'art. 487.04 de telle sorte qu'une condamnation relative à la nouvelle infraction d'apologie du terrorisme entraînera le prélèvement d'ADN, sauf si le délinquant établit que le prélèvement aurait un effet nettement démesuré sur sa vie privée et sa sécurité.
Si un détenu présente un risque inacceptable de commettre la nouvelle infraction d'apologie du terrorisme avant l'expiration légale de sa peine, la Commission nationale des libérations conditionnelles pourra, en vertu de l'article 30 du projet de loi, ordonner qu'il demeure dans un établissement résidentiel communautaire ou un établissement psychiatrique pendant sa libération d'office.
De plus, la Commission nationale des libérations conditionnelles pourra, dans certaines conditions, décider de maintenir en incarcération pendant toute la durée de sa peine un délinquant reconnu coupable d'apologie du terrorisme (c.-à-d. lui refuser la libération d'office)41 .
L'article 83.3 du Code permet à un agent de la paix d'arrêter une personne à titre préventif ou de demander à la cour d'imposer à celle-ci un engagement assorti de conditions lorsqu'il a des motifs raisonnables de croire que cela est nécessaire pour éviter qu'une activité terroriste ne soit entreprise. Cette disposition avait été ajoutée au Code lors de l'entrée en vigueur de la Loi antiterroriste en décembre 2001, mais avait cessé de s'appliquer en 2007 en raison d'une disposition de temporarisation.
En 2013, la Loi sur la lutte contre le terrorisme a rétabli dans le Code l'art. 83.3, mais celui-ci est toujours subordonné à une disposition de temporarisation. Cet article doit donc expirer le 15e jour de séance suivant le 15 juillet 2018, sauf prorogation au moyen d'une résolution des deux Chambres du Parlement (art. 83.32 du Code).
L'article 17 du projet de loi abaisse le fardeau de la preuve nécessaire pour imposer à une personne un engagement assorti de conditions (nouveau par. 83.3(2) du Code)42 et pour arrêter sans mandat une personne qui est susceptible de commettre une activité terroriste (nouveau par. 83.3(4) du Code). Le tableau 2 présente les modifi¬cations apportées par le projet de loi aux paragraphes 83.3(2) et 83.3(4) du Code.
Avant les modifications apportées par le projet de loi C 51 | Après les modifications apportées par le projet de loi C 51 |
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par. 83.3(2) |
par. 83.3(2) |
par. 83.3(4) |
par. 83.3(4) |
L'article 17 du projet de loi fait passer de trois à sept jours le délai maximum pendant lequel la personne arrêtée peut être détenue (nouveaux par. 83.3(7.1) et 83.3(7.2) du Code)43 . Toutefois, la personne conserve son droit à l'assistance d'un avocat44 et le projet de loi prévoit une nouvelle condition pour autoriser un ajournement pour une période d'au plus sept jours : le policier doit convaincre le juge que « l'enquête sur laquelle s'appuie [la] mise sous garde est menée de façon diligente ». Par ailleurs, le procureur général et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile devront faire état, dans leurs rapports annuels sur l'application de l'article 83.3 du Code, du nombre d'ajournements autorisés après trois jours de détention (art. 18 du projet de loi).
Les paragraphes 17(4) et 17(6) du projet de loi permettent au juge d'assortir l'enga-gement d'une caution et de conditions supplémentaires : le dépôt du passeport (ou tout autre document de voyage) et l'obligation de rester dans une région désignée. Si le juge n'assortit pas son ordonnance de ces deux conditions, il devra consigner ses motifs dans le dossier de cour.
La durée maximale de l'engagement passe d'un à deux ans si la personne a déjà été reconnue coupable d'une infraction de terrorisme (par. 17(5) du projet de loi). La peine d'emprisonnement maximale en cas de violation de l'engagement augmente également, passant de deux à quatre ans (mise en accusation) et de 6 à 18 mois (procédure sommaire) (art. 27 du projet de loi).
L'engagement de ne pas troubler l'ordre public (art. 810 et suivants du Code) est assez similaire à l'engagement assorti de conditions prévu à l'article 83.3. Ces mesures visent à prévenir la perpétration d'une infraction, et c'est pourquoi nombre des modifications apportées par le projet de loi à l'article 83.3 (arrestation à titre préventif et engagement assorti de conditions pour prévenir un acte terroriste) s'appliquent également à l'engagement de ne pas troubler l'ordre public en cas de crainte qu'une infraction de terrorisme soit commise (crainte d'une infraction de terrorisme)45 . Cet engagement est prévu au nouvel article 810.011 du Code.
Ainsi, à l'instar des changements apportés aux conditions d'imposition d'un engagement assorti de conditions, l'article 25 du projet de loi abaisse le fardeau de preuve nécessaire pour imposer un engagement de ne pas troubler l'ordre public (crainte d'une infraction de terrorisme). Le tableau 3 présente le nouveau paragraphe 810.011(1) du Code, et le tableau 4 dresse une comparaison avec l'engagement assorti de conditions.
Before Bill C-51 Amendments | After Bill C-51 Amendments |
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par. 810.01(1) |
par. 810.011(1) |
Engagement assorti de conditions (art. 83.3 du Code) [art. 17 du projet de loi] |
Engagement de ne pas troubler l'ordre public (crainte d'une infraction de terrorisme) (art. 810.011 du Code) [art. 25 du projet de loi] |
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Motifs |
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Consentement préalable du procureur général | Oui | Oui |
Arrestation sans mandat et détention prolongée avant comparution | Oui (maximum 7 jours de détention) | Non |
Possibilité d'assortir l'engagement d'une caution | Oui | Oui |
Dépôt du passeport | Oui | Oui |
Obligation de rester dans une région désignée | Oui | Oui |
Toute condition raisonnable | Oui | Oui |
Obligation de participer à un programme de traitement | Oui, si raisonnable | Oui |
Obligation de porter un dispositif de surveillance à distance | Oui, si raisonnable | Oui |
Obligation de regagner sa résidence et d'y rester aux moments précisés | Oui, si raisonnable | Oui |
Obligation de s'abstenir de consommer des drogues et de l'alcool | Oui, si raisonnable | Oui |
Obligation de fournir un échantillon d'une substance corporelle à des fins d'analyse a | Oui, si raisonnable | Oui |
Interdiction d'avoir en sa possession une arme à feu ou une arme prohibée | Oui | Oui |
Durée maximale de l'engagement | 1 an (2 ans si condamnation antérieure pour terrorisme) | 1 an (5 ans si condamnation antérieure pour terrorisme) |
Peine d'emprisonnement en cas de violation |
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note a. :Cette condition tire son origine du projet de loi C-30 (Loi donnant suite à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Shoker, L.C. 2011, ch. 7), entré en vigueur le 12 mars 2015..
L'article 486 du Code établit la règle générale voulant que les procédures en droit criminel aient lieu en audience publique. Le juge peut exclure le public s'il est d'avis que cela est dans l'intérêt de la moralité publique, du maintien de l'ordre ou de la bonne administration de la justice.
L'article 21 du projet de loi précise que le juge peut ordonner le huis clos de sa propre initiative, mais aussi à la demande du poursuivant ou d'un témoin. Ce dernier pourra également être autorisé à témoigner derrière un écran ou tout dispositif lui permettant de ne pas être vu du public. La demande du poursuivant ou du témoin pourra être présentée avant ou pendant l'instance.
Les articles 486.1 à 486.5 du Code prévoient d'autres mesures spéciales pour protéger les témoins, en particulier les personnes vulnérables comme les enfants. Le juge peut donc, par exemple, permettre qu'une personne de confiance soit présente aux côtés du témoin, interdire à l'accusé de procéder lui-même au contre-interrogatoire et interdire la publication de tout renseignement qui permettrait d'établir l'identité du témoin.
L'article 22 du projet de loi ajoute que le juge peut, de sa propre initiative, rendre toute autre ordonnance pour assurer la sécurité d'un témoin. Par exemple, il pourrait permettre à une personne de témoigner de façon anonyme46 . Avant de rendre son ordonnance, le juge devra prendre en compte les facteurs énumérés au nouveau paragraphe 486.7(3) du Code, dont le droit à un procès public et équitable et l'intérêt de la société à encourager la dénonciation des infractions.
L'article 423.1 du Code prévoit l'infraction d'intimidation d'une « personne associée au système judiciaire ». La définition de ce terme, à l'article 2 du Code, comprend notamment les témoins, les jurés et les poursuivants, qui jouent un rôle dans l'administration de la justice pénale.
Le projet de loi C-51 élargit la portée de l'infraction prévue à l'article 423.1 en ajoutant à la définition de « personne associée au système judiciaire » toute personne qui joue un rôle dans le cadre d'une instance mettant en cause des renseignements secrets ou sensibles en matière de criminalité, de relations internationales, de défense ou de sécurité nationale (par. 15(2) du projet de loi). Il peut s'agir, par exemple, de témoins dans une instance relative à l'imposition d'un certificat de sécurité en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés47 .
Parallèlement, le projet de loi élargit le champ d'application de l'engagement de ne pas troubler l'ordre public prévu à l'article 810.01 du Code. Un juge pourra donc ordonner à un défendeur qu'il contracte un engagement assorti de conditions s'il a des motifs raisonnables de craindre que celui-ci tente d'intimider une personne qui joue un rôle dans une instance mettant en cause des renseignements secrets ou sensibles (art. 24 du projet de loi).
Avant l'adoption du projet de loi C-51, la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité (Loi sur le SCRS) n'avait pas subi de modifications en profondeur depuis la création du SCRS, en 198448 . En 2015, la Loi sur la protection du Canada contre les terroristes49 a eu pour effet de protéger, de façon générale, l'anonymat des sources humaines du SCRS, de préciser la portée du mandat du SCRS et de confirmer que la Cour fédérale est habilitée à décerner des mandats dont la portée s'étend à l'extérieur du Canada.
La partie 4 du projet de loi C-51 modifie l'article 12 de la Loi sur le SCRS afin de permettre au Service de prendre, au Canada ou à l'extérieur du Canada, des mesures pour réduire les menaces envers la sécurité du Canada. Aux fins du présent résumé législatif, ces mesures sont appelées « activités ou opérations de perturbation ».
Les fonctions du SCRS sont énoncées aux articles 12 à 17 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité :
Cela fait longtemps que le SCRS participe, au moins de manière fortuite, à des activités de perturbation sur le territoire canadien51 . Le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS) a d'ailleurs déjà dit craindre que les activités de perturbation du SCRS :
Il est également manifeste que le SCRS a pris part à des activités de perturbation à l'extérieur du Canada. Par exemple, dans une déclaration préparée pour le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes, en 2010, le directeur du SCRS de l'époque, Richard Fadden, a indiqué que les enquêtes internationales du Service menées dans le cadre de la mission du Canada en Afghanistan avaient permis « [de] déstabiliser et [de] démanteler des réseaux d'insurgés qui étaient sur le point de commettre des attaques à l'engin explosif improvisé (EEI) et au véhicule piégé contre des cibles militaires et civiles53 ».
Selon le document d'information du gouvernement du Canada sur le projet de loi C 51, le SCRS ne disposait pas du « mandat légal de prendre des mesures concernant les menaces54 ». Par conséquent, l'article 42 du projet de loi C 51 prévoit que le SCRS peut, s'il existe des motifs raisonnables de croire55 qu'une activité donnée constitue une « menace envers la sécurité du Canada », « prendre des mesures, même à l'extérieur du Canada, pour réduire la menace » [ITALIQUES DES AUTEURS], par exemple dissuader une personne de participer à une activité terroriste (nouveau par. 12.1(1) de la Loi sur le SCRS).
Le projet de loi ne définit pas le terme « mesures pour réduire la menace ». Ces mesures sont toutefois limitées. En effet, avant d'exécuter des activités ou opérations de perturbation, le SCRS doit envisager les solutions de rechange acceptables pour réduire la menace. Dans tous les cas, ces mesures doivent « être justes et adaptées aux circonstances56 » et elles ne peuvent entraver le cours de la justice, causer des lésions corporelles ou porter atteinte à l'intégrité sexuelle d'un individu (nouveaux par. 12.1(2) et 12.2(1) de la Loi sur le SCRS).
Pendant son étude du projet de loi, le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes a modifié l'article 12.1 pour préciser que le pouvoir du SCRS de prendre des mesures pour réduire une menace ne confère à celui-ci aucun pouvoir de contrôle d'application de la loi (nouveau par. 12.1(4) de la Loi sur le SCRS).
Dans ses rapports périodiques au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, le directeur du SCRS devra désormais faire état du nombre des activités ou opérations de perturbation exécutées à l'égard de chacun des types de menaces envers la sécurité du Canada (espionnage, sabotage, activités influencées par l'étranger, terrorisme et subversion intérieure) et en donner une description (art. 40 du projet de loi; nouvel al. 6(5) a) de la Loi sur le SCRS).
Si le SCRS souhaite utiliser des mesures intrusives, comme l'installation de dispositifs d'écoute ou l'interception des communications en ligne d'une cible dans le cadre d'une enquête, l'article 21 de la Loi sur le SCRS exige qu'il obtienne au préalable un mandat de la Cour fédérale.
Le projet de loi C-51 ajoute un mandat pour autoriser l'exécution de certaines activités ou opérations de perturbation. Dans le cas d'une mesure de perturbation d'une menace à la sécurité du Canada qui portera atteinte à un droit ou à une liberté garantis par la Charte ou qui contreviendra à d'autres règles du droit canadien, le SCRS a l'obligation d'obtenir un mandat de la Cour fédérale (nouveau par. 12.1(3) de la Loi sur le SCRS)57 .
Le tableau 5 établit une comparaison entre les nouvelles dispositions relatives au mandat pour des activités ou des opérations de perturbation et les précédentes dispositions sur le mandat prévues à l'art. 21 de la Loi sur le SCRS, qui autorisent le recours à des moyens d'enquête intrusifs comme l'écoute électronique.
Avant les modifications apportées par le projet de loi C-51 (art. 21 et suivants de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité) | Après les modifications apportées par le projet de loi C-51 (art. 21.1 et suivants de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité) | |
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Motifs pour demander un mandat |
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La demande de mandat doit être présentée par le directeur du SCRS à la Cour fédérale (après consultation du sous-ministre) | Oui | Oui |
Le consentement préalable du ministre de la Sécurité publique est requis | Oui | Oui |
Éléments que doit contenir la demande de mandat |
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Audition des demandes de mandat | À huis clos | À huis clos |
Autorisations pouvant être incluses dans le mandat |
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Le mandat est exécutoire à l'extérieur du Canada | Oui a | Oui (« sans égard à toute autre règle de droit, notamment le droit de tout État étranger ») (nouveau par. 21.1(4)) |
Durée maximale du mandat |
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Renouvellement | Pas de limite quant au nombre de renouvellements (art. 22) | Maximum de deux renouvellements (nouveau par. 22.1(2)) |
Ordonnance d'assistance | Non | Oui |
Application de la partie VI du Code criminel (Atteintes à la vie privée) b | Non | Non |
Contenu des rapports périodiques du directeur du SCRS au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile |
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Notes : a. Le projet de loi C-44, Loi modifiant la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et d'autres lois, a confirmé que la Cour fédérale peut décerner des mandats extraterritoriaux
b. La partie VI du Code encadre l'écoute électronique effectuée par les policiers. Cette partie comporte deux dispositions sur la reddition de comptes : la publication d'un rapport annuel du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile contenant des chiffres sur l'écoute électronique (art. 195) et l'envoi d'un avis écrit à la personne qui a fait l'objet d'une interception de communications (art. 196).
c. Le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité présente occasionnellement des rapports sur le nombre de mandats délivrés.
Le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité est chargé d'effectuer une surveillance indépendante des opérations passées du SCRS. Il devra désormais également examiner au moins un aspect des mesures prises par le SCRS pour réduire les menaces envers la sécurité du Canada (art. 50 du projet de loi).
À l'heure actuelle, le CSARS doit présenter au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile un rapport annuel sur ses activités de surveillance. Ce rapport est déposé devant chaque Chambre du Parlement. L'article 51 du projet de loi ajoute que ce rapport devra faire état du nombre de mandats décernés relativement à des mesures visant à contrer une menace envers la sécurité du Canada et du nombre de demandes de mandat rejetées.
La partie 5 du projet de loi C-51 modifie les procédures, prévues aux sections 8 et 9 de la partie 1 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR), qui gouvernent l'interdiction de divulgation de renseignements relatifs à la sécurité nationale et de nature sensible et confidentielle dans les cas d'appels, de contrôles judiciaires et de certificats de sécurité.
Un certificat de sécurité58 est un moyen permettant de renvoyer du Canada un non citoyen interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits de la personne ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée qui, selon la détermination du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, présente un risque élevé pour la sécurité nationale. On peut recourir à ce moyen lorsque l'évaluation du risque est fondée sur des éléments de preuve obtenus sous le sceau du secret qui, selon le gouvernement, ne peuvent être divulgués à la personne visée par le renvoi. La personne nommée dans un certificat de sécurité est souvent détenue en attendant qu'on statue sur le caractère raisonnable du certificat. Dans le cas d'un résident permanent, un juge est tenu d'entreprendre, dans les 48 heures suivant le début de la détention, le contrôle des motifs justifiant le maintien en détention, contrôle qui est ensuite répété au moins une fois tous les six mois tant qu'il n'a pas été statué sur le certificat.
Pour déterminer si le certificat est raisonnable, le juge examine la preuve. Cet examen, qui est de nature administrative, ne s'assortit pas de l'éventail des droits et des garanties d'ordre procédural qu'on retrouve en droit pénal. Le juge nomme un avocat spécial dont le rôle est d'agir au nom de la personne visée par le certificat de sécurité. Depuis 2008, dans chaque cas de certificat de sécurité, un avocat spécial prend connaissance de la preuve qui pèse contre la personne incriminée et peut ensuite contester les affirmations du Ministre voulant que ces éléments de preuve confidentiels ne peuvent pas être communiqués à l'intéressé ou bien la pertinence, la fiabilité et la suffisance des éléments de preuve confidentiels, ou encore l'importance qu'on entend leur accorder. Ces renseignements sont ensuite communiqués à l'intéressé sous forme de résumé pour lui permettre d'être raisonnablement informé de la preuve retenue contre lui. Une fois que l'avocat spécial a obtenu les éléments de preuve confidentiels, il ne peut communiquer avec qui que ce soit au sujet de l'instance, y compris avec la personne nommée au certificat de sécurité, sans avoir d'abord obtenu du juge une autorisation en ce sens.
L'article 54 du projet de loi C-51 modifie l'étendue des renseignements qui doivent être communiqués au juge. On n'aura plus à divulguer l'intégralité du dossier, mais uniquement les éléments de preuve qui se rapportent aux motifs de l'interdiction de territoire précisés dans le certificat (nouveau par. 77(2) de la LIPR).
La modification qu'apporte l'article 55 du projet de loi à la LIPR facilite le proces-sus d'appel pour les ministres dans les affaires nécessitant la divulgation de rensei-gnements dans le cadre de procédures liées à un certificat de sécurité. Ainsi, lors d'une instance visant un certificat de sécurité, les ministres peuvent désormais interjeter appel de toute décision rendue en cours d'instance et exigeant la divulgation de renseignements sans que le juge soit tenu de certifier que l'affaire soulève une question grave de portée générale (nouvel art. 79.1 de la LIPR). L'appel des ministres a pour effet de suspendre la décision du juge de la Cour fédérale quant à savoir si le certificat est raisonnable, ainsi que l'exécution de la décision en question. En outre, une nouvelle disposition (art. 56 du projet de loi, nouvel art. 82.31 de la LIPR) permet plus facilement au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile d'interjeter appel de décisions exigeant la divulgation de renseignements au cours d'une instance liée au contrôle de la détention de la personne faisant l'objet d'un certificat de sécurité.
Les dispositions relatives à la protection des renseignements sont modifiées pour permettre au juge de la Cour fédérale d'exempter les ministres de l'obligation de fournir à l'avocat spécial des renseignements qui ne permettent pas à l'intéressé d'être raisonnablement informé de la thèse des ministres, lorsque le certificat ne repose pas sur ces renseignements et que ces renseignements ne sont pas déposés auprès de la Cour fédérale (art. 57(1), nouvel al. 83(1)c.1)). Si les considérations d'équité et de justice naturelle le requièrent, le juge peut demander à l'avocat spécial de présenter ses observations au sujet de l'exemption visant les renseignements en cause (par. 57(1) du projet de loi, nouvel al. 83(1)c.2)). Un juge ne peut pas décider du caractère raisonnable du certificat de sécurité sur la base de renseignements ayant fait l'objet d'une exemption (par. 57(2) du projet de loi, nouvel al. 83(1)k)). L'article 84 de la LIPR, qui porte sur la protection des renseignements lors d'une instance d'appel, est modifié de façon à s'appliquer à la nouvelle instance d'appel créée par le projet de loi C-51 (art. 58 du projet de loi).
L'article de la LIPR visant l'obligation des ministres de fournir des renseignements à l'avocat spécial est modifié pour tenir compte du nouveau mécanisme selon lequel l'avocat spécial ne peut plus avoir accès à l'intégralité du dossier. Il y a désormais deux types de renseignements : les renseignements déposés à la Cour fédérale qui sont pertinents (qu'il s'agisse ou non de renseignements sur lesquels repose le certificat) – qui doivent être fournis à l'avocat spécial – et les renseignements qui peuvent être exemptés de cette obligation par un juge de la Cour fédérale à la demande des ministres (art. 59 du projet de loi, nouvel art. 85.4; art. 57 du projet de loi, nouvel al. 83(1)c.1)).
Le projet de loi C-51 modifie la LIPR de façon que les ministres puissent, sans avoir à en demander l'autorisation, demander le contrôle judiciaire d'une décision rendue au cours d'une instance, notamment une enquête, un contrôle de détention ou un appel devant la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, et nécessitant la divulgation de renseignements ou d'autres éléments de preuve si, selon eux, la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui (nouvel art. 86.1 de la LIPR). De la même façon, les ministres peuvent faire appel de toute décision rendue au cours d'un contrôle judiciaire et nécessitant la divulgation de tels renseignements ou éléments de preuve à la Cour d'appel fédérale sans que le juge soit tenu de certifier que l'affaire soulève une question grave de portée générale (art. 60 du projet de loi, nouvel article 87.01 de la LIPR).
Les dispositions existantes qui permettent aux ministres de demander l'interdiction de la divulgation de renseignements et autres éléments de preuve au cours d'un contrôle judiciaire sont applicables à tout appel de l'instance de contrôle judiciaire (art. 87 modifié de la LIPR).
La LIPR prévoit des règles précises relativement au contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure – décision, ordonnance, question ou affaire – prise dans le cadre de la loi. Le projet de loi C-51 modifie certaines dispositions ayant trait à l'interdiction de divulgation des renseignements décrits à l'article 76 de la LIPR, à savoir les « renseignements en matière de sécurité ou de criminalité et ceux obtenus, sous le sceau du secret, de source canadienne ou du gouvernement d'un État étranger, d'une organisation internationale mise sur pied par des États ou de l'un de leurs organismes ».
Le projet de loi modifie l'article 72 de la LIPR pour permettre au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de renvoyer une demande d'interdiction de divulgation de rensei-gnements à la Cour fédérale aux fins d'un contrôle judiciaire sans qu'elle soit subordonnée au dépôt d'une demande d'autorisation exigeant que le demandeur démontre l'existence d'une situation grave (art. 52 du projet de loi).
Dans les cas ayant trait à l'interdiction de divulgation, la procédure pour les ministres est simplifiée davantage grâce à une modification de l'article 74 de la LIPR qui leur permet, en tout temps au cours d'une instance, d'interjeter appel auprès de la Cour d'appel fédérale d'une décision rendue par la Cour fédérale, sans qu'il soit nécessaire que le juge de la Cour fédérale certifie que l'affaire soulève une question grave de portée générale (art. 53 du projet de loi).
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
Charte canadienne des droits et libertés, al. 10b).
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