Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada et comportant d’autres mesures1, a été déposé à la Chambre des communes par le ministre des Transports le 24 mars 2016 et adopté en première lecture le même jour.
Le projet de loi modifie la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada (LPPCAC)2 afin de changer les exigences relatives au lieu d’exécution des activités d’entretien d’aéronefs d’Air Canada, ainsi qu’au type et au volume de ces activités. Il prévoit aussi d’autres mesures relatives à cette obligation.
Selon Transports Canada, les modifications proposées « clarifieront cette loi en vigueur depuis près de 30 ans, pour offrir à Air Canada la souplesse lui permettant de rester concurrentiel dans le secteur du transport aérien, qui est en constante évolution3 ».
La LPPCAC, qui date de 1988, fixe les conditions de la privatisation d’Air Canada.
Entre autres choses, la LPPCAC dit que le transporteur doit demeurer une société par actions sous le régime de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA)4. Les alinéas 6(1)b) et 6(1)c) de la LPPCAC précisent que les clauses de prorogation d’Air Canada doivent comporter des dispositions relatives à l’émission, au transfert et à la propriété d’actions. Air Canada doit continuer d’appartenir à des intérêts canadiens et d’être contrôlé par des Canadiens, et les non-résidents ne peuvent pas posséder plus de 25 % des intérêts avec droit de vote de la société5.
L’alinéa 6(1)d) dispose que les clauses de prorogation d’Air Canada doivent comporter « des dispositions l’obligeant à maintenir les centres d’entretien et de révision dans les villes de Winnipeg et Mississauga et dans la Communauté urbaine de Montréal ».
En outre, selon l’alinéa 6(1)e) de la LPPCAC, les clauses de prorogation d’Air Canada doivent comporter des dispositions fixant le siège social de la société dans la Communauté urbaine de Montréal.
Enfin, comme le précise l’article 10 de la LPPCAC, Air Canada est assujettie à la Loi sur les langues officielles. Elle doit donc mener ses activités en français et en anglais, fournir ses communications et ses services au public dans les deux langues officielles, maintenir un environnement de travail bilingue et garantir des chances égales d’emploi et d’avancement aux deux collectivités de langue officielle6.
La Loi d’exécution du budget de 20097 a apporté à la LPPCAC des modifications qui ne sont pas encore en vigueur. Ces modifications abrogent les dispositions exigeant que les clauses de prorogation d’Air Canada comportent des restrictions sur la propriété d’actions par les non-résidents. Elles abrogent aussi les dispositions des clauses de prorogation régissant ces restrictions8.
La Loi d’exécution du budget de 2009 a aussi apporté des modifications – qui ne sont pas non plus en vigueur – à la Loi sur les transports au Canada (LTC)9. Ces modifications permettent au gouverneur en conseil de faire passer de 25 à au plus 49 % la proportion des actions d’Air Canada qui peuvent être détenues par des étrangers10.
Certaines parties de l’accord Canada-Union européenne de 2009 sur le transport aérien11, notamment celles qui touchent aux droits de « cinquième liberté12 », ne pourront être appliquées que lorsque les changements à la LPPCAC et à la LTC entreront en vigueur.
Les modifications apportées à la LPPCAC et à la LTC par la Loi d’exécution du budget de 2009 entreront en vigueur à la date décidée par le gouverneur en conseil.
En mars 2012, Aveos Fleet Performance Inc., une ancienne filiale d’Air Canada qui fournissait des services d’entretien d’aéronefs à la société, a fait faillite13. Par la suite, le procureur général du Québec a engagé une poursuite contre Air Canada, l’accusant de ne pas procéder à l’entretien de ses aéronefs à Montréal comme l’exige l’alinéa 6(1)d) de la LPPCAC. La Cour supérieure du Québec en 201314 et la Cour d’appel du Québec en 201515 ont statué en faveur du procureur général du Québec, et Air Canada a demandé l’autorisation d’en appeler à la Cour suprême du Canada.
Le 17 février 2016, plusieurs développements concernant Air Canada ont été rendus publics :
Les deux parties ont demandé à la Cour suprême de retarder sa décision sur le pourvoi18 d’Air Canada jusqu’au 15 juillet 2016, afin de leur permettre de finaliser l’entente qui mettrait fin au litige19.
Le procureur général du Manitoba était un intervenant dans ce litige au Québec. Le 14 mars 2016, Air Canada a annoncé la conclusion d’une entente avec le gouver-nement du Manitoba concernant la création, dans la province, d’un centre d’excel-lence pour certaines activités d’entretien des aéronefs. Dans le cadre de cette entente, Air Canada « amène au Manitoba trois de ses fournisseurs et partenaires commerciaux du secteur du transport aérien, qui ont une expertise et des capacités uniques20 ». Le centre devrait créer 150 emplois dès 2017, et peut-être d’autres plus tard. Sous réserve de la conclusion de l’entente définitive, le gouvernement du Manitoba a convenu de se retirer de la poursuite lancée par le Québec relativement aux obligations d’Air Canada au titre de la LPPCAC21.
L’article premier du projet de loi C-10 remplace l’alinéa 6(1)d) de la LPPCAC, de manière à ce qu’Air Canada soit tenue d’exercer ou de faire exercer des activités d’entretien de ses aéronefs en Ontario, au Québec et au Manitoba, plutôt que dans les villes de Winnipeg et de Mississauga et dans la Communauté urbaine de Montréal. La nouvelle version de l’alinéa 6(1)d) précise que l’entretien est relatif aux cellules, aux moteurs, aux éléments constitutifs, à l’équipement ou aux pièces.
L’article premier ajoute aussi à la LPPCAC le paragraphe 6(4), selon lequel Air Canada peut, sans éliminer les activités d’entretien dans les trois provinces mentionnées au nouvel alinéa 6(1)d), modifier le type ou le volume d’une ou de plusieurs de ces activités, ou encore le niveau d’emploi rattaché à ces activités.
Ces changements visent à clarifier trois questions concernant la LPPCAC qui ont fait débat tant au Parlement que devant les tribunaux :
Enfin, l’article premier modifie le paragraphe 6(7) de la LPPCAC afin de préciser que le terme « aéronef » s’entend au sens du paragraphe 3(1) de la Loi sur l’aéronautique22.
L’article 2 du projet de loi permet au conseil d’administration d’Air Canada de modifier les statuts de la société conformément aux modifications prévues ci-dessus sans obtenir l’approbation des actionnaires demandée par la LCSA. Par contre, cet article précise qu’Air Canada doit envoyer copie des statuts modifiés au directeur nommé par le gouvernement conformément à la LCSA.
L’article 2 définit aussi les termes utilisés dans l’article.
Les dispositions de coordination à l’article 3 du projet de loi prévoient la renuméro-tation des modifications aux paragraphes 1(2) à 1(4) du projet de loi, selon que les modifications de la Loi d’exécution du budget de 2009 entrent en vigueur avant ou après le projet de loi, ou encore le même jour.
Le jour du dépôt du projet de loi C-10, Air Canada a déclaré dans un communiqué qu’elle se réjouissait « de la plus grande souplesse [qu’il] prévoit pour elle23 ». Selon le président et chef de la direction de la société, le projet de loi reconnaît « le fait qu’Air Canada est une entreprise du secteur privé, appartient à des intérêts du secteur privé et exerce ses activités dans une industrie mondiale hautement compétitive qui a subi une transformation majeure au cours des trois dernières décennies ».
Le Conseil du patronat du Québec a aussi salué le projet de loi, qui devrait selon lui donner à Air Canada la souplesse dont elle a besoin pour optimiser sa performance et continuer son développement dans un contexte de concurrence accrue24.
Au contraire, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), qui compte 600 000 membres dans la province25, s’oppose au projet de loi C-10. Selon le président de la FTQ, le gouvernement « [a annoncé] de quel côté de cette bataille il se situe : il [a donné] raison à Air Canada26 ». La FTQ a aussi dit que le gouverne-ment « lâche les emplois à Montréal27 ». Le 11 mars 2016, la FTQ a déposé un recours en injonction auprès de la Cour supérieure du Québec afin d’obliger Air Canada à respecter ses obligations d’entretien prévues par la version actuelle de la LPPCAC28.
Selon les médias, les anciens employés d’Aveos ont intenté un recours collectif de près de 1 milliard de dollars contre Air Canada et les gouvernements du Québec et du Canada29. Ils reprochent au gouvernement du Québec d’avoir retiré sa poursuite contre Air Canada, ce qui a eu des conséquences dramatiques pour les anciens employés, et accusent Ottawa de cautionner la position d’Air Canada en proposant de modifier la loi30.
La presse rapporte aussi que le gouvernement du Québec aimerait que le gouver-nement fédéral retarde l’entrée en vigueur des modifications à la loi, parce que la province craindrait que l’adoption trop hâtive des dispositions du projet de loi C-10 nuise à ses négociations avec Air Canada31.
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
le droit ou privilège accordé par un État à un autre État, dans le contexte de services aériens internationaux réguliers, de débarquer et d’embarquer, dans le territoire du premier État, du trafic en provenance ou à destination d’un État tiers.Voir Organisation de l’aviation civile internationale, Manuel de la réglementation du transport aérien international (2 Mo, 235 pages), p. 4.1-9. [ Retour au texte ]
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