Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le projet de loi C‑14, Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d’autres lois (aide médicale à mourir) 1, a été présenté à la Chambre des communes le 14 avril 2016 par l’honorable Jody Wilson-Raybould, ministre de la Justice. Il a franchi la deuxième lecture le 4 mai et a été renvoyé au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Le 12 mai, le Comité en a fait rapport à la Chambre avec des amendements, et le projet de loi a été adopté par la Chambre des communes le 31 mai.
Le projet de loi a fait l’objet d’une première lecture au Sénat le même jour et a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le 3 juin 2016. Le Comité avait déjà étudié la teneur du projet de loi en mai 2016. Il a fait rapport du projet de loi au Sénat sans amendement le 7 juin. Le projet de loi a été amendé au Sénat puis adopté le 15 juin, et un message a été envoyé à la Chambre des communes.
La Chambre des communes a examiné les amendements apportés par le Sénat et a envoyé un message au Sénat le 16 juin pour lui faire part de son accord avec certains amendements, de la modification de certains et de son désaccord avec d’autres. Le Sénat a souscrit aux amendements de la Chambre des communes le 17 juin 2016, et le projet de loi a reçu la sanction royale le même jour.
Il établit les exigences relatives à la prestation de l’aide médicale à mourir et prévoit des exemptions concernant diverses infractions au Code criminel 2 (le Code) pour les médecins, les infirmiers praticiens, les pharmaciens et certaines autres personnes qui fournissent l’aide médicale à mourir ou y apportent leur assistance.
Le projet de loi a été rédigé à la suite de l’arrêt unanime de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Carter c. Canada (Procureur général) 3 (l’« arrêt Carter »). Dans son arrêt, la Cour déclare que l’alinéa 241b) et l’article 14 du Code 4 – qui prohibent l’aide médicale à mourir – portent atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne de ceux qui veulent obtenir l’aide médicale à mourir.
La Cour a suspendu pendant 12 mois la prise d’effet de sa déclaration du 6 février 2015 pour donner aux gouvernements le temps de prendre les mesures législatives voulues 5. Le 15 janvier 2016, la Cour a accueilli la requête d’une prorogation de quatre mois de la suspension de sa déclaration d’invalidité. La déclaration prendra donc a donc pris effet le 6 juin 2016 6.
Au Canada, la question de l’aide médicale à mourir (voir ci-après l’analyse de la terminologie) fait l’objet de débats depuis des décennies. Avant le prononcé de l’arrêt Carter, cette question avait été examinée dans :
Et pendant que les tribunaux étaient saisis de l’affaire Carter, l’Assemblée nationale et le gouvernement du Québec effectuaient une étude détaillée des soins de fin de vie, se penchant notamment sur la possibilité de légaliser l’aide médicale à mourir. Cette étude a mené au dépôt de la Loi concernant les soins de fin de vie en 2014 10.
À l’été 2015, par suite de l’arrêt Carter, le gouvernement fédéral a créé le Comité externe sur les options de réponse législative à Carter c. Canada (le « Comité externe »). Ce dernier a présenté en décembre 2015 un rapport résumant les consultations qu’il a tenues sur le sujet.
En outre, un Groupe consultatif provincial-territorial d’experts sur l’aide médicale à mourir (le « Groupe consultatif ») a été formé en août 2015 et a lui aussi présenté un rapport en décembre 2015. Ce rapport contenait de nombreuses recommandations sur l’aide médicale à mourir.
Enfin, en décembre 2015, un Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir (le « Comité mixte spécial ») a été constitué par des motions du Sénat et de la Chambre des communes 11. Ce comité a déposé son rapport le 25 février 2016.
Des résumés de la Loi concernant les soins de fin de vie du Québec, de l’arrêt Carter, et des rapports du Comité externe, du Groupe consultatif et du Comité mixte spécial suivent la prochaine section, qui aborde la terminologie utilisée pour parler de l’aide médicale à mourir.
De nombreux termes sont utilisés pour parler de la volonté expresse du patient de mettre fin à sa propre vie. Les termes « aide d’un médecin pour mourir » et « aide médicale à mourir » sont employés dans l’arrêt Carter, et ont par la suite été utilisés par le Comité externe et le Groupe consultatif. En première instance, dans l’affaire Carter, les demandeurs ont soutenu que l’aide d’un médecin pour mourir englobe à la fois le « suicide commis avec l’aide d’un médecin », qu’ils ont défini ainsi :
l’aide au suicide, ou de l’aide pour ce qui est d’obtenir ou d’administrer un médicament ou un autre traitement qui provoque intentionnellement le propre décès du patient est fournie par un médecin […], ou par une personne agissant sous la supervision générale d’un médecin, à un patient atteint d’une maladie grave et irrémédiable, dans le contexte d’une relation entre le patient et son médecin 12
et le « recours consensuel à l’aide d’un médecin pour mourir », qu’ils ont défini ainsi :
à la demande d’un patient atteint d’une maladie grave et irrémédiable, et dans le contexte d’une relation entre le patient et son médecin, l’administration par un médecin […], ou par une personne agissant sous la supervision générale d’un médecin, d’un médicament ou d’un autre traitement qui provoque intentionnellement le décès du patient 13.
Outre « aide au suicide », le terme « euthanasie » est souvent utilisé lorsque des personnes veulent mettre fin à leur propre vie. Il existe différentes formes d’euthanasie :
Le terme « euthanasie », tel qu’il est utilisé dans les discussions sur l’aide médicale à mourir, est généralement compris comme étant l’« euthanasie volontaire » seulement. La Loi concernant les soins de fin de vie du Québec emploie le terme « aide médicale à mourir », et le définit ainsi : « soin consistant en l’administration de médicaments ou de substances par un médecin à une personne en fin de vie, à la demande de celle-ci, dans le but de soulager ses souffrances en entraînant son décès 15 ». Selon cette définition, la loi permet l’euthanasie volontaire, mais pas l’aide au suicide.
Le Comité mixte spécial a recommandé d’utiliser le terme « aide médicale à mourir » dans la loi :
Le Comité préfère l’expression « aide médicale à mourir », car elle traduit la réalité selon laquelle les équipes de soins de santé, composées de personnel infirmier, de pharmaciens et d’autres professionnels de la santé, participent également au processus 16.
Le dépôt du projet de loi 52, Loi concernant les soins de fin de vie, à l’Assemblée nationale du Québec le 12 juin 2013 a eu lieu après un examen de la question de l’aide médicale à mourir mené sur plusieurs années par l’Assemblée nationale et le gouvernement de la province. La mesure législative, qui a reçu la sanction royale le 5 juin 2014, établit, notamment :
En 2012, Gloria Taylor, atteinte de la sclérose latérale amyotrophique, et l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique ont contesté devant les tribunaux les lois qui prohibent l’aide à mourir. Se sont joints à elles William Shoichet, un médecin disposé à fournir l’aide médicale à mourir si la prohibition était levée, ainsi que Lee Carter et Hollis Johnson, qui ont accompagné la mère de Mme Carter, Kay (atteinte de sténose du canal rachidien), dans une clinique d’aide au suicide en Suisse où elle a mis fin à ses jours.
Le juge de première instance a conclu que les dispositions pertinentes du Code (principalement l’alinéa 241b) et les articles connexes 14, 21, 22 et 222) portaient atteinte à leurs droits garantis par les articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). En effet, l’article 7 dispose que « [c]hacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale ». Quant à l’article 15, il est libellé ainsi :
La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.
Dans une décision majoritaire du 10 octobre 2013, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a infirmé la décision rendue en première instance 17. Cette décision a été portée en appel et, le 6 février 2015, la Cour suprême du Canada a conclu que l’article 14 et l’alinéa 241b), qui prohibent la prestation de l’aide pour mettre fin à la vie, violaient l’article 7 de la Charte et elle a déclaré que ces dispositions :
sont nul[le]s dans la mesure où [elles] prohibent l’aide d’un médecin pour mourir à une personne adulte capable qui (1) consent clairement à mettre fin à sa vie; et qui (2) est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition 18.
Comme il a été mentionné plus tôt, la Cour suprême du Canada a d’abord suspendu la prise d’effet de la déclaration d’invalidité pour un an, puis l’a prorogée de quatre mois à la requête du procureur général du Canada. Au moment où la prorogation de la suspension de la déclaration d’invalidité a été accordée en janvier 2016, certains articles de la Loi concernant les soins de fin de vie du Québec ont bénéficié d’une exemption, ce qui signifie que rien n’empêchait leur application. En outre, lorsque la Cour a accordé la prorogation de la suspension, elle a néanmoins permis une forme d’accès limitée à l’aide médicale à mourir :
Nous sommes […] d’avis de faire droit à la demande d’exemption de sorte que ceux qui souhaitent demander l’aide d’un médecin, dans le respect des critères énoncés au par. 127 des motifs de la Cour dans Carter, puissent, pendant la durée de la prorogation de la suspension, s’adresser à la cour supérieure de leur province ou territoire pour solliciter une ordonnance. Exiger l’obtention d’une autorisation judiciaire durant cette période intérimaire assure le respect de la primauté du droit et offre une protection efficace contre les risques que pourraient courir les personnes vulnérables 19.
Le gouvernement fédéral a créé le Comité externe le 17 juillet 2015. Après les élections générales d’octobre, la ministre de la Justice et la ministre de la Santé ont reporté la date limite à laquelle il devait produire son rapport en raison des « restrictions imposées par la […] période électorale 20 », et elles ont modifié son mandat pour lui permettre de respecter la nouvelle date limite. Le Comité externe devait alors présenter un résumé de ses principales constatations, plutôt que des options de réponse législative.
Dans son rapport, le Comité externe résume la teneur des consultations sur les questions suivantes :
Le Groupe consultatif provincial-territorial a été créé en août 2015. Le Québec n’en faisait pas partie et la Colombie-Britannique y avait le statut d’observateur. En décembre 2015, le Groupe consultatif a présenté un rapport renfermant 43 recommandations, dont la plupart portaient sur des aspects de l’aide médicale à mourir relevant vraisemblablement de la compétence provinciale. Les principales recommandations comprenaient celles qui suivent :
Le 11 décembre 2015, le Sénat et la Chambre des communes ont adopté des motions créant le Comité mixte spécial pour :
examiner le rapport du Comité externe sur les options de réponse législative à Carter c. Canada, ainsi que d’autres activités de consultation et études récentes pertinentes, consulter les Canadiens, les experts et les intervenants, et formuler des recommandations sur le cadre d’une réponse fédérale à l’aide médicale à mourir respectueuse de la Constitution, de la Charte canadienne des droits et libertés, et des priorités des Canadiens 23.
Les motions ordonnaient au Comité « de mener de vastes consultations et d’exa-miner les démarches adoptées à l’égard de ces questions au Canada et dans les régimes gouvernementaux comparables 24 ». Composé de cinq sénateurs et de dix députés, il devait faire rapport au Parlement le 26 février 2016.
Le Comité s’est réuni en janvier et en février 2016, et a présenté son rapport final, L’aide médicale à mourir : une approche centrée sur le patient, le 25 février 2016 25. Adopté à la majorité, le rapport contient 21 recommandations sur l’approche législative que le Parlement devrait adopter. Dans son rapport et ses recommandations, le Comité mixte spécial insiste sur la nécessité pour le gouvernement fédéral de collaborer avec les provinces afin d’assurer la cohérence d’une province à l’autre. Voici quelques-unes de ces recommandations :
Certains députés conservateurs membres du Comité mixte spécial ont exprimé une opinion divergente, affirmant :
Les députés néo-démocrates membres du Comité mixte spécial ont présenté une opinion complémentaire dans laquelle ils soulignent la nécessité :
L’annexe du présent résumé législatif présente des renseignements sur la manière dont le régime d’aide médicale à mourir prévu dans le projet de loi C‑14 se compare à celui d’autres États et du Québec et aux recommandations du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir.
La description et l’analyse qui suivent portent essentiellement sur les modifications de fond découlant du projet de loi plutôt que sur chacune de ses dispositions.
Le préambule du projet de loi C‑14 présente divers facteurs retenus comme établissant « l’équilibre le plus approprié entre, d’une part, l’autonomie des personnes qui demandent [l’]aide [médicale à mourir] et, d’autre part, les intérêts des personnes vulnérables qui ont besoin de protection et ceux de la société ».
Le préambule dit également que le gouvernement « s’est engagé à élaborer des mesures non législatives » visant à améliorer les soins de fin de vie et à « explorer d’autres situations » où une personne peut demander l’aide médicale à mourir, « à savoir les cas de demandes faites par les mineurs matures 26, de demandes anticipées et de demandes où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée ». Il précise également que le gouvernement élaborera des mesures non législatives visant à « respecter les convictions personnelles des fournisseurs de soins de santé 27 ».
Le préambule a été amendé par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes pour qu’il y soit fait mention de la liberté de conscience et de religion. Par ailleurs, une disposition a été ajoutée au préambule précisant que le gouvernement fédéral s’engage à collaborer avec ses partenaires dans les dossiers des soins palliatifs, des soins de fin de vie et des soins offerts aux personnes atteintes de démence et, s’agissant des Autochtones, des soins de fin de vie adaptés à leur culture et à leurs croyances spirituelles.
Le nouvel article 241.1 du Code comprend certaines définitions relatives à la pratique de l’aide médicale à mourir :
Auparavant, le Code érigeait en infraction le fait de tuer une personne à la demande de celle-ci et le fait d’aider une personne à se suicider. Le projet de loi modifie l’article 241 du Code et ajoute l’article 227 visant à autoriser l’aide médicale à mourir (aussi bien l’euthanasie volontaire que le suicide assisté) lorsque certaines conditions, décrites plus loin, sont remplies.
Le nouvel article 227 dispose que les médecins et les infirmiers praticiens ne commettent pas d’homicide coupable lorsqu’ils fournissent de l’aide médicale à mourir. De plus, l’article prévoit qu’une personne qui aide un médecin ou un infirmier praticien à fournir l’aide médicale à mourir ne participe pas à un homicide coupable. Il précise également que l’article 14 du Code, qui dispose qu’il est illégal de consentir à sa propre mort et qui précise qu’un tel consentement n’atteint pas la responsabilité pénale de la personne qui inflige la mort à une autre personne, ne s’applique pas à l’aide médicale à mourir.
L’article 241 modifié énonce les cas où l’infraction d’aide au suicide ne s’applique pas (exemptions) et précise les personnes visées par les exemptions.
Les exemptions à la responsabilité pénale pour la prestation de l’aide médicale à mourir visent :
Lorsqu’une personne a une croyance raisonnable, mais erronée, à l’égard de tout fait qui est un élément constitutif de l’exemption, les exemptions prévues s’appliquent dans les cas d’infractions d’homicide ou d’aide au suicide (nouveau par. 227(3) et par. 241(6) modifié).
L’article 6 du projet de loi modifie l’article 245 du Code pour que l’infraction d’administration de substance délétère ou de poison dans le cadre de la prestation de l’aide médicale à mourir ne s’applique pas aux médecins, aux infirmiers praticiens et aux personnes qui les aident.
Le nouveau paragraphe 241.2(1) énonce les critères qu’une personne doit remplir pour être admissible à l’aide médicale à mourir. Cinq critères importants, qui doivent tous être remplis pour que la personne soit admissible à l’aide médicale à mourir, sont liés à la situation de la personne.
Une personne est mentalement capable lorsqu’elle a la capacité de comprendre la nature et les conséquences de ses actions et de ses choix, y compris de ses décisions en matière de soins et de traitements médicaux 28.
Déclin avancé et irréversible des capacités : Combiné aux critères exigeant que la mort soit raisonnablement prévisible et que la personne ait des souffrances insupportables, le critère du déclin avancé et irréversible donne l’assurance que l’aide médicale à mourir serait à la portée de ceux qui sont dans un état de déclin irréversible vers la mort, même si la mort n’est pas prévue pour le court terme. Cette approche de l’admissibilité donne aux personnes en déclin vers la mort l’autonomie qui leur permet de choisir comment elles préfèrent mourir.
Lorsque la mort est devenue raisonnablement prévisible compte tenu de l’ensemble de la situation : Dans le contexte de l’aide médicale à mourir, cela signifie qu’il y a une possibilité réelle que la mort du patient survienne dans un délai qui n’est pas trop éloigné. Autrement dit, le patient devrait voir évoluer son problème médical, au point qu’il devienne très clair qu’il chemine de façon irréversible vers la mort, même s’il n’y a pas de pronostic clair ou précis. La situation de chaque personne lui est propre, et son espérance de vie dépend de la nature de sa maladie, et des impacts des autres problèmes de santé ou des facteurs sanitaires comme l’âge ou la fragilité. Les médecins et les infirmiers praticiens ont l’expertise nécessaire pour évaluer la situation particulière de chaque personne et peuvent juger efficacement lorsqu’une personne est sur une trajectoire qui mènera à la mort. Bien que les professionnels des soins de santé n’aient pas à prédire exactement comment ou quand une personne mourra, la mort devrait être prévisible pour un avenir pas trop éloigné 30.
Le consentement éclairé est un terme médical qui signifie qu’une personne a consenti à un traitement médical particulier après avoir reçu toute l’information nécessaire pour prendre sa décision en matière de soins de santé. L’information à fournir comprend le diagnostic, le pronostic, les formes disponibles de traitement et les bienfaits et les effets secondaires des traitements. Il faut également que la personne soit mentalement capable, c’est-à-dire qu’elle soit capable de comprendre l’information pertinente et les conséquences de ses choix 31.
Le Sénat avait amendé la disposition portant sur le consentement éclairé afin d’exiger que la personne concernée consulte un professionnel des soins palliatifs pour être informée des moyens à sa disposition pour soulager ses souffrances, avant qu’elle ne donne son consentement 32. La Chambre des communes a modifié cet amendement afin d’exiger plutôt que le patient soit d’abord informé « des moyens disponibles pour soulager ses souffrances, notamment les soins palliatifs 33 ».
Outre les critères de fond susmentionnés, le projet de loi précise certaines exigences procédurales pour sauvegarder le processus d’aide médicale à mourir. Selon les nouveaux paragraphes 241.2(3) à 241.2(6), avant de fournir l’aide médicale à mourir, le médecin ou l’infirmier praticien doit :
Le médecin ou l’infirmier praticien doit fournir l’aide médicale à mourir avec la connaissance, les soins et l’habileté raisonnables et en conformité avec les lois, règles ou normes provinciales applicables (nouveau par. 241.2(7)). Le médecin ou l’infirmier praticien qui prescrit ou obtient une substance devant servir à l’aide médicale à mourir doit aussi informer le pharmacien de l’usage auquel elle est destinée avant que celui-ci la délivre (nouveau par. 241.2(8)).
Le projet de loi crée certaines infractions criminelles qui s’appliquent lorsque les mesures de sauvegarde du processus ne sont pas respectées. Le nouvel article 241.3 érige en infraction le fait pour un médecin ou un infirmier praticien de ne pas respecter les mesures de sauvegarde prévues aux alinéas 241.2(3)b) à 241.2(3)i), décrites précédemment, et de ne pas informer le pharmacien de l’usage auquel est destinée la substance, comme le prévoit le nouveau paragraphe 241.2(8). La Chambre des communes a ajouté le paragraphe 241.2(9) pour préciser que l’article 241.2 n’a pas pour effet d’obliger quiconque à fournir ou à aider à fournir l’aide médicale à mourir.
Le nouvel article 241.4 crée deux infractions :
Les infractions créées aux articles 241.3 et 241.4 sont des infractions mixtes qui peuvent être punissables d’un emprisonnement maximal de cinq ans sur déclaration de culpabilité par mise en accusation ou de 18 mois sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
Aux termes du nouveau paragraphe 241.31(3), le ministre de la Santé est tenu de prendre les règlements qu’il estime nécessaires régissant la fourniture, la collecte, l’utilisation et la destruction de renseignements relatifs aux demandes d’aide médicale à mourir, et à la prestation de celle-ci, afin d’en surveiller la pratique, et peut exempter certaines catégories de personnes de l’obligation de fournir des renseignements. Il incombe également au ministre de la Santé d’établir les lignes directrices concernant le certificat de décès des personnes ayant eu recours à l’aide médicale à mourir (nouveau par. 241.31(3.1)).
Le nouveau paragraphe 241.31(1) oblige les médecins et les infirmiers praticiens qui reçoivent une demande écrite d’aide médicale à mourir à fournir des renseignements, comme l’exigent les règlements, au destinataire désigné à moins d’en être exemptés. Les pharmaciens sont tenus de faire de même lorsqu’ils délivrent une substance destinée à l’aide médicale à mourir (nouveau par. 241.31(2)).
Les médecins, les infirmiers praticiens et les pharmaciens qui omettent sciemment de se conformer à l’obligation de fournir des renseignements peuvent être déclarés coupables d’une infraction mixte, comme toute autre personne qui contrevient sciemment aux règlements (nouveaux par. 241.31(4) et 241.31(5)). Le contrevenant est passible, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, d’un emprison-nement maximal de deux ans ou, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d’une amende maximale de 5 000 $ et d’un emprisonnement maximal de six mois, ou de l’une de ces peines 36.
La Loi sur les pensions prévoit les pensions pour les personnes devenues invalides ou décédées par suite de leur service militaire, ainsi qu’aux personnes à leur charge 37. Aucune pension n’est accordée lorsque l’invalidité est due à la mauvaise conduite. L’article 7 du projet de loi modifie la définition de mauvaise conduite afin de préciser qu’une blessure résultant de l’aide médicale à mourir ne constitue pas une mauvaise conduite. Il précise également qu’un membre des Forces canadiennes qui a bénéficié de l’aide médicale l’aide médicale à mourir est réputé être décédé en raison de la maladie, de l’affection ou du handicap au titre duquel il était admissible à une telle aide.
La Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes encadre divers avantages et services offerts aux membres des Forces canadiennes et aux vétérans qui ont subi des blessures ou qui sont décédés par suite de leur service militaire, ainsi qu’à leurs familles. L’article 9 y apporte des modifications semblables à celles apportées à la Loi sur les pensions.
Aux termes de l’article 19 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, en cas de décès d’un détenu dans un établissement fédéral, le Service correctionnel du Canada doit faire enquête et remettre un rapport au commissaire du Service correctionnel ou à son délégué, et remettre une copie du rapport à l’enquêteur correctionnel (l’ombudsman auprès des délinquants sous responsabilité fédérale). L’article 8 du projet de loi abolit l’obligation de faire enquête et de remettre un rapport dans le cas d’un détenu qui reçoit l’aide médicale à mourir.
Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes a ajouté une disposition exigeant un examen indépendant des questions portant sur les demandes d’aide médicale à mourir faites par les mineurs matures, les demandes anticipées et les demandes où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée. Le Sénat a ajouté une autre exigence, à savoir que le rapport de cet examen doit être déposé devant chaque Chambre du Parlement, au plus tard deux ans après le début de l’examen.
Ces trois questions ont été examinées par le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir. Afin de tenir compte du cas particulier des mineurs matures, le Comité mixte spécial a recommandé un processus législatif en deux étapes. Les personnes âgées de 18 ans et plus sont immédiatement admissibles à l’aide médicale à mourir à la première étape, tandis que les mineurs matures ne le deviennent qu’à la deuxième étape, qui entre en vigueur au plus tard trois ans après la première. Le Comité mixte spécial a également recommandé que le gouvernement « s’engage sans tarder à ce que soit réalisée une étude sur les aspects d’ordre moral, médical et juridique entourant la notion de “mineur mature” 38 ».
En ce qui concerne les demandes anticipées, le Comité mixte spécial a recommandé qu’elles soient autorisées « à tout moment, après qu’une personne aura reçu un diagnostic de problème de santé qui lui fera vraisemblablement perdre ses capacités ou un diagnostic de problème de santé grave ou irrémédiable, mais avant que les souffrances ne deviennent intolérables 39 ».
Enfin, en ce qui concerne la maladie mentale comme seule condition médicale invoquée, le Comité mixte spécial a écrit :
Le Comité reconnaît que l’application des critères d’admissibilité à l’AMM dans le cas de patients souffrant d’une maladie mentale, en particulier lorsque cette maladie est à l’origine de la demande, posera des problèmes particuliers. Cependant, si la personne est capable et répond aux autres critères définis dans la loi, le Comité ne voit pas comment on pourrait lui refuser un droit reconnu par la Charte à cause du trouble mental dont elle est atteinte. Par ailleurs, d’après le Comité, l’arrêt Carter n’exclut pas les personnes atteintes de maladies mentales 40.
L’article 10 du projet de loi exige que la nouvelle loi soit soumise à l’examen d’un comité du Sénat, d’un comité de la Chambre ou d’un comité mixte au début de la cinquième année suivant la date de sa sanction. Le comité devra présenter à la Chambre ou aux Chambres du Parlement l’ayant constitué ou désigné un rapport comportant les modifications qu’il recommande d’apporter à cette loi. Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes a amendé l’article 10 afin d’ajouter à l’examen législatif un examen de la situation des soins palliatifs.
Les articles 4 et 5 (relatifs aux renseignements à fournir) sont entrés en vigueur dans les 12 mois suivant la sanction royale. Cela devait permettre d’établir un système pour la collecte, l’utilisation, l’analyse et la destruction des données avant la mise en œuvre des exigences relatives à la production de rapports. Les autres dispositions sont entrées en vigueur à la date de la sanction royale.
Les réactions au projet de loi C‑14 diffèrent. Un certain nombre de reportages, d’éditoriaux et de réactions de personnes intéressées à son sujet laissent entendre que le gouvernement a trouvé une solution raisonnable 41. Cependant, d’autres observateurs ont signalé de possibles difficultés d’ordre juridique : comme le projet de loi réserve l’aide médicale à mourir aux adultes, qu’il empêche les personnes souffrant de troubles mentaux, mais ayant la capacité de consentir, d’avoir accès à l’aide médicale à mourir et qu’il interdit la présentation d’une demande anticipée d’aide médicale à mourir, il serait contraire à la Charte et ferait probablement l’objet de contestations devant les tribunaux 42.
Le fait que l’aide médicale à mourir soit accessible aux « patients mourants 43 » porte certains à croire qu’elle n’est accessible qu’aux malades en phase terminale, bien que le projet de loi ne précise pas expressément qu’une personne doive avoir une maladie en phase terminale pour avoir accès à l’aide médicale à mourir. On a aussi fait valoir que le fait de réserver l’accès à cette aide aux malades en phase terminale serait contraire à l’arrêt Carter 44. Des députés et d’autres parties intéressées ont suggéré au gouvernement de renvoyer le projet de loi à la Cour suprême du Canada afin qu’elle tranche la question de savoir s’il est conforme à la Charte, et ce, afin d’éviter d’éventuelles contestations fondées sur la Charte 45.
Certains amendements apportés par le Sénat ont été rejetés par la Chambre des communes 46. Par exemple, le Sénat avait supprimé le nouveau paragraphe 241.2(2), qui établissait les critères permettant de conclure à l’existence d’un problème de santé « grave et irrémédiable ». La Chambre des communes a rejeté cet amendement ainsi que quelques autres au motif que :
Ils vont à l’encontre des objectifs du projet de loi C‑14 qui visent à reconnaître l’important enjeu de santé publique que représente le suicide, à empêcher que la mort soit considérée comme une solution à toutes les formes de souffrances, et à contrer les perceptions négatives quant à la qualité de vie des personnes âgées, malades ou handicapées 47.
Oregon | Pays-Bas | Belgique | Luxembourg | Québec | Projet de loi C‑14 | Comité mixte spécial | |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Euthanasie volontaire (E)/aide au suicide (AS) permise? | AS autorisée | E et AS autorisées | E et AS autorisées | E et AS autorisées | E autorisée | E et AS autorisées | E et AS autorisées |
Maladie en phase terminale requise? | Oui | Non | Non | Non | Oui | Non mentionné | Non |
Résidence requise? | Oui | Oui, mais non expressément dans la loi | Oui, mais non expressément dans la loi | Oui, mais non expressément dans la loi | Oui | Oui | Oui |
Directives préalables autorisées? | Non | Oui | Oui (personnes inconscientes seulement) | Oui (personnes inconscientes seulement) | Non | Non | Oui |
Autorisée pour les mineurs? | Non | Oui (12 ans et plus ou nouveau-né) | Oui (critères d’admissibilité restreints) | Non | Non | Non | Oui |
Autorisée pour les personnes atteintes de démence/troubles psychiatriques incapables de prendre des décisions? | Non | Oui, si la personne a signé une directive préalable | Oui, mais la personne doit être capable au moment de la demande | Oui, mais la personne doit être capable au moment de la demande | Non | Non | Oui, si la personne a signé une directive |
Présence de souffrances psychologiques suffisante? | Non | Oui | Oui | Oui | Non | Non | Oui |
Forme de la demande | Deux demandes orales, une demande écrite | Demande orale suffisante; aucune exigence pour les demandes multiples, mais c’est la pratique | Divers rendez-vous espacés par un délai raisonnable, une demande écrite | Divers rendez-vous espacés par un délai raisonnable, une demande écrite | Discussions avec le patient espacées par un délai raisonnable compte tenu de l’évolution de son état; une demande écrite | Une demande écrite | Demande écrite (si possible) |
Témoin(s) requis? | Deux témoins | Non | Non | Non | Un témoin (peut être le médecin traitant) | Deux témoins | Deux témoins |
Délai? | 15 jours entre les demandes orales; 48 heures entre la demande écrite et la prescription | Non précisé | Un mois lorsque la mort n’est pas imminente | Non précisé | Non précisé | 10 jours, sauf si la mort ou la perte de capacité est imminente | Flexible |
Nombre de médecins et spécialisation | Deux médecins; envoi en counseling en cas de déficience due à des troubles psychiatriques/ psychologiques ou de dépression |
Deux médecins | Deux médecins; trois médecins, dont un spécialiste, si la mort du patient n’est pas imminente |
Deux médecins; libres de consulter un spécialiste |
Deux médecins | Deux médecins | Deux médecins |
Informer la famille | Demander au patient d’informer sa famille, sans l’y obliger | Consulter les parents à la demande du patient | Consulter la personne dont le nom figure dans le plan de fin de vie, sauf lorsque le patient refuse | Consulter les parents à la demande du patient | |||
Obligation de faire rapport et surveillance | Rapports de cas au département des Services sociaux de l’Oregon; rapports annuels |
Rapports de cas au comité d’examen régional; rapports annuels; tenue d’examens plus détaillés en 2007 et en 2012 |
Rapports de cas à la commission fédérale de contrôle et d’évaluation; rapports annuels |
Rapports de cas à la commission fédérale de contrôle et d’évaluation; rapports annuels |
Rapports de cas au conseil des médecins, dentistes et pharmaciens de l’établissement ou au Collège des médecins du Québec; rapports annuels produits par le Collège; Commission sur les soins de fin de vie chargée d’évaluer la mise en œuvre et de faire rapport tous les cinq ans |
Exigences quant à la fourniture de renseignements (détails fixés par règlement); examen de la loi au début de la cinquième année |
Rapport annuel; examen de la loi tous les quatre ans |
Objection de conscience | Aucune obligation de participer ou d’aiguiller le patient, mais la définition de participation exclut l’aiguillage; un établissement peut interdire l’aide au suicide dans ses installations |
Liberté de conscience, mais non mentionnée dans la loi | Aucune obligation de participer ou d’aiguiller le patient (obligation de transférer le dossier si la demande est faite) | Aucune obligation de participer ou d’aiguiller le patient (obligation de transférer le dossier si la demande est faite) | Aucune obligation de participer, obligation d’informer l’institution, qui prend les mesures pour trouver un médecin disposé à le faire | Mentionnée dans le préambule (le gouvernement s’est engagé « à respecter les convictions personnelles des fournisseurs de soins de santé ») Personne n’est obligé de fournir ou d’aider à fournir l’aide médicale à mourir |
Obligation d’aiguiller correctement |
Note : Le tableau comprend certains éléments qui font ressortir les différences entre les divers textes, mais non tous les critères qui doivent être respectés pour satisfaire aux conditions de chacun.
Sources :
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
Nul n’a le droit de consentir à ce que la mort lui soit infligée, et un tel consentement n’atteint pas la responsabilité pénale d’une personne par qui la mort peut être infligée à celui qui a donné ce consentement.Et selon l’art. 241 :
Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans quiconque, selon le cas :[ Retour au texte ]que le suicide s’ensuive ou non.
- conseille à une personne de se donner la mort;
- aide ou encourage quelqu’un à se donner la mort,
Mineurs (âgés de moins de 18 ou de 19 ans selon les lois provinciales applicables) qui ont la capacité intellectuelle et la maturité de comprendre les renseignements touchant leur décision médicale et d’évaluer les conséquences d’une telle décision.[ Retour au texte ]
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