Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le projet de loi C-22, Loi constituant le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et modifiant certaines lois en conséquence 1, a été déposé à la Chambre des communes le 16 juin 2016.
Le projet de loi C-22 donne suite à l’engagement électoral du gouvernement actuel visant à doter le Canada d’un régime de reddition de comptes en matière de sécurité nationale qui concorde de plus près avec ceux de nos alliés du Groupe des cinq (les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande) en créant « un comité multipartite qui devra surveiller les opérations de tous les ministères et organismes fédéraux chargés de la sécurité nationale 2 ».
Au cours de la préparation du projet de loi, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, l’honorable Ralph Goodale, et le président présumé du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR), David McGuinty 3, ont participé à des discussions aux États-Unis, en France, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni pour examiner les comités de surveillance institués au sein de l’assemblée législative respective de ces pays 4. Il semble que la délégation canadienne a considéré le modèle britannique comme le mieux adapté au CPSNR 5.
Tout en intégrant de nombreuses caractéristiques du comité sur le renseignement et la sécurité du Royaume-Uni (l’Intelligence and Security Committee, ISC), le projet de loi C-22 s’éloigne aussi considérablement de ce modèle à certains égards et ne lui correspond pas entièrement, puisque ce dernier a évolué au fil du temps. En fait, le CPSNR ressemble beaucoup non pas à l’incarnation actuelle de l’ISC, mais à ce qu’il était avant les modifications qui ont découlé de la loi britannique de 2013 sur la justice et la sécurité, la Justice and Security Act 2013 6.
Étant donné que le projet de loi C-22 s’inspire de toute évidence du modèle britannique, les sections qui suivent présentent une comparaison approfondie entre les deux approches.
Le projet de loi C-22 compte 49 articles. La description qui suit porte seulement sur certains aspects du projet de loi; elle ne passe pas en revue chacun des articles.
Le projet de loi C-22 constitue un comité de parlementaires composé de huit membres et d’un président, qui est un organe du pouvoir exécutif. Les membres du Comité sont nommés par le premier ministre et rendent des comptes à ce dernier. Le Comité est composé d’un maximum de deux sénateurs et d’au plus sept députés, dont un maximum de quatre du parti au pouvoir. Le président est désigné parmi les membres du Comité par le gouverneur en conseil, sur recommandation du premier ministre. Les ministres et secrétaires parlementaires en poste ne peuvent faire partie du CPSNR.
Tout député appartenant à un parti autre que le parti au pouvoir et qui compte officiellement 12 députés ou plus à la Chambre des communes peut être nommé membre du Comité après consultation du chef de ce parti par le premier ministre. De même, le premier ministre doit consulter un ou plusieurs autres sénateurs avant de nommer des sénateurs au Comité.
Le paragraphe 5(1) prévoit que tous les membres du Comité exercent leur charge jusqu’à la dissolution du Parlement. Il n’y a aucune disposition sur la reconduction des mandats.
Le paragraphe 12(1) empêche les membres ou anciens membres du Comité d’invoquer l’immunité fondée sur les privilèges parlementaires dans le cadre d’une instance découlant de la communication interdite de renseignements protégés auxquels ils avaient accès dans l’exercice de leurs fonctions au sein du CPSNR.
Sans le paragraphe 12(2), le paragraphe 12(1) serait redondant. Le paragraphe 12(2) prévoit que toute déclaration d’un membre ou d’un ancien membre du Comité devant une chambre du Parlement ou devant un comité, soit du Sénat, soit de la Chambre des communes, soit mixte, est admissible en preuve dans le cadre d’une instance concernant une infraction à la Loi sur la protection de l’information.
Le privilège parlementaire ne s’applique pas aux délibérations non parlementaires comme celles du CPSNR. Cependant, les membres du Comité y siégeront à temps partiel et continueront d’exercer leurs fonctions parlementaires habituelles, y compris, fort probablement, la participation aux travaux des comités. Le paragraphe 12(2) empêche l’application du privilège parlementaire aux déclarations faites par des membres ou anciens membres du CPSNR à la Chambre des communes ou au Sénat qui ont pour conséquence la communication interdite de renseignements protégés.
Auparavant, le processus de sélection des membres du comité de surveillance britannique, l’ISC, n’exigeait pas autant de consultations que le processus prévu dans le projet de loi C-22. Avant l’adoption de la Justice and Security Act 2013 - qui remplace la loi constitutive de l’ISC, l’Intelligence Services Act 1994 7 -, le premier ministre britannique nommait directement les membres de l’ISC. Or, il doit désormais consulter le chef de l’opposition avant de nommer des membres. Chaque candidature proposée par le premier ministre est ensuite approuvée ou rejetée par la chambre du Parlement d’où provient le candidat.
La composition de l’ISC, comme celle du CPSNR, est dominée par la Chambre des communes. Depuis sa création, l’ISC n’a jamais compté plus de deux membres de la Chambre des lords à la fois. Toutefois, à la différence du CPSNR, les membres de l’ISC choisissent eux-mêmes leur président.
À l’instar des membres du CPSNR, les membres de l’ISC exercent également leur charge jusqu’à la dissolution du Parlement, bien que, contrairement à ce qui est prévu dans le projet de loi C-22, la reconduction soit possible 8. Les paragraphes 1(6) et 1(7) de l’annexe 1 de la Justice and Security Act 2013 assurent la continuité des activités de l’ISC en l’autorisant à poursuive ses travaux et mesures en cours à la législature suivante. Le projet de loi C-22 n’indique pas clairement ce qu’il advient des travaux et des mesures du CPSNR lorsque débute une nouvelle législature.
La Justice and Security Act 2013 a changé le statut de l’ISC de comité de parlementaires à celui de comité parlementaire. En proposant que le CPSNR soit un comité de parlementaires, le projet de loi C-22 en fait un organe administratif distinct du Parlement. Cela signifie que le CPSNR n’est tenu de rendre des comptes qu’au premier ministre.
Il faut souligner que la Justice and Security Act 2013 ne prive pas les membres de l’ISC de leur privilège parlementaire.
Aux termes de l’article 8, le CPSNR a pour mandat :
- d’examiner les cadres législatif, réglementaire, stratégique, financier et administratif de la sécurité nationale et du renseignement;
- à moins que le ministre compétent ne détermine que l’examen porterait atteinte à la sécurité nationale, d’examiner les activités des ministères liées à la sécurité nationale ou au renseignement;
- d’examiner toute question liée à la sécurité nationale ou au renseignement dont il est saisi par un ministre.
Dans le document d’information diffusé lors du dépôt du projet de loi C-22, le gouvernement a déclaré que « le CPSNR serait habilité à effectuer des examens des opérations de sécurité nationale et relatives au renseignement, notamment en ce qui a trait aux opérations courantes [souligné par l’auteur] 9 ». Une piste pour comprendre comment un examen a posteriori (ex post) pourrait s’appliquer à des opérations en cours nous est fournie dans la manière dont le commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications (CST) et le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS) exécutent leur mandat respectif.
Par exemple, l’alinéa 273.63(2)a) de la Loi sur la défense nationale 10 confère au commissaire du CST le mandat de « procéder à des examens concernant les activités du Centre pour en contrôler la légalité ». Une série d’autorisations ministérielles renouvelées annuellement assure en grande partie la légalité des activités du CST. Ces autorisations ministérielles font en sorte que le CST ne peut être tenu coupable d’une infraction visée à la partie VI du Code criminel 11 lorsqu’il intercepte des communications privées dans le cadre des activités de collecte de renseignement étranger et de cyber protection prévues dans son mandat. En fait, le ministre de la Défense nationale autorise le CST à mener des activités qui comportent un risque d’illégalité, mais lui impose des conditions quant à la manière de procéder pour protéger dans la plus grande mesure possible la vie privée des Canadiens. Il importe de noter que certaines de ces activités pourraient être considérées comme des opérations courantes, puisqu’elles se poursuivent sans interruption, les autorisations étant remplacées immédiatement à mesure qu’elles expirent.
À l’expiration d’une autorisation ministérielle, le commissaire du CST exécute son mandat en procédant à un examen visant à déterminer si les activités du CST ont été conformes à toutes les conditions de l’autorisation, y compris celles imposées par le ministre de la Défense nationale. En cas de problème, le commissaire peut recommander des modifications avant que le CST demande le renouvellement de l’autorisation. En fait, l’autorisation peut être modifiée ou annulée à tout moment.
Une dynamique à peu près semblable s’enclenche lorsque le CSARS examine les enquêtes du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) menées en vertu de mandats 12. Les juges de la Cour fédérale, qui délivrent les mandats au SCRS, peuvent aussi interroger le Service au sujet de la manière dont il met en œuvre les ordonnances de la Cour. Ainsi, un examen ex post pourrait aussi être considéré comme un examen des opérations courantes.
La question de l’examen des opérations a été traitée différemment au Royaume-Uni. La Justice and Security Act 2013 a modifié le mandat de l’ISC pour y mentionner explicitement les opérations. Cependant, ni cette loi ni le projet de loi sur les pouvoirs d’enquête, l’Investigatory Powers Bill 13, ne précisent ce qui est entendu par « opération ». Selon le rapport annuel de 2011-2012 de l’ISC, le comité s’intéressait aux questions opérationnelles depuis au moins 1999 et estimait que la modification de son mandat ne faisait qu’officialiser la réalité actuelle 14. Néanmoins, il semble que l’ISC réclamait une modification législative parce qu’il avait de la difficulté à accéder à certaines informations. Essentiellement, les organismes de renseignement essayaient de contrer les efforts de l’ISC visant à obtenir l’information qu’il jugeait nécessaire pour obliger le gouvernement à rendre des comptes 15.
Bien que l’examen des affaires relatives aux opérations figure désormais dans le mandat de l’ISC, ce dernier demeure assujetti à certaines restrictions dans ce domaine. À l’heure actuelle, l’ISC peut examiner une affaire relative à des opérations uniquement si ses membres et le premier ministre sont convaincus, d’une part, que cette affaire ne fait pas partie d’une opération de renseignement ou de sécurité en cours et, d’autre part, qu’elle constitue une importante question d’intérêt national 16.
De plus, la Justice and Security Act 2013 autorise l’ISC à examiner une affaire opérationnelle uniquement à la lumière des renseignements qui lui sont fournis volontairement par les organismes de renseignement ou les ministères pertinents, ce qui a pour effet d’interdire l’obtention de renseignements provenant de dénonciateurs au sein du gouvernement. L’impact possible des dispositions du projet de loi C-22 sur l’accès, par le CPSNR, à des renseignements provenant de dénonciateurs ou concernant ceux-ci sera abordé à la section 2.3.1 du présent résumé législatif.
Enfin, la Justice and Security Act 2013 oblige l’ISC, lorsqu’il procède à l’examen d’une affaire opérationnelle, à respecter les modalités d’un protocole d’entente conclu avec le premier ministre et déposé devant le Parlement dans le cadre du rapport annuel de 2013-2014 de l’ISC 17. Ce protocole d’entente habilite l’ISC, sous réserve de l’approbation du gouvernement, à adapter la portée de ses examens à l’évolution de la structure et des activités dans le milieu du renseignement 18.
Comme on l’a indiqué plus tôt, l’alinéa 8b) prévoit que le CPSNR peut examiner les activités des ministères liées à la sécurité nationale ou au renseignement, à moins que le ministre compétent ne détermine que l’examen porterait atteinte à la sécurité nationale. Cet alinéa pourrait restreindre considérablement l’exercice du mandat du Comité. En effet, le ministre concerné aurait toute latitude pour déterminer ce qui peut porter atteinte à la sécurité nationale, comme l’indique clairement le paragraphe 31(1), qui qualifie de « définitive » toute décision du ministre concernant les examens proposés ou le refus de communiquer un renseignement. Il semble que le Comité ne soit alors pas consulté, contrairement à ce qui se fait au Royaume-Uni lorsque l’ISC propose d’examiner une affaire opérationnelle.
Par ailleurs, le ministre n’est pas non plus tenu de justifier sa décision au CPSNR, et le projet de loi C-22 ne prévoit aucune révision judiciaire. Comme l’indique le paragraphe 31(2), le CPSNR ne peut que faire état de son désaccord dans son rapport annuel ou dans un rapport spécial présenté au premier ministre. De plus, il se peut que le public ne sache jamais que le CPSNR s’est vu refuser l’autorisation de procéder à un examen. Après avoir consulté le président du CPSNR, le premier ministre peut ordonner que la mention de désaccord soit supprimée de la version du rapport devant être déposée devant le Parlement au motif qu’elle porterait atteinte à la sécurité ou à la défense nationales ou aux relations internationales ou que cette mention contient des renseignements protégés par une immunité de divulgation comme le secret professionnel de l’avocat. Ici non plus, le CPSNR ne dispose d’aucun recours pour contester l’ordre du premier ministre.
Comme c’est aussi le cas dans le modèle britannique, l’alinéa 8c) du projet de loi C-22 prévoit l’examen de questions particulières liées à la sécurité nationale et au renseignement à la demande du pouvoir exécutif. Une importante distinction s’impose cependant. Alors qu’au Royaume-Uni, seul le premier ministre peut faire une telle demande, le projet de loi C-22 énonce que les demandes proviennent des ministres responsables des ministères ou organismes concernés.
L’article 9 restreint la portée des examens du CPSNR en exigeant que le Comité et chacun des organismes de surveillance « prennent toute mesure raisonnable pour coopérer afin d’éviter que l’exercice du mandat du Comité ne fasse double emploi avec l’exercice du mandat de l’un ou l’autre des organismes de surveillance ». Toutefois, si on se fonde sur la liste des 17 ministères et organismes inscrits à l’annexe 3 de la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada, il semble que l’éventail des sources et des sujets des examens pouvant être demandés par un ministre pourrait être très vaste, d’où d’importantes possibilités de doubles emplois 19. Le projet de loi ne précise toutefois pas à qui il reviendra de décider si un examen proposé fait ou non double emploi avec un autre.
Une mention similaire concernant le chevauchement des activités figure dans le protocole d’entente conclu entre le premier ministre britannique et l’ISC 20. Néanmoins, à la suite de l’adoption de la Justice and Security Act 2013, le mandat du commissaire aux services de renseignement (l’Intelligence Services Commissioner - l’un des organismes indépendants de surveillance qui s’intéresse aux activités de renseignement et de sécurité nationale) a été élargi de façon à englober l’examen de la légalité de la mise en œuvre ou de l’efficacité des politiques des services de renseignement 21. L’ISC s’est opposé à l’ajout d’une telle fonction au mandat du commissaire, au motif qu’il risquait de brouiller les limites des pouvoirs et de semer la confusion 22. Quoi qu’il en soit, le mandat du commissaire a été élargi malgré les protestations de l’ISC.
Aujourd’hui, trois ans plus tard, le gouvernement britannique propose, dans l’Investigatory Powers Bill, de faire disparaître le commissaire aux services de renseignement. S’il est adopté, le projet de loi remplacera ce dernier ainsi que les commissaires à l’interception des communications et à la surveillance par une entité unique : le commissaire aux pouvoirs d’enquête (l’Investigatory Powers Commissioner, qui serait secondé dans ses fonctions par d’autres commissaires judiciaires nommés par le premier ministre).
Même si le commissaire aux pouvoirs d’enquête aurait principalement pour tâche d’examiner la délivrance et l’exécution des mandats sous le régime de la nouvelle loi - autrement dit, leur légalité -, le projet de loi le charge également de suivre l’accomplissement, sous tous leurs aspects, des fonctions des services de renseignement, des dirigeants des services de renseignement et de toute section des forces armées ou du ministère de la Défense qui mène des activités de renseignement 23. On pourrait voir dans ce passage une allusion à la surveillance de l’efficacité, ce qui laisse poindre encore une fois la possibilité d’un conflit avec les travaux de l’ISC.
Aux termes de l’article 10, les membres du CPSNR sont tenus d’obtenir et de conserver une habilitation de sécurité et de prêter le serment ou de faire la déclaration solennelle de confidentialité dont le texte figure à l’annexe du projet de loi. Ils doivent aussi être avisés qu’ils sont astreints au secret à perpétuité en vertu de l’article 10 de la Loi sur la protection de l’information. Enfin, ils doivent respecter les mesures de sécurité énoncées dans les règlements pris par le gouverneur en conseil en vertu de l’article 33.
L’article 33 prévoit que le gouverneur en conseil peut prendre des règlements concernant la manipulation, la conservation, le transport, la transmission et la destruction sécuritaires de renseignements ou de documents fournis au CPSNR ou créés par lui. Toutefois, le projet de loi ne précise pas si ces règlements ou toute autre règle concernant les aspects procéduraux et administratifs des travaux du CPSNR mentionnés à l’article 33 seront rendus publics.
L’article 11 renforce l’interdiction faite aux membres et anciens membres du CPSNR et au personnel du secrétariat de communiquer des renseignements qu’ils ont acquis ou auxquels ils avaient accès dans l’exercice de leurs fonctions au sein du Comité. Tout renseignement à l’égard duquel le gouvernement prend des mesures de protection ne peut être communiqué que dans l’exercice des attributions conférées au CPSNR sous le régime de la loi ou si toute autre règle de droit l’exige. À cet égard, il convient de noter que l’article 15 de la Loi sur la protection de l’information prévoit qu’une immunité d’intérêt public peut être invoquée relativement à la communication interdite de renseignements.
Le projet de loi C-22 ne comporte aucune disposition concernant la réception par le CPSNR de renseignements provenant de dénonciateurs dans le cadre de son mandat. Cependant, comme ses membres sont liés par le serment ou l’affirmation solennelle (figurant à l’annexe du projet de loi) et par la Loi sur la protection de l’information, il serait interdit au CPSNR de recevoir des renseignements provenant directement de dénonciateurs au sein du gouvernement. Plus particulièrement, la Loi interdit à quiconque de divulguer ou de recevoir « un chiffre officiel ou mot de passe, ou un croquis, plan, modèle, article, note, document ou renseignement 24 ».
Il demeure toutefois possible d’obtenir de tels renseignements indirectement par l’intermédiaire d’organismes qui sont autorisés à recevoir les renseignements de dénonciateurs. Mentionnons à ce titre le commissaire du CST et le CSARS, qui sont autorisés par le paragraphe 15(5) de la Loi sur la protection de l’information à recevoir des renseignements divulgués relativement à une « infraction », y compris des renseignements opérationnels spéciaux 25.
L’article 9 prévoit une coopération entre le CPSNR et les organismes de surveillance. Il est donc concevable que le Comité soit appelé à examiner des questions soulevées dans la plainte d’un dénonciateur qui aurait fait l’objet d’une enquête du CSARS ou du commissaire du CST. Néanmoins, en vertu de l’alinéa 8b), le ministre peut empêcher la tenue de l’examen proposé au motif qu’il porterait atteinte à la sécurité nationale. De plus, aux termes de l’alinéa 16a), le ministre peut refuser de fournir des renseignements opérationnels spéciaux. Il s’agit là d’un autre moyen d’empêcher le CPSNR de procéder à l’étude de renseignements divulgués par des dénonciateurs.
Le paragraphe 13(1) confère au CPSNR un droit d’accès aux renseignements qui sont liés à l’exercice de son mandat et qui relèvent d’un ministère ou d’un organisme. Fait à noter, toute information transmise par un partenaire étranger en matière de renseignement à un ministère ou à un organisme gouvernemental canadien n’est pas considérée comme « relevant » de ce ministère ou de cet organisme, mais plutôt réputée être en sa possession. Les renseignements relèvent toujours de l’entité d’origine, en l’occurrence, le partenaire étranger 26.
Le paragraphe 13(2) confirme que les droits d’accès du CPSNR s’étendent aux renseignements qui seraient autrement protégés par une forme ou une autre d’immunité juridique comme le secret professionnel de l’avocat.
Les articles 14 à 16 fixent les limites du droit d’accès à l’information du CPSNR.
L’article 14 dresse la liste des renseignements automatiquement exclus :
Sur ce dernier point, le texte ne précise pas si le CPSNR peut réclamer de l’information descriptive au sujet des renseignements recueillis par le CANAFE, tels que le nombre de rapports reçus n’ayant pas été communiqués 28.
Conformément au paragraphe 15(2), toute demande du Comité visant des renseignements communiqués par le CANAFE à un ministère ne peut être présentée qu’au ministre compétent de ce ministère. Si le CPSNR n’est pas autorisé à demander au CANAFE de lui fournir la liste des documents communiqués à des ministères, sa tâche n’en sera que plus difficile, car il devra alors s’adresser à divers ministres pour savoir s’ils ont reçu des renseignements du CANAFE.
L’article 14 empêche également le CPSNR d’accéder aux renseignements concernant les activités de renseignement de défense en cours qui soutiennent des opérations militaires, le privant ainsi de la possibilité d’examiner de nombreuses activités de renseignement, éventuelles et en cours, des Forces canadiennes. En effet, le Commandement du renseignement des Forces canadiennes est la seule entité du milieu canadien du renseignement et de la sécurité nationale à recueillir toutes les formes de renseignement : le renseignement d’origine électromagnétique 29, le renseignement humain et le renseignement de sources ouvertes 30.
À l’heure actuelle, les activités de renseignement de défense ne sont assujetties à aucune forme d’examen indépendant.
Le paragraphe 16(1) du projet de loi C-22 autorise le ministre à refuser de fournir au CPSNR des renseignements relevant de son ministère auxquels le Comité aurait normalement un droit d’accès. Cependant, le ministre ne peut opposer son refus que s’il estime que les renseignements sont des renseignements opérationnels spéciaux au sens du paragraphe 8(1) de la Loi sur la protection de l’information et que leur communication porterait atteinte à la sécurité nationale 31.
Aux termes du paragraphe 16(2), le ministre qui refuse de communiquer un renseignement au CPSNR en vertu du paragraphe 16(1) est tenu de l’informer de sa décision et des motifs de celle-ci. Le paragraphe 16(3) exige du ministre qu’il informe également de sa décision et des motifs de celles-ci l’organisme de surveillance compétent, c’est-à-dire le CSARS, le commissaire du CST ou la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC (CCETP), selon l’entité dont relève le renseignement.
Étant donné qu’aucun des organismes de surveillance n’a le pouvoir de contester la décision du ministre, l’information fournie au titre du paragraphe 16(3) tient aussi lieu d’avis indiquant à l’organisme qui reçoit cette information qu’il lui est interdit de la transmettre au CPSNR. Cette interprétation s’appuie sur l’alinéa 22(2)b), qui prévoit qu’un organisme de surveillance ne peut communiquer un renseignement visé par une décision qui lui a été communiqué en application du paragraphe 16(3).
L’ISC examine les activités de renseignement de défense depuis de nombreuses années. Dans le protocole d’entente conclu en 2013 avec le premier ministre, l’ISC indique que son mandat en ce qui a trait au ministère de la Défense britannique comprend notamment :
Le projet de loi C-22 prévoit que les réunions du CPSNR sont convoquées au besoin par le président, mais ne précise pas à quelle fréquence.
Aux termes de l’article 18, les réunions sont tenues à huis clos lorsque des renseignements à l’égard desquels un ministère prend des mesures de protection y seront « probablement » révélés ou lorsque le président l’estime autrement nécessaire.
L’article 20 confère au CPSNR le pouvoir de déterminer la procédure à suivre dans l’exercice de ses attributions, notamment en ce qui a trait à la comparution de toute personne devant lui.
Dans un effort visant à rehausser sa crédibilité auprès du public, l’ISC a commencé en 2013 à tenir certaines audiences ouvertes où comparaissent des responsables de la sécurité et du renseignement 33. Néanmoins, il se réunit principalement à huis clos.
L’ISC se réunit au moins une fois par semaine. Dans son dernier rapport annuel, il affirme avoir tenu 17 audiences régulières, cinq réunions régulières et « 23 autres réunions » entre septembre 2015 et juin 2016. L’ISC précise qu’il aurait tenu une 18e audience de témoignages, mais que celle-ci n’a pas eu lieu parce que le Secrétariat de la sécurité nationale, le Secrétariat mixte du renseignement et le Bureau de la sécurité et de la lutte antiterroriste n’ont pas fourni au préalable les renseignements demandés 34.
Les articles 22 et 23 portent sur la communication de renseignements - sous réserve de certaines exceptions - entre le CPSNR et le commissaire du CST, le CSARS et la CCETP. Il est intéressant de noter que les autres organismes de surveillance qui examinent régulièrement les ministères et entités du milieu du renseignement et de la sécurité nationale, tels que le Commissariat à la protection de la vie privée, le Commissariat à l’information et le vérificateur général, sont exclus de ces dispositions sur la communication des renseignements. Pourtant, le commissaire à la protection de la vie privée et le commissaire à l’information ont tous deux compétence pour vérifier que les ministères et organismes fédéraux, y compris le CST, le SCRS et la GRC, se conforment à la Loi sur la protection des renseignements personnels et à la Loi sur l’accès à l’information. Par ailleurs, l’examen public par le vérificateur général des activités de renseignement et de sécurité nationale, sur une base individuelle et de façon globale, permet de savoir si les ministères et organismes gèrent convenablement leurs programmes et activités. Ces trois organismes de surveillance traitent des renseignements classifiés et sont tous des agents du Parlement.
Par ailleurs, le projet de loi C-22 ne prévoit aucune disposition pour tenir compte de la possibilité que des organismes de surveillance spécialisés soient créés dans l’avenir - par exemple, un organisme de surveillance propre à l’Agence des services frontaliers du Canada.
La Justice and Security Act 2013 n’autorise pas l’ISC à accéder à des renseignements classifiés auprès d’organismes de surveillance comme le commissaire aux services de renseignement.
Dans son rapport annuel de 2010-2011, l’ISC a indiqué qu’il essayait depuis 2002 d’obtenir l’accès aux annexes classifiées des rapports présentés au premier ministre britannique par les commissaires aux services de renseignement et à l’interception des communications. Même si les deux commissaires ont indiqué à l’ISC qu’ils n’étaient pas opposés à la communication de ces renseignements, la décision a été laissée entre les mains du conseiller à la sécurité nationale 35. Rien n’indique que l’ISC ait réussi depuis à obtenir l’accès à ces renseignements.
De plus, l’Investigatory Powers Bill, qui est actuellement à l’étude au Parlement britannique, ne prévoit pas la communication de renseignements entre l’ISC et le nouvel organisme de surveillance indépendant proposé, l’Investigatory Powers Commissioner.
Le paragraphe 21(1) exige du CPSNR qu’il établisse un rapport annuel à l’intention du premier ministre sur les examens effectués et comprenant ses conclusions et recommandations. Si le CPSNR a établi un rapport spécial en vertu du paragraphe 21(2), il doit en présenter le résumé dans son rapport annuel au premier ministre.
De plus, le paragraphe 21(2) confère au CPSNR le pouvoir de rédiger des rapports spéciaux sur toute question liée à son mandat et de les présenter à tout moment au premier ministre et au ministre concerné. Cependant, le paragraphe 21(3) exige que le CPSNR, au moment de présenter un rapport spécial, avise le premier ministre s’il a l’intention de rédiger un résumé du rapport.
Le paragraphe 21(5) permet au premier ministre, après consultation du président du CPSNR, d’ordonner la révision du rapport annuel ou spécial pour retrancher tout renseignement dont, à son avis, la communication porterait atteinte à la sécurité ou à la défense nationale ou aux relations internationales. Cette directive s’applique également aux renseignements protégés par le privilège relatif au litige - en droit civil, l’immunité de divulgation - ou par le secret professionnel de l’avocat ou du notaire.
Si le premier ministre a reçu l’avis visé au paragraphe 21(3) concernant la rédaction du résumé d’un rapport spécial, mais que ce rapport spécial ne sera pas déposé devant le Parlement, le paragraphe 21(5) ne s’applique pas.
À l’exception des rapports spéciaux qui ne sont pas déposés devant le Parlement, le premier ministre doit déposer un exemplaire des rapports du CPSNR devant chaque chambre du Parlement dans les 45 premiers jours de séance de celle-ci suivant la présentation du rapport ou de sa version révisée, si le CPSNR a reçu l’ordre de produire une version révisée.
Le projet de loi C-22 ne comporte aucune disposition autorisant explicitement le CPSNR à informer le public si des renseignements ont été supprimés dans ses rapports déclassifiés.
Le paragraphe 3(6) de la Justice and Security Act 2013 prévoit que l’ISC doit déposer tous les rapports qu’il rédige devant le Parlement. Même si l’ISC est tenu de présenter ses rapports annuels et spéciaux au premier ministre pour consultation et examen avant leur dépôt, il indique par des astérisques, dans le rapport définitif, les endroits où des renseignements ont été retranchés pour des motifs liés à la sécurité nationale. Conformément au paragraphe 3(5) de la même loi, l’ISC fait figurer dans ses rapports parlementaires une mention concernant les renseignements qui ont dû en être exclus.
Les articles 24 à 30 prévoient la constitution d’un secrétariat dirigé par un directeur général et dont le siège est établi dans la région de la capitale nationale, chargé de soutenir le CPSNR dans l’exercice de son mandat. Le directeur général a rang et pouvoirs d’administrateur général de ministère et est nommé à titre amovible par le gouverneur en conseil pour un mandat d’au plus cinq ans pouvant être renouvelé deux fois.
L’article 28 confère au directeur général les pouvoirs de premier dirigeant du Secrétariat. À ce titre, il est chargé de la gestion du Secrétariat et de tout ce qui s’y rattache. Aux termes de l’article 29, il peut également conclure des contrats, des ententes ou d’autres arrangements, notamment des contrats pour retenir les services de conseillers juridiques ou d’autres experts afin d’aider ou de conseiller le CPSNR.
En cas d’empêchement du directeur général, l’article 26 prévoit la désignation d’un directeur général intérimaire pour un mandat maximal de 90 jours. Cette désignation intérimaire est faite par le membre du Conseil privé désigné en vertu de l’article 3 à titre de ministre chargé de l’application de la loi. Toute désignation intérimaire de plus de 90 jours doit être approuvée par le gouverneur en conseil.
L’article 27 prévoit que le directeur général reçoit le traitement fixé par le gouverneur en conseil et peut être indemnisé des frais de déplacement et de séjour entraînés par l’exercice de ses fonctions au sein du secrétariat.
Aux termes du paragraphe 27(2), le directeur général est réputé être un fonctionnaire de l’administration publique fédérale pour l’application de la Loi sur la pension de la fonction publique, de la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État et des règlements pris en vertu de l’article 9 de la Loi sur l’aéronautique 36.
L’article 30 prévoit que le personnel du Secrétariat est nommé conformément à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique 37. Selon cette Loi, les nominations peuvent prendre plusieurs formes telles que la mutation ou le détachement de personnes déjà employées dans la fonction publique.
De la même manière, au Royaume-Uni, le secrétariat de l’ISC est à la fois administré et doté en personnel par des fonctionnaires en détachement ou en affectation. C’est également le cas de l’enquêteur qui y travaille à temps partiel. Bien qu’il n’existe aucune politique écrite à ce sujet, l’usage veut que les employés détachés ou affectés à l’ISC ne proviennent jamais d’un organisme de surveillance 38.
Le projet de loi C-22 s’accompagne d’une recommandation royale, ce qui signifie que la loi proposée entraînera une dépense de fonds publics. Les demandes visant à prélever des fonds du Trésor pour financer des services et des programmes gouvernementaux sont faites au moyen d’un projet de loi de crédits.
Étant donné que l’article 21 prévoit que le CPSNR doit faire rapport au premier ministre, on peut supposer que c’est au « ministère » de ce dernier - le Bureau du Conseil privé - qu’il incombera d’obtenir, au moyen d’un projet de loi, l’approbation des crédits nécessaires pour prendre en charge les dépenses de fonctionnement du Comité et de son secrétariat.
Selon l’article 32, toute personne qui comparaît devant le Comité peut être indemnisée des frais de déplacement et de séjour raisonnables entraînés par sa comparution.
L’article 43 prévoit le versement d’indemnités annuelles supplémentaires de 42 000 $ et de 11 900 $ pour le président et les membres du CPSNR, respectivement, en plus de leur rémunération de parlementaires.
Les articles 35 à 48 apportent des modifications corrélatives à des lois existantes. Les articles 35 et 45 présentent un intérêt particulier puisqu’ils modifient la Loi sur l’accès à l’information 39 et la Loi sur la protection des renseignements personnels 40 afin d’interdire au CPSNR de communiquer tout document qu’il a créé ou obtenu dans l’exercice de son mandat. Étant donné que tous les organismes de renseignement sont assujettis à ces deux lois, on comprend mal pourquoi le CPSNR est exclu de ce cadre législatif.
L’article 34 prévoit que la Chambre des communes et le Sénat doivent procéder à l’examen de la loi cinq ans après son entrée en vigueur.
Enfin, l’article 49 prévoit que le projet de loi entre en vigueur à la date fixée par décret.
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
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