Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le projet de loi C‑337, Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel (agression sexuelle) 1, a été déposé à la Chambre des communes le 23 février 2017 par l’honorable Rona Ambrose. Le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes l’a ensuite étudié avant de recommander, dans son rapport, l’amendement de trois articles et l’abrogation d’un autre .2. La Chambre des communes a adopté le projet de loi avec les amendements du Comité le 15 mai 2017. Après avoir franchi l’étape de la première lecture au Sénat le 16 mai 2017, le projet de loi C‑337 a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le 31 mai 2018.
Le projet de loi C‑337, dont le titre abrégé est « Loi sur la responsabilité judiciaire par la formation en matière de droit relatif aux agressions sexuelles », comporte trois grands objets :
Dans son témoignage devant le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes, l’honorable Rona Ambrose a expliqué qu’elle avait décidé de déposer ce projet de loi après avoir remarqué « un nombre troublant d’affaires d’agressions sexuelles qui ont ébranlé la confiance du public envers notre système de justice 3 ». Il s’agissait d’affaires dans le cadre desquelles les juges avaient fait des déclarations devant les tribunaux ou dans leurs décisions à l’issue de procès pour agression sexuelle et qui, selon certains, s’appuyaient sur des stéréotypes discrédités au sujet des victimes d’agression sexuelle. Dans un cas, le juge a démissionné après que le CCM a recommandé sa révocation après qu’il a tenu des propos ou posé des questions « démontrant de l’aversion pour les lois visant à protéger les témoins vulnérables, à promouvoir l’égalité homme‑femme et à assurer l’intégrité des procès pour agression sexuelle 4 ».
Dans une affaire datant de 2016, un nouveau procès a été ordonné en appel après que le juge a été déclaré coupable d’avoir invoqué, dans ses motifs d’acquittement, des mythes sur le comportement « attendu » d’une victime d’agression sexuelle 5. En 2017, un autre juge a été vertement critiqué pour son langage insultant à l’égard d’une femme qui était en état d’ébriété au moment de l’agression sexuelle alléguée 6.
La sénatrice Raynell Andreychuk, qui parraine le projet de loi C‑337 au Sénat, a expliqué que ces cas s’ajoutent aux facteurs qui dissuadent les victimes de signaler une agression sexuelle. Elle a souligné que le projet de loi C‑337 vise à prévenir d’autres décisions judiciaires fondées sur des stéréotypes concernant les victimes d’agression sexuelle et à rétablir la confiance de ces dernières à l’égard du processus judiciaire 7.
L’agression sexuelle est le crime le moins signalé au Canada. Selon les données de l’Enquête sociale générale de 2014 sur la victimisation, de Statistique Canada, seulement 5 % des agressions sexuelles ont été signalées à la police en 2014 8. Selon les recherches, parmi les raisons de la sous-déclaration, il y a « la honte, la culpabilité et la stigmatisation associées à la victimisation sexuelle », « la normalisation des comportements sexuels inappropriés ou non désirés », et « la perception voulant que la violence sexuelle ne justifie pas un signalement 9 ». Bon nombre de victimes ne signalent pas l’agression parce qu’elles ne pensent pas « que le recours au système de justice donner[a] un résultat positif 10 ».
En 2014, l’agression sexuelle était le seul crime violent pour lequel le taux de victimisation est demeuré relativement stable depuis 1999, alors que les taux enregistrés en 2014 pour les autres crimes violents étaient considérablement inférieurs à ceux notés en 1999 11.
L’appareil judiciaire canadien est composé de tribunaux de compétence provinciale ou fédérale; la Cour suprême du Canada étant l’ultime cour d’appel pour tous les tribunaux canadiens. Selon le ministère de la Justice :
Les provinces et les territoires sont responsables de répondre à tous les besoins des tribunaux relevant de leur secteur de compétence, c’est‑à‑dire de construire et d’entretenir les palais de justice, de fournir le personnel […] ainsi que [de rémunérer les] juges des tribunaux provinciaux et territoriaux. Pour sa part, le gouvernement fédéral nomme et rémunère les juges des cours supérieures de chaque province, de même que les juges des tribunaux fédéraux. Il est également responsable de l’administration de la Cour suprême du Canada et des tribunaux créés en vertu d’une loi fédérale 12.
Les juges fédéraux et les juges des cours supérieures provinciales sont régis par la Loi sur les juges, laquelle énonce les exigences relatives à des questions comme l’âge de la retraite des juges, l’admissibilité à la nomination et le versement des traitements. La nomination des juges des cours provinciales relève des provinces. Par ailleurs, ce sont les cours provinciales qui entendent la majorité des affaires criminelles au Canada.
Outre les tribunaux, certains organismes jouent un rôle important dans l’administration de la justice au Canada :
Composé d’un préambule et de cinq articles, le projet de loi C‑337 modifie la Loi sur les juges et le Code criminel.
Dans le préambule sont décrits les motifs à l’origine du projet de loi. On insiste sur l’effet qu’un procès pour agression sexuelle peut avoir sur la vie des personnes touchées, notamment le risque qu’un tel procès revictimise les survivants d’actes de violence sexuelle, et on met en garde contre les interprétations problématiques du droit dans un procès pour agression sexuelle. On y souligne que, à l’heure actuelle, l’avocat prétendant à la magistrature n’est pas tenu d’avoir suivi une formation sur le droit relatif aux agressions sexuelles et on y déclare que le Parlement reconnaît l’importance de la participation de la magistrature à des cours de perfectionnement juridique.
Il est également souligné, dans le préambule, que le Parlement veut être informé de la participation des juges aux formations sur le droit relatif aux agressions sexuelles et on affirme l’importance de motiver par écrit les décisions rendues lors des procès pour agression sexuelle.
Enfin, on confirme, dans le préambule, la nécessité que les survivants d’actes de violence sexuelle fassent confiance au système de justice pénale, ainsi que la responsabilité du Parlement de veiller à ce que les institutions démocratiques du Canada reflètent « les valeurs et les principes » de la population canadienne, tout en reconnaissant l’importance qui doit être accordée à la liberté et à l’indépendance des juges. En reconnaissant la nécessité à la fois d’un système de justice pénale équitable et d’une magistrature libre et indépendante, on reconnaît, dans le préambule, les précautions que le Parlement doit prendre lorsqu’il légifère en matière de nominations judiciaires.
Le paragraphe 2(2) du projet de loi modifie les conditions de nomination pour les nominations judiciaires énoncées dans la Loi sur les juges. Conformément au nouveau sous‑alinéa 3b)(i) de la Loi sur les juges, pour être nommé juge d’une cour supérieure provinciale, le candidat doit avoir suivi un cours de perfectionnement à jour et complet sur le droit relatif aux agressions sexuelles, à la satisfaction du commissaire à la magistrature fédérale. Cette nouvelle disposition prévoit que le cours doit avoir été élaboré en consultation avec des survivants d’agression sexuelle ainsi que des groupes et des organismes qui les aident. Il est également prévu que le cours aborde notamment les questions concernant la preuve, le consentement et la procédure à suivre lors des procès pour agression sexuelle, de même que les mythes et les stéréotypes associés aux plaignants dans les affaires d’agression sexuelle.
Conformément au nouveau sous‑alinéa 3b)(ii), le candidat doit également recevoir une formation complète sur le contexte social. Ce critère a été ajouté à la suite d’un amendement proposé par le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes après que des témoins ont informé le Comité qu’un simple cours sur le droit relatif aux agressions sexuelles n’était pas suffisant 16. Dans le cadre de la formation sur le contexte social, le juge est appelé à tenir compte du contexte des affaires dont il sera saisi et ne pas être influencé par des attitudes fondées sur des stéréotypes, des mythes ou des préjugés 17.
L’article 3 du projet de loi modifie l’alinéa 60(2)b) de la Loi sur les juges qui permet au CCM d’organiser des colloques en vue du perfectionnement des juges. L’alinéa modifié prévoit que les colloques de perfectionnement doivent comprendre des cours sur des sujets liés au droit relatif aux agressions sexuelles et au contexte social. Tout comme pour les modifications apportées à l’article sur les conditions de nomination susmentionnées, les cours sur le droit relatif aux agressions sexuelles et le contexte social doivent être élaborés en consultation avec des survivants d’agression sexuelle ainsi que des groupes et des organismes qui leur viennent en aide.
L’article 4 du projet de loi ajoute le nouvel article 62.1 à la Loi sur les juges de manière à exiger du CCM qu’il produise un rapport annuel. Ce rapport doit être soumis au ministre de la Justice et fournir de l’information sur les colloques susmentionnés qui ont été offerts durant dans l’année civile précédente, y compris, entre autres détails, une description du contenu du colloque, sa durée, le nombre de juges qui y ont assisté et leur juridiction, ainsi que le nombre d’affaires d’agression sexuelle dont ont été saisis les juges qui n’ont jamais participé à un tel colloque.
L’article 5 du projet de loi modifie le Code criminel en ajoutant le nouvel article 278.92. Cet article s’applique uniquement aux procès devant un juge sans jury. Le nouveau paragraphe 278.92(1) exige du juge qu’il motive ses décisions concernant certaines infractions sexuelles pour lesquelles l’accusé est acquitté, absolu, déclaré coupable, déclaré criminellement non responsable ou déclaré inapte à subir son procès. Les infractions visées par le nouvel article 278.92 sont celles prévues aux articles et paragraphes suivants :
Le nouveau paragraphe 278.92(2) prévoit que les motifs de la décision sont à porter dans le procès‑verbal des débats ou, à défaut, à donner par écrit 18.
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
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