Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le 13 avril 2017, l’honorable Jody Wilson‑Raybould, ministre de la Justice et procureure générale du Canada, a présenté à la Chambre des communes le projet de loi C-46, Loi modifiant le Code criminel (infractions relatives aux moyens de transport) et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois 1.
Le 31 mai 2017, à l’étape de la deuxième lecture, le projet de loi a été renvoyé au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes pour examen. Plusieurs amendements au projet de loi ont été adoptés par le Comité le 16 octobre 2017 2. Au Sénat, le projet de loi a été étudié par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles entre le 31 janvier et le 23 mai 2018. Plusieurs amendements ont été adoptés par le Comité le 23 mai 2018 3. Le projet de loi a aussi fait l’objet d’amendements en troisième lecture au Sénat. Finalement, après un échange de messages entre le Sénat et la Chambre des communes, certains amendements adoptés par le Sénat ont été rejetés par la Chambre des communes. Le projet de loi a reçu la sanction royale le 21 juin 2018.
Le projet de loi C-46 reprend en partie les modifications que proposait, à la 2e session de la 41e législature, le projet de loi C-73, Loi modifiant le Code criminel (infractions relatives aux moyens de transport), la Loi sur le casier judiciaire et d’autres lois en conséquence (titre abrégé : « Loi sur la conduite dangereuse et la conduite avec facultés affaiblies ») 4. Le projet de loi C-73 est mort au Feuilleton lorsque le Parlement a été dissout par suite du déclenchement des élections fédérales en août 2015.
Au début de 2016, le contenu du projet de loi C-73 avait aussi été repris (avec quelques modifications) dans le projet de loi C-226, Loi modifiant le Code criminel (infractions relatives aux moyens de transport), la Loi sur le casier judiciaire et d’autres lois en conséquence, parrainé par le député Steven Blaney 5.
La partie 1 du projet de loi modifie le Code criminel (le Code) 6 afin de renforcer les dispositions législatives relatives à la conduite avec capacités affaiblies par la drogue, notamment le cannabis 7. Ces modifications font suite à l’intention du gouvernement de permettre un accès réglementé au cannabis tel que le prévoit le projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, déposé le même jour que le projet de loi C-46 8.
La principale mesure contenue à la partie 1 consiste en l’ajout de nouvelles infractions relatives à la conduite avec capacités affaiblies par la drogue, ainsi que de nouveaux outils pour la police afin de détecter la présence de drogue dans l’organisme des conducteurs. Plus précisément, le projet de loi prévoit l’utilisation d’appareils de détection à échantillonnage de liquide buccal (ou matériel de détection des drogues approuvé) par un policier sur le bord de la route lorsque celui-ci a des motifs raisonnables de soupçonner la présence de drogue dans l’organisme d’un conducteur.
Les nouvelles infractions créées diffèrent selon la concentration de drogue (ou la combinaison de drogue et d’alcool) dans le sang. Ces taux seront établis par règlement, toutefois le gouvernement indique que, dans le cas du cannabis, les taux proposés seraient les suivants :
Comme suite à la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Bingley 11, la partie 1 du projet de loi rend aussi admissible en preuve l’opinion de l’agent évaluateur (ou expert en reconnaissance de drogues) sans qu’il soit nécessaire de démontrer sa qualité d’expert.
La partie 2 du projet de loi prévoit une refonte complète des dispositions du Code en matière d’infractions relatives aux moyens de transport afin de « créer un nouveau système moderne, simplifié et plus cohérent dans le but de mieux prévenir la conduite avec capacités affaiblies par l’alcool ou la drogue 12 ». Ainsi, bien que la nature des infractions demeure généralement la même, le projet de loi augmente certaines peines maximales. Dans le cas de l’infraction de conduite avec les capacités affaiblies par l’alcool, le projet de loi vient restreindre les moyens de défense de l’accusé - par exemple la « défense du verre d’après 13 » - et donner suite à la décision R. c. St-Onge Lamoureux 14 de la Cour suprême relativement à la « défense des deux bières 15 ».
Plus précisément, la partie 2 du projet de loi :
Bien que le projet de loi réforme la plupart des infractions relatives aux moyens de transport, il ne modifie pas les infractions de négligence criminelle (art. 219 à 221 du Code) ou d’homicide involontaire coupable (art. 236 du Code) 18.
La partie 1 du projet de loi est entrée en vigueur à la date de la sanction royale, le 21 juin 2018, et la partie 2 entrera en vigueur le 180e jour suivant cette date (voir l’art. 52 du projet de loi).
Selon Statistique Canada, la conduite avec capacités affaiblies est l’une des infractions criminelles les plus fréquentes au Canada et continue de figurer parmi les principales causes de décès d’origine criminelle au pays, malgré une baisse du nombre de cas depuis les années 1980 19. L’alcool est à l’origine de la grande majorité des affaires de conduite avec capacités affaiblies (96 %), toutefois la proportion d’affaires de conduite avec capacités affaiblies par la drogue a doublé entre 2009 et 2015 (passant de 2 % à 4 %) 20.
Au chapitre des causes instruites devant les tribunaux de juridiction criminelle, les infractions de conduite avec capacités affaiblies ont représenté 10 % des causes réglées en 2014-2015 21. Il s’agit de la première fois en 10 ans que cette infraction n’est pas l’infraction la plus courante (on dénote une diminution de 11 355 du nombre de causes réglées en 2014-2015 comparativement à l’année précédente) 22. Toujours en 2014-2015, 79 % des causes de conduite affaiblies ont abouti à un verdict de culpabilité, une proportion plus élevée que pour l’ensemble des causes réglées (63 %) 23.
Le temps nécessaire pour régler une affaire de conduite avec capacités affaiblies a considérablement diminué en 2014-2015, passant d’une durée médiane de 155 jours en 2013-2014 à 105 jours 24.
Enfin, dans environ neuf causes sur 10, les sentences imposées ont été des amendes 25 et des ordonnances d’interdiction de conduite 26, alors que l’emprisonnement a été ordonné dans environ 10 % des causes 27.
Les règles relatives à la sécurité routière, à l’immatriculation des véhicules routiers et aux permis de conduire relèvent de la compétence des provinces. La majorité des provinces appliquent des sanctions administratives, notamment la suspension immédiate du permis de conduire, pour une alcoolémie supérieure à 0,05.
Pour sa part, le Parlement a décidé, en 1921, de s’appuyer sur son pouvoir d’ériger des infractions criminelles pour l’ensemble du pays afin de criminaliser la conduite en état d’ébriété. Quatre ans plus tard, il ajoutait au Code le fait de conduire avec les capacités affaiblies par la drogue.
Au fil des ans, les dispositions du Code en matière de capacités affaiblies ont fait l’objet de plusieurs modifications législatives qui ont rendu le régime particulièrement complexe. En 1991 déjà, la Commission de réforme du droit du Canada déclarait que certaines dispositions étaient « devenues carrément illisibles 28 ».
L’un des buts du projet de loi C-46 est justement de simplifier les règles de droit relatives à la preuve de l’alcoolémie. Les rubriques qui suivent mettent en contexte certaines modifications qu’il apporte en matière de conduite avec les capacités affaiblies.
C’est avec l’avènement des alcootests (maintenant appelés « éthylomètres ») qu’a été établie, en 1969, l’infraction que l’on connaît aujourd’hui consistant à conduire avec une alcoolémie supérieure à 0,08. En même temps, le Parlement a prévu, d’une part, l’obligation pour la personne interpellée de fournir des échantillons d’haleine et, d’autre part, un régime de preuve facilité par l’établissement de présomptions, notamment celles d’« exactitude » et d’« identité 29 ».
En 1979, afin d’aider les policiers à obtenir les motifs nécessaires pour ordonner au conducteur de subir l’alcootest au poste, le Parlement a prévu l’utilisation d’appareils de détection approuvés (ADA) sur les lieux de l’interpellation 30.
Depuis près de 50 ans, le Comité des analyses d’alcool 31 est chargé de s’assurer que l’équipement conçu pour analyser l’haleine au Canada (alcootests approuvés, puis ADA) respecte des spécifications rigoureuses. Il publie également des normes et procédures sur l’utilisation et l’entretien de cet équipement. Aujourd’hui, la fiabilité de ces appareils est reconnue par les communautés scientifique et juridique 32.
Le projet de loi C-73, Loi modifiant le Code criminel (infractions relatives aux moyens de transport), la Loi sur le casier judiciaire et d’autres lois en conséquence (titre abrégé : « Loi sur la conduite dangereuse et la conduite avec facultés affaiblies »), a été déposé à la Chambre des communes par l’ancien ministre de la Justice et procureur général du Canada, l’honorable Peter Mackay le 16 juin 2015. Le projet de loi est mort au Feuilleton lors du déclenchement des élections générales le 2 août 2015.
Le projet de loi C-46 reprend en partie les modifications que proposait le projet de loi C-73 (à l’exception de la partie 1 du projet de loi C-46). À la différence du projet de loi C-46, le projet de loi C-73 prévoyait l’ajout de peines minimales obligatoires à la plupart des infractions en matière de conduite 33.
Le projet de loi C-226, Loi modifiant le Code criminel (infractions relatives aux moyens de transport), la Loi sur le casier judiciaire et d’autres lois en conséquence (titre abrégé : « Loi sur la conduite avec facultés affaiblies »), a été déposé à la Chambre des communes par le député Steven Blaney le 23 février 2016. Ce projet de loi reprenait le contenu du projet de loi C-73, avec quelques modifications :
Le projet de loi a fait l’objet d’une étude par le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes en septembre 2016 et en février 2017. Dans son rapport publié en mars 2017, le Comité a recommandé de ne pas poursuivre l’étude de ce projet de loi en raison notamment d’inquiétudes concernant la constitutionnalité de ce dernier 34.
Le projet de loi C-247, Loi modifiant le Code criminel (détecteur passif) 35, a été déposé à la Chambre des communes par le député Gagan Sikand le 26 février 2016. Ce projet de loi a fait l’objet d’une étude par le Comité de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes en octobre 2016 et en février 2017.
Le projet de loi C-247 visait à modifier l’article 254 du Code criminel afin de permettre à un agent de police d’utiliser un « détecteur passif approuvé » pour prélever un échantillon d’air à proximité d’une personne dont l’agent de police a des motifs raisonnables de croire qu’elle a conduit un véhicule à moteur dans les trois heures précédentes ou en a eu la garde ou le contrôle. Le prélèvement de l’échantillon pourrait ainsi se faire sans qu’il y ait aucun soupçon sur les capacités de conduite de la personne. Si le détecteur indiquait la présence d’alcool, l’agent aurait automatiquement des motifs raisonnables de soupçonner que la personne a de l’alcool dans son organisme, ce qui justifierait un contrôle plus poussé 36.
Ce projet de loi visait aussi à modifier les paragraphes 255(3) et 255(3.1) du Code, qui renvoient actuellement à l’infraction de conduite avec capacités affaiblies causant la mort; l’infraction aurait changé de titre pour devenir l’infraction « d’homicide au volant causé par des capacités affaiblies ». La peine assortie à cette infraction (passible de l’emprisonnement à vie) n’était pas modifiée par ce projet de loi.
Dans son rapport publié en février 2017, le Comité de la justice et des droits de la personne a recommandé de ne pas poursuivre l’étude de ce projet de loi en raison des investissements importants que nécessiterait la mise en place de ces appareils, dont la fiabilité n’a pas été démontrée 37. Toutefois, reconnaissant la nécessité d’améliorer la détection des cas de conduite avec facultés affaiblies, que ce soit par les drogues ou l’alcool, et d’apporter une solution complète au problème, le Comité a également demandé au gouvernement d’envisager la possibilité de présenter un projet de loi sur le sujet. L’utilisation de détecteurs passifs ne fait cependant pas partie du projet de loi C-46.
Le projet de loi S-230, Loi modifiant le Code criminel (conduite avec les capacités affaiblies par les drogues) (titre abrégé : « Loi sur la détection de la conduite avec les capacités affaiblies par les drogues »), a été déposé au Sénat par le sénateur Claude Carignan le 4 octobre 2016 38. Après avoir été étudié par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles en novembre et en décembre 2016, le projet de loi a fait l’objet d’un amendement au moment de son adoption en troisième lecture au Sénat. Il est actuellement en deuxième lecture à la Chambre des communes.
Plusieurs modifications proposées dans le projet de loi S-230 sont semblables à l’objet et à l’intention du projet de loi C-46, c.-à-d. renforcer la lutte contre la conduite avec facultés affaiblies par les drogues. Notamment, le projet de loi S-230 prévoit l’utilisation d’un appareil de détection approuvé (sur la route) afin de détecter la présence de drogue dans l’organisme d’une personne (art. 2 du projet de loi). Pour ce faire, il autorise un agent de la paix ayant des motifs raisonnables de soupçonner la présence de drogue dans l’organisme d’une personne qui aurait conduit un moyen de transport dans les trois heures précédentes à ordonner qu’on lui fournisse un échantillon de liquide buccal à l’aide d’un appareil de détection approuvé.
Ce projet de loi modifie le paragraphe 254(3.4) du Code criminel concernant le prélèvement de substances corporelles (au poste de police) afin de déterminer la présence de drogue dans le sang. Le paragraphe modifié permet à l’agent de la paix ou l’agent évaluateur (qui a des motifs raisonnables de croire que la capacité d’une personne est affaiblie par l’effet d’une drogue ou l’effet combiné d’une drogue et de l’alcool) d’ordonner à la personne de se soumettre à un prélèvement d’échantillon de liquide buccal, d’urine ou de sang, afin de déterminer la présence de drogue dans son organisme. Afin de pouvoir ordonner ces prélèvements, les motifs raisonnables de croire de l’agent de la paix doivent être fondés soit sur la base des épreuves de coordination des mouvements (al. 254(2)a)), soit sur le résultat de l’analyse d’échantillon de liquide buccal (al. 254(2)b)), ou sur ces deux exigences. Les motifs raisonnables de croire de l’agent évaluateur doivent eux être fondés sur l’évaluation réalisée par un expert en reconnaissance de drogues (par. 254(3.1)).
La partie 1 du projet de loi C-46 ajoute trois nouvelles infractions relatives à la conduite avec capacités affaiblies par la drogue, y compris le cannabis (nouveau par. 253(3)). On vient criminaliser le fait, pour un individu, de conduire un moyen de transport en ayant une concentration de drogue (ou une combinaison de drogue et d’alcool) dans le sang égale ou supérieure à certains taux. Ce paragraphe précise que cette concentration doit être présente dans le sang du conducteur dans les deux heures suivant le moment où l’individu a cessé de conduire. Toutefois, il serait toujours possible d’intenter une poursuite en vertu de l’alinéa 253(1)a) du Code en démontrant les capacités affaiblies d’un conducteur par l’effet de la drogue.
Les nouvelles infractions créées diffèrent selon le taux de drogue (ou la combinaison de drogue et d’alcool) dans le sang. Ces taux devront être établis par règlement pour chaque type de drogue 39. Par exemple, les taux proposés par le gouvernement dans le cas du cannabis sont indiqués à la rubrique 1.1 du présent résumé législatif.
Le nouveau paragraphe 253(4) précise toutefois qu’aucune infraction n’est commise si la personne a consommé de l’alcool ou une drogue après avoir cessé de conduire et qu’elle n’avait pas de raison de croire qu’elle aurait à fournir un échantillon d’une substance corporelle.
Les paragraphes 255(2.1) et 255(3.1) modifiés prévoient également que les peines maximales d’emprisonnement pour les infractions de conduite avec capacités affaiblies causant des lésions corporelles ou la mort s’appliquent aux nouvelles infractions de conduite avec les capacités de conduite affaiblies par les drogues (sauf celle prévue au nouvel al. 253(3)b)).
Le paragraphe 255(4) modifié précise qu’une personne reconnue coupable de l’infraction prévue au nouvel al. 253(3)b) n’est pas réputée être déclarée coupable d’une seconde infraction ou d’une infraction subséquente si elle a déjà été déclarée coupable auparavant. De façon similaire, l’ordonnance d’interdiction obligatoire de conduire prévue au paragraphe 259(1) du Code ne s’applique pas à une personne reconnue coupable de l’infraction prévue au nouvel alinéa 253(3)b). Toutefois, le tribunal peut rendre une ordonnance lui interdisant de conduire en vertu du nouveau paragraphe 259(1.01) du Code pour une période maximale d’un an.
Le projet de loi ajoute une nouvelle définition au paragraphe 254(1) du Code, soit celle de « matériel de détection des drogues approuvé ». Ce matériel est approuvé en vertu du nouvel alinéa 254.01b) du Code, à titre de matériel conçu pour déceler la présence d’une drogue dans l’organisme d’une personne.
Les modifications apportées au paragraphe 254(2) permettent à un policier ayant des motifs raisonnables de soupçonner qu’une personne a dans son organisme de l’alcool ou de la drogue de lui ordonner de fournir un échantillon d’une substance corporelle à l’aide du « matériel de détection des drogues approuvé ».
Selon un document d’information de Santé Canada, les conducteurs devraient fournir un échantillon de liquide buccal 40. En décembre 2016, Sécurité publique Canada avait annoncé un projet pilote afin que certains corps de police testent l’utilisation d’appareils de détection (« appareils de test de salive ») afin de lutter contre la conduite avec capacités affaiblies par la drogue, dont le cannabis, la cocaïne, les méthamphétamines et les opioïdes 41.
Depuis 2008, l’agent de la paix ayant des motifs raisonnables de croire à la présence de drogue dans l’organisme d’une personne peut lui ordonner de se soumettre à une évaluation (Programme de classification et d’évaluation des drogues) qui sera réalisée par un expert en reconnaissance de drogues (par. 254(3.1) du Code en vigueur) 42.
Le nouveau paragraphe 254(3.5) du Code codifie la récente décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Bingley où il était question de déterminer si les opinions des experts en reconnaissance de drogue sont admissibles sans voir-dire 43 à titre d’opinion d’expert. La Cour suprême a déterminé que les agents évaluateurs ne sont pas tenus de se soumettre à une audition de témoin expert avant de pouvoir formuler une opinion dans le cadre de leur témoignage sur la conduite avec capacités affaiblies d’un conducteur.
Selon le nouveau paragraphe 254(3.6) du Code, si l’analyse d’un échantillon de sang fourni révèle la présence dans l’organisme d’une personne d’une drogue qui, de l’avis de l’expert en reconnaissance de drogue, a affaibli la capacité de cette personne à conduire, cette drogue est présumée :
L’article 10 du projet de loi prévoit que tout alcootest approuvé, appareil de détection approuvé et contenant approuvé aux termes des définitions énoncées au paragraphe 254(1) du Code, dans sa version antérieure, est réputé approuvé en vertu du nouvel article 254.01 du Code.
La plupart des infractions en matière de conduite actuellement prévues dans le Code sont reproduites dans le projet de loi (avec certaines peines modifiées), hormis les suivantes (qui sont donc abrogées) :
Les sections suivantes présentent les différentes infractions en matière de transport sous forme de tableaux comparant les peines actuellement prévues par le Code (le « droit actuel ») à celles prévues dans le projet de loi.
À noter qu’un amendement adopté par le Sénat en troisième lecture, mais rejeté par la Chambre des communes 44, aurait fait en sorte qu’une déclaration de culpabilité à l’égard des infractions de capacité de conduire affaiblie simple et d’omission ou refus d’obtempérer simple (nouveaux par. 320.14(1) et 320.15(1) du Code) n’aurait pas constitué de la grande criminalité au sens du paragraphe 36(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés 45, sauf si la personne avait été condamnée à une peine d’emprisonnement de plus de six mois pour cette infraction.
2.2.1.1.1.1 Conduite dangereuseInfraction | Peine | |||
---|---|---|---|---|
Droit actuel (art. 249 et 787) |
Projet de loi C-46 (partie 2) (nouveaux art. 320.13, art. 320.2 et par. 320.21) |
|||
Conduite dangereuse | Acte criminel | Infraction sommaire | Acte criminel | Infraction sommaire |
Max. : 5 ans | Max. : 5 000 $ et 6 mois | Max. : 10 ans | Max. : 2 ans moins 1 jour | |
Conduite causant des lésions corporelles | Acte criminel | Acte criminel | Infraction sommaire | |
Max. : 10 ans | Max. : 14 ans Min.a : 1 000 $; 30 jours; 120 jours |
Max. : 2 ans moins 1 jour Min.a : 1 000 $; 30 jours; 120 jours |
||
Conduite causant la mort | Acte criminel | Acte criminel | ||
Max. : 14 ans | Max. : Perpétuité Min.a : 1 000 $; 30 jours; 120 jours |
Note :
Le nouvel article 320.13 parle d’une conduite dangereuse pour le public « eu égard aux circonstances », sans toutefois définir ces circonstances, contrairement à l’alinéa 249(1)a) actuel du Code, selon lequel est une infraction le fait de conduire :
un véhicule à moteur d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu.2.2.1.1.1.2 Conduite avec les capacités affaiblies
Infraction | Peine | |||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Droit actuel (art. 253 et par. 255(1), 255(2), 255(2.1), 255(3), 255(3.1) et 255(3.3)) |
Projet de loi C-46 (partie 2) (nouveaux art. 320.14, par. 320.19, art. 320.2 et par. 320.21(1)) |
|||||||
Conduite avec capacités affaiblies | Acte criminel | Infraction sommaire | Acte criminel | Infraction sommaire | ||||
Max. : 5 ans Min.a : 1 000 $; 30 jours; 120 jours |
Max. : 18 mois Min.a : 1 000 $; 30 jours; 120 jours |
Max. : 10 ans Min.a, b : 1 000 $; 30 jours; 120 jours |
Max. : 2 ans moins 1 jour Min.a, b : 1 000 $; 30 jours; 120 jours |
|||||
Conduite avec capacités affaiblies (moindre concentration de drogue dans le sang) | Infraction sommaire | |||||||
Max : 1 000 $ | ||||||||
Conduite avec capacités affaiblies causant des lésions corporelles | Acte criminel | Acte criminel | Infraction sommaire | |||||
Max. : 10 ans Min.a : 1 000 $; 30 jours; 120 jours |
Max. : 14 ans Min.a : 1 000 $; 30 jours; 120 jours |
Max. : 2 ans moins 1 jour Min.a : 1 000 $; 30 jours; 120 jours |
||||||
Conduite avec capacités affaiblies causant la mort | Acte criminel | Acte criminel | ||||||
Max. : Perpétuité Min.a : 1 000 $; 30 jours; 120 jours |
Max. : Perpétuité Min.a : 1 000 $; 30 jours; 120 jours |
Notes :
Le nouveau paragraphe 320.14(1) prévoit quatre infractions distinctes de conduite avec capacités affaiblies (sans distinguer si elles causent des lésions corporelles ou la mort) :
Le nouveau paragraphe 320.14(4) érige aussi en infraction la conduite avec une concentration de drogue dans le sang égale ou supérieure à celle établie par règlement pour cette drogue, mais inférieure à la concentration établie pour l’application de l’alinéa 320.14(1)c). L’infraction aux termes du nouveau paragraphe 320.14(4) est passible d’une amende maximale de 1 000 $ (nouveau par. 320.19(2)).
2.2.1.1.1.3 Omission ou refus d’obtempérer à un ordre donnéInfractions | Peine | |||
---|---|---|---|---|
Droit actuel (par. 254(5), 255(2.2), 255(3.2) et 255(3.3)) |
Projet de loi C-46 (nouveaux art. 320.15, par. 320.19(1) et 320.19(4), art. 320.2 et par. 320.21) |
|||
Omission ou refus d'obtempérer à un ordre donné | Acte criminel | Infraction sommaire | Acte criminel | Infraction sommaire |
Max. : 5 ans | Max. : 18 mois Min.a : 1 000 $; 30 jours; 120 jours |
Max. : 10 ans Min.a : 2 000 $; 30 jours; 120 jours |
Max. : 2 ans moins 1 jour Min.a : 2 000 $; 30 jours; 120 jours |
|
Omission ou refus d'obtempérer à un ordre donné alors que la personne sait ou devrait savoir qu'elle a causé un accident entraînant des lésions corporelles | Acte criminel | Acte criminel | Infraction sommaire | |
Max. : 10 ans Min.a : 1 000 $; 30 jours; 120 jours |
Max. : 14 ans Min.a : 1 000 $; 30 jours; 120 jours |
Max. : 2 ans moins 1 jour Min.a : 1 000 $; 30 jours; 120 jours |
||
Omission ou refus d'obtempérer à un ordre donné alors que la personne sait ou devrait savoir qu'elle a causé un accident entraînant la mort | Acte criminel | Acte criminel | ||
Max. : Perpétuité Min.a : 1 000 $; 30 jours; 120 jours |
Max. : Perpétuité Min.a : 1 000 $; 30 jours; 120 jours |
Note :
Finalement, le nouveau paragraphe 320.15(4) précise qu’une personne condamnée pour l’infraction d’omission ou refus d’obtempérer ne peut être condamnée une nouvelle fois pour la même infraction concernant la même affaire.
2.2.1.1.1.4 Omission d’arrêter lors d’un accidentInfractions | Peine | |||
---|---|---|---|---|
Droit actuel (art. 252 et 787) |
Projet de loi C-46 (nouveaux art. 320.16, par. 320.19(5), art. 320.2 et par. 320.21) |
|||
Omettre de s'arrêter lors d'un accident | Acte criminel | Infraction sommaire | Acte criminel | Infraction sommaire |
Max. : 5 ans | Max. : 5 000 $ et 6 mois | Max. : 10 ans | Max. : 2 ans moins 1 jour | |
Omettre de s'arrêter lors d'un accident causant des lésions corporelles | Acte criminel | Acte criminel | Infraction sommaire | |
Max. : 10 ans | Max. : 14 ans Min.a : 1 000 $; 30 jours; 120 jours |
Max. : 2 ans moins 1 jour Min.a : 1 000 $; 30 jours; 120 jours |
||
Omettre de s'arrêter lors d'un accident causant la mort | Acte criminel | Acte criminel | ||
Max. : Perpétuité | Max. : Perpétuité Min.a : 1 000 $; 30 jours; 120 jours |
Note :
Infractions | Peine | |||
---|---|---|---|---|
Droit actuel (art. 249.1 et 787) |
Projet de loi C-46 (nouveaux art. 320.17 et par. 320.19(5)) |
|||
Fuite | Acte criminel | Infraction sommaire | Acte criminel | Infraction sommaire |
Max. : 5 ans | Max. : 5 000 $ et 6 mois | Max. : 10 ans | Max. : 2 ans moins 1 jour | |
Fuite causant des lésions corporelles ou la mort | Acte criminel | (Aucune mention)a | ||
Max. : 14 ans (si lésions corporelles) Max. : Perpétuité (si mort) |
Note:
Infractions | Peine | |||
---|---|---|---|---|
Droit actuel (par. 259(4) et art. 787) |
Projet de loi C-46 (nouveaux art. 320.18(1) et par. 320.19(5)) |
|||
Conduite durant l'interdiction | Acte criminel | Infraction sommaire | Acte criminel | Infraction sommaire |
Max. : 5 ans | Max. : 5 000 $ et 6 mois | Max. : 10 ans | Max. : 2 ans moins 1 jour |
Une personne inscrite à un programme provincial d’utilisation d’antidémarreur éthylométrique et s’y conformant ne commet pas l’infraction de conduite durant l’interdiction (nouveau par. 320.18(2)).
Actuellement, l’unique circonstance aggravante concernant les infractions commises au moyen d’un moyen de transport est prévue à l’article 255.1 du Code, soit le fait d’avoir une alcoolémie supérieure à 160 mg d’alcool/100 ml de sang. Les circonstances aggravantes prévues à l’article 718.2 du Code ne sont toutefois pas pertinentes pour les infractions en matière de transport.
Le nouvel article 320.22 du Code prévoit les circonstances aggravantes dont doit tenir compte le tribunal dans la détermination de la peine (en plus de toute autre circonstance aggravante) :
Actuellement, le paragraphe 255(5) du Code dispose que le tribunal peut absoudre une personne conformément à l’article 730, plutôt que de la déclarer coupable de l’infraction de conduite avec capacités affaiblies (art. 253), l’absolution étant accompagnée d’une ordonnance de suivre une cure de désintoxication pour abus d’alcool ou de drogue (si la preuve de la nécessité d’une telle cure est faite).
Le nouvel article 320.23 du Code prévoit plutôt la possibilité de reporter la détermination de la peine afin qu’un contrevenant reconnu coupable d’une infraction simple de conduite avec capacités affaiblies ou d’omission ou de refus d’obtempérer à un ordre donné participe à un programme de traitement approuvé par sa province de résidence. Advenant un tel report, une ordonnance d’interdiction de conduite est rendue par le tribunal pour cette période conformément aux nouveaux paragraphes 320.24(6) à 320.24(9). Si le contrevenant termine avec succès un tel programme, le tribunal n’est pas tenu d’infliger la peine minimale prévue au nouvel article 320.19 ou de rendre une ordonnance d’interdiction selon le nouvel article 320.24, mais il ne peut plus accorder l’absolution.
2.2.1.1.2.3 Ordonnances d’interdictionÀ l’heure actuelle, l’article 259 du Code dispose que le tribunal doit, en plus de la peine applicable, rendre une ordonnance interdisant au contrevenant reconnu coupable selon les articles 253 ou 254, ou absous selon l’article 730, de conduire un véhicule à moteur pour une période variant de un à trois ans pour une première infraction, de deux à cinq ans pour une deuxième infraction et de trois ans au minimum pour toute infraction subséquente (par. 259(1)).
Selon le nouveau paragraphe 320.24(1) du Code, une ordonnance semblable doit être imposée au contrevenant déclaré coupable d’une infraction simple de conduite avec capacités affaiblies ou d’omission ou de refus d’obtempérer à un ordre donné. La période d’interdiction varie entre un et trois ans pour une première infraction, entre deux et 10 ans pour une deuxième infraction et au minimum trois ans pour toute infraction subséquente (nouveau par. 320.24(2)), en plus de toute autre peine applicable. Le 16 octobre 2017, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes a amendé le projet de loi afin de préciser que l’ordonnance d’interdiction prend effet à la date de son prononcé (nouveau par. 320.24(5.1)).
Dans le cas d’une personne reconnue coupable d’une infraction de conduite avec capacités affaiblies avec une moindre concentration de drogue dans le sang (nouveau par. 320.14(4)), le tribunal peut rendre une ordonnance additionnelle lui interdisant de conduire pour une durée maximale d’un an (nouveau par. 320.24(3)).
Pour toutes les autres infractions (donc à l’exception des infractions simples de conduite avec capacités affaiblies, d’omission ou de refus d’obtempérer à un ordre donné et de conduite avec les capacités affaiblies avec une moindre concentration de drogue dans le sang), le tribunal peut rendre une ordonnance additionnelle lui interdisant de conduire (nouveau par. 320.24(4)). Cette période d’interdiction est :
De plus, le nouveau paragraphe 320.24(9) du Code dispose que toute nouvelle ordonnance d’interdiction de conduire un moyen de transport peut s’appliquer consécutivement à une ordonnance d’interdiction déjà en vigueur.
Selon le nouveau paragraphe 320.24(10) du Code, une personne ne peut être inscrite à un programme d’utilisation d’antidémarreurs éthylométriques (voir le nouveau par. 320.18(2)) qu’à l’expiration d’un certain délai - la « période minimale d’interdiction absolue » -, selon qu’il s’agit d’une première infraction ou d’une récidive. Les paragraphes 259(1.1) et 259(1.2) actuels du Code contiennent des dispositions similaires. Le tableau 7 compare les différentes périodes minimales d’interdiction absolue, actuelles et instaurées par le projet de loi.
Infraction/récidive | Droit actuel (par. 259(1.2)) |
Projet de loi C-46 (nouveau par. 320.24(10)) |
---|---|---|
Première infraction | Trois mois suivant l'imposition de la peine ou toute période supérieure que le tribunal peut fixer par ordonnance | Toute période que le tribunal peut fixer par ordonnance |
Deuxième infraction | Six mois suivant l'imposition de la peine ou toute période supérieure que le tribunal peut fixer par ordonnance | Trois mois suivant l'imposition de la peine ou une période plus longue que le tribunal peut fixer par ordonnance |
Infractions subséquentes | Douze mois suivant l'imposition de la peine ou toute période supérieure que le tribunal peut fixer par ordonnance | Six mois suivant l'imposition de la peine ou une période plus longue que le tribunal peut fixer par ordonnance |
Le nouvel article 320.25 du Code permet au juge d’ordonner la suspension de l’ordonnance d’interdiction rendue en vertu du nouvel article 320.24 si la condamnation ou la peine infligée fait l’objet d’un appel. L’actuel article 261 du Code prévoit sensiblement la même chose.
2.2.1.1.2.5 Condamnation antérieure et récidiveÀ l’heure actuelle, le paragraphe 255(4) du Code dispose qu’une personne reconnue coupable d’une infraction prévue à l’article 253 (conduite avec les capacités affaiblies) ou au paragraphe 254(5) (refus ou omission d’obtempérer à un ordre donné) est réputée avoir récidivé si elle a antérieurement été reconnue coupable :
En vue de la détermination de la peine à l’égard d’une infraction simple de conduite avec capacités affaiblies ou d’omission ou de refus d’obtempérer à un ordre donné, le nouvel article 320.26 du Code dispose qu’il sera tenu compte de toute condamnation antérieure à l’égard :
Le nouveau paragraphe 320.27(1) reprend sensiblement ce que prévoit actuellement le paragraphe 254(2) du Code. Selon ces dispositions, un agent de la paix peut (sur la route), lorsqu’il a des motifs raisonnables de soupçonner la présence d’alcool dans l’organisme d’une personne qui aurait conduit un moyen de transport dans les trois heures précédentes, lui ordonner de subir les épreuves de coordination des mouvements 49 ou, selon le cas, de fournir des échantillons d’haleine au moyen d’un appareil de détection approuvé, ou les deux. Lorsqu’un agent de la paix a des motifs raisonnables de soupçonner la présence de drogue, il peut lui ordonner de subir les épreuves de coordination des mouvements ou, selon le cas, de fournir les échantillons d’une substance corporelle à l’aide du matériel de détection des drogues approuvé, ou les deux.
2.2.1.2.1.1 Dépistage obligatoireLe nouveau paragraphe 320.27(2) confère à l’agent de la paix le pouvoir d’effectuer des dépistages aléatoires sur le bord de la route pour détecter la présence d’alcool dans l’organisme, sans qu’il ait de motifs raisonnables de soupçonner la commission d’une infraction. Une telle disposition n’est toutefois pas prévue pour la détection de la drogue 50.
La disposition relative au dépistage obligatoire (qu’on appelle aussi le « contrôle aléatoire de l’alcoolémie » ou la « vérification préliminaire ») qui figure dans le projet de loi C-46 correspond au modèle adopté par l’Australie, considéré comme le pays précurseur en matière de dépistage obligatoire 51. C’est ce que l’on appelle dans ce pays le dépistage obligatoire « mobile ».
Cette disposition du projet de loi comprend peu de conditions. Elle prévoit que l’agent de la paix doit : i) avoir en sa possession un appareil de détection et ii) agir dans « l’exercice légitime de ses pouvoirs en vertu d’une loi fédérale, d’une loi provinciale ou de la common law ».
Il existe également d’autres solutions de rechange au modèle proposé dans le projet de loi C-46, par exemple :
Même si des études ont démontré l’efficacité des contrôles routiers aléatoires pour réduire le nombre d’accidents causés par la conduite avec les capacités affaiblies, elles ont également souligné l’importance de mesures d’accompagnement, comme une présence policière accrue ainsi que des campagnes de sensibilisation du public à l’échelle provinciale et nationale 54.
Par suite d’un amendement adopté par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le 21 mai 2018 55 (puis confirmé par la Chambre du Sénat en troisième lecture après qu’un amendement contraire a été défait) 56, le nouveau paragraphe 320.27(2) avait été retiré du projet de loi. Dans son message au Sénat, la Chambre des communes a rejeté cet amendement au motif que « le dépistage obligatoire de l’alcool est une mesure de sécurité routière éprouvée qui aura un effet dissuasif sur la conduite avec facultés affaiblies et sauvera des vies 57 ». En conséquence, la disposition concernant le dépistage obligatoire a été réintroduite dans la version du projet de loi ayant reçu la sanction royale.
Les nouveaux paragraphes 320.28(1) et 320.28(2) prévoient le prélèvement d’échantillons d’haleine ou de sang lorsqu’un agent de la paix a des motifs raisonnables de croire :
De plus, en ce qui concerne la drogue, le nouveau paragraphe 320.28(2) prévoit la possibilité que la personne doive se soumettre à une évaluation réalisée par un expert en reconnaissance de drogues 58.
Le nouveau paragraphe 320.28(3) s’applique dans le cas où une personne n’a pas reçu d’ordre en vertu du paragraphe 320.28(1) lorsqu’un agent évaluateur a des motifs raisonnables de soupçonner qu’elle a de l’alcool dans son organisme. L’agent évaluateur pourra alors ordonner le prélèvement d’échantillons d’haleine.
Le nouveau paragraphe 320.28(4) s’applique dans le cas où, une fois l’évaluation terminée, l’agent évaluateur a des motifs raisonnables de croire qu’un ou plusieurs types de drogues énoncés au paragraphe 320.28(5), en combinaison ou non avec de l’alcool, ont affaibli la capacité de cette personne de conduire un moyen de transport. Il peut alors lui ordonner de fournir des échantillons soit de liquide buccal, d’urine ou de sang. Les types de drogues visés sont les dépresseurs, les inhalants, les anesthésiques dissociatifs, le cannabis, les stimulants, les hallucinogènes et les analgésiques narcotiques.
Les nouveaux paragraphes 320.28(6) à 320.28(10) précisent certains paramètres relatifs aux échantillons sanguins.
Les nouveaux articles 320.29 et 320.3 prévoient la possibilité qu’un juge de paix décerne, par téléphone ou tout autre moyen de télécommunication, un mandat autorisant le prélèvement d’un échantillon sanguin afin d’établir l’alcoolémie ou la concentration de drogue dans le sang d’une personne, ou les deux. Cette demande doit être faite suivant les modalités prévues à l’article 320.29, dont une des conditions est que la personne se trouve dans un état physique ou psychologique ne lui permettant pas de consentir au prélèvement de son sang.
Comparativement à l’actuel alinéa 256(1)a) du Code, le projet de loi fait passer de quatre à huit heures la période pendant laquelle il existe des motifs raisonnables de croire que la personne a conduit un moyen de transport impliqué dans un accident ayant entraîné des lésions corporelles à elle-même ou à un tiers, ou la mort de celui-ci. De plus, les nouvelles dispositions ne précisent plus si l’incapacité physique ou psychologique à consentir au prélèvement de son sang doit être le résultat de l’absorption d’alcool ou de drogue, comme c’est le cas à l’actuel sous-alinéa 256(1)b)(i) du Code.
Les nouveaux articles 320.31 à 320.35 décrivent différentes présomptions légales et les procédures en matière de preuve applicables aux infractions de conduite avec capacités affaiblies, pour ce qui est :
Le nouveau paragraphe 320.31(1) du Code prévoit une présomption d’exactitude des résultats de l’analyse des échantillons d’haleine, c’est-à-dire que l’alcoolémie de la personne au moment de l’analyse est présumée correspondre aux résultats. Certaines conditions doivent être réunies :
Le nouveau paragraphe 320.32(1) du Code dispose que le certificat de l’analyste, du technicien qualifié ou du médecin décrivant les procédures effectuées à l’égard d’un prélèvement fait preuve des faits allégués. Enfin, le nouvel article 320.33 énonce que le document imprimé par l’éthylomètre approuvé fait preuve des faits allégués.
Dans l’affaire R. c. St-Onge Lamoureux, la Cour suprême avait confirmé que le Parlement pouvait, sans contrevenir à la Charte canadienne des droits et libertés 60, exclure la défense des deux bières comme moyen de preuve permettant à lui seul de mettre en doute les résultats de l’alcootest 61. En plus de la défense des deux bières, l’accusé doit donc présenter une preuve visant directement l’utilisation ou le fonctionnement de l’éthylomètre. La Cour a ainsi précisé les éléments que peut soulever la défense pour réfuter la présomption d’exactitude :
Bien que le législateur exige maintenant une preuve tendant à établir une défaillance dans le fonctionnement ou l’utilisation de l’appareil, cela ne limite pas pour autant les éléments qui peuvent être raisonnablement utilisés par la personne accusée pour soulever un doute sur ces aspects. En effet, les personnes accusées peuvent demander communication des éléments pertinents qui sont raisonnablement disponibles pour leur permettre de faire valoir une défense réelle. En cas de refus, la personne accusée peut invoquer les règles régissant la communication de la preuve ainsi que les réparations qui peuvent être accordées à cet égard (voir R. c. O’Connor, [1995] 4 RCS 411). Bref, la personne accusée pourrait par exemple soit se fonder sur des relevés d’entretien de l’appareil révélant que celui-ci n’a pas été entretenu correctement ou sur des admissions du technicien concernant l’obtention de résultats erratiques, soit faire valoir des problèmes de santé ayant un effet sur le fonctionnement de l’appareil 62.
Selon le document d’information de 2015 du ministère de la Justice, la décision de la Cour suprême dans l’affaire R. c. St-Onge Lamoureux :
a résulté en un flot de demandes présentées par la défense pour la divulgation des manuels et des dossiers d’entretien et d’autres documents afférents à l’entretien des instruments approuvés. Ces conséquences inattendues de la décision de la Cour ont effectivement fait augmenter le temps que consacrent les tribunaux aux affaires de conduite avec facultés affaiblies 63.
Le projet de loi C-46 encadre la communication de la preuve que le ministère public doit divulguer à la défense. Le nouveau paragraphe 320.34(1) du Code dispose que le poursuivant doit communiquer à l’accusé les renseignements suivants :
- le résultat du test à blanc;
- le résultat du test d’étalonnage;
- les messages indiquant une exception ou une erreur produits par l’éthylomètre approuvé au moment de la prise de l’échantillon;
- le résultat de l’analyse de l’échantillon d’haleine de l’accusé;
- le certificat de l’analyste attestant que l’échantillon de l’alcool type indiqué dans le certificat convient pour l’utilisation avec l’éthylomètre approuvé.
Le tribunal, sur demande de l’accusé, peut également « tenir une audience en vue de décider si d’autres renseignements devraient être communiqués ». Le tribunal doit décider si les renseignements demandés par la défense sont vraisemblablement pertinents pour démontrer le bon fonctionnement de l’éthylomètre approuvé (nouveau par. 320.34(3) du Code). Afin de tenter de restreindre les délais, le projet de loi instaure des balises de temps pour tenir cette audience, soit au moins 30 jours avant la date fixée pour le procès (nouveau par. 320.34(4) du Code).
En matière d’analyse sanguine, le nouveau paragraphe 320.31(2) du Code prévoit une présomption d’exactitude des résultats d’analyse des échantillons de sang, c’est-à-dire que l’alcoolémie ou la concentration de drogue dans le sang de la personne au moment de l’analyse est présumée correspondre aux résultats. Alors que le nouveau paragraphe 320.31(2) prévoit pour l’accusé la possibilité de présenter une preuve tendant à démontrer que l’analyse sanguine a été effectuée incorrectement, le nouveau paragraphe 320.31(3) décrit les éléments qui ne constituent pas une telle preuve.
Le nouveau paragraphe 320.31(5) donne également suite à la décision R. c. Bingley afin de rendre admissible en preuve l’opinion de l’agent évaluateur sans qu’il soit nécessaire de démontrer sa qualité d’expert.
Une présomption d’identité est prévue aux nouveaux alinéas 320.14(1)b) et 320.14(1)d), ainsi qu’aux nouveaux paragraphes 320.14(4) et 320.31(4) du Code, soit que l’alcoolémie de la personne dans les deux heures suivant le moment où elle a cessé de conduire un moyen de transport est présumée correspondre de façon concluante à l’alcoolémie établie par les résultats d’analyse (échantillons d’haleine ou sanguins). Dans le cas où les prélèvements sont faits plus de deux heures après que la personne a cessé de conduire un moyen de transport, les résultats seront majorés de 5 mg pour chaque période de 30 minutes excédant ces deux heures. À la suite d’amendements, l’application de cette présomption a été limitée aux situations où l’alcoolémie de la personne est égale ou supérieure à 20 mg d’alcool/100 ml de sang.
Les défenses du « dernier verre » et du « verre d’après » ne remettent pas en doute le fonctionnement de l’éthylomètre et la présomption d’exactitude. Elles s’attaquent plutôt à la présomption d’identité. Par l’effet combiné du nouvel alinéa 320.14(1)b) du Code et l’abrogation de l’alinéa 258(1)d.1) actuel du Code, le projet de loi élimine complètement la défense du « dernier verre 64 ».
De plus, le projet de loi limite la défense du « verre d’après » aux situations où l’accusé est de bonne foi. Plus précisément, le nouveau paragraphe 320.14(5) du Code dresse la liste des exigences qui donnent ouverture à cette défense :
Par ailleurs, le projet de loi C-46 limite aussi les défenses semblables à la défense du « verre d’après » en ce qui concerne la consommation de drogue (nouveau par. 320.14(6) du Code) et la consommation combinée de drogue et d’alcool (nouveau par. 320.14(7) du Code).
En matière de conduite avec capacités affaiblies par l’effet d’une drogue, le nouveau paragraphe 320.31(6) prévoit une autre présomption d’identité concernant la présence de drogues dans l’organisme de la personne, soit que :
Dans le cadre des poursuites pour conduite avec capacités affaiblies et d’omission ou refus d’obtempérer à un ordre donné (nouveaux art. 320.14 et 320.15), le nouvel article 320.35 prévoit une présomption de conduite. Ainsi, dès qu’il est démontré que l’accusé occupait la place ou la position ordinairement occupée par la personne qui conduit le moyen de transport, il est présumé l’avoir conduit (sauf preuve du contraire). L’alinéa 258(1)a) actuel du Code prévoit une disposition similaire, mais le libellé précise plutôt que l’accusé est « réputé en avoir eu la garde ou le contrôle ».
Selon l’arrêt R. c. Appleby de la Cour suprême, l’accusé doit s’acquitter du fardeau de la preuve par une prépondérance de preuve ou par une balance des probabilités, et non seulement en soulevant un doute raisonnable, afin de réfuter cette présomption 65.
Le nouvel article 320.36 interdit d’utiliser les substances corporelles obtenues et d’utiliser ou de partager les résultats de leur analyse à des fins non autorisées 66. Commet une infraction (sommaire) quiconque contrevient à cette disposition.
Le nouvel article 320.38 autorise le gouverneur en conseil à prendre des règlements afin :
Le nouvel article 320.39 précise les types d’instruments, de contenants et de matériel que doit approuver par le procureur général du Canada par arrêté :
Le 16 octobre 2017, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes a amendé le projet de loi en ajoutant l’article 31.1. Cette disposition prévoit que le ministre de la Justice et procureur général du Canada doit, dans les trois ans suivant l’entrée en vigueur de cette disposition, effectuer un examen approfondi de la mise en œuvre et de l’application des dispositions édictées par la loi et établir un rapport exposant ses conclusions et recommandations. Ce rapport doit être déposé devant le Parlement. Par suite d’un amendement adopté par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le 23 mai 2018, cette disposition précise maintenant que ce rapport doit comprendre une évaluation du traitement différent de tout groupe de personnes fondé sur un motif de distinction illicite, le cas échéant.
Les articles 32 à 38 du projet de loi ont pour fonction d’assurer la transition entre les procédures et les procès amorcés sous le régime actuel, au moment de l’entrée en vigueur du projet de loi. À compter de ce moment, les nouvelles dispositions du Code s’appliqueront.
Le projet de loi C-46 apporte plusieurs modifications corrélatives à d’autres lois, comme la Loi sur les douanes 67, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition 68, ainsi que la Loi sur le casier judiciaire 69. Il s’agit essentiellement de modifications de forme qui reproduisent dans ces autres lois les changements apportés au Code criminel en ce qui concerne les infractions relatives aux moyens de transport.
Il faut noter que le projet de loi C-46 (art. 42) se distingue ici des projets de loi C-73 et C-226 qui prévoyaient une modification de fond à la Loi sur le casier judiciaire. Les projets de loi C-73 et C-226 proposaient d’abroger l’exception actuelle qui permet à une personne de conserver son pardon (maintenant appelé « suspension du casier judiciaire ») si elle est subséquemment reconnue coupable de conduite avec capacités affaiblies 70. Le projet de loi C-46 maintient cette exception.
L’article 51 du projet de loi coordonne l’entrée en vigueur des paragraphes 7(1) et 7(3) du projet de loi C-46 avec les paragraphes 10(3) et 10(4) du projet de loi C-39, Loi modifiant le Code criminel (dispositions inconstitutionnelles) et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois 71. Ces dispositions concernent l’alinéa 258(1)d) du Code, qui fait l’objet de modifications dans les deux projets de loi. L’article 258 du Code prévoit un régime de présomptions légales qui dispense la Couronne de faire la preuve de certains éléments dans le cadre d’une poursuite en vertu de l’article 255 du Code (infractions de conduite avec les capacités affaiblies).
Pour sa part, le projet de loi C-39 modifie le Code afin d’éliminer et d’abroger des passages et des dispositions déclarés inconstitutionnels par la Cour suprême du Canada. Il faut aussi noter que l’article 25 du projet de loi C-39 coordonne l’entrée en vigueur de cette même disposition avec l’entrée en vigueur potentielle du projet de loi C-226.
Dans l’affaire R. c. St-Onge Lamoureux, la Cour suprême a conclu que certains passages de l’alinéa 258(1)c) sont inconstitutionnels. Bien que la constitutionnalité de l’alinéa 258(1)d) n’ait pas été contestée dans cette affaire, le paragraphe 10(3) du projet de loi C-39 y apporte une modification similaire puisque cette disposition contient un libellé semblable à celui de l’alinéa 258(1)c).
Selon toute probabilité, le projet de loi C-39 et la partie 1 du projet de loi C-46 pourraient recevoir la sanction royale et entrer en vigueur dans un avenir proche, mais pas nécessairement en même temps. Les dispositions de coordination s’appliqueront dans un tel cas. Au bout du compte, la version de l’alinéa 258(1)d) prévue à la partie 1 du projet de loi C-46 aura force de loi jusqu’à ce que la partie 2 de ce même projet de loi entre en vigueur et entraîne l’abrogation de cette disposition et de toutes les autres dispositions du Code criminel relatives aux infractions en matière de transport. Les modifications proposées dans les deux projets de loi sont toutefois presque identiques, mais celles prévues dans le projet de loi C-46 intègrent simplement des modifications apportées à d’autres dispositions.
L’article 52 prévoit que les dispositions de la partie 2 du projet de loi entrent en vigueur le 180e jour suivant la date à laquelle le projet de loi recevra la sanction royale.
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
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