Résumé législatif du projet de loi C-52 : Loi modifiant le chapitre 6 des Lois du Canada (2012)

Résumé Législatif
Résumé législatif du projet de loi C-52 : Loi modifiant le chapitre 6 des Lois du Canada (2012)
Tanya Dupuis, Division des affaires juridiques et sociales
Chloé Forget, Division des affaires juridiques et sociales
Maxime-Olivier Thibodeau, Division de l'économie, des ressources et des affaires internationales
Publication no 42-1-C52-F
PDF 351, (15 Pages) PDF
2018-05-08

1  Contexte

Le 9 juin 2017, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, l'honorable Ralph Goodale, a présenté à la Chambre des communes le projet de loi C-52, Loi modifiant le chapitre 6 des Lois du Canada (2012) (titre subsidiaire : « Loi visant à soutenir les droits acquis en matière d'accès à l'information ») 1.

Le projet de loi C-52 modifie la Loi sur l'abolition du registre des armes d'épaule 2 (LARA) de manière à abroger les modifications qui y avaient été apportées par la Loi no 1 sur le plan d'action économique de 2015 3. Le projet de loi a pour effet de rétablir de manière rétroactive l'application de la Loi sur l'accès à l'information 4 (LAI) et de la Loi sur la protection des renseignements personnels 5 (LPRP) aux registres relatifs à l'enregistrement des armes à feu sans restriction et cela, jusqu'à la date de la sanction du projet de loi. Veuillez noter que l'article 4 du projet de loi définit la notion de « registres » comme les « registres et fichiers visés aux paragraphes 29(1) ou (2) de la LARA », à savoir les registres et fichiers relatifs à l'enregistrement des armes à feu autres que les armes à feu prohibées ou les armes à feu à autorisation restreinte qui se trouvent dans le Registre canadien des armes à feu (RCAF) et toute copie de ces fichiers ou registres. Ainsi, le résumé législatif utilise le terme « registres » dans ce même sens.

Le projet de loi prévoit par ailleurs que la LAI et la LPRP continuent de s'appliquer aux procédures engagées en vertu de ces lois concernant les registres relatifs à l'enregistrement des armes à feu sans restriction avant la date de sanction de la présente loi, et ce, tant que ces procédures n'ont pas été conclues ou fait l'objet d'une décision finale de l'autorité compétente.

Enfin, le projet de loi prévoit que le commissaire aux armes à feu est tenu de fournir une copie des registres relatifs à l'enregistrement des armes à feu sans restriction au gouvernement du Québec si ce dernier en fait la demande.

1.1  Historique de la Loi sur les armes à feu

La Loi sur les armes à feu (LAF) a été adoptée en 1995 par le Parlement fédéral. La LAF et ses règlements connexes régissent la possession, le transport, la cession et l'entreposage des armes à feu. Elle constitue un complément de la partie III du Code criminel (le Code) intitulée « Armes à feu et autres armes ». Cette partie du Code énumère et définit les catégories d'armes à feu et les infractions relatives à la possession illégale ou à l'usage abusif d'une arme à feu. L'article 84 du Code énonce notamment les définitions des trois principales catégories d'armes à feu :

  • les armes à feu à autorisation restreinte;
  • les armes à feu prohibées;
  • les armes à feu sans restriction (définies comme les armes qui ne sont ni des armes à feu prohibées ni des armes à feu à autorisation restreinte).

L'entrée en vigueur de la LAF a mené à la mise en place d'un régime de contrôle des armes à feu qui a assujetti tous les détenteurs d'armes à feu à l'obligation d'obtenir un permis et d'enregistrer leurs armes. Créé en 1996, le Programme canadien des armes à feu (PCAF) veille à l'application de la LAF et de ses règlements connexes 6. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) est responsable du PCAF depuis 2006 et fait rapport de ses activités par l'intermédiaire du commissaire aux armes à feu 7. Le PCAF fournit un soutien opérationnel par l'entremise de sa base de données, le Système canadien d'information relatif aux armes à feu (SCIRAF). Le RCAF est un sous-ensemble des renseignements contenus dans le SCIRAF et vise à appuyer le travail des policiers et à leur permettre de mieux évaluer les risques lorsqu'ils répondent à des appels ou mènent des enquêtes 8.

En 2000, dans le Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu (Can.), la Cour suprême du Canada a étudié la question de la constitutionnalité des dispositions de la LAF qui visent la délivrance de permis et l'enregistrement des armes à feu. La Cour a alors statué qu'en vertu de la compétence en matière de droit criminel du Parlement fédéral, celui-ci avait compétence pour édicter la LAF, notamment parce que cette dernière concerne le contrôle des armes à feu dans un objectif de sécurité publique 9.

1.2  L'abolition du registre des armes à feu

En avril 2012, la LARA est entrée en vigueur. Cette loi a limité l'obligation d'enregistrement à deux catégories d'armes à feu : les armes à feu à autorisation restreinte et les armes à feu prohibées. Ainsi, la LARA a fait disparaître l'obligation d'enregistrer les armes à feu sans restriction. Ces armes à feu comprennent normalement les armes d'épaule, les fusils de chasse ordinaires et les fusils de chasse qui n'ont pas été modifiés (art. 84 du Code).

De manière générale, la LARA a modifié la LAF et le Code de manière à refléter le fait que l'enregistrement des armes à feu sans restriction n'était plus exigé.

Ainsi, le paragraphe 29(1)  de la LARA prévoit que le commissaire aux armes à feu doit veiller à ce que tous les registres relatifs à l'enregistrement des armes à feu autres que les armes à feu prohibées ou les armes à feu à autorisation restreinte qui se trouvent dans le RCAF, ainsi que toute copie de ceux-ci qui relève de lui soient détruits 10.

De la même manière, le paragraphe 29(2) de la LARA prévoit que chaque contrôleur des armes à feu doit veiller à la destruction de tous les registres et fichiers relatifs à l'enregistrement des armes à feu autres que les armes à feu prohibées ou les armes à feu à autorisation restreinte qui relèvent de lui, ainsi que de toute copie de ceux-ci qui relève de lui.

Enfin, le paragraphe 29(3) de la LARA a précisé que les exigences relatives à la conservation des renseignements énoncées aux articles 12 et 13 de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada 11 et aux paragraphes 6(1) et 6(3) de la LPRP ne s'appliquent pas à la destruction des registres et copies de registres relatifs à l'enregistrement des armes à feu sans restriction 12.

1.3  Jugement de la Cour suprême dans Québec (Procureur général) c. Canada (Procureur général)

Dès que le projet de loi C-19 créant la LARA 13 a été déposé au Parlement, le Québec a fait savoir qu'il souhaitait créer son propre registre des armes à feu et a demandé au gouvernement fédéral de lui fournir les données du RCAF qui concernent le Québec 14. Cette demande a été refusée par le gouvernement fédéral. Le Québec a alors contesté la constitutionnalité de la LARA et a « sollicité une ordonnance enjoignant au gouvernement fédéral de […] lui transmettre [les données en question] 15 ». En mars 2015, dans Québec (Procureur général) c. Canada (Procureur général), la Cour suprême du Canada a statué, dans un jugement rendu à cinq contre quatre, que l'article 29 de la LARA, qui exige la destruction de tous les fichiers relatifs à l'enregistrement des armes sans restriction qui se trouvent dans les registres, « est un exercice licite de la compétence législative en matière de droit criminel conférée au Parlement par la Constitution » et que « le Québec n'a pas droit aux données 16 ».

En avril 2015, la GRC a procédé à la destruction des registres et fichiers d'enregistrement d'armes à feu sans restriction pour les résidents du Québec. Néanmoins, une copie de ces registres et fichiers a été conservée dans le cadre d'un autre litige 17, expliqué subséquemment dans le présent résumé législatif.

1.4  Les modifications de la Loi sur l'abolition du registre des armes d'épaule

En juin 2015, le projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en œuvre d'autres mesures (Loi no 1 sur le plan d'action économique de 201518 a obtenu la sanction royale.

L'article 230 de la Loi no 1 sur le plan d'action économique de 2015 a modifié l'article 29 de la LARA qui concerne la destruction des registres relatifs à l'enregistrement des armes à feu sans restriction (et de toute copie de ces registres) de manière à :

  • réitérer que les exigences relatives à l'élimination de documents énoncées aux articles 12 et 13 de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada ne s'appliquent pas à la destruction des registres relatifs à l'enregistrement d'armes d'épaule (nouveau par. 29(3) de la LARA);
  • préciser que la LAI ne s'applique pas à la destruction des registres relatifs à l'enregistrement des armes d'épaule (nouveau par. 29(4) de la LARA). L'application de cette disposition était rétroactive au 25 octobre 2011, date à laquelle la LARA a été déposée en tant que projet de loi C-19 et a franchi l'étape de la première lecture;
  • préciser que la LPRP ne s'applique pas à la destruction de ces registres (nouveau par. 29(5) de la LARA). L'application de cette disposition était rétroactive au 25 octobre 2011, date à laquelle la LARA a été déposée en tant que projet de loi C-19 et a franchi l'étape de la première lecture.
  • spécifier que toute procédure existante le 25 octobre 2011 ou après cette
    date – notamment toute demande, plainte, enquête, recours en révision, révision judiciaire ou appel – relative à tout acte ou toute chose mentionnés aux paragraphes 29(4) ou 29(5) et découlant de l'application de la LAI ou de la LPRP doit être déterminée en conformité avec les nouvelles dispositions (nouveau par. 29(6) de la LARA).
  • préciser que les paragraphes 29(1) et 29(2) de la LARA sur la destruction des registres et copies l'emportent sur toute autre loi fédérale et que la destruction doit être effectuée indépendamment de toute exigence relative à la conservation de documents prévue dans toute autre loi fédérale (nouveau par. 29(7) de la LARA19.

L'article 231 de la Loi no 1 sur le plan d'action économique de 2015 a remplacé l'ancien article 30 de la LARA par de nouvelles dispositions afin de préciser que la Couronne bénéficie de l'immunité en matière administrative, civile ou pénale relativement à la destruction des registres et copies. Le nouveau paragraphe 30(2) précise en effet que la Couronne bénéficie de l'immunité en matière administrative, civile ou pénale pour tout acte ou omission commis en vue de l'observation présumée de la LAI ou de la LPRP entre la date à laquelle le projet de loi C-19 a été déposé, soit le 25 octobre 2011, et le jour de l'entrée en vigueur de ce nouveau paragraphe 20.

1.5  Le droit d'accès à l'information de l'administration fédérale

Entrée en vigueur en 1983, la LAI est une loi de nature quasi constitutionnelle 21. Elle a pour objet « d'élargir l'accès aux documents de l'administration fédérale 22 ». Le paragraphe 4(1) de la LAI accorde un droit d'accès aux documents relevant d'une institution fédérale 23 aux citoyens canadiens et aux résidents permanents visés par la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés 24. La LAI prévoit des exceptions ainsi que des exclusions au droit d'accès 25. De plus, la LAI établit le poste de commissaire à l'information du Canada, un haut fonctionnaire du Parlement qui mène des enquêtes sur les plaintes liées à l'exercice du droit d'accès à l'information 26. Les articles 67 et 67.1 de la LAI prévoient des infractions relatives à l'entrave au travail du commissaire à l'information et au droit d'accès.

1.5.1  Le rapport spécial de la commissaire à l'information

En mai 2015, la commissaire à l'information a présenté un rapport spécial au Parlement intitulé Enquête sur une demande d'accès à l'information concernant le registre des armes d'épaule 27. Dans son rapport, la commissaire informe le Parlement de l'enquête qu'elle a menée à la suite de la réception d'une plainte relative à une demande d'accès à l'information concernant les données du registre des armes d'épaule. Voici les principaux faits relatifs à cette enquête qui sont relatés dans le rapport spécial :

  • La demande d'accès à l'information a été soumise en mars 2012. La demande visait « la base de données du registre d'armes à feu ».
  • En avril 2012, la commissaire à l'information a écrit au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de l'époque afin de l'informer que :
    • tous les documents sujets à une demande d'accès à l'information en vertu de la LAI sont assujettis au droit d'accès;
    • ces documents ne peuvent être détruits avant qu'une réponse n'ait été donnée en vertu de la LAI et que toute enquête relative à la demande d'accès et toute procédure judiciaire afférente ne soient terminées.
  • En mai 2012, le Ministre a répondu à la lettre de la commissaire, lui indiquant que le droit d'accès prévu à l'article 4 de la LAI sera respecté par la GRC.
  • En octobre 2012, « la GRC a détruit tous ses dossiers électroniques d'armes à feu sans restrictions, à l'exception de ceux concernant les résidents du Québec ».
  • En janvier 2013, le demandeur a reçu une réponse de la GRC à sa demande d'accès.
  • En février 2013, le demandeur a soumis une plainte au Commissariat à l'information alléguant notamment que les renseignements fournis par la GRC étaient incomplets et que la GRC, en détruisant les données répondant à la demande, avait entravé le droit d'accès du plaignant (art. 67.1 de la LAI).
  • À l'issue de l'enquête, la commissaire à l'information :
    • a conclu que la plainte était bien fondée, a constaté que la réponse de la GRC était incomplète et a fait des recommandations à cet égard, notamment la communication d'informations supplémentaires;
    • a conclu que la GRC avait détruit des documents répondant à la demande alors qu'elle savait que ces documents étaient sujets au droit d'accès garanti par le paragraphe 4(1) de la LAI;
    • a « soumis l'affaire au procureur général du Canada [en mars 2015] pour l'obstruction possible au droit d'accès aux termes de l'article 67.1 de la Loi ».

Dans son rapport spécial, la commissaire a précisé que

les modifications proposées dans le projet de loi C-59 [Loi no 1 sur le plan d'action économique de 2015] auront pour effet de répudier le droit d'accès du plaignant, de répudier ses recours devant les tribunaux et de dégager la responsabilité potentielle de la Couronne.

Finalement, la commissaire a fait savoir qu'elle déposerait, en vertu de l'article 42 de la LAI, une demande à la Cour fédérale, ce qu'elle a fait.

1.5.2  Litiges en cours

En mai 2015, la commissaire à l'information a présenté, avec le consentement du plaignant, une « demande de révision judiciaire devant la Cour fédérale concernant le refus du ministre de traiter ces fichiers supplémentaires du registre des armes d'épaule 28 ». La commissaire avait obtenu au préalable « une ordonnance judiciaire de la cour enjoignant au ministre de la Sécurité publique et au commissaire de la GRC de remettre le disque dur contenant les fichiers restants du registre des armes d'épaule au greffe de la Cour fédérale 29 ».

En juin 2015, la commissaire et le demandeur ont déposé une demande devant la Cour supérieure de justice de l'Ontario visant à contester la constitutionnalité des modifications apportées à la LARA par l'adoption de la Loi no 1 sur le plan d'action économique de 2015 30 au motif que ces modifications portent atteinte de manière injustifiée au paragraphe 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés qui protège la liberté d'expression et qu'elles vont à l'encontre de la primauté du droit en raison de leurs effets rétroactifs 31.

Par conséquent, en juillet 2015, dans l'attente d'une décision de la Cour supérieure de justice de l'Ontario, la demande de la commissaire devant la Cour fédérale a été reportée 32.

En mars 2016, le ministre de la Sécurité publique nommé à la suite du changement de gouvernement « a demandé à la commissaire l'autorisation de suspendre la poursuite déposée devant la Cour supérieure de l'Ontario, ainsi que la demande de révision judiciaire connexe déposée devant la Cour fédérale, afin d'engager des pourparlers en vue de régler le litige 33 ». La commissaire à l'information et le plaignant ont accepté cette demande. Les négociations visent donc « à résoudre tous les litiges en cours liés à la demande d'accès sous-jacente du plaignant à des fichiers du registre des armes d'épaule 34 ».

Selon le rapport annuel 2016-2017 de la commissaire présenté en juin 2017, ces négociations sont toujours en cours 35.

2  Description et analyse

Le projet de loi C-52 abroge, avec effet rétroactif, des modifications qui avaient été apportées à la LARA par la Loi no 1 sur le plan d'action économique de 2015.

2.1  Rétablissement du paragraphe 29(3) de la Loi sur l'abolition du registre des armes d'épaule (par. 2(1) du projet de loi)

Le paragraphe 2(1) du projet de loi a pour effet d'annuler rétroactivement les modifications qui avaient été apportées au paragraphe 29(3) de la LARA par la Loi no 1 sur le plan d'action économique de 2015. Ainsi, le libellé du paragraphe 29(3) de la LARA revient à sa forme originale qui prévoyait que les exigences relatives à la conservation des renseignements prévues aux articles 12 et 13 de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada et aux paragraphes 6(1) et 6(3) de la LPRP ne s'appliquent pas à la destruction des registres.

2.2  Application de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels (par. 2(2) et art. 4, 5 et 6 du projet de loi)

Le paragraphe 2(2) du projet de loi a pour effet d'annuler rétroactivement les paragraphes 29(4) à 29(7) qui avaient été ajoutés à la LARA par la Loi no 1 sur le plan d'action économique de 2015.

Dans un premier temps, le paragraphe 2(2) du projet de loi rétablit de manière rétroactive l'application de la LAI et de la LPRP aux données contenues dans les registres et leurs copies. Ainsi, les nouveaux paragraphes 29(4) et 29(5) ajoutés à la LARA par la Loi no 1 sur le plan d'action économique de 2015 qui faisaient en sorte que la LAI et la LPRP ne s'appliquaient pas aux registres de manière rétroactive au 25 octobre 2011 sont réputés n'être jamais entrés en vigueur.

Le paragraphe 5(1) du projet de loi précise que la LAI et la LPRP cesseront de s'appliquer aux registres et copies à partir de la date d'entrée en vigueur du projet de loi. Aux termes de la définition énoncée à l'article 4 du projet de loi, la date d'entrée en vigueur est la date de sanction du projet de loi.

Dans un deuxième temps, le paragraphe 2(2) du projet de loi rétablit de manière rétroactive l'application de la LAI et de la LPRP aux procédures qui ont été engagées en vertu de ces lois avant la date de sanction du projet de loi, tant que ces procédures n'ont pas été conclues ou fait l'objet d'une décision. Pris ensemble, les nouveaux paragraphes 29(4) à 29(6) de la LARA ajoutés par la Loi no 1 sur le plan d'action économique de 2015 avaient eu pour effet de rendre sans fondement les procédures engagées aux termes de la LAI et de la LPRP étant donné que ces lois ne s'appliquaient plus aux registres de manière rétroactive au 25 octobre 2011.

L'article 6 du projet de loi précise que la LPRP, à l'exception de ses paragraphes 6(1) et 6(3), et la LAI « continuent de s'appliquer relativement à toute procédure désignée et aux plaintes, enquêtes, recours en révision, révisions judiciaires ou appels qui découlent d'une procédure désignée » concernant les registres, copies et renseignements personnels. L'article 4 du projet de loi définit une procédure désignée de la manière suivante :

Toute procédure – notamment les demandes, plaintes, enquêtes, recours en révision, révisions judiciaires ou appels – qui est engagée sous le régime de la Loi sur l'accès à l'information ou de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui est relative aux registres, copies ou renseignements personnels et qui, selon le cas :

  1. a été introduite ou a débuté au plus tard le 22 juin 2015 et n'a pas été conclue ou à l'égard de laquelle aucune décision n'a encore été prise à cette date;
  2. a été introduite ou a débuté après le 22 juin 2015, mais avant la date d'entrée en vigueur.

Il est à noter que le paragraphe 6(4) du projet de loi spécifie que tous les registres et fichiers relatifs à l'enregistrement des armes à feu autres que les armes à feu prohibées ou les armes à feu à autorisation restreinte qui se trouvent dans le RCAF ou toute copie de ces fichiers ou registres ne peuvent être détruits « avant le prononcé d'une décision définitive [par l'autorité compétente] à l'égard de l'ensemble des procédures qui y sont visées ou le règlement ou l'abandon de celles-ci ».

2.3  Immunité de la Couronne (art. 3 du projet de loi)

L'article 3 du projet de loi abroge de manière rétroactive l'article 30 de la LARA, en précisant que cet article est réputé n'être jamais entré en vigueur. L'article 30 de la LARA avait été modifié par la Loi no 1 sur le plan d'action économique de 2015 afin de préciser que la Couronne bénéficie de l'immunité en matière administrative, civile ou pénale relativement à la destruction des registres, fichiers et copies. Ainsi, en vertu de l'article 3 du projet de loi, la Couronne ne bénéficie plus de cette immunité et pourrait être reconnue coupable d'infractions pénales, telles que celle prévue à l'article 67.1 de la LAI.

2.4  Modification permettant au commissaire à l'information de prendre connaissance de documents (art. 7 du projet de loi)

L'article 7 du projet de loi permet au commissaire à l'information de consulter tout document qui se trouvait dans le RCAF le 3 avril 2015, en vue du règlement du litige Commissaire à l'information du Canada c. Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile 36 présentement devant la Cour fédérale. En avril 2015, la GRC avait procédé à la destruction des registres relatifs aux armes à feu sans restriction enregistrées au nom de résidents du Québec 37 à la suite de la décision de la Cour suprême du Canada statuant que le Québec n'avait pas droit aux données du RCAF 38.

2.5  Accès aux données du Registre canadien des armes à feu par le Québec (art. 8 et 9 du projet de loi)

Le paragraphe 8(1) du projet de loi prévoit que le commissaire aux armes à feu doit fournir au ministre du gouvernement du Québec responsable de la sécurité publique (ministre du Québec), sur demande écrite de ce dernier, une copie des registres et fichiers qui se trouvaient dans le RCAF le 3 avril 2015 et qui concernent les armes à feu qui, à cette date, étaient enregistrées en tant qu'arme à feu sans restriction.

Il est précisé que cette communication des registres et fichiers se fait aux fins de l'exécution de la Loi sur l'immatriculation des armes à feu 39, adoptée par l'Assemblée nationale du Québec en juin 2016, qui crée des obligations d'immatriculation des armes à feu sans restriction (telles qu'elles sont définies dans le Code) au Québec.

Le paragraphe 8(2) du projet de loi prévoit que, si le ministre du Québec ne demande pas les registres et fichiers conformément au paragraphe 8(1), le commissaire aux armes à feu doit, par écrit, aviser le ministre du Québec dès qu'il est prêt à les détruire.

Conformément au paragraphe 8(1) du projet de loi, le ministre du Québec a ensuite au plus 120 jours après l'envoi de l'avis écrit prévu au paragraphe 8(2) pour demander une copie des registres et fichiers. L'article 9 du projet de loi prévoit que cette période peut être prolongée de 120 jours par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, par arrêté.

Le paragraphe 8(3) du projet de loi précise que, malgré le paragraphe 29(1) de la LARA autorisant la destruction des fichiers et registres, le commissaire aux armes à feu ne peut procéder à la destruction des registres et fichiers qu'après en avoir fourni une copie au ministre du Québec, si celui-ci en a fait la demande, ou après le 120e jour après que le commissaire lui a donné avis qu'il était prêt à détruire ces registres et fichiers conformément au paragraphe 8(2).


Notes

*  Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.Retour au texte ]

  1. Projet de loi C-52, Loi modifiant le chapitre 6 des Lois du Canada (2012), 1re session, 42e législature. [ Retour au texte ]
  2. Loi sur l'abolition du registre des armes d'épaule, L.C. 2012, ch. 6. [ Retour au texte ]
  3. Loi no 1 sur le plan d'action économique de 2015, L.C. 2015, ch. 36, art. 230 et 231. [ Retour au texte ]
  4. Loi sur l'accès à l'information (LAI), L.R.C. 1985, ch. A-1. [ Retour au texte ]
  5. Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, ch. P-21. [ Retour au texte ]
  6. La Gendarmerie Royale du Canada (GRC) est responsable du Programme canadien des armes à feu (PCAF) depuis 2006. Voir Gendarmerie royale du Canada, Historique du contrôle des armes à feu au Canada jusqu'à la Loi sur les armes à feu, inclusivement; ainsi que Gendarmerie royale du Canada, Rapport du commissaire aux armes à feu de 2016 :
    Le Centre des armes à feu Canada (CAFC) a été mis sur pied en 1996 en tant qu'organisme autonome sous la responsabilité du ministère de la Justice, pour superviser l'application de la Loi sur les armes à feu. En 2003, il est devenu un organisme indépendant relevant du ministère du Solliciteur général, et un premier commissaire aux armes à feu a été nommé. En 2006, le Programme a été intégré à la GRC, mais il continue de relever du commissaire aux armes à feu, qui est aussi le commissaire de la GRC.
    [ Retour au texte ]
  7. Loi sur les armes à feu, L.C. 1995, ch. 39, art. 93. [ Retour au texte ]
  8. Tanya Dupuis et Christine Morris, Résumé législatif du projet de loi C-42 : Loi modifiant la Loi sur les armes à feu et le Code criminel et apportant des modifications connexe et corrélative à d'autres lois, publication no 41-2-C42-F, Ottawa, Service d'information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 15 avril 2015. [ Retour au texte ]
  9. Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu (Can.), 2000 CSC 31; et Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, ch. 3 (R.U.), par. 91(27). [ Retour au texte ]
  10. Tanya Dupuis, Cynthia Kirkby et Robin MacKay, Résumé législatif du projet de loi C-19 : Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les armes à feu, publication no 41-1-C19-F, Ottawa, Service d'information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 1er novembre 2011; et Loi sur l'abolition du registre des armes d'épaule, art. 29. [ Retour au texte ]
  11. Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada, L.C. 2004, ch. 11. [ Retour au texte ]
  12. Voir Dupuis, Kirkby et MacKay (2011) :
    [L]e paragraphe 6(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels oblige les institutions fédérales à conserver après usage les renseignements personnels utilisés à des fins administratives pendant une période, déterminée par règlement, suffisamment longue pour permettre à l'individu qu'ils concernent d'exercer son droit d'accès à ces renseignements. Aux termes du paragraphe 6(3), les institutions fédérales doivent procéder au retrait de ces renseignements personnels conformément aux règlements et aux instructions ou directives applicables du ministre désigné. En outre, aux termes des articles 12 et 13 de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada, l'élimination ou l'aliénation des documents fédéraux ou ministériels est subordonnée à l'autorisation écrite de l'administrateur général ou de son délégué, et les documents qui, de l'avis de l'administrateur général, présentent un intérêt historique ou archivistique peuvent être transférés sous sa garde ou sa responsabilité.
    [ Retour au texte ]
  13. Projet de loi C-19, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les armes à feu, 1re session, 41e législature. [ Retour au texte ]
  14. Québec (Procureur général) c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 14, par. 2. [ Retour au texte ]
  15. Ibid. [ Retour au texte ]
  16. Ibid., par. 3. [ Retour au texte ]
  17. Canada (Commissaire à l'Information) c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 803. [ Retour au texte ]
  18. Loi no 1 sur le plan d'action économique de 2015, L.C. 2015, ch. 36. [ Retour au texte ]
  19. Tiré de Résumé législatif du projet de loi C-59 : Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en œuvre d'autres mesures, publication no 41-2-C59-F, Ottawa, Service d'information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 12 mai 2015. [ Retour au texte ]
  20. Ibid. [ Retour au texte ]
  21. Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25, par. 40 et 79. [ Retour au texte ]
  22. LAI, par. 2(1). [ Retour au texte ]
  23. L'art. 3 de la LAI précise les institutions fédérales visées par la Loi. [ Retour au texte ]
  24. Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27. [ Retour au texte ]
  25. Les exceptions « autorisent ou obligent les institutions à refuser la communication d'un éventail de documents et de renseignements », alors que les exclusions « prévoient que la Loi ne s'applique pas à certains documents ou renseignements », voir Commissaire à l'information du Canada, Viser juste pour la transparence – Recommandations pour moderniser la Loi sur l'accès à l'information pdf (1.04 mo, 112 pages), 2015, p. 38. [ Retour au texte ]
  26. LAI, par. 54(1). [ Retour au texte ]
  27. Commissariat à l'information, Enquête sur une demande d'accès à l'information concernant le registre des armes d'épaule, rapport d'enquête – 3212-01427, mai 2015. [ Retour au texte ]
  28. Commissariat à l'information du Canada, Rapport annuel 2015-2016. [ Retour au texte ]
  29. Canada (Commissaire à l'Information) c. Canada (Sécurité publique et Protection civile); et Commissariat à l'information du Canada, Rapport annuel 2015-2016. Dans le Rapport annuel 2015-2016, la commissaire précise que cette ordonnance a été respectée. [ Retour au texte ]
  30. Commissariat à l'information du Canada, Rapport annuel 2014-2015. [ Retour au texte ]
  31. Ibid. [ Retour au texte ]
  32. Ibid. Voir Canada (Commissaire à l'Information) c. Canada (Sécurité publique et Protection civile). [ Retour au texte ]
  33. Commissariat à l'information du Canada, Rapport annuel 2015-2016. [ Retour au texte ]
  34. Ibid. [ Retour au texte ]
  35. Commissariat à l'information du Canada, Rapport annuel 2016-2017. [ Retour au texte ]
  36. Canada (Commissaire à l'Information) c. Canada (Sécurité publique et Protection civile). [ Retour au texte ]
  37. Ibid. [ Retour au texte ]
  38. Québec (Procureur général) c. Canada (Procureur général), par. 3. [ Retour au texte ]
  39. Loi sur l'immatriculation des armes à feu, LQ 2016, ch. 15. [ Retour au texte ]

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